Les façades de la désobéissance : tags, graffs et fresques murales
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Les façades de la désobéissance : tags, graffs et fresques murales
02SCRE 2002F- 60 à 121 4/03/02 12:27 Page 92 ANNY BLOCH UMR du CNRS 5057 "Diasporas" Maison de la Recherche, Université Toulouse-Le Mirail [email protected] Les façades de la désobéissance : tags, graffs et fresques murales1 Anny Bloch re » des autres groupes politiques. Les tags deviennent un enjeu politique, une des incivilités à l’origine de l’insécurité. Il est vrai qu’une véritable demande de la population victime de tags s’exprime et les réactions aux graffitis sont souvent violentes de la part des propriétaires de murs tagués : « Si vous croyez que c’est de l’art, ah vous voulez immortaliser cela » (commentaire à une prise de vue). « On ne peut pas les arrêter, ils font cela la nuit ils recommencent dès qu’un mur est propre » nous explique un commerçant à Strasbourg. Une petite affichette à côté du mur tagué d’un magasin d’un antiquaire le long d’un quai à Strasbourg indique : « Pauvre tagueur » (souligné deux fois) « c’est dur d’être minable » (souligné deux fois). La colère et l’exaspération des habitants renvoient au questionnement du sens des tags et graffitis dans la ville : En ont-ils un ? De quel langage s’agit-il ? A quelles logiques répondent les tagueurs et les graffeurs ? Sont-il des individus ou des groupes et comment circulent-ils dans la ville ? Bref rappel L es « tags », simples inscriptions, signatures, et les « graffs », formes élaborées de graphisme lettré2, incompréhensibles aux yeux du public, répandus sans ordre apparent sur les murs de la ville, sont perçus comme des actes de vandalisme, des signes d’incivilité, et sont associés très souvent au désordre social, voire même au délitement qui règneraient dans les villes… Ces inscriptions désobéissent aux règles habituelles de l’espace urbain, enfreignent les codes traditionnels de l’aménagement, transgressent les interdits et apparaissent comme une violence au regard de nombre d’habitants. Le tag s’inscrit dans une thématique « gigogne » reposant sur le tryptique « violences, insécurité, incivilités »3. L’incompréhension de ces marques dans la ville, leur absence de rationalité apparente, le non-respect de la propriété privée et publique provoquent un certain malaise, voire même la colère et l’indignation4. Pourtant, ces marques ne sont pas des phénomènes récents. Rappelons les périodes de révolte ou de grands rassemblements durant lesquels les manifestants se réapproprient les murs de la ville sous forme de slogans, de conseils, de réflexions et d’incitation à l’action : ces dernières étaient porteuses de sens, liées à des événements précis. Les tags ou graffitis, dénués de sens au premier abord, ont été d’abord un phénomène urbain localisé dans les espaces périphériques de la grande ville américaine ou européenne : souterrains, murs le long des voies ferrées, départs d’autoroutes, palissades, espaces intervalles de la ville. Mais ils conquièrent actuellement les centres-villes. Ces signatures en effet s’imposent sur les bâtiments publics et privés, posent problème aux habitants, à la police et aux services municipaux de propreté. Pour répondre aux appels très nombreux, la Communauté Urbaine de Strasbourg, par exemple, dispose d’un service gratuit de nettoyage des murs dont les dépenses s’élèvent environ à 200 000 francs par mois. Ce service ne peut cependant répondre rapidement aux demandes de la population, le délai d’enlèvement des tags dure plus de quinze jours. En outre, si les demandes regroupées par secteur sont traitées d’une manière égalitaire, les interventions prioritaires se situent au centre ville autour de la cathédrale. Image d’une ville propre oblige5. Dans d’autres villes, comme à Toulouse, des brigades de propreté ont effacé non seulement tags et graffs du centre ville mais aussi certaines fresques, compositions d’artistes qui avaient été tolérées depuis 1996. Le phénomène a été particulièrement sensible avant les élections municipales de mars 2001. Les tags dans la ville sont perçus comme signe de laxisme, de désordre, d’insécurité. La lutte contre ces « gribouillis » a été inscrite dans les platesformes des candidats d’extrême droite et a fait l’objet d’une « attention particuliè- Les façades de la désobéissance ■ Le tag, le graff et la fresque murale s’intègrent dans le mouvement hip-hop (littéralement « compétition de saut ») qui s’exprime aussi par la break-dance et le rap (un travail sur les sonorités, le rythme et la parole). Cet ensemble d’expression a commencé dans le Bronx en 1975 avec le travail du Disc Jockey Afrika Bambaataa, qui pose des codes moraux basés sur la créativité en donnant naissance à la Zulu Nation. Ce musicien initie un mode de vie créatrice, une contestation de la société