Les litiges fonciers de plus en plus apres dans le pays

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Les litiges fonciers de plus en plus apres dans le pays
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SENEGAL
GESTION DES TERRES : LES LITIGES FONCIERS DE PLUS EN PLUS APRES DANS LE PAYS
PUBLIE DANS L'EDITION DU SOLEIL DU MARDI 20 NOVEMBRE 2001
Les derniers événements de Ngor où pour un problème de terre, les jeunes se sont
violemment affrontés aux gendarmes vendredi, viennent de rappeler aux Sénégalais, l’acuité
de la question foncière dans notre pays. Malgré l’existence des lois 64-46 du 17 juin 1964 et
76-66 du 2 juillet 1966, portant respectivement sur le Domaine national et Code du domaine
de l’Etat qui étaient censés régler les problèmes relatifs aux différents droits que l’on peut
exercer sur une terre, ceux-ci n’ont jamais été aussi prégnants. Les litiges fonciers, plus ou
moins aigus selon les régions, existent un peu partout dans le pays. Qu’il s’agisse de la tenure
des terres en milieu rural ou de leur vente spéculative dans les centres urbains, il est devenu
urgent pour l’Etat d’engager une nouvelle réforme foncière permettant une gestion saine des
terres avec des modes d’appropriation connus et acceptés par tous.
Les articles du dossier :
•
A la Loupe : Loi obsolète
•
Dakar: Le flou des textes à la base des conflits fonciers
•
Vente terres: Les parcelles de Touba posent problème
•
Thiès: D’inextricables litiges fonciers entre collectivités locales
•
Saint-Louis: Beaucoup de litiges sur la table
•
Fatick: La spéculation foncière dans les îles du Saloum
•
Kaolack: La double équation de la qualité et de la disponibilité des terres
•
Ziguinchor: Les populations optent pour une semi Privatisation du domaine national
•
Kolda: “La paix retrouvée dans la zone de Médina Yoro Foula”
•
Tamba: Convoitises de terrains le long du fleuve
•
Louga: pas encore la côte d'alerte
•
Seydou Camara (SAED): “Aborder autrement les problèmes fonciers”
•
BON A SAVOIR (Législation)
A la Loupe : Loi obsolète
Le coup de grisou qui a enflammé le village de Ngor vendredi ramène à l’actualité une
question toujours latente : celle de la gestion et de la vente des terres dans notre pays. A
l’indépendance, l’Etat a essayé de légiférer avec l’adoption des lois 64-46 du 17 juin sur le
domaine national et 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’Etat. La loi 64-46
du 17 juin 1964 sur le domaine national avait pour principal objectif de soustraire les petits
paysans de la toute puissance des grands propriétaires terriens, en faisant tomber sous la
propriété de l’Etat, l’ensemble des terres qui n’avaient pas été immatriculées.
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En milieu rural où la tenure des terres obéissait aux règles coutumières, les paysans étaient
désormais considérés comme de simples usufruitiers des terres qu’ils exploitaient, ce qui
interdisait tout acte d’aliénation de leur part. Une mauvaise compréhension de cette loi avait
été à l’origine d’ailleurs de pas mal de conflits, car étant donné qu’elle avait aboli toute
propriété sur la terre, beaucoup de paysans ont pensé qu’ils pouvaient garder pour eux-mêmes
les parcelles qui leur ont été prêtées. Même si, à partir de 1972, la gestion des zones de
terroir était dévolue aux communautés rurales, le domaine national n’a jamais été accepté par
la plus grande frange du monde rural dans la mesure où cette loi était considérée comme une
dépossession collective par des populations qui ont toujours vécu selon le mode coutumier de
dévolution des terres. Et c’est peut-être là ou se trouve l’une des principales faiblesses de la
loi sur le domaine national et qui est de n’avoir pas tenu compte de tout cela.
Par conséquent, elle apparaît aujourd’hui aux yeux de beaucoup d’acteurs comme étant
devenu obsolète et freinerait même la mise en valeur des terres. D’ailleurs en janvier dernier,
une réflexion a été ouverte par les autorités et les différentes organisations du monde rural sur
la question, d’autant plus qu’un projet de réforme foncière existe depuis 1996.
Dans les villes, surtout là où il y a une forte pression démographique ou des potentialités
économiques, les litiges fonciers ont été ravivés par la spéculation. Si a priori, le problème ne
se pose pas pour les terrains immatriculés (titre foncier) par contre pour les réserves foncières
de ces municipalités et les terres relevant du domaine de l’Etat, la pratique de quelques
escrocs continuent d’alimenter les faits divers. Certains maires peut-être par ignorance des
textes pensent pouvoir attribuer des terrains sans passer par la commission prévue à cet effet.
Alors que dans les villages traditionnels de la ville de Dakar, les habitants se sentant envahis
par les nouveaux arrivants qui construisent à tour de bras, ont eu le sentiment d’être
dépossédés sans pour autant toujours savoir quel est le statut des terres revendiquées.
Dakar: Le flou des textes à la base des conflits fonciers
La région de Dakar a été depuis longtemps, une zone où les cas de litiges fonciers ont été les
plus nombreux sachant que les “ Lébou ” qui ont découvert cette terre y tiennent comme à la
prunelle de leurs yeux. Or d’aucuns y compris les pouvoirs publics, ont la conviction que la
terre devait être à celui qui la travaille. Et nos parents “ Lébou ”, sur la base du concept “
ALA MA SOUFI MAME ” (c’est la terre de mes ancêtres) ont continué à gérer le foncier
par le biais d’agents nommés “ LAMANES ”. Ce phénomène a fait son temps depuis l’entrée
en vigueur de la loi sur le domaine national qui a fait de l’Etat, le propriétaire de tous les
terrains non immatriculés au fichier foncier.
Mais la mise en œuvre des dispositions afférentes au transfert de compétences dont
l’urbanisme et l’habitat aux collectivités locales a réveillé le démon du “ LAMANAT ” mais
cette fois-ci sous le manteau des communes d’arrondissement. À telle enseigne que des
conflits fonciers ont été enregistrés çà et là, principalement dans les villages traditionnels
devenus communes d’arrondissement. Parce que c’est dans ces localités que se trouvent les
plus importantes réserves foncières de la région de Dakar. En effet s’appuyant sur certaines
insuffisances des textes de lois sur la décentralisation, les conseils
municipaux
d’arrondissement ont délibéré sur des lotissements et autres attributions de terrains. Or bien
que la loi 96/07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux trois niveaux de
collectivités locales leur a dévolu l’urbanisme et l’habitat, c’est la commune de Ville qui est
compétente en matière de lotissement.
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En conséquence tout projet dans ce sens doit être soumis au maire de Ville qui conduit la
procédure. Cela uniquement dans la délivrance des permis de construire, d’habiter, de coupe
des arbres, etc. Mais en réalité la gestion foncière demeure une compétence de l’Etat via les
préfets, gouverneurs et sous-préfets. Car toute attribution de terrain est examinée par la
commission des affaires domaniales dont les actes sont validés par le gouverneur de région
par la délivrance d’un acte administratif. Au préalable faudrait-il que l’Etat cède à la
collectivité locale du terroir le terrain qui relève de son domaine privé ou du domaine
national (articles 16 à 27 de la loi 96/07 du 22 mars 1996 et 1 à 12 du décret 96/1130 du 27
décembre 1997). Le profit en espèces que la collectivité locale peut en tirer c’est uniquement
les frais de bornage versés au trésor public. Autrement dit une collectivité locale n’est pas
habilitée à vendre un terrain.
Le non-respect de cette procédure, en plus des désaccords entre entités représentatives de la
population, des antagonismes d’ordre politicien, ont été sources de la plupart des conflits
fonciers. C’est ainsi qu’à Ouakam (ville de Dakar), le maire qui avait initié un projet
immobilier en partenariat avec des Italiens s’est heurté à la réticence d’une bonne frange de
la population.
Antagonisme qui a débouché sur la destruction du matériel des ouvriers qui avaient débuté
les travaux de construction d’une cité de grand standing. Parce que selon Djibril Ndoye “ les
autorités municipales avaient mené l’opération de façon unilatérale. Or le terrain sur lequel il
voulait bâtir les édifices en question était réservé à l’extension du village où les habitants
vivent dans la promiscuité Et nous avons senti que les populations n’allaient pas profiter des
retombées de cette affaire, mais plutôt ce sont des tiers et à tire individuel ”.
Ce n’est pas l’avis de Mor Samb qui estime que “ ceux qui s’opposent à la réalisation de ce
projet sont animés de considérations politiciennes. Mais en plus de ce que la commune en
tirerait en recettes fiscales, le projet créerait beaucoup d’emplois temporaires et permanents.
Malheureusement le clanisme politique nous porte trop de préjudices ”. Non loin de là, à
Ngor (ville de Dakar), l’application de décrets présidentiels portant attribution de terres
destinées à décongestionner ce village devenu commune d’arrondissement en 1996 a été à la
base de divergences entre la commune et une structure de jeunes. Ici le conseil municipal a
suivi la procédure qui a abouti à la délivrance de la décision N° 0036/DG/IDDD portant
affectation définitive du terrain en question de 96,413 hectares à la commune de Ngor. Mais
le procédé utilisé pour l’attribution des parcelles a soulevé l’ire des jeunes regroupés dans
une structure dénommée “ Collectif pour la Promotion Économique, Culturelle et Sociale ”
(COPECS) de Ngor. Entre autres griefs relevés, le COPECS a souligné l’exclusion de ses
membres de la procédure, le non-respect des dispositions du décret 97/1130 en son article 8
qui exige “ la représentation des populations dans la commission de distribution ”, etc.
