2014_Note herpeto iles kuriat chebba el hmam

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2014_Note herpeto iles kuriat chebba el hmam
NOTE NATURALISTE
Octobre 2014
Inventaire herpétologique des
îles de la Baie de Monastir et
de la Chebba
Compte-rendu de prospections
Préconisations de gestion
Vincent RIVIERE (AGIR écologique)
Pietro LO CASCIO (Association Nessus)
En collaboration avec :
Avec le soutien de :
Citation du document
Pour des fins bibliographiques, citer le présent document comme suit :
RIVIERE V., LO CASCIO P., 2014. Inventaire herpétologique des îles de la baie de Monastir ; Compte-rendu de
prospections ; préconisations de gestion. Initiative PIM. 24 p.
Résumé / Abstract
RESUME : Cette mission d’expertise s’est déroulée
du 27 au 29 mars 2014, sur les îles du littoral de
Monastir et de la Chebba (Tunisie). Ont ainsi été
prospectées les îles de Chebba, de Kuriat et l’îlot El
Hmam. Cette note traire principalement des aspects
herpétologiques de ces territoires, et proposent des
pistes de gestion au regard de ces évaluations
sommaires.
Ces prospections ont permis de découvrir deux
espèces jusqu’alors non documentées sur les îles du
littoral
tunisien :
Tarentola
fascicularis
et
Trachylepis
vittata.
Le
principal
enjeu
herpétologique repose sur la présence de la Tortue
caouanne, Caretta caretta, dont la reproduction est
avérée sur les îles Kuriat et potentielle sur les îles
Chebba. Au regard de l’importance nationale de ces
deux sites de ponte et des pressions exercées sur les
individus à terre comme en mer, il est urgent
d’envisager la protection réglementaire de ces
territoires.
Mots-clés : Tunisie, Monastir, Chebba, Kuriat,
reptiles, conservation, Tarentola fascicularis,
Trachylepis vittata, Caretta caretta
ABSTRACT : This mission took place from the 27th to
the 29th of March 2014, on the island located along
the coast of Monastir and of La Chebba (Tunisia).
Chebba’s island, Kuriat archipelago and the island
called « El Hmam » habe been explored. This paper
addresses mainly herpetological aspects of the
territories, and suggest ways of managment under
these summary evaluations.
These surveys have revealed two species not
previously documented on the islands of the Tunisian
coast: Tarentola fascicularis and Trachylepis vittata.
From the herpetological point of view, the main
conservation issue is the presence of the loggerhead
turtle, Caretta caretta, which reproduction is known
to occur on the both island of Kuriat archipelago and
supposed on the Chebba islands. Given the national
importance of these two nesting sites and pressures
on individuals on land and at sea, there is an urgent
need for regulatory protection of these territories.
Key-words : Tunisia, Monastir, Chebba, Kuriat,
reptiles, conservation,
Tarentola fascicularis,
Trachylepis vittata, Caretta caretta
Données synthétiques sur la mission
Lieu : Iles et ilots du littoral central de la Tunisie
Archipel des Kuriat, île El Hmam (Monastir) et îlots d’Echebba
Dates : 27 au 30 Mars 2014
Liste des participants :
Romain SAUVE
Aymen KILANI
Laetitia HUGOT
Mahdi BEZI
Vincent RIVIERE
Pietro LO CASCIO
Sami BEN HAJ
Awatef ABIADH
Hichem AZAFZAF
Imed JERIBI
Aissa MOALI
Jamel JERIJER
John BORG
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CONTEXTE
L’Initiative pour les Petites Iles de
Depuis
2006,
le
Méditerranée
Conservatoire du littoral coordonne un
programme international de promotion et
d’assistance à la gestion des microespaces insulaires méditerranéens, baptisé
Initiative PIM pour les Petites Iles de
Méditerranée, co-financé par le Fonds
Français pour l’Environnement Mondial
(FFEM) et l’Agence de l’Eau Rhône
Méditerranée-Corse.
L'Initiative
PIM
développe un dispositif d'échange et de
partage des connaissances nécessaires à
l'émergence de bonnes pratiques de
gestion sur des espaces exceptionnels.
A l'occasion de missions de terrain et de
formations,
gardes,
techniciens,
scientifiques, naturalistes, gestionnaires,
administrations
et
associations
se
retrouvent pour promouvoir la protection
des petites îles de Méditerranée et mettre
en place des actions de gestion concrètes,
ayant un impact positif sur les
écosystèmes,
la
biodiversité,
les
ressources naturelles et les usages.
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Partenariat Cette mission effectuée sur
les îles situées sur les côtes de Monastir et
de Chebba et qui a été exécutée
simultanément avec une seconde mission
sur les îlots Nord Est de Kerkennah,
s’inscrit dans le cadre de la coopération
entre le Conservatoire du littoral, l'Agence
de Protection et d'Aménagement du
Littoral et le Centre d’Activités Régionales
pour les Aires Spécialement Protégées,
dans la perspective du classement de ces
territoires insulaires en Aires Protégées
Marines et Côtières. En améliorant les
connaissances sur le patrimoine naturel
terrestre des îlots prospectés, ces 2
missions permettront également de
contribuer
au
projet
d'Atlas
encyclopédique PIM pour compléter l'état
des connaissances sur les îles et îlots du
sous-bassin "Tunisie-Est".
