bulletin n° 22 - Association des Amis des Câbles Sous

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bulletin n° 22 - Association des Amis des Câbles Sous
ASSOCIATION DES AMIS DES CABLES SOUS-MARINS
Le navire-câblier ARAGO.
BULLETIN N° 22 – DECEMBRE 2002
LE MOT DU PRESIDENT
par Alain Van Oudheusden
N
ous avons demandé à Jean Devos,
expert
international
renommé,
Président de Suboptic et d’Axiom de faire
le point sur la crise actuelle des câbles
sous-marins et les conditions du
renouveau. En fait, nous reprenons l’article
écrit pour le «journal de Bord » avec la
double autorisation de l’auteur et de FTMarine. La crise perdure, de nombreux
nouveaux opérateurs sont en faillite, les
sociétés ayant pignon sur rue souffrent et
cette situation dramatique entraîne de
nombreux malheurs sociaux. Le Fresnel est
redevenu le navire-ravitailleur qu’il était à
son lancement et il est désormais prêt pour
de nouvelles aventures dans l’offshore,
éventuellement sous un autre pavillon. La
fin de l’année approche et le René
Descartes, navire-câblier tout neuf est resté
l'arme au pied. Pour nous rappeler une
époque de l’histoire des câbles plus
agréable, Jean Devos évoque l’époque pas
très lointaine d’Alcatel en Australie.
Deux Amis viennent de nous quitter : le
commissaire Raymond et le Maître
d’Hôtel Louis Mendy. Nous adressons
toutes nos condoléances à leurs familles
éprouvées. Nous rappelons la saga des
câbles sous-marins de la Côte d’Afrique et
de la base de Dakar. Une longue histoire
franco-africaine,
les
navires-câbliers
Arago, Alsace mais aussi Léon Thévenin
en station à Dakar. Les stations
télégraphiques de la Côte d'Afrique mais
aussi les centres téléphoniques de Dakar et
Abidjan. Rendons hommage à tous les
marins sénégalais et maliens qui,
embarquant sur un navire à Dakar se sont
retrouvés à La Seyne sur Mer à partir de
1948.
Ils ont fait souche, mais ils ne se doutaient
pas, ces courageux marins, qu’en suivant
leur navire-câblier, ils devraient aller
chaque année à Terre Neuve avec
L’Ampère, épreuve remplie avec leur
bonne humeur habituelle. Je me souviens
particulièrement d’Albert Sadio, chef
cuisinier de son état et spécialiste du
Capitaine farci à la Wolof (c'est un poisson
dois-je préciser) et des Maîtres d’Hôtels
Keita et Louis Mendy, toujours très attentif
à la hiérarchie. Ils ne sont plus là, mais le
dernier carré des africains qui fréquente le
marché provençal seynois, nous rappelle le
bon vieux temps et les anciens «sages ».
Grâce à une équipe éditoriale renforcée et
motivée, la parution du Bulletin retrouve
son cours normal. Le site Internet a subi
un coup de jeune et je vous rappelle son
adresse : www.chez.com/cablesm/ : à la
technique, Marc Leca et J. L. Carayon, aux
programmes J L Bricout et G Fouchard.
Vous retrouverez dans ce bulletin quelques
morceaux choisis des commandants L.C.
Mertz et Francis Lagrippe. Les Mémoires
de Henri Renouard, commissaire de la
Charente nous ont été confiées par la
famille Audic, qui habite toujours la
maison de notre « ancien » dans l’anse de
Balaguier. Ainsi, nous couvrons toutes les
époques de la saga du « câble », bonnes ou
mauvaises.
Notre ami pierre Romano, infirmier aux
armées avant d’intégrer les câbles sousmarins, vient d’être décoré de la médaille
militaire. Nos félicitations à l’heureux
récipiendaire.
Je souhaite à tous de bonnes fêtes de fin
d'année et des archives à découvrir pour le
plaisir des Amis.
A. Van Oudheusden
LA VIE DE L'ASSOCIATION
Réunion
Le bureau s'est réuni 2 fois ce mois ci :
CONFERENCES
Le 07 novembre pour échange de point de
vue pour la parution du bulletin N°22.
Gérard Fouchard, à animé en ce mois de
novembre, 3 conférences
Le 21 novembre dans les locaux de"bureau
conseil" à la Seyne pour la mise à jour du
site internet.
Le 12 novembre
Salle Mozart à TOULON
SITE INTERNET
Le bureau a rencontré dans les locaux de
"bureau conseil" à la Seyne, M CARAYON
JL (qui compte faire partie de l'association
en 2003 )
M CARO spécialiste des sites web.
La mise à jour et l'entretien du site sera
réalisé par Mrs CARO et marc LECA qui
seront tous deux WEBMASTER
L'alimentation en article et rubrique sera
faite par Mrs FOUCHARD et BRICOUT JL
Théme : le 08 mai 1902 Les câbliers,
témoin privilegiés de l'éruption de la
montagne pelée.
Le 19 novembre
A la Seyne sur Mer Colloque HPS
Théme : La base de la Seyne sur Mer pendant l'ére
du câble téléphonique (1950 – 1990).
Le 21 novembre
Institut Michel Pacha université de Lyon.
Théme : La crise actuelle des télécommunications.
ª
La nouvelle adresse du site de
l'association.
www.chez.com/cablesm/
LIVRES parus avec participation des
membres du bureau.
Edition FLOHIC
Le patrimoine des Télécommunications
Edition Undersea Fiber communication
Sytemes
Ouvrage établi sous la direction de José
Chesnoy
Editeur Elsevier ( USA )
Quelques amis lors de l'ag de juin 2002
LES CÂBLES SOUS-MARINS EN AFRIQUE DE L’OUEST
Par Gérard Fouchard
Notre Ami louis Mendy vient de nous quitter. Il aurait
apprécié que nous rendions hommage à la présence des
navires-câblier en Afrique et des africains sur les navirescâblier. Une longue histoire, une page de notre histoire
commune, l'histoire d'une amitié de plusieurs générations.
Témoignons que notre histoire commune ne fut pas seulement
celles des guerres.
Le réseau télégraphique
Les premiers câbles sous-marins posés le long des
côtes d’Afrique de l’Ouest sont des initiatives
européennes.
Les gouvernements espagnols et français
financèrent une guirlande de câbles sous-marins
reliant Cadix – Ténériffe (partie espagnole),
Tenerife – Saint Louis – Yoff – Dakar (partie
française). Les câbles sont posés en 1884 et 1885
par le constructeur britannique Indian Rubber pour
le compte de l’opérateur Spanish Submarine
Telegraph Co.
Puis trois compagnies britanniques ont installé un
réseau centré sur Bathurst et Dakar :
(i) La West African Telegraph Co pose en
1885 – 86 une guirlande reliant Saint- Bonny
(Nigéria). Ces câbles sont prolongés en 1886 –
87 sur Grand Bassam – Accra – Cotonou –
Saint-Thomas – Loanda et Saint-Thomas –
Principe – Libreville.
(ii) Saint-Louis – Dakar – Bathurst –
Boloma (Guinée Bissau) – Bissao – Conakry
– Freetown – Accra – Lagos – Brass et
(iii) L’African Direct Telegraph Co pose
un réseau britannique en 1900
(iv) pour relier la Grande Bretagne à
Bathurst - Freetown – Iles Ascension et
Saint-Vincent puis l’Afrique du Sud.
(v) Enfin, la South Américan Telegraph
Co (SACC) pose les câbles Dakar –
Fernando – Recife en 1892 avec l’aide de
capitaux français.
Le premier réseau télégraphique d’Afrique
de l’ouest s’appuie initialement sur les
câbles sous-marins. Ensuite, il rejoint les
villes de l’intérieur par de lignes
télégraphiques aériennes.
Installation d'une ligne terrestre
carte du réseau télégraphique terrestre et sous-marin en 1897 (selon l’Illustration)
Le journal l’Illustration publie un article sur la
situation en 1897 assorti d’une carte du
réseau.
D’autres pays européens ont des ambitions
coloniales en Afrique de l’ouest, et pas
seulement la Grande Bretagne et la France.
Tous s’inquiètent du monopole britannique
sur les communications vers l’Europe. Pour
s’en affranchir :
(1) La France installe en 1905 un câble
direct Brest – Dakar, construit à Calais
qui double la liaison existante transitant
par Cadix (Espagne).
(2) L’Allemagne installe en 1912 un réseau
reliant Borkum (Allemagne) – Vigo
(Espagne) et Monrovia (Libéria) avec le
navire-câblier Stephan.
En 1912 également, le Gouvernement
français provoque l’achat des câbles Dakar–
Fernando et Fernando–Pernambouc de la
SACC. Il créé la Compagnie des Câbles
Sud-Américains (SUDAM) (décret du 15
octobre 1912). La SUDAM profite du
programme allemand pour s’y raccorder à
Monrovia. Elle commande à l’industrie
allemande les deux liaisons Monrovia –
Grand Bassam et Monrovia – Cotonou qui
sont posées par le Stephan en 1913.
Entre 1914 et 1918, l’Afrique est touchée
par la Guerre. En 1915, la France et
l’Angleterre
détournent
les
câbles
allemands. Le câble allemand Borkum –
Vigo – Monrovia devient britannique dans la
Manche, et est détourné par la France dans
sa partie Atlantique pour constituer une
liaison Brest - Casablanca - Dakar. En
1919, ces câbles sont définitivement
attribués aux vainqueurs, au titre des
dommages de guerre ainsi que les câbles
Libreville – Port Gentil, Port Gentil – Pointe
Noire et Cotonou - Lomé.
1932 - Un navire câblier à Dakar.
En 1932, l'administration des PTT construit
à Dakar un dépôt de 2 cuves et y affecte un
câblier qui sera progressivement doté d’un
équipage africain.
L’Arago est un ancien navire-câblier
britannique construit en 1914 (Transmitter).
Ses dimensions sont les suivantes :
longueur 63,5 mètres, largeur : 9,10 mètres
et creux 5,9 mètres. L’armement du navire à
Dakar coïncide avec la vente des navirescâblier de la CFCT, ce qui permet au
service
des
Câbles
sous-marins
d’embaucher le personnel disponible. Or, le
personnel de la CFCT bénéficie d’un statut
conformément à la législation maritime, et
l'administration aurait souhaité se dispenser
des obligations imposées aux armateurs !
Sous la pression du personnel, elle signe un
statut avec les représentants des Equipages
et des Etats-Majors.
se rendre à Dakar et d’attendre. L’Arago
appareille de Toulon pour couper le câble
Gènes-Barcelone et se réfugie à Port
Vendres puis se joint à un convoi vers
l’Angleterre pour regagner Oran puis
Mostaganem (L’Arago garde le port de
Mostaganem). L’Ampère 2 à Oran lorsque
survient l’attaque de Mers-El-Kébir. Fin août
1940, les deux navires sont à Oran.
L’Alsace, toujours à Dakar, assiste à
l’attaque du 23 septembre 1940 par les
Forces Françaises Libres (FFL). Par crainte
de le perdre, la Direction lui fait faire
mouvement sur Casablanca. Le 8 novembre
1942, au moment du débarquement
d’Afrique du Nord (opération Torch), l’Alsace
devait retourner à Dakar, mais les Anglais
refusent. Il doit aller à Gibraltar ou il y passe
Noêl 1942.
