Activité sexuelle et usage du préservatif à Lusaka, en Zambie

Transcription

Activité sexuelle et usage du préservatif à Lusaka, en Zambie
Activité sexuelle et usage du préservatif
à Lusaka, en Zambie
Par Sohail Agha
Contexte: La commercialisation sociale du préservatif compte au nombre des stratégies de prévention du sida tentées à Lusaka, en Zambie, pays où les femmes sont généralement de niveau
socio-économique faible et où la prévalence des maladies à transmission sexuelle est élevée.
Méthodes: Une enquête sur les comportements sexuels et l’utilisation du préservatif menée à
Lusaka en 1996 a recueilli des données sur l’activité sexuelle, à Lusaka, de 806 répondants;
une analyse de régression multiple a été effectuée pour identifier les facteurs laissant prédire
l’emploi du préservatif par les hommes et par les femmes.
Résultats: La plupart des répondants ont indiqué avoir eu leurs derniers rapports sexuels avec
leur conjoint légitime (62% des femmes et 43% des hommes) ou avec un partenaire régulier
(20% des femmes et 23% des hommes); près du quart des hommes (24%) ont toutefois indiqué avoir eu leurs derniers rapports avec une partenaire de passage. Au total, 17% des femmes
et 24% des hommes avaient utilisé un préservatif lors de leurs derniers rapports. Une analyse
de régression logistique à plusieurs variables a révélé que les femmes dont les derniers rapports avaient eu lieu avec un partenaire régulier ou de passage, plutôt qu’avec le conjoint légitime, étaient nettement plus susceptibles d’avoir eu recours au préservatif (rapports de probabilité de 2,8 et 3,1, respectivement). Il en allait de même pour les femmes qui se souvenaient
avoir entendu une annonce publicitaire de commercialisation sociale du préservatif (2,8). Chez
les hommes, le recours au préservatif était important parmi ceux âgés de moins de 30 ans (rapports de probabilité de 3,3 à 3,8), scolarisés au-delà du niveau secondaire (2,2) ou bénéficiant
d’un accès à la méthode (1,9).
Conclusion: Pour des raisons d’inégalité sexuelle, les programmes adressés aux hommes sont
plus susceptibles de réussir à encourager le recours au préservatif que ceux destinés à développer les aptitudes de la femme à en négocier l’usage.
Perspectives Internationales sur le Planning Familial, numéro spécial de 1998, pp. 21–26 & 29
L
a propagation du virus du sida
(VIH) a été rapide en Zambie, pays
comptant environ 9,2 millions d’habitants. Selon les estimations, entre 40.000
et 50.000 personnes seraient mortes de
causes liées au sida en 1993 et l’on prévoyait que ce chiffre aurait doublé dès
1997.1 Combinée aux inquiétudes suscitées
par l’explosion démographique, l’épidémie du sida a donné lieu à une évolution
nette des politiques démographiques et
de la santé en Zambie. L’atmosphère politique sociale et publique s’en est radicalement transformée depuis les années 60
et 70, où les efforts de promotion de la
contraception en Zambie avaient été accueillis par une sérieuse opposition.2
Depuis 1986, la Zambie tente de sensibiliser sa population à la réalité du sida par
de nombreuses et diverses approches. Les
efforts déployés ont inclus la création, en
1988, du National AIDS Prevention and
Control Program (programme national de
prévention et de contrôle du sida) et le lancement de nombreux projets de sensibilisation du public à la menace posée par la
maladie.3 En 1989, le gouvernement prenait
Numéro Spécial de 1998
une position ferme en faveur de la contraception. En 1992, l’organisme Population
Services International, en collaboration
avec la Pharmaceutical Society of Zambia,
entreprenait une campagne de commercialisation sociale du préservatif. Le projet
introduisait sur le marché une boîte de
quatre préservatifs sous la marque «Maximum». Ces efforts bénéficiaient des subventions de l’organisme américain USAID
et du gouvernement japonais, dans le cadre
de leur programme d’assistance au ministère zambien de la Santé publique. Le projet met depuis lors l’accent, principalement,
sur la vaste distribution de préservatifs peu
coûteux et sur la promotion de leur usage
à travers des campagnes de publicité dans
les médias et de bouche à oreille.
Les efforts nationaux de sensibilisation
ont éveillé la conscience du public aux
risques du sida. Ainsi, selon les enquêtes,
la connaissance du syndrome était répandue en Zambie dès le début des années
1990.4 Certains signes d’évolution des attitudes sont également apparents. Après
un débat public suscité par les campagnes
d’encouragement de comportements pré-
ventifs, les organisations religieuses ont
cessé leur critique de la promotion du préservatif.5 Conséquence de l’épidémie du
sida, de nets changements, dans les comportements sexuels et les modes de vie, ont
été signalés dans les rapports médiatiques.6
La portée et la nature de ces changements demeurent cependant inconnues. Il
reste à déterminer, en particulier, la mesure
dans laquelle ils s’inscrivent dans le contexte du rôle des hommes par rapport à celui
des femmes. L’aptitude de ces dernières à
imposer l’usage du préservatif dans leurs
relations sexuelles représente en effet un
aspect d’importance capitale dans les programmes de prévention du sida.
