la protection statutaire des marques non traditionnelles au canada

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la protection statutaire des marques non traditionnelles au canada
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LA PROTECTION STATUTAIRE
DES MARQUES NON TRADITIONNELLES AU CANADA
QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LEUR ENREGISTRABILITÉ ET DISTINCTIVITÉ
Laurent Carrière*
LEGER ROBIC RICHARD, Avocats
ROBIC, Agents de brevets et de marques de commerce
55 St-Jacques, Montréal (Québec) Canada H2Y 3X2
Tél. (514) 987-6242 - Fax (514) 845-7874
Courriel: [email protected] – Site Internet: www.robic.ca
1.
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Introduction
Rappels
2.1 La distinctivité
2.2 L'emploi
Couleurs
Sons
Odeurs
Saveurs
Hologrammes
Marques cinétiques
Numéros de téléphone
Marques tridimensionnelles
Miscellanées
11.1 Marques architecturales
11.2 Portraits
11.3 Slogans
Conclusion
Annexe A - Article 28 du Règlement sur les marques de commerce (1998)
Annexe B - Illustrations de quelques enregistrements
Marques «architecturales»
Marques «cinétiques»
Marques et couleurs
Marques «hologrammes»
Marques «de positionnement»
Signes distinctifs
Marques «sonores»
© Laurent Carrière, 1999.
* Avocat et agent de marques de commerce, Laurent Carrière est l'un des associés
principaux du cabinet d'avocats LÉGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du cabinet d'agents de
brevets et de marques de commerce ROBIC, s.e.n.c.
2
1.
INTRODUCTION
Qu’est-ce qu’une marque de commerce? La Loi sur les marques de
commerce1 fournit une définition circulaire dont on peut tirer qu’il s’agit d’un
signe2 devant distinguer3 les marchandises ou services d’une personne de
ceux d’une autre.
L’on conçoit généralement une marque de commerce comme constituée
d’une ou plusieurs lettres4, d’un ou plusieurs mots5 – inventés ou non –, d’une
phrase6, d’armoiries7, d’un sceau, d’un poinçon, d’une étiquette8, de
chiffres9, d’un dessin10 ou, même, d’une combinaison de ceux-ci. Voilà pour
les marques traditionnelles.
Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, c. T-13); aux présentes la Loi ou LdM.
Article 2 LdM : «marque de commerce» Selon le cas : a) marque employée par une
personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues,
données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés par elle, des marchandises
fabriquées, vendues à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres; b)
marque de certification; c) signe distinctif; d) marque projetée». Le petit Robert (1996), lui,
définit la marque comme un «signe matériel, empreinte mis(e), fait(e) sur une chose pour la
distinguer, la reconnaître ou pour servir de repère».
3 Article 2 LdM : «distinctive» Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue
véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son
propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les
distinguer».
4 Le parfum Ô de Lancôme parfums et beauté & cie (enregistrement TMA 341813) ou le sigle
RCMP de la Gendarmerie royale du Canada (dossier TMO 907125).
5 Mot : les appareils photos KODAK de Kodak Canada Inc. (enregistrement TMDA 007446) ou
les automobiles GEO de General Motors Corporation (enregistrement TMA 428036); mots : le
soda à pâte COW BRAND ou ARM & HAMMER de Church & Dwright Ltd. (enregistrements
TMA 204654 et TMA 205758); phrase : NE PARTEZ PAS SANS ELLE pour les services financiers de
American Express Company (enregistrement TMA 353254); nom : les vêtements PIERRE
CARDIN de Pierre Cardin (enregistrement TMA 168669) ou les produits alimentaires HEINZ de
J.J. Heinz Company (enregistrement TMDA 056296).
6 TU ME DONNES LE GOÛT! (enregistrement TMA 331397) ou IT’S WHERE YOU GO WHEN YOU
KNOW ABOUT CHICKEN! (enregistrement TMA 316515) pour les services alimentaires de
Groupe alimentaire St-Hubert Inc. ou DO IT RIGHT. DO IT PINK. pour les matériaux d’isolation
de Owens-Corning Canada Inc. (demande TMO 806568).
7 Pour la Gendarmerie royale du Canada : MAINTIENS LE DROIT et la représentation d’un
bison (dossier TMO 907128).
8 La liqueur GRAND MARNIER de Société des produits Marnier-Lapostolle (enregistrement TMA
203249).
9 L’analgésique 222 de Merck Frost Canada Inc. (enregistrement UCA 045131) ou
l’hélicoptère 222 de Bell Helicopter Textron Inc. (enregistrement TMA 389054).
10 Le blason/étiquette de H.J. Heinz Company of Canada Ltd. (enregistrement TMA 163484)
ou la tête de coq de Groupe alimentaire St-Hubert Inc. (enregistrement TMA 506689).
1
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L’on conçoit également une marque comme portant sur le positionnement
d’un élément visuel sur le produit lui-même11 ou relié à celui-ci12, ou encore à
titre de signe distinctif13, un façonnement de marchandises14 ou de leurs
contenants15.
Mais qu’en est-il des sons, des odeurs et des saveurs, des hologrammes ou
des marques cinétiques? Et qu’en est-il des numéros de téléphone, dans leur
forme numérique ou acronyme? Des marques que l’on appose sur toutes
sortes de produits promotionnels? Des couleurs? Des formes ou configuration
de produits?
Les marques ne sont plus que des signes statistiques bidimensionnels, tels
qu’introduits avec les premières marques de fabrique des artisans ou des
guildes et qui se sont internationalisées avec la révolution industrielle16. Les
Par exemple, la cravate sur le goulot de la bouteille de Champagne Moët & Chandon
(enregistrement TMA 399889), les pièces de couleurs sur les talons et bout de bas de
Thorneburg (enregistrement TMA 319504), la bande sur les souliers de course de Puma AG
Rudolf Dassler Sport (enregistrement TMA 264673)
12 Le trou en forme de serrure sur les pinceaux de Newell Operating Company
(enregistrement TMA 460749), la pince en flèche sur les stylos de The Parker Pen Company
(enregistrement TMA 315448), la pièce de tissu à l’extérieur des vêtements de Levi Strauss &
Co (enregistrement TMA 194716) ou la bande centrale de nylon des cahiers de The Mead
Corporation (enregistrement TMA 473317).
13 Tel que défini à l’article 13 LdM.
14 Le stylo de Bic Inc. (enregistrement TMA 362414), les friandises céréalières BUGLES en forme
de corne d’abondance de General Mills Inc. (enregistrement TMA 497479), les biscuits OREO
de Nabisco Ltd. (demande TMO 840917), le chocolat TOBLERONE de Kraft Jacobs Suchard
(Suisse) (enregistrement TMA 164635).
15 La bouteille de sauce tomate HEINZ (enregistrement TMDA 001177), la bouteille de yogourt
liquide YOPLAIT de Sodima (enregistrement TMA 379043), la bouteille d’eau PERRIER de Perrier
Vittel (enregistrement TMA 488661), la bouteille silhouette de Coca-Cola Ltd. (enregistrement
UCA 044193), emballage de chocolat TOBLERONE de Kraft Jacobs Suchard (Suisse)
(demande TMO 832993).
16 «Trademarks traditionally are characterized as outgrowths of the ancient use of hallmarks
by silversmiths and other craftsmen. What historically was the proper subject of trademark
protection, however, is a mere sliver of the expansive scope of modern trademark
protection» : Russell H. FALCONER, «Big Future for Nontraditional Marks» (1998-05-18) The
National
Law
Journal
C-28
et
URL
http://test01.ljextra.com/na.archive.html/98/05/1998_0511_153.html; aussi disponible à URL
http://www.bakerbotts.com/practice/iptech/library/articles/bigfuture.html (site consulté le
19990401); Heinz DAWID, «Preserving History – Trademark Timeline» (1992), 82 Trademark
Reporter 1021; Sidney A. DIAMOND, «The Historical Development of Trademarks» (1975), 65
Trademark Reporter 265, republié à (1983), 73 Trademark Reporter 222; Thomas D. DRESCHER,
«The Transformation and Evolution of Trademarks – From Signals to Symbols to Myth» (1992), 82
Trademark Reporter 301; Abraham S. GREENBERG, «The Ancient Lineage of Trade-Marks»
(1951), 33 Journal of the Patent Office Society 876; Benjaminn J. PASTER, «Trademarks – Their
Early History» (1969), 59 Trademark Reporter 551; Edward S. ROGERS, «Some Historical Matter
Concerning Trade-Marks» (1910), 9 Michigan Law Review 29, republié (1972) 62 Trademark
11
4
nouvelles techniques de mise en marché17 couplées à l’explosion du
commerce électronique font en sorte que les marques traditionnelles ne sont
plus toujours suffisantes pour accrocher un consommateur plus sophistiqué18.
La Loi sur les marques de commerce (et la jurisprudence s’y rapportant)
permet-elle l’enregistrement de ces marques non-traditionnelles? C’est ce
dont ce court texte veut discuter, dans la perspective du droit canadien.
2.
RAPPELS
2.1 LA DISTINCTIVITÉ
La caractéristique essentielle d'une marque n'est pas qu'elle soit visuellement
ou phonétiquement agréable ou qu'elle soit originale mais bien qu'elle
distingue19 véritablement les marchandises ou services en liaison avec
lesquels elle est employée, ou qui est adaptée à les distinguer20. Dès lors, une
Reporter 239; Gerald RUSTON, «On the Origin of Trademarks» (1955), 45 Trademark Reporter
127.
17 Mercatique et ses éléments que sont le marchéage et le marchandisage autrement définis
par Le petit Robert (1996) comme «mercatique : étude des besoins du consommateur et des
actions pour adapter la production et la commercialisation», «marchéage; application
coordonnée d’un ensemble d’actions commerciales dans une entreprise en application de
la mercatique» et «marchandisage : ensemble des techniques de présentation des
marchandises s’appuyant sur l’analyse du comportement des consommateurs et visant à
accroître l’écoulement des produits sur les points de vente».
18 Danield I. SCHLOSS, «Special Problems in Registration of Nontraditional Trademarks» (1999),
5-4 Intellectual Property Strategist 1.
19 Il est ici utile de rappeler que, selon l’article 2 LdM, une marque est celle qui est employée
pour distinguer (for the purpose of distinguishing) ou qui est adaptée à distinguer (or so as to
distinguish). «Thus, both intention and result apply equally in determining whether or not a
mark is a trade mark»; annotation de l’arrêtiste dans W.J. Hughes & Sons "Corn Flower" Ltd. c.
Morawiec [TWELVE PETALS FLOWER] (1970), 62 C.P.R. 21, 44 Fox Pat.C. 88 (C. d’É.), à la page
89. Par conséquent, si la marque distingue les marchandises d’une personne de celles des
autres, il n’est pas pertinent qu’elle puisse être également utilisée pour une autre raison :
Chanel, S.A. (Re) [COCO] (1988), [1988] T.M.O.B. 215 (Registraire), D. Savard aux pages 2-3.
20Sur le sujet : Harold G. FOX, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3ième
éd. (Toronto, Carswell, 1972), aux pages 18, 21 et 22 (notes infrapaginales omises) : «General
Definition: It may, therefore, be shortly put that a trade mark today means a mark that is
publicly used by a person to identify as his the goods that he makes or offers for sale in the
market, or the services that are performed by him. The words "to identify" in the above
definition must be read, at least so far as the statutory definition is concerned, in either one of
two senses, namely, that the owner of the mark uses the trade mark for the purpose of, or
with the intention of, distinguishing his wares or services in the market from those of others, or
alternatively, that whatever may be the purpose for, or the intention with which he uses the
mark, it does actually and in fact distinguish his wares or services in the market from those of
others. [p. 18]
5
appellation commune à une industrie ou un grade de qualité21, un terme
descriptif du produit ou un élément qui n'a qu'une fonction ornementale ou
utilitaire ne sauront, en tant que tels, atteindre ce but et servir de marques
distinguant les marchandises ou services de l'un de ceux des autres22.
En ce qui a trait à la fonctionnalité d’une marque de commerce, la
jurisprudence est peu nombreuse et vaut que l’on s’y attarde pour en
dégager les principes. De fait, l’invalidité d’une marque pour fonctionnalité
n’a pas de base statutaire expresse mais découle de la jurisprudence23.
Imperial Tobacco Company of Canada, Limited (The) c. Registrar of Trade
marks [COLOURED BAND CELLOPHANE] (1939), [1939] 2 D.L.R. 141, [1939]
R.C.É. (C. d’É.), le juge Maclean aux pages 143 et 144-145 :
The Registrar refused registration of the mark on the grounds that
the coloured band performed the function of indicating where the
tear strip was located and thus facilitating the opening of the outter
wrapper. [p. 143]
"For the Purpose of Distinguishing": The words "for the purpose" in s. 2(t) are not to be read as
necessarily synonymous under all conditions with the expression "with the intention". This was
pointed out by Romer L.J. in Nicholson's Application [(1931), 48 R.P.C. 227, at 260)] where he
observed that if a manufacturer uses a mark in association with his goods formerely aesthetic
or decorative motives, or for warehouse purposes, and the mark comes to be recognized by
the public as indicating origin, then the mark has been used in such a way as to have served
the purpose of indicating origin and comes within the definition. It must, however, be used for
the purpose of distinguishing the owner’s goods or services and not for the purpose of
embarrassing or unfairly competing with other traders. [p. 21]
"So as to Distinguish": The nature of the use sufficient to fulfil the definition of the function of a
trade mark is not to be considered in any restrictive sense. Both the intention of the user and
recognition by the public are relevant facts and either may be sufficient to show that there
has been trade mark use: it is not necessary that there should be both. This is inherent in the
use of the disjunctive in the definition of a trade mark, that it is used "for the purpose of
distinguishing or so as t distinguish." Nor does the use of the words "for the purpose" imply that
any deliberate resolution to that effect on the part of the user of the mark is contemplated. It
is enough if in practice the mark has been so used as to denote the origin of the goods. It is
not essential to prove in addition that the market has accepted it as a distinguishing mark.
The intention of the user, that is, the purpose of use, is, under the Trade Marks Act, sufficient to
cause a word or other mark to become a trade mark. This is inherent in the first part of the
definition contained in s. 2(t)(i). [p. 22]
21 Voir par exemple Decatur c. Flexible Shaft Co. [No. 360] (1930), [1930] R.C.É. 97 (C. d’É.), le
juge Maclean aux pages 99 et 101.
22 IVG Rubber Canada Ltd. c. Goodall Rubber Company [HELICAL STRIPE] (1980), 48 C.P.R.
(2d) 268, [1981] 1 C.F. 143 (C.F.), le juge Dubé à la page 146.
23 Remington Rand Corp. c. Philips Electronics N.V [SHAVER HEAD] (1993), 51 C.P.R. (3d) 392,
69 F.T.R. 136, 44 A.C.W.S. (3d) 579 (C.F.); inf. (1995), 191 N.R. 204, [1995] A.C.F. 1660, 64 C.P.R.
(3d) 467 (C.A.F.), le juge MacGuigan à la page 471; permission d’appeler à la Cour suprême
du Canada refusée (1996), [1996] 2 R.C.S. ix (C.S.C.).