américaine. En France, dans les années 1970, cette culture de rue est le fait de jeunes de la première génération issue de l’immigration. Elle réapparaît sur les places de la capitale, le quartier des Halles plus tard, mais aussi dans les périphéries sur les murs de la ville sous forme de graffitis dans les années 1987-1988, et trouve une « scène » dans les rencontres annuelles des cultures urbaines au Parc de la Villette. Actuellement elle est réappropriée par des jeunes lycéens, des étudiants, des jeunes artistes d’écoles d’arts graphiques.6 La culture hip-hop regroupe les arts de la rue, « une culture populaire, un mouvement de conscience »7 qui s’appuie sur un certain nombre de valeurs : lutte contre le racisme et la drogue, combat pour la tolérance et la solidarité. Ce mouvement s’identifie aux déracinés, aux minorités, aux afro-américains, aux colonisés, aux jeunes immigrés - même s’il traverse actuellement toutes les classes sociales.8 Il traduit la violence sociale que les jeunes subissent dans la cité, le désordre dans la ville, mais un « désordre irréductible, nécessaire et fécond ».9 En retour, la jeunesse deviendrait une classe dangereuse associée à la violence et à la banlieue. La seule présence d’un attroupement d’adolescents provoquerait un sentiment de peur.10 Que traduisent le rap, la break-danse, le graff ? Musique (rap, ragga, djing, beat-box), danse (break-dance), graphisme (tag, graff, fresques murales) correspondent à une logique de dominés qui par le défi (le challenge), la provocation (attitude de bandits ou gangsters), et même la violence, notamment celle des sonorités mais pas seulement, traduit la révolte. Ainsi, quelles que soient la qualité et la notoriété de certains groupes rap, leurs concerts ne sont jamais organisés sans risques de bagarres. Refuser l’ordre social et le contester ■ L’attitude du tagueur, du graffeur correspond à une posture de dominés qui cherche par la déconstruction à s’affranchir de l’ordre : « je pouvais m’affirmer » dit un ancien tagueur devenu peintre, graphiste « ou en cassant des choses, ou en prenant un territoire, dans tous les cas, en sortant des sentiers battus. Au début, je me suis fait connaître en détruisant des clôtures, c’est un délit mineur mais c’est quand même un délit. Au départ, les tags, c’est un jeu contre les forces de l’ordre ou la communauté en général. On joue à se faire connaître, à marquer son nom partout ».11 La première étape est celle de l’affranchissement de l’ordre tel qu’il se manifeste par la signalisation ordinaire de la ville. Il s’agit d’un premier défi, une conduite à risque : mettre sa marque sur des murs interdits, jeu de cache-cache où il faut courir vite pour échapper au flagrant délit. On se fait connaître tout en se cachant. Le groupe s’affranchit de l’ordre dans une miniguérilla urbaine où signatures de bandes rivales valent kalachnikov. Que disent les tags ou signatures ? Les signatures dans la ville ont des formes extrêmement différentes : cassées, brisées en zigzags, courbées, simples numéros ou initiales, elles sont parfois colorées en fluo, gris argenté ou noir. Les signatures telles que « Cobra », référence à l’animal selon un graffeur, « Tempo », « MBD », peuvent être celles d’une personne ou d’un groupe, d’une clique, d’un « crew » (équipage), d’un « cruise » (gang) ou d’un « posse ». Le parcours de reconnaissance du tagueur : visibilité et illégalité ■ Tantôt la même signature va se répéter tout au long du même mur ; tantôt le même groupe va signer dans différents quartiers de la ville, quelquefois à la bombe aérosol ou avec un outil plus fin, un fusain. L’important est la reconnaissance de la signature à la suite d’exercices pratiques et répétés dans la rue. Le tagueur, en élaborant sa propre signature sur les murs, se construit. Il se manifeste par différentes catégories de signes : les signes visibles pour l’ensemble de la population, sa démarche, ses vêtements qui affirment son appartenance au monde hip-hop ou à celui de « l’outsider », celui qui est extérieur aux normes. D’autres signes ne sont reconnus que par le groupe des tagueurs: la signature reste illisible pour les non-initiés. Une des formes de la provocation du tagueur apparaît ici: dans un monde où tout doit avoir un sens, où tout se doit d’être transparent, le tagueur commet un acte dont le sens est volontairement occulté. Le tagueur aura d’autant plus de visibilité qu’il organise son illisibilité. Ainsi, la rue permet d’être identifié par les autres ; elle devient un espace où l’on apprend à écrire, à définir un style, un graphisme, un autographe. Une jeune rappeuse d’un quartier à qui je demandais ce que voulaient dire ces tags 92 93 02SCRE 2002F- 60 à 121 4/03/02 12:27 Page 94 Anny Bloch m’a répondu qu’elle n’avait pas de réponses et ajoute : « c’est l’envie de faire savoir qu’on est passé par là. Je vais en centre