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SOMMAIRE
Citation du document....................................................................... 2
Objectifs de la mission ..................................................................... 5
Méthodologie ................................................................................. 6
1.Intervenants .......................................................................................... 6
2.Méthodes de prospection .......................................................................... 6
3.Date et durée des prospections................................................................... 7
Résultats des inventaires ................................................................... 8
1. Iles d’Echebba (ou Chebba)....................................................................... 8
1.1 Description ................................................................................... 8
1.2 Espèces observées .......................................................................... 9
1.3 Espèces suspectées ....................................................................... 10
2. Archipel des îles Kuriat .......................................................................... 11
2.1 Description ................................................................................. 11
2.2 Espèces présentes ......................................................................... 14
2.3 Espèces suspectées ....................................................................... 17
3.Île d’El Hmam (=île aux Pigeons) ............................................................... 17
3.1 Description ................................................................................. 17
3.2. Espèces observées ....................................................................... 18
Conclusion sur les peuplements observés.............................................. 18
Préconisations de gestion et de suivis.................................................. 20
1.Îlots Chebba ........................................................................................ 20
2.Iles Kuriat ........................................................................................... 20
3.Ilot El Hmam ....................................................................................... 21
Remerciements ............................................................................ 21
Bibliographie ............................................................................... 22
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Objectifs de la mission
Cette mission s’intègre dans une démarche régionale d’amélioration des connaissances et d’appui à
la gestion des espaces insulaires méditerranéens, l’initiative PIM (Petites Iles de Méditerranée),
démarche portée par le Conservatoire du littoral. Cette mission fait suite à une précédente mission
organisée sur ce même territoire en avril 2013, reportée en raison des conditions climatiques
défavorables n’ayant pas permis aux experts mobilisés de prospecter ces territoires.
En mars 2014, profitant de conditions climatiques plus clémentes durant la majeure partir de la
mission, des prospections ont pu être effectuées sur les territoires suivants :
-
Iles d’Echebba (ou Chebba) : îlot Jbel et îlot Gataya
-
Archipel des îles Kuriat : Petite et Grande Kuriat
-
Littoral de Monastir : île Hmam (=île aux Pigeons)
L’objet de cette note vise essentiellement à la mise à jour des connaissances des cortèges
herpétologiques sur ces îles et îlots, dans le but de contribuer à la diffusion de la connaissance
scientifique, participant ainsi à l’un des objectifs porté par l’initiative PIM. Au-delà de cette mise à
jour, les auteurs tentent d’apporter un certain nombre d’éléments de réflexions, s’appuyant sur
leur connaissance de l’écologie des territoires insulaires et des échanges croisés entre les différents
participants à cette mission et autres partenaires, afin d’orienter la gestion de ces territoires au
regard de leur situation et leur sensibilité.
Figure 1 : Localisation des secteurs insulaires prospectés dans le cadre de cette mission
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Méthodologie
1.
Intervenants
Une équipe de naturaliste pluridisciplinaire a été mobilisée lors de cette mission. Au sein de
l’équipe, les herpétologues, rédacteurs de cette note, avaient par ailleurs été mobilisés lors de la
mission de 2013 :
-
Pietro LO CASCIO, association NESOS, recherches insulaires (Lipari, Italie)
-
Vincent RIVIERE, expert associé de l’initiative PIM, dirigeant associé de la société
AGIR écologique (France)
Le professeur Imed Jribi, de l’université de Sfax, spécialiste de la Tortue marine Caretta caretta,
et habitant le secteur, a participé à toutes les prospections. Cette note intègre ses remarques et
précisions sur les enjeux liés aux Tortues marines.
2.
Méthodes de prospection
Les prospections diurnes ont été effectuées le long de transects déterminés en fonction de la
physionomie de chaque île. Ces transects, dont la longueur et la nature diffère d’un territoire à un
autre, ont pour objectif de permettre aux herpétologues de parcourir chaque grand type d’habitat.
Etant donnée la grande diversité de surface des îles parcourues, la pression de prospection n’a pu être
standardisée.
Plusieurs méthodes de prospections ont été appliquées :
-
Recherche à vue, voire à l’aide de jumelles, de reptiles en activité (déplacements,
insolation…)
-
Fouille de gîtes : les gîtes temporaires sont fouillés méticuleusement en veillant à ne
pas les détruire, qu’il s’agisse de blocs rocheux, murets, terriers et garennes.
-
Recherche d’indices de présence : les fèces, les mues ou encore les traces de
reptations laissées au sol peuvent s’avérer être de précieuses indications pour
permettre, à défaut de déterminer l’espèce, de localiser une zone d’activité de
reptiles.
Les pièces d’eaux douces ou faiblement saumâtres, quand celles-ci étaient présentes, ont été
prospectées dans le but d’identifier la présence d’amphibiens ou de tortues d’eaux douces.
Une prospection nocturne à l’aide d’une lampe à LED a été réalisée sur l’île de la Grande Kuriat.
Exceptés la prospection nocturne de l’île de Kuriat et la prospection de l’île El Hmam, les deux
observateurs ont systématiquement réalisé leurs prospections ensemble.
Des clichés des chaque espèce observée sur les îles Kuriat et îles d’Echebba ont été effectués.
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Des prélèvements de tissus de chaque espèce ont été conservés dans l’alcool, afin d’être transmis et Mr
Philippe Geniez - EPHE de Montpellier.
Figure 2 : Prise de clichés suite à la capture d’une nouvelle espèce sur l’île de la Petite Kuriat (en
l’occurrence – Malpolon insignitus). (crédit photo : Romain Sauve, 2014)
Les résultats présentés ici sont issus des observations directes des deux herpétologues, auxquelles sont
ajoutées les observations effectuées par les autres naturalistes de la mission, contribuant ainsi à
multiplier les observations. Toutes les données apportées par les autres intervenants ont été intégrées
après validation de clichés pris sur place.
3.
Date et durée des prospections
Tableau 1 : Durée, méthode et conditions de prospection
Date
Durée
Méthodes
Observateurs
Conditions
favorables*
27/03/2014
Env. 1h30
Transect
diurne
PLoC
VR
Oui
Gataya (Iles
Chebba)
27/03/2014
Env. 1h
Transect
diurne
PLoC
VR
Non
(prospections trop
tardives)
Grande Kuriat
(Iles Kuriat)
28/03/2014
1 journée
Transect
diurne
PLoC
VR
Oui
Grande Kuriat
(Iles Kuriat)
28/03/2014
2h
Transect
nocturne
VR
Non
(températures peu
favorables)
29/03/2014
4h
PLoC
VR
Oui
29/03/2014
45’
VR
Oui
Titre
Jebel (îles
Chebba)
Petite Kuriat (Ile
Kuriat)
Ile El Hmam
(Monastir)
Transect
diurne
Transect
diurne
PLoC : Pietro Lo Cascio / VR : Vincent Rivière
*Appréciation des observateurs, en fonction des conditions de températures, de vent...