6
One may safely say that the band was primarily designed and
adopted for the purpose of opening the outer wrapper, and it is
unlikely that if the outer wrapper were not moisture proof and the
band did not function as a tearing strip, they, in combination would
ever suggested as a trade mark. It seems to me that the trade mark
applied for was intended to replace the patents referred to, if they
should be found to be invalid, as they were. In my opinion any
combination of elements which are primarily designed to perform a
function, here, a transparent wrapper, which is moisture proof and a
band to open the wrapper, is not fit subject matter for a trade mark,
and if permitted would lead to grave abuse. [pp. 144-145] [Les
italiques sont nôtres.]
Parke, Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Limited [SEALED BANDED
CAPSULES] (1963), 24 Fox Pat. C. 88, 38 D.L.R. (2d) 694, 41 C.P.R. 121, [1964]
R.C.d’É. 399 (C. d’É.), le juge Noël aux pages 416, 418-419 et 419 :
[…] in this case the coloured gelatin band is used to close the
gelatin capsule. […] We have seen [i.e., the testimony and a
reference to the corresponding U.S. patents] that the colour
banded capsules of the plaintiff have many utilitarian functions and
that even the presence of colour on the bands is useful in enabling
the easy detection of a break on the band. […] However, this
extensive coverage of the various colours and shades together with
the utilitarian use of the coloured bands around the middle of the
capsules (particularly the sealing and the use of coloured bands or
strips to detect the breakage of the bands) which, as we have
seen, happens to be the best place the bands can be placed in
order to seal both halves, brings me to the conclusion that the
plaintiff by using its trade marks as it does, because it could have
merely painted a strip or a band on the capsule, undoubtedly
monopolizes, with the exception however of their utility as simple
containers, all the forms of the functional parts of the colour
banded sealed capsules and because of this I cannot but find that
the plaintiff’s trade marks are invalid. [Les italiques sont nôtres.]
Parke, Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Limited [SEALED BANDED
CAPSULES]. (1964), 27 Fox Pat. C. 67, 45 D.L.R. (2d) 97, 43 C.P.R. 1, [1964] R.C.S.
351 (C.S.C.), le juge Hall à la page 354 :
[Traduction] À mon avis, on peut régler la question de la validité des
marques de commerce en affirmant que les bandes de couleur ont
une caractéristique ou un usage fonctionnel et, partant, ne
peuvent faire l'objet d'une marque de commerce. Il semble être
bien établi en droit que si ce que l'on veut faire enregistrer comme
marque de commerce a une caractéristique ou un usage
7
fonctionnel, l'enregistrement ne peut pas être accordé. [Les
italiques sont nôtres.]
Elgin Handles Ltd. c. Welland Vale Mfg. Co. Limited [DARKER TOOL HANDLE]
(1964), 43 C.P.R. 20, [1965] R.C.É. 3, 27 Fox Pat.C. 168 (C. d’É.), le juge Jackett
aux pages 171 et 172 :
[Traduction] À mon avis, [la description de la marque] pourrait être
précisément paraphrasée ainsi «coloration plus foncée du grain du
bois des manches d’outils obtenue par la chaleur». Quoi qu'il en
soit, le durcissement par la chaleur est un procédé qui, quelles que
soient ses autres caractéristiques, durcit réellement la surface du
bois de façon considérable. Je suis donc arrivé à la conclusion que,
d'après la preuve, le procédé de durcissement par la chaleur vise
essentiellement […] à améliorer les poignées de bois en tant
qu'articles de commerce et a donc une caractéristique ou un
usage fonctionnel. Il s'ensuit que la modification de la forme du bois
qui est la conséquence normale du durcissement par la chaleur ne
saurait constituer une marque de commerce. [Les italiques sont
nôtres.]
W.J. Hughes & Sons "Corn Flower" Ltd. c. Morawiec [TWELVE PETALS FLOWER]
(1970), 62 C.P.R. 21, 44 Fox Pat.C. 88 (C. d’É.), le juge Gibson aux pages 98-99
et 100 :
Apparently a body of the public find glassware with this kind of
ornamentation cut on it more attactive than plain glassware of the
same quality. This ornamentation cut on glassware was not
adopted by the plaintiff, the defendant or these others for the
purpose of identification and individuality. Instead, such
ornamentation by cutting was related solely to the consuming
public’s demands in connection with such glassware.[…] The
plaintiff in cutting on glassware blanks this design or pattern […] did
so, in my view, for a utility purpose only, namely, for the purpose of
increasing, and such cutting was solely designed to increase, the
attractiveness of such wares as objects of commerce and therefore
this design or pattern as so employed had a functional use or
characteristic only. [Les italiques sont nôtres.]
Adidas (Canada) Ltd. c. Colins [THREE PARALLEL STRIPES] (1978), 38 C.P.R. (2d)
145 (C.F.), le juge Walsh à la page 169 :
Moreover, aside from the question of distinctiveness there is a very
serious question as to whether the three stripes do not constitute a
functional design, serving the function of decoration and are not
properly registrable as a trade mark.
8
There is some evidence to the effect that striping on the sleeves or
legs of garments, and athletic garments in particular, adds to their
attractiveness for a potential buyer. Longitudinally placed stripes
have a slenderizing effect and may perhaps give an illusion of
speed or motion. Certainly I believe that it is fair to say that a
garment bearing some such decorative stripes is more attractive
and has more eye appeal than a plain garment. For one particular
manufaturer to seize upon one particular type of striping, and by
consistent use of it in certain widths and spacing claim that this
particular type of stripe has acquired a significance so as to
indicate to the public garments of its manufacture appears to be
an attempt to convert what is merely ornemental design into a
trade mark, which is not permissible. [Les italiques sont nôtres.]
IVG Rubber Canada Ltd. c. Goodall Rubber Company [HELICAL STRIPE]
(1980), 48 C.P.R. (2d) 268, [1981] 1 C.F. 143 (C.F.), le juge Dubé à la page 146:
Toutefois, à mon avis, la bande en spirale sur le tuyau Goodall n'a
pas le même type de fonction que celle de la capsule Parke, Davis.
Dans ce dernier cas, la bande en gélatine remplit tant une fonction
matérielle essentielle qu'un rôle distinctif. La bande maintient la
capsule. Sans elle, la capsule tombe en morceaux. Par contre, la
bande en spirale entourant le tuyau Goodall n'est pas
matériellement indispensable au tuyau. Elle sert simplement à le
distinguer des autres marchandises. [Les italiques sont nôtres.]
Samann c. Canada’s Royal Gold Pinetree Mfg. Co. Ltd. [TREE CAR FRESHNER]
(1984), 4 C.I.P.R. 17, 3 C.P.R. (3d) 313 (C.F.); inf. (1986), 8 C.I.P.R. 307, 65 N.R.
385, 9 C.P.R. (3d) 223 (C.A.F.), le juge Heald à la page 231 :
On this record, it is not possible to conclude that the marks in issue
were merely or solely ornemental. I agree with the appellant’s
counsel that it is likely that any design mark will have some
ornamental features. However, that circumstance will not, per se,
render a mark unregistrable so long as it possesses the essential
requirements for registrability. […] When determining the
registrability of a trade mark, the only relevant consideration is the
trade mark entry as it appears on the registry. Accordingly the
manner in which a trade mark has in fact been used is irrelevant to
that determination. [Les trosièmes italiques sont nôtres.]
9
Pizza Pizza Ltd. c. Canada (Registrar of Trade Marks)24 [967-1111] (1985), 7
C.P.R. (3d) 428, 6 C.I.P.R. 229 (C.F.); (1989), 26 C.P.R. (3d) 355, 24 C.I.P.R. 152,
101 N.R. 378, 16 A.C.W.S. (3d) 24, [1989] 3 C.F. 379 (C.A.F.), le juge Pratte aux
pages 356-357 et le juge Urie aux pages 361-362 :
L'avocate de l'intimé a tenté d'étayer la décision de la Section de
première instance [...] en invoquant un seul motif, savoir qu'un
numéro de téléphone n'est pas enregistrable à titre de marque de
commerce parce que, selon la jurisprudence [Parke, Davis et Elgin
Handles], une marque qui est principalement conçue pour remplir
une fonction ne peut faire l'objet d'une marque de commerce. Ce
point de vue dénote, à mon avis, une interprétation totalement
erronée de cette jurisprudence. Dans ces affaires, les marques qui
ont été jugées fonctionnelles faisaient, en fait, partie des
marchandises à l'égard desquelles l'enregistrement a été
demandé, de sorte que l'enregistrement de ces marques aurait
conféré aux requérantes un monopole sur les éléments ou
caractéristiques fonctionnelles de leurs marchandises; les
requérantes auraient en fait obtenu des brevets sous forme de
marques de commerce. La situation est tout à fait différente en
l'espèce. La marque de commerce dont l'appelante a demandé
l'enregistrement n'est pas fonctionnelle dans ce sens; pour cette
raison, son caractère fonctionnel ne la rend pas «non
enregistrable». [pp. 356-357]
À mon avis, bien qu'il existe certainement un élément fonctionnel
dans son utilisation par l'appelante, c'est-à-dire que pour passer une
commande par téléphone pour l'un quelconque des produits de
l'appelante, la combinaison numérique qui est le numéro de
téléphone attribué par le service téléphonique à l'appelante doit
être utilisée, telle n'est pas son unique fonction. Plutôt, elle est
complètement sans rapport avec les marchandises elles-mêmes, ce
qui ne serait pas le cas, par exemple, de la partie numérotée d'un
produit correspondant simplement à un usage fonctionnel. Il est vrai
qu'on ne saurait dire que le choix par l'appelante de la
combinaison numérique correspondant à son numéro de
téléphone a été fortuit. Il s'agissait d'un choix délibéré [...] «parce
qu'elle était en soi propre à être utilisée par Pizza Pizza Limited pour
faire reconnaître à ses clients et à ses clients éventuels la source des
produits de Pizza Pizza Limited et les niveaux de qualité qui ont été
et sont maintenant liés à ces produits», et la marque est maintenant
Autrement commenté : Marie PINSONNEAULT, «Votre numéro de téléphone est-il enregistré
à titre de marque de commerce? L'affaire Pizza Pizza Limited» (1990), 2 Les cahiers de
propriété intellectuelle 263.
24
10
[TRADUCTION] «hautement indicatrice de Pizza Pizza Limited et de
ses produits, et distingue les produits et services de celle-ci de ceux
d'autrui».
Aucune partie du témoignage précédent n'a été contredite ou
même contestée. Cela étant, il s'agit d’une marque de commerce,
et je ne vois pas pourquoi le simple fait qu'elle serve également de
numéro de téléphone de l'appelante peut la priver de son
caractère enregistrable. Elle correspond à la définition de «marque
de commerce» figurant à l'article 2 de la Loi parce que
a) elle est une marque qui est employée par une personne
(une société)
b) elle est employée aux fins de distinguer les marchandises
fabriquées ou vendues par elle, et
c) elle distingue ces marchandises de celles vendues par
d'autres. [pp. 361-362] [Les italiques sont nôtres.]
Santana Jeans Ltd. c. Manager Clothing Inc. [CROOS STICH] (1993), 72 F.T.R.
241, 52 C.P.R. (3d) 472 (C.F.), le juge Joyal aux pages 476-477 et 478 :
I took judicial notice during the hearing, for the current case before
me, that a cross stitch used as a stitching method or as a
decoration is in the public domain. The affidavit and testimony of
Mme Annick Vaudelle proved that. The stitch has been used for
sewing garments, embroidery, folk costumes, etc. But as the cross
stitch is part of the public domain, so is a circle, a square, a line, etc.
The distinctiveness in this case is measured by the capacity of the
trade mark to distinguish the wares of the respondent from any
other manufacturer's similar wares. Does a series of 10 cross stitches
distinguish the denim clothing manufactured by Manager from
denim clothing manufactured by others?
The use of the stitch, not as a stitching method nor as a simple
decoration, but as a distinguishing trade mark is novel and distinct
of any previous use of the said stitch. The respondent claimed that
its use of the stitch is such as to distinguish its denim clothing from
the other manufacturers' similar wares. I agree that such use of the
stich makes it registrable under the Act.
Although the respondent is entitled to the trade mark, the use of the
said stitch as a distinguishing feature will give no right to the
respondent to prevent others from using the stitch's utilitarian
features such as for decoration and stitching. [pp. 476-477]
11
In this case, the respondent's cross stitch did not serve a function as
it was not used as a method of stitching nor was it merely
decorative. Obviously, a cross stitch made of yellow, orange or light
blue thread has the effect of decorating the ware but its main
purpose was to be used as a means to distinguish the respondent's
ware. Contrary to the case in W.J. Hughes & Sons "Corn Flowers" Ltd.
v. Morawiec (1970), 62 C.P.R. 21 at p. 34, 44 Fox Pat. C. 88 (Ex. Ct.),
the stitch is not used for functional nor ornamentation purposes only.
I come to the conclusion that the cross stitch, in this case, is not used
as a stitch nor as a decoration although such purposes have been
its common use for many years. Rather, the respondent has used
the cross stitch as a distinguishing mark on the pockets, or along the
outer seam of the legs of its denim ware. The trade mark will
therefore not be expunged from the register of trade marks. [p. 478]
[Les italiques sont nôtres.]
Sun Ice Ltd. c. Kelsey Sportswear Ltd. [V-STRIPE] (1993), 61 F.T.R. 136, 47 C.P.R.
(3d) 443 (C.F.), le juge Joyal à la page 447 :
The other test is whether the mark is purely ornemental or serves
functional purpose. From the evidence before me, I see no grounds
which would substantiate such a conclusion. An examination of the
photographs attached to the affidavit evidence of the expert
witnesses indicates to me that the mark is neither ornamental nor
functional. [Les italiques sont nôtres.]
Remington Rand Corp. c. Philips Electronics N.V [SHAVER HEAD]25 (1993), 51
C.P.R. (3d) 392, 69 F.T.R. 136, 44 A.C.W.S. (3d) 579 (C.F.); inf. (1995), 64 C.P.R.
(3d) 467, 191 N.R. 204, [1995] A.C.F. 1660 (C.A.F.) [requête pour permission
d'en appeler à la Cour suprême du Canada refusée (1996), 67 C.P.R. (3d) vi
(C.S.C.).], le juge MacGuigan aux paragraphes 18-21 :
[18] […] Si le caractère fonctionnel se rapporte soit à la marque de
commerce même (Imperial Tobacco, et Parke, Davis), soit aux
marchandises (Elgin Handles), alors il est essentiellement ou
principalement incompatible avec un enregistrement. Toutefois, s'il
est simplement secondaire ou accessoire, comme un numéro de
téléphone n'ayant aucun lien essentiel avec les marchandises, alors
il ne fait pas obstacle à l'enregistrement.
Autrement commenté: Diane LEDUC-CAMPBELL «Validity of 'Distinguishing Guise' Does Not
Turn On Functionality» (1994), 8 World Intellectual Property Report 30, aussi disponible à URL
www.robic.ca, sous publication 142.45 (site consulté le 19990401); Diane LEDUC CAMPBELL
«Federal Court of Appeal Invalidates Philips' Trademarks» (1996), 10 World Intellectual Property
Report 69, aussi disponible à URL www.robic.ca, sous publication 142.64 (site consulté le
19990401); Justine WIEBE et al. «Philips' Triple Head Shaver : When a Shave Can Be Too Close
For Comfort» (1996), 3 Intellectual Property 120.