ville, il y a un blanc alors j’écris mon nom, comme ça les gens savent que je suis passée par là ».12 Le tagueur parcourt la ville pour affirmer sa présence, être vu. Pour lui, taguer est une manière d’exister, mais aussi d’interpeller, de provoquer. Il tague peu dans son quartier, mais plutôt en centre ville, dans les quartiers bourgeois : provocation, défi, prise de territoire. « Les frontières du licite et de l’interdit se désagrègent au profit du possible et de l’impossible ».13 S’agit-il d’une appropriation de la rue ? Le tagueur ne s’approprie pas un territoire d’une manière durable. Il sait que ses tags sont éphémères, il laisse une trace, il marque son passage et n’opère pas véritablement une prise de posses- sion. Il laisse des traces dans ce que Marc Augé a appelé des « non-lieux », la plupart du temps, voies rapides, gares, palissades protégeant des travaux, extérieurs de centres commerciaux, transports qui constituent l’ultime défi. Et dans ces non-lieux s’effectue aussi une revendication de meilleure cohésion entre le nom, l’identité et l’espace, s’exprime un refus d’anonymat, un refus d’anomie, un désir de laisser sa trace face au sentiment d’inexistence sociale. Chez le tagueur, il y a un désir d’avoir de l’espace dans la rue ou des murs pour s’exercer.14 C’est d’abord la surface, la longueur, la forme d’un mur de la ville qui attire le tagueur. « Il nous faut des murs », réclament les graffeurs. « Et nous les cherchons partout: les lieux désaffectés, friches urbaines, le long des canaux et des ports ». La signature est hâtive, demande une grande rapidité d’exécution ; d’autres tagueurs vont signer à côté, empiler différentes signatures. Un tag attire un autre tag. Cette accumulation d’informations déroute. Selon le tagueur et graffeur Darco, « l’illégalité fait partie intégrante du style du graffeur. Elle forge le style, elle imprime sa griffe personnelle, sa réputation». « C’est le sens du mot tag en américain». «Le logo est comme une signature qui nous est propre». «Plus qu’une référence commune, c’est avant tout une marque de reconnaissance». Le tagueur exécute son graphisme souvent la nuit en ciblant des bâtiments particuliers, bâtiments publics, métros, voies ferrées, car le tagueur se fait reconnaître des autres par des conduites dangereuses et un parcours initiatique. Un rituel initiatique Les façades de la désobéissance ■ Le deuxième défi est celui de pouvoir signer de son nom selon une hiérarchie de difficultés et de prise de risques. Il s’agit souvent de jeunes qui vont laisser des traces dans des espaces bien définis : portes cochères, volets de magasins (on se sert des rainures comme des lignes d’un cahier d’écolier), palissades, cadres formés par les pierres de taille apparente et, surtout, grandes surfaces planes de murs blancs ou jaunes de préférence. Le tagueur, selon Barbara Drucker15, est, sur le plan spatial, conformiste. La plupart d’entre eux s’enferme dans des cadrages. Pour être reconnu dans le monde des tagueurs, on inscrit sa signature sur les bâtiments publics, écoles, universités, bâtiments culturels, musées. En ciblant les édifices symboles du savoir de la société dominante, le tagueur défie l’ordre social, se place dans l’illégalité et se rebelle en transgressant l’ordre institué. Les bâtiments privés, les magasins, les volets de maison ou immeubles bourgeois sont alors entrepris. À Strasbourg, dans le « quartier allemand », où réside une population cossue, les bâtiments publics de l École supérieure de commerce, de l’Institut d’études politiques comme les propriétés privées sont tagués régulièrement. La progression dans la difficulté conduit à une prise de risque de plus en plus grande: il s’agit de signer ou faire des lettres plus élaborées sous forme de graffs sur les ponts ou des murs le long des voies ferrées, le long des voies de métro. Exercice périlleux qui peut entraîner la mort du tagueur s’il est coincé par un métro durant cet exercice. La RATP se fait discrète sur ce type d’accidents mortels. Le tagueur est prêt à risquer sa vie pour ce type de travail. Cette attitude fait partie intégrante de son art. Ces expériences-limites nous renvoient aux passions du risque. David le Breton souligne la nécessité de rites de passage propres à la jeunesse, de langages de références communes à la musique, au sport, à la BD, aux rites de consommation: « Certes la jeunesse instaure des rites propres, très segmentés d’une classe d’âge à une autre, variant selon les origines sociales et culturelles des acteurs ». Mais il insiste sur le maniement avec la mort: « Le jeu avec l’idée de mort favorise ainsi une exploration de soi, de sa relation au monde ».16 Fresque murale du graffeur Tilt et de la graffeuse Fafi, centre administratif, Toulouse, 2001 Photographie Anny Bloch 94 Revue des Sciences Sociales, 2002, n° 29, civilité, incivilités 95 02SCRE 