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Résultats des inventaires
1.
Iles d’Echebba (ou Chebba)
1.1 Description
Tableau 2 : Données géographiques générales des îles de Chebba (source : http://initiative-pim.org)
Titre
Coordonnées Lat/lon
(Wgs 84)
Surface (ha)
Distance à la côte
(Miles nautiques)
Gataya
Ilot inconnu
Jbel
N 35.225835°/ E
11.158252°
22.08 ha
N 35.215442° / E
11.158727°
0.89 ha
N 35.208789°/ E
11.16558°
7.3 ha
0.027 M
0.603 M
1.157 M
Cette archipel situé à l’extrémité du Port d’Echebba,
entre l’archipel des îles Kuriat (environ 63 km au nord) et
l’archipel des îles Kerkennah (environ 40 km au sud). Il
est constitué de 3 îles et îlots de faible surface : Gataya
à l’extrémité nord-ouest, séparé du port de pêche par un
chenal de quelques mètres, et prolongé à l’est d’une
digue et vers le sud d’une flèche sableuse (localement
appelée îlot de Rass Kabo), Jbel à l’extrémité sud-est de
l’archipel, et un îlot inconnu entre ces deux derniers.
Seuls les îlots de Gataya et Jbel ont pu être parcourus lors
de cette mission. Ces îlots sableux ont une morphologie
linéaire assez similaire : le rivage Est est constitué de
banquettes de posidonies, protégeant et permettant un
dépôt sableux et la constitution d’un haut de plage
végétalisé, tandis que le rivage opposé, abrité, est vaseux
et constitué d’herbiers marins (Cymodocées notamment).
Entre ces deux habitats se développe une sansouïre d’une
surface plus ou moins importante. De la même manière,
les dépôts sableux sont parfois présents sur quelques
mètres carrés (Jbel), ou prolongés par un dépôt fixé par
une végétation halophile psammophile (sur l’île de
Gataya).
Figure 3 : carte de localisation des îles
d’Echebba
Ces trois îles d’origine continentale s’élèvent très
faiblement au-dessus du niveau de la mer (maximum 2
mètres pour Gataya). L’aménagement du port (digue et
chenal) ont sans doute fortement influencé la
courantologie locale et la dynamique sédimentaire de ces
îlots, particulièrement vulnérables à l’érosion du fait de
leur très faible topographie.
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Aucune habitation fixe ou temporaire n’est recensée sur ces îlots. La principale source de nuisance
observée est liée à la sédimentation des déchets solides sur le littoral exposé (particulièrement sur l’îlot
Jbel). Les îles sont fréquentées occasionnellement par les pêcheurs, mais leur accès reste limité du fait
de la très faible bathymétrie du trait de côte, ne permettant pas aux bateaux d’accoster directement
sur les plages sableuses. La présence de Rats (Rattus rattus sur Jbel et Rattus norvegicus sur Gataya)
n’avait pas été documentée avant cette mission, mais a pu être confirmée par les spécialistes de
l’équipe (Jamel Jrijer, Awatef Abiadh comm. pers.).
Figures 4a, b, c : Physionomie de la végétation sur l’île Jbel (en haut à g.) et sur l’île de Gataya (en bas à g.).
Promontoire sur lequel ont été collectées des pelotes de Faucon pèlerin sur Gataya (à d.).
(crédits photo : V. Rivière, 2014)
1.2 Espèces observées
Les prospections se sont déroulées en milieu d’après-midi sur l’îlot Jebel, puis en fin d’après-midi
jusqu’à la tombée de la nuit sur l’îlot Gataya. Seules deux espèces ont pu être observées : Trachylepis
vittata et Chalcides ocellatus, toutes deux sur l’îlot Jbel. Des adultes des jeunes individus des deux
espèces ont été capturés. Ces deux scincidés ont été observés dans le même habitat : sur le haut de
plage, au pied des touffes de Salsola, entre les banquettes de Posidonie et la sansouïre. Si Chalcides
ocellatus est l’un des reptiles parmi les plus fréquemment observés sur les îles du littoral d’Afrique du
Nord, il s’agit de la première mention de Trachylepis vittata sur les îles tunisiennes.
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Figures 5a, b, c. Trachylepis vittata (en haut à g.),
Chalcides ocellatus (en haut à d.) et leur habitat sur
l’îlot Jbel (en bas à g.)
(crédit photo : Pietro Lo Cascio)
1.3 Espèces suspectées
Les prospections ayant été réalisées sur Gataya à une heure trop avancée de l’après-midi pour être
favorables à l’exploration herpétologique, aucune espèce de reptile n’a été observée sur l’îlot. Par
ailleurs, vue la proximité de ce dernier avec le port de Chebba, dont l’îlot n’est distant que d’une
cinquantaine de mètres, l’exercice prédictif qui consiste à proposer une liste d’espèce potentielle est
encore plus périlleux, dans un contexte ou l’introduction d’espèces est particulièrement facilité par la
proximité de l’île avec le continent. Aussi, nous considérerons qu’à minima, le même cortège que celui
observé sur Jbel est présent sur Gataya.
Selon le Pr. Imed Jribi, la configuration du trait de côte de ces îlots est particulièrement favorable à la
reproduction de la Tortue Caouanne, Caretta caretta, dans la mesure où des zones de ponte de cette
dernière sont connues plus au nord (îles Kuriat) et au sud (archipel des Kerkennah).
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2.
Archipel des îles Kuriat
2.1 Description
Cet archipel est constitué de deux îles, la
Grande Kuriat (ou Qûriya el Kbira), d’une
surface d’environ 250 ha, distante de 3 km
de la Petite Kuriat, d’une superficie plus
modeste (environ 50 ha), situées au large de
Monastir (7,1 Mile nautique pour la plus
proche). Elle marque l’extrémité sud du
Golfe de Hammamet.
