IndustriesCreativesF.. - Fédération Française de la Couture du Prêt
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13e RENCONTRES INTERNATIONALES DU TEXTILE ET DE LA MODE FÉDÉRATION FRANÇAISE DE LA COUTURE LES INDUSTRIES CRÉATIVES EN EUROPE – CRÉATION, INNOVATION, COMPÉTITIVITÉ samedi 27 avril 2013 / 14h30 Modérateur Pascal Morand, Professeur, ESCP Europe, Directeur de l'Institut pour l'Innovation et la Compétitivité i7 Intervenants Dominique Barbiery, Directeur, Paraffection ; Miguel Fluxà Orti, CEO, Camper ; Pierre Oudart, Directeur adjoint de la création artistique délégué aux arts plastiques, Direction Générale de la Création Artistique ; Stephan Schwarz, Président, Chambre des Métiers de Berlin ; Sidney Toledano, Président Directeur Général, Christian Dior Couture Pascal Morand Bonjour à tous. Aujourd’hui, je vais avoir un double rôle, un rôle d'animateur et un rôle d'idéologue ; je ne vais pas jouer les Souslov des industries créatives, mais un peu quand même. « Industrie créative » est un terme tendance, qui correspond à un corpus que nous allons expliciter. En matière d’emplois, d’espoir, nous sommes dans une situation française et européenne absolument exécrable et désastreuse. Nous avons environ 50% de jeunes chômeurs en Espagne, 26% en France. Pourtant nous allons, comme ce matin, adopter un ton optimiste sur tous ces sujets. Au niveau national et européen, bien que la situation soit meilleure en Allemagne, en Autriche et en Suisse, il y a parfois des erreurs de raisonnement et ce ne sont pas des questions de politique de droite ou de gauche, ce sont plutôt des questions de paradigme. On utilise de plus en plus ce terme d’industrie créative, terme plutôt anglais à l'origine, développé à partir de la fin des années 1990 comme argument fondamental par Tony Blair. Lui et ses équipes avaient compris que les creative industries pouvaient jouer un rôle très important pour le renouveau de l'industrie et de l’économie britannique. Le terme d’industrie culturelle a été utilisé pour la première fois en 1947, mais dans un autre contexte, par l’école de Francfort, Adorno et Horkheimer. 1 Qu'y a-t-il dans les creative industries ? La mode, le design, l'architecture, le cinéma, la musique, les jeux vidéo, les jouets, les médias, la pub, la communication, puis d'autres secteurs qui ont tous comme caractéristique d’avoir la création, la créativité dans son aspect esthétique comme matière première ou en tout cas majoritaire. Si vous googlez « créative industries », vous trouverez même parfois dans Wikipédia le software, la recherche et le développement. On pourrait dire que tout est dans tout, mais vous voyez bien l'idée et l'état d’esprit. De plus en plus de travaux sont réalisés sur ce thème et ce n’est qu’une question de terminologie : l’industrie n’est plus uniquement manufacturière mais globale. La distinction industrie/service est caduque, c'est important dans les problématiques de réindustrialisation. Des études économiques ont été réalisées. Il serait d’ailleurs bienvenu d’en faire une de cette nature en France pour comprendre que l'avenir du pays ne changera pas si l’on passe de 2,3 % du PIB dévolu à la recherche et au développement à 2,75 % ! C'est important mais cela ne suffit pas, c’est éventuellement une condition nécessaire mais pas suffisante. Des initiatives ont été prises par la Direction Education et Culture au niveau européen et des recherches ont conduit au fait que dans un sens assez limité les industries créatives représentaient environ 2,6 % du PIB ; appliqué en France, cela ferait 50 milliards, je pense que c'est beaucoup plus. Sidney Toledano 400 milliards à l'échelle européenne. Pascal Morand 50 milliards en France, le chiffre est largement sous-estimé, Vous pouvez faire le prorata avec les 5 millions d'emplois. Je pense que nous sommes à beaucoup plus que cela. Les Britanniques sont très en avance sur ce sujet et pas seulement depuis Tony Blair. Des études en Grande-Bretagne démontrent que ce domaine représentait 4 % du PIB en 1997 et 8 % en 2004. On sait qu'à Londres, les industries créatives représentent une importance équivalente à celle de la finance. Ce secteur a été très créatif, pour le pire plus que pour le meilleur, je ne l'inclue donc pas dans ces données. Nous sommes quoi qu’il arrive sur des chiffres majeurs. Si le pouvoir d'influence de la France, de l’Allemagne et de l’Europe est grand dans le monde autour de ce sujet, le Japon s’en préoccupe aussi, tout comme les Etats-Unis d’une manière évidente avec Barak Obama. Je ne vais pas énoncer tous les pays, ce serait trop long. Au Japon, cette stratégie s’appelle Cool Japan, c’est à la fois un vecteur d’importance économique et d'influence. La Corée fait aussi beaucoup de recherche et développement, elle se lance à fond dans les industries créatives, notamment dans la mode. Elle reste cependant lucide quant au fait qu’elle ne sera jamais leader dans la mode à un horizon imaginable. Elle supporte deux autres secteurs d’industries créatives, les dramas ou séries télévisées telle que Winter Sonata qui est vu par des dizaines de millions de spectateurs et puis évidemment la K-pop, bien au-delà du Gangnam Style. Dans ma liste non exhaustive, je n'ai pas parlé des arts du spectacle ni des métiers d’art qui pourtant font partie de la compréhension globale du sujet. Je vais laisser la parole à Dominique Barbiery, Directeur de Paraffection, qui a une formation d’ingénieur en packaging et conditionnement, donc déjà branché ingénierie et design par ses études. Dominique conduit aujourd’hui ce formidable projet, qui n'est pas uniquement œcuménique mais qui est aussi un projet business situé au carrefour de ces notions d'industries créatives. En effet, il ne s'agit pas seulement de respecter les métiers d’art, la tradition, Amélie Poulain, cela va bien au-delà ! Dominique Barbiery Bonjour à tous. Effectivement, je m'occupe des métiers d’art de Chanel. J'étais déjà venu l'an dernier pour parler des savoir-faire. On se rend compte dans nos métiers qui sont assis sur les traditions, où l'on défend effectivement des savoir-faire, que la création et l’innovation sont des vecteurs de développement indispensables. Je l’illustrerai de deux façons. Tout d’abord, nous essayons de faire revenir dans nos « petits » métiers des créatifs qui travaillent la plume, la broderie… parce que, même si historiquement il y a toujours eu 2 des créatifs dans ces métiers, la petite tendance Amélie Poulain caractérisée par un savoir-faire qu'il ne faut pas bousculer a parfois éloigné les jeunes créatifs de ces métiers. Redonner de l'importance à la créativité, créer des tensions et parfois des difficultés quand ces domaines se rencontrent, d’un côté le savoir-faire et la tradition, de l’autre la créativité est essentiel à la continuité de ces sociétés. Ce qui est important également, au-delà de cette capacité des métiers à innover, c'est aussi l'impérieuse nécessité à suivre les rythmes de la mode. Avant, ces sociétés travaillaient principalement dans la haute couture avec une ou deux collections par an, sur un rythme lent. Aujourd’hui, elles ont su garder cette créativité tout en amenant un rythme extrêmement rapide dans