Progrès effectués dans la chirurgie réfractive
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Progrès effectués dans la chirurgie réfractive
NOVEMBRE 2004 Volume 2, numéro 9 Ophtalmologie MC Conférences scientifiques Progrès effectués dans la chirurgie réfractive PAR R AYMON D M. S TE I N , M.D., FRCSC Au cours des dernières années, des progrès technologiques importants ont été effectués en chirurgie réfractive grâce auxquels ces interventions offrent une plus grande innocuité, prédictibilité et satisfaction de la part du patient. Dans le passé, l’objectif était d’obtenir une acuité visuelle non corrigée qui était similaire à la meilleure acuité visuelle obtenue avec correction optique par le port de lentilles de contact ou de lunettes. Aujourd’hui, on a la possibilité d’améliorer la meilleure acuité visuelle corrigée ainsi que la qualité globale de la vision. Sur une période de 20 ans, la chirurgie au laser excimer de la cornée a évolué d’une série d’expériences sur des animaux à plus de 5 millions d’interventions cliniques. Grâce aux progrès effectués dans la correction de la vision au laser et à l’évolution d’autres interventions (p. ex. l’implantation de lentilles intraoculaires phakiques, l’échange du cristallin à but réfractif), la plupart des patients ont la possibilité de ne plus avoir à utiliser d’aides visuelles pour la vision de loin et des innovations sont également mises au point actuellement pour corriger la vision de près. Les patients qui subissent une intervention de chirurgie réfractive sont différents des patients typiques qui nous consultent. Ce sont des personnes en bonne santé, actives et qui travaillent, qui n’ont pas le temps ni le désir d’attendre dans une salle d’attente. Étant donné que la correction de la vision au laser, l’implantation de lentilles intraoculaires (LIO) phakiques et l’échange du cristallin à but réfractif sont des interventions électives, ces patients ont donc le choix du chirurgien qui les réalisera. Le respect de leur temps et de toute inquiétude qu’ils pourraient avoir au sujet des interventions de chirurgie réfractive est essentiel au succès des professionnels des soins ophtalmologiques. Grâce à la bonne gestion de l’expérience du patient par le cabinet d’ophtalmologie – du premier appel téléphonique à la dernière visite de suivi – la chirurgie réfractive sera profitable tant pour le patient que pour le praticien. Dans ce numéro d’Ophtalmologie – Conférences scientifiques, nous explorons les innovations faites dans la chirurgie réfractive, la sélection des patients et les soins postopératoires. Indications Les patients sélectionnés pour la chirurgie réfractive doivent être âgés ≥ 18 ans et présenter un trouble réfractif stable. Il existe une exception à cette règle : si le patient désire subir une intervention de chirurgie réfractive pour répondre à des obligations professionnelles (p. ex. un pompier ou un agent de police), une légère modification de la réfraction d’une année à l’autre n’a pas d’importance. Il ne sera congédié simplement parce que plusieurs années après s’être qualifié pour son emploi, la réfraction se situe à -1,00 dioptrie (D). Les interventions indiquées pour les troubles réfractifs sont le LASIK (laser in situ keratomileusis), la photokératectomie réfractive (PKR) ou laser excimer de surface, les interventions de la cornée visant une rétraction thermique du collagène, les LIO phakiques et l’échange du cristallin à but réfractif (voir les tableaux 1 et 2). Correction de la vision au laser Bien que les chirurgiens spécialisés dans la chirurgie réfractive aient leurs propres limites inférieure et supérieure, la gamme de correction pour le LASIK et la PKR est d’environ +5,00 D à -10,00 D. L’astigmatisme entre 0,25 D et -6,00 D peut également être corrigé au laser. Les options en ce qui concerne la correction de la vision au laser par le LASIK et la PKR incluent l’ablation conventionnelle ou l’ablation personnalisée (figure 1). On obtient la Disponible sur Internet à : www.ophtalmologieconferences.ca COMPTE RENDU DES CONFÉRENCES SCIENTIFIQUES DU DÉPARTEMENT D’OPHTALMOLOGIE ET DES SCIENCES DE LA VISION, FACULTÉ DE MÉDECINE, UNIVERSITÉ DE TORONTO FACULT Y OF MEDICINE Un i v e r s i t y o f To r o n t o Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision Jeffrey Jay Hurwitz, M.D., Rédacteur Professeur et président Martin Steinbach, Ph.D. Directeur de la recherche The Hospital for Sick Children Elise Heon, M.D. Ophtalmologiste en chef Mount Sinai Hospital Jeffrey J. Hurwitz, M.D. Ophtalmologiste en chef Princess Margaret Hospital (Clinique des tumeurs oculaires) E. Rand Simpson, M.D. Directeur, Service d’oncologie oculaire St. Michael’s Hospital Alan Berger, M.D. Ophtalmologiste