Maman à 17 ans: fardeau ou joie?

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Maman à 17 ans: fardeau ou joie?
LA LIBERTÉ MERCREDI 22 FÉVRIER 2012
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Maman à 17 ans: fardeau ou joie? Inquiétudes
sur la FNAC
DOCUMENTAIRE • A l’âge où l’on n’est plus une enfant mais pas encore une adulte, comment
gérer une naissance? La réalisatrice zurichoise Anka Schmid a suivi trois très jeunes mères.
NICOLE RÜTTIMANN
Dix-sept ans et maman? Trop tôt, irresponsable, immature: les critiques fusent.
Et pourtant. La réalisatrice zurichoise
Anka Schmid, qui enseigne en média et
communication à l’Uni de Fribourg,
consacre aux grossesses adolescentes un
documentaire qui secoue les préjugés.
Sorti au printemps 2011 en Suisse alémanique, «Cœur au ventre» a reçu le Prix du
film de Zurich en novembre. Durant trois
ans et demi, Anka Schmid a suivi trois
adolescentes en Suisse devenues mères à
dix-sept ans. Sandra, encore enceinte au
moment du tournage, peut compter sur le
soutien de sa famille et de son ami pour
accueillir Jason. Alors que Jennifer, soutenue par sa maman, s’est séparée de son
ami après la venue de sa fille Tanijsha. Enfin, Jasmine élève seule son fils Armando;
le père étant parti juste avant le début du
tournage, ce qui la contraint à le placer
dans un foyer en semaine. Trois jeunes
mères, autant de parcours différents, avec
pour point commun une fantastique expérience de vie pour ces jeunes filles devenues femmes. Le film de leur histoire dérange, interpelle et lève un véritable
tabou.
Vous avez 50 ans, pourquoi cet intérêt pour
les mères adolescentes?
Anka Schmid: cela m’est venu de ma propre expérience de mère et du changement
que cela avait occasionné chez moi. Ces
jeunes filles ont piqué ma curiosité. Elles
me fascinent par leur détermination et attirent le respect. Personnellement, je n’aurais jamais été capable de garder un enfant à cet âge.
Vous aussi, vous pensiez que c’était une
folie d’avoir un enfant à 17 ans?
Je les voyais comme n’importe quelles
jeunes filles de leur âge: insouciantes,
naïves... Je trouvais leur décision un peu
folle. Si je pense à mon fils de 17 ans, cela
me choquerait qu’il soit père. Je songerais
à sa carrière... Mais on réalise que c’est
aussi la force de la jeunesse, cette naïveté
et cette énergie. Ces jeunes filles savent
qu’elles doivent lutter pour leur enfant et
veulent prouver qu’elles peuvent le faire.
Comme Sandra qui, un peu paresseuse
auparavant, finit son diplôme dans les
meilleurs. Avec la naissance de leur enfant, elles acquièrent une grande maturité
qui les distingue des autres adolescentes.
Mais ces mères adolescentes, cela reste
une exception...
Un film parle toujours de choses rares. Ici,
il montre la force du changement, les nouvelles responsabilités. A l’époque, ma
grand-mère avait 20 ans quand elle a eu
ANNICK MONOD
«Au secours, la FNAC délocalise!» Voilà en substance le cri
d’alarme lancé hier dans une pétition signée par quelque 260 représentants du milieu musical
romand: artistes, organisateurs
de concerts, festivals, labels et
distributeurs. Motif de leur inquiétude: la décision annoncée
par le groupe de «piloter depuis
la France», dès la fin de l’année,
ses quatre magasins suisses de
Genève, Lausanne et Fribourg.
«Inconcevable», tonnent les
artistes, pour qui l’assortiment
du premier disquaire romand ne
doit pas être décidé à 500 km
d’ici, par «un acheteur parisien
forcément déconnecté de la réalité régionale.» Leur crainte: que
la musique romande soit moins
bien représentée dans les commerces de la chaîne si la Fnac venait à retirer son centre de décisions de la Suisse. Pour eux, la
concertation avec les artistes,
lieux de concerts et festivals locaux, telle qu’elle existe aujourd’hui, est plus que précieuse:
elle est «vitale».