la mode. Elle doivent plus régulièrement (elles sont quasiment en permanence en développement de collection) être capable d'accompagner le rythme créatif de la mode. Pascal Morand Peux-tu dire un mot sur les tensions qui peuvent exister entre la création et l'industrie et le caractère très positif de celles-ci ? Parce que toutes les industries créatives y sont confrontées, cela devient indispensable, incontournable. Dominique Barbiery Ce matin, il y a eu des comparaisons avec l'Italie et avec d'autres pays. Il est vrai qu’à chaque fois que l’on recrute une personne créative dans nos métiers, des tensions parfois très compliquées se créent mais on estime aussi que sans ces frictions, il n'y aurait pas de créativité. Il faut bousculer les traditions, il faut que le savoir-faire soit perturbé par l'envie créative d’un autre de pousser une technique. On essaye de gérer ces tensions, je ne veux pas dire qu’on les crée volontairement mais, à travers elles, on voit que vraisemblablement la créativité sera au rendez-vous. Pascal Morand Je vais passer la parole à Pierre Oudart, directeur adjoint en charge des Arts Plastiques, fonction très importante au ministère de la Culture. Il a une grande et belle expérience dans le domaine des industries créatives notamment dans le Grand Paris. « Industries créatives » est presque une figure de style, un oxymore, c'est un terme complètement dans l’air du temps. Est-ce une vision de la création, de la culture conforme à la tradition de la maison de la culture, façon inauguration de la Maison de la Culture de Bourges par André Malraux en 1964, ou estce autre chose ? Quel rapport à la contemporanéité et à l’importance économique ? Pierre, quelle est ta vision ? Pierre Oudart Il y a déjà une réponse dans mon titre « Arts Plastiques à la Direction de la création artistique » qui fait référence à tout ce qui n'est pas spectacle vivant. Il y a tout aussi bien la mode, que le design, que les métiers d’art, etc. Comme tu l’as dit, nous travaillons aujourd’hui encore sur le corpus des industries culturelles de l’école de Francfort et l’on se rappelle Malraux qui disait que le cinéma est par ailleurs une industrie. L’idée qu'il fallait mettre en œuvre des politiques culturelles publiques avec ces industries date de la fin de la seconde guerre mondiale lorsque les Américains, très clairement, instituent les industries culturelles (Hollywood) comme sources de productivité, de bénéfices et de diplomatie d'influence, l’American way of life. En France, on développe tout un corpus de politiques culturelles publiques, qui sont encore à l'œuvre aujourd'hui et qui sont rassemblées dans un terme que vous connaissez tous « l’exception culturelle ». Cette formulation est parfois mal comprise dans le sens où ce n'est pas la culture française qui serait exceptionnelle par rapport à d'autres cultures qui le seraient moins, mais il faut comprendre « exception à la libéralisation des marchés ». Dès 1947, avec la création du Centre National de la Cinématographie, des dispositifs de régulation économique vont préserver, par le biais de prélèvement et de redistribution, une industrie culturelle française dans les secteurs particuliers que tu as cités, le cinéma, l'édition, la musique, mais aussi dans le théâtre privé et dans la mode. Pourquoi le corpus américain de Richard Florida sur la classe créative et le corpus anglais de Charles Landry sur les territoires créatifs sont-ils mobilisés aujourd'hui par la puissance publique, principalement mobilisés par les collectivités territoriales avant l'Etat ? Parce que cette notion de 3 territoires créatifs suppose une concentration d’acteurs sur un même territoire pour que la compétitivité se fasse. Nous sommes en plein dans ce changement d’époque qui s’effectue dans un contexte de crise économique que l'on connaît tous, un changement d'époque et donc de corpus, mais les vieux corpus ne veulent pas se laisser frapper d’obsolescence aussi facilement. Pascal Morand Il y a bien un combat de doctrines. Pierre Oudart Tout à fait, et sans doute en France ce combat de doctrines s'appuie-t-il sur des oppositions, des mises en tension entre création et innovation. Nous sommes dans un pays où l’on a parfois parlé de sociétés d’ingénieurs, où l'innovation est surtout perçue comme étant technologique, où tout ce qui est soft power, donc la création, la créativité, est moins bien considéré. Une anecdote que j'aime à raconter, pourquoi appelle t’on les étudiants en littérature dans les classes supérieures des Cagneux ? Je pensais que cela venaient du grec, Khâgne, Hypokhâgne mais pas du tout : ce sont les polytechniciens qui appelaient les Cagneux ceux qui avaient des genoux cagneux parce qu'ils n'étaient pas sportifs. Ce manque de considération pour la création comme vecteur économique est assez culturel dans notre pays où culture et économie ne font pas systématiquement bon ménage. Nous avons du mal à concevoir les activités artistiques, les activités de création comme étant économiquement valables. Trop souvent, on considère qu'il y aurait d’une part les industries culturelles qui rapportent (le cinéma, l’édition même si parfois cela n’est plus le cas) et les activités artistiques qui coûtent, c’est-à-dire qui sont nécessairement subventionnées. Là aussi, il s'agit de changer de paradigme. Pascal Morand Je cherche Julien Dourgnon, conseiller d’Arnaud Montebourg, du regard et qui je sais partage la même opinion. Je vais me tourner vers Miguel. Vous n’ignorez pas que les français ont tendance à être parfois très franco-français ? Mais pas à Hyères, pas dans la mode. Vous avez une marque espagnole réputée, Camper, fondée par votre famille et qui a connu un nouveau départ en 1975. Vous êtes originaire de Majorque où, si je ne me trompe, Camper signifie paysan. Miguel Fluxà Orti Oui, vous avez raison. Camper signifie fermier, quelqu’un qui vient de la terre. Camp signifie la terre en dialecte catalan. Pascal Morand Cela montre que vous êtes établis dans le monde de la créativité et du design d’une part et profondément ancré dans vos racines d’autre part. Miguel Fluxà Orti En fait, vos racines vous influencent nécessairement et la culture a beaucoup d’importance chez nous. Nos origines remontent à 1877 lorsque mon arrière grand père a fondé la première usine de chaussures en Espagne, à Majorque. Il a commencé par fabriquer des chaussures de protection contre les conditions climatiques, de très bonne qualité. L’usine existe encore aujourd’hui. Lorsque mon père a rejoint la société, il a trouvé le nom de Camper en 1975. La suite ressemble à ce qui s’est passé pour certaines marques françaises, notamment de luxe. Nous avions le savoir faire et l’expertise artisanale. Il y a ajouté deux éléments : le confort d’une part, lié à la technologie car il existe aujourd’hui beaucoup de nouveaux matériaux et il voulait fabriquer des chaussures confortables pour tous les jours - la créativité d’autre part pour rendre le produit plus design, plus original. Les chaussures étaient très classiques du temps de mon arrière grand père. La créativité est au cœur de notre métier, nous l’avions compris à l’époque et cela reste vrai aujourd’hui. Elle est partout : dans