siyotanka - Alain Daumont

Transcription

siyotanka - Alain Daumont
SIYOTANKA
(le bois qui chante)
DU MÊME AUTEUR
NOUVELLES
ON N’ARRÊTE PAS LES NUAGES
Fondation littéraire Fleur de Lys, 2004 ; &DM, 2007
DERRIÈRE LE MASQUE
Fondation littéraire Fleur de Lys, 2006 ; &DM, 2007
STATION ENFER
&DM, 2008
ASUBAKATCHIN (attrapeur de rêves)
&DM, 2009
L’ÉPÉE ET LA SOIE
&DM, 2012
ÉCLATS DE VIE
&DM, 2013
OMBRES SUR LA SÉRÉNISSIME
&DM, 2014
CONTES
PELUCHES
&DM, 2007
PAIN D’ÉPICE
Fondation littéraire Fleur de Lys, 2005 ; &DM, 2007
SUCRE D’ORGE
Fondation littéraire Fleur de Lys, 2005 ; &DM, 2007
CONTES DE L’INTEMPOREL
&DM, 2009
NOSTALGIE
&DM, 2010
ART
PEINTURES
&DM, 2008
ET LA LUMIERE CRÉA LE TEMPS
&DM, 2010
LE BOIS ET LA ROSÉE
&DM, 2011
DARWIN A OUBLIÉ
&DM, 2011
LE SYNDROME DU PETIT POUCET
&DM, 2011
TZIGANES, 1960
&DM, 2012
ALAIN DAUMONT
Textes et illustrations
SIYOTANKA
(le bois qui chante)
&DM
Siyotanka
(le bois qui chante)
La légende sioux raconte qu’un garçon s’était perdu dans la forêt. Couché sous un cèdre
rouge, il observait un pic-vert en train de percer des trous dans une branche creuse. Le vent
produisait un son si mélodieux en s’y engouffrant que l’enfant voulut reproduire ce prodige,
alors il grimpa dans l’arbre, cassa la branche et la rapporta dans son village. C’est la
raison pour laquelle un oiseau est sculpté sur toutes les flûtes amérindiennes.
© Alain Daumont, 2015
www.alaindaumont.com
[email protected]
Première édition
Déposé CopyrightFrance.com
ISBN 978-2-9171-0535-1
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous les pays.
L ’histoire et la tragédie des Amérindiens me hantent depuis de
nombreuses années ; la tentation était forte de retracer les guerres
indiennes et le plus grand génocide que l ’Amérique du Nord ait
engendré, mais l ’évocation de conflits me déplaisait ; alors, à
travers des portraits et des objets, du quotidien ou rituels, j ’ai choisi
d ’essayer de faire rêver…
C ’est une prédiction amérindienne qui m ’a inspiré cette courte
nouvelle :
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SIYOTANKA
Comme un vent tenace
À l ’emplacement même où s ’étaient livrées de mémorables
batailles, à l ’époque des guerres indiennes, des statues de grands
chefs, dressées selon leur rang, parsemaient une immense plaine
battue par les vents. L ’ironie du sort avait voulu qu ’un parc
d ’attractions s ’y installe et que, moyennant quelques dollars, les
promeneurs puissent se faire photographier à côté de l ’effigie de ces
valeureux dignitaires. Le sang répandu avait imprégné le sol et les
roches d ’une couleur si embarrassante, presque uniforme, qu ’il était
impossible à des esprits lucides sujets au vagabondage de séjourner
en ce théâtre de l ’absurde. Ensuite, le site, convoité depuis longtemps
et finalement investi par les promoteurs, fut rasé et remplacé par un
complexe immobilier. Les appartements se vendirent difficilement, les
boutiques vivotaient ; quelques années après, aucun commerce
n ’avait échappé à la faillite et les infortunés propriétaires durent
céder pour le dollar symbolique leur rêve folklorique. Par la suite,
les murs se lézardèrent et les bâtiments finirent par s ’effondrer.
L ’endroit devint rapidement un territoire fantôme où seules rodaient
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SIYOTANKA
quelques bêtes en mal de tranquillité. Le temps s ’était figé sur une
terre de désolation.
La prophétie s ’accomplissait. Les monstres de fer avaient détruit le
sacré, ils avaient tout anéanti sur leur passage. Mais ceux dont
l ’âme était restée pure entendaient encore les chants, les
martèlements sourds des tambours, les bruits feutrés des pas, les
lamentations accrochées à la mémoire vivante ; ils pouvaient
toujours observer les visages cuivrés ornés de plumes d ’aigle, les
mains qui s ’élancent vers le ciel… Wakan Tanka avait repris
possession des lieux.
Si votre route vous mène par ces contrées un jour, alors, peut-être,
vous aussi pourrez-vous entrevoir les statues plus présentes que
jamais.
À lire en écoutant Floyd Red Crow Westerman (Sioux du Dakota du
Sud), Joanne Shenandoah (Oneida), Robert Mirabal (Pueblo), Bill
Miller (Mohican), Joseph Fire Crow (Cheyenne), Kevin Dust (Crow),
R. Carlos Nakai (Navajo-Ute)… Et tant d ’autres !
Moi, homme médecine, j ’ai vu des fourmis géantes armées de fusils,
par centaines, longer la Yellowstone river. Funeste augure !
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SIYOTANKA
Ô mère la terre !
Pourquoi nous laisses-tu nous engloutir sans agir ?
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SIYOTANKA
Ils nous repoussaient vers le nord, vers le froid…
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SIYOTANKA
Je suis heureuse d ’être vieille. En quoi cela devrait-il m ’accabler ?
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SIYOTANKA
S ’ils sont encore là, les enfants de nos enfants témoigneront.
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SIYOTANKA
Nous cheminions d ’est en ouest et du nord jusqu ’au sud.
Comme si cette terre nous appartenait encore…
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SIYOTANKA
La neige est revenue. Autrefois, on se réjouissait…
mais, peut-on vraiment se réjouir d ’un linceul ?
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