solvay : l`interview
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solvay : l`interview
42 WERNER CAUTREELS LA NOUVELLE STRATÉGIE DE SOLVAY Le patron de Solvay explique que la plate-forme R&D du groupe a été redéfinie autour de deux domaines thérapeutiques clés : le cardiométabolique et les neuroscience. En dépit de l’apport du blockbuster de Fournier (TriCor®/Lipanthyl®), Werner Cautreels préfère désormais jouer la carte des partenariats pour développer certains produits. Mais il déplore que l’environnement actuel (pression sur les prix, longueur de l’approbation des dossiers, complications administratives pour les remboursements) ne permette pas à la France de déployer tout son potentiel. —————— DOSSIER : CHRISTINE COLMONT Dans quels domaines thérapeutiques votre portefeuille est-il plus particulièrement orienté ? Et quels sont les prochains produits que vous comptez lancer ? > A la suite de l’acquisition du laboratoire Fournier, en juillet 2005, nous avons redéfini les axes prioritaires de notre plate-forme R&D. Et choisi deux domaines thérapeutiques clés : le cardiométabolique et les neurosciences. Parallèlement, nous avons retenu deux autres domaines, moins prioritaires, mais dans lesquels nous poursuivons notre recherche : les vaccins contre la grippe et les enzymes pancréatiques. En marge, nous avons conservé la gynécologie-andrologie et la gastroentérologie, que nous développons sans pour autant investir en recherche. Aujourd’hui, notre portefeuille contient une trentaine de molécules à divers stades de développement. Parmi les produits les plus avancés, plusieurs sont basés sur le fénofibrate (la molécule phare de Fournier) à l’image du Synordia®, dont le dossier a dû être retiré pour nous donner le temps de répondre à des questions supplémentaires, du Zolip®, qui est une combinaison de fénofibrate PHARMACEUTIQUES _ FÉVRIER 2007 SOLVAY 43 et de statine, ou encore du TriCor®, développé en partenariat avec l’américain Abbott. Le lancement de ces molécules s’étalera d’ici à 2010. Nous comptons également bientôt déposer le dossier d’un antiarythmique. Sans compter plusieurs produits en phase II. En neuroscience, le Duodopa® (levodopa/carbidopa), indiqué dans le traitement de la maladie de Parkinson avancée, a obtenu une AMM auprès de l’EMEA et s’apprête à être commercialisé. Par ailleurs, nous nourrissons beaucoup d’espoirs sur la molécule antipsychotique bifeprunox, dont le dossier est actuellement examiné par la FDA, aux Etats-Unis. En Europe, nous avons initié des travaux d’essais cliniques comparatifs de phase III supplémentaires afin de satisfaire aux attentes de l’UE. Le dossier d’enregistrement sera soumis en 2008. Enfin, notre portefeuille recèle le SLV 308 entré en phase III. Le montant consacré à la R&D a-t-il fortement augmenté en 2006 et quel est votre objectif pour 2007 ? > Nous consacrons entre 16 et 17 % des revenus de la division pharmaceutique à la R&D. Et ce, depuis plusieurs années déjà. En 2006, notre budget devrait avoisiner 450 Un budget de millions d’euros et en 2007, il sera compris entre 450 et 500 millions 500 millions d’euros. S’agisd’euros pour sant de l’organisation de 2007 notre R&D, nous avons retenu trois pôles où nous réalisons de la recherche fondamentale, de la synthèse chimique, de la pharmacologie et des tests de toxicologie. Ils sont à peu près d’importance égale : Dijon, Weesp (à côté d’Amsterdam) et Hanovre en Allemagne. Et nous nous appuyons aussi sur des collaborations académiques pour inventer nos nouvelles molécules. En parallèle, nos équipes de développement technique et clinique travaillent non seulement dans ces trois pôles de recherche, mais également sur deux autres sites : l’un à Atlanta aux Etats-Unis et l’autre au Japon. Ces derniers étant toutefois de taille plus modeste. Il s’agit en effet de développer nos produits à l’échelle planétaire. L’organisation de notre R&D s’articule par projets. La pharmacie est multidisciplinaire et il nous paraît extrêmement important de mettre en commun les compétences dès le début de la recherche. Nos équipes s’attachent donc à démontrer la preuve du concept, en travaillant de la naissance d’un produit jusqu’à son entrée en phase II. Une fois le concept prouvé, c’est au tour des équipes de développement internationales de travailler sur les phases II b et III qui les conduiront, dans le meilleur des cas, à