La bathymétrie séparant les îles du continent
est très faible. Un haut fond relie les îles au
continent vers Ras Dimes (flèche sableuse au
sud de Monastir). La Petite Kuriat pouvait
apparemment être atteinte à pied par ce
haut-fond dans l’antiquité, alors que le
niveau de la mer était plus bas de quelques
mètres (Thetis, 2014). Cette possibilité
semble encore exister, bien que l’accès ne
puisse être effectué hors d’eau.
Tableau 3 : Données géographiques générales
des îles Kuriat (source : http://initiativepim.org)
Grande
Kuriat
Petite
Kuriat
Coordonnées Lat/lon
(WGS 84)
N 35.7969°/
E 11.033°
N 35.7675°/ E
11.0083°
Surface (ha)
251,3 ha
49,6 ha
Distance à la côte
(Miles nautiques)
9,1 M
7,1 M
Titre
Figure 6 : Localisation des îles Kuriat
L’altitude de ces deux îles sableuse est particulièrement faible (maximum 5 mètres pour la Grande
Kuriat), et l’on y retrouve sensiblement la même structure d’habitats :
-
La bordure côtière, constituées de banquettes de Posidonie et/ou de plages de sable.
Une flèche sableuse s’étend au sud-ouest de l’île de la Petite Kuriat,
-
les dunes, dont la partie supérieure est colonisée par les Tamaris (notamment sur la
Petite Kuriat).
-
les habitats de garrigues, constitués d’une végétation arbustive et d’un couvert
d’herbacée peu diversifié sur un matériau grossier (grès et roches carbonatées),
présentant parfois des blocs rocheux et du sédiment consolidé (uniquement sur la
Grande Kuriat)
-
les sebkhas (mares temporaires salées), cuvettes naturelle sans végétation dans les
parties basses, prolongées dans les parties supérieures par la sansouïre, constituée de
formations à Salicornia, Atriplex et Salsola,
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-
et les habitats anthropiques, très limités, concentrés principalement autour du phare
sur la Grande Kuriat, et le long du littoral nord de la Petite Kuriat (essentiellement des
paillottes d’accueil du tourisme balnéaire).
La présence humaine sur la Grande Kuriat est permanente mais de faible ampleur. La garnison restreinte
(5 militaires) est localisée dans le phare et ses annexes. La présence de la garnison militaire semble
d’ailleurs influencer le tourisme balnéaire, peu développé sur la Grande Kuriat, tandis qu’il s’agit de la
principale activité terrestre sur la Petite Kuriat. L’accès par bateau sur cette dernière en période
estivale entraîne une surfréquentation du littoral, sur lequel on dénombre jusqu’à 500 personnes par
jour (Thetis, 2014), soit une fréquentation touristique de l’ordre de 45 000 personnes par an sur
l’ensemble de la période estivale (Hached, in Thetis, 2014). Cette activité entraîne une modification des
paysages, avec l’installation de paillotes sur le littoral Est de la Petite Kuriat, et le dépôt de déchets
solides à l’arrière de ces paillottes.
Les deux îles sont des zones de pêche reconnues par les pêcheurs traditionnels locaux.
Plusieurs sources historiques attestent de la présence ancienne d’hommes sur ces îles, documentée par
ailleurs (Scalia, 1984). Les vestiges du port Punique et les ruines de camp de pêcheurs, respectivement
sur la Grande et Petite Kuriat, sont encore présents.
Figure 7 : végétation de la Grande Kuriat, vue du phare (crédit photo : Vincent Rivière, 2014)
La reproduction des Goélands leucophée est attestée sur les deux îles, mais la densité semble largement
plus importante sur la Petite Kuriat que sur la Grande, sans facteur évident expliquant cette différence
de densité. On note également la présence de Rat (Rattus rattus), d’introduction sans doute plus
récente sur la Grande Kuriat (Prof. Jribi et Jrijer, comm. pers.) et de lapins de Garenne (Oryctolagus
cuniculus), mais l’influence de ce dernier était moins remarquable sur la Grande Kuriat que sur la
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Petite, ce qui manifestement ne correspond pas aux observations de l’équipe du Prof. Jribi (2013). Il est
fort probable que les effectifs de cette espèce varient fortement d’une année sur l’autre. Enfin, deux
autres mammifères sont présents sur la Grande Kuriat : un troupeau d’une cinquantaine de chèvres
(ayant atteint environ 200 têtes), élevé par les militaires, et deux ânes, cantonnés dans la cour du
phare. Les chèvres sont regroupées la nuit à proximité du phare, entraînant un surpiétinement et une
modification de la végétation (plus de plantes nitrophiles et d’espèces moins appétentes, comme
l’Arisarum sp.), et pâturent librement la journée sur l’île. L’alimentation des ânes est essentiellement
constituée de foin importé du continent. On note également la présence de poules (une dizaine
observées), à proximité du phare.
Figures 8a, b : âne pâturant dans l’enceinte du phare (à g.) et reposoir des chèvres à l’extérieur (à d.)
(crédit photo : Vincent Rivière, 2014)
L’absence de troupeau sur la Petite Kuriat permet finalement de mesurer indirectement l’impact du
pâturage sur la végétation. Cette dernière, soumise à une plus faible pression, semble mieux s’exprimer,
et les dunes semblent remarquablement conservées, notamment à la pointe nord de l’île, rivage
présentant le moins de traces d’aménagements liés à l’accueil du tourisme estival.
Figures 9a, b : végétation d’arrière dune (à g.) et paillotte (à d.) sur la Petite Kuriat
(crédit photo : V. Rivière, 2014)
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2.2 Espèces présentes
Les résultats présentés ci-dessous sont issus de prospections diurnes (environ une journée) à deux
herpétologues sur chaque île. L’île de la Grande Kuriat a fait également l’objet d’une prospection
nocturne.