Dans toute société, les rapports sexuels
interviennent dans le contexte des relations sociales, des facteurs de structure
(tels que la pauvreté, la condition des
femmes et le sous-développement économique) et des facteurs sociaux (tels que
le rapport de masculinité, la migration et
la disponibilité de services sociaux).7 Les
rapports de sexe et de puissance entre les
hommes et les femmes influencent les
comportements sexuels au sein des conditions structurelles et sociales générales.8
L’argument a été avancé que les femmes
économiquement vulnérables, ignorantes
de leur propre valeur, sont incapables de
négocier des pratiques sexuelles plus
saines impliquant, par exemple, l’usage
du préservatif.9 Là où les femmes risquent
de se voir condamnées ou de subir le mépris de leur partenaire si elles suggèrent
l’emploi du préservatif et où l’insistance
d’y recourir pourrait mener à l’instabilité ou à la dissolution des couples,10 il est
peu probable que les femmes puissent
exercer une influence directe sur l’usage
du préservatif par leur partenaire. En revanche, dans les milieux où les femmes ne
sont pas économiquement vulnérables et
où elles sont davantage en mesure de négocier des rapports sexuels plus sûrs, elles
peuvent exiger l’usage de la méthode. Des
Sohail Agha est responsable à la recherche auprès des Population Services International, à Washington, DC. Cet article repose sur les données de recherches rendues possibles par les subventions de l’Agence américaine pour le
développement international. L’auteur tient à remercier
Dominique Meekers et Guy Stallworthy pour leurs commentaires et suggestions, ainsi que Brad Lucas, Sanjay Chaganti et Chris Mukkuli pour leur assistance à la recherche.
21
Activité sexuelle et usage du préservatif en Zambie
études menées aux Etats-Unis révèlent
ainsi que les caractéristiques individuelles
telles que l’âge et le niveau d’éducation de
la femme exercent une influence directe
sur l’usage du préservatif.11
A Lusaka, les plus simples aménagements de la vie (le logement, par exemple)
sont traditionnellement assurés à la femme
par l’intermédiaire du mari ou du père seulement. Même en Zambie moderne, les
femmes actives qui assument seules la tête
de leur ménage n’ont aucun droit direct au
logement.12 La persistance de telles réglementations après l’indépendance du pays,
en 1964,13 laisse entendre combien l’iniquité
entre les sexes demeure fondamentalement
inchangée en Zambie.
Les femmes y bénéficient toujours, dans
le secteur régulier, d’opportunités d’emploi inférieures, et de loin, à celles offertes
aux hommes. Quinze pour cent seulement
des Zambiennes sont employées dans ce
secteur, par rapport à 85% des hommes.14
Le désavantage des femmes est particulièrement notable en milieu urbain. Par
rapport aux femmes des milieux ruraux
et aux hommes des milieux tant ruraux
qu’urbains, les citadines se caractérisent
par des taux de chômage plus élevés et de
moindres taux d’activité.15
Si l’organisation sociale fondamentale
de la Zambie urbaine n’a pas changé radicalement, l’épidémie du sida a, par
contre, métamorphosé les rapports entre
les hommes et les femmes. L’évaluation de
la mesure dans laquelle les comportements
sexuels et l’usage du préservatif ont évolué face à l’épidémie, à la lumière des questions de sexe sous-jacentes qui affectent ces
comportements, est essentielle au raffinement des stratégies à la base des efforts actuels et futurs de prévention du sida.
Sur la base des données d’une enquête
menée en 1996 à Lusaka sur les comportements sexuels et l’usage du préservatif
(1996 Lusaka Sexual Behavior and Condom
Use Survey), nous avons examiné les effets
de la conscience accrue du sida, de la plus
grande ouverture sociétale à l’usage du préservatif et de la large disponibilité du préservatif sur les comportements sexuels et
sur l’hygiène accrue des pratiques sexuelles
des Zambiens et des Zambiennes. L’enquête
avait été menée par l’organisme Population
Services International, dans le cadre d’une
évaluation intermédiaire des résultats du
Zambia Social Marketing Project (projet de
commercialisation sociale en Zambie).
Données et méthodes
Les données de l’enquête de 1996 ont été
recueillies auprès d’un échantillon probabiliste à deux degrés de 806 hommes et
22
femmes âgés de 15
Tableau 1. Répartition en pourcentage des répondants, et pourcentage de
à 49 ans. L’échan- ceux ayant déclaré l’usage du préservatif lors de leurs derniers rapports
tillon avait été éta- sexuels, par caractéristiques sexuelles et socioculturelles, enquête de 1996
bli par l’Office cen- sur les comportements sexuels et l’usage du préservatif à Lusaka
tral zambien des Caractéristique
Répartition en
% ayant utilisé le
statistiques. Cent
pourcentage
préservatif lors de
leurs derniers
secteurs de dérapports sexuels
nombrement stanFemmes
Hommes
Femmes
Hommes
dard ont été
(N=391)
(N=415)
(N=341)
(N=370)
sélectionnés aléa100,0
100,0
17,1
23,9
toirement. Dans Total
chacun, un inter- Age
vieweur ou une in- 15 à 19 ans
29,4
26,9
27,0
34,7
23,3
18,3
20,7
35,7
tervieweuse ont 20 à 24 ans
25 à 29 ans
15,1
17,1
11,9
34,3
administré l’en- 30 à 34 ans
12,3
13,5
8,3
7,3
10,5
9,9
12,2
12,2
quête à quatre 35 à 39 ans
9,4
14,5
16,2
9,8
répondants
du 40 à 49 ans
même sexe. Le Type de partenaire
57,2
45,7
na
na
questionnaire avait Marié(e)
sexuellement actif
été adapté sur la Célibataire,
(active)
base de celui des
Pas de partenaire actuel
10,5
21,9
na
na
Partenaire régulier
19,5
21,4
na
na
Partner Relations
Jamais eu de rapports sexuels
12,8
11,1
na
na
Survey (enquête
sur les relations Scolarisation
primaire
45,6
40,4
13,6
18,2
entre partenaires) Aucune/niveau
Niveau secondaire quelconque
34,9
34,9
17,5
25,4
et de la Knowl- Niveau supérieur
19,5
24,8
25,0
29,9
edge, Attitudes, Beavec le dernier partenaire
havior and Prac- Relation
Conjugale
61,8
42,5
10,8
11,8
tices
Survey Partenaire régulier
19,7
22,6
32,5
37,2
5,6
23,8
31,8
33,3
(enquête sur les Partenaire de passage
Jamais eu de rapports sexuels
12,8
11,1
na
na
connaissances, attitudes, comporte- Souvenir du message
ments et pratiques) publicitaire Maximum
Souvenir du message
8,2
14,9
40,0
34,5
menées dans le A vu/entendu d’autres messages
publicitaires
78,0
76,4
15,7
22,5
cadre du Provu/entendu aucun message
gramme global sur N’apublicitaire
13,8
8,7
12,5
16,1
le sida mis en
œuvre par l’Orga- Distance d’approvisionnement
Maximum 10 minutes à pied
46,9
65,9
17,2
28,3
nisation Mondiale Plus de 10 minutes à pied
53,1
34,1
16,9
15,9
de la Santé (OMS).