Le maire évidemment a réfuté ces accusations et fait noter “ la carence des membres du
COPECS qui avaient été responsabilisés pour mener les opérations mais qui n’ont rien
proposé pendant plus de deux mois ”. Aujourd’hui ce litige demeure. Car s’il est vrai qu’un
consensus a été trouvé grâce à une médiation du Grand Serigne de Dakar El Ibrahima Diop
Momar Marème, mais les deux parties s’opposent sur le mode de viabilisation du terrain.
Dans le département de Pikine, on a noté un combat entre le maire de Ville et celui de
l’arrondissement de Golf Sud. Cela à cause d’un projet de lotissement initié par le second
nommé sans y avoir associé le maire de Ville qui du reste est compétent dans ce domaine. Ce
que refuse le maire de Golf Sud et son équipe en brandissant l’article 11 de la loi 96/09 du 22
mars 1996
portant “ organisation administrative et financière de la commune
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d’arrondissement et ses rapports avec la Ville ”. Cette disposition stipule que “ le maire de
commune d’arrondissement dispose des mêmes attributions que celles qui sont reconnues aux
maires par le code des collectivités locales, mais, exclusivement, dans les limites de la
commune d’arrondissement ”. Le tribunal avait été saisi.
À Diamaguène-Sicap-Mbao, il a été question quelques mois après l’installation du conseil
municipal d’un litige dont les acteurs étaient des supposés propriétaires terriens et la
commune. Cette affaire qui à l’époque avait défrayé la chronique a connu une accalmie car, à
notre connaissance, l’institution municipale a opté pour un autre terrain. Par ailleurs la même
commune avait subi des dommages de la part des vendeurs de bétail du foirail des gros
ruminants. Ils avaient détruit des cantines initiées par la commune en partenariat avec un
promoteur privé. Le prétexte pour les destructeurs était que le marché allait obstruer le
passage du bétail. Le promoteur privé avait saisi la justice et des condamnations avaient été
prononcées.
À côté de ces cas litigieux il y a eu des lotissements qui se sont faits sans grand dommage.
Ce sont ceux de Mbao Gare (arrondissement de Mbao Ville de Pikine) et de la Ville de
Rufisque. Parce que les opérations ont été menées sous la conduite des maires de Ville et
l’attribution par la commission prévue à cet effet. De telle sorte qu’à Mbao Gare plus de 1000
parcelles ont été distribuées dans le cadre de l’extension du village de Grand Mbao et du
recasement des victimes de la mer. Dans la vieille cité (Rufisque), la Ville a procédé à un
lotissement de 4000 parcelles déjà attribuées. Elles l’ont été au profit des jeunes qui viennent
de fonder un foyer, ceux qui vivaient chez leurs parents dans la promiscuité, ceux dont les
concessions ont été avalées par les vagues, nous a expliqué une source proche de la commune
de Ville. Il y a eu aussi, un lotissement dans la commune d’arrondissement de Rufisque
Ouest. Là le maire nous avait confié “ nous avons tout fait en collaboration avec la Ville
”.
Si à Bargny et Sébikhotane des cas de litiges fonciers ont été inexistants ou négligeables,
dans les communautés rurales de Yène et Sangalcam qui du reste disposent d’importantes
réserves, on a enregistré quelques problèmes.
Mais la prudence a été de rigueur eu égard à ce que les pouvoirs publics ont envisagé de
mettre en œuvre d’importants projets de développement dans ces zones.
KHALY TALL
IBRAHIMA MBODJ
Vente terres: Les parcelles de Touba posent problème
Dans la Baol, on soumet de plus en plus aux autorités administratives, religieuses et
coutumières, des problèmes fonciers. Certaines personnes de mauvaise intention mettent tout
en œuvre pour acheter et revendre des parcelles de terrain à usage d’habitation. Et il arrive
très souvent que les acquéreurs de bonne foi, victimes des manœuvres frauduleuses de ces
hommes d’affaires et courtiers véreux, sollicitent l’intervention du tribunal régional de
Diourbel, afin que ces litiges fonciers soient tranchés, conformément à la loi.
C’est le cas de A. J. S., 47 ans, chaudronnier, domicilié à Diourbel, qui avait déposé en 1998
une plainte au tribunal régional de Diourbel, pour escroquerie. Un de ses cousins lui avait
vendu un terrain à Touba, après l’avoir occupé pendant trois ans. Abusant de la gentillesse
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d’un descendant d’un chef religieux qui lui avait prêté cette parcelle de terre, ce dernier avait
fini par y construire un appartement de deux pièces. Le propriétaire du terrain qui vit à Dakar
avait mis gracieusement à sa disposition cette parcelle pour l’aider à faire face aux énormes
difficultés qu’il avait pour trouver là où se loger. Ce talibé malhonnête a non seulement
utilisé le terrain pendant trois ans, mais il l’a vendu avant de s'évanouir dans la nature. On
aurait appris par la suite qu’il serait parti aux Etats-Unis.
Le chaudronnier acheteur a fini par être expulsé par le propriétaire légitime du terrain qui
n’a eu aucune difficulté à prouver que cette parcelle litigieuse lui appartenait. La mort dans
l’âme, le chaudronnier est retourné vivre à Diourbel où il a finalement pris un autre
appartement en location à Madinatoul (Keur Gou Mack). On nous soumet souvent, nous
explique Dame Fall, chef du service régional des Domaines, des problèmes fonciers de ce
genre. Et ces litiges nous viennent de Touba où on a constaté qu’il n’y a pas de sécurité
juridique des terrains, qui ne sont pas du tout immatriculés. Ceux qui achètent et revendent
ne possèdent aucun titre de vente légal. Ces derniers ne viennent jamais aux services des
Domaines pour enregistrer les actes de vente . Des contentieux de ce type sont fréquents à
Touba où on note très souvent que deux ou trois personnes brandissent un certificat de vente
établi par des vendeurs indélicats.
Au niveau des services des Domaines, précise Dame Fall, il est difficile de vérifier
l’authenticité de ces actes de vente, dans la mesure où “ on ne dispose pas de fichiers ou de
registres où sont répertoriées des parcelles immatriculées de Touba. Donc, du point de vue
domanial, on ne peut pas trouver les solutions adéquates à ces problèmes fonciers. Ce qui fait
qu’on est obligé de renvoyer les protagonistes devant le juge. Le receveur des Domaines est
un simple technicien qui n’a pas la faculté de juger, même s’il a une idée de l’affaire. Il nous
arrive évidemment de mettre à la disposition du juge des éléments d’information qui puissent
lui permettre de mieux trancher ces litiges fonciers.
Au niveau du parquet, souligne le Procureur de Diourbel, “ nous n’hésiterons pas à placer
quelqu’un sous mandat de dépôt si nous sommes persuadés qu’il a revendu le même terrain à
plusieurs personnes. Même si ce dernier est le propriétaire légitime du terrain, il n’a pas le
droit d’agir ainsi. Là, il s’agit purement et simplement d’une affaire d’escroquerie. Si on nous
fait savoir que c’est un marabout qui a donné le terrain à l’occupant, au vendeur ou à
l’acquéreur on présume que celui qui est installé est propriétaire du terrain, jusqu’à preuve du
contraire. Dans ce cas, on pourrait bien faire entendre certains chefs religieux à la
gendarmerie. Les problèmes fonciers sont complexes à Touba, qui est un titre foncier spécial
appartenant à Serigne Ahmadou Bamba.
MBAGNICK DIAGNE
Thiès: D’inextricables litiges fonciers entre collectivités locales
La spéculation foncière est indubitablement une réalité dans la région de Thiès. Ce constat a
été accentué depuis que les présidents de conseil rural ont pris en main les destinées des
collectivités locales (à partir de 1990). Il suffit tout simplement de se rendre au tribunal
régional pour être édifié. En effet, parmi les piles de dossiers, les litiges fonciers y figurent en
bonne place.
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On se souvient encore de ce président du Conseil rural de Diender (il n’est plus) qui a eu à
maintes reprises à être traîné devant la juridiction régionale de Thiès pour vente illicite des
terres appartenant à la communauté rurale. C’est simplement dire que dans certaines localités,
les attributions de terrains après une délibération du Conseil rural font l’objet de divergences.
Le plus souvent, cela se termine par des problèmes parfois inextricables. Les sous-préfets
appelés à jouer les sapeurs pompiers ne font que constater les dégâts après.
