Attention,vos gestes
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Attention,vos gestes
Attention,vos gestes vous trahissent! Lire entre les gestes de vos clients pourrait vous permettre de mieux les comprendre. Guy Cabana, un détecteur de messages gestuels hors pair! Caroline Fortin Photos: François Bonneau Si jamais, au terme d’une rencontre avec un client potentiel, ce dernier vous remercie tout en nettoyant des poussières imaginaires sur la table, ne comptez pas là-dessus, il ne vous rappellera jamais. Vétilles? Pas selon Guy Cabana, négociateur professionnel et conférencier. Car, vous le saviez peut-être, OBJECTIF CONSEILLER 26 le corps parle. Et contredit souvent ce qui sort de notre bouche. Pensez au nombre de fois que vous pouvez lever les yeux au ciel, vous triturer le nez, vous croiser les jambes dans une journée, ou encore, songez à la façon dont vous donnez une poignée de main. Tous ces Quand les gestes en disent plus long que les mots Voici quelques gestes que vous pourrez vous pratiquer à détecter chez vos clients. mouvements peuvent cacher une signification, mais gare aux interprétations abusives, prévient d’entrée de jeu Guy Cabana. Nos gestes quotidiens entrent selon cet expert dans deux catégories : les mécaniques et les accidentels. «La première regroupe les gestes exigés par notre corps. Se gratter, notamment. Un autre exemple : dans une journée, le taux de globules blancs descend et le seul moyen de les stimuler, c’est d’ouvrir la bouche et de prendre une grande bouffée d’air. Cela s’appelle bâiller, et ce n’est pas nécessairement parce que c’est ennuyant», illustre-t-il, pince-sans-rire. Dans la seconde catégorie résident les gestes porteurs de messages. «Ces gestes nous viennent d’une façon spontanée. Et, parce qu’ils sont motivés par nos impulsions, il est très difficile de les réprimer! Les gens deviennent donc des vitrines.» D’ailleurs, faitil remarquer, selon une étude menée par l’Université Harvard, toute communication est composée à 53 % de gestuelle. Le choix des mots, lui, a un poids de 7 %, et la tonalité de la voix, de 40 %. Nos gestes sont à ce point lourds de sens que, bien souvent, Guy Cabana doute des paroles de ses interlocuteurs. «Si les gestes ne coïncident pas avec la parole, méfiezvous de ce qui est dit!» lance cet observateur aguerri. Une situation typique? Les entrevues d’embauche. Surtout les premières fois, lorsque vous arrivez mal à dissimuler votre nervosité. Alors que vous débitez vos qualités sur un ton en apparence calme, vous ne cessez de vous frotter les mains. Nul besoin d’être un expert en non-verbal pour comprendre que vous avez la trouille. Souvenez-vous également du Monicagate : des psychiatres de l’Illinois avaient passé au crible tous les mouvements de Bill Clinton, alors en procès pour ces fameuses histoires d’alcôve et de cigare mal placé. Premier constat : au cours de son témoignage, l’ancien président s’était touché le nez 0,26 fois par minute. Lorsque l’on ment, semble-t-il, les tissus érectiles du Les deux mains en forme de pyramide avec le bout des doigts qui se touche : s’il y a de l’espace entre chacun des doigts, la personne vous témoigne de la confiance et une ouverture d’esprit. Pyramide pointée vers quelqu’un : c’est en toi que j’ai confiance. Si, au cours de la conversation, les doigts de la pyramide se touchent, la personne se renferme et ne vous écoute plus. Généralement, les gens ramènent aussi la pyramide vers eux et se touchent la bouche avec celle-ci : physiquement, la personne est avec vous, mais, mentalement, elle est en train de prendre une décision. À ce moment-là, posez-lui des questions et laissez-lui la parole. Quand les doigts en pyramide claquent ensemble : vous abusez de ma confiance. «Je n’ai jamais vu une personne se les claquer plus que cinq fois. Habituellement, au cinquième claquement, les mains tombent, et la décision aussi. Alors, quand vous voyez cela, vous êtes mieux de vous taire ou de poser des questions et laisser l’autre parler.» Pyramide vers soi en se reculant tout en écoutant : la question que vous avez posée ou l’information que vous avez donnée est déjà connue. La personne désire connaître votre niveau de connaissance, voir si vous allez lui donner la bonne réponse. Donc si un client vous demande : «À quel endroit devrais-je investir mon argent?» tout en faisant ce geste, vous êtes mieux de lui dire ce qu’il attend! Pyramide avec doigts qui se croisent : confiance ultime, espérance. Mains croisées sur une table : si jamais une personne est impliquée, engagée dans la conversation, elle va toujours avoir ses avant-bras sur la table. Lorsqu’une personne ne touche pas une table, mais vous écoute attentivement, c’est ce qu’on appelle l’observateur. Après 5 ou 10 minutes, il faut s’arranger pour poser des questions, de manière à faire intervenir cette personne. La main ou un doigt sur l’arcade sourcilière : bien que votre interlocuteur vous écoute attentivement, il ou elle ne peut se faire une idée, visualiser ce que vous êtes en train de lui expliquer. Il faut alors sortir un cartable, une brochure ou un graphique pour compléter son exposé. En face d’un client, s’il se recule, c’est qu’il observe votre information. Reculé, en position d’écoute, les deux index collés et qui touchent à la bouche : les doigts en avant de la bouche, ça veut dire que la personne ne veut pas vous interrompre. Tout geste qui se trouve en haut de la ceinture, c’est comment la personne se sent. En bas, ce sont tous les éléments qu’elle