La première tâche du navire est de
reconfigurer le réseau qui prend sa forme
définitive indiquée en annexe(Grand Bassan
– Cotonou 1935 et Lomé – Douala 1940).
La guerre et la fin du réseau des câbles
télégraphiques (1938 – 1965).
En 1938, la guerre européenne touche
l’Afrique. L’Etat-Major et les principaux
maîtres qui vivent à Dakar avec leurs
familles doivent regagner la métropole en
septembre 1939 lorsque les navires sont
militarisés. On confie à l’Arago la pose la
liaison Marseille – Oran. Il est ensuite prévu
de transférer son personnel de l’Arago sur
l’Alsace. Ce nouveau navire qui est en cours
de finition au Havre doit prendre la station
de Dakar dès sa mise en service.
L’Alsace doit prendre la station de Dakar
son personnel dès sa mise en service.
L’avance des armées allemandes perturbe
le programme. Dès la fin de son armement
à Brest, le navire est envoyé pour réparer
un câble près des Açores quelques jours
avant la prise de Brest par l’occupant. Sans
nouvelles de la Direction, l’Alsace décide de
La permutation des équipages de l’Arago et
de l’Alsace a finalement lieu à Casablanca
en avril 1943. En décembre, l’Alsace est
enfin à Dakar avec son équipage africain. Il
y restera jusqu’en 1948 et regagnera
définitivement La Seyne sur Mer en
conservant son équipage. Le réseau
d’Afrique de l’Ouest continuera à être
entretenu par les navires basés à La Seyne
et l’Ampère sera envoyé chaque année
jusqu’en 1965. Les câbles sont alors
abandonnés au gré des interruptions.
Les câbles téléphoniques (1973 –1995).
Pendant l’époque des câbles téléphoniques,
les flux de trafic téléphoniques restent
orientés Nord-Sud entre les nouveaux pays
indépendants et l’Europe. Il y a peu de trafic
régional. Deux grands systèmes sont
installés entre 1973 et 1980, la guirlande
côtière, puis en 1982, le système Atlantis.
Atlantis devait être prolongé de Dakar à
Abidjan mais la récession ne le permis pas
et le trafic intercontinental fut assuré par les
satellites Intelsat.
Un nouveau dépôt à câble comprenant 4
cuves fut construit dans l’enceinte du port
de Dakar pour abriter les réserves et Dakar
était une base possible désignée dans
l’Accord d’entretien des câbles d’Atlantique
(ACMA). Le Léon Thévenin y séjourna à
plusieurs reprises.
de branchement. Son coût de plusieurs
milliards de dollars le rendait irréaliste
compte tenu du faible trafic entre les pays
Africains.
Les câbles à fibres optiques (2000 –
2002).
L’idée de l’Afrique du Sud est de s’appuyer
sur les systèmes existant entre l’Europe et
le Brésil via Dakar (Atlantis 2), et entre
l’Europe, l’Egypte Djibouti, l’Inde et
Singapour (SEA-ME-WE 2 et 3) puis de
compléter les routes entre l’Afrique du Sud,
l’Inde et le Sénégal par deux systèmes dans
l’océan Indien (SAFE) et dans l’océan
Atlantique (SAT 3). Les capitales des pays
d’Afrique de l’Ouest reliées au SAT 3 sont
Dakar, Abidjan, Cotonou, Lagos, Douala et
Libreville. Ce programme fut réalisé entre
1998 et 2002 assurant un raccordement au
réseau mondial à fibres optiques à tous les
pays d’Afrique de l’Ouest. Ils bénéficient de
tous
les
nouveaux
services
de
télécommunications via l’internet..
A partir de 1990, tous les continents sont
reliés au réseau mondial par les premiers
câbles à fibres optiques. Le Sénégal prend
l’initiative de la construction d’un système
reliant Dakar, Conakry, Monrovia et Abidjan.
Il est apparu que ce système ne pouvait pas
être installé sans la participation du Nigéria
et une connexion vers le Nord sur le réseau
européen soit à Madère, soit à Casablanca.
Le projet Africa One, étudié par l’industrie et
des financiers américains devait ceinturer
l’Afrique en se raccordant à tous les pays
côtiers Africains par l’intermédiaire d’unités
Les câbles sous-marins télégraphiques
Année
Atterrissements
Fournisseurs
Longueur (km)
Premier propriétaire
1884
1884
1885
1885
1892/07
1892
1886/02
1886/02
1886/02
1905
Cadix – Tenerifffe
Indian Rubber, G
Tenerifffe - Saint-Louis
Indian Rubber, G
Saint-Louis – Yoff
Indian Rubber, G
Yoff - Dakar
Indian Rubber, G
Dakar-Fernando de Norh.
Indian Rubber, G
Fernando - Pernanbouc
Indian Rubber, G
Cotonou - Libreville
West African Tg
Dakar – Conakry
West African Tg
Grand Bassan - Cotonou
West African Tg
Brest - Dakar
S. Indust. des Tph
1593,307
1664,118
194,780
14,563
3152.381
643.106
1217,201
865,983
822,043
4488.583
Spanish Sb. Telegraph C°
Spanish Sb. Telegraph C°
1912
1912
1913
1913
1909/15
1910/16
1910/19
1910/19
Conakry - Monrovia
Monrovia – G. Bassan
Libreville – Port Gentil
Port Gentil – Pointe Noire
Brest – Casablanca
Casablanca – Dakar
Monrovia - Lomé
Lomé - Douala
Dakar – Conakry n° 1
573.620
926.259
170.258
797.716
2557.582
2959.496
SUDAM
SUDAM
Ministère PTT
Ministère PTT
Germ. South Amer. Tg C°
Germ. South Amer. Tg C°
Germ. South Amer. Tg C°
Germ. South Amer. Tg C°
Ministère PTT/FCR
1913/35
1913/21
1913/40
1932
Grand Bassan - Cotonou
Cotonou – Lomé
Cotonou – Douala
Dakar – Conakry n° 2
1012.951
152.449
1077.014
1170,464
Ministère PTT/FCR
Ministère PTT/FCR
Ministère PTT/FCR
Ministère PTT/FCR
Norddeutche Seek
Norddeutche Seek
S. Indust. des Tph
S. Indust. des Tph
Norddeutche Seek
Norddeutche Seek
Norddeutche Seek
Norddeutche Seek
Indian Rubber, G
Indian Rubber, G
South American Teleg C°
South American Teleg C°
Ministère P&T
Ministère P&T
Ministère P&T
Ministère PTT
Les câbles sous-marins téléphoniques
Année
Atterrissements
Fournisseurs
Longueur (km)
Répéteurs
Capacité (3/4 kHz)
1973
1977
1878
1980
1978
Penmarc’h - Casablanca
Casablanca - Dakar
Dakar - Abidjan
Abidjan - Lagos
Marseilles – Tetouan
Submarcom
Submarcom
Submarcom
Submarcom
Submarcom
1916,820
2703,920
2620,580
1118,608
1520,492
92
125
121
53
168
480/640
480/640
480/640
480
2580
1980
1982
1982
Penmarc’h - Sesimbra
Burgau – Dakar (ATL)
Dakar – Recife (ATL)
Submarcom
Submarcom
STC
1444,560
2818,744
3432,000
166
293
258
2580/3440
2580/3440
1380
G Fouchard
OU VA L’ACTIVITE « CÂBLES SOUS-MARINS » ?
Jean Devos,
Président d’ Axiom
Membre de "Don Quichotte Consulting »
NDLR. Avec la double autorisation de l’auteur et d’Alain Suard, président de FT-Marine,
nous reproduisons l’article du « Journal de Bord » n° 20 de FT-Marine paru en octobre
2002.
Introduction
La vague était trop forte, pour que la sagesse
puisse ces dernières années l’emporter.
Des excès inévitables ?.
L’Internet, a fasciné, attiré et généré un
surinvestissement. Des prévisions trop
optimistes et c’est la bulle. Les prix chutent
et la bulle éclate !
L’assagissement est là mais les effets
dévastateurs vont se faire sentir quelque
temps :
les infrastructures sont des
investissements lourds, un mal nécessaire,
dont le cout doit être partagé. On a construit
12 câbles transatlantiques en 1999 et 2000
ayant chacun la capacité suffisante !!
Finance
Nous sommes entrés brutalement dans un
monde où la décision de faire un câble ou
pas dépend de la bonne volonté des prêteurs.
Mais les marchés financiers mêlent
conservatisme et innovation. Ils passent de
l’enthousiasme
pour
les
approches
innovantes au refus de toute idée, même la
meilleure. En outre pas de grandes visions
stratégiques, la rentabilité doit être forte et
immédiate.
La Technologie.
La Technologie a été un peu négligée par les
nouveaux leaders, plus gestionnaires
qu’ingénieurs. La part majoritaire du cout
d’un système équipé est dorénavant dans les
terminaux, ce qui permet d’étaler le cout
dans le temps et la capacité d’un câble a été
multipliée par 100 !. Cette possibilité
d’étalement de l’investissement est un
facteur clé dans un environnement où le cash
flow est devenu très important. En ellemême, cette évolution technologique sans
précédant aurait suffi à satisfaire des besoins
pourtant croissants. Il n’y avait nul besoin à
y rajouter une compétition sauvage entre des
réseaux surabondants, tous basés sur le
même business-plan.
Les acteurs .
L’idée de « carrier’s carrier » est logique
dans un monde dérégulé, mais le modèle
semble pour l’instant défaillant. Les grands
opérateurs ont continué à investir
directement pour leurs besoins essentiels,
seul moyen d’avoir la capacité au prix
coûtant. Par ailleurs, ils sont lourdement
endettés. Les restructurations et les
consolidations vont continuer. Il en sortira
un petit nombre de grands opérateurs.
La capacité mondiale de production a été
multipliée par 10 entre 1990 et 2000 ! (de
30.000 km à 300.000 km). Le nombre de
navires câbliers a suivi, pour atteindre
aujourd’hui le nombre de 80 !
Les fournisseurs se sont lancés dans les
services, supposés plus rentables. Alcatel,
s’est lancé dans la maintenance terrestre et
maritime et s’est équipé d’une flotte de
navires. Les Japonais se sont épuisés dans
leurs luttes intestines. Tous ont offert de
financer les projets. Les fournisseurs sortent
donc plutôt exsangues, de cette période
d’expansion du marché.
La situation n’est pas brillante : des réseaux
« activés » à 15% en moyenne, les
propriétaires sous « administration », les
opérateurs endettés, les fournisseurs
exsangues. L’activité est à l’arrêt ..
QUEL FUTUR ?
La croissance du trafic international est
forte, entre 50 et 100% par an. Elle est
durable, compte tenu, du potentiel Internet
large bande.
Il y aura donc des besoins de capacité, et
l’activité va reprendre. A quel niveau,
quand et avec qui ?
1- Quand ?
De nombreuses incertitudes subsistent quand
à l’utilisation rationnelle des câbles installés
mais on peut affirmer qu’à l’exception
des « upgrade », et de quelques projets
régionaux , le vrai redémarrage de l’activité
ne se fera pas avant 2005 ,peut-être même un
peu plus tard .
2- Quel niveau ?