25
12
[19] […] Si une marque est principalement fonctionnelle en tant que
«partie des marchandises», l'enregistrement aurait pour effet de
conférer aux requérantes «un monopole sur les éléments ou les
caractéristiques fonctionnelles de leurs marchandises». Il créerait en
réalité un brevet ou un dessin industriel plutôt qu'une marque de
commerce : «les requérantes auraient en fait obtenu des brevets
sous forme de marques de commerce». À mon avis, ce serait
précisément la conséquence de l'enregistrement du dessin-marque
dans la présente espèce. Je ne peux donc pas convenir avec le
juge de première instance que les dessins-marques «ne contiennent
[...] aucun élément ou constituant fonctionnel». Au contraire, ils ont
un rapport intrinsèque avec la principale caractéristique
fonctionnelle du rasoir Philips, soit ses têtes de rasage, qu'ils
représentent.
S'il
s'agissait
d'une
simple
représentation,
l'enregistrement ne pourrait pas avoir pour effet d'empêcher les
appelantes de produire un rasoir similaire avec un dessin-marque
différent. Toutefois, l'intimée reconnaît, affirme en fait - que tel est
l'effet de son enregistrement du dessin-marque.
[20] Au surplus, la conclusion subsidiaire du juge de première
instance selon laquelle rien ne permettait de croire que «le dessin
du rasoir à trois têtes de rasage était dicté par le caractère
fonctionnel ou utilitaire» ne me convainc pas. Les têtes de rasage
en général ont un caractère utilitaire, et le juge de première
instance a conclu que la «disposition en triangle équilatéral [est]
l'une des meilleures [...] pour un rasoir à trois têtes de rasage». En
l'espèce, les têtes de rasage sont fonctionnelles et leur disposition
en triangle équilatéral est fonctionnelle. Puisqu'il représente ces
éléments fonctionnels, le dessin-marque est essentiellement
fonctionnel.
[21] […] Quelle que soit l'étendue du marché en question,
l'enregistrement d'une marque essentiellement fonctionnelle
constitue une entrave à la fabrication et au commerce, étant
donné qu'il équivaut dans les faits à un brevet ou à un dessin
industriel sous forme de marque de commerce. [Les italiques sont
nôtres.]
L’on distinguera donc la fonctionnalité utilitaire et la fonctionnalité
esthétique26.
26 Sujet très largement commenté chez nos voisins du Sud; sur la utilitarian functionality et la
aesthetic functionality, voir par exemple Diana Elzey PINOVER, «Aesthetic Functionality : The
13
De cette jurisprudence, l’on peut donc tirer :
•
•
•
•
•
Que ce qui est uniquement décoratif ne saurait constituer une
marque de commerce enregistrable27 [ce qui n’empêchera pas
une marque esthétiquement agréable d’être enregistrable];
Que ce qui est uniquement fonctionnel ne saurait constituer une
marque de commerce enregistrable28 [ce qui n’empêchera pas
une marque dont l’utilité est secondaire d’être enregistrable];
Que si la caractéristique résulte uniquement du processus de
fabrication, la marque de commerce n’est pas enregistrable29;
Que si la caractéristique n’est pas uniquement décorative ou
utilitaire, alors la marque est enregistrable30;
Que ce caractère fonctionnel - esthétique ou utilitaire - doit se
rapporter à la marque elle-même31;
Need for a Foreclosure of Competition» (1993), 83 Trademark Reporter 571; Erin M. HARRIMAN,
«Aesthetic Functionality : The Disarray Among Modern Courts» (1996), 96 Trademark Reporter
276; John E. McKIE, «Functionality Survives Incontestability As a Type of Constructive
Abandonment Despite Shakespeare» (1996), 86 Trademark Reporter 304. On référera
généralement à J. Thomas McCARTHY, McCarthy on Trademarks and Unfair Competition,
4ième éd. (St. Paul, West Group, 1996), au §7:63 à 7:93 (mise à jour 8 du 12/98) et à cet extrait
de Qualitex Co. c. Jacobson Products Co. [GREEN-GOLD DRY CLEANING PRESS PADS] (1995),
514 U.S. 15, 115 S. Ct. 1300, 34 U.S.P.Q. (2d) 1161 (S.C.), le juge Breyer à la page 1163 : «The
functionality doctrine prevents trademark law, which seeks to promote competition in
protecting a firm’s reputation, from instead inhibiting legitimate competition by allowing a
producer to control a useful product feature».
27 W.J. Hughes & Sons "Corn Flower" Ltd. c. Morawiec [TWELVE PETALS FLOWER] (1970), 62
C.P.R. 21, 44 Fox Pat.C. 88 (C. d’É.), le juge Gibson aux pages 98-99 et 100; Adidas (Canada)
Ltd. c. Colins [THREE PARALLEL STRIPES] (1978), 38 C.P.R. (2d) 145 (C.F.), le juge Walsh à la
page 169. Voir aussi Modern Houseware Imports c. Verrerie cristallerie d’Arques J.G. Durand &
cie [FLOWERS DESIGN] (1998), [1998] T.M.O.B. 74 (Comm. opp.) M. Herzig, aux ¶10-11.
28 Voir aussi Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd. c. Goyarzu [MOLDED INDENTATION]
(1991), 36 C.P.R. (3d) 377, [1991] T.M.O.B. 166 (Comm. opp.] M. Herzig aux ¶8-9.
29 Elgin Handles Ltd. c. Welland Vale Mfg. Co. Limited [DARKER TOOL HANDLE] (1964), 43
C.P.R. 20, [1965] R.C.É. 3, 27 Fox Pat.C. 168 (C. d’É.), le juge Jackett aux pages 171 et 172; Voir
aussi Dot Plastics Ltd. c. Gravenhurst Plastics Ltd. [UPPER EDGE STRIPE] (1988), [1988] T.M.O.B.
279, 22 C.P.R. (3d) 228 (Comm. opp.) G. Partington à la page 231.
30 IVG Rubber Canada Ltd. c. Goodall Rubber Company [HELICAL STRIPE] (1980), 48 C.P.R.
(2d) 268, [1981] 1 C.F. 143 (C.F.), le juge Dubé à la page 146; Samann c. Canada’s Royal
Gold Pinetree Mfg. Co. Ltd. [TREE CAR FRESHNER] (1986), 8 C.I.P.R. 307, 65 N.R. 385, 9 C.P.R.
(3d) 223 (C.A.F.), le juge Heald à la page 231, permission d’en appeler à la Cour suprême du
Canada refusée (1986), [1986] 2 R.C.S. v (C.S.C.); Pizza Pizza Ltd. c. Canada (Registrar of
Trade Marks) [967-1111] (1989), 26 C.P.R. (3d) 355, 24 C.I.P.R. 152, 101 N.R. 378, 16 A.C.W.S.
(3d) 24, [1989] 3 C.F. 379 (C.A.F.), le juge Urie à la page 361; Santana Jeans Ltd. c. Manager
Clothing Inc. [CROSS STICH] (1993), 72 F.T.R. 241, 52 C.P.R. (3d) 472 (C.F.), le juge Joyal à la
page 478.
31 Imperial Tobacco Company of Canada, Limted (The) c. Registrar of Trade marks
[COLOURED BAND CELLOPHANE] (1939), [1939] 2 D.L.R. 141, [1939] R.C.É. (C. d’É.), le juge
14
•
Que la fonctionnalité de la marque, qu’elles soit esthétique ou
utilitaire, doit s’analyser suivant la demande d’enregistrement
formulée ou l’enregistrement obtenu mais non suivant la façon
dont la marque est employée32;
• Que cette preuve de fonctionnalité doit être faite et ne peut
s’inférer33;
• Que l’on ne peut – du moins en théorie – par marque de
commerce «étirer» la vie d’un brevet ou d’un dessin industriel
échu34.
Maclean aux pages 144-145; Parke, Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Limited [SEALED
BANDED CAPSULES] (1963), 24 Fox Pat. C. 88, 38 D.L.R. (2d) 694, 41 C.P.R. 121, [1964] R.C.d’É.
399 (C. d’É.), le juge Noël à la page 416; IVG Rubber Canada Ltd. c. Goodall Rubber
Company [HELICAL STRIPE] (1980), 48 C.P.R. (2d) 268, [1981] 1 C.F. 143 (C.F.), le juge Dubé à la
page 146; Pizza Pizza Ltd. c. Canada (Registrar of Trade Marks) [967-1111] (1989), 26 C.P.R.
(3d) 355, 24 C.I.P.R. 152, 101 N.R. 378, 16 A.C.W.S. (3d) 24, [1989] 3 C.F. 379 (C.A.F.), le juge
Pratte à la page 356; Remington Rand Corp. c.Philips Electronics N.V [SHAVER HEAD] (1995),
64 C.P.R. (3d) 467, 191 N.R. 204, [1995] A.C.F. 1660 (C.A.F.), le juge MacGuigan au
paragraphe 21.
32 Samann c. Canada’s Royal Gold Pinetree Mfg. Co. Ltd. [TREE CAR FRESHNER] (1986), 8
C.I.P.R. 307, 65 N.R. 385, 9 C.P.R. (3d) 223 (C.A.F.), le juge Heald à la page 231; Pizza Pizza Ltd.
c. Canada (Registrar of Trade Marks) [967-1111] (1989), 26 C.P.R. (3d) 355, 24 C.I.P.R. 152, 101
N.R. 378, 16 A.C.W.S. (3d) 24, [1989] 3 C.F. 379 (C.A.F.), le juge Pratte aux pages 356-357 et le
juge Urie aux pages 361-362. Voir aussi American Fork & Hoe Co. c. Lansing Engineering Ltd.
[TRIPLE TAPER] (1947), [1948] 2 D.L.R. 298, 7 Fox Pat.C. 75, 7 C.P.R. 51 (C. d’É), le juge Cameron
aux pages 56 et 57; conf. (1948), [1948] 3 D.L.R. 865, 9 Fox Pat.C. 1, 8 C.P.R. 1 (C.S.C.); «Where
the trade-mark itself is per se not functional, it does not become functional simply because,
when applied to the wares, in combination with other elements, it becomes functional» :
Roger T. HUGHES et al., Hughes on Trade Marks (Toronto, Butterworths, 1984), §12, note 14
(mise à jour 36 du 3/98).
33 Santana Jeans Ltd. c. Manager Clothing Inc. [CROOS STICH] (1993), 72 F.T.R. 241, 52 C.P.R.
(3d) 472 (C.F.), le juge Joyal à la page 476; Sun Ice Ltd. c. Kelsey Sportswear Ltd. [V-STRIPE]
(1993), 61 F.T.R. 136, 47 C.P.R. (3d) 443 (C.F.), le juge Joyal à la page 447. Voir aussi Dot
Plastics Ltd. c. Gravenhurst Plastics Ltd. [UPPER EDGE STRIPE] (1988), [1998] T.M.O.B. 279, 22
C.P.R. (3d) 228 (Comm. opp.), G. Partington à la page 231.
34 Imperial Tobacco Company of Canada, Limted (The) c. Registrar of Trade marks
[COLOURED BAND CELLOPHANE] (1939), [1939] 2 D.L.R. 141, [1939] R.C.É. (C. d’É.), le juge
Maclean aux pages 144-145; Parke, Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Limited [SEALED
BANDED CAPSULES]. (1964), 27 Fox Pat. C. 67, 45 D.L.R. (2d) 97, 43 C.P.R. 1, [1964] R.C.S. 351
(C.S.C.), le juge Hall à la page 356; Pizza Pizza Ltd. c. Canada (Registrar of Trade Marks) [9671111] (1989), 26 C.P.R. (3d) 355, 24 C.I.P.R. 152, 101 N.R. 378, 16 A.C.W.S. (3d) 24, [1989] 3 C.F.
379 (C.A.F.), le juge Pratte aux pages 356-357; Remington Rand Corp. c. Philips Electronics
N.V [SHAVER HEAD] (1995), 191 N.R. 204, [1995] A.C.F. 1660, 64 C.P.R. (3d) 467 (C.A.F.), le juge
MacGuigan aux pages 476-477. Voir aussi Thomas & Betts, Ltd. c. Panduits Corp. [OVAL
SHAPE HEAD] (1997), 129 F.T.R. 185, 74 C.P.R. (3d) 185 (C.F.), le juge Richard à la page 198 (en
appel A-352-97). Voir aussi Gregory C. LUDLOW, «Survey of Intellectual Property : Part II –
Trade-marks Suitability of Application and Validity of Registrations» (1995), 27 Ottawa Law
Review 339, à la page 342 : «The Court also concluded that the two-dimensional trade-mark
registrations possessed by Philips would prevent Remington from marketing a shaver with
three rotary blades arranged in equilateral triangular configuration».
15
2.2 L’EMPLOI
Nous avons vu qu’une marque de commerce doit distinguer les
marchandises ou services d’une personne de ceux d’une autre. Encore faut-il
qu’elle soit employée, du moins dans le sens technique qu’en donne la Loi sur
les marques de commerce35.
Ainsi, en liaison avec des marchandises, une marque est réputée employée36
si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises,
elle est apposée ou liée à ces marchandises de façon à donner avis de
liaison entre les marchandises et cette marque.37
En liaison avec des services, une marque de commerce sera réputée
employée si elle est montrée dans l’exécution ou l’annonce des services.
Toutefois, pour constituer emploi de la marque de commerce, cette publicité
la montrant devra être couplée à l’exécution des services au Canada.38
35 Article 2 LdM : «emploi» ou «usage». À l'égard d'une marque de commerce, tout emploi
qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services».
Paragraphes 4(1) et 4(2) LdM : 4(1) «Une marque de commerce est réputée employée en
liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces
marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les
marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si
elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors
donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée». 4(2) «Une marque de
commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou
montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces service».
36 Pour une critique de l'interprétation jusrisprudentielle de cette notion «d'emploi», on lira
Daniel R. BERESKIN «Trade-Mark Use», dans Trade-Marks Law of Canada, collection Henderson
(Toronto, Carswell, 1993), ch. 4, spéc. pp. 109-112, republié sous le titre «Trade-Mark ‘Use’» in
Canada» (1997), 87 Trademark Reporter 301, aux pages 305-309; Hugues G. RICHARD «The
Definition of 'Use' May Alter Section 20 Infringements of the Trade-marks Act» (1995), 2
Intellectual Property 60 et François GUAY «Pour en finir avec l’affaire Clairol - L’article 22 de la
Loi sur les marques de commerce prévient-il la publicité comparative?» (1999), 11 Les cahiers
de propriété intellectuelle 441.
37 «Thus, the placing of the mark on a bottle cap, a label, packages and invoices, shrinkwrapped with an article displaying the trade-mark, on a computer program […] or on tare
slips wherein bulk products are weighed or on sealing tape placed across the carton
containing the wares is sufficient use of the mark» : Roger T. HUGHES et al., Hughes on Trade
Marks (Toronto, Butterworths, 1984), au §18, notes omises (mise à jour 37 du 7/98).
38 Voir entre autres Cornerstone Securities Canada Inc. c. Smart & Biggar [CORNERSTONE]
(1994), 58 C.P.R. (3d) 417, 87 F.T.R. 300 (C.F.), le juge Weston au ¶8; Porter c. Don the
Beachcomber [DON THE BEACHCOMBER] (1966), 33 Fox Pat. C. 79, 48 C.P.R. 280, [1966] R.C.É.
