Cauquil Anaïs 2nd3

Transcription

Cauquil Anaïs 2nd3
Cauquil Anaïs 2nd3
Lycée Paul Rey
6 avenue Jean Seignères
64800 - Nay
Professeur: Mme Pichon - Roques
Rédigé en classe (lancement du projet)
Une rue déserte, mes pas s'accélèrent, mon cœur tambourine dans ma poitrine à une
vitesse déconcertante. Un homme derrière moi se rapproche. Courir? C'est la seule chose
qu'il me reste à faire... Ma respiration est saccadée. Ma tête tourne. Ce n'est plus le vent que
je sens dans mon cou, mais la chaleur de son souffle. Puis une lame, glacée. Des yeux
bleus perçant dans la nuit. Plaquée contre un mur, les mains derrière le dos. Je ne peux plus
rien faire...
Plus aucune notion du temps, d'où je suis. Le bruit des éboueurs dans la rue me sort
lentement de ma torpeur. Je plisse les paupières, la faible lueur des premiers rayons de
soleil m'éblouit. Un cauchemar? Non, tout autour de moi semble bien réel. J'étire mes
membres endoloris et tente avec peine de me relever. Je frotte mes vêtements couverts de
poussière et de particules de laine bleue... Trouver le chemin de la maison, prendre une
douche, et me coucher comme si de rien n'était. Bordeaux c'est grand, mais connaissant
cette ville comme ma poche, je m'y retrouverai vite. Je déambule à travers les rues désertes.
Enfin... la porte qui m'est familière. Je me glisse sur la pointe des pieds dans le couloir.
J'entre dans la salle de bain, me déshabille et me laisse submerger par le jet d'eau glacé.
C'est à la vison des bleus sur mes poignets, sur mes cuisses que des rafales d'images
glauques se bousculent dans mon esprit. Le goût amer de la vengeance m'envahit. En dix
sept ans de vie, je pensais que c'était le genre de choses qui n'arrivaient qu'aux autres. Mais
cette fois ci c'était moi...
7h01. L'heure pour moi de reprendre la routine habituelle et le chemin du lycée. Une horrible
migraine et des courbatures me torturaient. Aucune motivation pour me sortir du lit. C'est la
voix enthousiaste de ma mère qui me tira brusquement de mes songes: "Laura! Ma chérie;
dépêche toi, tu vas encore être en retard!" Sa phrase résonnait dans ma tête tel un écho. Me
lever? J'en étais incapable. Je lui répondis d'une voix fébrile: " Maman, je ne me sens
vraiment pas bien, je dois avoir de la fièvre, j'irai au lycée plus tard." Elle n'avait pas
l'habitude de me contredire. J'entendais ses pas s'éloigner dans le couloir. Je me redressais
avec peine sur mon oreiller. Les images défilaient dans mon esprit. Les oublier, les
effacer...c'était la seule alternative. Jusqu'à présent, j'avais une petite vie plutôt tranquille.
Fille unique, des parents attentionnés, des amis irremplaçables...bref une existence paisible.
Mais là, j'étais écorchée vive... Je m'assoupissais.
13h30. Je devais y aller. Je l'avais promis à ma mère. Un passage rapide par la salle de
bain. Un verre de jus d'orange. Mon courage à deux mains et mon sac Eastpak vert sur
l'épaule, je reprenais la route du lycée. Je me sentais épiée. Tous les regards s'accrochaient
sur moi, comme si l'incident de la nuit dernière était inscrit sur mon front. N'était -ce qu'une
impression? Dans le tram, un simple frôlement me faisait sursauter, les regards des hommes
me faisaient baisser les yeux. La boule présente dans le creux de mon ventre me tiraillait.
Enfin le portail en fer du lycée. C'est Julie et Mathilde qui me sautèrent dessus et
m'assaillirent de questions. "-Ben alors, où étais-tu ? Tu pourrais répondre aux textos ! Ca
ne coûte rien!
- Quelle mine affreuse!
- C'est rien les filles, juste un peu de fièvre. aller, venez, je n'aimerais pas arriver en retard
en math."
Ca n'était décidemment pas moi...louper quelques minutes de cours ne m'avait jamais
dérangée. Leurs questions m'agaçaient. Je ne voulais qu'une chose, m'enfoncer sous terre
pour ne plus croiser leurs regards interrogateurs. Un détour par la vie scolaire pour prendre
un mot d'absence puis je m'effondrai sur ma chaise. Les chiffres dansaient sur le tableau.
Valse d'équations et de systèmes. Mon corps était là, mais mon esprit complètement ailleurs.