On ne retrouvera pas le niveau d’activité des
années 2000/2001. On va traiter les
infrastructures
d’une
manière
plus
raisonnable, plus coopérative. Deux réseaux
concurrents seront construits, l’un par un
consortium de carriers, l’autre
par un
« carrier’s carrier ». La communauté
financière sera elle aussi plus prudente.
La technologie va continuer à évoluer L’
« ultra dense WDM » pourrait multiplier
par 10 la capacité d’un câble. La technologie
à 40gbits par longueur d’onde est à l’horizon
elle aussi. Le marché des câbles sous-marins
devrait s’établir à un niveau moyen
d’environ 2.5B$/an, environ 60 000Km par
an, à un niveau 40% du niveau moyen des
années 98/2000.
3 Avec qui ?
Une situation plus modeste en volume, des
acteurs moins nombreux, des comportements
plus lisibles, des prévisions plus fiables.
-Projets :
Les projets seront lancés par de consortiums
d’opérateurs, ou parfois par des sociétés
adhoc associant opérateurs et investisseurs.
Ces deux solutions comportent des
difficultés de cohabitation entre carriers
concurrents dans un cas, entre carriers et
investisseurs dans l’autre. Il faudra du
pragmatisme et de la sagesse.
-Fournisseurs :
Dur dur !.. Il faudra être petit, performant et
pas cher !!
Il faut diviser par 3 la capacité de production
des usines.
Il faudra moins de 10 navires de pose et pas
plus de 30 pour la maintenance globale.
Les grosses structures comme Alcatel et
Tyco ont des révisions déchirantes à opérer :
soit se replier sur un métier de base, soit
continuer à « tout faire » ?
Les opérateurs auront intérêt à partager entre
eux les couts de maintenance. Les accords
par zones géographiques ont un bel avenir.
Le modèle japonais, mieux adapté aux temps
de crise, va peut-être s’imposer.
Une séparation des compétences :
l’électronique chez « les Alcatel », le câble
chez des spécialistes du type « OCC » et les
navires chez les propriétaires des câbles.
Ce serait une belle ironie de l’histoire.
CONCLUSION :
Il y aura un marché, mais la bulle récente ne
peut et ne doit se reproduire. La structure du
nouveau business reste à inventer, mais pour
les fournisseurs de produits et services,
l’avenir appartient à ceux qui seront pointus,
réactifs, compétitifs, aux dauphins, pas aux
hippopotames !
J DEVOS
Juin 2002
Marché CSM
9
8
7
6
5
B$
4
2000
1999
2
1998
1997
3
1
2006
2005
2004
2003
années
2002
1
2001
1996
1995
0
OPERATION ITUR
Par Francis LAGRIPPE
ODESSA
Le Vercors ayant été programmé en début
d’année 1995 pour procéder à l’installation du
câble ITALIE/TURQUIE/UKRAINE/RUSSIE en
commençant par la partie Mer Noire en
septembre, il me fût demandé dans un premier
temps de me rendre à ODESSA, pour épauler M
Sallavuard représentant le courtier BRS, et
essayer d’y trouver un ou deux remorqueurs
capables de nous assister pour les opérations
«charrue » qui ne manqueraient pas durant cette
pose. Pourquoi ODESSA ? Parce que les pays
concernés voulaient bénéficier du privilège du
pavillon et faire travailler leurs navires !
Nous voilà donc, le mardi 6 juin 95 à 14h40,
posés sur une piste en plein champ. De suite une
impression nous envahit, celle d’être arrivés sur
un aérodrome d’Afrique dans les années 50 ; De
vieux hélicoptères Sukoy sont en train de rouiller
ça et là, un véhicule russe assez fatigué avec une
pancarte VIP attend au pied de la passerelle, tiens
surprise ! Il est pour nous ! On aperçoit de vieux
baraquements au bout du terrain, c’est
l’aérogare ! Nous avons droit à une file d’attente
spéciale, mais les cloisons de bois grillagé me
font penser à un poulailler ! Bref, Sergueï le jeune
agent qui nous réceptionne parle un très bon
Français et nous précise être d’origine Grecque ce
qui n’est en rien surprenant dans cette ville
« Mosaïque de Peuples » au passé glorieux . En
fin d’après midi nous découvrons notre hôtel le
« Londonskaya » le plus prestigieux et le plus
ancien de la ville, mais aussi « hôtel d’état »
! La première chose à nous être annoncée
est qu’il n’y a pas d’eau chaude, parce que plus
de gaz (de Russie) ! C’était après les péripéties du
partage de la flotte de la Mer Noire mais la
Russie faisait encore pression de tout bord ! Cela
n’empêchât pas, durant le dîner sur le patio
intérieur, d’avoir droit à l’orchestre Tzigane. Le
Lendemain matin petit déjeuner au même endroit,
mais le lait, le beurre et le chocolat étaient
contingentés. Dans la
matinée, après une réunion dans des locaux du
port avec l’agent et trois officiels de la société
SATCO, nous nous rendons à Alexandrovska à
30 km au sud d’Odessa pour y voir ce que nous
proposent les Ukrainiens. Dans ce petit port qui
ressemble plutôt à un chantier de démolition,
seuls deux remorqueurs vétustes méritent notre
attention, mais un seul risque d’être disponible au
moment de la pose prévue en septembre. Il s’agit
du « SVETLOMOR 4 » dont la taille, 61m
semble disproportionnée par rapport aux 3744
CV de puissance, en fait 40 T au croc et un
système « joystick » qui commande les 2 hélices,
le propulseur Av et la barre, il est normalement
armé par un équipage de 24 personnes ! Nous
vérifierons par la suite que ce « monstre des
mers » était un bon choix.
Nous n’étions pas là pour faire du tourisme, mais
de retour en ville l’après midi nous décidons
d’explorer les lieux, en fait notre hôtel se situe a
l’extrémité sud d’une promenade qui surplombe
le port ; à l’autre extrémité se trouve le fameux
escalier « à la poussette » du film « Potemkine
« d’Eisenstein, nous sommes très fiers de
l’emprunter, en bas nous constatons que près du
port a passagers sont amarrés de rutilants petits
bateaux hôtels, qui, nous apprit-on, naviguaient
auparavant sur le Dniepr et le Dniestr , sans
orchestre mais avec eau chaude et surtout
beaucoup moins chers que notre hôtel d’état ! Il
en faut bien des « Agents Patriotes » ! En haut de
l’escalier se trouve la statue d’un célèbre émigré
devenu Gouverneur, Monsieur Le Duc De
Richelieu qui avait embelli la ville au début du
XIXème , et je pense après quelques pas dans le
centre, qu’il serait grand temps pour lui d’y
revenir donner un sérieux coup de balai ! Sans
commentaires ! Je vous signale seulement que la
bière locale ressemblait à du mauvais sirop et que
la demie boite de camembert coûtait à peu de
chose près le prix de la boite de caviar, soit
quelques millions de koupons la monnaie locale !
Autre anecdote, Sergueï nous avait offert pour le
soir même, deux places à 90 000 Kps pour le très
bel opéra baroque ou se jouait « Tristan et
Iseult » Cette sommes devait représenter quelques
francs, mais le programme, pour ceux qui le
désiraient coûtait 6 US Dollars, la seule monnaie
qui fût réellement utile et dont nous avions fait
provision avant notre départ. Le jeudi 8 dans
l’après midi nous reprenions un avion de la
compagnie Autrichienne « Lauda Air » et les
hôtesses vêtues comme des pilotes (de Formule
1) furent aux petits soins des passagers jusqu'à
Vienne !
Moscou
Les hautes autorités Rostelecom réclamant la
présence du Commandant qui serait sur le
Vercors pour la pose, à peine rentré en France il
me fût demandé par la direction de me rendre à
Moscou avec la délégation Alcatel pour la
réunion finale avant l’opération partie Russe .
Le 21 juin en soirée nous nous posions à Moscou
et nous étions conduits au plus bel hôtel de la
capitale de toutes les Russies, j’ai cité le
« METROPOL » Le prix de la chambre était
astronomique, mais le service unique ! Les 25
dollars US supplémentaires déboursés pour le
petit déjeuner pris dans l’immense salle
« Tchaïkovski », une sorte de Chapelle Sixtine
aux plafonds couverts de fresques, étaient bien
compensés par le le coup d’oeil . Le lendemain
matin, meeting au siège de Rostelecom où toutes
les phases de l’opération sont étudiés par le
truchement de deux interprètes, puis réglés dans
les moindres détails, Nous sommes ensuite
invités dans un grand restaurant Arménien très
typique où le repas à l’ambiance très conviviale,
est entrecoupé de nombreux toasts où chacun
doit trinquer au succès de l’opération !
Promenade d’après midi dans un grand parc près
de la Moskova, puis retour au Metropol, qui très
judicieusement se situe à deux pas de la Place
Rouge, ce qui me permet enfin de fouler ses
pavés et de voir le Kremlin de près !
Malheureusement et malgré l’heure peu tardive,
tous les édifices sont fermés et la place est
quasiment déserté !
Je ne fais donc aucune mauvaise rencontre
mafieuse ou autre, comme me l’avait prédit le
personnel hôtelier ! Psychose ! Psychose !
Le 23 très tôt nous reprenons l’avion pour Paris
et là se termine mon incursion moscovite.
ISTANBUL
Le 17 août à 22h15 le VERCORS largue les
amarres et quitte BREST son port d’attache pour
rejoindre Istanbul où doit débuter l’installation
du câble ITUR . La traversée se déroule sans
encombres et le 25 à 06h30 nous embouquons le
détroit des Dardanelles , puis après avoir doublé
Canakkale, Kümren Burnu et Gelibolu
(Gallipoli) nous pénétrons en Mer de Marmara ;
tant de noms évocateurs et de lieux chargés
d’Histoire ; je pense à Mustafa Kemal
« Atatürk » Le père de la Turquie moderne ! Ce
même jour à 17h09 nous mouillons l’ancre Bd, 3
maillons à l’écubier, dans le 235° de Ahirkapi
Burnu soit, exprimé autrement, avec vue
imprenable sur la Mosquée Bleue, Sainte Sophie,
les vieux murs Byzantins et le Palais de
Topkapi ! En tant que féru d’histoire de l’Empire
Ottoman, je suis à mon comble d’aise !
Malheureusement, malgré mes demandes
réitérées auprès de l’agence Sohtorik, impossible
d’avoir une place à quai, alors que nous allons
assurer une relève partielle et souter quelques
300m3 ! Priorité aux incessants paquebots
Russes qui déversent leur flot de touristes,
grands consommateurs de produits de bazar, peu
chers ou introuvables sur les bords de la Mer
Noire.
Dans la soirée du 26 le Vercors pénètre pour la
première fois de sa carrière dans le goulet très
encombré qu’est le Bosphore, surtout aux heures
de pointe, et à proximité de Saray Burnu ; c’est
là que débouche tout le trafic transversal en
provenance de la Corne d’Or vers Usküdar sur la
rive Anatolienne, et vice versa. Après avoir
laissé Besçiktas avec le Palais de Dolmbahçe et
l’ancien yacht de Kemal Ataturc sur nôtre
bâbord (1), nous passons sous les deux
immenses ponts suspendus, Bogaz Köprulu et
Fathy Mehemet Sultan Köprulu, qui relient
l’Europe à l’Asie, puis nous voyons défiler les
deux rives et, qui se font face, chacun sur son
continent, les très bien conservés châteaux Forts
Ottomans, Anadolu kavagi et Rumeli Kavagi !