982 (C. d’É.), le juge Thurlow à la page 988, Marineland Inc. c. Marine Wonderland & Animal
Park Ltd. [MARINELAND] (1974), 16 C.P.R. (2d) 77, [1974] 2 C.F. 558 (C.F.), le juge Cattanach
aux pages 569-572.
16
La publicité ne constituera donc pas, en tant que tel, une emploi de la
marque à l’égard de marchandises et la marque devra être employée de
façon à distinguer les marchandises ou services lors d’un transfert de
propriété.39
Qu’en est-il alors de la marque qui est apposée à des produits promotionnels
(merchandising products) tels T-shirts, crayons, casquettes, d’autant plus que
ces produits sont généralement donnés? S’agit-il d’un emploi créatif de droits
au sens de la Loi sur les marques de commerce, c’est-à-dire qui sert à
distinguer la source d’un produit, ou d’autre chose, comme une utilisation
ornementale40?
Bien sûr, cette détermination dépendra dans bien des cas des circonstances
de l’apposition, de celles du transfert de possession et de la nature des
procédures (demande d’enregistrement, opposition, procédures en
déchéance administrative ou judiciaire, action en contrefaçon). Il s’agira
donc, suivant une jurisprudence qui semble jusqu’ici provenir uniquement de
la Commission des oppositions, de déterminer si, même en apposant sa
marque de façon proéminente sur de telles marchandises (généralement
ancillaires à un programme de mise en marché), il y a utilisation pour
distinguer ou simplement ornementale, la marque (ce qui est
Voir ainsi Farodo Ld.’s Application (1945), 62 R.P.C. 111 (Chan. Div. Angleterre), lord
Evershed à la page 123; «It is not uncommon to-day for manufacturer of or traders in goods
of a specific class to advertise their wares by the distribution as gifts of goods, e.g., pencils or
matches, bearing their name or their trade mark though such last mentioned goods are
wholly different in character from their own goods. […] A member of the public seing goods
of the characater of those comprises in classes 5 or 34 bearing the name "Ferodo" might
suppose that such goods were being distributed as part of an advertising campaign [for the
FERODO brake linings]».
40 «Rather, I believe there is at least an arguable case to the effect that this is a mere
decoration of the articles in question and does not constitute trade mark use in the sense of
making the articles to which such decoration is applied distinctive of the Montreal Expos or
whatever other club be involved» : Paul V. GADBAN «Thoughts on Trade Mark Use Following
Pharmaco» (1982), 8-13 Patent and Trademark Institute of Canada Bulletin 630, aux pages
637-638.
39
17
particulièrement vrai dans le cas des marques graphiques41) n’ayant alors
qu’une fonction décorative42.
Cela a pour conséquence que si la présence d’une marque sur des articles
de promotion n’est pas considérée comme un «emploi» au sens du
paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce43, l’enregistrement
de cette marque de commerce pour de tels articles sera vulnérable à une
procédure en radiation administrative44 ou judiciaire45 pour défaut d’emploi46.
Mais n’exclut pas les marques nominales, surtout lorsque celles-ci sont
malencontreusement incorporées à un slogan : Part I Knitting Ltd. c. Tetra Music Ltd.
[CAUTION] (1992), 43 C.P.R. (3d) 154 (Comm. opp.) D. Martin à la page 158 et Everything for a
Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. [MORE THAN A DOLLAR STORE]
(1998), [1998] T.M.O.B. 73 (Comm. opp.), G. Partington au ¶10. Voir également C. Lloyd
SARGINSON, «Color, Slogans & Shapes As Trademarks – The Transition from Non-traditional to
Traditional», dans 1997 INTA Mid-Year Meeting – Course Materials (Rio Grande, INTA, 1997),
pp.15-25, aux pages 19-21.
42 Miller Brewing Co. Ltd. c. Labatt Brewing Co. [ALL YOU WANT IN BEER] (1991), 36 C.P.R. (3d)
400, [1991] T.M.O.B. 116 (Comm. opp.), D. Savard au ¶7; Part I Knitting Ltd. c. Tetra Music Ltd.
[CAUTION] (1992), 43 C.P.R. (3d) 154 (Comm. opp.), D. Martin à la page 158; Body Shop
International PLC c. K Mart Canada Ltd. [BODY COMPANY] (1993), 46 C.P.R. (3d) 556 (Comm.
opp.), G. Partington à la page 559; Lapointe, Rosenstein c. Bum Wrap Clothing Store [THE
BUM WRAP] (1995), 63 C.P.R. (3d) 564 (Comm. opp.), D. Savard aux pages 568-569; Philips,
Friedman and Kotler c. Blackcomb Skiing Enterprises [ SOLAR COASTER] (1995), [1995] T.M.O.B.
141 (Comm. opp.), D. Davard au ¶9; Philips, Friedman and Kotler c. Blackcomb Skiing
Enterprises [SOLAR COASTER] (1995), [1995] T.M.O.B. 140 (Comm. opp.), D. Davard au ¶9;
Thomas J. Lipton c. The HVR Co. [TAKE HEART] (1995), 64 C.P.R. (3d) 552, [1995] T.M.O.B. 169
(Comm. opp.), D. Martin aux ¶8 et 9; Molson Breweries c. Moosehead Breweries Ltd. [WHAT
BEER IS NOW] (1995), 64 C.P.R. (3d) 560, [1995] T.M.O.B. 173 (Comm. opp.), M. Herzig au ¶6;
Skydome Corporation c. Toronto Heart Industries Ltd. [TORONTO COME TO PLAY] (1998),
[1998] T.M.O.B. 203 (Comm. opp.), D. Savard au ¶16; Canadian Tire Corp. Ltd. c. Max
Rittenbaum Inc. [THE RIGHT CHOICE] (1998), [1998] T.M.O.B. 201 (Comm. opp.), D. Martin au
¶17.
43 Daniel R. BERESKIN «Trade-mark Use», dans Trade-mark Law of Canada, collection
Henderson (Toronto, Carswell, 1993), pp. 97-112, republié sous le titre «Trade-Mark ‘Use’» in
Canada (1997), 87 Trademark Reporter 301; Sheldon BURSHTEIN, «Trade-Mark Use in Canada :
The Who, What, Where, When, Why and How – Part I» (1998), 11 Intellectual Property Journal
229, aux pages 236-237; Paul V. GADBAN «Thoughts on Trade Mark Use Following Pharmaco»
(1982), 8-13 Patent and Trademark Institute of Canada Bulletin 630, aux pages 637-639; Barry
GAMACHE, «La protection des marques de commerce sur les articles de promotion : un
débat à faire» (1994), 3-2 Update/Résumé de la Section nationale de propriété intellectuelle
de l’Association du Barreau canadien, pp. 4-6, aussi disponible à URL www.robic.ca, sous
publication 171.1 (site consulté le 19990401); John R. MORRISSEY «Double Trademarking »
(1982), 9-15 Patent and Trademark Institute of Canada Bulletin 957, aussi publié sous le titre
«Double Trademarking in Canada» à (1983), 73 Trademark Reporter 28; Donna G. WHITE,
«Potential Pitfalls in the Protection of Merchandising Marks in Canada» (March 1994),
Trademarks America 8, aussi publié à (1994), 65 Trademark World 22.
44 Article 45 LdM.
45 Article 57 LdM, sur la base du paragraphe 18(1) LdM.
41
18
Par contre, une telle utilisation pourrait sans doute valoir pour une exploitation
de la marque de commerce pour des services47.
3.
COULEURS
«Dans le noir toutes les couleurs s’accordent»
- Francis BACON, Essais (1597-1612)
De façon traditionnelle, une marque de commerce peut comporter certains
éléments de couleurs, soit pour tout ou partie de la portion nominale48, soit
pour tout ou partie de la portion graphique49. Mais qu’en est-il de la marque
de commerce qui, sans autre élément de reconnaissance, ne serait qu’une
couleur? Rappelons d’abord certaines notions.
Sauf s’il se limite à une couleur en particulier, l’enregistrement d’une marque
de commerce confère à son propriétaire un droit exclusif à l’emploi de cette
marque de commerce dans toutes les couleurs50.
Par ailleurs, l’enregistrement dans une couleur donnera un droit exclusif à
l’emploi de cette couleur dans ses diverses variations de teintes51.
Cela constituerait également un bon motif d’opposition à l’encontre de l’enregistrement
d’une telle marque de commerce, savoir que le requérant n’aurait pas employé la marque
de commerce depuis la date de premier emploi allégué : alinéas 38(2)a) et 30b) LdM.
47 Paul V. GADBAN «Thoughts on Trade Mark Use Following Pharmaco» (1982), 8-13 Patent
and Trademark Institute of Canada Bulletin 630, à la page 637.
48 Voir par exemple, le GOLDEN ARCHES jaune pour les vêtements de McDonald’s
Corporation (enregistrements TMA 387318 et 299634).
49 «Le cône est jaune, St-Hubert et la chevelure sont rouges, la main et le haut du visage sont
blancs, le bec est or, les yeux et le nœud papillon sont noirs» : enregistrement TMA 316852 de
la marque ST-HUBERT (& graphisme) de Groupe alimentaire St-Hubert Inc. On peut également
songer au RED DOT des parapluies de Knirps International GmBH (enregistrement TMA 158783)
tout comme au point rouge des produits de l’acier de Groupe Canam-Manac Inc.
(demande TMO 889216).
50 Smith c. Fair [RED SEAL] (1887), 14 O.R. 729 (Ont. Chan. Div.), le juge Proudfoot à la page
733; Tavener Rutledge Ld. c. Specters Ld. [TAVENER DROPS] (1959), [1959] R.P.C. 385 (C.A.
Angleterre), le juge Evershed aux pages 358-359; confirmant (1959), [1959] R.P.C. 83 (Chan.
Div. Angleterre); IVG Rubber Canada Ltd. c. Goodall Rubber Company [HELICAL STRIPE]
(1980), 48 C.P.R. (2d) 268, [1981] 1 C.F. 143 (C.F.), le juge Dubé à la page 146; Harold G. FOX,
The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 2ième éd. (Toronto, Carswell, 1967),
à la page 230.
51 Parke, Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Limited [SEALED BANDED CAPSULES] (1963),
24 Fox Pat. C. 88, 38 D.L.R. (2d) 694, 41 C.P.R. 121, [1964] R.C.d’É. 399 (C. d’É.), le juge Noël à
la page 419; confirmé sur un point différent (1964), 27 Fox Pat. C. 67, 45 D.L.R. (2d) 97, 43
C.P.R. 1, [1964] R.C.S. 351 (C.S.C.).
46
19
Lorsque, dans le cadre d’une demande d’enregistrement, le requérant
revendique une couleur comme caractéristique de la marque, la couleur
doit être décrite52. Et si la description n’est pas claire, le registraire peut exiger
la production d’un dessin ligné qui représente les couleurs suivant un tableau
de concordance53.
Une marque de commerce consistant dans une ou plusieurs couleurs dans
une présentation particulière54 est donc possible. De la même façon, un
positionnement de couleurs sur un produit55 pourra aussi faire l’objet d’un
enregistrement.
Toutefois, pour importante qu’elle puisse être pour son «utilisateur», une
couleur seule ne pourra pas, en tant que telle, faire l’objet d’une marque de
commerce56, une marque devant être distincte57 du produit qu’elle vise à
Paragraphe 28(1) du Règlement sur les marques de commerce (1996); aux présentes, le
Règlement. Par exemple, l’enregistrement TMA 494137 de Canon K.K. pour des imprimantes
laser visant une marque décrite comme «La marque de commerce est composée de 9
silhouettes lenticulaires superposées, de 3 barres oblongues, et d’une silhouette triangulaire
centrale» revendique les couleurs suivantes : «Du haut de la marque de commerce en
avançant dans le sens des aiguilles d’une montre, les trois silhouettes lenticulaires sousjacentes suivantes sont vert, mauve et orange. Du haut de la marque de commerce en
avançant dans le sens des aiguilles d’une montre, les trois silhouettes lenticulaires les plus
basses sont rouge, moutarde et turquoise. Les trois barres oblongues séparant les silhouettes
lenticulaires doré et bleu, bleu et mauve, et violet et orange sont noires. La silhouette
triangulaire centrale est blanche». Bref, il faut un dessin…
53 Paragraphe 28(2) du Règlement.
54 On peut songer, par exemple, au rectangle bleu et rouge de Tommy Hilfiger Licensing, Inc
(enregistrements TMA 432095 et TMA 482283), aux bandes bleue et or de Visa International
Service Association (enregistrement TMA 160565) ou au noir et cuivre des piles de Duracell
International Inc. (enregistrement TMA 246861).
55 «(…) distinguish between colour as the whole subject of a trade-mark - such as a coloured
label - and colour applied to one particular feature or element in a manufactured article» :
Wrights’ Ropes Limited c. Broderick & Bascom Rope Co [YELLOW STRAND IN A ROPE] (1931),
[1931] R.C. d’É. 143 (C. d’É.) le juge MacLean à la page 145 et l’enregistrement TMDA 048989
qui y était discuté «Description de la marque : A yellow coloured strand running through a
lenght of wire rope, no claim being made to the representation of a wire rope as shown in
the accomapnying drawing apart from the presence of the yellow strand». Voir ainsi
l’enregistrement TMDA 050742 de Uniontools, Inc. pour des manches d’outils de jardinage : «A
green coloured band which is applied about the knob end of a tool handle and a green
coloured band which is applied to the ferrule of the tool handle with a natural wood finish
separating the said green coloured bands». Voir aussi IVG Rubber Canada Ltd. c. Goodall
Rubber Company [HELICAL STRIPE] (1980), [1981] C.F. 143 (C.F.), le juge Dubé à la page 146
et l’enregistrement TMA 245066 qui en est résulté. Voir aussi Reddaway (F.) & Co. Limited’s
Application [BLUE RED BLUE LINES] (1914), 31 R.P.C. 147, [1914] 1 Ch. 859 (Chan. Div.
Angleterre), le juge Warrington à la page 862.
56 «[Traduction] Si les marques de commerce de la demanderesse devaient porter sur la
couleur seulement, je crois qu’il ne fait aucun doute qu’elles ne pourraient être enregistrées» :
Parke Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Ltd. [SEALED BAND CAPSULES] (1963), [1964]
R.C. d’É. 399 (C. d’É.), le juge Noël à la page 413. Voir également : Hanson’s Trade Mark
52
20
distinguer58. Il ne faut pas confondre la couleur comme marque de
commerce et la couleur de la marque de commerce59.
Pourra ainsi être enregistrée une marque de commerce consistant dans une
couleur particulière appliquée à une forme particulière60. Ce n’est donc pas
parce que la couleur recouvre l’ensemble du produit que la marque ne sera
pas pour autant non enregistrable61.
[RED, WHITE, and BLUE] (1887), [1888] R.P.C. 130 (Chan. Div. Angleterre), le juge Jay à la page
132; Harold G. FOX, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 2ième éd.