2002F- 60 à 121 4/03/02 12:27 Page 96 Anny Bloch Le tagueur travaille en groupe ou seul et développe son inspiration. De 1984 à 1987, les tags recouvrent les voitures du métro de New -York jusqu’à ce qu’un travail de surveillance, de répression et de nettoyage y mette fin. Des tags se retrouvent à l’heure actuelle sur le métro de Rome ; on a pu parler de « subway art » (art du métro). Des formes nouvelles de civilité ■ Paradoxalement, face à une civilité très codée dans l’espace public et sans grande invention, se dessineraient ainsi des modes nouveaux, sans doute violents et provocateurs, de civilité. Serait civil celui qui accomplit les différents rites de passage pour marquer sa trace dans la ville : savoir, sans se faire repérer, graffer sur les palissades, les murs privés et publics, répéter cela dans différents quartiers, élaborer des lettrages de plus en plus complexes, en relief, colorés avec différentes bombes de couleurs. Ce nouveau code de civilité s’élaborerait à l’intérieur des groupes de graffeurs. Un code de l’honneur spécifique à ces groupes serait donc mis à l’épreuve, code que l’on pourrait aussi appeler code du savoir-faire ensemble. La première étape pour un graffeur est d’être intégré dans un groupe, « crew ». C’est le signe de reconnaissance des capacités du graffeur. Savoir dessiner sur les murs avec rapidité, écrire sa signature en relief ou en bulles avec des couleurs demande un apprentissage, un savoirfaire qui dépasse les tags des débutants. Exécuter ce travail collectif exige un travail en commun, un rythme particulier, un partage qui traduit une reconnaissance de la place de l’autre aussi bien symbolique que spatiale. Il faut savoir « se tenir » ensemble. Il faut se reconnaître et avoir un style commun, une histoire proche, des affinités ou s’être rencontré. Avant cette deuxième étape, le jeune traverse « le temps de l’étrangeté ». « Le débutant ne sait pas vraiment comment mener à bien son activité, il n’en maîtrise ni les traditions, ni les savoir-faire, et surtout il reste influencé par les croyances spontanées qu’il a pu élaborer à propos des graffitis ».17 L’une des marques de « respect », le terme le plus approprié à ce code, est de ne pas « toyer », taguer ou recouvrir le graf ou la fresque du groupe qui est arrivé le premier sur le mur. Recouvrir ou taguer la fresque constitue une véritable transgression du code de civilité entre graffeurs. Seuls de tout jeunes tagueurs qui ne connaissent pas les règles commettent cette erreur. Ils se font rappeler à l’ordre et se font « toyer » leur graffitis. L’espace travaillé par un graffeur ne doit pas être retouché par un autre groupe. Le lieu illégalement approprié est en général propriété du groupe qui a travaillé le premier. Celui qui ne respecte pas cet espace ne respecte pas le code entre graffeurs. Il ne sera donc ni identifié comme graffeur, ni reconnu. Il est considéré comme hors du groupe. Il ne sera pas invité dans des manifestations collectives ou à des rencontres entre graffeurs ou sera simplement évité, nonexistant. Le graffeur reconnu est celui qui part à la découverte d’espaces nouveaux. Il graffe régulièrement et donc montre son travail sur les murs de la ville ou de sa périphérie. Son travail doit être vu. Il peut travailler seul mais le plus souvent, pour se sentir plus à l’aise, davantage stimulé, il opère en petit groupe. Chaque membre du groupe a sa spécialité, lettrage, personnage, portrait, animaux, plantes. L’on reconnaît son style, non seulement par son lettrage plus ou moins sophistiqué, mais aussi sa manière de travailler, les thématiques qu’il développe : voitures, habitat, nature, monde animal, personnages sous forme de lascars ou plus généralement scène de critique de la culture urbaine (voiture, HLM, cris, débris). Au delà de ces règles générales, un code de civilité existe entre la nouvelle et la vieille génération : en général, l’on respecte la « old school » par rapport à la « new school » même si l’on ne se reconnaît plus dans l’ancienne école. Ce phénomène est sensible dans les villes où le graff existe depuis une vingtaine d’années. Les anciens, même s’il graffent moins qu’avant, sont respectés. C’est à eux que l’on doit les débuts du graff, le style, la manière de s’approprier les murs et de s’être fait tolérer par les institutions de la ville.18 96 Revue des Sciences Sociales, 2002, n° 29, civilité, incivilités Une nouvelle esthétique, à chacun son style, à chacun son langage ■ Ces tags et lettrages, souvent expressions complémentaires, se retrouvent aussi bien à Berlin, Rome, Paris, Brooklyn avec des styles éphémères selon une esthétique très singulière. Une écriture qui crève la vue, un art qui explose à la figure, un art à vif. 19 Il s’agit de travailler son style sous forme d’écritures cassées, brisées comme on casse la vie. De l’écriture désarticulée tag, nous passons