le produit, les boutiques, la communication. Elle s’ajoute au savoir faire, à la qualité et à l’environnement. Nous sommes méditerranéens et Majorque est un lieu très créatif, on y trouve toujours une belle lumière qui attire les peintres, les artistes… 4 Pascal Morand De belles histoires se sont créées en Espagne, notamment pendant la période de la Movida qui nous a donné Pedro Almodovar, Javier Mariscal et beaucoup d’autres dont on pourrait parler. Vous avez réussi à faire de Camper une marque globale réputée. Que diriez-vous, en quelques mots, de la situation difficile que connaît votre pays aujourd’hui ? Miguel Fluxà Orti La situation en Espagne est effectivement très difficile actuellement, je pense qu’elle l’est dans toute l’Europe. Nous avons un taux de chômage de 26%, de 50% chez les jeunes de moins de 30 ans. Le seul moyen de s’en sortir est de parier sur la qualité et la créativité, et certainement de ne pas avoir peur. C’est la seule solution. Nous ne pouvons pas nous battre sur le terrain du prix, entre autres, mais nous avons cette culture, ce savoir faire exceptionnel pour fabriquer des produits de qualité, et si nous perdons cela, nous sommes finis. Nous sommes très vigilants à conserver notre savoir faire chez nous, et je pense définitivement qu’il faut parier sur le développement de nouveaux produits. J’aimerais que les entreprises espagnoles n’aient pas peur de s’impliquer dans le futur. Bien sûr, c’est difficile mais il y a du talent, du savoir faire et pas seulement en Espagne, en France et en Europe aussi. Nous devons en tirer avantage. Pascal Morand Après l’Espagne, parlons de l’Allemagne. Stephan Schwartz occupe une place importante dans la gouvernance de ESCP Europe, vice-président du campus à Berlin et membre du conseil d’administration de l’école. Il dirige aussi avec brio une entreprise de type Mittelstand, donc de taille intermédiaire, selon un modèle qui constitue une grande force de l’industrie allemande. Son entreprise, GRG Services, assure notamment les services d’entretien pour les hôtels et les collectivités. Stephan Schwartz est également vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie de Berlin, président de la Chambre des métiers, c’est-à-dire des métiers de l'artisanat et des métiers d’art. A ce titre, il est aussi président de l’association des Amis du Musée des Arts décoratifs de Berlin qui a d’ailleurs consacré une exposition à un styliste primé au Festival d’Hyères. Enfin, il est très attaché à la culture puisqu'il a été élève de l’historien Pierre Chaunu, puis il a démarré sa carrière en tant qu'éditeur avant de rejoindre l'entreprise familiale. Merci beaucoup d'être là. Egalement parmi nous Jette Joop, designer renommée qui après avoir démarré dans le design automobile, œuvre aujourd’hui à la fois pour la mode, la bijouterie et la joaillerie. Nous allons pouvoir évoquer le cas de Berlin et de l'Allemagne qui réussit très bien, même si l’année 2013 est difficile. L’Allemagne reste une référence pour nous, on connaît l’importance extrême et la complexité des liens entre nos deux pays. D’autre part, Berlin a un succès et une renommée incroyables depuis quelques années, cette ville n’a pas de passé industriel ou d'industries lourdes et est très ancrée dans les industries créatives. C'est une ville attractive, très cosmopolite, avec une grande tradition berlinoise. Lorsque l’on voit des designers et des écrivains partir vivre à Berlin, je pense à Marie NDiaye notamment, on comprend que beaucoup de choses s’y passent. Ce qui est très important à Berlin, ce n'est pas seulement la création, l’art ou l’underground, c’est aussi une priorité stratégique pour toi en tant que dirigeant, personnalité berlinoise et personnalité allemande dans tes échanges avec le land de Berlin et avec les dirigeants fédéraux d’Allemagne. Peux-tu commenter tout cela ? Stephan Schwartz Merci Pascal. Nous avons en Europe un grand défi que je comparerai à l'histoire et au développement de Berlin. L’Europe est dans une situation compétitive que nous n’avons jamais connue auparavant. Elle représente 7 % de la population mondiale, produit 25 % du PIB mondial mais - et on ne doit jamais l’oublier - elle représente aussi 50 % des dépenses sociales mondiales. En général, on est d'accord pour dire que ce modèle fonctionne, que c'est un modèle qu'il faut préserver, mais on y perd beaucoup de compétitivité. Si on se projette dans l'avenir, d’ici quelques années nous ne pourrons plus produire 25 % du PIB mondial ni générer 50 % des dépenses sociales, cela va changer. Il faut bien sûr réfléchir aux moyens de 5 réindustrialiser l'Europe pour améliorer sa compétitivité. Je dis cela parce que Berlin en 1990, après la chute du mur, était exactement dans la même situation. Lorsque la ville était divisée, avec deux systèmes politiques, Berlin comptait 300 000 personnes travaillant dans l'industrie. Aujourd'hui, il en reste 100 000. La chute a été incroyable, très rapide, on a perdu 200 000 emplois. C’est un peu la situation de l’Europe en ce moment au niveau mondial. Que se passe-t-il aujourd’hui à Berlin ? Tout le monde parle de cette ville, de son atmosphère et de son dynamisme extrêmement créatifs, très attirants notamment pour tous les globe-trotters mondiaux de la créativité. Il faut aussi dire que dans les 15 dernières années, on a créé 100 000 emplois à Berlin dans ce secteur, 100 000 ! C’est un chiffre incroyable qu’aucun politique à Berlin n'a vraiment remarqué. Ce n'était pas initié par la politique, cela s'est développé naturellement, sans intervention. Le mode de vie à Berlin fonctionne très bien puisque les coûts de vie y sont très faibles, ce qui attire des personnes de la sphère créative. Le climat culturel est créatif, je ne parle pas de nos 3 maisons d’Opéra qui, elles, représentent la haute culture. Nous avons une subculture très vivante. Nous avons par ailleurs une industrie de haute technologie très bien établie à Berlin et notamment de jeux vidéo. Dans le monde, il existe aujourd’hui 4 régions vraiment fortes dans la haute technologie: la Silicon Valley, Tel-Aviv, Singapour et soudainement Berlin. Je ne l'avais pas sur mon radar, sur mon écran, personne ne l'avait remarqué. Nous avons aussi beaucoup (de Venture Capital) d’entreprises de capital risque qui investissent dans ce domaine de la haute technologie. C’est pour moi l’industrie créative classique. Cela fonctionne, il y a une filière derrière et une production. De l'autre côté se trouve le monde de la mode, de la création où travaillent des milliers de personnes mais cela ne fonctionne pas, on n'a pas de capital, pas d'investissement et je me demande pourquoi ? Mais notre collègue va nous le dire, c'est cela la coopération franco-allemande ! Pascal Morand Sidney, quelle est ta vision de cette doctrine, de ce déficit politique, de ce potentiel politique que nous avons sur les industries créatives ? Il n'est pas besoin de présenter Sidney Toledano, nous connaissons tous le travail qu'il a accompli et sa grande réussite. Déjà auparavant chez Lancel, son parcours au départ avec la plus créative des écoles d'ingénieurs, Centrale. Puis tu as rejoint la maison Christian Dior il y a une vingtaine