l’enregistrement. © DR Un seul de vos produits est un blockbuster. Est-ce un atout ou un inconvénient ? > Nous avons trouvé dans la corbeille de Fournier un blockbuster. Et le fénofibrate commercialisé sous le nom de TriCor® aux Etats-Unis, et principalement Lipanthyl® dans le reste du monde, représente une locomotive pour notre division cardiovasculaire et métabolique. Il est évident que pour une société de notre taille, détenir un blockbuster dans son portefeuille est un atout majeur même si ce n’est pas dénué de risques (menaces de génériques, de produits concurrents). Il est tout aussi important de détenir plusieurs produits dont les chiffres d’affaires atteignent tout de même plus de 250 millions d’euros. Ces molécules en développement ne deviendront peut-être pas toutes des médicaments vedettes mais elles peuvent contribuer à nos ventes de manière significative. Ainsi, notre portefeuille est mieux équilibré, ce qui nous permet de minimiser les risques. Avec une taille assez modeste, comment pouvez-vous résister face aux grands mastodontes de la pharmacie ? > Tout dépend de la qualité innovante des produits. Une société de taille moyenne peut rester compétitive si ses produits ont une valeur ajoutée médicale. Un budget de 4 44 FÉVRIER 2007 _ PHARMACEUTIQUES SOLVAY © DR 45 444 recherche de l’ordre de 500 millions, que tendus, qui nous donnent des opportunités nous aurons sans doute en 2007 voire en pour conclure des partenariats. Par exemple, 2008, reste bien inférieur à ceux des grands nous développons avec BMS un produit Renforcer les du secteur (entre 3 et 5 milliards de dolcontre l’obésité, qui est actuellement en partenariats lars). Nous n’oublions pas que mettre un phase II b et pourrait être lancé en 2010. produit sur le marché peut coûter 1 milQuels sont les accords noués avec des liard d’euros d’investissement. Notre budsociétés de biotechnologie ? get modeste ne nous facilite donc pas la > Nous avons une dizaine de collaborations à notre actif. tâche. Ainsi, pour développer certains produits, nous C’est un aspect important de notre stratégie. Nous ne disavons opté pour les partenariats. Nous comptons aujourposons pas des moyens suffisants pour tout développer, d’hui autour de nous un grand nombre de partenaires. au sein même du groupe. Plutôt que d’essayer de Certaines de ses alliances portent sur le co-développeconstruire à l’intérieur toutes les compétences et des ment et la co-commercialisation. J’ai déjà mentionné Abtechnologies, nous les cherchons à l’extérieur et nouons bott aux Etats-Unis pour le fénofibrate. Nous travaillons des contrats avec des sociétés ou des équipes acadéégalement conjointement avec Wyeth et H.Lundbeck A/S miques d’ailleurs. De cette collaboration naissent parsur le bifeprunox (en phase III) pour la schizophrénie. fois des molécules. Nous nous sommes également alliés à BMS pour le SLV319 en phase II, dans le domaine cardiovasculaire. Et Quelles sont vos ambitions dans les vaccins contre la au Japon, où nous avons noué une alliance avec trois grippe ? Pouvez-vous faire le point sur vos ventes ? sociétés, dont Astellas, pour commercialiser notre anti> C’est une belle histoire qui date de plus de cinquante dépresseur Luvox® (fluvoxamine), tandis que nous coans. Et c’est notre centre de Weesp, à côté d’Amsterdam, développons plusieurs molécules en partenariat avec qui fabrique ce vaccin à partir de la technologie tradid’autres sociétés. Les efforts de tous ces partenaires rentionnelle basée sur des œufs. Depuis deux ans, les ventes forcent notre capacité de recherche. Pour des molécules dans cette division ont progressé et sa productivité augbien identifiées, cette politique nous permet non seulemente d’année en année. Cela fait déjà quatre ans que la ment d’augmenter le budget alloué, mais aussi nos société a pris la décision de conserver cette activité, bien chances de succès. D’ailleurs, nous avons mis en place un avant la menace d’une pandémie. Et elle a décidé de système de recherche par cible biologique, dont les apchanger de technologie en développant la production par plications peuvent concerner plusieurs domaines théraculture cellulaire, et en construisant une usine dédiée, qui peutiques. Nous choisissons ces cibles biologiques en commencera à produire courant 2007-2008. Solvay est fonction des domaines thérapeutiques que nous avons ainsi devenu l’un des pionniers dans ce