Sur l`Analyse indéterminée du troisième degré.— Demon
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Sur l`Analyse indéterminée du troisième degré.— Demon
S u r l ’ A n a l y s e i n d é t e rm i n é e d u t r o i s i èm e d e g r é . — D em o n s t r a t i o n d e p l u s i e u r s t h é o r èm e s d e M . S y l v e s t e r . P AR E D O U A R D L U C AS . SECTION 1. L' A R I T H M E T I Q U E D E D I O P H A N TE renfer me le premier exemple connu d’Anal yse indéter minée du troisème degré ; l 'i mmortel auteur y pose, en ef fet, le problème de trouver deux nombres entiers ou fractionnaires, dont la somme ou la différence de leurs cubes soit égale à la somme ou à la différence des cubes de deux nombres donnés . FERM AT a indiqué, le premier, un procédé qui per met de déduire, d'une solution initiale, une série indéfinie de solutions nouvelles. Pour résoudre en nombres entiers ou fractionnaires, l 'équation x3 + y3 = a3 + b3 , dans laquelle a et b sont donnés , il suffit de poser x = a + zu, y = b + u , et de disposer de z , de manière à faire disparaître, après la substitution, la première puissance de u. On trouve alors une relation de la for me Au 3 + Bu 2 = 0 , qui per met de déter miner u par une équation du premier degré ; F E R M A T calcule ainsi x et y, et fait servir ces valeurs à la recherche de nouvelles solutions, en nombre indéfini. Nous remplacerons, dans ce qui suit, les inconnues rationnelles, par des inconnues entières. Désignons par (x, y, z) une première solution, en nombres, entiers, de l’équation x 3 + y 3 = Az 3 (1) nous obtiendrons une autre solution, par le procédé indiqué plus haut, au moyen des for mules (2) X = x(x 3 + 2y 3 ), Y = – y(y 3 + 2x 3 ), Z = z( x 3 – y 3 ). L U C A S , Sur l’Analyse indéterminée du troisi ème degré. 179 On trouve ainsi, successivement, pour A = 9, x1 = 2, y1 = 1, z1 = 1, x2 = 2 0 , x 3 = 1 8 8 4 7 9 , x 4 = 1 2 4 3 6 1 7 7 3 3 9 9 0 0 9 4 8 3 64 8 1 , y 2 = – 1 7 , y 3 = – 3 6 5 2 0 , y 4 = 4 8 7 2 6 7 1 71 7 1 4 3 5 2 3 3 65 6 0 , z2 = 7 ; z 3 = + 9 0 3 9 1 ; z 4 = 6 0 9 6 2 3 8 35 6 7 6 1 3 7 2 9 74 4 9 ; Et, pour A = 28, x1 = 3, y1 = 1, z1 = 1, x2 = 87, y2 = – 55, z2 = 26; x3 = 632 84705, y3 = 283 40511, z3 = 214 46828; x4 = 1 8 9 2 0 7 1 2 2 0 4 7 0 2 0 10 9 7 1 7 6 90 32 3 5 0 3 3 5 , y 4 = – 1 5 0 1 1 0 4 . 2 2 6 8 2 0 5 4 92 0 3 6 8 7 05 69 8 2 9 3 9 1 , z4 = 4 9 4 7 5 6 1 5 5 1 8 2 7 39 2 9 3 2 62 1 67 7 7 5 8 4 3 2 . On obser vera que ces solutions croissent t rès -rapidement, et contiennent à peu près quatre fois plus de chiffres, que la s olution précédente. On peut encore remplacer les formules (2) par les suivantes, qui n’en diffèrent que par la for me. Dési gnons par (x, y, z) des nombres entiers qui vérifient l ' équation x 3 + y 3 = Az 3 , nous obtiendrons des nombres entiers (X, Y, Z), tels que l’on ait X 3 + Y 3 x3 + y3 = = A, Z3 z3 X Y Z par les for mules + + =0 , Xx 2 + Yy 2 = AZz 2 . x y z SECTION 2. L A G R A N GE E T C A U C H Y ont étendu la méthode que nous venons d’indiquer, à des équations du troi sième degré beaucoup plus générales. Soit l’équ ation (3) Ax 3 + By 3 + Cz 3 + 3Dxyz = 0 ; On déduit d' une première solution x, ( y, z), en nombres entiers, une autre solution (X, Y, Z) , par les for mules X = x( By 3 – Cz 3 ), (4) Y = y( Cz 3 – Ax 3 ), Z = z( Ax 3 – By 3 ), Ainsi l’équation x 3 + 2y 3 + 3z 3 = 6xyz, qui a pour solution i mmédiate x0 = y0 = z0 = 1 donne ensuite les solutions x 1 = 1, x 2 = 19, x 3 = 2 82473, . . . y 1 = – 2, y2 = 4, y 3 = – 86392, . . . z1 = 1 ; z 2 = – 17 ; z 3 = – 1 14427 ; . . . L U C A S , Sur l’Analyse indéterminée du troisi ème degré. 