(Toronto, Carswell, 1967), à la page 231. Pour une perspective américaine d’avant la
décision Qualitex, voir Thomas A. SCHMIDT, «Creating Protectible Color Trademarks» (1991), 81
Trademark Reporter 285, à la page 301 : «Traditionally, the mere color rule operated to bar
the registration of color marks. The mere color rule is based upon the color depletion theory,
the functionality doctrine and shade confusion concerns».
57 Voir Iver P. COOPER, «Trademark Aspects of Pharmaceutical Product Design» (1980), 70
Trademark Reporter 1, à la page 9 : «When a medicinal component of a drug is inherently
colored, that color cannot acquire trademark significance. Thus, the yellow of sulfur, the blue
of cupric sulfate, and the vivid red of mercuric iodide cannot be appropriated as trademarks
for the corresponding medicinals [H.C. Ansel, Introduction to Pharmaceutical Dosage Forms
(1959), at 68]».
58 «Although a color applied to the visible surface of a tablet having a particular shape can
function as a trade mark, it is not the type of trade mark which is readily identifiable as a mark
because it is coextensive with the product itself» : Novopharm Ltd. c. Burroughs Wellcome Inc.
[BLUE SHIELD-SHAPE TABLET] (1993), 52 C.P.R. (3d) 263 (Comm opp.), D. Martin aux pages 271272; conf. (1994), 58 C.P.R. (3d) 513 (C.F.), le juge McKeown aux pages 520 et 521;
désistement de l’appel A-717-94 produit le 11 décembre 1997. Voir également Smith, Kline
and French Laboratories Ltd. c. Sterling-Winthrop Group Ltd. [MAROON AND TRANSPARENT
CAPSULE WITH YELLOW PELLETS] (1971), [1972] R.P.C. 247 (Registrar); conf. (1973), [1973] 1
W.L.R. 1534, [1974] R.P.C. 91 (Chan. Div. Angleterre); inf. (1975), [1975] 1 W.L.R. 801, [1975]
F.S.R. 298, [1976] R.P.C. 511-513 (C.A. Angleterre); inf. (1975), [1975] 1 W.L.R. 914; [1975] 2 All
E.R. 578, 119 S.J. 422, [1976] R.P.C. 511-533 (H.L.), lord Diplock à la page 537.
59 «As submitted by plaintiff’s counsel, one must indeed distinguish between colour as a trade
mark and colour of a trade mark» : Parke, Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Limited
[SEALED BAND CAPSULES] (1963), 24 Fox Pat. C. 88, 38 D.L.R. (2d) 694, 41 C.P.R. 121, [1964]
R.C.d’É. 399 (C. d’É.), le juge Noël à la page 415.
60 Songeons à «la marque de commerce [est] constituée de la couleur bleue sur toute la
surface visible de la capsules» pour les comprimés de sodium de naproxène de Hoffmann-La
Roche Limitée, objet de l’enregistrement TMA 346 453; «Le bloc hachuré ne fait pas partie de
la marque de commerce. La partie hachurée du dessin est de couleur rose» pour l’isolant de
fibre de verre de Owens-Corning Canada Inc, objet de l’enregistrement TMA 433100; «La
marque de commerce présentée dans le dessin consiste en la couleur jaune serin appliquée
à toute la surface visible des notes. La représentation des notes montrées dans le contour
pointillé ne fait pas partie de la marque de commerce» pour les notes adhésives POST-IT de
Minnesota Mining and Manufacturing Company, objet de l’enregistrement TMA 477683. Voir
également J. Thomas McCARTHY, McCarthy on Trademarks and Unfair Competition, 4ième éd.
(St. Paul, West Group, 1996), au §7:40 (mise à jour 4 du 12/97 : «To the author’s knowledge, no
[American] court has granted a company the exclusive right to use a color per se, apart from
being defined as the coloration of a specific product, shape or design».
61 «J’ai conclu qu’il ne s’agissait pas en l’espèce d’une demande relative à une marque de
commerce qui «porterait sur la couleur seulement». Je le répète, la marque de commerce
21
Une usurpation de telle marque pourra d’ailleurs faire l’objet de procédures
judiciaires62.
Un important corpus de jurisprudence s’est développé, principalement sinon
exclusivement dans le domaine pharmaceutique, sur les «technicalités»
relatives à la description d’une telle marque que l’on veut ainsi enregistrer63.
Ainsi, un dessin de la marque de commerce (de même que des
dont l’enregistrement est demandé est une teinte particulière de vert recouvrant un
comprimé d’une forme et d’une grosseur particulière. Je n’empêcherai pas l’enregistrement
pour le seul motif que la couleur recouvre tout l’extérieur du comprimé et non pas une partie
seulement de celui-ci.» [les italiques sont nôtres] : Smith Kline & French Canada Ltd. c.
Canada (Registraire des marques de commerce) [No 2] [GREEN TABLET] (1987), 12 C.I.P.R.
204, 9 F.T.R. 129, [1987] 2 C.F.633 (C.F.), le juge Dubé à la page 636 infirmant (1984), 10 C.P.R.
(3d) 246 (Registraire). Voir également Smith, Kline and French Laboratories Ltd. c. SterlingWinthrop Group Ltd. [MAROON AND TRANSPARENT CAPSULE WITH YELLOW PELLETS] (1975),
[1975] 1 W.L.R. 914; [1975] 2 All E.R. 578, [1976] R.P.C. 511-533 (H.L.), lord Diplock à la page 534.
62 Voir Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. [BLUE METROPOL TABLET] (1992), 44 C.P.R. (3d)
289, J.E. 92-1624, 143 N.R. 241, 95 D.L.R. (4th) 385, 58 O.A.C. 321, 36 A.C.W.S. (3d) 508, [1992] 3
R.C.S. 120 (C.S.C.), le juge Gonthier aux pages 141-143; CIBA-Geigy Canada Ltd. c.
Novopharm Ltd. [PINK ROUND BICONVEX DICLOFENAC TABLETS] (1993), 52 C.P.R. (3d) 497
(C.F. – injonction provisoire); (1994), 83 F.T.R. 161, 56 C.P.R. (3d) 289 (C.F. – injonction
interlocutoire), le juge Rothstein aux pages 315 et 320 : «While with more than one colour, a
tablet might be more striking or unusual and therefore more easily associated with trade
source, nothing in the authorities precludes appearance of a single-coloured tablet from
attracting a secondary meaning» ; (1994), 83 F.T.R. 233, 56 C.P.R. (3d) 344 (C.F. – motifs
additionnels); (1997), 77 C.P.R. (3d) 428 (C.F. – rescission). Voir aussi, quoique dans un autre
contexte, Smith Kline & French Inter-American Corporation c. Chiefetz [ORANGE AND WHITE
PELLETS IN BROWN AND TRANSPARENT CAPSULE] (1964), 46 C.P.R. 86 (C.S.Q.), le juge StGermain à la page 90.
63 Voir par exemple : Novopharm Ltd. c. Burroughs Wellcome Inc. [BLUE SHIELD-SHAPE TABLET]
(1993), [1993] T.M.O.B. 400, 52 C.P.R. (3d) 263 (Comm opp.), D. Martin aux pages 267-268;
conf. (1994), 58 C.P.R. (3d) 513 (C.F.), le juge McKeown aux pages 520 et 521; désistement de
l’appel A-717-94 produit le 11 décembre 1997 (demande TMO 593889). Voir également
Novopharm Ltd. c. Searle Canada Inc. [YELLOW TABLET] (1995), 60 C.P.R. (3d) 400,[1995]
T.M.O.B. 15 (Comm. opp.), M. Herzig aux pages 2-3 (demande TMO 637454); Apotex Inc. c.
Burroughs Wellcome Inc. [BLUE SHIELD TABLET] (1996), 68 C.P.R. (3d) 521, [1996] T.M.O.B. 86
(Comm. opp.), M. Martin à la page 3 (demande TMO 688591); Novopharm Ltd. c. Bayer Inc
[DUSTY ROSE TABLET] (1996), [1996] T.M.O.B. 256 (Comm. opp.), M. Herzig à la page 3
(demande TMO 657397), décision commentée par Mark K. EVANS «Canada – prescription
pharmaceutical tablets : Registered trade-mark protection (avril 1997), 96 Trademark World;
URL http://206.169.98.71/TW/articles/096/twc9603.htm (site consulté le 19990401); Novopharm
Ltd. c. Hoechst Aktiengesellschaft [PINK TABLET] (1997), [1997] T.M.O.B. 57 (Comm. opp.), D.
Martin à la page 3 (demande TMO 671135); Apotex Inc. c. Searle Canada Inc. [WHITE
HEXAGONAL TABLET] (1997), [1997] T.M.O.B. 306 (Comm. opp.), D. Martin à la page 3
(demande TMO 722 545); Novopharm Ltd. c. Ciba-Geigy Canada Ltd. (1997), 81 C.P.R. (3d)
558, [1997] T.M.O.B. 221 (Comm. opp.), M. Herzig aux pages 2-3, appels T-2483-97 et T-4282-97
(demandes TMO 630536 [PINK TABLET] et TMO 630537 [PINK TRIANGULAR TABLET]); Novopahrm
Ltd. c. Astra Aktiebolag [BROWN-PINK CAPSULE] (1997), [1997] T.M.O.B. 303 (Comm. opp.), M.
Herzig aux pages 2 et 3, appel T-224-98 (demande TMO 692410).
22
représentations exactes de celle-ci) seront exigées du requérant64 de façon à
décrire précisément la marque de commerce dont on recherche
l’enregistrement65. En pratique66, un dessin représentant précisément l’une
des perspectives du produit sur lequel est apposée la couleur67 sera
considéré comme suffisant pourvu qu’un spécimen de la marque, telle
Alinéa 30h) LdM (L.R.C. 1985, c. T-13); aux présentes, la Loi ou LdM. Suivant la pratique,
l’Examinateur exigera également un dessin en lignes pointillées montrant une perspective en
trois dimensions de la marque de commerce de même qu’une déclaration suivant laquelle
la représentation des marchandises en lignes pointillées ne fait pas partie de la marque de
commerce : voir Manuel d’examen des marques de commerce, 2ième éd. (Hull,
Approvisionnement et Service Canada, 1996), au §IV.2.1. Le cas échéant, si la marque de
commerce est déjà employée, l’Examinateur pourra exiger la production de spécimens
démontrant la façon dont la marque de commerce est ainsi employée : alinéa 29c) du
Règlement.
65 «In the present case, the drawing is too imprecise to make the applicant’s description of its
trade mark meaningful. The applicant should have provided a drawing showing the trade
mark in three dimensional perspective. Alternatively, the applicant could have provided
several two dimensional representations of the mark from different perspectives. A less
satisfactory alternative might have been to provide a detailed written description of the
shape of the mark and rely on the single drawing already filed. A further alternative along
those lines woud be to have delineated the shape of the trade mark in the written
description by reference to the specimens filed […] In any event, s. 30(h) requires that the
present applicant provide a drawing of the trade mark which, either by itself or in conjunction
with the description of the trade mark in the application, delinates the shape of the trade
mark claimed» : Novopharm Ltd. c. Burroughs Wellcome Inc. [BLUE SHIELD-SHAPE TABLET]
(1993), 52 C.P.R. (3d) 263 (Comm opp.), D. Martin à la page 268; conf. (1994), 58 C.P.R. (3d)
513 (C.F.), le juge McKeown aux pages 520 et 521; désistement de l’appel A-717-94 produit le
11 décembre 1997 (demande TMO 593889).
66 Dans son projet d’avis de pratique du 1999-01-27, le Bureau des marques propose, sous le
titre La couleur appliquée à l’objet en son entier, que : «Lorsqu’une marque de commerce
consiste seulement en une couleur particulière appliquée à la surface visible d’un objet
particulier, celle-ci n’est pas considérée être un signe distinctif. Afin qu’une telle marque soit
enregistrable, la demande doit contenir i) un ou des dessins démontrant les aspects visibles
de l’objet, et ii) une description indiquant que la marque de commerce consiste en la
couleur appliquée à l’objet montré dans le dessin. La description et le dessin doivent par euxmêmes complètement définir en quoi consiste la marque de commerce, et alors que le
Bureau pourrait exiger des spécimens, la description de la marque ne doit pas faire référence
à des spécimens. Voici un exemple d’une description acceptable : «La marque de
commerce consiste en la couleur pourpre appliquée à la surface visible de la pilule montrée
dans le dessin {voir Smith, Kline & French v. Registrar, [1987] 2 F.C. 633.}».
67 À cet égard, le Bureau des marques n’exige pas une description précise de la nuance de
couleur; par contre si un requérant entend se référer aux couleurs PANTONE, il devra indiquer
qu’il s’agit là d’une marque déposée; pour une indication des différentes variations de
couleurs
possible,
voir
Pantone,
the
Power
of
Color
URL
http://www.pantone.com/aquapage.asp (site consulté le 19990401).
64
23
qu’employée68, soit produit et que la demande d’enregistrement comprenne
une description de la marque qui réfère au spécimen produit69.
La couleur, bien sûr, devra être distinctive du produit en liaison avec lequel on
veut l’enregistrer. Certaines couleurs sont, en effet, reconnues dans certaines
industries pour avoir une signification particulière et ne sauraient donc
différencier les produits ou service d’une personne de ceux d’une autre70.
Cela étant, une couleur qui est uniquement fonctionnelle71 ne pourra pas
faire l’objet d’une marque de commerce parce que, de par sa
fonctionnalité, elle ne peut justement pas être apte à distinguer les
marchandises ou services de l’un par rapport à ceux des autres72. Toutefois, la
68
…
Ce qui apparaît bien difficile pour une marque projetée au sens du paragraphe 16(3) LdM
Novopharm Ltd. c. Bayer Inc (1996), [1996] T.M.O.B. 256 (Comm. opp.), M. Herzig à la page
3 [DUSTY ROSE TABLET] (demande TMO 65739).
70 «It is increasingly recognized that certain colours are more appropriate than others for the
packaging of particular goods. Yellow is obviously appropriate for a lemon-flavoured drink,
brown for potato products, and green for vegetable such as beans and peas» : Christopher
WADLOW, The Law of Passing-Off, 2ième éd. (Londres, Sweet & Maxwell, 1995), au §6.66. Dans
l’affaire australienne Aktiebolaget Astra c. Glaxo Group Ltd. (1995), [1995] A.T.M.O 40 (Bureau
des marques); conf. (1996), 33 I.P.R. 123, l’enregistrement de teintes de bleu et de brun pour
des inhalateurs contre l’asthme a été refusé au motif que, dans cette branche de l’industrie,
le bleu signifiait l’aspect soulagement et le brun l’aspect préventif de la thérapie. De façon
générale, voir Maurice DÉBÉRÉ, La couleur, 9ième éd., collection Que sais-je? (Paris, PUF, 1996).