en chef Sunnybrook and Women’s College Health Sciences Centre William S. Dixon, M.D. Ophtalmologiste en chef The Toronto Hospital (Toronto Western Division and Toronto General Division) Robert G. Devenyi, M.D. Ophtalmologiste en chef Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision Faculté de médecine Université de Toronto 60 Murray St. Bureau 1-003 Toronto (Ontario) M5G 1X5 Le contenu rédactionnel d’Ophtalmologie – Conférences scientifiques est déterminé exclusivement par le Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médicine, Université de Toronto. Tableau 1 : Interventions de chirurgie réfractive myopique indiquées dans les troubles réfractifs 0 -10 -2 -30 D Figure 1 : La correction de la vision au laser fournit aux patients l’option de réduire leur dépendance aux lunettes ou aux lentilles de contact Photokératectomie réfractive ± mitomycine C LASIK LIO phakique Échange du cristallin à but réfractif meilleure qualité de vision et la meilleure acuité visuelle corrigée avec l’ablation personnalisée que l’on peut réaliser par une ablation asphérique, une ablation guidée par l’analyseur de front d’ondes ou par une ablation guidée par topographie. Une ablation asphérique utilise les mesures obtenues par la kératométrie pour ajuster la fréquence à laquelle le laser est appliqué sur la cornée semipériphérique, de façon à obtenir une courbure de la cornée plus allongée1. Cette courbure ressemble à celle de la cornée normale, qui est plus bombée au centre et plus plate à la périphérie. Cela réduit l’induction d’une aberration sphérique et améliore la qualité de la vision nocturne. Une ablation guidée par l’analyseur de front d’ondes vise à réduire les aberrations d’ordre supérieur (coma, trilobe et sphérique) qui peuvent affecter la qualité de la vision 2. En général, les patients présentant une faible incidence d’aberrations d’ordre élevé obtiennent de bons résultats avec une ablation sphérique, alors que ceux qui présentent une incidence élevée d’aberrations d’ordre élevé obtiennent un meilleur résultat avec l’ablation guidée par l’analyseur de front d’ondes. Une ablation guidée par topographie corrige les cornées irrégulières et améliore la meilleure acuité visuelle corrigée4. Contrairement à l’imagerie du front d’ondes qui mesure 150 à 250 points réfractifs de l’œil, un système topographique peut mesurer plus de 22 000 Tableau 2 : Interventions de chirurgie réfractive hypermétropique indiquées dans les troubles réfractifs 0 +5 +10 +20 D Rétraction du collagène Photokératectomie réfractive LASIK LIO phakique Échange du cristallin à but réfractif 2 points sur la cornée. La transmission de ces données à l’ordinateur du laser permet d’améliorer la meilleure acuité visuelle corrigée par des lunettes chez les patients atteints de kératocône, d’une forme fruste de kératocône et d’autres formes d’astigmatisme irrégulier. Récemment, on a obtenu de meilleurs résultats avec la PKR (figure 2) grâce au développement du laser à point lumineux mobile qui produit une ablation plus lisse, de plus grandes zones optiques et de transition permettant d’éviter le risque de formation de tissu cicatriciel sur la cornée, aux techniques de refroidissement (p. ex. la glace) qui réduisent l’inflammation 5 et aux traitements pharmacologiques d’appoint (p. ex. mitomycine C topique6 et vitamine C orale7) qui diminuent le flou cornéen (haze). Une technique Epi-LASIK, qui utilise un microkératome dont la lame est émoussée pour créer un lambeau épithélial, est présentement mise au point 8. Le lambeau épithélial est soulevé, l’ablation au laser est réalisée et le lambeau est remis en place sur la zone traitée. Cette technique permet d’éviter les complications potentielles au niveau du lambeau associées au LASIK (p. ex. un trou dans le lambeau, un lambeau Figure 2 : Brosse rotative utilisée dans l’ablation de surface au laser pour extraire l’épithélium cornéen incomplet et une kératite lamellaire diffuse). Les résultats cliniques initiaux démontrent que la récupération visuelle est plus rapide comparativement à la PKR. Les améliorations faites dans la technologie du microkératome pour le LASIK ont entraîné une plus grande innocuité et une plus grande prédictabilité de l’épaisseur du lambeau. Le laser femtoseconde est maintenant une option pour la dissection d’un lambeau 9. Bien que les résultats cliniques avec le laser se soient améliorés, il existe des rapports contradictoires sur la technologie qui est supérieure : le microkératome mécanique ou le kératome laser9,10. Le laser permet la découpe du lambeau mince dans des couches superficielles de la cornée, ce qui accroît l’innocuité de l’intervention. Il reste à savoir si cette technique permet d’obtenir de meilleurs