Tout récemment encore, des jeunes de Pointe Sarène dans la communauté rurale de
Malicounda avaient exprimé leur colère face à ce qu’ils appellent des “ agissements peu
orthodoxes ” du chef de village à qui ils reprochent également d’être en possession de
plusieurs hectares de terres. Lesquels selon lui, seraient attribués par le Conseil rural de
Malicounda. Aujourd’hui, on assiste à un véritable bras de fer entre les deux parties. En
attendant, les jeunes demandent l’arbitrage du chef de l’Etat. Tout ce qu’ils veulent, c’est
exploiter ces terres afin d’éviter l’exode massif rural. La spéculation foncière sur la Petite
Côte est devenue monnaie courante.
Des litiges font couramment surface le long du domaine maritime où des terres sont vendues
à des prix faramineux aux Européens voir à des Sénégalais nantis. Parfois même ce sont deux
acquéreurs qui se retrouvent sur une même parcelle. Malgré l’interdiction du sous-préfet et
des services techniques, les parties finissent par se retrouver au tribunal. En matière de litiges
“ frontaliers ”, le département de Thiès ravit la vedette aux départements de Tivaouane et de
Mbour.
Entre la commune de Thiès et la communauté rurale de Fandène, le problème demeure
même s’il y a actuellement des avancées significatives dans la recherche de solutions locales.
Les parties ont privilégié la concertation avec une forte implication des élus locaux, services
techniques, de l’Université Lausanne (Suisse) et l’Ecole Polytechnique. Cette démarche
novatrice vise essentiellement à créer une synergie entre les parties concernées en mettant en
place des actions de développement.
Les Fandénois reprochent à la commune de Thiès d’empiéter sur la communauté rurale. Ils
parlent même de spoliation de leurs terres. Ce vieux problème connaîtra-t-il un dénouement
heureux ? En tout cas, le maire de la commune de Thiès Moustapha Ndiaye reste optimiste,
lui qui fit siennes les préoccupations des populations fandénoises pour éviter de créer des
frustrations.
Un autre litige “ frontalier ” oppose depuis plus de deux décennies la commune de
Sébikhotane (région de Dakar) et la communauté rurale de Keur Moussa (Thiès). Au centre
de ce litige, l’usine SENAC que revendiquent les différents maires qui se sont succédé à la
mairie. Ces derniers soutiennent mordicus que l’usine se trouve dans la commune et que par
conséquent celle-ci devait bénéficier des retombées. Pourtant, les taxes et patentes tombent
dans l’escarcelle de la communauté rurale de Keur Moussa. Jusqu’ici, c’est le statu quo. Le
même problème est patent dans la commune de Mbour et la communauté rurale de
Malicounda.
Lors du dernier CRD sur le plan d’urbanisme de Diass, le gouverneur Idrissa Camara avait
demandé au sous-préfet de l’arrondissement de Sindia de geler purement et simplement
l’attribution de terres dans toute cette zone. Pour être précis, le chef de l’Exécutif régional a
donné des instructions fermes pour que toutes les délibérations du Conseil rural concernant
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l’attribution des terres soient également rejetées. En prenant ces mesures, le gouverneur de la
région d Thiès affichait sa ferme intention d’aller en croisade contre la spéculation foncière.
Aujourd’hui, le projet de construction de l’aéroport suscite beaucoup d’appétits. Chaque jour
que Dieu fait, ce sont plus de 100 demandes qui échouent sur la table de la présidente du
Conseil rural de Diass.
ABDOURAHMANE SARR GONZALES
Saint-Louis: Beaucoup de litiges sur la table
A Saint-Louis, la plupart des quartiers périphériques se situent dans des cuvettes. Ce qui fait
qu'en période hivernale, la ville entourée d'eau est inondable. Mais malgré les efforts
consentis par les populations dans la construction pour l'occupation de l'espace, des
problèmes fonciers ne manquent pas dans l'ancienne capitale du Sénégal et de l'AOF. Les
spéculations sont courantes et les terres sont occupées d'une manière irrégulière. Des litiges
existent un peu partout comme dans le quartier populaire de Pikine.
Le sous-secteur de Sor Daga (qui existe depuis 1968) par exemple où nous sommes rendus,
les populations ont déjà construit et habité sans que la zone soit lotie nous révèle le vieux
Mamadou Sy, inspecteur retraité que nous avons trouvé assis devant sa maison entouré de
quelques notables. Il figure parmi les premiers habitants de Sor Daga dont les cimetières
actuels datent de 1635 du temps des “Bracks”.
Aujourd'hui, le quartier est subdivisé en trois sous-secteurs qui disposent chacun un délégué
de quartier alors qu'une seule partie a été lotie jusqu'ici. Ce qui n'est pas sans poser des
problèmes aux habitants qui souhaitent selon le vieux Mamadou Sy “que la restructuration du
quartier soit effective.” Ils ont même eu l'idée de mettre sur pied un groupement des
propriétaires de parcelles dont le droit d'adhésion s'élève à 1000 francs par membre avec
photocopie de la carte d'identité nationale.
Ceci pour la défense de leurs intérêts. “ En fait, il s'agit, en cas de redressement par les
services techniques, de faire en sorte qu'il y n'ait pas beaucoup de dégâts. Nous savons qu'il y
en aura et en plus il y va de notre intérêt dans la détermination des grands axes de
modernisation du quartier. Notamment le marquage, pour la matérialisation des rues ”, nous
fait remarquer le vieux Sy. Après quoi, poursuit-il, la procédure normale doit être suivie pour
permettre à tout le monde de disposer de papiers légaux consacrant définitivement les doits
de propriété. “ Cela peut nous permettre d'avoir une garantie pour pouvoir par exemple
demander auprès des banques un prêt et investir d'autres créneaux porteurs ” souligne-t-il.
IMMEUBLES DITS DU CODE CIVIL
Cependant au bureau de l'enregistrement des Domaines et du Timbre, Amadou Diop,
contrôleur des Impôts et Domaines, Adjoint à l'Inspecteur régional nous fait comprendre que
le problème le plus récurrent à Saint-Louis est celui des immeubles dits du code civil. C'està-dire qu'avant l'entrée en vigueur de la loi 64?46 consacrant le domaine national, il y avait
des immeubles qui étaient déjà occupés par des Sénégalais et même des étrangers. Alors que
l'Etat avait harmonisé la législation foncière. Les populations qui occupaient les immeubles
en question étaient invitées à régulariser les situations mais certaines n'avaient pas senti le
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besoin de les immatriculer au niveau de la conservation foncière. Du coup, ils ont vu leurs
immeubles tombés dans le domaine national. L'Etat considérant que ces immeubles lui
appartiennent.
Ils sont nombreux à Saint-Louis ces immeubles qui sont dans cette situation qui est léguée
par le colon. Alioune Sow, alias “ Battling Siki ” ancien combattant de son état qui dit
beaucoup connaître sur l'histoire de la ville les appelle des “ maisons curatelles ”. Selon lui, “
dans l'île particulièrement, les mulâtres y avaient des immeubles. Et après l'indépendance
beaucoup d'entre eux sont rentrés en France. D'aucuns sont revenus, mais par contre d'autres
ont préféré rester dans leurs pays. Ce qui fait que leurs maisons n'appartiennent pas à ceux
qui les occupent actuellement. ” Des exemples, M. Sow estime être en mesure d'en citer
beaucoup. Ce sont à son avis certains aspects auxquels les gens ne prêtent pas attention à
Saint-Louis. Alioune Sow pense que la Municipalité doit avoir un œil regardant dans toutes
ces situations.
Devant une telle situation, les agents (les services fiscaux) essayent d'apporter des solutions
en demandant aux populations de régulariser. Mais comment ?
Amadou Diop répond que : “ si l'immeuble n'a pas fait auparavant l'objet d'une transaction
de la part des héritiers ou du propriétaire, l'Etat enclenche en général la procédure de
régularisation en donnant un bail à ces personnes au franc symbolique. Ceci pour arriver à
régulariser de fait l'occupation. Et après les populations peuvent demander la cession
définitive et être propriétaire. Mais Amadou Diop de préciser que “ tant que cette procédure
n'est pas effectuée, l'Etat considère qu'il est propriétaire définitivement des immeubles même
s'ils sont occupés par les populations. Donc c'est le principal problème. ”
TRANSACTIONS
Il y a aussi les transactions foncières pour lesquelles l'Etat considère que l’on ne peut pas
transférer plus de droit qu'on en a. Et Amadou Diop d’expliquer que si quelqu'un occupe un
immeuble du code civil et que par exemple il ne prend pas le soin de régulariser cette
occupation, il n'a pas le droit de vendre cet immeuble. “ Ceci est impossible ” s'empresse-t-il
de dire. Mais que si cette personne le veut bien, ce sont les constructions qu'elle prétend
vendre car en fait l'Etat considère qu'il est propriétaire du sol sur lequel sont bâties ces
constructions jusqu'à preuve du contraire ”, souligne-t-il. Sur cet état de fait, l'acquéreur est
autorisé à régulariser, mais que là, les conditions de l'octroi du bail changent. Ce bail ne sera
plus donné au franc symbolique, mais en application du barème déterminé en 1988 et qui fixe
le prix au m2 pour l'octroi du bail en fonction du secteur pour ne pas dire de la zone.