Dans cette rue déserte...La voix de la prof me ramena brusquement à la réalité: "Mlle Héraut!
A quelle heure déciderez vous de vous concentrer et de revenir parmi nous?"
La sonnerie retentit. Encore deux heures...Je rangeai mes affaires et une main sur ma
cuisse me fit sursauter. Matéo.
"- Hey, déstresse...ça n'a pas l'air d'aller fort aujourd'hui...
- T'en fais pas, lui répondis-je brusquement, ça fais des mois que tu n'es plus là pour moi, je
ne vois pas pourquoi tu t'inquiètes..."
Etonné, il partit. Première fois que je réagissais comme ça à son égard. Il le méritait.
17h00. Enfin, je reprenais le chemin de ma maison. M'installer dans le tram. Mettre mon ipod dans les oreilles. Les portes s'ouvraient, se fermaient. Des vagues de personnes
déferlaient. Des cris d'enfants, des rires d'adolescents, des discutions d'amies...Mais une
seule chose retenait mon attention. Le bonnet bleu de l'homme en face de moi. Il ne m'était
pas inconnu...Les images me revinrent, en rafale. Son regard, perçant. La lame, glacée. Ses
gestes, violents. Ce bonnet...il avait exactement le même...Prise de panique, je descendis à
la station suivante et continuais ma route a pied. Une terrible nausée. Comment oublier alors
que tout me le rappelait. Je claquais la porte, balançai mon sac sur mon lit. Pas la tête à
travailler, pas l'appétit pour manger. Dormir. Partir. Oublier.
Les semaines défilèrent comme ça. La peur au ventre...
La rue déserte. Ses pas s'accélèrent, son cœur tambourine dans sa poitrine à une vitesse
déconcertante. L'homme derrière elle se rapproche. Courir? C'est la seule chose qu'il lui
reste à faire...Sa respiration est saccadée. Sa tête tourne. Ce n'est plus le vent qu'elle sent
dans son cou mais la chaleur de son souffle. Puis la lame, glacée. Les yeux bleus perçants
dans la nuit. Plaquée contre le mur, ses mains derrière le dos. Elle ne peut plus rien faire...
Cela faisait trois semaines que ma vie se résumait à rester prostrée dans le noir, à refuser
toutes les sorties entre amis, à esquiver toutes les questions, à récolter des notes de plus en
plus médiocres.
Puis ce samedi matin là, cet article déconcertant dans le journal :
" Hier soir, aux environs de 23h00, une jeune femme d'une vingtaine d'années a été victime
d'une agression, à Bordeaux, rue de Vincennes. La jeune femme, nommée Justine
Vaubourg, est désormais hospitalisée. La police nationale est déjà sur les lieux en quête
d'indices, seul un bonnet bleu y a été retrouvé. Le coupable n'a pas été identifié par la
victime. Toute personne ayant été agressée antérieurement ou étant témoin peut se
présenter au poste de police [...]"
Le même lieu, la même heure, les même faits...beaucoup trop de coïncidences pour ne pas
réagir. C'était soudain l'envie de me battre qui prenait le dessus. Mais l'angoisse qui me
tiraillait était belle et bien présente. Toujours cette peur des représailles, d'être incomprise ou
simplement de se sentir différente aux yeux des autres... Mais je sentais qu'il était de mon
devoir de témoigner. Ne serait-ce que pour me sentir apaisée? Pour aider une autre victime?
Une multitude de questions que j'avais refoulées jusqu'à présent se bousculaient dans mon
esprit meurtri. Que faire? Je ne voulais pas non plus que mes parents s'inquiètent. Les
connaissant ils seraient capables de m'envoyer consulter un psy...Non, il ne fallait pas que je
leur en parle. Me débrouiller seule, c'était la meilleure chose à faire.
Découper l'article. Appeler la police. Aller témoigner. Telle était ma décision. Je fus très bien
accueillie. Un brigadier pris ma déposition. Quelques formalités. On me donna l'adresse d'un
psychologue. Puis on me dit que je serais tenue informée des suites de l'enquête.
Je sortis, soulagée, légère. Je sentais monter en moi une bouffée d'espoir mêlée à la rage
de vaincre. Quelque chose de bien venait d'être accomplit, et ouvrait les grilles qui se
refermaient sur ma colère et mon envie d'y croire. Le sentiment de honte qui me rongeait
depuis des semaines s'estompait pour laisser place à un peu de hargne. Soudain, une idée
me vint à l'esprit. Je revint en trombe dans le commissariat et en ressortit avec, plié
soigneusement dans ma poche, l'adresse de l'hôpital où se trouvait Justine Vaubourg.