d’années et tu l’as conduite très loin. Je voudrais faire une parenthèse, mais parmi les dirigeants français, Sidney est celui qui a apporté le plus de valeur à une entreprise, cela a été reconnu et souligné par les médias internationaux. Au-delà de la maison Christian Dior, qui se situe très haut dans l'imaginaire mondial, tu es attaché à une doctrine, à cette problématique dans l'intérêt national et dans l'intérêt européen. Sidney Toledano Merci. Je répondrais tout à l’heure à Stephan Swartz sur Berlin. Je suis venu ici il y a dix ans quand l'ambiance était plus légère, même si c'était sans doute plus dur chez Christian Dior. Nous sommes venus avec mon compère Ralph Toledano voir des créatifs, la Villa Noailles, etc., éventuellement prendre du soleil. Aujourd’hui, je suis venu pour ce thème, pour ce sujet parce que j'espère que l'on va dire des choses qui vont avoir un écho ailleurs. Ailleurs, ce sont les pouvoirs publics, le Gouvernement français, en Allemagne et à Bruxelles. Il se passe quelque chose d'extrêmement important, les industries créatives et culturelles telles qu'on les dénomme à Bruxelles sont un secteur économique fondamental où nous avons une chance unique de réussir. Cela a été dit par le vice-président de la Commission européenne chargé des industries, Antonio Tajani, qui a reconnu que ce secteur du haut de gamme était très important. On dit « haut de gamme » à Bruxelles, monsieur Gallois parle de « Premium », je parle de luxe, terme qui souvent a fait peur aux gouvernements de gauche comme de droite. Une fois enlevés tous ces complexes, il faut quand même songer à notre industrie créative et culturelle. Pascal, tu as écris un papier très intéressant sur la culture morte et la culture vivante, où tu citais Baudelaire, dans la revue n° 19 sur le soft power dans la collection Mode de Recherche de l’IFM. 6 Tu parlais de l'Espagne, des Baléares qui sont des pays où il faut remonter à la culture. Les Camper, les Campesino, El Campo, l'Espagne, oui, il s'est passé beaucoup de choses. Il y a eu des nomades, des migrations, et si je fais de la maroquinerie, ce n’est peut être pas par hasard, il y a eu beaucoup de tanneurs à Tolède (Toledano), ils ont été chassés il y a quelques siècles. Je suis allé à Berlin après la chute du mur. Quand j’ai vu Berlin Est, j'ai dit : « Il va se passer quelque chose, il y a de l’ADN ». Vous avez eu les plus grands maroquiniers à Offenbach. Maintenant on se flatte en France de faire les plus beaux sacs en croco, mais ils étaient faits à Offenbach avant la guerre. Les grandes maisons de maroquinerie, Etienne Aigner, existaient et d'autres qui faisaient des sacs en crin de cheval. Je l'ai appris non pas dans les livres mais parce que j'ai écouté ceux qui m'ont formé. D’où l’importance de la transmission, de la formation, etc. Je reviens sur la culture morte et la culture vivante. Ici à Hyères, tout à l'heure Jean-Pierre Blanc me parlait de la maison qu'avait achetée Christian Dior en bas. Il s’y est passé des choses. Si les grandes marques françaises ont tellement réussi, c’est parce qu’elles ont la culture, l'histoire, le savoir-faire et surtout l’innovation. Je n'ai aucun mérite. J'ai eu la chance d'être dans une maison où j'ai vu un lieu, l’avenue Montaigne, un atelier de haute couture extraordinaire et des créateurs innovants complètement inattendus : John Galliano, Raf Simons, notre ami Gianfranco Ferre qui était là déjà quand je suis arrivé, mais qui n’a pas eu la chance de trouver son manager. J'ai vu comment l'innovation peut interagir avec l'histoire d'une maison, son aura, avec les petites mains qui ont le savoir-faire. J'espère qu'un jour on verra comment cette magie opère et que l'on pourra vous montrer des images. Il faut de grands cinéastes pour les réaliser, je ne parle pas de ces films sur la mode avec un personnage. Il est miraculeux de voir comment des êtres hyper créatifs en interaction avec des gens qui ont le métier peuvent donner des choses extraordinaires. On n’invente rien ! Les peintres qui faisaient la Chapelle Sixtine étaient des exécutants, dirigés par des concepteurs, mais ils maîtrisaient leur métier. C'étaient des mains, ce métier de mains dont on n'a pas assez parlé. Tout cela nous donne un avantage compétitif fondamental. Tu parlais de 2,6 % du PIB, on parle de 2 millions d'emplois dans le luxe, 5 peut être 7 ou 8 millions d’emplois indirects. Cela nous donne un avantage et nos concurrents le savent, ils nous mettent des barrières douanières, des conditions sur le packaging des parfums, des produits, etc., parce qu’ils savent que nous avons entre les mains un super-joker mais nous, on ne le sait pas. Seuls les entrepreneurs le savent. Au niveau européen, nous sommes toujours pris dans des discours. Au moment où la France doit s’allier avec l’Allemagne, où l’on a besoin d’être ensemble à Bruxelles – alors qu’Antonio Tajani va partir en Chine et au Brésil pour lever ces droits de douane excessifs - nous allons encore nous affaiblir avec des querelles de village. Voilà, c'était mon message militant mais important. Pascal Morand Merci Sidney. Pour rebondir sur le militantisme, tout l’enjeu des industries de mode, du luxe et du design au sens large, pour qu’elles soient les plus fortes possible sachant que ce sont elles qui ont le leadership des industries créatives en France et en Europe, est de porter cette parole dans toute l'économie, c'est fondamental. Tu as parlé de Premium. Effectivement il est difficile dans le discours public de parler de marques, de mode, de luxe, alors « Premium » est un terme un peu neutre, aseptisé qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à la crème glacée ou à l’essence ! Pour autant, ce n’est pas parce qu’il est utilisé dans l'excellent rapport Gallois que l'on va arriver à faire du Premium. Pourquoi Petit Bateau est une marque forte dans le textile habillement et parvient à conserver 1100 emplois en production en France sur 4000 ? L’entreprise, sans être une marque de luxe, joue cette carte. Il y a donc là un enjeu fondamental national et européen. 7 Je vais passer la parole à Isabelle Ginestet-Naudin qui joue un rôle important en tant que financière. Beaucoup de choses sont dites sur les banques, parfois à raison, parfois à tort mais lorsqu’on parle par exemple d’un contrat d'un milliard pour les chantiers navals, on ne se pose jamais la question de savoir comment il est financé. Isabelle, tu as en charge Mode et Finance à la Caisse des Dépôts et tout ce qui a trait aux industries créatives. Ce rôle va encore être étendu à la BPI dont on espère qu'elle va avancer sur le modèle allemand d'une manière sereine. Quelle est ton opinion sur ce sujet ? Isabelle Ginestet-Naudin Bonjour à tous. Je rejoins le combat pour les industries créatives que je mène pour ma part à la Caisse des Dépôts depuis 2005. Nous avons créé le premier fonds d’investissement à destination des industries créatives, c’est-à-dire à la fois la production audiovisuelle, le cinéma, l’édition, la musique et le luxe. Didier Grumbach m'a demandé fin 2009 de reprendre en gestion le fonds Mode & Finance qu’il avait lancé en 1999 avec une vision déjà très avant-gardiste. Nous continuons cette