Un autre aspect de la question liée au foncier c'est le problème de succession, en cas de
décès. On se rend compte de plus en plus, que les héritiers ne jugent pas nécessaire de
procéder à la régularisation. Et parfois même certains parmi eux décèdent, ce qui souvent
pose des problèmes d'identification de ces héritiers. Le contrôleur des Impôts et Domaines
note qu'ils enregistrent beaucoup d'affaires de ce genre à Saint-Louis. Des cas qui sont en
instance et ne trouvent pas encore de solutions du fait des gens qui sont assez compliqués.
Toutefois selon lui, “ des précautions sont prises pour éviter certaines complications car sur
de tels cas, il faut être très prudent. ”
Les immeubles qui font l'objet d’un bail posent moins de problèmes. En général touts sont
inscrits au niveau de la conservation foncière et un dossier est ouvert par les services
domaniaux concernant cet immeuble et son évolution. Et quand il y a une transaction (vente
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d'un terrain ou immeuble faisant l’objet d'un bail), le concerné adresse une autorisation au
receveur des domaines qui va vérifier si les conditions sont réunies. C'est-à-dire s'il est à jour
par rapport à ses redevances. C'est que dans un bail, comme l'explique l'agent des domaines,
“ le bénéficiaire n'est pas propriétaire du sol.
C'est comme dans le cas des immeubles du code civil qui n'ont pas fait l'objet d'une
régularisation. L'État est toujours propriétaire du sol et en général c'est un titre foncier (TF)
de l'État qui peut en faire des morcellements pour donner des baux. Et ainsi celui qui veut
vendre, dépose une autorisation en respectant les conditions, c'est-à-dire le règlement des
redevances annuelles à verser à l'État qui loue son patrimoine. Ce montant est en général
assez modique, il tourne autour de 19 500 f par are. Il s'y ajoute également la mise en valeur
du terrain dans un délai de 2 ans pour respecter le contrat de bail. Toutes ces conditions
réunies, la transaction est alors autorisée. La mutation du bail par le nouveau propriétaire
suivra ensuite. Ce qu'on appelle le transfert de bail qui pose moins de problèmes. ”
Sur le cas des quartiers non lotis comme celui de Sor Daga où les populations ont déjà
occupé les lieux, l'adjoint à l'Inspecteur des domaines de Saint-Louis indique que les pouvoirs
publics ne peuvent pas empêcher aux gens de faire des transactions. Ce qui leur importe est
que, quand la zone n'a pas fait l'objet d'un lotissement et est prévue pour usage d'habitation de
zone industrielle déterminée par l'Urbanisme, les plans leur parviennent. Et facilement, ils
peuvent identifier celui qui est attributaire d'une parcelle quelconque et qui ne l'est pas. La
transaction ne pose pas de problème particulier. Ainsi, un bail est demandé à celui qui achète.
En cas de vente d'un même terrain à plusieurs personnes, comme c'est souvent le cas,
Amadou Diop estime que cela est considéré une négligence des acquéreurs.
A Saint-Louis, on enregistre souvent des cas de ce genre comme nous l'explique Alioune
Badiane, un vieux bibliothécaire du Centre de recherche à la retraite. De telles situations
selon lui, sont le fait de personnes mal intentionnées dans la transaction foncière (vente
d'immeuble, de terrain de parcelles, recherche de maisons en location, etc..) On les appelle
des courtiers ou intermédiaires. Mais sans les accuser de malhonnêteté, Alioune Badiane
pense que : “ toute personne s'activant dans ces transactions foncières doit avoir les mains
propres. D'autant plus qu'en général, les immeubles ou terrain de parcelles en question
n'appartiennent pas à ces courtiers ou intermédiaires mais à d'autres qui leur demandent un
service parce qu'ayant confiance en eux. ”
RÉFLEXE FISCAL
Dans tous les cas, les personnes qui ont affaire à ces courtiers dans les transactions foncières
doivent de l'avis d'Amadou Diop “ s'informer auprès des services des Domaines qui sont en
mesure de donner toutes les informations utiles sur les parcelles de terrain avant d'acheter. ”
Il leur suffit d'exiger un acte de vente et ensuite demander la régularisation.
Car ce qui préoccupe les services domaniaux, c'est les droits d'enregistrement dont le taux
est de 15 %, applicable sur le prix de cession. En général, ces litiges se terminent devant le
juge qui tranche. Toutefois, Amadou Diop fait remarquer que leur service veut amener les
populations à avoir un réflexe fiscal en mettant l'accent sur la sensibilisation comme du reste
le fait la Douane. La particularité du Bureau des Domaines est que le Receveur porte
plusieurs casquettes. En même temps qu'il est receveur de l’enregistrement, il est aussi
receveur des Domaines. Donc tout ce qui concerne les problèmes fonciers et même les autres
impôts, les informations utiles sont disponibles.
MOUHAMADOU SAGNE
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Fatick: La spéculation foncière dans les îles du Saloum
Contrairement à certaines villes du pays, la spéculation foncière n’est pas tellement rude
dans les centres urbains de la région de Fatick. Ce phénomène est surtout développé dans la
zone du littoral où le tourisme balnéaire connaît un certain essor. Selon le chef du centre des
services fiscaux de Fatick, Cheikh Diop, la spéculation foncière est âpre dans le département
de Foundiougne, notamment dans les îles de Marlodje, Dionewar, Niodior et autres. “Dans
ces îles, vous pouvez trouver des terrains vendus à 1 ou 2 millions de FCfa tandis que dans
les centres urbains comme Fatick, Gossas, la parcelle est cédée à 200 ou 300.000 FCfa à telle
enseigne que c’est très rare de voir quelqu’un de manière officielle dresser des actes de vente
pour cela ”, a-t-il fait savoir.
Pour eux donc, la spéculation foncière est vraiment développée dans la partie du littoral “
alors que tout le monde n’ignore pas que le domaine public en fait ne peut pas faire l’objet de
transactions car la vente de terrain est interdite ”. Toutefois, a noté M. Diop, il y a des
transactions qui sont opérées au niveau de la zone du littoral, notamment dans les îles du
Saloum, situées dans le département de Foundiougne. M. Diop explique cette situation par le
trop-plein au niveau de ces îles et un peu dans la communauté rurale de Fimela, NdanganeSambou, Ndangane-Campement, qui, à l’heure actuelle, sont considérées comme des zones
très prisées.
PLAN D’AMENAGEMENT SPECIAL
De l’avis de M. Diop, tous ceux qui ne peuvent plus s’implanter dans le département de
Mbour viennent trouver refuge au niveau du département de Foundiougne à telle enseigne
qu’il est envisagé de faire un plan d’aménagement spécial de tout le littoral “pour couper
court à toutes ces formes de spéculation”. Selon lui, il s’avère nécessaire de trouver des
créneaux et des sites pour les éventuels investisseurs sérieux ou pour ceux qui veulent
investir dans le domaine du tourisme car, c’est peut-être des particuliers qui font surtout ces
genres de spéculation, autrement dit qui font de la concurrence déloyale. “ Ce sont des gens
qui détiennent des domaines privés et en partant, ils louent à des particuliers alors que les
hôteliers régulièrement installés payent des impôts ”.
Selon certaines personnes interrogées, ce n’est pas si difficile de trouver un terrain
d’habitation dans le périmètre communal de Fatick. Il y a quelques mois, la commune avait
attribué 1214 parcelles dans le Fatick 2 Extension qui couvre une partie de Darou-Salam et le
long de la Nationale N°1 de part et d’autre. Et l’on voit de nouveaux bâtiments émerger. Par
contre, il y a des zones où il est très difficile de construire à cause des terrains accidentés,
d’anciennes rivières et des cuvettes. Après avoir rappelé qu’un terrain d’un lotissement sans
une mise en valeur ne peut pas faire l’objet de vente, Cheikh Diop soutient que des gens
contournent la réglementation en signifiant qu’ils vendent les peines édifiées sur la parcelle
alors qu’en réalité, rien n’a été réalisé. Pour lui, entre le cours officiel et le cours du marché,
il y a un écart. “ Vous pouvez trouver quelqu’un parce qu’il est nanti ou il est dans le besoin
acheter un terrain à 400 ou 500.000 francs. Et aussi il arrive parfois de voir quelqu’un se
trouvant dans une situation de pauvreté vendre la parcelle qui lui a été attribuée à 200.000
francs ”, a-t-il laissé entendre. Ainsi, entre le cours du marché et le cours officiel, il a souvent
une marge. Et de souligner qu’officiellement, sur ce que ses services suscitent comme
transaction immobilière, une parcelle à Fatick Extension peut coûter 200 à 300.000 francs au
maximum mais surtout le cours du marché vaut plus.
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Pape Sarr, un commerçant établi à Fatick depuis plus de 25 ans ne dit pas autre chose. Selon
lui, c’est compte tenu de la faiblesse des moyens des uns et des autres que les parcelles ne
coûtent pas cher à Fatick où l’on peut en trouver facilement avec 200 ou 300.000 francs.
Après avoir soutenu que ces prix sont très raisonnables, M. Sarr note que la spéculation
foncière n’est pas du tout âpre dans la commune de Fatick.
Pour sa part, l’assistant administratif du maire de Fatick Moussa Ndour a rappelé que la
commune a distribué récemment 1214 parcelles et cela lui a permis d’avoir beaucoup
d’argent car les attributaires des parcelles ont payé des frais de bornage d’un montant de
20.000 francs. Selon lui, il peut arriver que des gens vendent des parcelles mais cela en
dehors du cadre communal.