71 Par exemple, une bouteille ambrée pour de la bière serait fonctionnelle puisque servant à
protéger celle-ci de l’effet de la lumière (évitant le «skunky flavour» qui dégoûte le vrai
consommateur de bière); le point bleu sur un flash d’appareil photo sert à indiquer les fuites;
la bande rouge sur le cellophane qui enveloppait les paquets de cigarettes et qui permettait
de mieux voir l’endroit où il fallait déchirer le cellophane; la couleur noire pour des moteurs
hors-bord parce que cette couleur a pour effet de diminuer la grosseur apparente du moteur
et de se marier à tous les bateaux. Sur un emploi fonctionnel des couleurs dans des fibres
dichroïdes, voir, par exemple, Robert CASSIUS DE LINVAL, Un nouveau moyen de combattre
les
contrefaçons
(1997-09-17),
site
Cybersciences
URL
http://www.cybersciences.com/cyber/3.0/n313.asp (site consulté le 19990401) et Ron WALLI,
ORNL
technology
helping
N.Y.
company
battle
piracy
(1997-09-19),
URL
http://www.ornl.gov/Press_Releases/archive/mr970919-00.html (site consulté le 19990401) [Le
dichroïsme étant défini par Le petit Robert (1996) comme la propriété de certaines
substances de présenter une coloration différente selon les conditions d’observation,
l’absorption des rayons lumineux variant avec l’orientation, l’épaisseur du corps.]
72 Parke, Davis & Co. Ltd. c. Empire Laboratories Limited [SEALED BANDED CAPSULES]. (1964),
27 Fox Pat. C. 67, 45 D.L.R. (2d) 97, 43 C.P.R. 1, [1964] R.C.S. 351 (C.S.C.), le juge Hall à la page
354 «The validity of the trade marks may, in my view, be disposed of on the ground that the
coloured bands have a functional use or characteristics and cannot, therefore, be the
subject matter of a trade mark. The law appears to be well settled that if what is sought to be
registred as a trade mark has a functional use or characteristic, it cannot be the subject of a
trade mark»; confirmant (1963), 24 Fox Pat. C. 88, 38 D.L.R. (2d) 694, 41 C.P.R. 121, [1964]
R.C.d’É. 399 (C. d’É.), le juge Noël aux pages 416 «[…] in this case the coloured gelatin band
is used to close the gelatin capsule» et 418-419 «We have seen that the colour banded
69
24
fonctionnalité (esthétique ou utilitaire) d’une marque de commerce
n’empêchera l’enregistrement de celle-ci que si elle porte sur la marque ellemême73 et non sur un aspect secondaire ou incident de celle-ci74. Parmi les
éléments fonctionnels fréquents d’une couleur, on notera l’indication de
qualité du produit plutôt que de la source de celui-ci75.
La pauvreté de la jurisprudence canadienne76 nous amènerait à nous tourner
vers le droit américain, lequel peut s’articuler autour de deux décisions
récentes77 et d’une abondante doctrine78, dont il faut toutefois se défier vu
les fondements législatifs et jurisprudentiels différents.
capsules of the plaintiff have many utilitarian functions and that even the presence of colour
on the bands is useful in enabling the easy detection of a break on the band».
73 Quoique de droit américain, voici une formule qui résume bien : «A color that performs
some utilitarian function in connection with a product cannot be appropriated as a
trademark under the general rule that no functional feature can be a valid trademark. […]
while the majority of courts have defined "functionality" to cover only features that directly
contribute to the utilitarian functionality of the product. […] When color is used only to
indicate a characteristic of the product, such as size, capacity or strenght, it is functional» : J.
Thomas McCARTHY, McCarthy on Trademarks and Unfair Competition (St. Paul, West Group,
1996), au §7:49 (mise à jour 8 du 12/98).
74 Remington Rand Corp c. Philips Electronics N.V. [SHAVER HEAD] (1995), 64 C.P.R. (3d) 567, à
la page 475; Samann c. Canada’s Royal Gold Pinetree Mfg. Co. Ltd (1985), 4 C.I.P.R. 17, 3
C.P.R. 313 (C.F.); inf. (1986), 65 N.R. 385, 8 C.I.P.R. 307, 9 C.P.R. (3d) 223 (C.A.F.), le juge Heald
à la page 231; permission d’en appeler refusée 72 NR 159n (C.S.C.) [CAR FRESHNER]; Angela
FURLANETTO «Prescription Pharmaceuticals and the Passing Off Action» (1996), 11 Intellectual
Property Journal 70, à la page 105.
75 Voir ainsi Harold G. FOX, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3ième
éd. (Toronto, Carswell, 1972), à la page 39 et Roger T. HUGHES et al, Hughes on Trade Marks
(Toronto, Butterworths, 1984), §12, note 13 (mise à jour 36 du 3/98). Voir également Stephen
MOHR et al., U.S. Trade Dress Law : Exploring the Boundaries (New York, INTA, 1997), aux
pages 148-150 et J. Thomas McCARTHY, McCarthy on Trademarks and Unfair Competition (St.
Paul, West Group, 1996), au §7:49 (mise à jour 8 du 12/98).
76
Si on excepte le contentieux pharmaceutique, qui jusqu’ici, apparaît relever
principalement de la procédure.
77 Owens-Corning Fiberglass Corp. (Re) (1984). 221 U.S.P.Q. 417 (T.T.A.B.); inf. (1985), 774 F.2d
1116, 227 U.S.P.Q. 417 (C.A.F.C.); Qualitex Co. c. Jacobson Products Co. [GREEN-GOLD DRY
CLEANING PRESS PADS] (1995), 514 U.S. 15, 115 S. Ct. 1300, 34 U.S.P.Q. (2d) 1161 (S.C.) et la
jurisprudence subséquente citée dans Stephen MOHR et al., U.S. Trade Dress Law : Exploring
the Boundaries (New York, INTA, 1997), pp. 137-165.
78 Par exemple : Jonathan D. BAKER, «Correcting a Chromatic Aberration : Qualitex Co. v.
Jacobson Products Co.» (1996), 9 Harvard Journal of Law and Technology 547; Michael F.
CLAYTON et al., «Does the Lanham Act Apply to Color Per Se?» (1995-02-20), The National
Law Journal C-17; URL http://test01.ljextra.com/archive.html/95/02/cb1995_0211_1754_.html
(site consulté le 19990401); Iver P. COOPER, «Trademark Aspects of Pharmaceutical Product
Design» (1980), 70 Trademark Reporter 1; James DAVEY, «The Lanham Act Permits the
Registration of Color Alone As a Trademark «Qualitex Co. v. Jacobson Prods Co.» (1995), 63
Tennessee Law Review 261; Kristi L. DAVIDSON «Supreme Court Says Yes To Color, Pure and
Simple : Qualitex Co. v. Jacobson Prods. Co.» (1995), 21 University of Dayton Law Review 855;
Lawrence B. EBERT «Trademark Protection in Color : Do It by Numbers!» (1994), 84 Trademark
25
Résumons : une marque, nominale ou graphique, peut comprendre une
revendication de couleur, elle peut consister en une forme comportant une
ou des couleurs, en un élément de couleur positionné sur le produit et elle
peut aussi consister en une couleur particulière adoptée à une forme
particulière. En tous les cas, cette couleur doit distinguer - ou être apte à
distinguer - les produits d’une personne de ceux des autres. Qu’elle fasse ou
non l’objet d’un enregistrement à titre de marque de commerce, si une telle
couleur est distinctive, son usurpation pourra faire l’objet de procédures
judiciaires pour réprimer l’usurpation79.
4.
SONS
«Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.»
-Charles Baudelaire, Les fleurs du mal (1857)
Reporter 379; David C. GRYCE, «’Qualitex’ Ruling Erases Shades of Gray on Color – The U.S.
Supreme Court’s ruling is evolutionary, not revolutionary» (1995-05-08), The National Law
Journal C-7; URL http://test01.ljextra.com/na.archive.html/95/04/cb1995_0429_1523_8.html
(site consulté le 19990401); Brian Richard HENRY, «Right Hat, Wrong Peg : In re OwnensCorning Fiberglass Corporation and the Demise of the Mere Colour Rule» (1986), 76
Trademark Reporter 389; Donald M. HILL «Protection for Trademarks Consisting of Color Alone»
(1995), 63 University of Cincinnati Law Review 989; Daniel C. HUDOCK, «Color Receives
Trademark Protection and the Courts Receive Confusion» (1996), 16 Journal of Commerce
and Law 139; Kevin M. JORDAN et al., «Qualitex v. Jacobson Products Co., The Unanswered
Question – Can Color Ever Be Inherently Distinctive?» (1995), 85 The Trademark Reporter 371;
Jean Hayes KEARNES, «Qualitex Co. v. Jacobson Products Co. : Orange You Sorry the
Supreme Court Protected Color?» (1996), 70 St. John’s Law Review 337; Peter KOEBLER,
«Qualitex Co. v. Jacobson Products Co. : It Is Possible to Trademark Color Alone » (1996), 12
Santa Clara Computer & High Technology Law Journal 509; Elizabeth A. OVERCAMP, «The
Qualitex Monster : The Color Trademark Disaster» (1995), 2 Journal of Intellectual Property Law
595; Jeffrey M. SAMUELS et al., Color Trademarks : Shades of Confusion» (1993), 83 Trademark
Reporter 554; Thomas A. SCHMIDT, «Creating Protectible Color Trademarks» (1991), 81
Trademark Reporter 285; Laura R. VISINTINE, «The Registrability of Color Per Se After «Qualitex
Co. v. Jacobson Products Co.» (1996), 40 St. Louis University Law Journal 611; Juanita J.
WEBBER, «The Green-eyed Monster Sore or Can Color Be Trademarked under the Lanham
Act?» (1996), 21 Thurgood Marshall Law Review 425. Voir également Stephen MOHR et al.,
U.S. Trade Dress Law : Exploring the Boundaries (New York, INTA, 1997), pp. 137-165, Jerome
GILSON et al., Trademark Protection and Practice (New York, Matthew Bender, 1974), au
§2.11 (mise à jour 33 du 6/95) et J. Thomas McCARTHY, McCarthy on Trademarks and Unfair
Competition (St. Paul, West Group, 1996), aux §7:39 à 7:52 (mise à jour 8 du 12/98). Voir
également Audrey A. HORTON, «Designs, Shapes and Colours : A Comparison of Trade Mark
Law in the United Kingdom and the United States» [1989] 9 European Intellectual Property
Report 311, aux pages 314-315 et 316-317.
79 Voir : Christopher WADLOW, The Law of Passing-Off, 2ième éd. (Londres, Sweet & Maxwell,
1995), aux §6.66-6.68 et la jurisprudence y citée.
26
On a fait grand cas, il y a maintenant près de dix ans, de l’enregistrement
d’une première marque sonore au Canada80. Il s’agissait de l’explosion de 11
notes musicales rapidement jouées81. Les problèmes techniques de
description de la marque étant secondaires82 pour qui a des notions de base
de solfège ou d’ingénierie acoustique, reste la question de l’adéquation
d’une telle marque à la Loi sur les marques de commerce.
En effet, il ne fait pas grand doute que, dans les faits, une série de sons peut
être tout à fait adaptée à distinguer les marchandises et services d’une
personne de ceux d’une autre83. Mais un son peut-il constituer, au sens de la
Loi sur les marques de commerce, une marque de commerce
enregistrable84?
Richard S. GAREAU, «Une grande première au Canada: la marque «sonore»» (1991), 3 Les
cahiers de propriété intellectuelle 103 ; Susan KING, «Are sounds and scents trade-marks in
Canada?» (1992), 9 Business & The Law 6; Georges T. ROBIC, «L’enregistrabilité des marques
sonores, signes distinctifs et couleurs», URL www.robic.ca, sous publication 53.1 (site consulté
le 19990401). Voir également George GOTTLIEB «In Case You Missed It…» (1972), 62 Trademark
Reporter 605 et Debrett LYONS, «Sounds, Smells and Signs» [1994] European Intellectual
Property Report 540; voir également Peter LEE, «Sound marks are now registrable in Sweden»
(mars
1999),
115
Trademark
World
URL
http://206.169.78.71/W/articles/115/twc115/sweden1.htm (site consulté le 19990401) et
HOFMAN-BANG, «Denmark allows registration of sound marks» (février 1999), 114 Trademark
World URL http://206.169.78.71/W/articles/114/twn114denmark1.htm (site consulté le
19990401).
81 11 MUSICAL NOTES pour les audio cassettes et services de qualité et duplication sonores de
Capitol Records, enregistrement TMA 359318, marque ainsi décrite : «the mark consist of 11
musical notes comprising the notes C2 (62.5Hz), C3 (125Hz), C4 (250Hz), C5 (500Hz), C6 (1K), C7
(2K), C8 (4k), C9 (8K), E9 (10K), G#9 (12.5K), C10 (16K)».
82 Au besoin, référence pourrait être faite aux américaines Trademark Rules of Procedure
(1998), §2.58(b) et au Trademark Manual of Examining Procedure, 2ième éd. (rev. 1.1 de 1997),
§1301.02(d), URL http://www1.uspto.gov/web/offices/tac/tmep1300.htm (site consulté le
19990401).
83 «In view of this flexible approach toward the concept of what constitutes a service mark or
a trademark, a flexibility that is required in order to keep up with the ever-changing
ramifications brought about by the changing technology that accompanies the growth of a
nation and creates goods, services, and concept unheard of in the past, the Patent and
Trademark Office has recognized that a mark need not be confined to a graphic form. That
is, sounds may […] likewise function as source indicators in those situations where they assume
a definitive shape or arrrangement and are used in such a manner so as to create in the
hearer’s mind an association of the sound with a service» : General Electric Broadcasting
Company (Re) [SHIP’S BELL CLOCK] (1978), 199 U.S.P.Q. 560 (T.T.A.B.) le membre Lefkowitz à la
page 563.
84 En tous cas, par l’insertion sur un ruban magnétique d’une telle marque sonore, des malins
verraient là une façon d’éviter le paiement des redevances prévues par la partie VIII de la
Loi sur le droit d’auteur (L.R.C. 1985, c. C-42; aux présentes LdA) pour la copie privée en
regard de supports audio vierges!
80
27
La définition de «marque de commerce» qu’en donne cette loi n’exclut pas
la marque sonore. De fait, la définition statutaire est «circulaire» dans la
mesure où une marque de commerce y est définie comme une marque qui
est adaptée à distinguer85. La Loi n’édicte donc pas, par énumération ou
exclusion, ce qui constitue une marque86. À prime abord, une marque sonore
devrait donc être visée par la définition de «marque de commerce» dans la
mesure où elle distingue, ou est adaptée à distinguer, les marchandises ou
services d’une personne de ceux d’une autre87. Rien, dans le texte de la Loi,
ne limiterait une marque de commerce à ce qui est uniquement visuel88.
Dès lors, pourquoi n’a t-on pas enregistré davantage de marques sonore au
Canada89?
Article 2 LdM.
À titre d’intérêt, on notera, comme le fait remarquer Harold G. FOX, The Canadian Law of
Trade Marks and Unfair Competition, 3ième éd. (Toronto, Carswell, 1972), à la page 20, que
dans les législations antérieures à la Loi sur les marques de commerce de 1954, le terme
«marque» était défini par la Loi sur les marques de commerce et dessins de fabrique (S.R.C.
1927, c. 201, article 5) comme «les marques, noms, empreintes, étiquettes, enveloppes et tous
autres signes [or other business devices]») et par la Loi sur la concurrence déloyale (S.C. 1932,
c. 38, alinéa 2m)) comme signifiant «un symbole [symbol] qui a été adapté».