aventure en faveur des industries créatives en lançant un fonds pour les savoir-faire d'excellence qui, je l'espère, sera doté largement par la Banque Publique d'Investissement. Nous espérons avoir des moyens supplémentaires pour apporter des financements à ces industries qui sont bien souvent ignorées, sous-capitalisées, alors que l'innovation technologique est largement couverte. On peut regretter que ces industries plus traditionnelles, mais qui malgré tout font rayonner la France bien au-delà des frontières et que la performance économique des plus grands groupes ne dément pas, ne bénéficient pas des mêmes dispositifs. Pascal Morand La Caisse des Dépôts est-elle à fond derrière aujourd’hui ? La BPI est-elle convaincue ou est-ce la touche glam à côté d’activités sérieuses ? Isabelle Ginestet-Naudin Le directeur général de la BPI, Nicolas Dufourcq, y est assez attentif. Pour avoir défendu ce fonds auprès de lui, j’ai bon espoir. Il l’a repris dans ses propositions et l’a d’ailleurs présenté à l'Elysée dernièrement. Un certain nombre de personnes autour de nous font avancer cette cause au moins au sein des institutions publiques, alors continuons. J'aimerais seulement savoir pourquoi, contrairement à Berlin, les capital investisseurs ne s'intéressent pas aux industries créatives, à la mode ? Sidney Toledano Je n'ai pas dit les capital investisseurs. En Allemagne, il y a eu de grands créateurs, la maison Joop, Jil Sander qui a été une des premières à parler de minimalisme. Mais les Allemands ont été très clairs, ils ont favorisé l'industrie automobile et mécanique et ont très bien réussi. Il faut aller en Chine pour s'en rendre compte, voir quels matériaux, quelles machines sont sur les chantiers. Malheureusement, les créateurs ont quitté l'Allemagne ou ont disparu et vous les retrouvez à New York. Le fondateur de la maison Coach était un maroquinier allemand. Les créatifs sont des nomades, il ne faut pas l’oublier. On voit bien ce qui se passe dans la haute technologie et c'est là où, si l’on a la prétention de devenir une Silicon Valley, il faudra faire des choix, c’est peut-être déjà trop tard. Je vais à Tel-Aviv, en Californie, en Corée, en Chine et quand je vois le temps que l'on met à créer un deuxième MIT (Massachusetts Institute of Technology), je dis qu’il faut quand même être réaliste. L'Allemagne n’a pas à regretter d’avoir abandonné un peu la mode, elle a fait d'autres choix qui la placent devant nous. Mais cela va bouger. Il existe un terreau à Berlin qui ne demande qu’à faire pousser la bonne graine. Comme en plus vous avez de l'argent, s'il y a des investisseurs allemands qui ont du nez comme certains l’ont eu chez nous il y a 30 ans… Les groupes comme les nôtres font leur travail, mais je suis extrêmement étonné que dans un pays où il y a tellement d'opportunités, la BPI ne s'y intéresse pas. Il y a des évidences qu’on ne voit pas ! Cela permet à certains qui ont du nez de réussir. Isabelle Ginestet-Naudin La BPI n’est pas encore créée donc laissons-lui la chance de s’intéresser à ces industries. 8 Pascal Morand Il y a un secteur que je n’ai pas nommé parmi les industries créatives et qui est très important, c’est la gastronomie. De la salle, Ralph Toledano, Président de la Division Mode, Groupe Puig Je voulais donner une explication beaucoup plus triviale au phénomène que vous indiquiez quant à l’investissement dans les industries de la mode. Ce n’est pas du tout un phénomène propre à Berlin, à l'Allemagne, il est propre au monde entier. Les entreprises de capital investissement, et les investisseurs de façon très générale, sont des financiers qui ont besoin d'être rassurés, ils ont besoin d’un historique, de business plans qui reposent sur des réalités économiques, sur des réalisations tangibles. Ils n'ont tout simplement pas l’œil, ils ne savent pas reconnaître un talent chez un artiste et n’auront donc pas l’audace d'investir sur un individu l’argent qui leur a été confié, parce qu’ils ne vont pas pouvoir expliquer la rationalité de l'investissement. Stephan Schwartz Vous avez tout à fait raison, ce n'est pas seulement un phénomène berlinois, ni allemand, ni même européen. C’est tout le secteur qui manque d'investissements. Bien sûr, l'histoire explique cette situation mais je crains que nous perdions des traditions et des talents en Europe si l’on n'investit pas dans ce domaine. Si vous regardez en Chine, en Inde, au Vietnam, les investissements sont en train d'établir le savoir-faire que nous perdons ! On a vraiment besoin d'un changement de mentalité sinon à la fin de l’histoire, que nous restera-t-il en Europe ? Dans quel domaine est-on meilleur que tous ces pays émergents ? Dans l'innovation, la création. Nous sommes meilleurs par notre histoire, par notre civilisation commune en Europe et si l'on veut investir dans l'avenir, il faut le faire dans le secteur de la créativité. Pierre Oudart On vit ensemble un épisode assez typique, assez systématique, comme il y a 15 ans lorsqu’on commençait à parler d'Internet en France. « La lumière baisse, il pleut, il fait de plus en plus froid » et on ajoute de la dépression à la dépression. « On est mauvais, on est en retard, c'est terrible, personne n'a rien compris, personne ne comprendra jamais et on va tous mourir ». Mais peut-être pas en fait. Je vous rassure, certains sur les questions d'industries créatives connaissent le problème. Une très bonne étude a été faite par l'Institut de l’Aménagement et de l’Urbanisme d’Ile de France sur les industries créatives en 2008, qui montre que si l'on compare le grand Paris avec le grand Londres, en termes d'emplois, de productivité et de PIB, le grand Paris est devant Londres. On ne va pas transformer la dépression en autosatisfaction, mais il faudrait avoir des diagnostics un peu sérieux pour savoir certes où sont nos faiblesses mais aussi où sont nos forces. Et nos forces sont là ! Ensuite, il faut changer les mentalités mais pour cela il faut avoir des stratégies. Quand je travaillais sur le grand Paris, j’ai rencontré beaucoup d'associations de banlieue qui, sur la question du luxe par exemple, étaient totalement décomplexées. Le luxe est populaire, peut-être pas pour la petite bourgeoisie mais pour le plus grand nombre de nos concitoyens qui connaissent les marques, les produits. Certes ils ne peuvent pas toujours se les procurer, mais cela ne veut pas dire que ces produits et ces marques ne sont pas présents dans leur imaginaire. C’est sur cela qu’il faut travailler pour changer les mentalités. C'est bien ce que nous essayons de faire au ministère de la Culture en travaillant avec le ministère du Redressement productif et en insistant sur les écoles. Comme le dit Aurélie Filippetti, nous sommes le Ministère du redressement créatif sans lequel il n’y aura pas de redressement productif. Je peux vous assurer que je visite beaucoup d’écoles supérieures d’art en France qui sont vraiment des écoles de la créativité et on n’y est pas déprimé. Je pense à l’ENSCI par exemple, école sous tutelle des ministères de l'Industrie et de la Culture depuis 1980, nous sommes ensemble dans le conseil d'administration et nous ne disons pas que nous allons tous périr. Je pense