Les pourcentages et nombres de cas présentés dans ce tableau et dans les suivants sont ponCes enquêtes ont Notes:
dérés. na=non applicable.
été menées dans 18
pays en voie de développement entre 1989 et 1993, dans le claré avoir eu des rapports sexuels avec un
cadre des efforts déployés par l’OMS pour partenaire autre que leur conjoint ou partedocumenter les tendances des comporte- naire régulier durant les 12 mois précédant
ments sexuels dans le monde en voie de dé- l’enquête ont été invités à indiquer le
nombre de partenaires qu’ils avaient eus duveloppement.
Le questionnaire comptait des sections re- rant cette période, compte tenu des unions
latives aux caractéristiques démographiques polygynes pour les hommes. Nous avons
du répondant, à sa relation avec son dernier comparé nos résultats aux données de l’enpartenaire sexuel (matrimoniale, régulière quête menée en 1990 par l’OMS à Lusaka.16
L’analyse statistique a été réalisée à
ou de passage), au nombre de partenaires
sexuels rencontrés durant les 12 derniers l’aide du logiciel SPSS 6.1. Des tests chi
mois, à l’usage du préservatif lors des der- carré d’indépendance ont été effectués au
niers rapports sexuels, à la marque du pré- niveau bidimensionnel, et les différences
servatif utilisé lors des derniers rapports, au ont été déterminées comme statistiquesouvenir d’un message publicitaire relatif ment significatives à p<0,05. Au niveau
à cette marque et à l’accessibilité de la mé- multidimensionnel, l’effet net de variables
thode (mesurée en durée du déplacement indépendantes sur la probabilité d’usage
nécessaire pour atteindre une source d’ap- du préservatif lors des derniers rapports
provisionnement). Comme dans le cas des sexuels a été mesuré par analyse de réenquêtes de l’OMS, les répondants ayant dé- gression logistique.17 (Etant donné la taille
Perspectives Internationales sur le Planning Familial
réduite de l’échantillon, nous avons également relevé les différences à p<0,10 pour
les analyses multivariées.)
Résultats
Il n’y avait guère de différences importantes
dans la distribution d’âge entre les hommes
et les femmes de l’échantillon (tableau 1).
Les deux groupes ne différaient pas énormément non plus en termes de scolarisation. Une proportion significativement supérieure de femmes étaient cependant
mariées, cette différence étant imputable à
l’âge moindre des femmes, en Zambie, au
moment du premier mariage. La relation
avec le dernier partenaire sexuel variait également significativement suivant le sexe du
répondant: les hommes étaient près de trois
fois moins susceptibles que les femmes
d’avoir eu leurs derniers rapports avec leur
partenaire conjugal. Ils étaient également
plus susceptibles de se souvenir du message
publicitaire pour la marque Maximum
(«Strong for Maximum protection, sensitive
for Maximum pleasure», soit «résistant
pour une protection maximale, et souple
pour un plaisir maximal»). Les hommes
étaient enfin plus susceptibles que les
femmes de signaler une distance (à pied)
de 10 minutes pour atteindre une source
d’approvisionnement en préservatifs.
Etat de la relation en cours
L’état de la relation en cours joue un rôle
important dans les comportements sexuels
qui exposent les individus au risque de
contraction de maladies sexuellement
transmissibles. Reflet de la tendance des
femmes à se marier plus jeunes que les
hommes, une différence significative se révèle dans l’état des relations en cours des
jeunes hommes et des jeunes femmes (tableau 2): quatre fois plus de femmes âgées
de 15 à 24 ans étaient mariées (40% par rapport à 9% des hommes, dans la même
tranche d’âge). Dans la tranche de 25 à 49
ans, la différence n’était pas significative
entre les hommes et les femmes: 76%
étaient mariés, dans les deux sexes.
Partenaires de passage
Tous les répondants ont été invités à décrire leur relation avec leur dernier partenaire sexuel. Les réponses obtenues ont
été codées par les intervieweurs en tant
que derniers rapports avec un partenaire
conjugal, régulier, de passage ou prostitué. Cinq répondants de sexe masculin ont
déclaré avoir eu leurs derniers rapports
avec une prostituée (non indiqué). Aux
fins de cette analyse, ces cas ont été enregistrés dans la catégorie des rapports avec
un partenaire de passage.
Numéro Spécial de 1998
Dans l’ensemble,
Tableau 2. Répartition en pourcentage des répondants, par type de parles hommes se sont tenaire, en fonction de l’âge et du sexe
avérés près de
Total
15 à 24 ans
25 à 49 ans
quatre fois plus sus- Type de partenaire
ceptibles que les
Femmes Hommes
Femmes Hommes
(N=806)
(N=206) (N=188)
(N=185)
(N=227)
femmes de déclarer
avoir eu leurs der- N’a jamais eu de rapports
sexuels
11,9
24,3
24,5
0,0
0,0
niers
rapports
Célibataire, sexuellement
sexuels avec une
actif (active)
Pas de partenaire
partenaire de pasrégulier
16,4
8,7
33,5
12,4
11,9
sage (27% par rapPartenaire régulier
20,5
26,7
33,0
11,4
11,9
port à 7%). Ceux Marié(e)
51,3
40,3
9,3
76,2
75,9
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
mariés ou non ma- Total
riés mais impliqués
dans une relation régulière étaient envi- hommes, cet usage s’est révélé significaron cinq à six fois plus susceptibles que les tivement supérieur dans la tranche de 15
femmes d’avoir eu leurs derniers rapports à 29 ans qu’à partir de 30 ans. Aucune difavec une partenaire de passage (26% par férence significative n’est apparue entre
rapport à 4% pour les répondants mariés, les hommes et les femmes de 15 à 19 ans
et 5% par rapport à 1% pour les célibataires et au-delà de 30 ans. Dans les tranches de
en union régulière). En revanche, les 20 à 24 et de 25 à 29 ans, toutefois, l’usage
hommes célibataires sans partenaire ré- du préservatif était nettement plus élevé
gulière étaient moins de deux fois plus chez les hommes que chez les femmes.