OUMAR NGATTY BA
Kaolack: La double équation de la qualité et de la disponibilité des terres
A l’instar des autres régions du Sénégal, Kaolack connaît des problèmes fonciers. La forte
tension sur les terres, leur disponibilité pas toujours évidente et la qualité qui souvent laisse à
désirer, sont autant de particularités qui caractérisent la question foncière dans cette région.
Celle-ci apparaît comme le “ cœur du bassin arachidier ” pour reprendre l’expression du
gouverneur Souleymane Ly qui nous a accordé un entretien sur la situation foncière par
rapport aux terres de culture en zone rurale, notamment et aux parcelles destinées à
l’habitation dans les villes essentiellement.
Il est vrai, les terres de culture ont vu leur qualité se déprécier du fait de méthodes
empiriques, d’où le programme de revitalisation des sols par le phosphatage de fonds qui a
produit des résultats encourageants que de plus en plus, des paysans apprécient. En effet,
“quand les sols sont fatigués et lessivés, lorsque les méthodes culturales semblent avoir
atteint leur limite, la solution la plus simple consiste à demander de nouvelles terres d’où des
problèmes de disponibilité ”. Ce constat du gouverneur Souleymae Ly met en évidence
l’urgente nécessité de rappeler la loi en cette matière pour préciser que les conseils ruraux
affectent ou désaffectent les terres avec l’approbation des représentants de l’Etat. Le mode
d’affection et de désaffection est déterminé par la loi sur le domaine national.
Les présidents de communauté rurale sont soumis à l’obligation de s’en remettre aux
conseils ruraux, habilités à affecter ou désaffecter sous réserve de l’autorisation de l’Etat. “
Des comportements en porte-à-faux avec les lois et les règlements sont parfois déplorés. Fort
heureusement, de plus en plus, ces vices de procédure et autres pratiques sont corrigés ”, nous
confie une de nos sources. Quid des parcelles d’habitation ? C’est dans les villes que la
question se pose. Kaolack a ses réalités. La ville est entourée de “ tannes ” (terres salées). Il
y a beaucoup de zones non eadificandi (“ non habitables ”).S’y ajoute un problème de
découpage qui empêche la ville de se déployer vers des zones comme Kahône, Gossas, etc.
Elle peut connaître une extension vers l’Ouest, en allant vers Mbour et Dakar. Sur ces terres,
des zones non habitables sont cependant identifiées. Aussi faut-il “ gérer ce problème
d’aménagement de l’espace ”, par un bon schéma directeur, d’occupation de l’espace pour
faire face au spectre de l’inondation dont souffrent les populations de plusieurs quartiers de
Kaolack avec le retour de la pluviométrie normale.
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A Kaolack, se posent également des conflits inhérents aux cités en développement, constatet-on. “ Lorsqu’une ville va à la rencontre d’un village, avec ses traditions rurales, agricoles
notamment, la jonction n’est pas toujours facile ”, reconnaît Souleymane Ly. Il en est ainsi
des cas de lotissement de terres antérieurement exploitées par les habitants des villages
concernés. Face à une telle situation, les autorités communales et les populations pensent
trouver une solution par la concertation, en mettant à contribution l’expertise des services
techniques et si nécessaire, l’intervention des autorités administratives. La concertation et la
sensibilisation sont aussi de mise face à certaines occupations anarchiques, dans des zones
inadaptées, qui requièrent une délocalisation et un transfert dans des zones viabilisées et
réaménagées. Ce qui suppose que l’Etat puisse disposer des moyens adéquats, d’autant qu’il
est requis de procéder à “ une juste et préalable indemnisation ”.
Ce phénomène revêt une dimension nationale. Kaolack ne fait pas exception à la règle. Des
quartiers comme Ngane, Gawane, Ngane Saer, sont bâtis dans des zones réputées être
marécageuses qui, en période de forte pluviométrie, comme c’est le cas depuis quelques
années, sont inondées. L’un des facteurs à l’origine des conflits est la double affectation
parfois due au fait que certains bénéficiaires de terres de culture ou à usage d’habitation
restent deux ans sans la mettre en valeur ou l’occuper alors que d’autres demandes sont en
instance.
Certains versent dans la spéculation ou collectionnent des terres à des fins inavouées. La
collectivité est alors “ fondée ” à récupérer ces terres et les attribuer à d’autres demandeurs
conformément à la loi.
ATTRIBUTION DES PARCELLES: UNE COMMISSION PRESIDEE PAR LE MAIRE
C’est une commission présidée par le maire qui procède à l’attribution des parcelles au
niveau de la commune. Un travail technique préalable est effectué avec le concours de
services techniques de l’Etat compétents (Cadastre, Domaine, Urbanisme, Aménagement du
Territoire, etc.) La commune prend en charge les démarches relatives à l’identification des
espaces, le morcellement des parcelles, etc. Cette commission, présidée par le maire, examine
les demandes d’occupation, en fonction des parcelles disponibles. Les décisions issues de la
commission sont soumises à l’approbation du préfet et revêtent un caractère légal avec
l’approbation du gouverneur de la région. Aussi, convient-il de se conformer à la loi et de
respecter la procédure en vigueur.
PAPA BOUBACAR SAMB
Ziguinchor: Les populations optent pour une
domaine national
semi Privatisation du
A l'instar des autres régions du pays, la gestion des terres à Ziguinchor a connu plusieurs
dates repères qui coïncident avec des réformes et autres lois visant à mieux maîtriser cette
question assez sensible de la gestion domaniale et foncière, et qui pour une grande part
demeure une des causes de cette instabilité qui règne depuis près de deux décennies au
niveau de la “ Casamance naturelle ”. Jusqu'en 1964, année de l'application de la loi du 17
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juin portant sur le domaine national, la gestion des terres se faisait grâce à la
coutumière, mais aussi l'application du droit civil français de la période coloniale.
tenure
Les grands propriétaires terriens ont “ prêté ” des terres à ceux qui le désiraient selon un
mode d'intéressement propre à chaque localité de la Casamance. Ce mode de gestion des
terres résiste jusqu'à nos jours aux différentes réformes en cours surtout au niveau des
communautés rurales de l'ancienne région de la Casamance. La réforme intervenue en 1964 a
été une tentative de l'État sénégalais de s’ approprier des terres pour une meilleure gestion et
répartition de celles?ci selon les besoins des populations et la mise en place d'infrastructures
qui accompagneraient le développement des villes. À en croire les explications de M.Sall,
receveur des Impôts et Domaines, l'État du Sénégal a préféré dans un premier temps donner
des contrats de bail à ceux qui en font la demande.
D'ailleurs, la loi 77?66 du 02 juillet 1976 portant code du domaine de l’État aura permis à
l'État de donner en baux de 99 ans des terres à des populations résidantes au niveau de la
région de Ziguinchor selon des clauses qui pour l'essentiel se résument en trois conditions. Il
est fait obligation au détenteur du bail de mettre en valeur son terrain dans un délai de deux
ans par la construction d'une maison à usage d'habitation. Il est aussi interdit de changer la
destination de la parcelle louée, de sous-louer ladite parcelle en totalité ou en partie, ou céder
en totalité ou en partie les droits résultants du bail sans l'autorisation et écrite du directeur de
l'enregistrement des domaines et du timbre. Enfin, les parcelles sont sous réserve du droit de
reprise par l’Etat surtout en ce qui concerne les parties de la parcelle présentement louée qui
seraient nécessaires à la réalisation des travaux d'intérêt ou d'utilité publics. Le cas du
quartier de Goumel est un exemple parmi tant d'autres cas de situation d'attribution par bail.
Les difficultés pour recouvrer les impôts au niveau des attributions par bail pousseront l'État
une nouvelle fois à mettre en place la loi 87- 11 du 26 février 1987, portant sur la vente des
terres domaniales.
Cette loi est une évolution de ce qui a été dit avant. Cette loi aura permis à ceux qui étaient à
jour dans le paiement des impôts et qui possèdent un bail, de pouvoir accéder au titre foncier
moyennant une modique somme. La loi 96-06 du 22 mars portant, code des Collectivités
Locales a été une des conséquences de la décentralisation notamment un transfert de
certaines compétences de l'État aux Collectivités Locales. Le décret 96?1130 du 27
décembre portant application de la loi de transfert de compétences aux Collectivités Locales
en matière de gestion et d'utilisation du domaine privé de l'État, du domaine public et du
domaine national, change globalement ce qui se faisait jusque-là. À la place des gouverneurs
et autres préfets, les maires et les présidents de Conseil rural sont devenus les maîtres dœuvre
des commissions domaniales assistés par les services techniques comme les Domaines et
Impôts, le Cadastre,, l'Urbanisme .... etc.
LITIGES FONCIERS
Comme pour la loi précédente (la loi 87-11 du 26 février 1987, portant sur la vente des
terres domaniales, la réforme administrative de 1996 est venue mettre un bémol aux
nombreux cas de litiges fonciers, de lotissements et d'attribution de terrains. Au niveau du
périmètre communal, la gestion des terres a subi des changements majeurs à en croire
Moustapha Diedhiou, l’adjoint au maire, depuis l'avènement de l'édile Robert Sagna. “
Jusqu'en 1986, il y avait beaucoup de problèmes de terres car la distribution se faisait d'une
manière anarchique.