au graff, une écriture organisée, avec des règles formelles comme un langage qui se dessine dans la ville et qui demande des exercices de répétition avant d’être travaillé sur un mur. Le graff est moins un retour à l’ordre que l’adoption de conventions, la maîtrise de la perspective, du relief, du volume. L’écriture devient plastique. Une signature maîtrisée s’exécute d’abord par l’outline. Le tracé extérieur - qui délimite les formes - est exécuté avec la bombe, uniquement. La différenciation des lignes plus ou moins fines se fait grâce aux embouts qui filtrent le jet, la sûreté du mouvement, la panoplie des bouchons utilisés (caps plus ou moins gros), la distance entre la bombe et la surface du mur. Un angle droit ne doit pas couler sinon le graff ne mérite pas d’être signé. 20 Certaines signatures forment un cercle comme un éternel recommencement, d’autres adoptent un lettrage 21 très géométrique, le « bloc style », lettres carrées qui couvrent la totalité de l’espace délimité, « top to bottom », blanc, rainuré, hachuré ; ailleurs, le lettrage se travaille en rond, en volume de type ballons (bubbles). D’après Hugues Bazin, « le graff peut être figuratif, abstrait ou encore représenter un travail sur les lettrages ». « Les graffeurs sont des perfectionnistes qui travaillent des heures durant sur les croquis qu’ils sélectionnent avant de les réaliser sur les murs ». 22 « D’un côté il leur faut perpétuer le graffiti dans la rue ce qui est illégal mais à la source même de cet art. De l’autre, ils ont besoin d’un public, ce qui se fait dans des lieux qui dénaturent leur approche artistique », expliquent Sye one et Sem, membres de l’East Side Team. 23 Le graffeur Mahon tient un autre discours. Il désire faire du graff un véritable travail professionnel et pas seulement un passe-temps. Il crée l’association « Le Repaire » avec des amis de longue date, graffeurs eux aussi. Mahon habite à l’origine les quartiers du Neuhof à Strasbourg. Il travaille sur un site web pour assurer la promotion de son groupe. Nous trouvons la même préoccupation chez les graffeurs à Toulouse, très nombreux, organisés en groupes incluant des femmes graffeuses dans la réalisation de fresques, ce qui est tout à fait exceptionnel. 24 Ces groupes ont déjà commencé à graffer depuis les années 1980. Certains sont associés à des marques de sports, font des expositions dans les galeries d’art ou de vêtements, participent à des rencontres sportives. D’autres opèrent dans différentes villes européennes, américaines et sont devenus des repères culturels incontournables dans la ville. Ils peignent des fresques d’une très grande complexité sur des murs du centre ville en collaboration avec des artistes américains. On trouve au moins deux générations de graffeurs. Ils s’appellent entre eux « the old school et the new school » (vieille et nouvelle école). Et ces groupes existent depuis plus longtemps que dans d’autres villes. Entre eux règne cependant peu de communication, une compétition de groupe à groupe, une hiérarchie de notabilité, et pour tous, un désir de reconnaissance. Nous sommes en face de configurations de groupes contradictoires, très mouvants, qui se composent et décomposent très rapidement, visibles, reconnus et clandestins tout à la fois. Cette culture se veut transgressive : elle revendique le droit de graffer et de taguer dans des lieux interdits. Ces groupes restent difficilement approchables, ne souhaitent pas laisser de coordonnées si ce n’est sur le net. Des graffeurs ont été arrêtés, ont payé des amendes et ont fait parfois de la prison. Il est nécessaire donc d’aller à leur recherche. Les façades de la désobéissance La rue, espace d’expérience, de brassage, de confrontation et de maturité ■ « La rue est un espace de transition qui marque l’articulation entre les espaces du dedans, du familier et du dehors, public et étranger. En tant que telle, elle échappe en partie au modalités de contrôle social (en l’absence de forces de police) ».25 Le groupe créé par Mahon et son ami Bonzer, puis avec un ou deux autres s’appelle Macia, bande informelle de copains de jeux dans la rue : « Mouvement d’Action Cosmopolite, Autonome et Insurrectionnel». Le « groupe, c’est une émulation, une contestation ; on se sent plus fort quand on est nombreux ». Son groupe, après avoir tagué sur des murs interdits, s’exerce sur des murs tolérés dans les mois d’été, sur les murs d’un terrain de sport près de la voie ferrée, à la périphérie de la ville, véritables espaces intermédiaires. L’objectif n’est plus de marquer son passage mais de pratiquer son art en s’exerçant. Les graffeurs travaillent et retravaillent sur des espace désaffectés. Ils considèrent que les lettrages donnent un décor à la ville, animent les lieux où vivent différentes générations. Depuis 1989, le graffeur Mahon dépasse le tag, le lettrage, pour élaborer un