180 Nous obs er verons que les for mules (4) peuvent être remplacées par celles -ci (5) X Y Z + + = 0, x y z AXx 2 + BYy 2 + CZz 2 = 0 , et conduisent à l’ident ité Ax 3 (Ax 3 +2By 3 ) 3 +By 3 (By 3 +2Ax 3 ) 3 +27A 2 B 2 x 6 y 6 = [A 2 x 6 +7Abx 3 y 3 +B 2 y 6 ] 2 . Cette identité fournit ainsi une série indéfinie de solutions de l’équation i ndéter minée Au 3 + Bv 3 + A 2 B 2 w 3 = t 2 . On doit encore à C AU C H Y , l’indication suivante. 1 Si (x 0 , y 0 , z 0 ) et ( x 1 , y 1 , z 1 ) désignent deux sol utions distinctes de l’équation (3), on obtient une sol ution nouvelle au moyen des for mules X = By 0 y 1 (x 0 y 1 –x 1 y 0 ) + Cz 0 z 1 (x 0 z 1 –z 0 x 1 ) + D( x 02 y 1 z 1 – x12 y 0 z 0 ) , Y = Cz 0 z 1 (y 0 z 1 –y 1 z 0 ) + Ax 0 x 1 (y 0 x 1 –x 0 y 1 ) + D( y 02 z 1 x 1 – y12 z 0 x 0 ) , Z = Ax 0 x 1 (z 0 x 1 –z 1 x 0 ) + By 0 y 1 (z 0 y 1 –y 0 z 1 ) + D( z 02 x 1 y 1 – z12 x 0 y 0 ) , On peut remplacer ces for mules par celles -ci : (6) X 1 , Y1 , Z 1 , x0 , y 0 , z 0 , = 0 , x1 , y1 , z1 , A X x 0 x1 + B Y y 0 y1 + C Z z 0 z1 = 0 . Ainsi, par exemple, les solutions (x 0 , y 0 , z 0 ) et (x 2 , y 2 , z 2 ) de l’équation n umérique, que nous venons de considérer, donnent X = 143, Y = 113, Z = 71. SECTION 3. Les résultats précédents sont des cas particuliers de ceux que nous al lons indiquer. Soit l’équation du troisième degré (7) f (x, y, z) = 0 , d’une courbe en coordonnées rectilignes et homogènes ; désignons par m 1 un point dont les coordonnées (x 1 , y 1 , z 1 ) ont rationnelles, et qu' il est facile de rendre entières ; on a ainsi un première solution, en nombre entiers, de l’équation proposée. On obtient de nouvel les solutions, par l’un des trois procédés sui vants : 1 C AUCHY .– Sur la résolution de quelques équations indéterminées – en nombres entiers. – Exercices de Mathématiques, 1826, t. 1, pag. 256. L U C A S , Sur l’Analyse indéterminée du troisi ème degré. 181 1°. Si l’on mène la tangente à la cubique en m 1 , cette droite rencontre la courbe en un autre point m dont les coordonnées sont rationnelles ; par conséquent, d' une première solution de l’équation (7) on déduit, en général une autre solution, par les for mules f (x, y, z) = 0 , x df df df +y +z =0 . dx1 dy1 dz1 Cependant, lorsque la tangente est parallèl e à l ' une des as ympt otes de la cubique, ou lorsque la tangente est menée par un point d’inflexion, on n’obtient pas de soluti ons nouve lles. 2°. Si m 1 et m 2 , dési gnent deux points de l a cubique dont les coordonnées (x 1 , y 1 , z 1 ) et (x 2 , y 2 , z 2 ) sont entières, on obtient, en général, une nouvelle solution de l ' équation (7), en prenant l’intersection de la courbe avec la sécante m 1 m 2 ; on a donc à résoudre les deux équations f ( x1 , y1 , z1 ) = 0, x, x1 , x2 , y, z, y1 , z1 , = 0 , y2 , z 2 , en tenant compte des r elations f (x 1 , y 1 , z 1 ) = 0, f (x 2 , y 2 , z 2 ) = 0 3°. Lorsque l’on connait cinq solutions de l’équation (7), on obtient, en général, une sixième s olution, en prenant le point d’intersection avec la cu bi que, de la conique pas sant par les cinq points qui correspondent aux solutions données. D’ailleurs, on peut supposer plusi eurs de ces points réunis en un seul, et en particulier tous les cinq réunis en un seul, à la condition d’établir entre les deux courbes le contact correspondant. Nous