87 En réponse aux objections de l’Examinatrice qui émettait des réserves quant à
l’enregistrabilité d’une telle marque sonore, l’agent de Capitol Records, Inc. a produit une
réponse (1987-12-03) dont l’extrait, au paragraphe 15, suivant mérite reproduction : «The
mark is used in relation both to the recording services and to the resulting audio tape. The
appearance of the SOUND MARK on each tape is an indication of the quality of the services
being rendered to recording artists under contract with Capitol and other companies using
the services of Capitol Records»; semblable référence peut être faite à une autre réponse
(1988-12-01) dont le paragraphe 2 se lisait comme suit; «In short, applicant displays the trade
mark both on its own tapes and on the tapes which it prepares as a service to the
specification of others».
88 Le fait qu’une œuvre sonore puisse également faire l’objet d’une protection au titre
d’œuvre musicale au sens de la Loi sur le droit d’auteur, ne devrait pas créer non plus
obstacle puisque la dualité de protection marque/droit d’auteur a déjà été reconnue,
notamment en ce qui a trait aux œuvres artistiques : voir Hugues G. RICHARD (dir.) et al.,
Leger Canadian Copyright Act Annotated (Toronto, Carswell, 1993) au §5.9.2 (mise à jour
1997-4) et la jurisprudence canadienne y citée sous le §7.1.5. En l’absence d’autorisation du
titulaire du droit d’auteur, restera toutefois l’intéressante question de déterminer si l’utilisation
de quelques mesures – vraisemblablement les plus représentatives – d’une œuvre musicale
pour emploi à titre de marque constituera la reproduction d’une partie importante de
l’œuvre au sens de l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur, faisant ainsi conclure à la
contrefaçon des droits économiques d’auteur du titulaire du droit d’auteur, sinon même à
une violation des droits moraux de l’auteur par l’association à une entreprise que prohibe
l’article 28.2 de cette même loi. Mais c’est là un autre débat! Voir également Fun-Damental
Too, Ltd. c. Universal Music Group., Inc. [JAWS] (1997), 43 U.S.P.Q. (2d) 1595 (E.D. Pa.).
89 Parmi les demandes encore en instance, on notera un son de lion rugissant pour les films de
Metro-Goldwyn-Mayer Lion Corp (demande TMO 714314) et une progression de cinq sons
pour les appareils de télécommunication de Intel Corporation (demande TMO 858570).
85
86
28
D’abord, il semblerait que l’enregistrement de cette première marque sonore
ait éveillé de vieux démons et le Bureau des marques semble maintenant
systématiquement objecter90 à de telles demandes d’enregistrement l’affaire
Playboy91 où il a été décidé qu’une marque, au sens de la Loi sur les marques
de commerce ne pouvait être que visuelle92, position depuis adoptée par le
Bureau des marques93. Donc, la marque sonore ne serait pas une marque.
De plus, il n’y aurait pas emploi. En effet, dans cette affaire de déchéance
administrative pour non emploi d’une marque nominale, le juge Pinard s’y
exprimait ainsi :
Therefore, in order to be deemed to be used in association with
wares, at the time of the transfer of the property in or possession of
such wares, the trade mark must be something that can be seen,
whether it is marked on the wares themselves or on the packages in
Entrevue téléphonique informelle du 1999-03-31 avec Suzanne Charette, directrice des
politiques au Bureau canadien des marques de commerce.
91 Playboy Enterprises Inc. c. Germain (no 1) [PLAYBOY] (1986), [1986] T.M.O.B. 176 (Comm.
opp.); inf. (1987), 16 C.P.R. (3d) 517 (C.F.P.I). On notera toutefois que ce jugement était déjà
rendu lors de l’étude de la demande d’enregistrement de Capitol Records, à preuve
l’argument qu’avait dû faire (1988-01-17) l’agent au dossier pour distinguer la cause et
obtenir l’enregistrement…
92 «I am of the opinion that, use of a verbal description is not use of a trade mark within the
meaning of the Trade Marks Act. A "mark" must be something that can be represented
visually» : Playboy Enterprises Inc. c. Germain (no 1) [PLAYBOY] (1987), 16 C.P.R. (3d) 517
(C.F.P.I.), le juge Pinard à la page 522. Cette avancée du juge se fonde sur un commentaire
du juge MacLean dans l’affaire Wrights’ Ropes Limited c. Broderick & Bascom Rope Co
[YELLOW STRAND IN A ROPE] (1931), [1931] R.C. d’É. 143 (C. d’É.), aux pages 144-145 quant à
la définition du terme «mark» que donnaient les dictionnaires de l’époque. Certains seront
d’avis que c’est un peu court comme justification. On peut être d’accord avec la conclusion
que, dans les faits de la cause, le titulaire n’avait sans doute jamais employé sa marque et
que son explication pathétique visait à tenter de maintenir coûte que coûte son
enregistrement. Il n’en demeure pas moins que, en pratique, un son peut être représenté
graphiquement. La position du Bureau des marques ne semble pas tenir compte de cet
aspect de la décision – et de son contexte particulier – et s’attarderait plutôt à une étape
subséquente, savoir qu’il ne saurait y avoir d’emploi par la simple représentation acoustique
de la marque sonore… Faudrait-il joindre apposer au produit une représentation graphique
de la marque [réminiscente de la définition d’œuvre musicale antérieure à la Loi modifiant la
Loi sur le droit d’auteur L.C. 1993, c. 23, art. 1(1)] et prétendre alors que la représentation
acoustique de cette représentation graphique constitue usurpation? Pour une critique de
cette définition obsolète de «marque», voir également Sheldon BURSHTEIN, «Trade-mark "Use"
in Canada : The Who, What, Where, When, Why and How – Part I» (1997), 11 Intellectual
Property Journal 229, à la page 234.
93 Playboy Enterprises Inc. c. Germain (no 1) [PLAYBOY] (1986), [1986] T.M.O.B. 176 (Comm.
opp.); inf. (1987), 16 C.P.R. (3d) 517 (C.F.), le juge Pinard aux pages 522 et 523; Burns (Re) [HOT
LINE] (1988), [1988] T.M.O.B. 238 (Comm. opp.), J. D’Aoust aux pages 1-2; Phillips (Re)
[TECHNIQUE AVANT GARDE] (1997), [1997] T.M.O.B. 19 (Comm. opp.), D. Savard au ¶11; Little
Caesar Enterprises, Inc. c. Flying Wedge Pizza Co. Ltd. [VEGGIE WEDGIE] (1998), [1998]
T.M.O.B. 16 (Comm. opp.), D. Martin au ¶14.
90
29
which they are distributed or whether it is in any other manner so
associated with the wares that notice of the association is then
given to the person to whom the property or possession is
transferred94. [Les italiques sont nôtres.]
Si on excepte le bien-fondé de l’argument quant à l’inexistence d’une
marque sonore, appliqué à l’enregistrement de la marque de commerce de
Capitol Records, cet extrait laisse songeur. L’on se souviendra que pour qu’il y
ait «emploi» d’une marque, il faut qu’avis de liaison soit donné entre cette
marque et celui qui prend possession du bien au moment de la prise de
possession95. Il pourra entendre la marque lorsqu’il aura acheté le produit et
s’en servira mais cela sera après le transfert de possession96.
Or, lorsqu’une telle audiocassette est achetée, la marque sonore est invisible
et inaudible. Elle est invisible parce que le commerçant n’a sûrement pas
apposé au produit une représentation graphique du rendu acoustique de la
marque sonore; elle est également inaudible parce que, de façon générale,
l’acheteur n’écoutera pas avant de l’acheter le support sur lequel cette
marque sonore est «apposée». D’où il faut en tirer que, dans la norme des
choses et en l’absence d’explications sur les pratiques particulières à un
commerce ou une industrie, il n’y aura que rarement avis de liaison dans le
cas des marques sonores pour les marchandises. Il pourra cependant en être
plus facilement autrement dans le cas des marques sonores visant les
services.
Playboy Enterprises Inc. c. Germain (no 1) [PLAYBOY] (1987), 16 C.P.R. (3d) 517 (C.F.), le juge
Pinard à la page 523. Au même effet, Thomas & Betts, Ltd. c. Panduits Corp.[OVAL SHAPE
HEAD] (1997), 129 F.T.R. 185, 74 C.P.R. (3d) 185 (C.F.), le juge Richard à la page 200 (en appel
A-352-97) en regard d’un emploi verbal de la marque BARB TIE.
95 Paragraphe 4(1) LdM.
96 Compare : BMB Compuscience Canada Ltd. c. Bramalea Ltd. [NETMAIL] (1988), [1989] 1
C.F. 362, 23 F.T.R. 149. 20 C.I.P.R. 310, 22 C.P.R. (3d) 561 (C.F.), le juge Teitelbaum à la page
570 et Quo Vadis International Ltée (Re) [LE PLANNING HORIZONTAL DE VOTRE ANNÉE D’UN
SEL COUP D’ŒIL] (1997), [1997] T.M.O.B. 87 (Comm. opp.) D. Savard aux ¶15-18; Cullmann
Ventures Inc. c. Quo Vadis International Ltée [YOUR YEAR’S HORIZONTAL PLANNING AT A
SINGLE GLANCE] (1997), [1997] T.M.O.B. 268, 78 C.P.R. (3d) 268 (Comm. Opp.), D. Savard aux
pages 272-273. Voir également Bostick Ltd. c. Sellotape G.B. Limited (1993), [1994] R.P.C. 556
(Chan. Div. Angleterre), le juge Blackburne aux pages 563-564 où il a été estimé que la
couleur bleue du ruban adhésif de l’une et l’autre des parties ne pouvait faire partie d’un
habillage distinctif (get up) privatif parce cette couleur était invisible à l’achat et ne pouvait
être vue qu’à l’utilisation; sur le même point, voir aussi Aristoc Ltd. c. Rysta Ltd. [RYSTA] (1945),
[1949] 1 All E.R. 32, 114 L.J.Ch 52, 172 L.T. 69, 62 R.P.C. 65, [1945] A.C. 68 (H.L. Angleterre) et
Uniliver’s Ltd’s (Striped Toothpaste) Application (1980), [1980] F.S.R. 280 (Chan. Div.
Angleterrre).
94
30
Un survol rapide du tableau qui suit97 permettra sans doute de mieux évaluer
des exemples d’emploi de marques sonores en liaison avec des services98.
Musique
Enregistre
ment
2155923
2149329
Services
Titulaire
Description
Entertainme
nt services
Golden
Books
Publishing
company,
Inc.
Cellular
telephone
Airtouch
Communic
ations Inc
The mark consists of theme
music for the LONE RANGER
radio, film, and television
series, resembling portions of
the overture to the 1829 opera
"William Tell", composed by
Gioacchino Rossini.
The musical mark consists of a
distinctive synthesized musical
sound that has a flute-like
timbre or sound quality. This
musical representation may be
described as follows - this
musical mark is written in the
treble of G clef using the
symbol (8va) which signifies
that all the notes are played
one octave higher than
written. this musical mark has a
metronimic
quarter
note
beat/tempo of approximately
96 beats per minute =96 this
musical mark begins with two
sixteenth notes on the pitch B
(expressed as b 2 or the B an
octave and minor seventh
above
middle
C).
Via un sondage informatique sommaire des marques de commerce enregistrées dans la
banque
de
données
du
United
States
Patent
Office :
URL
http://www.uspto.gov/tmdb/index.html (site consulté le 19990401), ce qui exclut, par
exemple, les «The sound "Clop, clop, clop, mooo"» (enregistrement 1590267), «The musical
notes E flat, B flat, G, C, F electrically reproduced» (enregistrement 928479) «Three short pulses
followed by a longer pulse» (enregistrement 922585), «Audio and visual representation of a
coin spinning on a hard surface» (enregistrement 641872), «Creaking door» (enregistrement
556780), ou «Liberty Bell ringing» (enregistrement 549458).
98 La classification est empruntée à James E. HAWES, «Non-Traditional Trademarks», dans 1997
INTA Mid-Year Meeting – Course Materials (Rio Grande, INTA, 1997), pp. 7-10. Certains des
sons correspondant aux enregistrements sont disponibles à Suzie LARSEN et al., «The Sounds
File» http://newsport.sfsu.edu/archive/f96/sounds/index.html (site consulté le 19990401).
97
31
2028472
Movie
production
2000732
Entertainme
nt services
1959642
Radiation
detection
probe for
medical use
(product)
Entertainme
nt services
Neoprobe
Corporatio
n
Telecommu
nications
voice
messaging
Retail
U.S. West
Communic
ations, Inc.
Nine bars of primarily musical
chords in the key of B flat; the
chords consisting of four, eight
and sixteenth notes
Six octaves of sound tone
starting
with
20HZ
and
descending to 1288HZ, then
returning to 20HZ to produce a
unique sound
30
voices
over
seven
measures, starting in a narrow
range, 200 to 400HZ, and
slowly diverting to preselected
pitches encompassing three
octaves. The 30 voices begin
at pitches between 200Hz and
400
HZ
and
arrive
at
preselected pitches spanning
three octave by the fourth
measure. The highest pitch is
slightly detuned while there
are double the number of
voices of the lower two pitches
Three harmonically related
tones played together to
produce a chime sound
Wawa, Inc
The jingle having the following
1872866
1829616
1741879
ITC
Entertainm
ent Group
Limited
Twentieth
Century
Fox
Rhythmically, these two notes
act as anacrusic or pick-up
notes moving upward in an
eighth note E (which occurs on
the
downbeat).
This
E
proceeds upward into two
sixteenth notes on the pitch A
before returning downward
into two sixteeenth notes on
the pitch F (a minor third
below).
Notes D, E, A, C#, E, F, B :, F, B
LucasArts
Entertainm
ent
Company
32
convenienc
e stores
1700895
Entertainme
nt
1680160
Computerize
d telephone
sytems
1620415
Long
distance
telephone
1413137
Sound
engineering
Telephone
message
1307448
1280214
Food carryout services
916522
TV programs
Paroles
Internation
al
Broadcasti
ng
Corporatio
n (Harlem
Globetrotte
rs)
Applied
Voice
Technology
, Inc.
MCI
Communic
ations
Corporatio
n
Capitol
Records
Octel
Communic
ation
Corporatio
n (VMX,
Inc.)
Del’s
Lemonade
and
Refreshme
nts Inc.
National
Broadcasti
ng
Company,
Inc.
sequence of notes : C, D, C, D,
C, D, C and G. Each of the
notes if the sequence are
eighth
notes
with
the
exception of the last D note
which is quarter note
The melody "Sweet Georgia
Brown"
The chime-like notes A, G, F, C
Four
harmonically
related
tones which are summed
together in a successive
manner to produce a unique
chime sound that is used as a
prompt to the telephone user
C2, C3, C4, C5, C6, C7, C8,
C9, E9, G#, C10
Four audible tones of varying
frequences and durations and
contains the following tone
frequencies : 770HZ, 770HZ,
853HZ and 697HZ
A sequence of horn like
musical notes, F, sounded at
least twice in sequence, the
notes F+0 and A+O being just
above the middle C
Musical notes G, E, C, played
on chimes
33
2033447
20000963
1838887
1795371
17617241
Musique
et parole
17663541
Restaurant
services
Entertainme
nt Services
Restaurant
Restaurant
Telephone
Apple
South, Inc.
Ginsburg
Enterprises,
Inc.
Rally’s, Inc.
Rally’s, Inc
American
Telephone
and
Telegraph
Company
(AT&T)
Retail pizza
restaurant
store
Retail
bedding
store
Pinocchio’s
Pizza, Inc.