résultats que la PKR. Implantation de LIO phakiques et échange du cristallin à but réfractif Pour les fortes myopies (supérieures à -10 D) ou hypermétropies (supérieure à +5D), une intervention intraoculaire doit être envisagée (p. ex. LIO phakique ou échange du cristallin à but réfractif)11. La LIO phakique est insérée dans la chambre antérieure et fixée à l’iris (p. ex. lentille Verisyse, figure 3) ou derrière l’iris et en avant du cristallin (p. ex. une lentille intraoculaire [LIO], figure 4) 12. Les avantages de la LIO phakique sont la réversibilité et la conservation de l’accommodation. Les contre-indications sont les grandes pupilles > 7 mm et une profondeur de chambre intérieure < 3,2 mm13. De nombreux patients atteints d’hypermétropie élevée ne sont pas admissibles à l’implantation d’une LIO phakique du fait que leur chambre antérieure est peu profonde. Le chirurgien commande un implant phakique (puissance sphérique, astigmatisme, axe et diamètre) sur la base de la réfraction, de la profondeur de la chambre antérieure et du diamètre cornéen horizontal. Un échange du cristallin à but réfractif consiste simplement à extraire le cristallin et à insérer une LIO. L’intervention est réalisée généralement sous anesthésie topique par une incision cornéenne nette. Ni des points de suture ni couvre-oeil sont nécessaires. L’astigmatisme peut être traité en insérant un implant intraoculaire torique et/ou par des incisions relaxantes limbiques. En Figure 3 : LIO phakique Verisyse fixée à l’iris semi-périphérique Figure 4 : Lentille intraoculaire plus de corriger les fortes myopies ou hypermétropies, un autre cas à prendre en considération est le patient âgé de plus de 60 ans dont le cristallin a perdu la quasitotalité de son pouvoir d’accommodation. S’il présente des signes de cataracte précoce, le mieux pour le patient est l’extraction du cristallin et l’insertion d’un implant, au lieu d’une correction de la vision au laser. L’imagerie du front d’ondes est en cours de développement et cette modalité permettra de différencier les aberrations d’ordre élevé de la cornée et celles du cristallin. Si les aberrations sont sévères et proviennent principalement du cristallin, un échange du cristallin à but réfractif est l’intervention de choix. Les innovations dans les implants intraoculaires fournissent davantage d’options aux patients devant subir un échange du cristallin à but réfractif. Des implants pseudo-accommodatifs ou multifocaux sont maintenant disponibles. La lentille qui est depuis le plus longtemps sur le marché est l’implant Array qui présente une série de zones concentriques sur la face antérieure (Advanced Medical Optics). Elle permet aux patients d’obtenir une bonne vision de loin et de près. Les patients se plaignent souvent de la présence de halos autour des points lumineux après l’opération, mais ceux-ci diminuent généralement avec le temps14. La lentille Restor (Alcon) utilise un principe différent qui incorpore une optique de réfraction et une optique de Figure 5 : La lentille Restor qui a une optique centrale diffractive et une optique périphérique réfractive Ophtalmologie Conférences scientifiques 3 diffraction (figure 5)15. La zone centrale de l’optique de 3,5 mm est la partie diffractive. La lentille est conçue avec une série de cercles concentriques dans sa partie centrale dont la distance diminue en périphérie de 1,3 micron à 0,4 micron. La nuit, lorsque les pupilles sont grandes, la plupart de l’énergie lumineuse est utilisée pour la focalisation à distance et par conséquent, l’incidence de l’éblouissement et des halos est faible (environ 15 %) et généralement de sévérité modérée. La sélection et les attentes des patients sont essentielles pour l’acceptation des lentilles multifocales. De plus, l’exactitude des valeurs biométriques et une mise en place précise de la lentille sur la partie centrale et dans le sac capsulaire sont essentielles au succès de l’intervention. Il est important que l’astigmatisme postopératoire soit faible pour obtenir une acuité visuelle non corrigée satisfaisante. Un implant intraoculaire idéal fournit une excellente vision à toutes les distances focales. De nombreux travaux ont été effectués en vue de mettre au point une lentille accommodative. La première lentille approuvée aux États-Unis était la lentille Crystalens16, qui est un implant intraoculaire qui possède une charnière contiguë à l’optique pour permettre à cette dernière d’avancer légèrement grâce à la contraction du muscle ciliaire qui entraîne une pression accrue sur le corps vitré, ce qui améliore la vision de près. L’optique de la lentille est petite (4,5 mm). Une capsulotomie au moyen d’un laser YAG ne diminue pas l’efficacité de la lentille. Un