Jésus apparaît à Marie Madeleine
Transcription
Jésus apparaît à Marie Madeleine
Jésus apparaît à Marie-Madeleine I l est bon, particulièrement au temps pascal, de se replonger dans les pages de l’Evangile qui décrivent Jésus Ressuscité apparaissant à ses disciples avant son Ascension vers le Père, les préparant à l’annonce de la foi et à la vie chrétienne. Nous commenterons ici l’apparition à MarieMadeleine. Le premier jour de la semaine… Le chapitre 20 de l’évangile selon Saint Jean décrit les premières apparitions du Ressuscité, et en tout premier lieu celle à Marie-Madeleine. Ce chapitre commence par les quelques mots : « le premier jour de la semaine ». Le détail pourrait paraître quasi insignifiant : le sabbat est passé, désormais, on recommence une semaine. Pourtant, on peut y voir une allusion à une autre semaine, au début de la Genèse : les sept jours de la création. Il est possible de rapprocher la Résurrection de la création. En quel sens ? Par la bouche d’Isaïe, Dieu avait annoncé une nouvelle création : « Car voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit. Mais soyez pleins d’allégresse et exultez éternellement de ce que moi, je vais créer : car voici que je vais faire de Jérusalem une exultation et de mon peuple une allégresse » (Is 65, 1718). Cette nouvelle création sera possible grâce à la Ré- la Sagesse et l’Amour éternels. Le premier Adam avait brisé ce lien, le nouvel Adam – le Christ – l’a rétabli. Par le Baptême, nous renaissons dans le Christ : c’est une nouvelle naissance, donnée par l’eau et l’Esprit (cf. demption par le Christ, qui non seulement nous purifie mais encore nous élève à la vie divine. L’homme s’étant détourné de Dieu, le monde avait perdu aussi son orientation et sa logique profondes – se tourner vers le Seigneur –, et avait été soumis à la caducité. Dans le Christ, le monde visible retrouve à nouveau son lien essentiel avec sa source, les paroles de Jésus à Nicodème en Jn 3, 5). Et comme dit Saint Paul : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là » (2 Co 5, 17). Le chrétien revêt ainsi l’Homme nouveau par la grâce divine en lui et la sainteté de sa vie : « il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le 1 vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité » (Ep 4, 22-25). La nouvelle création, c’est donc un nouvel Adam qui est la Tête de l’humanité nouvelle, et une nouvelle naissance : nous vivons de la vie du Christ et nous sommes en lui. Le premier jour de la semaine, c’est ainsi le premier jour d’une création nouvelle, un monde renouvelé de l’intérieur et qui portera sans cesse des fruits. Le monde ancien, porteur de mort, sera vivifié par la grâce venant de la mort et de la Résurrection du Christ. A partir de Pâques, la première création trouve son sens et son sommet dans la nouvelle création dans le Christ, et la splendeur de celle-ci dépasse la splendeur de celle-là. … Marie de Magdala… Sainte Marie-Madeleine est une bonne illustration du renouvellement intérieur, don du Christ à ceux qui l’aiment. Le contraste entre les débuts de sa vie et son existence à la suite de Jésus est fort. L’évangéliste Saint Marc nous le dit encore mieux, dans une phrase saisissante : « Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, il apparut d’abord à Marie de Magdala dont il avait chassé sept démons » (Mc 16, 9). L’ancienne possédée à la vie peu honorable devient celle qui a le privilège de la pre- mière apparition du Ressuscité. Sainte Marie-Madeleine rencontre sans doute Jésus pour la première fois dans la maison d’un Pharisien qui a invité Jésus à prendre un repas. Elle vient aux pieds du Seigneur, arrosant de ses larmes les pieds de Jésus, les essuyant de ses cheveux, les couvrant de baisers et les oignant de parfum (cf. Lc 7). Le Pharisien qui a invité Jésus chez lui s’en offusque, car le Maître accepte de telles marques de respect et d’affection de la part d’une pécheresse. Mais Jésus dit : « ses nombreux péchés lui sont pardonnés, parce qu’elle a beaucoup aimé » (Lc 7, 47). Il y a là tout le sens de la pénitence chrétienne : nous avons offensé Dieu par nos péchés, et c’est par l’amour que nous témoignons au Seigneur que nous réparons le mieux nos fautes. Après sa grande expérience de conversion, Marie prend désormais le même chemin que Jésus. Elle le suit dans ses « voyages apostoliques » où Il proclame la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu (cf. Lc 8, 2). Sainte Marie-Madeleine est aussi la sœur de Marthe. Dans ce duo, nous avons le modèle de la contemplation et de l’action. Marthe et Marie ont invité le Maître chez elles mais, tandis que Marthe est affairée au service, Marie reste aux pieds du Seigneur à l’écouter. Marthe étant peinée de cette répartition