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Un forum a été organisé en présence des services techniques, des notables et chefs de
quartier, de l'administration afin de déterminer de nouveaux critères assez démocratiques afin
de mieux gérer les lotissements et les attributions des parcelles ”. Pour M. Diédhiou, “ quand
un terrain sort deux parcelles lors d'un lotissement, la commission domaniale retient l'une des
parcelles. Quand trois parcelles sortent du lot, l'une des parcelles est retenue et les deux
autres sont offertes au propriétaire du terrain. Jusqu'au nombre de dix parcelles, le
propriétaire du terrain reçoit la moitié des parcelles. Au-delà de dix parcelles, le nombre de
parcelles laissées au propriétaire du terrain est fixé à cinq parcelles ”. Cette stratégie, note-ton, aura permis à dédommager les déguerpis des zones réservées au domaine public. De 1987
au démarrage de la réforme administrative, la commission domaniale a été présidée
successivement par le gouverneur de région, un officier de l'armée et tout dernièrement le
service régional du cadastre.
Les procédures qui mènent à l'attribution de terres en bail ou sous forme de titre foncier font
intervenir un certain nombre de services techniques tels l'Urbanisme, le service du Cadastre,
la Planification...., et le service des Impôts et Domaines. Si les aménagements et les
procédures d'approbation se font avec le concours de l'Urbanisme, l'application de ces
résultats de l'aménagement est faite par le Cadastre. R.T du service de l’urbanisme certifie
que les périmètres communaux de Bignona et Oussouve sont pleins, contrairement à la
commune de Ziauinchor où, il existe des poches de quartiers qui attentent le lotissement
(Diéfaye, une partie de Kandialang, Diabir, Lyndiane et le sud de Colobane). Au niveau des
communes de la région, la gestion des terres par les édiles ne pose pas autant de problèmes
qu'au niveau des communautés rurales où, les questions de terres sont très sensibles.
Dans le monde rural, les questions foncières se règlent d'abord avec les propriétaires
terriens, ceux-là même qui occupent les espaces convoités par les acquéreurs. Et comme dans
cette région essentiellement composée d'agriculteurs la terre est sacrée, il est très rare de voir
les populations vendre leurs terres.
LOI DU DOMAINE NATIONAL
Cela nous mène à parler de ces comportements de propriétaires terriens qui inhibent souvent
les initiatives d'éventuels entrepreneurs en matière agricole. M.B.une aménagiste qui préfère
garder l'anonymat pose quant à elle l'application effective de la loi du domaine national. Si,
au niveau des grandes communes, cette loi s'applique avec moult conciliabules, force est de
constater qu'au niveau des collectivités locales on en est à une gestion des terres qui date de
la période coloniale. L'exemple des terres de Boucotte et Diembéring illustre bien cette
situation. Pour M. B, “ au niveau des communautés rurales, il existe des terres en friche que
les propriétaires n'exploitent pas. Il faut demander l'autorisation des propriétaires bien que la
terre n'appartient qu'aux exploitants ”.
Pour cette dame, “ la mise en valeur des terres doit être suivie par l'appropriation. Quand on
est un propriétaire terrien, on ne sent pas l'utilité de la mettre en valeur. C'est pourquoi l'accès
à la terre est devenu très difficile pour les femmes et les jeunes ”,explique-t-elle. C'est un
secret de polichinelle que de dire qu'en basse Casamance la terre ne se vend pas, elle se prête.
La terre appartient à son propriétaire et c’est un bien inaliénable qui caractérise le fondement
culturel des peuples de la région de Ziguinchor. Pour ce planificateur, il faut à priori faire une
étude sociologique du milieu pour légiférer certaines lois. Avant cette loi sur le domaine
national, les problèmes de terres se réglaient à l'amiable d'autant que les populations de cette
région comme à savoir le statu quo quant à l'application de la loi sur le domaine national ;
l'option libérale qui consistait à privatiser le domaine national ; et enfin la mixité qui est une
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option à cheval entre le statu quo et l'option libérale, la région de Ziguinchor avait décidé de
couper la poire en deux en portant son choix sur la mixité.
Toujours est-il que malgré les différentes rencontres organisées au niveau régional et
national, il semble que c'est le statu quo qui est de mise pour les autorités malgré les
difficultés qu'ont surtout les communautés rurales pour prendre un envol sur le plan du
développement des infrastructures de base. Ils ne sont pas nombreux les villages qui ont
dépassé le cap du lotissement de leurs habitations même si on reconnaît que des efforts
notoires ont été faits quant à la délimitation du terroir villageois. La mairie de Ziguinchor est
quant à elle au stade de l'immatriculation pour permettre aux détenteurs de lots de posséder
des documents officiels de propriété foncière.
L'inefficacité du système des baux avec le non-règlement des redevances au service des
Impôts et Domaines (le taux de recouvrement au niveau national est de 25 % des prévisions)
incite à envisager d'autres solutions. La solution qui consisterait à donner la terre aux
populations moyennant une somme modique serait une transaction saine pour l'État. Cette
idée a été suggérée par de nombreuses personnes qui souhaitent que l'État favorise l'obtention
de titres, en lieu et place du système du bail qui est assez fastidieux, qui prend assez de
temps pour un rendement très médiocre pour l’Etat.
BABACAR BACHIR SANE
Kolda: “La paix retrouvée dans la zone de Médina Yoro Foula”
La région de Kolda, jusqu'en décembre 2000, connaissait de sérieux conflits fonciers. La
Sous-Préfecture de Médina Yoro Foula qui a enregistré le plus de litiges était le théâtre
d'affrontements, souvent meurtriers. Aujourd'hui, c'est l'accalmie aussi bien en milieu rural
que dans la ville. La vigilance des autorités notamment du Gouverneur en est pour beaucoup.
Les litiges fonciers dans la ville de Kolda ne sont pas aussi aigus, au point de dégénérer. Ils
sont liés généralement à des doubles emplois dans les attributions de parcelles à usage
d'habitation, selon M. Abdoulaye Koulibaly, chef du service régional de l'Urbanisme. Là, le
service régional des Domaines, de l'avis de l'adjoint au chef de la structure, M. Boubacar Fall,
est en train d' inciter les gens à régulariser leurs occupations par voie de bail, en constituant
le dossier y afférent. “Les problèmes fonciers au niveau de la commune et des autres souspréfectures ne sont pas très importants par rapport aux conflits fonciers dans la zone de
Médina Yoro Foula” a souligné M. Abdoulaye Diallo, gouverneur de la région de Kolda.
Pour lui, les conflits de terres dans la Sous?Préfecture de Médina Yoro Foula sont de loin
beaucoup plus difficiles. “ C'est sans commune mesure ”. Faisant état de la situation qui y
prévalait jusqu'en décembre 2000, il a révélé que “ des attributions de terres étaient faites par
certains présidents de communauté rurale, en marge des textes. C'est-à-dire qu'ils procédaient
par eux-mêmes “ pour des mobiles politiques ” à des affectations de terres ou à des
suspensions sans se référer au conseil rural qui est compétent pour délibérer en matière de
terres ” Il y avait également un conflit aigu entre le président de la communauté rurale de
Médina Yoro Foula et les jeunes, à propos de distributions de parcelles.
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CONFLITS SANGLANTS
Dans la communauté rurale de Ndorna (sous-préfecture de Médina Yoro Foula), les litiges
fonciers sont nés de l'exploitation anarchique et sans autorisation des forêts classées par des
migrants. Ces derniers qui venaient s'installer autour des mares ,gênaient le passage des
éleveurs pour abreuver leur bétail. Dans la communauté rurale de Fafacourou les problèmes
avaient trait à un conflit de délimitation de champs, entre les villages de Saré Waly 2 et de
Koel.
A Pata, une autre communauté rurale, de Médina Yoro Foula, les controverses foncières
portaient sur des installations irrégulières de migrants, dans des zones de terroirs et dans la
forêt classée de Pata ; ” rencontrant la résistance des populations ”.Selon le gouverneur de
Kolda, ces problèmes domaniaux “ à la fois extrêmement difficiles et complexes ” ont été
abordés de manière collégiale pour leur trouver un début de solution. “C'est la raison pour
laquelle, j'ai mis sur pied une commission régionale chargée de la prévention et de la gestion
des conflits liés à l'exploitation des terres du Domaine national”, a dit M. Aboulaye. Diallo,
précisant que c'est ce qui manquait. “Il n'y avait pas, au niveau de la région une instance de
réflexion, autour du gouverneur, capable d'aider les autorités administratives locales (le
Préfet et le Sous-Préfet), dans la prise en charge et le règlement des conflits fonciers qui se
posaient notamment dans la sous-préfecture de Médina Yoro Foula”.