autre implant accommodatif utilisé dans des essais cliniques est le Visiogen Dual Optic Lens (deux optiques reliées par un système haptique à ressort)17. Les interventions intraoculaires sont généralement associées à une cicatrisation minimale et à un rétablissement rapide de la vision. Le principal risque est l’infection ou l’endophtalmie, qui sont extrêmement rares, survenant dans moins d’un œil sur 10 000 yeux. Chez les patients souffrant d’une forte myopie, l’intervention intraoculaire est associée à un risque accru de décollement de rétine15,19, mais l’implant phakique entraîne un risque moins élevé que l’échange du cristallin à but réfractif. Les examens préopératoires et postopératoires du fond de l’œil avec dilatation de la pupille sont essentiels pour détecter une déchirure de la rétine qui peut être traitée. Une LIO phakique ou un échange du cristallin à but réfractif confère généralement une vision d’excellente qualité. En présence d’un défaut réfractif résiduel, la correction de la vision au laser peut optimiser l’acuité visuelle non corrigée. Cette intervention est généralement réalisée au moins 2 à 4 mois après l’intervention intraoculaire. La combinaison des interventions est appelée une intervention bioptique. Rétraction thermique du collagène Des interventions de la cornée visant une rétraction thermique du collagène ont été mises au point pour augmenter la courbure de la partie centrale de la cornée, afin de corriger l’hypermétropie. Le laser à holmium est utilisé pour créer de multiples brûlures superficielles sur la cornée périphérique. Cependant, il 4 existe une incidence élevée de régression sur une période de 1 à 2 ans après l’intervention et ce laser est rarement utilisé aujourd’hui. Une nouvelle technologie mise au point par Refractec, appelée la « kératoplastie conductive », consiste à appliquer un courant haute fréquence dans le stroma semi-périphérique pour créer de multiples brûlures profondes (80 % de profondeur). Lorsqu’une série de 8 à 32 points de traitement sont placés dans plus de 3 cercles à la périphérie cornéenne (zones optiques de 6, 7 et 8 mm), des stries se forment entre les points pour créer un anneau de resserrement. Cela entraîne un cambrement du centre de la cornée et corrige l’hypermétropie. Les données cliniques ont démontré de meilleurs résultats qui sont généralement limités à 2 D d’hypermétropie20. L’avantage de l’intervention est qu’aucune incision n’est effectuée dans la partie centrale de la cornée. Cependant, cette intervention n’offre pas une aussi grande prédictabilité et stabilité que la correction de la vision au laser. On a montré un intérêt renouvelé dans l’utilisation de cette intervention pour la correction de la presbytie en induisant un degré de myopie pour permettre la lecture. Anneaux intracornéens Cette intervention a été mise au point initialement pour la correction des faibles myopies par l’implantation de deux hémi-anneaux en polyméthylméthacrylate (PMMA) dans le stroma cornéen semi-périphérique (figure 6). Une petite incision verticale d’environ deux tiers de l’épaisseur cornéenne, est effectuée sur le côté supérieur. Un anneau de succion est ensuite placé sur la sclère pour augmenter la pression oculaire et rendre la cornée ferme. À l’aide d’un dissecteur circulaire en métal, un sillon est créé de chaque côté de l’incision initiale. Les segments annulaires (qui existent en différentes épaisseurs) sont ensuite insérés dans la cornée. En augmentant l’épaisseur de la cornée semipériphérique, le centre de la cornée est aplati. La nouvelle courbure de la cornée recouvrant la pupille permet de corriger les faibles myopies. Bien que l’intervention soit attrayante en raison de sa réversibilité potentielle, la correction du trouble réfractif n’est pas aussi bonne qu’avec la correction de la vision au laser et cette technique ne permet pas de corriger l’astigmatisme ou l’hypermétropie. Elle est rarement réalisée à l’heure actuelle Figure 6 : Segments annulaires intracornéens pour corriger la myopie pour la correction de la myopie, mais elle joue un rôle important dans le traitement du kératocône et de la kératectasie. Les segments annulaires peuvent aplatir la cornée et retarder la nécessité d’une kératoplastie transfixiante. Sélection des patients Il est extrêmement rare que la chirurgie réfractive entraîne des complications graves. La « déception » des patients est beaucoup plus fréquente et peut causer davantage de problèmes pour le chirurgien spécialisé dans la chirurgie réfractive qu’une perte de vision grave. La déception peut être minimisée par la sélection rigoureuse des patients (afin d’éliminer les types de personnalité inappropriés) et par la présentation des faits, de façon à