des tâches, que l’on pourra éviter d’appliquer dans la vie quotidienne de nos familles… Jésus fait la réponse que l’on 2 connaît : « Marthe, Marthe, tu te soucies et t’agites pour beaucoup de choses ; pourtant il en faut peu, une seule même. C’est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée » (Lc 10, 41-42). La maison de Béthanie, sa propre maison, devient le lieu où elle peut boire les paroles du Seigneur. Quelque temps plus tard (nous sommes alors à la fin des trois années de la vie publique de Jésus), Lazare, le frère de Marie et de Marthe1, tombe malade et meurt. Lazare, ami du Seigneur Jésus, aura droit à un « retour à la vie », une « réanimation » qui n’est certes pas la Résurrection de Pâques puisqu’elle fait revivre Lazare à la vie mortelle, mais est le signe que Jésus est le maître de la vie et de la mort. Celle qui devait être le témoin de Pâques en avait eu un avantgoût, par le retour à la vie de son frère. Cette résurrection fait grand bruit et on invite Jésus à un repas en son honneur. « Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, que Jésus avait ressuscité d’entre les morts. On lui fit là un repas. Marthe servait. Lazare était l’un des convives » (Jn 12, 1-2). Durant ce repas, Marie, une nouvelle fois, prend du parfum, en oint les pieds de Jésus et les essuie de ses cheveux. Et, afin de montrer la 1 « Il y avait un malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe. Marie était celle qui oignit le Seigneur de parfum et lui essuya les pieds avec ses cheveux ; c’était son frère Lazare qui était malade. » (Jn 11, 2). grandeur de son amour, elle brise le vase d’albâtre et répand sur la tête du Seigneur le reste de ce nard précieux. Toute la maison est remplie de son odeur. Jésus, touché d’une telle attention, affirme à ceux (dont Judas…) qui s’indignent alors d’un tel « gaspillage » : « Elle a fait ce qui était en son pouvoir : d’avance elle a parfumé mon corps pour l’ensevelissement. En vérité, je vous le dis, partout où sera proclamé l’Évangile, au monde entier, on redira aussi, à sa mémoire, ce qu’elle vient de faire » (Mc 14, 8-9). Cet ensevelissement, en effet, ne devait pas tarder. Les événements s’enchaînent : préparatifs du repas pascal, trahison de Judas, dernière Cène, Jésus livré au Jardin des Oliviers, abandonné par ses amis, livré au supplice et à la mort. Qui reste-til au pied de la croix ? NotreDame, Saint Jean, quelques femmes, dont MarieMadeleine. Eux ont résisté au scandale de la croix. MarieMadeleine se montre plus fidèle et plus forte que ceux qui pensaient « tenir ». Après ces événements, Joseph d’Arimathie, aidé de Nicodème, vient avec un mélange de myrrhe et d’aloès, prend le corps de Jésus et l’entoure de linges, avec des aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs. Marie de Magdala est alors présente, regardant où on l’on dépose le corps sacré, afin de pouvoir parachever l’ultime hommage au Maître. On doit en effet arrêter l’embaumement, car le sabbat va commencer. « Qui cherches-tu ? » Mais, au lendemain du sabbat, la première surprise de Sainte Marie-Madeleine est de trouver le tombeau vide. C’est le signe « négatif », « en creux », de cet événement « positif » qu’est la Résurrection. Marie ne l’interprète pas ainsi. Pourtant, elle n’a certainement pas oublié les paroles de Jésus au moment de la résurrection de son frère Lazare : « Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 25). C’est là que nous voyons la différence entre Marie de Magdala et Marie Immaculée. La première n’a pas toute la foi de la seconde. La Mère de Notre-Seigneur a été la seule à conserver la foi en la Résurrection de son Fils alors que semblaient régner la nuit et la mort. Aussi a-t-elle sans doute bénéficié elle aussi d’une apparition, et même de la première apparition du Ressuscité2. Mais Marie de Magdala est parmi les premières à voir de nouveau Jé2 « Mais il n’est pas pensable que la Vierge, présente dans la première communauté des disciples, ait été exclue du nombre de ceux qui ont rencontré son Fils ressuscité d’entre les morts. Au contraire, il est vraisemblable que la première personne à qui Jésus ressuscité est apparu a été sa mère. Son absence du groupe de femmes qui s’est rendu au tombeau à l’aube peut constituer un indice du fait qu’elle avait déjà rencontré Jésus. Le caractère unique et spécial de sa présence au Calvaire et son union parfaite à son Fils dans ses souffrances suggèrent une participation très particulière au mystère de la résurrection. » Jean-Paul II, Audience générale du 21 mai 1997. Cf. aussi l’article sur les apparitions du Ressuscité, présenté dans le bulletin d’avril 2009. 