ne contrôle pas dans son environnement. Bras croisés, jambes ouvertes : je suis ouvert, mais je ne sais pas ce que tu vas me poser comme question. Prendre un crayon et le tourner vers l’avant à l’horizontal, tout en écoutant: ce que vous dites est ennuyant. Plus c’est «plate», plus le crayon va avancer rapidement. Dans ce temps-là, posez une question à la personne, le crayon va arrêter de tourner. Se tourner les pouces vers la personne qui parle : je m’ennuie. Vers soi : je réfléchis. Alterner le mouvement de rotation des pouces : je suis mêlé. J’ai fini de t’écouter, je te dis que c’est vraiment intéressant ce que tu as dit et, en même temps, je nettoie la table : je viens de tout effacer ton information et je t’ai menti pour ne pas te blesser. Un conseiller va voir un client potentiel et ce dernier nettoie la table en disant qu’il va le rappeler, c’est clair qu’il ne le rappellera pas. Souvent, lorsqu’une réunion est finie, une personne qui ramasse ses papiers, qui les frappe sur la table pour égaliser la pile et qui nettoie ensuite la table : elle vient d’effacer tous les petits mots qui sont tombés sur la table, ça veut dire qu’elle vous a tout donné l’information qu’elle avait. Si elle nettoie vers elle, ça veut dire que votre info était plus puissante que la sienne, que vous l’avez convaincue. OCTOBRE 2001 27 Le langage non verbal, c’est sérieux! • L’un des pionniers de l’étude scientifique du langage non verbal fut Charles Darwin. En 1872, il publiait un essai intitulé Expression of the Emotions in Man and Animals. Une des variantes de la pyramide. nez deviennent engorgés, causant une démangeaison. Cet épiphénomène porte un nom : l’effet Pinocchio. Effectivement, dit Guy Cabana, quand quelqu’un se prend le nez, c’est qu’il est en train de vous en passer une petite vite ou qu’il y a du flou dans l’information qu’il vous donne. «On appelle cela se sabler le nez pour ne pas qu’il allonge. Quand vous demandez à un client s’il est d’accord avec la transaction que vous vous apprêtez à faire et qu’il se touche le nez en vous répondant affirmativement, mieux vaut l’inviter à s’exprimer en toute franchise ou lui poser davantage de questions», conseille-t-il. Intro ou extra? Au dire de Guy Cabana, la meilleure matière pour étudier le langage non verbal, c’est soi-même. Pas étonnant qu’il débute ses conférences en faisant remplir un questionnaire aux participants afin de déterminer les introvertis et les extravertis. «C’est important, car, selon le groupe dans lequel on se situe, on analyse la gestuelle différemment. Un extraverti va généralement décortiquer un geste pour combler ses besoins, l’autre va les interpréter pour outrepasser ses peurs», note-t-il. Les deux clés de la communication efficace sont donc de savoir s’adapter à la personnalité de son interlocuteur et de se pratiquer à décoder sa gestuelle. Une bonne façon de reconnaître un extraverti au premier contact est la célérité avec laquelle il tend sa main. L’introverti sera par contre toujours le dernier à tendre la sienne. En règle générale, les introvertis n’aiment pas qu’on envahisse leur bulle, ils détestent donc se faire toucher continuellement. «L’extraverti déteste les détails, il aime la quantité d’information. Au contraire, l’introverti parle peu, mais est très structuré. Il pose plus de questions et ramène souvent son vis-à-vis au point de départ : “Tout à l’heure, vous avez mentionné que…” Dans ce cas-là, dites-vous que tout ce que vous avez dit avant, il ne l’a pas compris», avise Guy Cabana. Désarçonnant! Bien comprendre les messages qu’envoient vos clients requiert donc une vue aiguisée et un • Le sujet a été examiné au sein de disciplines aussi diverses que la danse, l’ethnologie, la communication, l’anthropologie et la mimologie. Même la réputée école de Palo Alto s’y est intéressée. • Desmond Morris est reconnu comme un des plus grands spécialistes de la question et s’est grandement inspiré de nos ancêtres les primates pour ses travaux. Il a publié en 1967 The Naked Ape. savoir approprié? «La meilleure façon d’apprendre à déceler les gestes significatifs est de commencer avec un seul geste qu’on repérera d’abord chez soi, puis chez les autres. Ensuite, on y va graduellement. Parce que si on essaie de tout lire tout de suite, on fera une indigestion gestuelle!» recommande le consultant. En fin de conférence, Guy Cabana se traite lui-même de menteur pour mieux convaincre ses auditeurs. «Ne croyez rien de ce que je dis, allez vérifier par vous-mêmes.» Guylaine Morin, professionnelle au gouvernement du Québec, l’a pris au mot suite à une formation de deux jours que le conférencier est allé donner à son bureau. «Maintenant, je m’observe davantage! Et ces notions sont très utiles dans mon travail, notamment lors des réunions. Je comprends mieux la dynamique du groupe, et la formation de M. Cabana a grandement élargi mon champ de perception», confie-t-elle. Une fois les rouages du langage non verbal maîtrisés, est-on tenté de censurer certains de ses gestes? «Il n’y a pas nécessairement de gestes à ne pas faire, parce que, de toute façon, c’est très difficile à contrôler. L’important, c’est de respecter l’autre et ne jamais utiliser la lecture du non-verbal pour manipuler», répond Guy Cabana, pour qui l’examen subtil d’autrui est devenu une seconde nature. Guy Cabana prononcera une conférence au Forum des conseillers, qui se tiendra les 11 et 12 décembre au Palais des Congrès de Montréal. Pour en savoir plus : www.advisorforum.ca. OCTOBRE 2001 29