19h35 Nous entrons en Mer Noire, qui comme je
le constate, est réellement noire, de pollution !
Nous allons rester dans les parages à la sortie du
Bosphore jusqu'à la nuit du lundi 28 pour
nettoyer, grâce au « Tracteur » et au
« Rouillard » la partie où le câble sera ensouillé
durant la pose ; je passe sur le trafic et les
nombreux pêcheurs qui patrouillent dans le
secteur . Le Vercors fait ensuite à nouveau route
sur Istanbul et retraverse le Bosphore, en sens
inverse et de nuit cette fois. Au petit matin, nous
sommes accostés par le caboteur Turc « Yasar
Dogü » sur lequel nous transférons le câble
d’atterrissement à Odessa, qui sera réalisé par
une équipe Britannique. Etant en fin de mois
c’est aussi le moment de la grande relève qui est
faite sur rade grâce aux vedettes de l’agence.
Je profite d’une de ces navettes pour me rendre
« en ville », accompagné de nôtre agent
francophone, M Yasar Ozel ; arrêt obligé dans
une pâtisserie orientale pour déguster
« Loukoum et Baklava » puis visite à l’agence,
non loin de la grande place Taksim, enfin
passage à l’Ambassade de France qui se situe
tout en haut de la célèbre rue Istiklal, parcourue
par un antique tramway qui descend jusqu'à la
tour de Galata ; ce sera là, l’unique occasion
pour moi, de fouler ces rues de la métropole et
de pénétrer furtivement dans un petit bazar
typique, grouillant d’une population cosmopolite
et bigarrée .
Le mardi 29 nous levons l’ancre puis rejoignons
pour 8h la plage de Yesilköy en Mer de
Marmara, et commencent les travaux
d’atterrissement. Nous embarquons quatre
observateurs Turcs qui à midi, à table sont fort
surpris et rient beaucoup quand je leur apprend
qu’à La Seyne sur mer nous avons la belle
corniche « Michel Pacha », fameux bâtisseur
d’édifices maritimes dans tout l’Empire Ottoman
(2). En fin d’après midi tout est clair; mais la
pose ne débutera qu’a 19h30, car un douanier
pointilleux réclame à plusieurs reprises certains
documents importants, puis les contemple et les
manipule durant de longs moments, sans rien
dire ! Nous sommes tous circonspects ! Enfin
tout se débloque et va alors très vite lorsque
nôtre Commissaire Yves LeFloc dépose sur le
bureau, trois cartouches de cigarettes
Américaines ! Quand je pense que lorsque la
question du « Bakchich » avait été par moi
évoquée, il avait été rétorqué : Ce n’est pas Suez
ici, Monsieur !
Alors commencent les opérations sérieuses, et à
la vitesse moyenne de 1 noeud nous posons notre
câble au beau milieu d’un trafic important,
traversant de part en part le « Rond Point » zone
de séparation très théorique au débouché du
Bosphore ; aucun pilote n’a voulu embarquer
avant que nous ne soyons au travers de la Pointe
du Seray où nous nous présentons à 00h00
précises, le 30 août donc ! Arrive de même le
guard ship, une vedette un peu poussive, qui aura
beaucoup de mal à écarter les curieux, qui
malgré l’heure tardive viendront avec leur canots
rapides, passer tout près de nos formes
arrières notamment ; il faut dire que même dans
le Bosphore, il est rare de voir de nuit un si gros
navire, illuminé, qui à très faible vitesse, vient
par endroits, raser le rivage en dehors des
chenaux habituels ! A six heures du matin nous
changeons de pilote devant Silvi Burnu, et le
débarquant, harrassé, car lui aussi peu habitué à
de si longs service, me réclame quelques paquets
de cigarettes Françaises ! Je pense qu’il les a
méritées ! Mais il nous faudra encore deux
heures (de jour) pour atteindre la Mer Noire sous
un fort grain de pluie, pour finir en beauté cette
portion de pose peu habituelle !
Je me dois d’ajouter ici que tous , chef de
mission compris(M Bourgeois), nous nous étions
étonnés de cette traversée du Bosphore par un
câble sous marin, dans le sens longitudinal
s’entend, et des problèmes qui seraient très
certainement rencontrées en cas d’intervention
de maintenance ! Environ un mois après le câble
était endommagé par une ancre de pétrolier, près
de la Pointe du Seray, bien sur, et mon colègue
(le Cdt Jarrige) qui effectua la réparation avec le
R Croze, rencontra, pour la mener à bien,
beaucoup de difficultés liées au trafic . Plusieurs
mois plus-tard, suite à un autre défaut, le projet
fût révisé et les trois quarts du câble furent
relevés, de l’atterrissement jusqu'à un endroit
assez large avant la Mer Noire, cette portion fût
remplacée par un câble terrestre, beaucoup plus
onéreux, il va de soi !
(1) Notre Ami Boreicha, a été Commandant
de ce yacht un certain temps
(2) M. Michel, Capitaine au Long Cours,
était Directeur Général des Phares et
Balises de l’Empire Ottoman. Il avait
choisi de se retirer à Tamaris parce que
l’endroit lui rappelait le Bosphore.
A Suivre.
Lieutenant sur le Baudot (1955-1956)
Par L.C Mertz
Loisirs et Etudes.
Je dois à la vérité de dire que sans
être une sinécure, les fonctions de lieutenant
à bord d’un câblier, ne sont pas absorbantes.
J’ai donc le temps de me livrer au
modélisme naval, à la photo et au cinéma
d’amateur. En fait je suis loin d’être le seul,
entr’autres, mon ami Le Pache est un
remarquable modéliste. Comme j’ai fait une
coque de thonier à voiles, « Marie Jeanne »
de Concarneau, et que je ne me sens pas
capable de faire les engrenages du treuil à
brinqueballe, je lui offre le modèle bordé et
ponté. Il tire de mon ébauche un véritable
petit bijou, une fois terminé. Il y fallait toute
l’habileté d’un excellent mécanicien. A cette
époque, Le Pacha construisait des modèles
de grands voiliers qu’il mettait en bouteille.
L’idée nous vint que je pourrais le filmer en
8 m/m entrain d’agir. Rendez vous fut pris
et, pour que les prises de vues ne soit pas
trop longues, il avait apporté plusieurs de ses
modèles à divers stades d’exécution. Le
réglage des projecteurs, et celui du macrocinéma avec une mise au point très précise
me prenaient beaucoup de temps. Enfin nous
pûmes voir le résultat sur l’écran. Hélas les
ongles
de
mon
collègue
étaient
irrémédiablement noirs, (comme tout bon
mécanicien..) et cela se remarquait à la
projection. Le film, à sa demande, fut donc
interrompu après ce dernier « rush » Par
ailleurs, après avoir fait des croquis cotés,
sur les plages de Bretagne, j’avais construit,
sur membrures ployées un « canot » du pays
qui navigua fort bien.
Pendant les longues nuits de garde,
nous faisions la pêche à la palangrotte, le
long du bord, sous les projecteurs. Nous
quittions la garde avec un sac de pommes de
terre plein de poisson. Je donnais à mon
médecin ces poissons car il avait une famille
nombreuse qu’il avait du mal à nourrir.
Ayant fait la connaissance d’un ingénieur
électricien, il me confia qu’il n’avait jamais
pris de poissons. Je l’invitai à bord, une nuit
où j’étais de garde, et il partit avec plusieurs
sacs pleins. Il me raconta qu’à son retour, sa
femme, déjà couchée, lui aurait dit : « alors
bredouille, comme d’habitude ? » En guise
de réponse, il versa triomphalement, un
monceau de poissons sur la couette du
lit.(C’est d’un délicat…) Nous sommes
restés amis jusqu’à mon départ de Brest.
Nous avions tous de bonnes histoires
à raconter, le Commandant venait aussi avec
les siennes et il nous faisait rire sans
flagornerie de notre part. Il avait aussi
inventé de les numéroter et quand il disait,
par exemple »75 », nous nous tordions de
rire, au souvenir de la galéjade évoquée par
ce nombre. Car il faut dire, pour la mémoire
de Buneau, qu’il avait beaucoup d’esprit et
nous en faisait profiter. Quel dommage qu’il
ait eu cette tendance au sadisme car il aurait
été un charmant compagnon. En fait je n’ai
jamais pu le détester franchement et lui
serait toujours reconnaissant de ses efforts
pour m’enseigner le métier de cableman.
Emile Baudot
M. Mesnier qui commandait le
« Baudot » était plus taciturne. Il circulait
par le bord en chantonnant : »Pom popo pom
pom ». C’était son refrain d’homme calme et
tranquille. Cependant, malgré son attitude
paisible, il avait ses inimitiés, il n’aimait
guère le Commandant Buneau (lui, non
plus !) et certains chefs de mission. A
l’occasion de mon anniversaire, je fis une
petite fête à bord du « Baudot », les deux
commandants y vinrent mais passèrent leur
temps à se disputer. Je compris qu’il y avait
eu un gros contentieux entr’eux. Pour ma
part, j’entretenais de bonnes relations avec
tous ceux des deux navires.
Mon père m’avait offert une petite
annexe de 2,3 mètres de long, 1,3 mètre de
large et 0,5 mètre de creux. Elle avait été
baptisée : « Coque de Noix » et son aspect
justifiait son nom. Avant de prendre mon
service, vers 8 heures, elle me servait à
relever mes casiers à crabes, qui grouillaient
d’étrilles et, si j’en avais le temps, je
pêchais, à l’ouvert du bassin des orphies ou
aiguillettes dont les arêtes sont vertes car
leur sang contient du cuivre. C’est un régal
pour les gourmets.
Mais j’étais toujours Capitaine de la
Marine Marchande et non Capitaine au Long
Cours. Il était temps de me mettre au travail
et je délaissai mes loisirs pour reprendre mes
études. J’avais passé, sans succès, deux fois
l’examen de sortie d’Elève Officier au Long
Cours. Atteint par la limite d’age, je m’étais
rabattu sur les épreuves du Cabotage où
j’avais réussi largement. Il me restait à me
présenter, pour la troisième fois à l’examen
d’Elève Officier. Je repris donc mes anciens
cours et, dans le calme de ma cabine, je
travaillai surtout le soir, jusqu’à tomber de
sommeil. Patient et obstiné, seul, sans
professeur, je repris mes études.
D'Arsonval
On a vu que je passai, d’un bâtiment
à l’autre, chaque fois qu’il manquais un
lieutenant à bord du « Baudot »,pour revenir
sur le « D’Arsonval », la campagne
terminée.
Le « Baudot », ancien câblier britannique
était très différent de son matelot. Très
classique dans ses formes, il était propulsé
par deux machines à vapeur alternatives
tellement silencieuses qu’il y avait, sur la
passerelle, un mouchard indiquant, pour
chaque hélice, le nombre de tours car,
autrement, on n’aurait pas su si on était en
route ou stoppé (Ce silence est d’autre part
un des agréments incontestables de la
vapeur)
En raison du nombreux personnel
embarqué, pour les missions, on avait ajouté
derrière la longue cheminée blanche à bague
noire, des constructions en bois pour y loger
les deux lieutenants. Cet ajut avait été
baptisé les « H.L.M. ». Au port c’était assez
confortable mais, à la mer, l’ensemble faisait
le parallélogramme déformable et je craignis
plus d’une fois de me retrouver à l’eau. Tout
ceci ne m’inspirait pas confiance.