ne rien dire ni faire qui pourrait susciter des attentes irréalistes. La mention d’une vision de 20/15 ou d’une « vision parfaite » peut entraîner l’attente d’un tel résultat. Il faut éviter de faire des promesses et faire plutôt des commentaires tels qu’une « vision considérablement améliorée » ou une « dépendance réduite aux lunettes et aux verres de contact » qui suscitent des attentes réalistes. Les outils de marketing et le personnel en relation avec les patients doivent également suivre cette ligne de conduite qui consiste à ne pas faire de promesses excessives. La sélection des patients ne peut pas être effectuée sur la base de critères objectifs uniquement. Les perfectionnistes, les personnes qui sont incapables de tolérer de petites déceptions, et d’autres qui seraient probablement terriblement contrariées si elles n’obtiennent pas une vision de 20/20 ou une meilleure vision à la suite de leur intervention doivent être exclus. Cependant, le temps limité passé avec le patient permet difficilement au chirurgien de repérer ces traits de la personnalité. La collaboration avec un médecin qui connaît le patient depuis des années et qui peut donc mieux juger de sa personnalité, est un grand avantage. Les meilleurs candidats à la chirurgie réfractive sont ceux qui sont très désireux de ne plus porter des lentilles correctrices (tableau 3), mais qui reconnaissent que leur vision non corrigée après l’intervention peut ne pas être tout à fait ce qu’elle était avec une correction avant l’intervention. Les bons candidats sont relativement accommodants et capables de tolérer de légères déceptions. Le tableau 4 indique certaines attitudes et troubles ophtalmiques qui font d’un patient un mauvais candidat à la chirurgie. Il est essentiel de reconnaître ces facteurs pour réduire les problèmes postopératoires potentiels. Pour les patients subissant une PKR, on ne doit pas sous- estimer la possibilité d’une certaine gêne postopératoire et d’un certain retard pour obtenir une acuité visuelle optimale. Il vaut mieux souligner cette possibilité plutôt que de laisser le patient dans l’ignorance. On ne rencontre pratiquement pas ce problème avec le LASIK, où les patients n’éprouvent le plus souvent aucune gêne après l’intervention et récupèrent très vite leur meilleure acuité visuelle corrigée. Cependant, dans de nombreux cas, un patient peut être un candidat Tableau 3 : Bons candidats à la chirurgie réfractive • Très insatisfaits de leur dépendance aux lentilles correctrices • Pensent qu’ils ne sont pas de bons candidats aux lentilles de contact • Estiment que le port de lentilles correctrices les restreint dans la pratique de sports ou d’activités similaires • Pensent qu’ils auraient un meilleur aspect esthétique sans lunettes • Ils s’inquiètent de ce qu’ils deviendraient s’ils perdaient ou cassaient leurs lunettes ou leurs lentilles de contact • Préfèreraient simplement une vision fonctionnelle sans correction pour obtenir une excellente vision avec des lentilles correctrices • Seraient satisfaits si leur acuité visuelle non corrigée pouvait être améliorée dans une grande mesure, même si des lentilles correctrices étaient encore nécessaires • S’adaptent bien au changement • Sont accommodants ; peuvent accepter d’être déçus • Ne sont pas perfectionnistes à la PKR, mais non au LASIK. La PKR est l’intervention de choix dans les cas suivants : • Dystrophie de la membrane basale épithéliale entraînant un risque accru de prolifération de l’épithélium dans la chambre intérieure avec le LASIK. • Zone centrale de la cornée relativement mince et ainsi il resterait < 250 microns de tissu dans le lit cornéen après l’ablation (le LASIK entraîne un risque d’ectasie cornéenne). • Fissures palpébrales étroites et/ou yeux profond (ce qui rend difficile l’utilisation du microkératome). • Kératocône ou forme fruste de kératocône (risque d’ectasie cornéenne avec le LASIK) • Cornée extrêmement plate (< 39 D, ce qui entraînerait un lambeau d’un petit diamètre avec le LASIK), ou cornée dont la courbure est importante (> 48 D, entraînant un risque accru de trou dans le lambeau avec le LASIK ou d’ectasie en présence d’une forme fruste de kératocône). Tableau 4 : Mauvais candidats à la chirurgie réfractive • Âgés de moins de 18 ans • Réfraction instable/myopie progressive • Astigmatisme irrégulier avec perte de la meilleure acuité visuelle corrigée • Sécheresse oculaire, avec kératopathie ponctuée ou filaments • Cataracte • Herpes simplex • Maladie maculaire menaçant la vision (p. ex. rétinopathie diabétique) • Grossesse • Attentes irréalistes • Non désireux de se soumettre à un suivi Ophtalmologie Conférences scientifiques 5 Avant l’intervention • Les patients portant des lentilles de