Sur la base de ces premiers résultats, on remarque que le peuplement herpétologique des deux îles assez
différent, malgré la similitude d’habitats et leur relative proximité. On remarque notamment quelques
éléments marquants :
- La présence du Seps ocellé, Chalcides ocellatus uniquement sur la Petite Kuriat
-
La présence de Mesalina oliveri et Tarentola fascicularis uniquement sur la Grande
Kuriat
Mesalina oliveri est connu sur îles du littoral tunisien grâce à l’important travail de recherche et de suivi
mené par Kalboussi et Nouira sur les îles Kerkennah (2004a,b). Sa présence sur la Grande Kuriat n’a en
ce sens rien d’étonnant. L’espèce a été observée à plusieurs reprises dans les habitats buissonneux de
garrigues, voire de sansouire.
Figures 10a, b : Mesalina oliveri (à g.) – Grande Kuriat ; et Chalcides ocellatus (à d.) Petite Kuriat
(crédits photo : Pietro Lo Cascio, 2014 – Romain Sauve, 2014)
A contrario, la présence de Tarentola fascicularis est particulièrement intéressante. L’espèce n’a jamais
été identifiée sur les îles et îlots tunisien jusqu’à présent, même si la récente étude de Wided Tlili (Tlili
et al., 2012) la mentionnait sur les îles de Djerba et Kerkennah. Lors de la mission organisée sur les
petites îles de l’archipel des Kerkennah concomitamment à celle-ci, des échantillons de tissus de
Tarente ont été prélevés sur place en vue d’analyser génétiquement et de confirmer là encore la
présence de T. fascicularis (Corti comm. pers.).
L’espèce a longtemps été considérée comme une sous-espèce de Tarentola mauritanica, et sa
distinction récente ne permet pas d’identifier clairement les limites de son aire de répartition. Pour
autant, on sait que l’espèce est présente dans la partie orientale de l’Afrique du Nord (Egypte et Lybie),
et rencontre sa limite d’aire nord-ouest en Tunisie centrale, où elle est sympatrique de T. mauritanica.
Malgré ces différences notoires, certaines espèces sont communes aux deux îles:
-
L’Hémidactyle verruqueux, Hemidactylus turcicus, fréquent à proximité des zones
habitées et dans les déchets (Grande Kuriat et Petite Kuriat), ainsi que dans la
garrigue (Grande Kuriat)
-
Trachylepis vittata, scinque déjà rencontré sur l’île de Jbel (îles de Chebba), présent
dans les habitats de sansouïres buissonnantes
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Figures 11a, b : Tarentola fascicularis (à g.) et Hemidactylus turcicus juvenile (à d.) sur l’île de la Grande
sKuriat
(crédits photo : Pietro Lo Cascio, 2014)
Un seul serpent a été identifié sur ces îles, Malpolon insignitus, espèce observée uniquement sur la
Petite Kuriat (2 individus). L’un des deux individus capturés présentait des marques de blessures
importantes, qui peuvent être attribuées aux Goélands et/ou aux Rats.
L’espèce n’a pas été observée sur la Grande Kuriat, mais elle est suspectée (aux dires des différents
observateurs, mentionnant un serpent brun-vert sur l’île, qu’on peut attribuer aux couleurs habituelles
de M.insignitus). Interrogés à ce sujet, les militaires de la Grande Kuriat n’ont pas signalé la présence de
l’espèce. Quoiqu’il en soit, si l’espèce devait être avérée, sa densité est particulièrement faible sur la
Grande Kuriat.
Figure 12 : Malpolon insgnitus, individu capturé sur l’île de la Petite Kuriat
(crédit photo : Romain Sauve, 2014)
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Le principal enjeu herpétologique de l’archipel réside dans la ponte (le long des rivages sableux ouest et
sud sur le Grande Kuriat et nord-est sur la Petite Kuriat) de la Tortue caouanne, Caretta caretta, classée
parmi les espèces « En danger » selon l’UICN. L’espèce bénéficie de multiples classements traduisant son
enjeu de conservation en Méditerranée et au-delà : elle est citée en annexe 2 de la convention de
Barcelone, en annexe 2 de la convention CITES, en annexe 1 et 2 de la convention de Bonn et en annexe
2 de la convention de Berne. Au niveau strictement européen, l’espèce est également citée en annexe 2
et 4 de la Directive Habitats. Il s’agit d’une espèce très vulnérable, dont les effectifs semblent diminuer
d’année en année. Selon le Professeur Imed Jribi, dont l’équipe suit cette population depuis 18 ans (Jribi
et al, 2002, 2006), les îles Kuriat représentent le plus important site de ponte à l’échelle du Maghreb et
de l’ouest méditerranéen. A une plus large échelle, ce site reste cependant un site mineur au regard de
l’importance des sites de ponte connus sur le littoral de la Lybie, de la Grèce, puis de la Turquie et de
Chypre (Jribi comm. pers.).
La fréquentation par l’espèce fluctue d’une année sur l’autre, avoisinant les 13 et 9 sites de pontes en
2013, respectivement sur la Grande et la Petite Kuriat (Jribi & Bradai 2013).
Figures 13a, b : Résultats des suivis menés sur la ponte de la Tortue Caouanne, Caretta caretta
Île de la Grande Kuriat (à g.) et île de la Petite Kuriat (à d.) – source Jribi & Bradai, 2013
A terre, l’espèce est soumise à deux
types de menaces : la perturbation,
voire la destruction des œufs par
mégarde lors de la période de forte
affluence touristique (essentiellement
sur la Petite Kuriat).
De plus, des attaques sur les jeunes
individus à l’éclosion sont relatées
régulièrement par les personnes en
charge des suivis des populations
locales. Des traces d’attaques de rats
ont été rapportées sur la Petite Kuriat
ou la présence de rat est ancienne (Jribi
comm. pers.), comme sur la Grande
Kuriat (3 individus retrouvés morts en
2013, Jrijer comm. pers.), ou la
présence de rat semble récente.
Figure 14 : Cadavres de jeunes émergents attaqués par des rats
(crédit photo : Imed Jribi)
En mer, le professeur Jribi identifie la forte pression de pêche comme une menace directe vis-à-vis de la
population. En effet, les barrages formés par les filets empêchent les femelles d’atteindre les côtes lors
de la ponte, et peuvent entraîner la mortalité des jeunes émergents lors de leur retour à la mer. Des
pratiques de pêches interdites sont également visées.