que, comme à l’IFM, ces jeunes n’ont pas envie qu'on leur dise qu'ils sont mauvais, qu’ils ne vont pas réussir ni pouvoir créer leurs activités. Il faut développer entre nous un peu d'optimisme et de désir parce que, sans désir, on n'y arrivera pas. 9 Sidney Toledano Pour être très concret, nous sommes présents partout : à l’IFM, à l’Ecole de la Chambre syndicale, à la fois dans le temps et financièrement. Pour autant, dans leurs budgets, l'aide de l'Etat y est extrêmement faible. Nous formons les gens, nous les recrutons, nous sommes sur le terrain et c’est normal. Mais où ira-t-on les recruter demain ? En Chine, en Corée parce qu’ils seront mieux formés ? Il faut que le Ministère débloque des fonds, donne des priorités pour la formation. Lorsque je suis arrivé chez Christian Dior, que j'ai visité l'école de la rue Saint Roch, j’étais atterré ! J’y ai vu des élèves, des futures petites mains, des futurs stylistes dans des locaux épouvantables. Il a pourtant fallu débloquer des moyens. Et nous en cherchons encore, alors si vous pouvez aider la Fédération là-dessus, bienvenu. C'est une priorité. Pascal Morand On peut s’aider collectivement. Le message à faire passer est que l'on est juste - sans égocentrisme collectif - le modèle de ce que devrait être la France. Certains le comprennent, d’autres sont plus durs d'oreille. Jean-Jacques Launier participe à cette table ronde à différents titres. Il a fait beaucoup de communication, de publicités, grand expert de tout ce qui est animation et jeux vidéo. Il est fondateur d’un concept pour désigner l’entertainment art qui est l'art ludique, l'animation des bandes dessinées, vidéos, jeux vidéos. Il a aussi écrit un très beau livre sur l'art du ludique ainsi qu’un roman graphique avec Moebius. Il a également ouvert une galerie sur l’île Saint-Louis, l’Arludik. On a parlé de la place des jeux vidéo à Berlin. Il se passe beaucoup de choses à Paris et en France dans le domaine de l'animation, du jeu vidéo et pas seulement à travers Ubisoft, peux-tu nous en dire plus ? Jean-Jacques Launier Il est vrai qu’Arludik a été la première galerie à exposer et vendre les dessins originaux des créateurs de jeux vidéo, de films d’animation, de concept-designers de cinéma, ceux qui font les costumes, les décors, etc. et qui n'avaient jamais été exposés nulle part. L'animation en France est le premier genre cinématographique à être exporté dans le monde, nous en sommes le troisième fabricant mondial. Devant nous se trouvent encore les Américains et les Japonais, mais sur le jeu vidéo également, nous sommes très forts. Pascal Morand Combien d'emplois ? Jean-Jacques Launier Un peu plus de 15 000 emplois directs, sans compter tous les emplois indirects dans la musique, les effets spéciaux. Il y a une grande émulation. Avec un peu plus de 3 milliards de chiffre d'affaires annuel et le secteur est en pleine expansion surtout avec ces passerelles entre l'animation, les jeux vidéo, les iPad, les web-animation. L’animation a fait cette année 370 heures de programme pour un chiffre d'affaires de 177 millions d'euros. On est très créatifs, très forts. Mais là aussi, c’est un problème de reconnaissance. J'ai créé cette galerie pour montrer les artistes. Les points communs avec vos industries créatives se trouvent dans le dessin, le design. Ce sont souvent des travaux de commande, ils ne sont pas reconnus à la base comme de l’art. Je pense que c'est une question de mentalité. Lorsque j’explique comment travaillent les gens dans les studios d'animation, j'emploie souvent l’analogie des ateliers de la Renaissance italienne. Un créateur d’univers dessine et autour de lui des gens font du storyboard, des recherches de couleurs, des sculptures. Ce sont des artistes, des artisans autour d'une grande œuvre. C'est étonnant que le luxe ne soit pas reconnu - ou en tout cas cité comme vous l’expliquiez - mais de la même façon, l'animation est loin d'être considéré comme un art. Pascal Morand Un art, un business et une économie. Jean-Jacques Launier Peut-être est-ce dans notre mentalité que de ne pas reconnaître que nous avons des avantages fabuleux. En France, nous sommes très forts ! Les artistes français vont chez Pixar, il existe une bonne trentaine 10 d’écoles françaises d’animation, de jeux vidéo, dont les Gobelins. Quand je vais chez Pixar ou DreamWorks, j’assiste quelquefois à des déjeuners de français où ils sont 40 ou 50. Ils sont extrêmement influents là-bas mais ils le sont aussi en France. Mac Guff, qui vient d’être racheté par les Américains d’Universal, bosse bien mieux que les Américains mais il s’est fait racheter parce qu’il n'a pas été reconnu assez tôt. Nous avons ce complexe du « luxe » et du travail de commande. Il semble qu’il y ait antinomie entre l’industrie et l’art. Si nous arrivions à nous fédérer, nous aurions une émulation incroyable car la France, à ce jeu-là, est parmi les pionnières. A défaut, plein d’artistes, de créatifs vont à Berlin, j’en connais beaucoup. Je suis ravi d'avoir assisté à cette conférence parce qu’il y a beaucoup de synergies avec la mode, on a plein de projets, même avec la Caisse des dépôts, c’est vous dire ! On va vers une vraie reconnaissance et c'est génial. Pascal Morand Merci, Jean-Jacques. De la salle, Julien Dourgnon, Conseiller Politique d’Arnaud Montebourg, cabinet du ministère du Redressement Productif Bonjour. Je n'ai pas la chance d'avoir une connaissance aussi pointue du secteur que la vôtre mais j'ai la chance d'avoir des témoignages. Connaissant un peu l’aéronautique, le ferroviaire, la filière chimique, le textile, je peux dire qu’en réalité il y a des invariants. Tout d'abord, la création est dans tous les secteurs. Dans l'industrie chimique, il y a de la création, de l’inventivité, de l’innovation. En fait, tout cela est transversal. On a en France tendance à mettre les gens dans des catégories, dans des cases et ensuite il est difficile d'en sortir. Le Ministère envoie un premier message d'ordre moral ou culturel, c’est qu’il faut décloisonner, ce qui veut dire que les gens différents doivent se parler, notamment dans les entreprises. L’une des grandes forces de l’Allemagne n'a pas été de réduire simplement le coût du travail, c'est celle d’un modèle entrepreneurial - pas libéral ou financier - mais où au minimum un tiers des salariés occupent les sièges des conseils d'administration. C’est un modèle d’entreprise, j’allais dire de coproduction, de cogestion et donc un levier extrêmement puissant. On doit se parler aussi à l'intérieur des filières. Les entreprises têtes de pont, les grands groupes doivent soutenir les entreprises de taille intermédiaire. Nous observons depuis 15 ou 20 ans que la France, plutôt nation mercantiliste, donc tournée vers la production, a abandonné les politiques de filières c'est-à-dire de coopération, au bénéfice de la régulation concurrentielle. Trop de concurrence tue la coopération et chacun devient prédateur de l'autre, y compris à l'intérieur d'une même filière. La ligne profonde, politique que soutient Arnaud Montebourg est de recréer dans chaque secteur, aéronautique, ferroviaire, chimique, la mode, le luxe, des stratégies de filières. Nous avons connu cela en France lorsque ce rôle était tenu dans ce qu’on a appelé la « planification indicative », où l’on retrouvait les syndicats, les opérateurs, les entreprises. Ils se parlaient et définissaient un cap technologique qu'ils voulaient atteindre ensemble dans un système qui mélangeait concurrence et coopération. Nous voulons retrouver l'ADN économique de la France, qui est d’ailleurs un modèle un peu rhénan où l'on a une attention renforcée sur la production et où l’on tend à un équilibre entre régulation concurrentielle et coopération industrielle. J'ai entendu parler de la BPI, banque publique d'investissement. C’est une banque d’un nouveau genre, créée par une loi, qui a vocation à faire une concurrence déloyale aux banques traditionnelles. Son effet de levier se situe tout de même entre 38 à 42 milliards d'euros, avec une doctrine qui est celle de privilégier le temps long, et des exigences de rentabilité qui ne sont pas celles du monde financier mais celles du monde industriel, c’est-à-dire d’être moins gourmand et plus patient. 