Heureusement, sa stabilité faible donnait un
roulis assez lent, si bien que je me trouvais
mieux à bord que sur le voisin.
En travaux
Les campagnes dont il me souvient
furent
celle
de
la
pose
du
Hollande/Danemark (voir bull. N° 9) et celle
de travaux en Loire, entre St Nazaire et
Mindin
Pour le Hollande/Danemark, nous
avions la charge de baliser, avec nos bouées,
le tracé du câble à poser, le navire poseur
étant l »Ampère », troisième du nom, qui
avait la vedette tandis que nous, pauvres
minables, nous ne faisions que signaler la
route à ce bateau de construction récente
mais que je n’avais jamais vu.
L’itinéraire du futur câble traversait
un champ de mines, reliquat de la dernière
guerre mondiale. L’année précédente, un
dragueur de mines français avait déminé le
trajet et sauté sur une mine. Le chenal était
d’une largeur d’un demi mille dont il ne
fallait pas s’écarter, sinon on était au milieu
des mines. Heureusement, le Decca
navigateur comportait une hyperbole qu’il
fallait suivre rigoureusement pour ne pas
quitter le tracé du futur câble et la zone de
sécurité. Pour nous escorter, la Marine
Nationale nous avait adressé un dragueur de
mines nommé »Dompaire ». Ce nom
pouvant être confondu avec celui d’Ampère,
pour les communications radio, nous avons
convenu d’un nom de fleur pour le dragueur.
Le Commandant du « Dompaire »
nous indiqua de passer devant, alors que lui
se chargeait de vérifier la position de nos
bouées. Si bien que si une mine avait été
oubliée, c’était nous qui sautions. Pour nous
rassurer il nous dit que dans cette
éventualité, il serait bien placé pour sauver le
personnel à la mer. Tout se passa bien
jusqu’au jour où nous vîmes une aurore
boréale, c’était splendide
mais les
décomètres (du Decca) se mirent à tourner
sans plus donner aucune indication fiable,
nous ne savions plus où nous étions, certains
priaient pour que nous ne soyons pas au
milieu des mines, le Commandant, toujours
calme stoppa et fit mouiller une ancre, en
attenant que le Decca nous donne une
meilleure position. Les décomètres furent
baptisés : déconomètres et chacun serra les
fesses. L’orage magnétique passé, notre
position s’avéra être au milieu du chenal
dragué. Cette campagne se termina sans
gloire et sans aucun mal.
Pour la pose d’un câble en travers de
la Loire, presqu’à son embouchure, le
« Baudot » entra dans le port de St Nazaire
et s’y amarra tandis que les embarcations du
bord et un chaland affété pour la
circonstance
faisaient
la
pose
Le
Commandant n’y prit pas part car il ne
s’entendait pas avec le Chef de Mission.
C’est moi qui fus chargé de la partie
nautique de l’affaire. A cet effet je fis planter
des poteaux dans la vase, comme repères en
alignement avec d’autres objets plus
lointains. Tout allait bien quand la Douane
se mêla de nos affaires. Ces débarquements
de matériels étranges étaient des plus
suspects, comment nous permettions nous de
décharger tout cela sans en faire
la
déclaration. Il fallut tout expliquer et remplir
des liasses de documents. Le commissaire et
son écrivain s’en chargèrent et surtout, les
chefs douaniers et leurs épouses furent
invités à déjeuner à bord. Ils nous invitèrent
chez eux et nous devînmes amis. Au coin du
feu le receveur des Douanes me conta qu’il
ne devait son rang, dans les douanes, qu’à
son flair infaillible pour repérer les
fraudeurs, dans la foule des voyageurs. Sa
naïveté m’amusa et nous passâmes une
bonne soirée à parler de taxations et de délits
que j’ignorais. La loi est bien compliquée !
(à suivre)
Coll. . par A Van oudheusden
(Les notes en italique sont des ajouts au
texte original)
Une mission côtière parmi tant d'autre.
Par JL Bricout.
La Direction Régionale de Corse nous a
sollicités, pour une intervention sur le câble
Ruppionne-Propriano, le défaut se situe par 25
mètres de fond et à environ 600 mètres de la
plage, symptôme évident du mouillage de
navire.
Pour cette réparation, nous avons
mobilisé le "CASTOR 02" comme support,
bateau appartenant à la société Fossélev ex "
Serra Frères" dont les caractéristiques : 43 M
long, 10 de large, 1.90 M de tirant d'eau, équipé
d'un positionnement dynamique, de treuils,
d'une machine à câble, d'une "chèvre" avec une
poulie hydraulique, un portique avec croc de 25
tonnes et 2 de 5 tonnes, d'une plage arrière
dégagée, nous permettant d'envisager cette
réparation sous les meilleurs hospices.
Lundi 15 octobre.
Arrivée du Castor dans la darse à 08 H 00,
embarquement du câble ( AKN 24 fibres ) à
l'aide de dockers. Pendant ce temps, les
soudeurs embarquent leur matériel ( Banc de
jointage, tente, soudeuse, kits de réparation etc,
etc ) en faisant en sorte de ne rien oublier, car la
Corse n'est quand même pas la porte à côté.
Nous avons aussi besoin de plongeurs,
nous faisons donc appel à la SAMAR, avec Léo
et Fifi, que l'on ne présente plus dans le milieu
des câbles sous-marins seynois. Ils embarquent
bon nombre de bouteilles d'air, du matériel
sous-marin, et une embarcation en aluminium
qui leur servira de soutien une fois sur place.
Le Cdt Peyronné, Commandant du
Castor et Dominique Vergnole, chef de mission,
ont fixé l'appareillage à 14 H 00, à la fin de
l'embarquement du câble et de tout le matériel.
Le Castor, appareille à l'heure, les 2 Schottels
font un bruit d'enfer pour nous décoller du quai, ce
qui promet une fois arrivé sur travaux bien du
plaisir. Pendant la route, l'équipe de soudeurs
composée de M Bourguignon, N Rouvier, J Rouger,
et Jean-Louis Bricout prépare l'extrémité de câble
pour les mesures, mesures traditionnelles pour
s'assurer que la section embarquée (2 Km de câbles
doubles armures)est saine et sans défauts. Pendant
les mesures réalisées par Alain Lefèvre Technicien.
Nous "amarrons" tout notre matériel sur le pont
malgré une météo des plus clémente jusqu'en Corse,
mais on ne sait jamais ! la Méditerranée est traître et
ne se laisse pas faire. Nous n'avons plus qu'à
attendre l'arrivée sur site ( 21 H 00 de route ). Aussi,
pour passé le temps, Fifi a prévu d'embarquer une
canne de traîne, et 2 ou 3 "rapalas". Mise en place de
la canne sur l'arrière du Castor qui file à 7 nœuds et
tout le monde retourne à ses occupations. En fin
d'après-midi en allant sur l'arrière nous constatons
que 3 "Gabians"s'amusent à piquer sur ce qui nous
semble être notre "rapala"
Fifi décide de remonter la ligne et là, surprise, il sent
une résistance, il pense que c'est un sac plastique,
plaie de notre environnement, qui se serrait
accroché. Léo intervient auprès du commandant,
pour faire ralentir un peu le navire afin de pouvoir
remonter l'ensemble, le poids de plus en plus lourd
fait penser à une saleté prise, et quelle n'est pas notre
surprise de voir monter une bonnite de 2,5 Kg qui
fait le bonheur du cuisinier, et qui nous sert le
lendemain un plat de poisson frais.
Mardi 16 octobre.
Nous arrivons à 14 H 00 sur les lieux, petite escale
d'une heure au port de propriano pour débarquer le
matériel des plongeurs, mettre à l'eau leur
embarcation et les voilà partis sur la zone du défaut.
En accord avec le chef de mission, il est convenu de
couper le câble au fond de chaque côté du défaut
présumé, d'éloigner de la zone de travaux cette
longueur de câble endommagée, et de remonter à
l'aide de ballons les 2 extrémités pour faire des
mesures complémentaires. Une fois le défaut
éclairci, on a appareillé et rejoint les plongeurs qui
nous passent l'extrémité du câble coté large. Nous
procédons aux mesures pour nous assurer qu'il ne
reste aucun défaut. Pendant ce temps là, les
plongeurs partent côté terre pour résorber une
suspension du câble qui peut être dangereuse pour
les baigneurs, la plage de propriano étant très
fréquentée en été.
Le Cdt vient nous voir dans l'après-midi,
avec un bulletin météo qui n'est pas des plus
réjouissant. Force 6 /7 est annoncée, pour
mercredi soir ou jeudi matin, mauvais présage,
nous décidons de changer de tactique, et de
changer le sens de la réparation, à savoir
l'épissure initiale côté plage et la finale côté mer
ce qui nous permettra d'avoir le bateau "bout" à
la lame. Aussitôt dit aussitôt fait, capuchonnage
du bout côté mer, mis sur ballon et route pour
prendre le côté terre quand que les plongeurs
auront terminés.
pour pouvoir accuser le coup de vent, le Cdt ne peut
positionner le bateau que parallèle au câble et étant
mouillé devant et derrière, il n'est pas possible de
faire autrement. Tout se passe bien, les plongeurs
avec leur embarcation tirent la boucle de chaque
côté pour bien l'ouvrir et ainsi bien l'étaler au fond,
une fois positionnée.
Jeudi et vendredi 18 et 19 octobre.
Le bateau se positionne en mouillant une
ancre devant et en mouillant un corps mort de 8
tonnes derriére,.avec cela on devrait voir venir.
L'épissure initiale se déroule sans
problème, mais le coup de vent annoncé prend
du retard. Après la fermeture de la boite de
jonction et les vérifications par les techniciens
de "terre " nous partons en pose ( 360 mètres ce
n'est pas la mer à boire ). Le Cdt repositionne l
bateau pour la finale, 2 ancres à l'avant, le corps
mort à l'arrière et le câble en double, donc bien
ancré. Grand bien nous en a pris, car pendant les
mesures et le jointage, de l'épissure finale, le
vent s'est levé force 7, une houle de 2 à 3 mètres
rentre dans le golfe comme un cheval au galop,
la pluie se met de la partie, bref un vrai temps
d'hiver. Nous sommes obligés, de ceinturer la
tente qui a des instincts de liberté, de colmater
avec des bâches les entrées de câbles, le courant
d'air nous empêchant de souder les fibres, nous
terminons temps bien que mal le joint vers
minuit, et décidions d'attendre le jour pour
mouiller la finale.
Samedi 20 octobre.
Le vent s'est calmé, la houle est tombée,
nous allons pouvoir mettre la finale à l'eau en
expérimentant une nouvelle méthode. Nous
faisons flotter l'épissure finale sur ballons, car
Ils coupent les ballons un par un, pour poser en
douceur cette finale au fond de l'eau sans contrainte.
Ils font ensuite une survey sur toute la longueur du
câble posé. Pendant ce temps nous allons prendre le
bout du câble défectueux resté au fond, pour le
relever, le débiter en morceaux de 6 mètres et
l'évacuer une fois arrivé à la Seyne. L'opération de
relevage dure 1 heure environ. Nous avons ressorti
notre savoir-faire de matelot pour le mouillage de la
finale et le relevage du vieux câble, mais comme on
dit " C'est comme le vélo ça ne s'oublie pas"
L'opération terminée, nous faisons une petite
escale de 1 heure pour rembarquer l'embarcation des
plongeurs ainsi que leur compresseur. Avec Martial
nous avons profité de cette petite escale pour nous
éclipser en vitesse pour aller en ville acheter un peu
de charcuterie corse tellement bonne à déguster.