L’emploi du préservatif s’est avéré vasusceptibles que leurs homologues féminines de déclarer avoir eu leurs derniers rier significativement en fonction de la rerapports avec une partenaire de passage lation avec le dernier partenaire. Tant pour
les femmes que pour les hommes, l’usage
(73% par rapport à 41%).
était près de trois fois supérieur dans le cas
Changements survenus entre 1990 et 1996 des relations avec un partenaire régulier
•Nombre de partenaires. Nous avons com- ou de passage que dans celui des rapports
paré nos observations aux données re- avec un conjoint. (Des cinq hommes ayant
cueillies en 1990 par l’OMS sur le nombre signalé des rapports avec une prostituée,
de partenaires sexuels déclarés par les ré- trois avaient utilisé un préservatif.)
Aucune association significative n’a été
pondants en dehors de leur union matrimoniale ou régulière durant les 12 mois pré- relevée entre le niveau d’instruction et
cédant l’enquête. En 1990, 33% des hommes l’usage du préservatif lors des derniers rapet 9% des femmes avaient déclaré avoir eu ports, chez les femmes comme chez les
au moins un partenaire sexuel autre que hommes, bien que chez les hommes, le test
leur conjoint ou partenaire régulier durant de chi carré se soit révélé marginalement sicette période. En 1996, les pourcentages gnificatif à p<0,10. Surprenante, cette abétaient presque identiques (32% et 9%, res- sence d’association significative avec le nipectivement). Ainsi, sur une période de six veau d’instruction laisse supposer que
années, parmi les hommes et les femmes d’autres facteurs revêtent peut-être une plus
mariés ou en union régulière, il semble n’y grande importance dans la détermination
avoir eu virtuellement aucun changement du recours au préservatif à Lusaka. Il n’est
dans les relations sexuelles extérieures au cependant pas impossible que l’âge du répondant ou sa relation avec son dernier parmariage ou à l’union régulière.
•Accès au préservatif. La comparaison des tenaire couvre une partie de l’effet de la scodonnées de 1996 à celles de l’OMS en 1990 larisation sur l’usage du préservatif.
Le souvenir du message publicitaire de
révèle une augmentation du pourcentage
de répondants qui connaissaient une la marque Maximum a révélé une associasource d’approvisionnement en préserva- tion significative avec l’usage du préservatif
tifs, de 54% en 199018 à 79% en 1996. De lors des derniers rapports dans les deux
ceux-ci, le pourcentage des répondants groupes, hommes et femmes. Quarante
ayant signalé un déplacement de moins de pour cent des femmes et 35% des hommes
15 minutes pour accéder à cette source avait qui avaient entendu le message ont déclaplus que doublé, passant de 32% à 72%.
ré avoir utilisé un préservatif lors de leurs
derniers rapports. Cette observation laisse
Usage du préservatif
entendre que la sensibilisation aux vertus
•Analyses bivariées. L’usage du préserva- du préservatif pourrait en accroître l’usage.
tif est apparu significativement plus élevé
Le rapport entre l’accessibilité de la méparmi les femmes âgées de 15 à 24 ans thode et son usage ne s’est avéré signifiqu’à partir de 25 ans (tableau 1). Chez les catif que pour les hommes, qui se sont ré23
Activité sexuelle et usage du préservatif en Zambie
moins susceptibles
d’être mariées que
leurs aînées et plus
susceptibles
d’avoir des rapCaractéristique
Age
Plus
Plus
Plus
Plus
ports sexuels avec
seulement relation
scolarisouvenir distance
sation
un partenaire de
passage ou réguAge
15 à 19 ans
2,82***
1,56
2,02
2,12
2,11
lier.
20 à 24 ans
2,05*
1,73
1,90
1,93
1,93
La relation des
25 à 29 ans
1,12
1,09
1,20
1,21
1,20
30 à 49 ans
1,00
1,00
1,00
1,00
1,00
femmes avec leur
dernier partenaire
Relation avec le
est restée significadernier partenaire
Conjugale
na
1,00
1,00
1,00
1,00
tive après l’ajout
Régulière
na
3,49***
2,98***
2,81***
2,83***
de la variable de la
De passage
na
3,58**
3,29**
3,07**
3,06**
scolarisation, ainsi
Scolarisation
que de celle du
Aucune/niveau primaire
na
na
1,00
1,00
1,00
souvenir de la puNiveau secondaire
quelconque
na
na
1,05
1,00
0,99
blicité. Tous ces
Niveau supérieur
na
na
2,08*
1,77
1,76
facteurs contrôlés,
nous
avons
Souvenir du message
publicitaire Maximum
constaté que les
Souvenir du message
na
na
na
2,76**
2,78**
femmes dont les
A vu/entendu d’autres
messages publicitaires
na
na
na
0,76
0,75
derniers rapports
N’a vu/entendu aucun
sexuels avaient eu
message publicitaire
na
na
na
1,00
1,00
lieu avec un parteDistance d’approvisionnement
naire de passage
Maximum 10 minutes à pied na
na
na
na
0,91
ou régulier étaient
Plus de 10 minutes à
à peu près trois
pied/aucune source
connue
na
na
na
na
1,00
fois plus susceptibles que celles
Modèle χ2
9,04
14,87
3,49
5,00
0,09
df
32
22
1
qui avaient eu
leurs derniers rap*p<0,10. **p<0,05. ***p<0,01. Note: na=non applicable.