J'arrivai devant les portes de l'hôpital Saint-André, fourmilière géante de médecins,
infirmières, malades, mourants... Je me rendais à l'accueil pour savoir où se trouvait la
chambre de la victime.
" 2eme étage, au bout du couloir B, Chambre 316." Au fur et à
mesure que j'avançais dans les couloirs, la boule qui se tapissait au creux de mon ventre
depuis des semaines s'agrandissait. Cette odeur caractéristique et les blouses bleus des
médecins accentuaient ma nausée. Faire demi tour ? Non, j'avais le sentiment de ne plus
pouvoir revenir en arrière... Enfin, la chambre 316. Je pris une longue inspiration avant
d'ouvrir la porte. Une minuscule chambre, la moitié de l'espace étant occupé par des tuyaux
multicolores. Je la voyais. Sous les bleus et les égratignures qui lui bariolaient le visage, on
devinait une ravissante jeune femme. Il y avait mis toute sa haine, sa violence, tout en elle
semblait meurtri. Je m'approchai et elle fit un petit sursaut. Enfin, je me décidai à parler:
" - Je suis désolée d'arriver comme ça. A l'improviste. Je m'appelle Laura, j'ai 17 ans. Et en
ouvrant le journal ce matin, j'ai su que je devais venir vous voir. Il m'est arrivé la même
chose que vous il y a environ trois semaines... J'ai préféré garder le silence, sachant
pertinemment que ça ne serait sûrement pas la meilleure solution, mais voyez vous, il arrive
un moment où l'on a plus le choix."
Elle se redressa péniblement sur son coussin. Me fit un semblant de sourire. Encourageant.
Et me répondit d'une voix fébrile:
" - Raconte moi. j'ai peu de force pour parler, mais je suis tout à ton écoute. Je t'admire d'être
venue jusqu'ici.
- Le même lieu, la même heure, le même bonnet...j'en déduis que c'est le même homme.
Visiblement il a été plus violent avec vous. Il n'a pas atteint mon visage. Jusqu'à ce matin,
personne n'était au courant. Tout cela était beaucoup trop dur à assumer, à supporter. Mais
l'article paru dans le journal ce matin ma bouleversée. Je suis donc allée témoigner."
Un petite lueur d'espoir s'alluma dans son regard :
"- C'est très courageux de ta part. Ton témoignage laisse une chance pour le retrouver, le
condamner. La simple idée que cet homme rode encore dans la nature me fait frémir.
- Quand allez vous sortir d'ici?
- Quand mon état sera stable et que les médecins en auront fini avec les multitudes
d'analyses, ils me laisseront partir. Je ne me sens pas vraiment d'attaque à reprendre le cour
de ma vie, à retrouver le monde extérieur. Mais je crois que désormais...il faut se battre. Ne
restons pas à pleurer sur notre sort. Et puis, qu'avons nous à perdre ? Nous avons déjà
perdu tellement de choses...notre dignité."
Elle n'avait pas tort...A quoi bon se lamenter ? Le mal était fait.... Soudain, une idée traversa
mon esprit à une vitesse fulgurante. Je lui en fit part :
"- Je viens d'avoir une idée, elle peut paraitre dérisoire, ridicule, mais au point où nous en
sommes... - Toute idée est bonne à prendre, renchérit-elle.
-Eh bien ... nous pourrions créer une association pour toutes les femmes affectée par une
telle épreuve. Je pense qu'il est beaucoup plus facile d'en parler quand les gens qui nous
écoutent ont le même ressenti. Nous nous aiderions mutuellement à retrouver un peu de
paix et de bien être ...
-Tu as raison. Pourquoi ne pas essayer ? Donne moi ton numéro de portable. Je te contacte
dès que je me sens mieux. Merci encore d'être venue..."
Trouver la sortie. Respirer à nouveau. Ce fut un bref échange...mais tellement bénéfique. Un
peu de vie remontait petit à petit en moi. Un nouveau départ. J'allais pouvoir reprendre le
cours de mon existence. Un but ? Cette association, qui allait m'aider à me reconstruire. Il
n'était plus question de me renfermer sur moi même, de me lamenter. Je n'allais peut être
pas le retrouver, et empêcher que de telles violences ne se reproduisent plus. Mais j'étais
bien décidée à retrouver un semblant de joie et a redessiner un quelconque sourire sur mes
lèvres. Sourire que je croyais effacé à tout jamais. Il faisait beau, et cette ville je l'adorais. Je
décidais donc de rentrer chez moi à pied, sans cette peur qui m'emprisonnait.

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