Vers 15 heures nous appareillons pour la
Seyne, dans la nuit nous avons de la forte houle, le
Castor de part son fond plat tape au tangage à nous
faire sortir de la bannette.
Après toutes ces péripéties nous arrivons à la Seyne
le dimanche à 13 Heures au quai de Fosselev.
BJL
L'affaire «tasman »
Jean Devos,
Président d’Axiom.
J’ai eu la joie de signer pour Alcatel le
contrat Tasman 2. La signature intervint sur
un bateau chargé de personnalités
australiennes, le 18 décembre 1987, par un
soleil de plomb, dans la baie de Sydney.
C’était une victoire historique, surprenante à
bien des égards, que j’avais personnellement
voulue ardemment.
Et pourtant, personne de la Direction
Générale Alcatel, ne
s’est déplacé pour la
circonstance.
La
prise de conscience
de l’importance de ce
succès ne viendra
qu’un peu plus tard.
Il est vrai que
personne n’avait cru
en la victoire, que
notre équipe commerciale n’avait pu
compter que sur ses propres forces. Ce jour
là, je savourais cette victoire sur les Anglais,
nos véritables concurrents. En effet, je
sentais qu’on se dirigeait vers un monde
tripolaire, US/Asie/Europe et que bientôt il y
aurait un seul grand fournisseur européen.
Cette victoire aux antipodes a impressionné
le petit monde des câbles sous-marins, et a
créé un véritable traumatisme chez STC !
Le soir de la signature, les journaux
australiens rendront compte de la déclaration
de STC : « L’Australie vient de prendre une
décision qu‘elle regrettera très vite, car les
Français ne seront pas capables de tenir
leurs engagements ! ».
C’EST LOIN L’AUSTRALIE !
L’histoire avait commencé 10 mois
plutôt ! OTC avait organisé à Sydney un
grand show de deux jours destiné à annoncer
urbi et orbi, son plan de câblage fibre
optique du Pacifique et son ambition de
disposer d’une industrie de câbles sousmarins. L’ensemble de la communauté
politique,
industrielle
et
financière
Australienne était présente. Le langage était
à la mesure du pays et du projet :
technologie nouvelle, matières premières
locales, emplois nouveaux, ère nouvelle. Les
fournisseurs intéressés furent invités à réagir
et à présenter leurs savoir-faire.
Un écran géant présentait le futur réseau,
Tasman2, pacrim-est, PacRim-ouest. A
l’autre bout on voyait l’Amérique et le
Japon. C’est là que j’ai eu la révélation
d’une adéquation possible entre leur
ambition et la nécessité pour nous d’accéder
à de nouveaux marchés. L’Australie voulait
devenir un acteur adulte face aux américains
et aux Japonais. Leur solution devait donc
logiquement venir d’Europe. Le discours de
STC ce jour là fut très révélateur, cherchant
à dissuader OTC de vouloir une industrie
locale. L’Australie était depuis longtemps un
des clients naturels de STC ! Par contre, je
pris conscience que les Australiens ne nous
connaissaient pas ! C’est grâce à un Français
implanté à Sydney que nous fûmes invités. Il
était le représentant officiel du Groupe
Alcatel-Alsthom en Australie, un peu frustré
par son manque d’intérêt pour l’Australie. Il
avait eu son heure de gloire en gagnant un
contrat militaire. Depuis, plus rien. Il était
membre du comité Franco-Australien dont
le président avait été président d’OTC.
Je rentrai à Paris très excité par cette
perspective. J’expliquai à ma Direction
Générale que nous pouvions gagner à deux
conditions :
(i)
Nous faire connaître.
(ii)
Offrir sans réserve l’industrie
dont ils rêvaient.
On me prit pour un naïf ! L’accueil fut plus
que mitigé, franchement sceptique. On me fit
cette remarque que je n’ose qualifier :
« Vous savez, Devos, l’Australie, c’est
loin ! » ..
Je compris que je n’aurai aucune aide
et que je devrai me contenter de leur
neutralité. L’essentiel était qu’on ne me
bloque pas !
J’appelai le DG de STC pour lui demander
d’arrêter ce jeu ridicule, que notre
coopération devait s’appuyer sur la
confiance et le respect mutuel. Nous étions
en 1987, le TAT8 n’était pas encore posé et
les technologies optiques étaient en
développement. Il m’avoua que ses
ingénieurs étaient sceptiques sur notre choix
de jonc rainuré et qu’ils ne pourraient
s’engager dans une coopération sans un
processus formel de qualification du câble à
fabriquer en Australie. Il s’interrogeait aussi
sur la possibilité de faire accepter notre câble
par le client. Je mis fin à cette tentative de
rapprochement qui ressemblait trop à un
piège.
SUBOPTIC 1987
COOPERATION FRANCOBRITANNIQUE.
Mon premier réflexe
fut de tenter une
approche
commune
avec les Anglais.
Pourquoi pas une offre
européenne, face aux
américains et aux
Japonais. ?
Cela
permettrait de partager les risques et cela me
semblait augmenter nos chances. Il y avait là
aussi, le germe d’une fusion plus complète !
Le Directeur de STC, à qui je m’en ouvrais,
se montra ouvert ! Je lui proposais que le
système (et donc les répéteurs) soient anglais
et que le câble soit français. Nous eûmes
deux réunions de travail sur le sujet. Un
Protocole d'accord assez détaillé fut rédigé.
En toute dernière minute, STC demanda le
rajout d’une «précaution de langage »
concernant la «qualification » de notre câble.
Quelques jours plus tard je reçus une
demande de quelques renseignements
chiffrés sur les caractéristiques de notre
câble. Puis arriva une autre demande,
beaucoup plus significative.
La décision d’organiser
en
France
une
conférence internationale
sur les câbles- sousmarins fut un coup de
génie. Nous devînmes le
centre de gravité de
l’activité, l’objet de
toutes les attentions y compris des
Australiens et néo-zélandais ! Ils écoutèrent
nos conférenciers, visitèrent nos labos et
usines, et furent aussi reçus par le CNET et
France Telecom. Cette coopération entre
l’industriel
et
l’administration
était
exactement le modèle qu’ils souhaitaient
ardemment. L’Australie face aux américains
et aux japonais, comme la France face aux
américains et anglais ! Et pourquoi pas une
coopération Franco-Australienne ! Ceci ne
nous devint évident qu‘après.
Nous avancions alors dans le noir,
mais nous avons senti progressivement que
notre chance résidait là : leur vendre la
solution française. Après tout, la technologie
ne pouvait être transférée qu’avec l’accord
des PTT français. Jean Grenier m’apporta
tout son soutient : une lettre signée de lui fut
même intégrée dans notre offre.
USINE AUSTRALIENNE :
Pour pouvoir faire une offre crédible sur ce
point il me fallait deux éléments :
(i)
Un descriptif d’une usine de
câbles sous-marins et d’un atelier
de montage de répéteurs. Un
dossier suffisamment étayé pour
que ceci soit crédible comprenant
des
lignes
de
fabrication
modernes, des procédures de
travail, des qualifications de
personnels et des coûts.
(ii)
Un
partenaire
industriel
australien qui apportera le savoirfaire local en management, soustraitances et relations.
J’ai demandé l’aide de la
Direction
Industrielle
d’Alcatel Câble pour le
premier point.
Après
s’être
engagé
auprès
de
moi,
le
Directeur industriel voulut
se faire couvrir par le Président. Celui-ci :
« Ne perdez pas votre temps avec çà ! Que
les commerçants fassent leur offre ! de toute
manière, je n’y crois pas ! ».
Ma colère m’a rendu plus déterminé encore !
Je constituais une petite équipe chargée de
monter le dossier. Mes quinze années
passées à Calais m’ont été utiles, sans
oublier la contribution discrète d’un ami
habitué aux transferts de technologies. Le
dossier était magnifique : professionnel,
documenté, chiffré et en couleurs.
C’est dans le courant de cette préparation
que tomba l’annonce du rachat d’ITT par
Alcatel-Alsthom.
Notre
agent
avait
commencé quelques approches d’industries
locales, mais pas la principale : STC
Australia, du groupe ITT, cousine de notre
grand concurrent STC (UK). Voilà que nous
apprenons que cette dernière STC ne fait pas
partie du périmètre acheté, la part de
propriété de ITT y étant devenue
minoritaire : Décevant pour notre ambition
inavouée de devenir le seul européen, mais
«super » pour notre offre australienne.
Mon entretien à Bruxelles, siège d’ITT avec
le président de STC Australie reste l’une de
mes expériences fortes. Cet homme dont la
société allait devenir «alcatel », n’avait
encore, soit rien compris, soit pas accepté sa
nouvelle situation.
« Voilà 10 ans que je coopère avec les
Anglais dans le Pacifique. J’ai une salle
blanche où ont été assemblés des répéteurs
STC pour le câble ANZCAN. J’ai un accord
avec eux. Ils sont bien placés pour le projet
à venir alors que vous français n’avez
aucune chance, compte tenu du contexte
politique et de vos essais nucléaires en cours
dans le Pacifique ».
J’étais abasourdi. Je le serai encore plus
quand ma propre Direction Générale me dit
ne rien pouvoir faire à ce sujet, car il fallait
attendre la fin du processus formel de rachat
d’ITT, soit plusieurs mois ! Nous fûmes
sauvés par les Anglais eux-mêmes qui
dénoncèrent l’accord en question, justement
inquiets de voir leur partenaire devenir
«français » ! Ce président enverra alors en
France une équipe méfiante, sceptique.
Passer d’ITT à Alcatel était vécu par eux
comme une catastrophe ! Nous gagnâmes
assez vite leur confiance et leur engagement
sera alors exemplaire. Ils furent pour
beaucoup dans notre réussite.
Le seul vrai point d’achoppement avec eux
fut ma décision d’offrir le Vercors comme
bateau de pose de Tasman 2 et non celui de
C&W qui aurait, selon eux la préférence du
client.
De mon coté, j’avais perçu la force du
message que constituerait une offre 100%
française, le navire de l’administration
française devenant le symbole du plein
soutien de celle-ci. Nos partenaires
australiens pensaient le contraire mais je
restais ferme sur ce point. Et on gagna !
La photo du Vercors sur fond d’Opéra de Sydney reste l’une de mes fiertés. Elle
symbolise le fait qu’une fois la victoire acquise, tout le monde a suivi et transformé
l’essai en une belle aventure de 10 ans.
J Devos
HENRI RENOUARD (1856-1931)
Commissaire sur la Charente
NDLR – Nous devons à
la
famille
Audic,
descendant
d’Henri
Renouard, habitant la
maison familiale
de
Balaguier, le témoignage
de leur ancêtre, Henri
Renouard,commissaire
à
bord
des
deux
premiers
câbliers
français : l’Ampère 1 et
la Charente. Nous les remercions sincèrement, ce
témoignage clarifiant l’époque des origines des
câbles sous-marins et les débuts de La Seyne sur
mer. La vie était difficile pour tous, les conditions
de travail rigoureuses.