ports avec leur
conjoint de déclavélés plus susceptibles d’avoir utilisé un rer l’usage du préservatif. De plus, les
préservatif lors de leurs derniers rapports femmes qui se souvenaient du message pus’ils avaient également déclaré se trouver blicitaire étaient presque trois fois plus susà une distance à pied de 10 minutes maxi- ceptibles que les autres d’en déclarer l’usage
mum d’une source d’approvisionnement lors de leurs derniers rapports. Enfin, comp(28%) que s’ils vivaient à une plus gran- te tenu de l’accessibilité de la méthode,
de distance (16%).
aucun changement n’a été observé quant à
•Analyses multivariées. Nous avons mené des l’effet du souvenir publicitaire des femmes
analyses de régression logistique à variables sur l’usage du préservatif.
multiples pour évaluer les effets nets de
Côté hommes, l’âge s’est avéré revêtir
l’âge, de la relation avec le dernier parte- une importance considérable dans l’usage
naire, de la scolarisation, du souvenir du du préservatif lors des derniers rapports
message publicitaire et de l’accessibilité du sexuels (tableau 4). Compte tenu même
préservatif sur les déclarations des hommes des variables de relation avec la dernière
et des femmes quant à l’usage du préservatif partenaire, scolarisation et souvenir pulors de leurs derniers rapports sexuels. blicitaire, l’âge est resté significatif: les
Avant l’ajout de toute autre variable, nous hommes âgés de 15 à 29 étaient plus de
avons toutefois observé que l’âge était un trois fois plus susceptibles que leurs aînés
facteur de prédiction significatif de décla- de plus de 30 ans d’avoir déclaré l’usage
ration, chez les femmes, d’usage du pré- du préservatif lors de leurs derniers rapservatif lors des derniers rapports sexuels ports sexuels.
(tableau 3): les femmes âgées de 15 à 19
Le type de relation des hommes avec
étaient plus susceptibles de déclarer cet leur dernière partenaire sexuelle a révélé
usage que celles de plus de 20 ans. Ajoutée, une signification pour le moins marginale
la variable de la relation des femmes avec (p<0,10) à tous les niveaux de l’analyse
leur dernier partenaire est devenue signifi- multivariée. Nous avons également efcative, tandis que l’âge ne l’était plus. La rai- fectué, pour les hommes comme pour les
son en est que les femmes plus jeunes sont femmes, des tests de mesure des difféTableau 3. Rapports de probabilité de l’analyse de régression logistique
indiquant la probabilité d’usage du préservatif par le partenaire d’une
femme lors de leurs derniers rapports sexuels, par ensemble de variables
comprises dans l’analyse, en fonction de chaque caractéristique
24
rences d’usage du préservatif suivant que
les derniers rapports avaient eu lieu avec
un partenaire régulier ou de passage, en
utilisant les rapports avec un partenaire
régulier comme catégorie de référence
(non indiqué). Nous n’avons observé aucune différence dans la probabilité
d’usage, dans les deux sexes, entre les partenaires de passage et réguliers. Côté
hommes, la scolarisation a toutefois révélé
une association significative avec l’usage
déclaré du préservatif dans toutes les analyses: les hommes scolarisés au-delà du niveau secondaire étaient deux fois plus susceptibles que ceux instruits au niveau
primaire ou non scolarisés d’avoir déclaré l’usage du préservatif lors de leurs derniers rapports sexuels.
L’accessibilité du préservatif (source
d’approvisionnement dans un rayon de 10
minutes à pied) augmentait significativement la probabilité d’usage chez les
hommes: ceux proches d’une source d’approvisionnement étaient à peu près deux
fois plus susceptibles que les autres d’avoir
utilisé le préservatif lors de leurs derniers
rapports, compte tenu même des effets de
l’âge, du type de relation, de la scolarisation
et du souvenir du message publicitaire.
Discussion
La prévalence des rapports sexuels de passage s’est avérée importante parmi les
hommes de Lusaka, 27% des hommes
sexuellement expérimentés ayant déclaré
avoir eu leurs derniers rapports avec une
partenaire de passage. La proportion de
ces rapports de passage était la plus élevée parmi les hommes célibataires sans
partenaire régulière. Côté femmes, elle
l’était aussi parmi les célibataires sans partenaire régulier, mais dans une moindre
mesure que dans la tranche masculine
comparable. Dans l’ensemble, les hommes
étaient plus susceptibles que les femmes
d’avoir déclaré avoir eu leurs derniers rapports sexuels avec une partenaire non
conjugale. Il s’agit là, en partie, d’une
conséquence de l’âge au mariage plus précoce des femmes. Tant pour les hommes
que pour les femmes, le mariage s’est avéré
réduire considérablement la probabilité
des relations sexuelles de passage.
La différence peut aussi être attribuée,
en partie, à l’idéologie du rôle des sexes
et aux doubles mesures sexuelles qui permettent non seulement aux hommes
d’avoir plusieurs partenaires,19 mais qui
vont jusqu’à y voir le reflet d’un mode de
vie sain pour l’homme,20 alors même que
les maris zambiens prennent des mesures
rigoureuses (y compris les attaques en justice pour adultère21) à l’encontre des
Perspectives Internationales sur le Planning Familial
épouses qui se comporteraient de même.
Les femmes participant à des relations
régulières peuvent y voir l’antichambre
du mariage et hésiter dès lors à compromettre leurs perspectives matrimoniales
en s’engageant dans des rapports de passage. Etant donné les doubles mesures applicables aux questions sexuelles et la vulnérabilité à laquelle les exposeraient les
rapports en dehors du mariage, les
femmes sont peut-être aussi moins susceptibles de déclarer leurs rapports avec
un partenaire autre que leur conjoint ou
que leur partenaire régulier.