C'est avec cette commission régionale, chargée de la prévention et de la gestion des conflits,
liés à l'exploitation des terres du domaine national que le gouverneur s'était rendu le 14
décembre 2000 à Médina Yoro Foula pour présider un CRD (comité régional de
développement) restreint. Y avaient pris part également, le préfet de Kolda, le sous-préfet de
Médina Yoro Foula, les représentants des agriculteurs et des éleveurs, les présidents de
communautés rurales, la plupart des chefs de services régionaux qui ont une compétence en
matière domaniale. Ce fut une occasion pour faire le point de la situation des litiges fonciers
sur l'ensemble de la zone de Médina Yoro Foula.
DECISIONS POPULAIRES
Grâce à la mise en œuvre des mesures objectives qui en ont résulté, aujourd'hui la gestion
des litiges fonciers évolue favorablement dans toute la sous? préfecture de Médina Yoro
Foula. En effet, parmi les décisions arrêtées, il y a la création au niveau du département de
Kolda et de la sous?-préfecture de Médina Yoro Foula d’une commission locale de
prévention et de règlement des conflits fonciers.
Ensuite, il a été rappelé aux présidents de communauté rurale qu'ils n'ont pas le droit
d'affecter par eux-mêmes des parcelles a des personnes. Par rapport à la réglementation en la
matière, il leur a été redit que quand quelqu'un veut une parcelle, il doit en faire la demande
au conseil rural qui délibère et procède à une affection. “ Le président du conseil rural
n’appliquant que les décisions de l’organe délibérant, il leur a été ainsi précisé, en guise
toujours de rappel qu'ils n’ont pas compétence pour attribuer des terres et que les conseils
ruraux délibèrent sur les zones de terroirs. “Mais un conseil rural n'est pas compétent pour
procéder à des affectations dans les forêts classées. Les forêts classées sont gérées par l'Etat”.
Pour ce qui concerne les migrants, il leur est interdit toute installation future sans
autorisation. Les migrants qui envisagent de s'installer devront le faire avec une autorisation
des instances délibérantes. “Donc interdiction absolue de toute nouvelle installation dans les
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forêts classées ”, a martelé le gouverneur, en soulignant que les migrants ne sont plus
autorisés à défricher eux-mêmes les forêts classées pour s'installer. Parce que dit?il,
l'autorisation de défrichement d'une forêt est de la compétence de l'Etat, en l'occurrence des
services des Eaux et Forêts. Pour ce qui est de la situation des migrants actuels (les gens qui
sont là, établis depuis plusieurs années), M. Abdoulaye Diallo a dit qu'il est difficile de les
faire déguerpir. “Parce que ce sont des villages. Je suis en train de réfléchir, en rapport avec
le préfet du département de Kolda et le sous-préfet de Médina Yoro Foula, la commission
régionale de prévention et de gestion des conflits fonciers, pour voir quel est le sort à
réserver aux gens qui sont déjà là, installés depuis plusieurs années ”. Mais pour l'avenir,
dit?il avec force, interdiction absolue est faite de procéder à des installations.
Dans les villages de migrants, établis autour des mares et qui bloquaient le passage des
bergers venant abreuver leurs animaux, des voies de passages sont aménagées pour le bétail.
Par ailleurs, face aux conflits de distribution de parcelles qui opposaient à Médina Yoro
Foula le président de la communauté rurale et les jeunes et dans le souci de la préservation de
la paix sociale, les opérations de distribution ont été gelées. “Parce qu’il y avait un risque
d'affrontements au niveau de ce village”, a expliqué le gouverneur. Il a toutefois demandé au
sous? préfet de réunir les parties prenantes pour essayer de trouver une solution consensuelle.
Enfin, des instructions ont été données au chef du service régional de l'Aménagement du
Territoire pour qu'il se rende dans la communauté rurale de Fafacourou, afin de faire des
propositions de délimitation entre les villages de Saré Waly 2 et de Koel par rapport au
conflit qui les oppose.
MOUSSA SADIO
Tamba: Convoitises de terrains le long du fleuve
Tama Bianquinze assis sur une grosse pierre adossée à un arbre précisément un “ dimb ” sur
ses genoux une feuille de jeux de hasard regarde fixement la nature verdoyante composée
d’arbustes et d’herbes, tout autour de lui, des lotissements précaires matérialisés, soit par un
puits ou un enclos et parfois une case, hésite sur notre question posée tout de go à savoir
comment faire pour avoir un terrain ici au quartier Abattoirs. Il regarde le véhicule que nous
venons de quitter et le chauffeur en tenue treillis. Je le rassure. C’est mon frère, il travaille aux
Eaux et Forêts à Dakar, il est de passage à Tamba. Le visage de Tama Bianquinze s’éclaire.
“ Si vous voulez une parcelle nue non retenue par quelqu’un, il faut s’adresser au chef de
quartier. Dans le cas échéant, les terrains (ou bien ce qui fait office de maison) sont des
propriétés privées, les propriétaires y ont mis un prix et cela varie de 15 mille à 35 mille
francs Cfa “ explique-t-il avant d’ajouter “ on l’occupe en attendant les lotissements dans les
règles de l’art tout en souhaitant que votre parcelle ne coïncide avec une future route ou un
édifice à usage communautaire. Et même pour cette éventualité, on a droit un recasement
pour juguler l’investissement précaire déjà fait ”.
C’est pourquoi dans tous les quartiers périphériques des villes de Tamba, Bakel et Kédougou
à perte de vue, ce sont des enclos, des puits à moitié creusés, des margelles et des cases à
perte de vue . Les victimes de ses spéculations foncières sont pour la plupart les étrangers qui
sont séduits par la capitale orientale. Docteur Ibrahima Lô, propriétaire de Sud Veto, l’a vécu
à ses dépens. En voulant acheter un terrain indique-t-il, on prend contact avec les
démarcheurs, ceux-ci sont relayés par d’autres qui se sont professionnalisés.
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Si le prix d’un terrain dans les quartiers déjà lotis, peut aller de 200.000 à plus de 2.000.000
F Cfa, ces prix sont montés en flèche après la dévaluation du Franc CFA. Les émigrés très
nombreux dans cette région se sont rués dans le bâtiment. Tamba en même temps redore son
blason. Il y a moins de 20 ans, les maisons à plus d’un étage, il n’y en avait guère. A part les
maisons du patrimoine bâti de l’Etat, le décor était austère. A présent, des quartiers comme
Abattoirs, Plateau et Liberté abritent les plus beaux édifices de la ville.
Domaine sensible
Sur toutes les lèvres des personnes que nous avons abordées pour parler de spéculations
foncières à Tamba, c’est la même remarque. Et même une mise en garde “c’est un domaine
sensible” et certains préfèrent même garder l’anonymat. Ce mutisme est aussi de rigueur au
niveau des techniciens qui ont la main à la patte. Notre interlocuteur qui préfère garder
l’anonymat affirme sans ambages que le foncier est sensible dans toutes les régions du
Sénégal, particulièrement dans les zones habitées par certaines populations, les îles et des
villes comme Bakel qui est encastrée dans un espace réduit sans plan d’urbanisation et où les
nouveaux lotissements n’attirent pas.
Tamba, pour lui, a moins de problème mais se développe à vue d’œil, grâce à son avenir
prometteur. L’attrait réside dans ses innombrables potentialités minières et agro-industrielles.
Kédougou aussi est dans ce sillage, car présentant aussi le même attrait dans les secteurs
primaires, de l’agriculture et de l’élevage. C’est le cas le long des fleuves où les périmètres
bananiers naissent comme des champignons. Dans cette partie de la région, les terrains sont
octroyés à tour de bras.
A part les projets, ce sont des individus venus de tous les coins du Sénégal qui s’approprient
ces terres données selon la loi par délibération du conseil rural. Les périmètres de
Gouloumbou n’échappent pas à cette règle. En 1997 déjà, un chiffre d’affaires de 2 milliards
est sorti des entrailles des périmètres bananières. Les cas de spéculations ou d’octroi de
terrains qui font couler beaucoup de salive dans cette partie orientale c’est assurément la
bande de terre qui se trouve entre la station Chaîne VI de la RTS et le titre foncier qui se
trouve dans les terres de l’Elevage de Tamba.
Prenant les devants, les services du Domaine ont vivement demandé que le restant du
premier terrain soit octroyé seulement à un projet d’intérêt public coupant court à toutes les
convoitises. Les nombreuses demandes d’habitation ont été bloquées. A côté des services du
domaine, on insiste sur la régularisation par voie de bail. Ce droit réel immobilier permet de
s’inscrire au livre foncier qui confère un droit de propriété à l’intéressé.
Notons que les zones aurifères et minières relèvent du domaine de l’Etat qui délivre des
permis de prospections. Pour sa part, Fodé Camara, ancien chef de service des OHLM à la
retraite, fustige des écarts qui ont compromis son réel désir de mettre à la disposition de son
ancien service des réserves pour les générations futures. Il s’agit du titre foncier 867 du
Niany Ouly où 32 ha ont été laissés à Tamba. Au niveau de Kédougou, pour le titre foncier
848 qui jouxte les HLM, 3 ha au niveau du corridor vers le fleuve. Il y a aussi les 45 ares de
la réserve à Yeginé à Bakel.