Henri Renouard est né le 1er décembre 1856 à
Montpellier. Son père Joseph est alors agent
d’affaires et magistrat au Tribunal de Commerce de
Montpellier et son oncle Jacques Durand bijoutier à
Montpellier. Aîné d’une famille de 3 garçons, son
père décède prématurément le 3 février 1863 à l’age
de 36 ans. Il fait ses études à Nîmes au pensionnat
saint Charles des Frères des Ecoles Chrétiennes,
revenant à Montpellier pour les vacances passées
dans la maison de campagne chez sa grand mère
paternelle avec ses cousines.
Au début de 1872, alors âgé de 15 ans, il apprend le
métier de télégraphiste. Employé le jour, quelquefois
la nuit comme surnuméraire, il alterne 24 heures de
travail et 24 heures de repos. Il est nommé à Marseille
en 1876 dans un grand bureau et utilise les appareils
Breguet, Morse et Mayer. Il prend son service à 6
heures pour un longue journée entrecoupée de cours
de télégraphie. Ses pensées vont souvent à Marie, une
cousine de 16 ans, qui habite Metz, ville passée sous
le contrôle de la Prusse depuis quelques mois et
venant passer quelques jours à Montpellier. « Mon
esprit est loin du jeu des cames de correction de
l’appareil Hugues qu’on nous explique. Il se sent
incapable de suivre le mécanisme de l’impression des
lettres et des chiffres et le maintien du
synchronisme ». écrit-il alors.
Avec sa mère et son frère, ils habitent 119 rue de
Rome, près du Prado, non loin du bureau
télégraphique. Il continue ses études littéraires et
scientifiques. Il se dévoue également au service
des pauvres dans les conférences Saint Vincent de
Paul. En février 1877, Henri et quelques amis
créent l’Association Internationale des Etudiants
Electriciens afin de favoriser la communication de
leurs travaux et l’échange d’idées qu touche au
progrès réalisés dans le domaine électrique. Henri
est nommé secrétaire et les premiers adhérents
sont les collègues anglais de la « Submarine
Telegraph Company ». L’Administration, qui
vient pourtant de signer plusieurs conventions
avec l’Eastern, s’oppose à la poursuite de ce projet
ambitieux et désintéressé.
NDLR – Cette compagnie exploite les lignes de la
Manche et de la Mer du Nord, dont les France Angleterre depuis 1851. Par ailleurs, l’Eastern
bénéficie de Concessions qui lui ont permis de
poser deux liaisons Marseille – Bône – Malte en
1870 et 1877. L’Administration a concédé une
ligne entre la Manche et Marseille pour permettre
à l’Eastern d’acheminer son trafic entre
l’Angleterre et Malte en contre-partie de
l’utilisation exclusive du ca^ble Marseille – Bône
1877.
Son métier le passionne et accapare une grande
partie de son temps. En avril 1877, il peut utiliser
le Hugues et en mai, il émet 144 dépêches en 2h15
sur la ligne Marseille – Lyon. Son traitement est
alors 1.200 francs par mois. Le clavier comporte
autant de touches que les lettres et les chiffres et
permet l’envoi de signaux qui sont imprimés sur
un ruban de papier en réception. Il partage son
bureau avec son ami Paul Bayol, un ami sincère
qui partage ses moments de travail et ses
discussions. Mais les discussions sont interdites
sur les lieux de travail et Henri, comme Paul
profitent de leurs moments de liberté pour
améliorer leurs performance et traduire toujours
plus de dépêches. « En sortant, j’avais en moi une
tranquillité apparente. Rien ne me faisait mal,
mais l’agitation était sourde et latente à
l’intérieur. Mes nerfs étaient surexcités, mon poul
battait avec vitesse et se gonflait fortement. Mon
front était serré étroitement comme une chappe de
plomb. Mes yeux et particulièrement leur pupille,
étaient percés et appesantis de bas en haut. Une
sueur moite me couvrait tout le corps. ».
Le 8 août 1878, Henri se présente à l’examen
d’aptitude au service de l’appareil à miroir Thomson
du câble d’Alger. C’est un échec. Le 10 septembre,
c’est un nouvel échec dont sa myopie est la cause
principale. Le 12 septembre, son ami Paul le quitte. Il
est mis en disponibilité pour préparer le diplôme
d’ingénieur des télégraphes au lycée de Marseille.
Nous sommes en septembre et le Directeur lui
accorde un congé à Montpellier.
logement de fonction, et lorsqu’il est à La Seyne,
les Renouard font de nombreux va et vient entre
Balaguier et l’usine. Henri est très occupé, en
particulier à traduire les articles techniques qui
paraissent en anglais dans l’Electrical World ou
dans le Scientific American et les transmet au
journal français Cosmos.
En 1886, Henri embarque sur la Charente pour la
Tunisie. Ce navire de 1.000 tonneaux est affecté
depuis 1873 à La Seyne. Il embarque un équipage
de 54 hommes et parcourt la Méditerranée
occidentale.
Le 18 janvier 1879, il réussit l’examen et sera
proposé comme élève câbliste avec une augmentation
conséquente. Mais il est muté à Nice sans l’avoir
demandé par arrêté du 30 janvier 1879 et rejoint Nice
le 6 février, quittant sa famille. Henri fait alors un
pèlerinage d’adieu à ND de la Garde et rejoint sa
nouvelle affectation par le train.
Il est affecté à la poste principale de Nice, rue
François de Paule dans la vieille ville. Il y reste 4 ans.
Henri est alors nommé au service des câbles sousmarins de La Seyne sur Mer. Il y retrouve son ami
Paul Bayol, devenu ingénieur et désormais chef du
service des câbles sous-marins et des navires
télégraphiques. Il s’installe 30 quai Hoche avec sa
mère dans cette ville de 12.000 habitants dont 3.000
ouvriers travaillent aux chantiers navals. L’usine à
câble est située sur la route de Toulon aux portes de la
ville. Henri a alors 28 ans. Il rencontre Reine
Cabissol, 21 ans fille d’un négociant en bois de
Toulon. Les Cabissol habitent Marseille, 25 rue
Fontanges mais viennent souvent dans le Var pour
leurs affaires. Les jeunes gens se marient le 19
novembre 1884 et s’installent à Balaguier entre La
Seyne et Tamaris dans une spacieuse maison de la
tante Emilie Lieutaud, née Allemand. Elle est la soeur
de la mère de Reine. Fin novembre, les époux partent
en voyage de noce à Lourdes après avoir visité la
famille d’Henri à Montpellier.
Fin avril 1885, Henri quitte son épouse une première
fois pour embarquer sur l’Ampère. La séparation,
prévue 6 semaines pour réparer un câble à Belle-Ile et
un autre près de Bordeaux, se prolonge jusqu’au 6
juin. En juillet, il appareille à nouveau pour une
longue campagne en Méditerranée et en Atlantique.
Sa fille Marie naît le 28 août alors qu’il est en mer. Il
est informé le 3 septembre, alors que l’Ampère se
trouve au large de l’île Chausey. Henri bénéficie d’un
L'état major de la Charente en Mai 1901
Après l’intervention sur le câble de Bizerte, la
Charente se rend à Antibes pour réparer le câble
de Corse.. Interminable réparation qui ne s’achève
que le 11 décembre. En 1887, ces deux câbles
occupent la Charente du 15 avril à la fin juin.
Henri n’assiste pas à la naissance de sa seconde
fille Thérèse qui voit le jour le 6 juin 1887. Il
apprend la nouvelle le 14 juin. Début août, la
Charente repart pour la Corse pour remplacer 130
km du câble Antibes-Saint Florent 1878 fort mal
posé par le navire anglais John Pender 1 et fourni
en coques. Depuis le 22 avril, la Charente a posé
25 bouées et mené 68 dragues par plus de 2000
mètres et l’équipage est fatigué. « Hier, la lune se
levait à l’horizon et l’atmosphère brumeuse la
couvrait d’un voile sanglant. Mais bientôt, son
mouvement ascensionnel la dégageait de ces
nuées qui cachaient sa pure blancheur », note
Henri sur son journal.
En 1888, appareillage de la Charente le 9 juin :
Ajaccio, Bonifacio, Bastia. La réparation se situe à
7 milles de Livourne puis la Charente charbonne à
Bastia (27 juin). Le navire se rend à Tunis le 29
juin, puis à Sousse, Djerba. La campagne se termine
par une visite de Tunis le 26 juin avec ses quartiers
juifs, arabes et le casino. A Malga, l’équipage se rend
sur le tombeau du roi Louis (Saint Louis)à la
cathédrale et visite le musée archéologique. Le navire
est de retour au port d’attache le 1er août. Henri repart
sur l’Ampère et rejoint Brest après une visite de la
famille à Paris. Le navire appareille le 2 septembre
avec au programme les réparations des câbles des îles
d’Yeu, d’Aix, Oléron, Belle-Iles, Hoédic et retour à
Brest le 29 septembre. Henri rentre à La Seyne le 9
octobre par le train.
Henri est présent lors de la naissance des enfants
suivants : Louise, le 21 juillet 1889 et Henri le 20
octobre 1891. Malheureusement son premier fils
décède le 13 août suivant à Balaguier. Trois autres
filles : Gabrielle, Hélène et Louise naîtront en 1893,
1894 et 1896.
de place aux activités professionnelles, plus à la
vie familiale. La visite d’Alexandre Millerand à
La Seyne en mai 1891 n’y est pas notée. Henri est
nommé commis principal le 1 mai 1892 avec un
salaire de 3.000 francs. Son ami Paul Bayol,
nommé Ingénieur en chef, quitte le service et est
nommé Ingénieur en Chef des Postes et
Télégraphes à Marseille. Il est remplacé par
Charles Morris.
En juillet 1892, Henri est le commissaire de la
Charente pour la pose du câble Marseille –
Bizerte. Pose principale ou assistance, le journal
ne le précise pas. Il y retourne le 5 février 1895
pour l’inauguration. Henri est fait à cette occasion
officier de l’Ordre du Nichan - Iftikhar, ordre de la
Gloire par Ali Pacha Bey, Possesseur du royaume
de Tunis. Cet ordre, créé en 1837 s’obtient qu’à la
suite de services réels et importants. Henri a été
proposé par le Résident général de la France,
Ministre des Affaires Etrangères de Tunisie. Il est
âgé de 38 ans. Fut-il le seul récompensé ? Le
journal ne le rapporte pas.( Voir photo N°1)
Campagnes en Méditerranée sur la Charente ou la
langue poétique d’Henri s’enflamme pour décrire
les escales et en Atlantique sur l’Ampère qu’il
semble retrouver sans joie particulière alternent. Il
note le remplacement de l’hélice de l’Ampère,
brisée en Loire. Les travaux ont lieu à La
Rochelle le 2 septembre 1899.
En 1902, Henri est sévèrement sanctionné et muté
à Vannes au début de l’année pour avoir distribué
l’Almanach du Pélerin à des ouvriers et des
marins. Il a 46 ans et une nouvelle vie commence.
Sous le bloc des Gauches et le Ministère Combes,
farouche radical anti-clérical, on ne badine pas.
Henri demandera sa mutation à Marseille mais
l’Administration reste ferme. C’est à Vannes qu’ il
prendra sa retraite le 12 décembre 1916. Henri
peut rejoindre la demeure de Balaguier devenue la
propriété de son épouse Emilie et de son frère
Louis depuis la mort des parents Cabassol.