La moindre importance de la différence,
dans les rapports de passage chez les
hommes et chez les femmes non engagés
dans une relation régulière, peut aussi
trouver son explication dans la condition
sociale des Zambiennes célibataires. Dans
une société où le mariage et la maternité
font la norme pour les femmes22 et où
l’accès aux ressources de la société passe
par les hommes,23 la vulnérabilité des
femmes non engagées dans une relation
avec un homme peut être extrême. Le fait
que les Zambiennes mariées se méfient de
leurs homologues célibataires et sans at-
tache, en qui elles perçoivent des rivales
potentielles, souligne la vulnérabilité sociale de ces dernières.24 Les femmes non
mariées et non engagées dans une relation
régulière avec un homme peuvent avoir
des relations de passage en vue de former
les liens émotifs susceptibles de mener au
mariage et à une plus grande sécurité financière et émotive.
Nous n’avons observé aucun indice de réduction, dans les deux sexes, du nombre de
partenaires sexuels en dehors du mariage
ou d’une union régulière entre 1990 et 1996.
Etant donné que les tendances des comportements sexuels reflètent les aspects fondamentaux de l’organisation sociale et subissent l’influence des idéologies sexuelles
qui prescrivent le rôle des hommes et des
femmes, cette absence de changement n’est
pas surprenante. Nos observations sont
conformes aux résultats d’enquêtes menées
dans les régions du cuivre et du nord de la
Zambie, également révélatrices d’un pourcentage inchangé, chez les hommes comme
chez les femmes, de déclaration de relations
sexuelles irrégulières.25 Ces résultats avaient
cependant révélé une augmentation d’usage
du préservatif durant la période à l’étude.
Etant donné que
Tableau 4. Rapports de probabilité de l’analyse de régression logistique l’enquête de 1990
ne s’était pas penindiquant la probabilité d’usage du préservatif par un homme lors de
ses derniers rapports sexuels, par ensemble de variables comprises dans
chée sur la quesl’analyse, en fonction de chaque caractéristique
tion du niveau
d’usage du préserCaractéristique
Age
Plus
Plus
Plus
Plus
seulement relation
scolarisouvenir distance
vatif lors des dersation
niers
rapports
Age
sexuels,
nous
15 à 19 ans
5,28***
2,80**
3,55***
3,54***
3,49***
n’avons
pas
pu
20 à 24 ans
5,53***
3,22***
3,46***
3,38***
3,31***
évaluer l’évolution
25 à 29 ans
5,20***
3,70***
3,88***
3,93***
3,81***
30 à 49 ans
1,00
1,00
1,00
1,00
1,00
de cet usage au fil
du temps à LusaRelation avec la dernière
ka. Nous n’en
partenaire
Conjugale
na
1,00
1,00
1,00
1,00
avons pas moins
Régulière
na
2,50**
2,19**
2,14*
2,06*
examiné les niDe passage
na
2,13**
1,99*
1,96*
1,89
veaux et corrélaScolarisation
tions d’usage en
Aucune/niveau primaire
na
na
1,00
1,00
1,00
1996.
Niveau secondaire
quelconque
na
na
1,41
1,39
1,42
Nos observaNiveau supérieur
na
na
2,21**
2,06**
2,16**
tions sont conformes à l’hypoSouvenir du message
publicitaire Maximum
thèse selon laquelle
Souvenir du message
na
na
na
1,31
1,42
les Zambiennes,
A vu/entendu d’autres
messages publicitaires
na
na
na
0,85
0,99
sous le joug de
N’a vu/entendu aucun
leur
faiblesse
message publicitaire
na
na
na
1,00
1,00
socio-éconoDistance d’approvisionnement
mique, sont limiMaximum 10 minutes à pied na
na
na
na
1,93**
tées dans leurs caPlus de 10 minutes à
pacités
de
pied/aucune source
connue
na
na
na
na
1,00
négocier l’usage
du
préservatif
35,88
6,13
5,37
0,67
4,95
Modèle χ2
df
32
22
1
dans leurs relations sexuelles.
*p<0,10. **p<0,05. ***p<0,01. Note: na=non applicable.
Pour les femmes,
Numéro Spécial de 1998
les facteurs de relation se sont avérés fort
importants dans la détermination de l’usage
du préservatif par leur partenaire. Les caractéristiques individuelles telles que leur
âge ou niveau d’instruction, n’ont pas révélé d’association avec cet usage dans l’analyse multivariée complète. Néanmoins, la
forte association apparue entre le souvenir
qu’elles avaient du message publicitaire et
l’usage du préservatif laisse entendre que
les femmes informées sont peut-être aptes
à encourager leurs partenaires à utiliser la
méthode en leur communiquant les informations reçues à son sujet. La recherche a
démontré que les femmes sont souvent,
pour leurs partenaires, la source des informations reçues sur les méthodes de planning familial.
Pour les hommes, l’âge et le niveau d’instruction se sont avérés des facteurs significatifs de prédiction d’usage du préservatif. Les hommes plus jeunes et davantage
instruits étaient plus susceptibles d’avoir
utilisé la méthode lors de leurs derniers
rapports sexuels. Leur plus grande motivation tient peut-être au fait qu’ils sont devenus sexuellement actifs en plein cœur de
l’épidémie du sida. Les hommes âgés de
15 à 29 ans en 1996 étaient adolescents ou
jeunes adultes au moment de la sensibilisation généralisée du public à la réalité de
l’épidémie du sida à Lusaka. Ils se sont révélés plus de trois fois plus susceptibles que
leurs aînés de plus de 30 ans d’avoir utilisé un préservatif lors de leurs derniers rapports sexuels. Ces observations donnent à
penser que les cohortes masculines plus
jeunes de Lusaka ont adopté la méthode
préventive du préservatif en réponse à
l’épidémie du sida. De même, la motivation supérieure des hommes plus instruits
peut être due à leur conscience également
supérieure de la maladie.