11 Enfin, nous sommes le pays où le taux d'épargne en Europe est l'un des plus élevés. Nous avons plus de 2000 milliards d'euros d'épargne en France dont 1650 en assurances-vie. Il y a donc là un chantier ouvert pour réorienter une partie de l'épargne nationale vers le développement industriel national. Pascal Morand Comme vous le voyez, ces politiques de filières sont essentielles dans nos secteurs mais aussi vers d’autres secteurs qui ont besoin d'aller vers le Premium ou vers le luxe, quel que soit le nom qu’on lui donne. De la salle, Dominique Jacomet, Directeur Général, Institut Français de la Mode Dans cette problématique des industries créatives, la formation joue un rôle essentiel et l’on peut donner quelques éclairages. Vous avez parlé de décloisonnement, c’est une clé. Un des facteurs de succès, c’est quand management et création se comprennent. On ne veut pas créer des espèces hybrides mais le dialogue est essentiel. Il faut créer ce décloisonnement entre les métiers, on a parlé du prêt-àporter, de la maroquinerie, des parfums, l’IFM va beaucoup plus loin dans la diversité de ces industries créatives. Ces marques françaises dans le monde ne se sont pas créées en une nuit, elles sont fondées sur l'histoire, sur l'héritage. Il faut le dire aux étudiants, aux jeunes, l’apprentissage est important. Autre remarque, il existe un type de marketing proctérien - versus le marketing de l’offre. Qui peut dire ce que le consommateur veut réellement en matière d’industrie créative ? Dans nos industries, c'est l'offre qui est la clé, c'est l’innovation, la création et c’est bien là le cœur du sujet. Le marketing doit les mettre en scène. Enfin, ce qui est compliqué dans la partie mode et luxe des industries créatives, c'est que ce sont de vrais produits, avec beaucoup d’immatérialité puisque ce sont des biens insignifiants, des biens d’expérience. Il faut donc avoir cet équilibre entre le produit que l’on porte et cette dimension immatérielle. Dernier point, je crois qu’il est important pour une école d'être dans un lieu qui incarne son projet. Reconnaissons que l’on a beaucoup de chance à l’IFM d'être à Docks en Seine, cette Cité de la mode et du design, quai d'Austerlitz. Ce lieu incarne le projet pédagogique de ce décloisonnement justement, de cette ouverture. Pascal Morand Les Docks, projet initié par Didier Grumbach il y a quelques années, visionnaire comme toujours. Sidney Toledano Je voudrais juste ajouter une remarque pour que mon propos soit clair. Nous sommes une industrie championne. Nous ne sommes pas déprimés, nous sommes leaders mais nous avons besoin de préparer demain. Il faut être réactif et nous avons besoin que le Gouvernement et la Commission européenne nous aident à passer les barrières douanières, à former, à recruter. J'ai transformé des ingénieurs en créatifs, j’ai un Centralien qui s’occupe de développement de matières, une polytechnicienne fait la supply-chain. Il faut casser ce système français épouvantable où l’on est ingénieur toute sa vie, ou commerçant ou avocat. Il existe des personnes hyper créatives qui viennent d'autres industries. Faisons des ponts, soyons à l’étranger pour pousser notre industrie. Il y a d’autres problèmes dans l’industrie française, c’est clair, mais en poussant parfois les leaders on pourra gagner encore plus de parts de marchés au bénéfice de l’ensemble de l'emploi en France. Pascal Morand Je n'ai pas assez parlé de la Cité de la Mode et du Design dont j’ai pourtant l'honneur de présider le conseil stratégique. François Belfort, directeur de cette Cité est avec nous et nous allons faire en sorte qu’il joue un rôle plus important dans ces industries créatives. De la salle, Didier Grumbach, Président, Fédération française de la Couture, du Prêtà-Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode Formation, création, financement. On parle beaucoup de l’IFM mais il existe aussi l’Ecole de la Chambre syndicale dont tu es président de la commission de formation, Sidney. Il est effectivement nécessaire de décloisonner, ce que nous faisons puisque nous avons constitué en réseau l’Ensad, l’IFM et l’Ecole de la Chambre syndicale. 12 En ce qui concerne la création, Jean Pierre Blanc a eu la magnifique idée de regrouper dans la tente voisine les collections de six lauréats qui ont été primés ces dernières années à Hyères et qui n’ont pas encore de job. C’est impardonnable ! La gagnante de la saison dernière est à Tokyo chez Yohji Yamamoto ; aussi, ne perdez pas de temps, ce serait dommage qu’ils viennent ici vous voir et que vous ne les rencontriez pas. Concernant le financement, Pierre Oudart a raison de dire qu’il existe des aides. Je vous rappelle que sans que le Ministère de l’Industrie ne nous accorde plus de moyens, nous bénéficions du DEFI (Comité de Développement et de Promotion de l’Habillement) qui est un organisme unique. Nous ne demandons pas plus de ressources mais qu’on ne nous en prive pas, et faisons en sorte que ces aides soient utilisées avec pertinence. De la salle, Clarisse Reille, Directrice Générale, DEFI Je veux juste rebondir sur le DEFI qui est aujourd’hui un financeur majeur de la filière avec les Rencontres Internationales du Textile et de la Mode, mais aussi avec les défilés de jeunes créateurs, le Designers Apartment, le tiers du capital de Mode & Finance, le fonds de garantie. J’envoie donc un message très fort à nos représentants de l'Etat, s'il vous plaît, laissez-le vivre ! Et dans la grande discussion budgétaire sur les taxes affectées, que le DEFI ne soit pas passé à la trappe parce que, même petit, il joue un rôle essentiel pour la filière. De la salle, Yann Rivoallan, co-fondateur de The Other Store Plus qu’une question, une réflexion sur le web, forme d’industrie créative qui concerne plusieurs centaines de milliers d'emplois créés depuis les années 2000. La mode a encore un potentiel de croissance vertigineux avec la vente en ligne. Pourtant, on ne parle jamais de cette industrie créative. Je suis encore étonné qu'on ne parle pas nécessairement du web dans cette partie consacrée à l’industrie créative. Pascal Morand Sachant que les technologies de l’information et