contact doivent cesser de les porter pendant une période suffisamment longue pour permettre à la cornée de se stabiliser (tel qu’indiqué par la réfraction et la topographie). Pour les patients portant des lentilles de contact rigides perméables au gaz, cette période peut être d’un mois ou plus (figures 7A et 7B). La cornée des porteurs de lentilles de contact flexibles se stabilise très rapidement, parfois en quelques heures. Cependant, une période d’une semaine est nécessaire pour être sûr que la cornée est stable. • La taille de la pupille doit être vérifiée, de préférence avec une lumière infrarouge (p. ex. la pupillométrie Colvard). Une estimation de la taille de la pupille peut être faite à l’aide d’une lampe à fente, l’éclairage de la pièce étant éteint et le patient fixant un point à distance. Actuellement, la correction de la vision au laser qui utilise de grandes zones optiques et de transition entraîne rarement un éblouissement ou des halos. En général, il n’y a pas de contre-indications à la chirurgie oculaire au laser sur la base de la taille de la pupille. Cependant, avec les implants phakiques, la taille de la pupille doit être < 7 mm. • Une sécheresse oculaire importante chez les patients atteints de kératopathie ponctuée doit être traitée agressivement avec des gouttes, des gels et des onguents ophtalmiques lubrifiants (p. ex. capsules BioTears, EyeV Inc.) et/ou des bouchons de silicone lacrymaux avant l’intervention. Si les symptômes ou les anomalies cornéennes ne peuvent pas être résolus, le patient n’est pas un bon candidat à la correction de la vision au laser. • Il faut exclure la présence d’un glaucome. Les patients atteints de glaucome sont plus susceptibles de présenter une pression intraoculaire élevée avec l’usage de stéroïdes topiques. De plus, une évaluation du disque optique et si cela est indiqué, une évaluation du champ visuel, peuvent être utiles, étant donné que la tension intraoculaire postopératoire peut être artificiellement basse après une correction myopique au laser, en raison de l’amincissement de la cornée. • Il faut rechercher les troubles rétiniens pouvant menacer la vision (p. ex. dégénérescence maculaire myopique, dégénérescence maculaire liée à l’âge, rétinopathie diabétique, etc.). Ces patients risquent de perdre la vision dans le futur et ne sont pas considérés comme de bons candidats à la chirurgie réfractive. • Il faut exclure les maladies rétiniennes périphériques (qui augmentent la probabilité d’une déchirure ou d’un décollement de rétine). • La qualité de la vision peut se détériorer lorsque la cornée après l’intervention est trop bombée (> 50 D) ou trop plate (< 36 D). La courbure cornéenne postopératoire doit être prédite. Si elle se situe en dehors d’une gamme acceptable, il faut recommander une LIO phakique ou un échange du cristallin à but réfractif. Questions médico-légales Dans certains cas, la situation du patient est problématique pour des raisons médico-légales. Par exemple, 6 Figure 7A : Astigmatisme irrégulier observé après le retrait d’une lentille rigide perméable au gaz. Porte des lentilles depuis plus de 20 ans Figure 7B : L’astigmatisme irrégulier a disparu après l’arrêt du port des lentilles de contact pendant 3 mois. Le patient est un bon candidat à la correction de la vision au laser si un patient atteint d’une maladie sous-jacente (p. ex. rétinopathie diabétique, dégénérescence maculaire myopique, dégénérescence maculaire liée à l’âge) souffre d’une perte de la vision 1 à 2 ans après la chirurgie réfractive, il peut tenir le chirurgien responsable plutôt que la maladie. Il faut faire preuve d’une extrême prudence dans ces cas. Étant donné que la vision d’un patient peut toujours être corrigée avec des lunettes ou des lentilles de contact, il peut être sage dans ces circonstances d’éviter l’intervention. La grossesse peut affecter la réfraction et la guérison de la plaie, et un événement fâcheux durant la grossesse peut être attribué à l’intervention ou aux médicaments utilisés. Par conséquent, il est sage de reporter la chirurgie réfractive chez les femmes enceintes. Soins postopératoires Les examens postopératoires permettent au médecin d’écouter et de conseiller le patient. Ils permettent également l’évaluation de l’acuité visuelle non corrigée, de la meilleure acuité visuelle corrigée avec réfraction manifeste, et la détection de toutes complications. S’il y a une perte de la meilleure acuité visuelle corrigée, la cause doit être identifiée. Après la correction de la vision au laser Une perte de l’acuité visuelle (tableau 5) peut être due à un astigmatisme irrégulier provenant d’un problème au niveau de l’ablation (ablation décentrée ou irrégulière, îlot central), à des complications