Henri, Emilie, Marie et Thérese
Cette dernière disparaîtra quelques heures après sa
naissance. Dès lors, le journal d’Henri accorde moins
Retraité et Président du conseil central des
Conférences de St Vincent de Paul, son existence
est paisible. Sa vue, qui lui avait empêché de lire
au miroir et de devenir ingénieur reste un souci
qui, à la fin de sa vie rend la lecture de plus en
plus difficile. Il décède en 1931 à l’âge de 75 ans.
INFO PRESSE DERNIERE ..... INFO PRESSE DERNIERE .....
DECEMBRE 2002
EN BREF
BESOINS de l’INTERNET. (Le Figaro – Le Monde)
Selon le Figaro du mois de septembre, il y aurait environ 450 millions d’internautes en cette fin
de 2002 et il y en aurait 630 millions en 2005. Or, le Monde daté du 24 novembre, citant une
étude de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED),
annonçait 655 millions d’internautes dans le monde en cette fin de 2002. La croissance des
besoins, comprise entre 50 et 100 % par an serait durable. D’ou la vanité des faits annoncés
par des « sources dignes de foi ». Que dire des prévisions ?
En France, l’internet rapide (ADSL) démarre très fort en cette période de fin d’année. On prévoit
1,3 millions d’abonnés d’ici le 31 décembre 2002, selon « Le Monde ». De nombreux abonnés
souscrivent d’emblée un abonnement ADSL parmi les 3 formules disponibles sur le marché
(128, 512 et 1024 Kbit/s).
PROJETS DE CÂBLES SOUS-MARINS.
1 - Un nouveau câble de 1.200 km, « CAMRING », a été attribué par Portugal Télécom à
Alcatel pour relier Madère aux Açores. Ce câble fermerait la boucle entre les Açores, Madère,
et Lisbonne avec Colombus 3 et SAT 3. Prix non communiqué.
2 – Le câble « Farice » reliant l’Ecosse, les Iles Féroé et l’Islande (2*450 km) a été attribué à
Tyco par Telecom Iceland. Le câble est disponible et le prix tournerait autour de $32m.
3 – Augmentation de la capacité de la partie de FLAG reliant l’Italie à l’Angleterre : Contrat
attribué au japonais NEC pour $1-2 m attribué au japonais NEC.
4 – Une paire à fibres optiques du TAT 14 a fait l’objet de mesures dans le but d’évaluer la
possibilité d’une augmentation de capacité. Ce système a été construit par l’industriel japonais
KDDI-SCS de préférence à la proposition Tyco-Alcatel en 1999. Tous les constructeurs se
retrouvent en compétition pour la fourniture d’équipements visant à augmenter sa capacité.
6 - Projets en cours.
Prolongation de Med Nautilus (Italie – Israel – constructeur Alcatel) vers la Turquie.
Polarnet. Liaison reliant l’Angleterre, la Chine et le Japon par la route du Nord-Est. Les
promoteurs ont confié l’étude de faisabilité à Cable and Wireless.
TMIS (Thailande, Malaisie, Indonésie, Singapour) est en cours d’adjudication.
C2C – Prolongation en cours d’étude vers le Vietnam. Discussions entre Singtel
Singapour) et VTI (Vietnam).
7 – Marché offshore. On cite l’extension du réseau FiberWeb dans le golfe du Mexique, d’un
second projet en Arabie Saoudite entre plate-formes offshore dans le Golfe Persique et d’un
réseau entre plate-formes offshore au Gabon.
VIE DES SOCIETES
Global Crossing, société américaine sous la protection de l’Article 11, vend sa filiale Asia Global
Crossing à China Netcom, le second opérateur chinois résultant de la séparation de l’opérateur
historique China Telecom en deux sociétés.
NAVIRES
Nous apprenons le vente du FRESNEL à un armateur spécialisé dans l’Offshore le 26
Novembre 2002 .
Nouveaux navires de 140 mètres pour Tyco : Après le Tyco Reliance, le Tyco Transponder
construit chez Keppel Hitachi Zosen.
SATELLITES.... C’est également la crise.
« Même si la place des télécommunications spatiales est modeste comparée à l’immense toile
d’araignée des câbles installés au fond des mers et à la surface des continents leur rôle reste
essentiel car les satellites offrent une couverture globale de la planète qui facilite notamment
l’accès à des régions isolées ou difficiles d’accès. Plus de cent satellites sont aujourd’hui en
orbite. C’est dire si ce secteur, en croissance de 5 à 7 % par an, est bien vivant. » (J-F
Augureau – Le Monde du 28 novembre).
Les derniers satellites de télécommunications.
Trois échecs ont été enregistrés lors du lancement de quatre derniers satellites de
télécommunications et ils affectent trois satellites européens ;
ASTRA 1K (constructeur Alcatel Space – Acheteur luxembourgeois SES Astra). Ce plus gros
satellite construit au monde, lancé de Baikonour par une fusée russe Proton n’a pas été placé
sur orbite géostationnaire. Le sauvetage est en cours d’étude mais en cas d’échec, le sinistre
serait de 290 millions de dollars. (Tous journaux – 26 novembre).
HOT BIRD TM7 d’Eutelsat et STENTOR, satellite d’essai pour les télécommunications de
demain. Ce dernier a été construit par la plupart des entreprises européennes (France,
Allemagne, Espagne et Italie).
Par contre, le lancement du satellite INTELSAT 906 @ 64°E, construit par Loral (EU) et lancé
avec succès le 6 septembre 2002 par Ariane 5 est une réussite. Positionné au-dessus de
l’océan indien, il peut relier l’Europe ou l ‘Afrique au Sud Est Asiatique ou à l’ Australie.
La compétition entre lanceurs.
Le paysage mondial du secteur des lanceurs de satellites est bi-polaire (Europe et Etats-Unis).
Il n’y a pas encore d’intervenant asiatique dans la compétition. Le pôle européen Arianespace
(EADS) a longtemps bénéficié d’un avantage technologique dans le lancement des satellites
géostationnaires.
Face aux fusées Ariane d’EADS, la concurence est rude : deux Américains Lockeed Martin
(Atlas 5) et Boeing (Delta 4) et Krounitchev (Proton) opérent des bases de Cap Canaveral,
Baïkonour et de la barge Sea Launch. Boeing opère le lanceur russe Zenit sur Sea Launch et
Lockeed Martin propose Proton lancé de Baïkonour. Demain, il existera des lanceurs japonais,
chinois et indiens à plus long terme. Quatre fusées offrent des mises en charge orbitale
comprises entre 5 et 6 Tonnes :
- la version classique d’ Ariane (5 G) d’Arianespace en service depuis le 4 juin 1996.
- la fusée russe Proton mise en service sur le marché concurrentiel en 1996.
- Delta IV (Boeing), qui compte un lancement réussi le 20 novembre 2002.
- Atlas 5 (Lockeed Martin) dont le premier lancement réussi date du 22 août 2002.
En dopant la fusée Ariane 5 (version 5 E – Charge utile 10 tonnes), Arianespace pensait
prendre un avantage décisif sur ses concurrents ce 11 décembre 2002 (23h21 - heure de
Paris). En perdant ses 2 engins (Eutelsat Hot Bird TM7 et Stentor) de 6,6 tonnes, c’est une
somme de plus 550 millions d’Euros qui se perdent dans l’Océan Atlantique au large de Kourou.
(Le Figaro du 13 décembre)
Les 3 pôles de lanceurs ont une capacité de lancement nettement supérieure à l’offre qui
n’excède pas plus de 15 lancements annuels, capacité du site de Kourou (Le Monde – 16
octobre 2002).
L’américanisation des opérateurs de télécommunications.
Les entreprises américaines sont les premiers opérateurs du secteur des satellites de
télécommunications. Le podium est entièrement américain :
1 - SES Global (Astra pour l’Europe et l’ancien General Electric pour la partie américaine).
2 - Intelsat, qui n’est plus un opérateur multinational, mais une entreprise privée dont le
capital est détenu par Lockheed Martin et plusieurs opérateurs américains.
3 – PanAmSat propriété de General Motors.
4 –Eutelsat est le numéro 1 européen devant Astra.
Eutelsat diffuse 1250 chaînes de télévision et 550 radio à plus de 100 millions de foyers
recevant le câble ou le satellite et son capital est détennu à plus de 60% par 4 opérateurs
historiques fortement endettés : France Telecom, Deutsche Telecom, British Telecom et
Telecom Italia. Comme ceux-ci souhaitent céder leurs parts, les rédacteurs du journal « Le
Monde » notent le 14 décembre qu’Eutelsat est davantage menacé par l’appétit de ses rivaux
que par la perte de son satellite. Eutelsat est à vendre et interresse fortement ses rivaux
américains au grand dam des ouvernements et des fabricants européens de satellites Alcatel
Space et Atrium.
Recherche et industrie.
On avance un budget de 500 millions d’euros pour la recherche spatiale européenne alors que
la recherche américaine bénéficie de 2 milliards de dollars injectés par les budgets militaires.
Ceci explique sans doute celà.
C’ETAIT HIER, IL Y A ...
150 ans …le 2 décembre 1852, le câble sous-marin France-Angleterre, posé depuis le 19
octobre 1851 est exploité entre Paris et Londres sans relais intermédiaire. Les équipements
terminaux sont des Cooke – Wheastone .
100 ans …le 31 octobre 1902, le câble posé par un consortium britannique entre Vancouver,
Fanning, Fidji, Australie et Nouvelle Zélande boucle le réseau britannique autour de la terre. Il
était alors centré sur Londres.
En 1902 également, le Baudot-Picard permet d’accroître le trafic sur les liaisons sous-marines
de moyenne longueur en introduisant un multiplexage temporel (multi-secteur) sur les câbles
sous-marins.
C’est également en 1902 que le gouvernement français achète les câbles Dakar-Conakry,
Grand Bassan – Cotonou et Cotonou – Libreville à la société anglaise Western African
Telegraph Ltd.
50 ans …en 1952, la première liaison téléphonique coaxiale Cannes – Nice 1950 est relevée et
la technologie des câbles téléphoniques français est ainsi validée.
40 ans … en 1962 que le site de Pleumeur-Bodou est choisi pour y installer la première station
spatiale française.
20 ans .. le 30 avril 1982 qu’est signée la Convention sur le Droit de la Mer à Montego Bay
(Jamaïque) qui, si elle était correctement appliquée devrait éviter les catastrophes écologiques
du type « Prestige ».
C’est également en 1982 que les deux premières liaisons expérimentales à fibres optiques
françaises et américaines étaient installées entre Cannes et Juan les Pins et au large des
Bermudes.
C’est en 1982 que le premier câble du type Consortium est installé (Atlantis).
10 ans .. en septembre 1992 qu’est signé l’Accord MECMA. En 1992, Alcatel installe son usine
de Port Botany en Australie qu’elle ferme en 2002.
Quelques jours ...le 3 décembre 2002 qu’Alcatel annonçait la première fermeture d’une usine
française avant la fin de 2003, celle de Conflans-Sainte-Honorine, unité de fabrication de fibre
optiques dont l’effectif est passé de 615 unités en 1999 à 380 en 2002. (Le Monde du 7
décembre 2002).

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