Jasmine emmène Armando partout, véritable bébé du monde. Ici, une petite ballade branchée entre copines. ANKA SCHMID
son fils, ma mère en avait 25 et enfin, moimême j’ai été mère à 33 ans. L’âge moyen
aujourd’hui est de plus de 30 ans. Dans
notre société, la carrière passe avant l’enfant. Actuellement, cela reste un réel tabou, ces filles sont pointées du doigt à
l’école. Contre ces regards, elles ont leurs
amis, mais surtout leur fierté. Et c’est aussi
pour elles une façon de trouver une place
dans la société et d’attirer l’attention. Le
moment le plus difficile est avant l’accouchement, une fois l’enfant arrivé, elles
sont plus fortes et accomplissent un immense changement pour lui.
faut passer les réticences et le temps m’a
aidée. C’est un échange, j’ai donné beaucoup de moi et elles m’ont donné beaucoup en retour.
Votre film reste tout en pudeur et en
finesse: on ne voit ni nudité, ni larmes et
l’accouchement n’est pas montré en détail.
J’ai décidé de ne pas montrer la sortie du
bébé. Ce qui m’importait ce n’était pas de
faire un cours d’anatomie, mais plutôt de
montrer ce passage de douleur que la
femme doit accomplir seule, ce bouleversement immense qui se prépare. Et tout
l’amour et l’attention autour
d’elle. Montrer la sexualité directement, même au XXIe siècle, cela reste choquant. Pour
ce qui est des larmes, je voulais éviter cette pression sur le
ANKA SCHMID public. On perçoit la tristesse
différemment, elle se ressent
dans le regard furtif et embué
Les protagonistes sont très naturels devant de Jasmine, qui se doit d’être forte devant
la caméra. Comment avez-vous fait?
son enfant ou lorsqu’elle dit espérer une
J’avais sélectionné les personnes les plus à meilleure année car un ami s’est suicidé et
l’aise. Et, s’il y avait bien une certaine gêne le père de son enfant a connu des proau départ, une fois le contact établi, elles blèmes de drogue. C’était dur, d’ailleurs,
oubliaient la caméra. De même pour les de demander aux jeunes filles de me
enfants, qui, lorsqu’ils sont concentrés sur contacter aussi lorsqu’elles traversaient
quelque chose, oublient l’extérieur. J’ai une crise.
filmé seule au début, avec un matériel discret. Puis, deux techniciens et une assis- Après avoir partagé près de quatre ans de
tante m’ont rejointe. Mais cela reste prin- la vie de ces adolescentes, cela a dû être
cipalement une question de confiance. Il difficile d’arrêter le tournage, non?
«Leur détermination
et leur maturité me
fascinent»
DES CAS RARES EN SUISSE
En Suisse, les grossesses de mineures sont rares.
«Nous avons le plus bas taux d’Europe, grâce à un très
bon service d’éducation sexuelle», explique Anne Descuves, cheffe de service de la Consultation de santé
sexuelle à la fondation vaudoise Profa. Selon elle, les
raisons de ces grossesses sont multiples: «La mère a
déjà eu un enfant jeune, il s’agit pour la jeune fille de
prendre sa place dans la société en tant que mère, ou
c’est un inconscient désir de maternité. Mais souvent,
c’est un réel choix de garder l’enfant.» Selon la fondation Santé Sexuelle Suisse, les jeunes ont en moyenne
17 ans lors de leur premier rapport, chiffre stable depuis
plusieurs années, malgré une augmentation des jeunes
sexuellement actifs à 17 ans. Si huit jeunes de 17 à 20
ans sur dix utilisent un moyen de contraception, 12%
environ n’en utilisent pas. Les taux d’interruption de
grossesse des jeunes femmes entre 15 et 19 ans en
Suisse sont parmi les plus bas au monde (5,75 pour
mille femmes). Bon à savoir: le planning familial fribourgeois consulte à Bulle, Morat, Payerne et Fribourg. NR
Oui, car des liens d’amitié se nouent: ni
assistante sociale, ni amie car trop âgée,
j’étais une sorte de marraine. Heureusement, ça n’a pas été une rupture au couteau: nous nous sommes tous réunis pour
la première à Soleure, je leur téléphone
aux anniversaires et on se revoit. Nous gardons aussi un lien par facebook. Simplement, le contact est désormais normal,
alors qu’avant les conversations pouvaient
être très intimes, rendues plus intenses
encore sous l’œil de la caméra.
Quand avez-vous décidé d’arrêter de filmer?
Elles avaient accompli leur transition de
jeunes filles à adultes et acquis toute une
maturité. De plus, la situation se «normalisait» en quelque sorte: appart, travail,
stabilité. Et je commençais à trop m’impliquer, je faisais partie de la famille. Les enfants avaient perdu la distance et voulaient que je mange avec eux au lieu de les
filmer.