travail complexe, le « masterpiece », la fresque. Après avoir élaboré une première fresque illégale avec un ami dans le quartier de l’Esplanade à Strasbourg, il reprend ce travail et peint avec des jeunes de 10 à 16 ans du centre socio-culturel de l’Elsau un premier travail collectif. Cette équipe compose, avec l’accord de l’Office d’HLM, une fresque représentant les différentes composantes du hip-hop. Danseurs, rappeurs, B. Boys sont mis en scène selon les thèmes récurrents du mouvement : la nuit, les voies ferrées, le contexte urbain ; les personnages expriment le dynamisme du mouvement. Ce travail permet aux jeunes artistes de s’impliquer dans un processus de construction. Le lettrage subsiste, le travail doit pouvoir être lu par tous les habitants du quartier. Le graffeur est passé de l’apposition d’une signature qui se reven- diquait illisible à la réalisation d’une œuvre complète qui peut être déchiffrée par tous les passants. Le groupe participe à des interventions institutionnelles et professionnelles : Fête de la Musique, Eté jeunes. Sur les murs de la Laiterie en juin 2000, le groupe « Repaire » répond à la demande d’élaboration de fresques en corrélation avec d’autres groupes. Son style n’est plus seulement les personnages du hip-hop mais celui de bandes dessinées. Il travaille également des personnages de la vie quotidienne observés dans la rue. Par exemple, Christophe dessine ses personnages de jeune en rouge explosif, animés par des lettrages « new school », « wild style »… « Questa » (Qu’est ce que tu as ?), écrit-il, manière d’arrêter le passant. Ses personnages peuvent être les artistes eux-mêmes mis en scène. « C’est un peu soi », explique Christophe. De manière paisible ou électrique, il s’agit d’interpeller le passant. Le philosophe américain Shusterman parle à propos de cet art de corporalisation de l’expérience. Des formes significatives indiquent la socialisation du groupe, un retour à des formes plus connues de civilité. Comme nombre d’entre eux, « Repaire » a son adresse e-mail et constitue son site en 2001. Parallèlement, il se confronte à des artistes d’autres pays avec lesquel il va composer de nouvelles fresques. Des graffeurs de la ville de Dresde ont travaillé l’été 2000 sur un mur toléré aux lisières de la ville de Strasbourg. Pour un des groupes toulousains, des graffeurs de la scène new-yorkaise sont invités à composer une grande fresque murale sur des murs tolérés en centre-ville de Toulouse.26 Réflexion sur l’art des fresques murales : rapport entre esthétique et politique ■ Au cours de leur expérience, certains graffeurs élaborent toute une réflexion sur le mouvement hip-hop qui ne rejette plus les autres, mais interpelle le passant quel qu’il soit. Ils amorcent une analyse du travail esthétique dans sa relation avec le politique. Mahon s’exprime ainsi à propos du hip-hop : « Le hip-hop, c’est une reli97 02SCRE 2002F- 60 à 121 4/03/02 12:27 Page 98 Anny Bloch gion, un chemin que nous nous sommes tracés. Ce mouvement nous laisse beaucoup de liberté avec des instruments faciles, à notre portée ». C’est aussi une manière de répondre à la confusion, au brouillage des analyses des politiques qui, selon certains graffeurs, ne permet pas d’identifier les problèmes. Pour lui, les jeunes des quartiers, ce n’est pas une affaire des origines mais une affaire de classes sociales. On appartient à la même classe sociale. « Nous ne sommes pas sûrs d’être complètement acceptés. Nous sommes des gens qui ne sont pas l’élite et qui font des choses pour le peuple. C’est notre manière de faire de la politique. C’est comme un jet violent. Cela sort. » Le souci d’un des membres fondateurs du groupe est d’éviter tout dogmatisme par rapport au rassemblement hip-hop, il ne se soucie pas des étiquettes, ou de parler à tort et à travers. Ce qui le rend mal à l’aise, ce sont les institutions qui essaient de canaliser le hip-hop sous forme de récupération du mouvement « Je ne souhaite pas endosser le rapport mal assumé des institutionnels au colonialisme, » dit-il. Un artiste n’est pas un acteur social. Il apporte son témoignage d’artiste sans parler d’intégration ou de noyau dur, de « hard core ». Sa contestation politique est dans un travail graphique sur la ville quelle que soit sa forme : fresques, BD, graphismes de CD, interventions sur les murs, commandes publiques. « Plutôt que d’aller saloper les murs, faire des fresques, ça met un autre regard sur moi-même. Je trouve ça plus constructif. Je veux des bonnes images, un travail bien cadré. Peindre sur un grand mur, ça va le sacraliser comme les affiches d’un personnage politique, cela représente une importance dans la ville ; qu’on a du pouvoir. Un pouvoir politique, un pouvoir d’expression avec des moyens différents. Ca va dans le même sens. Ca va sacraliser le mur ». Redonner par l’art du sens au politique, occuper les