L’usage du préservatif parmi les
hommes âgés de 20 à 24 ans et de 25 à 29
ans s’est révélé significativement supérieur
à celui observé dans les tranches d’âge féminines correspondantes. La différence
peut s’expliquer, en partie, par le fait que
les hommes ont des rapports sexuels avec
des femmes plus jeunes. Les plus hauts niveaux de rapports avec des prostituées,
parmi les hommes de 20 à 29 ans, peuvent
également expliquer cette différence.
L’accès à la méthode s’est avéré un facteur de prédiction significatif d’usage du
préservatif lors des derniers rapports chez
les hommes, mais pas chez les femmes.
Cela n’a rien de surprenant lorsque l’on
sait que 79% des répondantes féminines
ont déclaré que leur partenaire s’était procuré le préservatif utilisé lors de leurs derniers rapports. La moralité d’une femme
25
Activité sexuelle et usage du préservatif en Zambie
qui se procurerait elle-même la méthode
pourrait en effet être mise en doute. En revanche, étant donné l’acceptation culturelle des relations sexuelles multiples pour
les hommes, il n’est pas nécessairement
inhabituel pour un homme de se procurer des préservatifs: 86% des hommes interrogés ont ainsi déclaré avoir obtenu
eux-mêmes les préservatifs utilisés lors de
leurs derniers rapports. Dans l’ensemble,
la motivation semble être un facteur déterminant d’usage plus important chez les
hommes que les facteurs de relation. Ces
observations semblent confirmer qu’étant
donné leur rang supérieur et leur plus
grande influence dans leurs relations avec
les femmes, les hommes peuvent imposer l’usage du préservatif. Elles donnent
également à penser que les campagnes visant à encourager les hommes à utiliser la
méthode pourraient bien remporter plus
de succès que celles destinées aux femmes.
L’usage du préservatif présente une association significative avec l’activité
sexuelle en dehors du mariage. Ainsi, environ un tiers des hommes et des femmes
en ont déclaré l’usage lors de leurs derniers rapports avec un partenaire de passage ou régulier. Les déclarations féminines d’usage supérieur dans les rapports
de passage ou réguliers, par rapport aux
rapports conjugaux, sont conformes à l’observation selon laquelle les hommes pratiquent davantage la méthode en dehors
du mariage que dans leurs rapports conjugaux. Il est peut-être aussi plus facile pour
les femmes de négocier l’usage du préservatif dans les rapports survenant en dehors du mariage. Les niveaux d’usage similaires, chez les hommes et les femmes,
dans les rapports avec un partenaire de
passage ou régulier laissent entendre que
les critères d’évaluation du risque, pour
les rapports sexuels en dehors du mariage,
diffèrent de ceux basés sur les notions épidémiologiques du risque.
Les hommes et les femmes n’évaluent
pas leur risque de contraction du VIH sur
la simple base de la qualité régulière ou
de passage de leur relation. Les deux
groupes sont vraisemblablement conscients du fait qu’une relation non conjugale régulière ne les protège pas nécessairement contre les maladies
sexuellement transmissibles. Etant donné
l’extrême faiblesse de leur soutien financier, les hommes sont probablement
conscients du fait que leurs partenaires
non conjugales régulières peuvent avoir
d’autres partenaires sexuels,26 et les
femmes savent que les hommes sont parfaitement libres d’en avoir plusieurs
aussi.27
26
D’autres facteurs, tels que la perception
d’un partenaire comme présentant un
risque de séropositivité sur la base de son
apparence et de l’aise ou de l’intimité émotive ressentie avec ce partenaire, peuvent
jouer, pour certains et certaines, un rôle
plus important dans la décision d’utiliser
ou non le préservatif.28 Les femmes croient
parfois que certaines positions sexuelles
les mettent à l’abri de toute contamination.
Beaucoup estiment aussi que les rapports
d’une seule nuit, rapides ou suivis d’une
douche ne présentent aucun risque.29
Le moindre niveau d’usage du préservatif dans les rapports conjugaux n’est pas
surprenant, étant donné les questions de
confiance soulevées par cet usage. Les
Zambiennes mariées se sentent impuissantes lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet
avec leur mari et la crainte de représailles
les rend incapables de refuser des rapports
sexuels à un homme.30 Les hommes mariés ne veulent du reste pas nécessairement
utiliser le préservatif dans leurs rapports
avec leur épouse, car cet usage pourrait
être interprété telle une admission de rapports sexuels en dehors du mariage; et si
ces rapports sont culturellement admis31
pour les hommes, ils peuvent toujours
semer la discorde dans les ménages. Les
hommes peuvent aussi éviter la méthode
dans leurs rapports conjugaux s’ils y perçoivent un amoindrissement de leur plaisir sexuel. Qui plus est, les partenaires
conjugaux utilisent parfois des méthodes
contraceptives plus efficaces ou peuvent,
au contraire, désirer un enfant. La pertinence du préservatif dans les rapports
conjugaux en est d’autant plus limitée.32
Conclusion
Selon nos observations, il conviendrait
d’accorder, en Zambie, la plus grande importance aux approches de prévention du
sida ciblant directement les hommes. Les
programmes visant à apprendre aux
femmes comment négocier des rapports
sexuels plus sécurisés présentent un
risque de moindre efficacité, car ils ne peuvent vraisemblablement remporter de succès que chez les femmes qui disposent du
pouvoir de décision à cet égard.33
Il serait du reste clairement utile de
mieux comprendre la sexualité masculine.
La peur de compromettre sa masculinité
peut jouer un rôle fondamental dans le
choix que fait un homme de prendre ou
non les précautions offertes, par exemple,
par le préservatif.
Il existe un besoin urgent de programmes d’information destinés aux
hommes et présentés sous une forme qui
leur soit acceptable. L’évolution de la so-
ciété zambienne au profit d’une condition
améliorée de la femme et d’idéologies
sexuelles plus égalitaires n’en est pas
moins indispensable.