au niveau du lambeau (p. ex. stries ou trou), à une kératite lamellaire diffuse, à une kératite superficielle, à un flou cornéen (haze) ou à un problème intraoculaire. En l’absence de preuve d’anomalies cornéennes ou de problèmes intraoculaires visibles à la lampe à fente, une vidéokératographie informatisée permet d’exclure un problème au niveau de l’ablation comme étant la cause. Un traitement additionnel au laser peut être nécessaire si la meilleure acuité visuelle corrigée ne s’améliore pas ou si les symptômes ne disparaissent pas. On obtient la meilleure vision corrigée et la stabilité de la réfraction plus tôt avec le LASIK qu’avec la PKR. Avec le LASIK, la meilleure acuité visuelle corrigée est rétablie généralement en 24 heures et l’on obtient une stabilité réfractive après 1 à 3 mois. Plus l’erreur de réfraction est faible, plus la stabilité réfractive est obtenue tôt. Avec la PKR, la meilleure acuité visuelle corrigée est généralement obtenue après 1 mois et la stabilité réfractive après 4 à 6 mois. Des fluctuations dans la vision sont rares après 3 mois avec le LASIK, et après 6 mois avec la PKR. Dans la plupart des cas, les fluctuations dans la vision sont dues à une sécheresse oculaire consécutive à l’intervention. Dans ce cas, des collyres, des gels, des onguents ophtalmiques lubrifiants, des acides gras oméga par voie orale ou un bouchon lacrymal peuvent être utiles. Pour les patients présentant une souscorrection ou une surcorrection, une reprise de l’intervention peut être envisagée, mais il faudra attendre au moins 4 mois après le LASIK ou 6 mois après la PKR. Ces délais ne sont qu’approximatifs, l’important étant d’attendre jusqu’à ce que la réfraction soit stable, avec un changement < 0,5 D par rapport à l’examen effectué le mois précédent. Si un patient souffre de myopie résiduelle ou consécutive et présente une presbytie ou une pré-presbytie précoce, un essai devrait être envisagé, afin de déterminer l’acceptabilité d’une monovision avant d’entreprendre une amélioration chirurgicale. Chez un patient qui est traité chirurgicalement afin de créer intentionnellement une monovision et qui connaît des difficultés, en particulier pour la conduite de nuit, on peut prescrire des lunettes pour corriger la vision de loin dans les deux yeux. S’il a des problèmes Tableau 5 : Causes de la perte de la meilleure acuité visuelle corrigée dans la correction visuelle au laser Infection Ablation décentrée Ablation irrégulière Îlot central Flou cornéen (haze) Kératite superficielle Kératite lamellaire diffuse Stries sur le lambeau Trou dans le lambeau Prolifération de l’épithélium dans la chambre intérieure LASIK + + + + + + + + + PKR + + + + + + + - + - au niveau de la vision binoculaire et de la pratique d’activités sportives, on peut faire l’essai d’une lentille de contact à l’oeil utilisé pour la lecture, afin d’améliorer la vision de loin. Si un patient se plaint d’éblouissements, de halos, de diplopie monoculaire ou d’une vision de qualité médiocre et que ces troubles ne s’améliorent pas après quelques mois, il est important d’identifier la cause. Toute erreur de réfraction résiduelle non corrigée peut entraîner des troubles visuels importants. La vidéokératographie informatisée permet d’identifier toute anomalie au niveau de l’ablation. Si aucune anomalie n’est identifiée au moyen de la topographie, il faut envisager une analyse du front d’ondes afin de déterminer si des aberrations importantes d’ordre plus élevé ont été causées. Dans ce cas, une ablation guidée par l’analyseur de front d’ondes ou personnalisée peut être réalisée dans le but d’éliminer les symptômes du patient et d’améliorer la qualité globale de sa vision. Après l’échange du cristallin à but réfractif Les complications sont rares et les risques sont semblables à ceux d’une extraction de cataracte avec l’insertion d’un implant intraoculaire. La complication la plus grave est l’endophtalmie. Fort heureusement, l’incidence est < 1 oeil pour 10 000 yeux. D’autres complications incluent l’œdème cornéen (transitoire ou permanent), la subluxation de l’implant, l’œdème maculaire cystoïde, la kératopathie toxique causée par les gouttes ophtalmologiques, l’opacification capsulaire et le décollement de rétine. La détection de ces complications est essentielle pour permettre une réadaptation hâtive. Une erreur de réfraction résiduelle peut être traitée soit par un implant secondaire dans le sulcus pour corriger l’hypermétropie ou la myopie, une incision relaxante limbique pour réduire l’astigmatisme ou une correction de la vision au laser. Après l’implantation de LIO phakiques Comme avec toutes les interventions intraoculaires, il existe un faible risque d’endophtalmie. Une