Qu’est-ce que vous avez appris de ce film?
La vie n’est pas une route droite; c’est un
secret. La question principale est: que se
passe-t-il lorsqu’on a le courage de se lancer dans une situation? On voit qu’avec du
soutien, on peut franchir les crises de la
vie et trouver des solutions. I
> Lundi 27 février, 18 h, le Rex, Fribourg, projection
spéciale de «Cœur au ventre»/«Mit dem Bauch
durch die Wand» en présence d’Anka Schmid. Le
film sera encore à l’affiche les 3-4 mars.
Un docu tout en finesse
Le film s’ouvre sur un visage
mi-souriant, mi-indécis. Couchée sur un lit d’échographie,
une jeune fille découvre son
bébé à l’écran. Puis l’image fugitive d’elle et son ami s’efface, révélant une scène presque choquante, mais d’une surprenante
beauté. Des mains recouvrent
son ventre et sa poitrine de plâtre, pour faire un moule de ses
formes arrondies par la grossesse. Une pudique nudité de
statue, sous l’œil bienveillant, interrogateur et amusé de sa mère
et de son copain. «J’aime bien
cette sensation», déclare-t-elle.
«Etre enceinte.»
Ce premier plan surprend
par sa sérénité, même si l’on de-
vine quelques incertitudes dans
les regards. Anka Schmid joue
sur la diversité des situations et
des caractères. Si Sandra semble
plutôt sereine et enjouée, Jasmine est plus extravertie et s’emporte facilement, alors que Jennifer apparaît calme et posée.
Alternant «confessions» directes, tranches de vie et vues du
paysage sur fond de rap, le documentaire aborde les préoccupations des protagonistes par
thèmes: la difficile annonce de la
nouvelle, les regards lourds, les
angoisses, leur propre enfance et
ce qu’elles espèrent pour leur enfant, le rôle du père, l’amour et
ses différents aspects avant et
après la naissance, ou la recherche d’un travail et d’un logement. Ils retracent l’évolution des
jeunes filles sur la durée.
Au fil du temps, elles acquièrent une maturité surprenante,
qui souligne l’évolution contrastée des pères: du papa-poule Marcel, qui épouse Sandra, à Roman,
qui refuse sa paternité, en passant
par Mwhati, présent sporadiquement auprès de sa fille, la palette
est variée. S’il tire un peu en longueur, ce film laisse le spectateur
interdit face au courage et à la détermination dont font preuve ces
jeunes mamans. Finalement,
sont-elles si différentes des autres
mères? Un film d’une douceur
percutante. NR
Fermer l’antenne de décision
suisse? «Il n’en est pas question»,
rassure Sophie Kart, responsable
de l’action culturelle chez Fnac
Suisse. «Nous sommes en pleine
réflexion, et cette pétition présente comme acquises des décisions qui n’ont jamais été prises.»
Ainsi, le «pilotage» depuis la
France ne concernera «que des
recherches de synergies pour des
produits plus internationaux, et
sous une forme qui reste à définir», indique-t-elle. Quant à l’assortiment de musique romande,
il continuera à se décider depuis
le siège de Fnac Suisse à Genève,
en concertation avec les acteurs
culturels locaux, assure-t-elle.
«Nous
avons
pleinement
conscience de l’importance du
marché romand, et nous avons la
ferme intention de continuer à
soutenir les productions locales.
Depuis la Suisse.» I
EN BREF
NOUVEAU NOM POUR LE
SALON DE L’ART À GENÈVE
CONTEMPORAIN Adieu «artbygenève», bonjour «artgenève». Le Salon de l’art
contemporain et moderne de
Genève change de nom et
d’équipe dirigeante. Après
trois ans sous la houlette de
Roger Pfund et Christoph Bollmann, la manifestation est
reprise par Simon Lamunière
et Thomas Hug. La prochaine
édition aura lieu du 25 au 29
avril, toujours à Palexpo. AMO
BOULE ET BILL PASSENT
DU PAPIER AU CINÉMA
BANDE DESSINÉE L’inoxydable duo de la BD jeunesse
«Boule et Bill» sera adapté au
cinéma, annonce l’éditeur Dargaud. Le film sera réalisé par
Franck Magnier et Alexandre
Charlot («Bienvenue chez les
Ch’tis»). Avec Franck Dubosc
dans le rôle du papa, ils ambitionnent de donner une
deuxième jeunesse à ces personnages nés en 1959. AMO