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Aucun individu n’a été observé au cours des prospections menées dans le cadre de cette mission, trop
précoces au regard de la période de ponte (principale d’activité terrestre de l’espèce). Seule une
carapace a été observée sur l’île de la Grande Kuriat.
2.3 Espèces suspectées
Ce court inventaire ne peut suffire à déterminer le cortège herpétologique de ces deux îles, tant la
surface reste importante et difficile à prospecter de manière homogène en une seule journée
d’inventaire. En effet, les espèces les plus discrètes peuvent passer inaperçu. C’est notamment le cas
pour Malpolon insignitus, fortement suspectée sur la Grande Kuriat. C’est également le cas de Timon
pater, dont on suspecte la présence sur la base de la description et du témoignage de Sami Ben Haj,
observation non confirmée.
La prospection nocturne orientée vers la recherche du Sthenodactylus stenodactylus, pourtant présent
sur l’archipel des îles Kerkennah, à moins de 150 km au sud, n’a pas permis d’observer cette dernière
sur l’île de la Grande Kuriat.
3.
Île d’El Hmam (=île aux Pigeons)
3.1 Description
L’île d’El Hmam est un très petit îlot, d’une surface de
moins de 1 ha, situé au large de la presqu’ile de Ghedamssi
ou sidi Ghedamssi, rattachée au continent lors de la
récente création de la marina de Monastir, dont il séparé
par une passe de moins de 100 m de large. Il s’agit d’un îlot
rocheux sur lequel une végétation rase de pelouse littorale
se développe. De nature différente des autres sites
prospectés, il est également le plus élevé en altitude (une
dizaine de mètre environ). Notons la présence de vestiges
Puniques (ou antérieur) peu dégradés, sans doute des
chambres funéraires (Haouanet en dialecte arabe),
utilisées actuellement comme abris de pêche ponctuel. Les
quelques détritus observés constituent l’essentiel des
traces de présence contemporaine sur cet îlot. Le seul
oiseau observé sur l’île est le Pigeon biset, Columba livia,
dont les nids sont situés dans les cavités naturelles de la
paroi calcaire surplombant la mer.
Tableau 4 : Données géographiques générales de l’île El Hmam
(source : http://initiative-pim.org)
Titre
Coordonnées Lat/lon
(Wgs 84)
Ilot El Hmam
(ou île aux Pigeons)
N 35.7888°/ E 10.833°
Surface (ha)
0,89 ha
Distance à la côte
(Miles nautiques)
0,05 M
Figure 15 : localisation de l’île El Hmam
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Figures 16a,b : Hypogées (ou Haouanet) (à g.) et pelouse halophile de l’île El Hmam (à d.)
(crédit photo : Vincent Rivière, 2014)
3.2 Espèces observées
Deux reptiles ont été observés sur ce tout petit îlot : l’Hémidactyle verruqueux, Hemidactylus turcicus,
et une Tarente. Aucun cliché, ni aucun prélèvement de tissus de cette dernière n’ayant été effectué au
cours de cette très courte prospection, le rattachement de cette Tarente à l’une ou l’autre des espèces
potentiellement présentes (T. mauritanica ou T. fascicularis) n’a pas été possible.
Conclusion sur les peuplements observés
Sur le plan herpétologique, cette mission a permis de mettre en évidence plusieurs éléments inconnus ou
peu documentés jusqu’à lors. C’est notamment le cas de la présence de Tarentola fascicularis, dont il
s’agit manifestement de la première mention sur une île du bassin ouest méditerranéen. Cependant, ce
taxon et plus globalement la biogéographie des geckos faisant actuellement l’objet travail spécifique, il
est fort probable que de nouvelles mentions sur les îlots du sud tunisien fassent l’objet de prochaines
publications.
Les observations effectuées lors de cette mission soulèvent en parallèles, plusieurs interrogations :
-
Comment Trachylepis vittata et Chalcides ocellatus, les deux espèces de scinques
présentes sur l’îlot Jbel, dont l’écologie semble a priori très proche, considérées
comme similaires par certains auteurs (Schleich et al, 1996), peuvent-elles se
maintenir à long terme dans ce milieu de très faible surface produisant par nature,
une faible ressource trophique ? A moins que cette cohabitation n’entraîne la
disparition de l’une ou l’autre des deux espèces à terme, cela suppose une adaptation
de leurs comportements ou du choix de leurs ressources. Une étude approfondie du
régime alimentaire et du comportement de ces deux espèces pourrait permettre de
mieux cerner les enjeux de cette surprenante cohabitation.
-
La présence de Malpolon insignistus n’a été confirmée que sur la Petite Kuriat, et si
cette dernière devait être confirmée sur la Grande Kuriat, les densités semblent
relativement faibles. Le régime alimentaire de cette couleuvre est généralement
constitué de reptiles, mais peut également intégrer des insectes et mammifères
(Schleich, et al, 1996). Cependant, la faible densité de M. insignitus ne peut
s’expliquer par une faible ressource trophique, car les cortèges herpétologiques des
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deux îles semblent relativement proches. A moins que le régime alimentaire de cette
dernière ne soit lié à la présence en fortes densités de Rat et Lapins sur la petite
Kuriat, ce qui constituerait un contre argument à un potentiel un projet d’éradication
de ces espèces invasives. Là encore, il conviendrait d’étudier les spécificités du régime
alimentaire de cette espèce sur la Petite Kuriat, et d’approfondir les recherches sur la
Grande Kuriat.
Cet inventaire herpétologique permet également d’évaluer certaines idées reçues sous un autre angle.
En effet, certains auteurs présentent la Couleuvre comme un prédateur d’œufs d’oiseaux et de Tortues
(Thetis, 2014). En l’occurrence, vu les densités observées, l’unique espèce identifiée sur la Petite Kuriat
(Malpolon insignitus) n’est pas de nature à prédater les œufs de ces espèces. Au contraire, la différence
de contexte entre les deux îles semble indiquer que la ressource alimentaire de l’espèce est
principalement liée à la densité de mammifères. De plus, l’espèce est soumise à une forte pression de
prédation exercée par les Goélands (certainement concentrée autour des nids en période de
nidification), pression d’autant plus importante que les populations de cette dernière espèce semblent
augmenter.