domaine. Tous ces sélectionnés. Mais, une cible biologique peut avoir des approjets ont rencontré un bon accueil aux Etats-Unis et plications multiples, aussi bien en cardiovasculaire qu’en nous avons bénéficié d’une subvention de quelque 295 neuroscience. Ce qui permet à notre recherche d’être très millions de dollars, en mai dernier, pour effectuer un efficace. En fait, la recherche réserve parfois des bonnes transfert de technologie outre-Atlantique. Le tout, dans 4 surprises. Certaines cibles biologiques ont des effets inat44 FÉVRIER 2007 _ PHARMACEUTIQUES SOLVAY 47 © DR par Solvay. Et nous avons également investi entre 50 et 75 millions d’euros dans la construction d’une nouvelle usine à Châtillon sur Chalaronne, près de Mâcon, pour y produire toutes les formes sèches de nos médicaments (comprimés notamment). Malheureusement, je dois dire que l’environnement actuel (pression sur les prix, longueur de l’approbation des dossiers, complications administratives pour les remboursements) ne permet pas à la France de déployer tout son potentiel. Surtout celui des produits nouveaux innovants qui soignent des maladies graves. C’est dommage. Le patient reste souvent sacrifié sur l’autel des considérations budgétaires. 444 le but de réaliser un développement pré-clinique et clinique. Et ensuite, pour construire une usine. Quels sont les résultats, la rentabilité et les perspectives financières du pôle pharmacie ? > Pour 2006, nous ciblons une marge d’exploitation comprise entre 16 et 17 %. Après l’acquisition de Fournier, nous avons redéfini notre stratégie pour bâtir le futur sur trois piliers : la redéfinition des priorités des domaines thérapeutiques, atteindre à l’horizon 2010 une marge opérationnelle avant amortissement de 20 % avec une croissance des ventes supérieure à 7 % (la moyenne de l’industrie pharmaceutique) et enfin construire une organisation intégrée sur le plan mondial et économiser environ 300 millions d’euros par an d’ici à quatre ans. Vous avez annoncé cet automne la suppression d’une trentaine de postes dans la R&D et l’administration chez Fournier. Les restructurations sont-elles aujourd’hui achevées ? Nous avons > L’intégration et la transformation de la division pharredéfini notre maceutique ont été bâties en stratégie plusieurs phases. La première a concerné les équipes commerciales sur le plan mondial. Dans ce cadre, nous avons supprimé 330 postes dans les équipes commerciales et de support central, tant chez Fournier que chez Solvay. Comme nous le faisons toujours chez Solvay, nous avons dialogué avec les partenaires sociaux et trouvé des solutions. Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressés aux équipes de recherche et développement, toujours sur le plan global. Nous voulions les maintenir dans nos trois centres (en France, aux Pays Bas et en Allemagne) car construire des équipes de recherche efficaces prend de très longues années. Toutefois, l’intégration dans une organisation unique et globale s’est traduite par des changements. Et en France, par la suppression de 20 à 30 postes. Quelle est votre stratégie face aux politiques de réduction des dépenses de santé dans les grands pays industrialisés ? > Contrairement aux groupes américains, les laboratoires pharmaceutiques européens comme Solvay bénéficient d’une certaine expérience. Nous avons déjà vécu des pressions sur les prix, des déremboursements et mis en place des systèmes pour nous défendre. La meilleure défense, c’est l’innovation. Or, certaines de nos molécules à forte valeur ajoutée médicale, comme Duodopa® rencontrent des freins à leur enregistrement ou à leur remboursement, en France. Le double langage du gouvernement français ne nous satisfait pas. Il avait promis de faire un effort lorsque les produits étaient innovants. Nous attendons que cela soit suivi dans les faits. Sinon, l’industrie pharmaceutique et les patients vont encore en souffrir. ■ Quels sont les atouts du marché français ? > Sa grande tradition en faveur de la pharmacie et son réseau d’innovation, industriel et académique, qui attire les compétences. Les chercheurs y restent excellents. J’y ai moi-même travaillé plusieurs années. Nous avons ainsi réalisé des investissements importants dans l’Hexagone. L’acquisition de Fournier, en juillet 2005, pour 1,3 milliards d’euros était l’opération la plus importante réalisée FÉVRIER 2007 _ PHARMACEUTIQUES