complication plus fréquente associée à l’implantation d’une LIO phakique dans la chambre postérieure est le glaucome avec bloc pupillaire. Le patient éprouve de la douleur, sa tension intraoculaire est élevée et la chambre antérieure est peu profonde. Les iridotomies au laser faites antérieurement peuvent être fermées, nécessitant un nouveau traitement d’urgence. En général, les complications varient, selon la LIO phakique implantée et incluent la subluxation de l’implant (Verisyse > LC I) ; l’œdème cornéen transitoire (Verisyse > LC I) ; la cataracte (Verisyse < LCI) ; le glaucome pigmentaire (Verisyse < LCI) et le glaucome avec bloc pupillaire (Verisyse < LCI). Une erreur réfractive résiduelle peut être traitée par une correction de la vision au laser. Conclusion Les patients subissant une chirurgie réfractive nécessite une grande attention de la part de l’équipe de soins ophtalmiques, du premier appel téléphonique à la dernière visite de suivi. La détermination de l’aptitude Ophtalmologie Conférences scientifiques 7 des patients à subir une intervention réfractive est fondée sur des critères objectifs et sur une évaluation de leur motivation et de leur personnalité. Il faut dissuader les patients qui ne tolèreront pas une acuité visuelle inférieure à 20/15, les femmes enceintes ou les patients atteints d’une maladie rétinienne menaçant la vision de se faire opérer. Les candidats à la chirurgie réfractive doivent subir un examen externe de l’œil, un examen à la lampe à fente, un examen du fond de l’œil ainsi qu’un examen des réfractions manifeste et cycloplégique. Il faut déterminer la taille de leur pupille et effectuer une vidéokératographie informatisée, une pachymétrie et un examen d’imagerie du front d’ondes. Leur état de santé générale et leur sensibilité aux médicaments sont des éléments importants de l’anamnèse. La monovision doit être envisagée avec tous les patients atteints de presbytie et de prépresbytie précoce. Le chirurgien doit aider les patients à prendre une décision éclairée sur l’intervention qui leur convient le mieux, que ce soit la correction de la vision au laser, l’échange du cristallin à but réfractif ou l’implantation de LIO phakiques et doit s’assurer qu’ils n’aient pas des attentes irréalistes. Grâce à des lignes directrices claires et à un protocole efficace, la chirurgie réfractive sera profitable pour le chirurgien spécialisée dans la chirurgie réfractive, l’équipe de soins ophtalmologiques et le patient. Raymond M. Stein, M.D., FRCSC, est directeur médical, Bochner Eye Institute, Chef du service d’Ophtalmologie, Scarborough Hospital, Toronto ; ophtalmologiste consultant, Mount Sinai Hospital, Toronto ; Professeur adjoint d’Ophtalmologie, Université de Toronto et Président sortant de la Société canadienne de la cataracte et de la chirurgie réfractive. Références 1. Lin DT, Holland S. Prolate ablation preserves corneal profile. J Refract Surg 2003; 4:1-3. 2. 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In: The Fine Art of Prescribing Glasses, 3rd ed, Gainesville, Florida: Triad Publishing;2004. Réunion scientifique à venir 13 au 15 avril 2005 World Cornea Congress V Washington, DC Renseignements : Meeting Service Tél. : 866-614-5502 Fax : 877-878-3388 Courriel : WCCV@ laser-registration.com Site Web : www.ascrs.org Les avis de changement d’adresse et les demandes d’abonnement pour Ophtalmologie – Conférences Scientifiques doivent être envoyés par la poste à l’adresse C.P. 310, Succursale H, Montréal (Québec) H3G 2K8 ou par fax au (514) 932-5114 ou par courrier électronique à l’adresse [email protected]. Veuillez vous référer au bulletin Ophtalmologie – Conférences Scientifiques dans votre correspondence. Les envois non distribuables doivent être envoyés à l’adresse ci-dessus. Poste-publications #40032303 La version française a été révisée par le professeur Pierre Lachapelle, Montréal. L’élaboration de cette publication a bénéficié d’une subvention à l’éducation de Novartis Ophthalmics © 2004 Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médecine, Université de Toronto, seul responsable du contenu de cette publication. Édition : SNELL Communication Médicale Inc. avec la collaboration du Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médecine, Université de Toronto. MDOphtalmologie – Conférences scientifiques est une marque de commerce de SNELL Communication Médicale Inc. Tous droits réservés. L’administration d’un traitement thérapeutique décrit ou mentionné dans Ophtalmologie – Conférences scientifiques doit toujours être conforme aux renseignements d’ordonnance approuvés au Canada. SNELL Communication Médicale se consacre à l’avancement de l’éducation médicale continue de niveau supérieur. 130-012F SNELL