Le principal enjeu herpétologique de ces missions se concentre autour de la présence de la Tortue
Caouanne, Caretta caretta, espèce protégée au niveau international, dont la conservation est menacée
à l’échelle méditerranéenne. Elle est d’ailleurs classée dans la catégorie « En danger » de l’UICN. Les
îles Kuriat représentent l’un des rares sites de ponte du bassin ouest-méditerranéen et le plus important
de Tunisie. L’espèce est menacée en mer par les pratiques de pêches (filets et pêche illégale) et à
terre, par la fréquentation touristique des plages qu’elle exploite pour la ponte et la prédation des
jeunes par les Rats. L’enjeu que représentent ces deux îles pour la conservation de l’espèce justifie
pleinement la mise en place d’une protection marine et côtière de l’archipel.
Tableau 5 : Espèces observées lors des prospections 2014 et issue de la bibliographie sur les îles du littoral de
Monastir
Jbel
Titre
Gataya
Tarentola fascicularis (Daudin, 1802)
Grande
Kuriat
Petite Kuriat
X
X
X
Tarentola sp.
X
Hemidactylus turcicus L., 1758
Chalcides ocellatus (Forsskål, 1775)
X
(?)
Trachylepis vittata (Olivier, 1804)
X
(?)
X
X
Malpolon insignitus (Geoffroy Saint-Hilaire, 1827)
(?)
Timon pater (Lataste, 1880)
(?)
X : espèce identifiée
(?): espèce potentielle
(?)
(?)
X
X
Mesalina oliveri (Audouin, 1829)
*Caretta caretta (Linnaeaus, 1758)
El Hmam
X
X
X
X
*Donnée bibliographique
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X
Préconisations de gestion et de suivis
1.
Îlots Chebba
Sur le plan herpétologique, les présomptions de reproduction de la Tortue Caouanne méritent d’être
confirmées, dans la continuité des prospections effectuées sur le littoral de la Chebba en 2013 (Jribi,
2014) A cette fin, des campagnes de surveillance au cours des périodes estivales (juin-juillet) sont
nécessaires. Etant donnée les contraintes logistiques probables (absence de local d’accueil sur ces îles,
surveillance continue sur une période relativement étalée), l’appui des structures locales paraît
nécessaire pour la réalisation de ces campagnes, d’autant que des structures telles que l’université de
Sfax disposent des compétences et de l’expérience pour mener à bien ce type de mission. Sous la
supervision de l’APAL, d’autres structures locales pourraient être sollicitées.
Par ailleurs, la mobilisation des chercheurs de l’université pourrait également permettre de poursuivre
la réflexion sur les relations interspécifiques entre les deux espèces de scincidés, Trachylepis vittata et
Chalcides ocellatus, en évaluant notamment la répartition des ressources entre ces deux espèces
relativement similaires sur le plan biologique.
Etant donnée les faibles enjeux touristiques et stratégiques de ces îles, leur protection réglementaire
pourrait être facilement envisagées, appuyée par sur les résultats des campagnes de surveillance de
sites de ponte des Tortues Caouanne.
2.
Iles Kuriat
L’importance de l’archipel pour la reproduction des Tortues Caouanne est manifestement le principal
enjeu herpétologique observé. Cependant, la présence relativement récente du Rat noir sur la Grande
Kuriat, dans un contexte ou la prédation de cette espèce sur les jeunes émergents de Tortue caouanne
est connue, tend en faveur d’un projet d’éradication urgent. Même s’il s’agit d’un projet de grande
ampleur, les caractéristiques topographiques de l’île permettent d’envisager la réalisation d’un tel
projet. Cependant, il conviendra également d’identifier les sources de ré-introduction possible du Rat,
et de les endiguer. Par ailleurs, la contribution du Rat noir dans la dissémination des Griffes de sorcière
est un argument supplémentaire en faveur d’une telle éradication, considérant que cette dernière
espèce introduite est aujourd’hui présente, même si une campagne d’arrachage a été menée en mai par
l’association « Notre Grand Bleu ». Une surveillance annuelle des repousses devra également être
envisagée.
Concernant la Petite Kuriat, le contexte est sensiblement différent. Deux arguments tendent à nuancer
l’opportunité de mener ce type de campagne sur le site. Tout d’abord, la forte fréquentation touristique
en dehors de toute réglementation, représente une source potentielle de ré-infestation par l’espèce.
Ensuite, la présence avérée de la Couleuvre Malpolon insignitus, dont le Rat peut constituer une partie
du régime alimentaire, doit inciter à une certaine vigilance quant aux conséquences que l’éradication du
Rat pourrait entraîner sur la conservation de l’espèce. La disparition d’une espèce, même introduite
établie sur une île reste un bouleversement dans ces écosystèmes simplifiés. Une étude plus approfondie
du régime alimentaire des couleuvres devrait être menée en amont d’une telle opération.
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Cependant, au regard des menaces et pressions à terre comme en mer qui pèsent sur la tortue marine
Caretta caretta se reproduisant sur ces deux îles, et de l’importance nationale de ce noyau de
population pour la conservation de l’espèce sur le territoire tunisien, la préservation de ces territoires
et de leurs enjeux est urgente. Ainsi, la démarche en cours visant à doter cet archipel d’un statut de
protection et d’une unité de gestion, dans le cadre plus global de préservation des sites marin et côtier
du littoral tunisien (Projet Med MPAnet), et dont la rédaction du plan de gestion concertée (Thetis,
2014) constitue la première étape, est particulièrement encourageante.
3.