murs au même titre que les affiches des candidats en campagne, telle est la revendication de ce graffeur. Pour lui, le politique semble encore du ressort de l’espace public mais aussi du sacré. Donner une place dans l’espace public à des jeunes « qui ressentent la formidable résistance de notre société à assumer son histoire, son ambivalence à exiger les devoirs inhérents à la nationalité française sans en donner complètement les droits » comme l’écrit David Le Breton.27 Et sur le choix des personnages dans ses fresques : « On m’a souvent reproché que je dessinais des gens trop basanés, malheureusement pour eux, je dessine des gens que je vois dehors dans la rue. Quand je prends le tram, y a pas que des Alsaciens, il n’y a pas que des Alsaciens dans le quartier, je dessine les gens que je vois. Je ne trouve pas qu’il y ait un problème par rapport à cela. Il y a des gens qui sont focalisés là dessus ». Dans ces propos sont posés les questions du rapport de l’art à la politique, des relations entre le politique, l’espace public et le sacré, ainsi que du dialogue entre l’artiste et son spectateur, puisque la population qui regarde son travail a du mal à accepter que soit ainsi représentée sa propre réalité, celle de la pluralité culturelle dans laquelle nous vivons. « Il ne faut pas s’habituer, il faut changer les murs gris et les repeindre. On fait changer le décor, on met de la lumière, du mouvement pour éviter le côté figé de la ville ». Les tags, les graffitis sont sans doute perçus comme des signes d’insécurité, d’incivilité, une menace potentielle. Ne faut-il pas aussi les considérer comme des signes marquant l’altérité, la différence, qui sont sans doute l’expression de la dégradation des échanges sociaux, de la disparition des repères politiques mais aussi traduisent le désir de retrouver un territoire, de signer sa révolte, son identité, de colorer la grisaille des villes et de s’inscrire dans des temps novateurs ? Fresque murale du graffeur Mahon, quartier de l’Elsau, Strasbourg, 1996 : « Le hiphop,une manière de construire ». Photographie Anny Bloch 98 Revue des Sciences Sociales, 2002, n° 29, civilité, incivilités Les façades de la désobéissance Notes 1. Cet article fait suite à une communication au colloque « La rue et ses figures : un bilan pour l’an 2000 », Université Toulouse - Le Mirail, 22-25 novembre 2000, colloque organisé par Jeanne Brody (souspresse 2002). 2. Tag : productions brèves, plus ou moins lisibles, en traits simples et d’une seule couleur en général, correspondant à la signature qui prend la forme d’un pseudonyme. Graff: lettrage selon un tracé plus ou moins complexe en double ligne avec espace intérieur, extérieur, identification d’un groupe ou d’un graffeur et de son savoir-faire. Fresques : productions et compositions avec lettrages et personnages traduisant les formes de violence ou l’environnement de la vie urbaine. 3. Voir l’ouvrage des deux psychosociologues, Marie-Lise Felonneau et Stephanie Busquets, Tags et grafs, les jeunes à la conquête de la ville, Paris, L’Harmattan, 2000, notamment le chapitre Tags, insécurité, incivilités, pourquoi avons nous peur des tags ? p. 19-45. 4. Notre enquête de type anthropologique sur les tags, graffitis, fresques murales est la suite de l’étude sur le mouvement hip-hop, voir, « Journal de bord sociologique, la culture hip-hop, langage urbain d’intégration sociale », Ministère de la Culture et de la communication, DRAC Alsace, 2000, 45 pages, et de travaux sur « Les figures de l’accueil: Regards croisés sur les nouvelles cultures urbaines : processus d’intégration et de restructuration des jeunes » (en collab. avec Boualem Ayad), Avancées, Strasbourg, Maison des Sciences de l’Homme, 12 pages (à paraître 2001) dans le cadre du séminaire dirigé par Freddy Raphaël sur la notion et les pratiques de l’accueil. Les terrains choisis sont les villes de Strasbourg, Toulouse et San Francisco. L’étude plus spécifique sur les fresques murales se veut être une comparaison entre la généalogie des fresques dans les villes de Californie, les mouvements sociaux qui la sous-tendent, et celle des fresques issues du mouvement hip-hop dans les villes françaises. Cette étude a débuté en septembre 2000 à San Francisco avec les travaux sur les murs de Diego Rivera et du Public Art Project des années 1930 qui précèdent le programme social et artistique WPA, Work Progress of Art, programme social de soutien aux artistes sous l’ère du Président Roosevelt. Cf. Anny Bloch, Expression murale des mouvements sociaux (Strasbourg-San Francisco), Cultures et sociétés, 25, 2002. 5. Entretien du 15/11/2000 avec le service de propreté de la Communauté Urbaine de Strasbourg qui réunit 27 communes. 