de la communication sont le facteur qui a créé la mondialisation contemporaine par la fragmentation de la chaîne de valeur qui implique une péréquation. Le Net est un volet effectivement très important. Sidney Toledano Deux choses sur le web. D’une part, il y a la communication, et je vous invite à regarder le site qui bénéficie d’investissements colossaux. Nous avons formé un nombre important de personnes sur la marque, sur l’histoire, sur le savoir-faire. La vente en ligne, c'est autre chose. Nous n'y sommes pas et nous ne le souhaitons pas pour l’instant. N'allez jamais jouer sur le terrain de l’ennemi. D'autres le font. Pour des produits de luxe, je pense que ce n'est pas encore adapté. Cela implique des services à rendre, sur une information de disponibilité des produits par exemple. Faire de la vente en ligne pour des produits de luxe serait une erreur pour des produits positionnés. En revanche, l'information sur les défilés, les créateurs, le savoir-faire, l'histoire, la formation, etc., c’est fondamental. Si vous regardez le magazine sur notre site, vous y verrez chaque jour une nouvelle vidéo sur un de nos événements dans le monde ! Miguel Fluxà Orti Nous avons lancé nos ventes en ligne en 2003. Nous fêtons donc les 10 ans cette année de notre boutique en ligne, pas du site Internet. La vente en ligne est devenue de plus en plus importante pour nous. Je peux comprendre que certaines marques de luxe aient des réticences à vendre en ligne mais pour une marque comme la nôtre, c’est aussi une question de communication et d’interactivité avec les consommateurs, cela permet d’atteindre tellement de monde ! Les circuits de vente ont beaucoup changé. Nous sommes probablement à l’aube d’une nouvelle ère. Aux Etats-Unis et dans les pays anglosaxons, le pourcentage des ventes en ligne est très nettement supérieur à celui de l’Europe et cela ne fait que s’accentuer. Ce sera également le cas pour nous. 13 Pascal Morand En Chine, entre 2010 et 2012, la part du détail en e-commerce, tous secteurs confondus, est passée de 12 à 30 %, dont 60 % pour tout ce qui est télécom, électronique, etc. En BtoB, est-ce important Dominique ? Dominique Barbiery Dans les métiers d’art, pas vraiment. Je voudrais revenir sur quelque chose qui me gêne un peu, sur l'histoire de la création, du décloisonnement et de la collaboration. Aujourd’hui, il faut bien sûr décloisonner parce qu’effectivement on voit que des créatifs partent chez Pixar, on voit qu'il y a des écoles mais cela ne crée pas une dynamique ou un réseau. Je crois qu’une partie du succès des entreprises créatives vient de la compétition, lorsqu’il y a un peu de tension, sinon on reste sur les mêmes savoir-faire, les mêmes idées créatives, sur l’Etat qui aide mais on n'innove pas. La Silicon Valley fonctionne parce que tous les créatifs s’y bataillent pour être les meilleurs ! Dans les maisons d’art, lorsqu’on met un créatif avec des plumassiers qui travaillent depuis des années selon la même technique et que cette personne veut faire autre chose, il crée une tension, on va chercher une idée, un produit, parfois on va faire autre chose, il faut qu'il y ait cette compétition. Une entreprise de broderie s'est lancée plutôt vers l’architecture et la décoration d'hôtels. Il faut décloisonner bien entendu mais il faut chercher à être le meilleur, à décrocher des marchés. On en parle beaucoup, des associations se créent, mais il faut aussi faire du business et batailler. Sidney Toledano On bataille beaucoup mais ce n'est pas incompatible. Avec les maisons Chanel et Hermès on se réunit souvent pour parler des fournisseurs, des problèmes communs. Dans le cadre du comité Colbert, nous irons à Berlin d’ailleurs car on a senti que quelque chose allait s’y passer. Je vous assure que l’on est déjà dans ces associations, pas pour créer un front ni un lobby mais pour défendre les métiers. On parle de fournisseurs en commun. Parler avec les syndicats est extrêmement important également. Dans une maison qui marche, on voit comment la relation syndicat et patronat fonctionne, parce que les objectifs sont clairs et sont communs, donc les tensions n'existent pas. Il faut expliquer néanmoins que l'on fait des produits qui sont très chers. J'ai entendu l'autre jour un personnage politique qui disait : « Il n'est pas normal que dans l'industrie automobile on parle de faire des Mercedes, mais les ouvriers qui y travaillent ne pourront plus se les payer ». Les petites mains dans nos ateliers ne peuvent pas se payer des robes de haute couture, pourtant elles rêvent et travaillent jour et nuit parfois. Le problème n’est pas de se dire que le marché français se permet d’acheter des vestes à tels prix, certains doivent remplir cette fonction. Le luxe doit pouvoir vendre cher à l'export, il doit être leader et être aidé également en ce sens. Il faut des relations entreprise/syndicat et Gouvernement pour pouvoir échanger là-dessus. Pascal Morand Un mot sur l'Internet ? Sur les jeux vidéos ? Stephan Schwartz Parlant d’Internet, je respecte et je crois ce que vous dites sur la vente en ligne qui n’est pas adaptée au marché du luxe aujourd’hui. Cela pourrait se développer autrement. Nous assistons en ce moment à un bouleversement fondamental par le développement de l’impression 3D. Cela va totalement modifier les chaînes de création et de production, rapprocher le consommateur de la production, changer les mentalités aussi, même dans le luxe. Dans l'avenir, avec cette nouvelle technologie, ce n'est pas l'entreprise qui sera à l’origine de la création, ni même le créateur, c'est le consommateur qui en ayant cette possibilité de production, va bouleverser totalement l’industrie. Et je ne sais pas où cela va finir. Pierre Oudart Quand on écrira l’histoire de cette période, on verra sans doute que le numérique a changé profondément l'économie, la façon d'enseigner, la façon de faire. Il modifie les conditions d'accès à la 14 connaissance, les conditions de sa diffusion. Aussi, et d'une façon paradoxale, il a attiré l'attention sur d'autres modèles économiques comme les start-up. On ne reviendra pas sur les errements de la nouvelle économie de la fin des années 1990, pour autant cela a mis en lumière la créativité et, à partir de là, la possibilité de créer des entreprises qui gagnent des marchés. Le déplacement de la valeur ajoutée vers la créativité, c'est bien le numérique qui l'a engagé même si, et c’est un urbaniste spécialiste de l’innovation qui le disait, François Ascher, toujours plus de numérique impose toujours plus de bouclage sur le réel. Lors des Journées européennes des métiers d’art récemment à Paris, on voyait bien que les métiers d’art sont à fond sur le numérique. Il n’y a pas d'un côté l'innovation avec le numérique et de l’autre côté les métiers d’art dont un spécialiste disait qu'il faudrait les protéger car ils sont en voie de disparition. Non, tout travaille ensemble. Pascal Morand Je peux vous dire que l’on ne va pas s'arrêter là, en particulier autour de cette table, sur les décisions à prendre et sur les orientations que l'on va prendre tous ensemble en matière de doctrines et de politiques pour faire avancer les choses en France et en Europe. 15