Ilot El Hmam
La conservation de l’îlot El Hmam ne représente pas une priorité sur le plan herpétologique, ni au niveau
des autres compartiments terrestres : fréquentation faible mais régulière, forte proximité avec le
continent, surface très modeste, faible diversité des habitats... Cependant, cet îlot demeure
remarquable car il présente des falaises littorales calcaires, rares à l’échelle du littoral de Monastir et
plus largement des Golfe de Gabès et de Hammamet. Un inventaire de ses fonds pourrait permettre de
mettre en évidence la qualité et l’état de conservation des fonds et des organismes associés. Enfin, c’est
l’intérêt historique de ce rocher, qui accueille plusieurs loges funéraires apparentées aux Haouanet, qui
mériterait d’être approfondi.
Remerciements
Nous tenons à remercier en tout premier lieu l’équipe de la délégation internationale du Conservatoire
du littoral, et à travers eux toute l’équipe des PIM, pour l’intérêt qu’elle porte aux petites îles. Cette
mission n’aurait pu se réaliser sans le concours et le soutien logistique apporté par l’APAL et par le
CAR/ASP, soucieux de la préservation de ces territoires. Par ailleurs, nous avons pu bénéficier de la très
bonne connaissance du territoire portée par Mr Sami Ben Haj, dont la présence en tant qu’organisateur
pour les PIM et personne ressource a été essentielle. Individuellement, chacun des acteurs ayant
contribué à l’émulation scientifique et la bonne ambiance de cette mission mérite d’être cité ici :
Awatef Abiadh, Hichem Azafzaf, Sami Ben Haj, John Borg, Laetitia Hugot, Imed Jribi, Jamel Jrijer, Aissa
Moali, et Roman Sauve. Enfin, un grand merci à Wided Tlili, Saïd Nouira, Michel Delaugerre et Philippe
Geniez pour leur collaboration.
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Bibliographie
Jribi I, 2014. Nidification de la tortue marine Caretta caretta sur les plages de la Chebba (2013). 17p.
Jribi I., Bradai M. N. & Bouain. A., 2002. Marine Turtles nesting in Kuriat islands (Tunisia) in 2000. Marine
turtle Newsletter. N°96, 2002: 4-6 Margaritoulis et al., 2003
Jribi I., Bradai M. N. & Bouain. A., 2006. Loggerhead Turtle Nesting Activity in Kuriat Islands (Tunisia):
Assessment of Nine Years Monitoring. Marine Turtle Newsletter. 112:112-113.
Jribi I., Bradai M.N., 2013. Suivi de la nidification de la Tortue marine Caretta caretta sur les îles Kuriat
(campagne 2013). INSTM, Faculté des Sciences de Sfax, UNEP-MAP RAC/SPA, 28p.
Kalboussi M. & Nouira S., 2004a. Comparative diet of northern and southern Tunisian populations of
Chalcides ocellatus (Forskal, 1775). Revista Española de Herpetologia, 18: 29-39.
Kalboussi M. & Nouira S., 2004b. Régime alimentaire de Mabuya vittata (Olivier, 1804) (Reptilia:
Scincidae) en Tunisie. Bulletin de la Société herpétologique de France, 109: 43-50.
Scalia G., 1984. Le Kuriate e Pantelleria. Osservazioni onomastico-etimologiche. Bulletin du Cange,
Archivum Latinitatis Medii Aevi, 43: 65-110.
Schleich H.H., Kästle W. & Kabisch K., 1996. Amphibians and Reptiles of North Africa. Koeltz Scientific
Publisher, Koenigstein, 627 pp.
Thetis, 2014. Elaboration d’un plan de gestion pour l’aire marine et côtière protégées des îles Kuriat –
Tunisie. Bilan et diagnostic. Version provisoire. Février 2014. Projet MedMPAnet. PNUE.
CRA/ASP. APAL. 109 p.
Tlili W., Delaugerre M., Ouni R., Nouira S., 2012. Distributional review of the genus Tarentola (Reptilia,
Sauria) in Tunisia (North Africa). Herpetology Notes, volume 5: 485-492
UNEP-MAP RAC/SPA., 2012. Suivi de la nidification de la tortue marine Caretta caretta sur les îles Kuriat
(Campagne 2012).by Imed Jribi. UNEP-MAP RAC/SPA Ed. RAC/SPA-MedMPAnet Project, Tunis:
14 pages.
Vernet R., Grenot C., Nouira S., 1986. Renouvellement de l’eau et bilan énergétique journalier chez
Eremias oliveri et Acanthodactylus pardalis (Sauria, Lacertidae), en milieu naturel. Iles
Kerkennah (Tunisie). Bulletin de la société herpétologique de France, 36, pp13-19.
Sites internet consultés
The IUCN Red List of Threatened Species. Version 2014.1. <www.iucnredlist.org>
Texte et annexes de la Convention de Berne :
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/104.htm#ANX
Appendices I and II of the Convention on the Conservation of Migratory Species of Wild Animals (CMS)
http://www.cms.int/sites/default/files/instrument/appendices_e.pdf
Appendices de la convention CITES http://www.cites.org/eng/app/appendices.php
Annexes de la convention de Barcelone, Protocole relatif aux Aires Spécialement Protégées et à la
Diversité Biologique en Méditerranée
http://195.97.36.231/dbases/webdocs/BCP/ProtocolSPA96annexes_fre.pdf
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ANNEXES
Liste taxonomique des espèces observées et statut de protection
Espèce
Tarentola fascicularis
(Daudin, 1802)
Tarentola sp.
Hemidactylus turcicus
L., 1758
Chalcides ocellatus
(Forsskål, 1775)
Trachylepis vittata
(Olivier, 1804)
Mesalina oliveri
(Audouin, 1829)
Malpolon insignitus
(Geoffroy Saint-Hilaire,
1827)
*Caretta caretta
(Linnaeaus, 1758)
X : espèce observée
Jbel
Gataya
Grande
Kuriat
Petite
Kuriat
X
X
Liste
El
Convention
rouge
Hmam
de Berne
UICN
X
X
X
X
X
LC
An. I
& II
Appendice
I
An. II
An. III
An. II
LC
X
An. III
An. III
X
X
Convention
de Barcelone
ASP/DB
An. III
X
X
CITES
An. III
X
X
CMS
X
An. III
EN
An. II
*Donnée bibliographique
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