3 sus, car elle est parmi les dernières à l’avoir quitté. Marie-Madeleine cherche alors son Maître, elle qui « a tant aimé ». Les paroles du Cantique des cantiques, décrivant l’âme qui recherche son Seigneur, traduisent bien sa préoccupation : « … j’ai cherché celui que mon cœur aime. Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé ! Je me lèverai donc, et parcourrai la ville. Dans les rues et sur les places, je chercherai celui que mon cœur aime. Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé ! Les gardes m’ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville : "Avezvous vu celui que mon cœur aime ?" A peine les avais-je dépassés, j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point » (Ct 3, 1-4). Des anges lui apparaissent, lui demandant pourquoi ces larmes. Le temps de répondre, elle se retourne et aperçoit Jésus, qu’elle prend pour le jardinier. En fait, le jardinier, l’homme du jardin, dans le Cantique des cantiques, c’est le Bien-aimé. Elle voit son Maître et Seigneur, l’objet de son amour, mais ne le reconnaît pas. Elle croit même que c’est ce « jardinier » qui l’a emporté. Cependant, lorsque le Ressuscité l’appelle par son prénom – « Marie ! » – aussitôt elle comprend qui est devant elle. Et elle lui répond, de cette appellation solennelle souvent employée pour s’adresser à Dieu : « Rabbouni ! » Saint Thomas dira « Mon Seigneur et mon Dieu », mais Marie de Magdala appellera son Maître res- suscité par une parole qui lui est assez proche. « Cesse de me toucher… » « J’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point. » On imagine le geste spontané, le réflexe de celle qui a tant souffert et tant cherché : elle se jette à ses pieds et l’étreint. Mais la réponse du Seigneur ne manque pas de la surprendre : « Cesse de me toucher. » Jésus ne veut pas que celle qui a versé le parfum sur ses pieds et sur sa tête le retienne. D’où vient cette distance nouvelle, alors que Marie repentante n’a jamais failli dans la fidélité à son Seigneur ? En fait, Jésus n’est pas purement et simplement ce qu’Il était avant la mort : ressuscité à la vie glorieuse, Il est entre le ciel et la terre, et va vers son Père. Ce n’est que dans le sein du Père que toute chair, transfigurée par la vie nouvelle, pourra le toucher et le posséder. Désormais, Béthanie est au sein du Père. Marie doit à présent s’arracher au monde pour rejoindre son Sauveur vivant. Pourtant, dès ici-bas, cette présence nous est donnée, comme un avant-gout. « Je m’en vais et je viens à vous » (Jn 14, 28). Notre-Seigneur monte vers son Père, mais pour revenir à nous. Ce seront des relations nouvelles, toutes spirituelles, qui permettront une grande intimité, une grande familiarité, presque un toucher dès icibas. La présence de Jésus est intériorisée et du coup plus intime : le Christ ressuscité entre dans nos vies bien mieux que si nous avions été à Béthanie ou au bord du lac de Tibériade à l’écouter et à avoir la joie de sa présence terrestre. « Je mets mes délices parmi les enfants des hommes » (Pr 8, 31) : cette phrase de la Sagesse divine dans l’Ancien Testament, réalisée de façon inimaginable dans la vie terrestre du Seigneur Jésus, n’a pas été anéantie par la Résurrection. Les jours inoubliables vécus auprès du Christ se prolongent, mais de façon autre, dans la foi. Marie de Magdala ne le sait probablement pas encore, mais c’est particulièrement par les sacrements, et éminemment par l’Eucharistie, que Jésus sera présent à nous. Marie de Magdala a certainement trouvé une grande joie dans l’Eucharistie célébrée par les Apôtres. Va trouver mes frères… Désormais, c’est l’envoi en mission. « Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Sainte MarieMadeleine devient, comme la définit Saint Thomas d’Aquin, l’Apôtre des apôtres. Elle va annoncer la nouvelle de la Résurrection à 4 ceux qui donneront leur vie pour la proclamer jusqu’aux extrémités de la terre. A présent, dans la vie nouvelle, tous les hommes sont appelés à devenir par grâce ce que le Christ est par nature : fils de Dieu. De là l’expression « mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». La nouvelle création est inaugurée en ce matin de Pâques. Vivants en Jésus, nous devenons participants de la vie divine. Voilà le grand fruit du mystère de Pâques. Pour terminer, citons le Victimæ paschali laudes (la séquence du Dimanche de Pâques), qui met dans la bouche de Sainte MarieMadeleine les paroles suivantes : Dis-nous Marie [Madeleine] qu’as-tu vu en chemin ? J’ai vu le Christ vivant en son sépulcre et la gloire du Ressuscité J’ai vu les Anges témoins, le suaire et les vêtements. Le Christ, mon Espérance, est ressuscité, il vous précédera en Galilée. Nous savons le Christ vraiment ressuscité des morts. Roi victorieux, prenez pitié de nous ! Amen ! Alléluia ! Abbé Vincent Pinilla