obser verons que les méthodes de F E R M A T , L A G R A N G E , et C A U C H Y reviennent aux deux premiers procédés. SECTION 4. Nous considérerons , plus particulièrement, dans ce qui suit l ' équation (1). E U L E R et L E GE N D R E ont démontré que l’équati on x 3 + y 3 = Az 3 , est impossible, lorsque A est égal à 1, 2, 3, 4 on 5 ; mais L E G E N D R E s’est trompé, pour le cas de A = 6, ainsi que nous montrerons plus loin. M. S Y LV E S TE R est venu aj outer une importante contribution à la théorie de cette équation, en donnant un certain nombre de formes générales de A pour les quelles, l’équation (1) est i mpossible. Les divers théorèmes indiqués par M. S Y LV E S TE R sont enfer més dans l’énoncé su i vant : L U C A S , Sur l’Analyse indéterminée du troisi ème degré. 182 Si p et q désignent des nombres premiers des formes respectives 18n + 5 et 18n + 11, il est i mpossible de décomposer en deux cubes , soit entiers, soit fractionnaires, aucun des nombres A suivants : p, 2p, 4p 2 ; q 2 , 2q 2 , 4q . P R E M I E R C A S . – En ef fet, soit d’abord à résoudre l ' équation indét er minée (1) x 3 + y 3 = Az 3 , dans 1aquelle A désigne un nombre premi er p de Ia for me 18n + 5, ou le carré q 2 d’un nombre premier de la for me 18 n + 11 ; nous pouvons supposer les entiers x, y, z, premiers entre eux. Mais le cube d' un nombre entier divisé par 9 donne pour res te 0, ou + 1 ou – 1 ; donc, pour que l’équat ion (1) soit possible, il faut que z 2 soit divisible par 9 ; par suite z = 3z 1 , et z 1 est entier. Cela posé, nous ferons deux hypothèses, selon que z est impair ou pair. 1°. Supposons z i mpai r. Alors x – y et x + y sont i mpairs ; on a x 3 + y 3 = (x + y)(x 2 – xy – y 2 ) = (x + y) M , et 4M = (x + y) 2 + 3(x – y) 2 ; par conséquent, puisque x +y est divisible par 3, M est aussi divisible par 3, mais non par une puissance supérieure ; par conséquent, en désignant par a et b des nombres i mpairs, premiers entre eux, on doit poser x + y = 3 2 Aa 3 , z 1 = ab , M = 3b 3 , et, par suite x+ y 4b = ( x − y ) + 3 3 3 2 2 D’ailleurs, b, di viseur de M, doit être de l a for me f premiers entre eux ; on a ainsi b = f 2 +3g 2 , b 2 =F 2 + 3G 2 , 2 + 3 2 g , f et g étant 4b 3 = (F – 3G) 2 + 3(F + G) 2 ; et en identifiant les deux expressions de 4b 3 , x+ y = 3 Aa 3 . 3 F +G= f + g − 3 donne Mais le développement du cube de F = f ( f 2 2 – 9g ) , G = 3g( f 2 – g2) ; par suite f ( f 2 – 9g 2 ) + 3g ( f 2 – g 2 ) = 3Aa 3 ; donc f serait divisible par 3, par suite b, et aussi x et y, que nous supposés premiers entre eux. Par conséquent, z ne petit être i mpair. L U C A S , Sur l’Analyse indéterminée du troisi ème degré. 183 2°. Supposons z pair ; en aurait 2 2 x+ y x− y M = + 3 , 2 2 et, puique x et y sont i mpairs, il en est de même de M. On doit donc poser z 1 = 2ab , x + y = 3 2 .2 3 .Aa 3 , M =3b 3 , et, par suite 2 2 x− y x+ y 3 + 3 =b . 2 6 soient encore b = f 2 + 3g 2 , b 3 = F 2 + 3G 2 ; on en déduira x+ y , ou g( f 2 – g 2 ) = 4Aa 3 . 6 D’ailleurs f 2 + 3g 2 et f 2 + 3g 2 – 4g 2 = f 2 – g 2 sont i mpairs ; donc g est pair, et en désignant par !"#$%&'()"*+",*dont le produit égale a, on doit poser g = 4 .0/ 3 , f + g = 3 , f – g = 3 ; ou g = 4/ 3, f + g = . 3, f – g = 3 ; On déduit de ces deux décompositions G= 3 – 3 = A 132 4 3 , 3 5 31 2 4 3 = . 