6. Nous avons pu au cours d’une conférence donnée sur les tags (CEMRIC, Strasbourg, décembre 2000) rencontrer des jeunes étudiants d’arts graphiques ayant travaillé sur des murs à la Laiterie (Centre européen de la Jeune Création) à Strasbourg en mai 1998 pour la Fête de la Musique, ainsi que sur les murs du Centre autonome des jeunes, Molodoï, juste pour l’expérience graphique. Je pense notamment à la graffeuse Camille et plus tard à Toulouse, à Corail, graffeur et étudiant en arts graphiques. Les fresques murales (mais pas nécessairement les tags et les graffs) sur les murs de l’Université Marc Bloch à Strasbourg sont le travail d’étudiants d’arts graphiques (entretien avec l’un de leurs professeurs). A l’Université Toulouse le Mirail, ce sont des graffeuses professionnelles qui ont été sollicitées pour réaliser une fresque à l’entrée du campus. 7. Voir l’ouvrage de Sandra Bévillard, Comprendre les jeunes, ruptures et émergence d’une nouvelle culture, éd. chronique sociale, 1998 et l’article, « Patience et respect », Cultures en mouvement, dossier « Les jeunes ont-ils la haine ? », n° 11, octobre 1999, p. 12-13. 8. Alain Milon, L’Etranger dans la ville, Paris, Puf, 1999. 9. Voir Sandra Sébillard, Cultures en mouvement, article cité. Nous retrouvons dans ces lignes les propos du sociologue urbain américain Richard Sennett, qui souligne la nécessité de l’anarchie, de la diversité et du désordre créateur dans la société urbaine : Les usages du désordre, Identité de la personne et vie urbaine, New York, Londres, Norton, 1970 10. Dubet, La galère, jeunes en survie, 1987 et M-L Felonneau, S. Busquets, op. cit., p. 32. 11. Entretien avec Mahon, peintre graffeur, le 2/09/2000, Strasbourg. 12. Entretien avec Wanda, rappeuse, quartier de l’Elsau (Strasbourg) le 14/9/2000, qui fait actuellement une carrière de rappeuse en Allemagne et en France. 13. Cité par David Le Breton, en référence à A. Ehrenberg, La fatigue d’être soi, Paris, Odile Jacob, 1998, in Penser la mutation (sous la dir. d’Armand Touati), Cultures en Mouvement, 2001, p. 114. 14. Mouvement, Dossier Hip-hop, les pratiques, les marchés, la politique, Paris, éd. La Découverte, Darco, Mode 2, le graff au fil du rasoir, p. 13, 1999. 15. Barbara Drucker, dossier de psychosociologie de l’espace, Faculté des sciences sociales, Université Marc Bloch, Strasbourg, 1997, p. 4/8. Merci à Barbara Drucker de m’avoir donné de précieuses indications sur son travail. 16. David Le Breton, Les passions du risque, Paris, éd. Métailié, 1°éd.1991, éd. 2000, p. 97.et p. 104. 17. Felonneau, Busquets, op. cit. p. 69. 18. C’est le cas pour la ville de Toulouse où le graff constitue un phénomène ancien. Plusieurs générations de graffeurs existent déjà. L’office du Tourisme en juillet 2001 a organisé une visite guidée des fresques murales dans la ville. 19. Voir le texte sur la définition du rap par Richard Shusterman: « Pragmatisme, post modernisme et autres débats », in Mouvements, Paris, éd. la Découverte, 1999, p. 6976 et son ouvrage, L’art à vif. La pensée pragmatiste et l’esthétique populaire, Paris, éd. de Minuit, 1992. 20. Hugues Bazin, « La culture hip-hop », Paris, Desclée de Brouwer, 1995, 21. Exposition « Paroles urbaines », Strasbourg, La Laiterie: espace culturel de marges où une vingtaine de graffeurs connus dont l’américain, Sharp, le groupe Alphabétik, réalisent et exposent leurs graffs en 1996. 22. Hugues Bazin, « La culture hip-hop » p. 172 et entretien avec des graffeurs toulousains qui préparent longuement leurs maquettes avant de travailler sur les murs et achètent un nombre impressionnant de bombes pour avoir le choix des couleurs (mars-juin 2001). 23. « Les Dernière Nouvelles d’Alsace », 20 octobre 2000, Dossier, « L’autre planète hip-hop », pages locales, p. 5. 24. À Toulouse, quatre femmes connues sont graffeuses, Kat, Plume, Fafi, Lus et Vanessa. Voir à ce propos leur position et leur statut, leur itinéraire et les raisons de leur travail dans le mémoire de licence de sociologie de Stéphanie Grousset, dirigé par Françoise-Paule Lévy, Le fillisme ou ces toulousaines qui graffent leur mur. Toulouse, juillet 2001. 25. Felonneau, Busquets, op., cit, p. 49. 26. Nous considérons ce mouvement de confrontations internationales et d’ouverture des frontières comme l’élaboration de nouvelles routes culturelles européennes et transatlantiques, comme un désir de faire connaître ces différents groupes sur la scène internationale. Cette tendance est davantage prononcée dans la musique rap où deux groupes du rap de Stuttgart ont invité des rappeurs marseillais, parisiens, et la chanteuse rap strasbourgeoise, Wanda Melouki à se produire sur la scène allemande. L’ensemble vient de produire un CD, French Connection. On peut à travers cette culture urbaine voir se dessiner de nouvelles formes de collaboration francoallemande mobilisant des salles entières de jeunes allemands pour un rap chanté en français. 27. David Le Breton, Une violence à l’autre, Cultures en mouvement, 11, octobre 98, p. 26-30. 99