A Nanterre, une préparation de «service public » au barreau
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A Nanterre, une préparation de «service public » au barreau
PAYS : France RUBRIQUE : France PAGE(S) : 10 DIFFUSION : 275310 SURFACE : 24 % JOURNALISTE : Séverin Graveleau PERIODICITE : Quotidien 22 août 2015 - N°21958 france A Nanterre, une préparation de «service public » au barreau Lesformations d’été, incontournables pour réussir à intégrer les écoles d’avocats, sont dominées par des organismes privés coûteux ur le campus désert de l’université Paris-Ouest, à Nanterre, on est surpris de croiser, en plein mois d’août, des dizaines d’étudiants. Ces derniers sortent de l’Institut d’études judiciaires (IEJ),la mine fatiguée. Voilà cinq heures qu’ils planchent sur une « note de synthèse », épreuve redoutée de l’examen d’entrée au barreau qu’ils passeront mi-septembre, dans l’espoir d’intégrer une école d’avocats. Sur les quelque 750 candidats inscrits à l’IEJ, à la fois centre de préparation et d’examen, 200 ont eu le droit de suivre cette préparation d’été publique, organisée pour la deuxième année. L’acceptation de leur dossier s’est faite sur des critères sociaux et académiques. Avec celle de l’université parisienne Panthéon-Sorbonne, cette prépa d’été fait office d’exception dans un environnement entièrement dominé depuis vingt ans par les organismes privés. Leïla (22 ans) sort, la faim au ventre, du bâtiment dans lequel elle était depuis 9 heures du matin. Pour cette préparation d’été de six semaines – trois en juillet, trois en août, plus les oraux blancs en octobre pour les admissibles –, elle a déboursé 200 euros, comme la moitié de la promotion. Soit le tarif réservé aux étudiants boursiers et à ceux pouvant justifier de « motifs exceptionnels ». Sa camarade Marie, 23 ans, a payé le maximum : seulement 600 euros. Bien loin des 2 000 à 3 000 euros proposés dans la majorité des institutions privées. Sans cela, ni l’une ni l’autre n’auraient pu faire de prépa, expliquent-elles. Or, « nous sommes presque obligés d’en faire une », estime Leïla. S Sur les quelque 750 candidats inscrits à l’IEJ, 200 ont eu le droit de suivre cette préparation d’été publique Pour s’inscrire à l’examen, il faut en effet avoir validé un master 1de droit, c’est leurs cas, ou un master 2. La majorité des candidats ont donc cours jusqu’en juin. « Avec la charge de travail que cela représente, indique Marie, il est difficile, voire impossible, de suivre à fond » la préparation annuelle de 250 heures proposée à l’institut de Nanterre, comme dans la quarantaine d’autres IEJ français, dès lors qu’on est inscrit à l’examen. Baudoin, 21 ans, acquiesce. Son master 1 et son job à côté, pour se payer ses études, ne lui ont pas laissé le temps de venir se former à l’IEJ. « C’est peut-être mal fait , estime-t-il, car ce système oblige soit à prendre une année blanche pour préparer l’examen, soit à se diriger vers des prépas estivales, souvent privées. » « Sujet tabou » C’est Cyril Wolmark, directeur de l’IEJ de Nanterre, qui a mis en place cette session estivale. « J’ai toujours pensé que ces préparations d’été étaient inutiles , raconte celui-ci, que ces organismes privés jouaient sur l’angoisse des étudiants. » Mais devant le nombre croissant d’inscrits dans ces formations – près des « trois quarts » des candidats à l’IEJ de Nanterre, « certains s’endettant pour cela », le directeur s’est décidé à en ouvrir une l’an passée. Une prépa certes « avec un peu moins de cours et d’entraînements » que ses homologues privés, mais une prépa « de service public », sefélicite-t-il. La responsable de formation d’une de ces écoles d’avocats salue, anonymement, l’initiative. « D’autant plus que dans les instituts , précise-t-elle, le sujet des prépas d’été est souvent tabou car il remet en cause leur propre préparation, que pour notre part nous estimons suffisante ». Pour mettre toutes les chances de son côté Julie – le prénom a été modifié –, 23 ans, s’est inscrite à la fois ici et dans une prépa privée qu’elle paye « plus de 2 300 euros ». Un détail qu’elle a omis de préciser lors de sa candidature dans la prépa publique. Plusieurs camarades autour d’elle sont dans la même situation. Si les préparations privées à l’examen affichent des taux de réussite, parfois invérifiables, supérieurs à 80 %, ce ratio est de 35% pour les étudiants de la prépa d’été de Nanterre. Soit dans la moyenne des candidats de l’IEJ auquel elle est rattachée (33 %). Sauf qu’eux, dans leur majorité, n’ont pas eu à payer de prépa privée. Un résultat dans la moyenne nationale aussi (30 %), même si celle-ci cache d’importants écarts : de 13% à 57 %, selon l’institut. De quoi alimenter un peu plus le stress des étudiants et le business des prépas d’été. « A quand un examen national uniformisé ? », s’interroge Baudoin. Le projet est dans les cartons du Conseil national des barreaux depuis plusieurs années. p séverin graveleau Tous droits de reproduction réservés