3 ; ces deux équations sont semblables à l’equation (1) ; on ramène donc l’équation proposée, dans laquelle l’une des inc onnues contient le facteur 3 6 , à une autre semblable, dans laquelle l' une des incon nues ne contient plus que le facteur 3 6 – 1 ; en continuant de même, on ramènera l’équation pr oposée à une autre de la même for me dans laquelle une des inconnues ne pas divisible par 3. Donc l’équation proposée est i mpossi ble lorsque A est égal à un nombre premier p = 18n + 5 ; ou au carré q 2 d’un nombre premier q = 18n+11. S E C O N D C AS . Considér ons maintenant l’équation x 3 + y 3 = 2 n Aa 3 , dans laquelle A étant i mpair, le coefficient 2 n A représente l ' un des qua tre nombres 2p, 2q 2 , 4p 2 , 4q. Nous supposerons x, y, z entiers et premiers entre eux ; x et y étant impairs. De plus, nous ferons deux hypothèses suivant que z est ou n’est pas di vi sible par 3. 1°. Supposons z non divisible par 3. On arr ive facilement à l’équation f (f mais f ou bien 2 2 – 9g 2 ) = 2 n – 1 Aa 3 ; – 9g 2 est i mpair, en même temps que b = f 2 + 3g 2 et l’on a f = 2 n – 1 .0/ 3 , f + 3g = 3 , f – 3g 7 3 ; L U C A S , Sur l’Analyse indéterminée du troisi ème degré. f = 2 n – 1 3 , f + 3g = 3 , f – 3g Ces deux décomposition conduisent aux deux équations 3 184 ; = 2 , ou = 2 ; celles -ci sont i mpossi bles suivant lemodule q, puisque, pour la première, les "! # $ & ( % * ' ) indéterminées 3 3 3 n 3 3 n 3 2°. Supposons z divisi ble par 3. En posant z = 3ab, on arrive, comme plus haut à l’équation g (f et, puisque f 2 2 –g 2 ) = 2 n – 1 Aa 3 , – g 2 es t i mpair, à l ' une des décompositions 3 g = 2n–1 3, f + g = 3, f – g ; + f – g ou bien 3 3 g = 2n–1 3, f + g = , . La seconde décomposi tion conduit à une équations déj à reconnue impossible ; la première conduit à l' équation 3 – 3 = 2n 3 . Celle-ci est de même for me que la proposée ; mais l ' indéter minée du second membre contiendra un facteur 3 en moins. On conclura, comme précédemment, que l ' équation proposée est i mpossible à résou dre en nombres entiers. SECTION 5. Les six valeurs génér ales de A données par M. S Y LV E S TE R sont, j usqu’à présent, les seules valeurs connues qui rendent insoluble l’équation donnée en aj outant toutefois les valeurs A = 1, 2, 3, 4, 18, 36, données par F E R M A T , E U LE R et L E G E N D R E . On a encore le théorème sui vant : Pour que l’équation X 3 + Y 3 = AZ 3 , soit vérifiée par des valeurs entières de X, Y, Z, A, il faut et suffit que A appartienne à la forme xy(x + y) préalablement débaras sée des facteurs cubiques qu' elle peut contenir. En effet, on a l ' identité [x 3 – y 3 + 6x 2 y + 3xy 2 ] 3 + [y 3 – x 3 + 6y 2 x +3yx 2 ] 3 = xy(x +y).3 3 [x 2 + xy + y 2 ] 3 , et l’on résout l’équation proposée, par les valeurs L U C A S , Sur l’Analyse indéterminée du troisi ème degré . X Y Z A = = = = 185 x 3 – y 3 + 6x 2 y + 3xy 2 , y 3 – x 3 + 6y 2 x + 3yx 2 , 3(x 2 + xy +y 2 ), xy(x + y). Réciproquement, si l’équation est vérifiée pour les valeurs riables, et si l’on pose x = x 03 , x 0 , y 0 , z 0 des va- y = y 03 , on a xy(x + y) = A(x 0 y 0 z 0 ) 3 . C’est ce qu’il fallait démon trer. Il résulte encore de l’identité précédente que toute solution de l’équation proposée conduit à une série indéfi nie d’autres solutions, en posant A constant. Il faut excepter le cas de x = ± y . E X E M P LE : Pour x = 1, y = 2, on a la s olution 17 3 + 37 3 = 6.21 3 ; de laquelle on déduit une série indéfinie d’autres solutions. Ainsi l’équ ation x 3 + y 3 = 6z 3 , est résoluble en nombres entiers, et d’une infinité de manières, bien que L E G E N D R E ait affirmé le contraire. P ARIS , Mai, 1879.