Références
1. Fylkesnes K, Brunborg H et Msiska R, Zambia: The Current HIV/AIDS Situation and Future Demographic Impact,
Background Paper nº 1, Lusaka, Zambia: Ministry of
Health, 1994; et van den Borne F, Tweedie IA et Morgan
WB, Family Planning and Reproductive Health in Zambia
Today, IEC Field Report nº 2, Baltimore, MD, USA: Johns
Hopkins Center for Communication Programs, 1996.
2. van den Borne F, Tweedie IA et Morgan WB, 1996, op.
cit. (voir référence 1).
3. Yoder PS, Hornik R et Chirwa BC, Evaluating the program effects of a radio drama about AIDS in Zambia,
Studies in Family Planning, 1996, 27(4):188–203.
4. Ingham R, AIDS: knowledge, awareness and attitudes,
dans: Cleland J et Ferry B, réds., Sexual Behavior and AIDS
in the Developing World, London: Taylor and Francis, 1995,
pp. 43–74; Gaisie K, Cross AR et Nsemukila G, Zambia
Demographic and Health Survey 1992, Columbia, MD, USA:
Macro International, 1993; et Kapilikisha M, AIDS: Zambians seem to be getting the message, New African, 1990,
nº 268, p. 39.
5. Mouli V, Bridges crossed yesterday, peaks to be conquered tomorrow: AIDS and the condom, African Health,
1992, 14(5):12–14; et van den Borne F, Tweedie IA et Morgan WB, 1996, op. cit. (voir référence 1).
6. Kapilikisha M, 1990, op. cit. (voir référence 4).
7. Sweat MD et Denison JA, Reducing HIV incidence in
developing countries with structural and environmental interventions, AIDS, 1995, 9(supplément A):S251–S257.
8. Dixon-Mueller R, The sexuality connection in reproductive health, Studies in Family Planning, 1993,
24(5):269–282.
9. Worth D, Sexual decision-making and AIDS: why condom promotion among vulnerable women is likely to fail,
Studies in Family Planning, 1989, 20(6):297–307; et Ulin PR,
African women and AIDS: negotiating behavioral
change, Social Science in Medicine, 1992, 34(1):63–73.
10. Soskolne V et al., Condom use with regular and casual partners among women attending family planning
clinics, Family Planning Perspectives, 1991, 23(5):222–225;
Mwale G et Burnard P, Women and AIDS in Rural Africa,
Brookfield, VT, USA: Ashgate Publishing Company, 1992;
et Le Franc E et al., Working women’s sexual risk taking
in Jamaica, Social Science in Medicine, 1996,
42(10):1411–1417.
11. Potter LB et Anderson JE, Patterns of condom use and
sexual behavior among never-married women, Sexually Transmitted Diseases, 1993, 20(4):201–208; et Soskolne
V et al., 1991, op. cit. (voir référence 10).
12. Hansen KT, Negotiating sex and gender in urban
Zambia, Journal of Southern African Studies, 1984,
10(2):219–238; et Hansen KT, Keeping House in Lusaka,
New York: Columbia University Press, 1997.
13. Hansen KT, 1997, op. cit. (voir référence 12).
14. Campbell T et Kelly M, Women and AIDS in Zambia: a review of the psychosocial factors implicated in the
transmission of HIV, AIDS Care, 1995, 7(3):365–373.
15. Ibid.
16. Caraël M et al., Sexual behavior in developing countries: implications for HIV control, AIDS, 1995,
9(10):1171–1175.
17. Armitage P et Berry G, Statistical Methods in Medical
Research, London: Blackwell Scientific Publications, 1987;
(suite à la page 29)
Perspectives Internationales sur le Planning Familial
Activité sexuelle en Zambie...
(suite de la page 26)
et Norusis MJ, SPSS Base System User’s Guide, Chicago:
SPSS Inc., 1990.
18. Mehryar A, Condoms: awareness, attitudes and use,
dans: Cleland J et Ferry B, 1995, op. cit. (voir référence 4),
pp. 43–74.
19. Caraël M, Sexual behavior, dans: Cleland J et Ferry
B, 1995, op. cit. (voir référence 4), pp. 75–123.
20. Hawkins K, Male Participation in Family Planning, A
Review of Programme Approaches in Africa, London: International Planned Parenthood Federation, 1992.
21. Hansen KT, 1997, op. cit. (voir référence 12).
22. Campbell T et Kelly M, 1995, op. cit. (voir référence
14).
Numéro Spécial de 1998
23. Hansen KT, 1997, op. cit. (voir référence 12).
24. Mwale G et Burnard P, 1992, op. cit. (voir référence
10).
25. Yoder PS, Hornik R et Chirwa BC, Impact of a radio
drama about AIDS in Zambia: a program called Nshilakamona, final evaluation report, Working Paper,
Philadelphia, PA, USA: Annenberg School for Communication, 1993, nº 1013.
26. Schoepf BG, Women and AIDS and economic crisis
in Central Africa, Canadian Journal of African Studies, 1988,
22(3):625–644.
munication in the age of AIDS: the construction of risk
and trust among young adults, Social Science in Medicine,
1995, 41(9):1311–1323.
29. Nzioka C, Lay perceptions of risk of HIV infection
and the social construction of safer sex: some experiences
from Kenya, AIDS Care, 1996, 8(5):565–579; et Schoepf BG,
1988, op. cit. (voir référence 26).
30. Mwale G et Burnard P, 1992, op. cit. (voir référence
10).
31. Ibid.
27. Mwale G et Burnard P, 1992, op. cit. (voir référence
10).
32. De Zoysa I, Sweat MD et Denison JA, Faithful but
fearful: reducing HIV transmission in stable relationships,
AIDS, 1996, 10(supplément A):S197–S203.
28. Sobo EJ, Finance, romance, social support, and condom use among impoverished inner-city women, Human
Organization, 1995, 54(2):115–128; et Lear D, Sexual com-
33. Campbell CA, Male gender roles and sexuality: implications for women’s AIDS risk and prevention, Social
Science in Medicine
29

Documents pareils