Que sont devenus ces terrains, se pose-t-il des questions. A Tamba, cela a été bradé dans
quelles conditions s’interroge-t-il ? pour aussitôt ajouter qu’ils ont été parcimonieusement
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distribués et ou partagés entre certains élus. Le cas le plus concret, selon M. Camara, c’est au
niveau des HLM II où la réserve a été tout bonnement bradée, renchérit-il. Comme quoi,
même si le problème d’espace ne se pose pas à Tamba, il s’agit à présent de constater une
course effrénée vers les endroits laissés libres et bien situés.
PAPE DEMBA SIDIBE
Seydou Camara (SAED): “Aborder autrement les problèmes fonciers”
La gestion du foncier comporte plusieurs aspects : socio-économique et culturel d'un terroir
homogène. Elle est caractérisée dans sa globalité par une hiérarchisation des relations au sein
de la communauté. Dans la région de Saint-Louis, zone agro-écologique et agricole par
excellence, le pouvoir de la terre est une puissance ancestrale que l'ère de la modernité a du
mal à bousculer an nom de l'intérêt public et du développement collectif. L'emprise des
populations sur les réserves foncières n'est pas pour favoriser une dynamique interne de
développement que la décentralisation devrait apporter à cette zone hydroagricole.
Le problème foncier est une question globale même si les enjeux peuvent être spécifique
d'un terroir à un autre et s'exprimer en termes de souveraineté économique. D'où un
engouement noté partout sur les terres que Seydou Camara, responsable de la division
planification et des études à la SAED trouve “ très normal. ” Car à son avis, “ c'est la terre
qui libère le problème de l'identité de l'individu. Le système économique en dépend aussi. ” Il
met d'ailleurs cette situation dans le compte de la lutte contre la pauvretë.
Sociologue de son état, Seydou Carnara nous parle de l'expérience de la Saed en matière de
gestion des terres qui du point de vue technique est très riche. “ Nous avons une expertise en
matière de gestion de ces terres-là ” souligne-t-il. Mais derrière tout ça, fait-il remarquer, “ il
y a toute une histoire. Car il fut des temps la Saed était exclue dans les structures
d'aménagement des terres du delta. Elle a géré ensuite directement la terre et que donc
choisissait ce qu'il fallait faire par rapport à quel type de terre, à tel endroit, à qui attribuer et
même retirer. C'était la période de la zone pionnière. ” Ce rôle étant dévolu aujourd'hui avec
la décentralisation aux collectivités locales particulièrement les communautés rurales.
Seydou Camara pense que: “ s'il s'agit de gérer le foncier, les élus locaux peuvent l'assumer
car ils connaissent bien leurs terroirs. lis connaissent également les terres, l'histoire, les atouts
et les contraintes techniques. ” N'empêche la Saed travaille avec les collectivités locales sur
ces questions et elle veille sur un certain nombre de principes à respecter par les bénéficiaires
et par les gestionnaires de ces terres qui doivent respecter les dispositions de la loi.
S'agissant de la loi sur le domaine national, Seydou Camara est d'avis comme beaucoup
d'autres spécialistes qu'il faut revoir ce texte. Mais dans quel sens ?
Là se trouve la question que pose notre interlocuteur. Toutefois, il attend que le texte soit
soumis à la discussion. Pour lui “ les points de vue doivent passer par tout le monde. Que
tous les types d'acteurs se prononcent sur la question de la réforme de la loi sur le domaine
national. Les fonctionnaires, les élus locaux, les professionnels de l'agriculture comme
industrielle, le patronat, les anciens propriétaires terriens, les chefs coutumiers, tous doivent
être conviés à la réflexion. Et c'est dans la discussion qu'on pourra sortir certains aspects très
particuliers qu'il faut intégrer. A défaut, on risque d'arriver à des situations d'impasse plus
tard. ”
RECUEILLIS PAR M. SAGNE
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BON A SAVOIR
LA LEGISLATION FONCIERE
Les deux textes de base sont la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national et
celle n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’Etat. Il s’ajoute deux autres
textes plus anciens à savoir Le décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété
foncière Et l’arrêté local du 15 août 1933 portant règlement pour l'application du décret du 26
juillet 1932;
PROCEDURE D'ATTRIBUTION OU D'ACQUISITION D'UN TERRAIN
* Demande motivée adressée au Receveur des Domaines
- Documents à fournir = plan cadastral programme d'investissement, plan de financement,
statuts de la personne morale, pouvoirs des représentants des demandeurs, décision
d'affectation du conseil rural etc...
- Avis des services techniques du cadastre (sur la superficie et la situation foncière de la
parcelle) et de l'Urbanisme sur la destination prévue par rapport à l'aménagement de la zone
- Avis éventuel de tout service dont l’éclairage peut être utile à l'instruction de la demande ;
- Saisine pour avis de la commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD) sur
l'opportunité et les conditions financières de l'opération envisagée ;
- Notification de l'avis de la CCOD "à l'intéressé" ;
- Immatriculation du terrain avant l'établissement de l'acte administratif par le Receveur des
Domaines ;
- Signature de l'acte par l'intéressé et le représentant de l’Etat ;
- Approbation de l'acte par le Ministre charge" des domaines. inscription du titre
d'occupation au livre foncier délivrance de la copie du titre foncier ou du certificat
d'inscription.
FORMALITES PREALABLES A L'IMMATRICULATION D'UN TERRAIN DU
DOMAINE NATIONAL
- Avis de la CCOD décision prescrivant l'ouverture d'une enquête d'utilité publique ; décret
prescrivant l'immatriculation
- réunion de la commission de constant de mise en valeur par le Préfet sur l'estimation des
indemnités à verser aux propriétaires d'impenses sur le terrain ; décret de désaffectation et de
fixation des indemnités.
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PROCEDURE D'IMMATRICULATION DU TERRAIN –
Dépôt de la réquisition d'immatriculation avec tous les contrats ou actes constitutifs de ses
droits, le plan de l'immeuble, le versement d'une provision égale au montant présumé des
frais de la procédure auprès du Conservateur de la Propriété ;
- le requérant reçoit un récépissé de dépôt de la réquisition ;
- insertion d'un extrait de la réquisition dans le journal officiel * affichage pendant 3 mois
des placards reproduisant l'insertion de la réquisition au greffe du tribunal, à la mairie, pour
recueillir dans un registre spécial les oppositions éventuelles ou les observations de toute
nature ;
- insertion de l'avis de bornage de l'immeuble à immatriculer au journal officiel ;
- affichage de l'avis de bornage à la mairie, à la préfecture ;
- bornage effectué par un géomètre assermenté en présence du requérant des propriétaires
limitrophes. Un procès-verbal de bornage est établi par le géomètre et transmis au
Conservateur de la Propriété foncière
- S'il y a des oppositions ou des demandes d'inscription, ces oppositions doivent être réglées
à l'amiable ou en justice avant le bornage.
- S'il n'y a pas opposition,, le Conservateur procède à l'immatriculation de l'immeuble dans
les livres fonciers dès réception du procès-verbal de bornage.
FORMALITES DE L'IMMATRICULATION
- Inscription au registre des dépôts d'une mention constatant l'achèvement de la procédure ;
- l’établissement du titre foncier sur les livres fonciers ;
- rédaction de bordereaux analytiques pour chacun des droits réels à publier
- mention de ces droits sur le titre foncier ;
- établissement d'une copie du titre foncier à remettre au propriétaire et de
d'inscription à délivrer aux titulaires de droits réels.
certificat
PROCEDURE D'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE
1. Composition du dossier Propositions motivées du maître d'œuvre du projet ;
- description ou avant projet indicatif
- plan de l'emplacement nécessaire programme d'investissement et plan de financement
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2. Phase administrative
a) - Enquête d'utilité publique: décision prescrivant l'ouverture de l'enquête, publication de
l'enquête au journal officiel, désignation du commissaire enquêteur, dates d'ouverture et de
clôture de l’enquête, réception du dossier d'enquête.
b) - Déclaration d'utilité publique: décret déclaratif d'utilité publique, publication du décret
déclaratif d'utilité publique au journal officiel
c) - Déclaration de cessibilité: décret de cessibilité, publication au journal officiel du décret
de cessibilité, notification du décret aux propriétaires intéressés et fixation de la date
d'établissement de l'état des lieux par lettre recommandée avec accusé de réception, état des
lieux, inscription du décret de cessibilité au livre foncier, évaluation des indemnités à
proposer.
d) - Accord amiable: après expiration d'un délai de 15 jours à compter de la publication au
journal officiel et de la notification du décret de cessibilité, les propriétaires intéressés sont
convoqués devant la commission de conciliation par lettre recommandée avec accusé de
réception.
En cas d'accord à la réunion de conciliation, il y a paiement de l'indemnité d'expropriation:
inscription de la mutation de propriété au nom de l'Etat, prise de possession de l'immeuble.
3. Phase judiciaire
A défaut d'accord amiable, une assignation est servie aux propriétaires intéressés à
comparaître devant le juge des expropriations dans le délai de 3 mois, à compter du procèsverbal de la commission de conciliation: ordonnance d'expropriation, paiement ou
consignation de l'indemnité provisoire, transport sur les lieux si nécessaire en présence du
juge, ordonnance fixant le montant de l'indemnité définitive, paiement de l'indemnité
définitive ou consignation de l'indemnité complémentaire, inscription de la mutation de
propriété au nom de l'Etat.
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