1573864
Long
distance
telephone
American
Telephone
and
Telegraph
Company
(AT&T)
1471674
Radio
broadcast
service
1326350
Radio
entertainme
Spanish
Coast to
Coast, Ltd.
(Grupo
Radio
Centro)
Al Ham
Productions
1754344
T.J.B., Inc
"Are you ready to rumba"
"Ooh It’s So Good"
Spoken terms "Ching"
Spoken term "Cha Ching"
The spoken letters "AT&T"
The words « Nobody Nose
Pizza Like Pinocchios", set to
music
The words "Have a Good
Night’s Sleep on Us, Mattress
Discounters"
superimposed
over
a
musical
jingle
comprised of 12 notes, in the
key of F, in the sequence of A,
A, G, A, B Flat, D, C, E , E, G, F,
F
The spoken words "A T & T"
superimposed
over
the
musical sounds in the key of B
Flat Major, namely the melody
notes F, B Flat, C and two
accompanying chord, one of
the four notes F, B Flat, C and F
and one of the two notes F
and F
The words "radio variedades"
superimposed over the notes
C, D, E, C, D and G
The words "The Dreams We
Share
We’
ll
Always
34
1299056
Sons
1746090
1395550
nt
, Inc.
Credit
Beneficial
Managem
ent
corporatio
n of
America
Radio
broadcastin
g services
Beacon
Broadcasti
ng
corporatio
n
MetroGoldwyn
Mayer
Corporatio
n
Entertainme
nt services
Remember, Remember The
Music Of Your Life", set to
music
The words "At Beneficial You’re
Good For More" and the sound
"Toot, Toot", all set to music
The sound of a thunderclap
Lion roaring
Enfin, dans le cas particulier de cette marque sonore de Capitol Records,
certains, à la lecture du dossier de poursuite, éprouveraient sans doute de
sérieuses réserves quant au caractère fonctionnel des sons dont on a obtenu
l’enregistrement99. Aux États-Unis, le débat sur la fonctionnalité ou la nondistinctivité des marques sonores est à suivre avec la demande
d’enregistrement du son100 de silencieux des célèbres motocyclettes HARLEYDAVIDSON101.
99 Au soutien d’une de ses réponses au rapport d’examen, l’agent de la requérante avait
produit un dossier de presse. Parmi ces articles, l’extrait suivant du Forbes (1986-10-06), mérite
citation : «Trademarks for the ear. […] Capitol Records has trademarked a burst of 11 rapidly
played musical notes it has used for five years on audiocassettes to check sound and
quality». [Les italiques sont nôtres.] Le caractère secondaire de cette fonctionalité utilitaire
n’étant pas là évident. Bref, de quoi mettre la puce à l’oreille au moins méfiant.
100 Autrement connu des aficionados come «potato, potato, potato».
101 Jill YOUNG-MILLER, «Harley Tries to Keep Engine Roar for Itself» (Spring 1996), University of
Kansas School of Law – Intellectual Property in the News (1996-08-18); URL
http://lark.cc.ukans.edu/~akdclass/pct/pct_news.html (site consulté le 19990401); voir
également Kawasaki Motors Corp. U.S.A. c. H-D Michigan Inc (1997), 43 U.S.P.Q. (2d) 1521,
1526 et 1528 (U.S.P.T.O.) où neuf concurrents s’objectent à l’enregistrement d’une marque
sonore décrite comme «the exhaust sound of applicant’s motorcycles, produced by V-twin,
common crankpin motorcycle engines when the goods are in use» (demande 74/485223 de
H-D Michigan, Inc.)
35
Dans l’hypothèse où l’enregistrement des marques sonores serait admis, la
question de la contrefaçon de telles marques risque d’être délicate102, les
communications sociales et commerciales étant plutôt axée sur la vue que
sur l’odorat ou l’ouïe103. On notera toutefois qu’un emploi non-visuel d’une
marque de commerce déposée peut constituer une violation de cette
marque déposée104.
Pareillement, il ne semble pas qu’il faille alors exiger que la marque sonore
soit nouvelle ou caractéristique : pourvu qu’elle distingue ou soit adaptée à
distinguer, l’utilisation de sons ou de ritournelles connues seraient donc
susceptibles d’enregistrement105.
Résumons, une marque sonore ne serait pas enregistrable parce qu’elle ne
constituerait pas une marque et qu’elle ne pourrait – en liaison avec des
marchandises du moins – être employée au sens de la Loi.
102 Comme en témoigne déjà ce débat de procédure dans Kawasaki Motors Corp. U.S.A. c.
H-D Michigan Inc (1997), 43 U.S.P.Q. (2d) 1521 (U.S.P.T.O.) la Commission, à la page 1525 :
«Certainly if applicant is correct in its assertions, supported by experts in acoustics, that the
essence of the sound in each presentation is the same but for volume, then the application
does not present two marks. For us, though, the issue is far simpler. When we compare each
of the discrete recordings of the sound to the description of the mark, each recording can
fairly be characterized as an aural presentation of the literal description, just as varying
presentation of a word in different typefaces and typesizes all may be said to illustrate that
word as set forth in plain typed form of the drawing of the mark».
103 Toutefois l’alinéa 6(1)e) LdM prévoit déjà qu’en décidant de la confusion entre deux
marques de commerce, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y
compris le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la représentation
ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.
104 Même dans la logique de l’affaire Playboy, la violation d’une marque déposée ne devrait
pas être limitée aux seules activités relevant du seul champ visuel et un emploi non
graphique pourrait être qualifié de violation. Pour une illustration du flou de cette approche,
compare Sheldon BURSHTEIN, «Trade-mark "Use" in Canada : The Who, What, Where, When,
Why and How – Part I» (1997), 11 Intellectual Property Journal Sheldon 229, aux pages 234-235
et Sheldon BURSHTEIN, «Trade-mark "Use" in Canada : The Who, What, Where, When, Why and
How – Part II» (1997), 12 Intellectual Property Journal 75, aux pages 106-108.
105 Contra. «Thus, a distinction must be made between unique, different or distinctive sounds
and those that resemble or imitate commonplace » sounds or those to which listeners have
been exposed under different circumstances. This does not mean that sounds that fall within
the latter group, when applied outside the common environment, cannot function as marks
for the services in connection with which they are used, but, whereas the arbitrary, unique or
distinctive marks are registrable as such on the Principal Register without supportive evidence,
those who fall within the second category must be supported by evidence to show that
purchasers, prospective purchasers and listeners do recognize and associate the sound with
services offered and/or rendered exclusively with a single source» : Nancy RUBNER FRANDSEN,
«Ambience, Subliminal Confusion, Color, Smell, and Sound : The Protection of Non-Verbal
Rights Under the Trademark and Unfair Competition Law» (1991), C874 ALI-ABA 155, à la page
187, passage inspiré de General Electric Broadcasting Company (Re) [SHIP’S BELL CLOCK]
(1978), 1999 U.S.P.Q. 560 (T.T.A.B.), le membre Lefkowitz à la page 563.
36
5.
ODEURS
«Ses intentions étaient bien pires : ce parfum, il voulait le copier»
-Patrick Süskind, Le parfum (1986)
Il ne faut pas confondre ici l’enregistrement du nom d’un parfum106 de celui
du nom de son odeur107 ou encore, de la description même d’un parfum108
avec l’enregistrement d’un élément olfactif qui, en association avec un
produit ou service donné, permettrait à une personne de distinguer son
produit ou service de ceux des autres.
Il ne faut pas non plus confondre la forme olfactive et la formule d’un
parfum109.
Aux États-Unis, l’enregistrement, en liaison avec du fil à couture et du fil à
tapisserie, d’une marque décrite comme «a high impact, fresh, floral
fragrance reminescent of Plumeria110 blossoms»111 a donné lieu à une
Par exemple le NO. 5 de Chanel (enregistrement UCA 018879).
Par hypothèse, CUIR DE RUSSIE CHANEL de Chanel (enregistrement UCA 018472). Aux États
Unis, la marque APPLE PIE pour un mélange d’épices qui sentait la tarte aux pommes a été
refusée comme descriptive dans Gyulay (Re) [APPLE PIE], (1987), 3 U.S.P.Q. (2d) 1009
(C.A.F.C.), le juge Newman à la page 1010. Au Canada, un résultat semblable devrait être
atteint en vertu de la prohibition de descriptivité de l’alinéa 12(1)b) LdM.
108 Par exemple le parfum NO. 5 de Chanel a déjà été décrit au Royaume-Uni comme «The
scent of aldehydic-floral fragrance product, with an aldehydic top note, from jasmine, rose,
bergamot, lemon and neroli; and elegant floral middle note, from jasmine, rose, lily of the
valley, orris and ylang-ylang; and a sensual feminebase note, from sandal, cedar, vanilla,
amber, civet and musk. The scent is also known by the written brand name No. 5», demande
00724881 abandonnée
109 Jean-Pierre PAMOUKDJIAN, Le droit du parfum, collection Bibliothèque de droit privé
(Paris, LGDJ, 1982), aux pages 212-216. Pour une approche de la protection du parfum par le
droit d’auteur, voir André BRASSARD, «La composition d’une formule de parfum est-elle une
‘œuvre de l’esprit’ au sens de la Loi du 11 mars 1957?» (1979), 118 Revue internationale de
propriété intellectuelle et artistique 461; Jean-Louis CROCHET, «Parfumerie et Droit d’Auteur.
Quelques réflexions autour de l’arrêt de Laire c. Parfums Rochas» (1979), 118 Revue
internationale de propriété intellectuelle et artistique 468. À titre d’intérêt, voir également le
brevet américain 4671959 du 1987-01-09 pour une Method of causing the reduction of
physiological and/or subjective reactivity to stress in humans being subjected to stress
conditions pour «a scent blend selected from the group consisting of: (i) Nutmeg Oil; (ii) Mace
Extract; (iii) Neroli Oil; (iv) Valerian Oil; (v) Myristicin; (vi) Isoelemicin; and (vii) Elemicin».
110 Ou frangipanier, cet arbrisseau exotique des climats tropicaux et sous-tropicaux de la
famille des apocynadées dont les fleurs ont un parfum qui rappelle celui de la frangipane du
parfumeur italien Frangipani. On s’en servait pour parfumer les peaux (gants) et les
106
107
37
intéressante discussion doctrinale sur le bien-fondé d’enregistrer des marques
pour des odeurs112. Au Canada, aucune telle marque n’a encore été
enregistrée113. Toutefois, sous réserve de la définition étroite de «marque de
commerce» consécutive à l’affaire Playboy114, pourquoi une odeur115 devraitelle être exclue de la protection de la Loi sur les marques de commerce116.
On peut, en effet, fort bien envisager que lors du transfert de possession d’un
produit, une marque soit liée à celui-ci de façon à donner avis de liaison
limonades. L’odeur est généralement décrite comme sweet floral, ce qui, à d’aucuns,
apparaîtrait un peu court comme descriptif…
111 Enregistrement 1639128 de Celia Clarke, radié en 1997 pour défaut de production de
preuve d’emploi. Un rapide sondage informatique dans la banque de données des marques
de l’USPTO révèle ainsi 6 demandes d’enregistrement (75-360102 à 75-360106) d’un Mike
Mantel pour des marques consistant respectivement en une odeur de fraise, une odeur de
gomme balloune, une odeur de raisin, une odeur d’agrume et une odeur de tutti-frutti pour
… des lubrifiants et carburants automobiles! Une demande 75/120036 pour une odeur de
citron en liaison avec des cartouches de toner et une demande 75-301972 pour une odeur
de pomme pour un mors ont été abandonnées. Au Royaume-Uni on notera l’enregistrement
2001416 de Sumitomo Rubber Industries, Ltd. pour une marque décrite comme «a floral
fragrance/smell reminescent of roses as applied to tyres».
112 Lee B. BURGUNDER, «Trademark Protection of Smells : Sense or Nonsense», (1991), 29
American Business Law Journal 459; Jane M. HAMMERSLEY, «The Smell of Success : Trade Dress
Protection for Scent Marks» (1998), 2 Marquette Intellectual Property Law Review 105; Malcom
GLADWELL, «Trademark Picks Up the Scent; Thread’s Smell Gets Legal Registration» (1990-1204), The Washington Post A-15; Jane M. HAMMERSLEY, «The Smell of Success : Trade Dress
Protection for Scent Marks» (1998), 2 Marquette Intellectual Property Law Review 105; James
E. HAWES, «Fragrances as Trademarks» (1989), 79 Trademark Reporter 134; Moon-Ki CHAI,
«Protection of Fragrances Under the Post Sale Confusion Doctrine» (1990), 80 Trademark
Reporter 368. Compare Helen BURTON, «The UK Trade Marks Act 1994 : An Invitation to an
Olfactory Occasion?» [1995] 17 European Intellectual Property Report 378;.
113 Susan KING, «Are sounds and scents trade-marks in Canada?» (1992), 9 Business & The Law
6.
114 Playboy Enterprises Inc. c. Germain (no 1) [PLAYBOY] (1986), [1986] T.M.O.B. 176 (Comm.
opp.); inf. (1987), 16 C.P.R. (3d) 517 (C.F.).
115 Le petit Robert (1996) définit «odeur» comme une «émanation volatile, caractéristique de
certains corps et susceptible de provoquer chez l’homme ou chez un animal des sensations
dues à l’excitation d’organes spécialisés» et réfère à effluve, émanation, exhalaison de
même qu’aux odeurs agréables que sont; arôme; bouquet, fragrance, fumet, parfum et
senteur ainsi qu’aux odeurs désagréables que sont empyreume, fétidité, puanteur, relent et
remugle…
116 «While such non-visual identifiers become connected in the minds of the public with a
particular source, and thereby acquire the ability to symbolize goodwill and distinguish the
goods or services of one person from those of others, they may not satisfy the criteria of the
Act. The validity of the restriction to visual marks is based on a historical and outdated
interpretation of the word "mark"» : Sheldon BURSHTEIN, «Trade-mark "Use" in Canada : The
Who, What, Where, When, Why and How – Part I» (1997), 11 Intellctual Property Journal 229, à
la page 234.
38
entre cette odeur-marque et le produit dont la possession est ainsi
transférée117.
Pour être ainsi protégée, l’odeur devra donc avoir l’attribut d’une marque,
c’est-à-dire distinguer. L’odeur n’aura pas à être nouvelle ou complexe : elle
devra simplement distinguer ou être adaptée à distinguer les produits et
services d’une personne de ceux des autres118.
Mais il y odeur et odeur119. À prime abord, seraient donc ainsi exclues pour
absence de caractère distinctif120 les odeurs qui sont communes à une
industrie ou à un produit121 ou, encore, qui sont naturellement celles du
L’éthique de l’utilisation des odeurs pour attirer le chaland et susciter l’achat demeure un
sujet à explorer. Voir Lee B. BURGUNDER, «Trademark Protection of Smells : Sense or
Nonsense», (1991), 29 American Business Law Journal 459, à la page 480.
118 Et non à titre de gadget comme Didier CONRAD et al., Poupée de bronze, série Les
innommables (Bruxelles, Dargaud, 1998) dont l’autocollant de promotion se lisait «Cet album
pue! 9 cases en odorama», le film Polyester (1981) de John Waters [filmed in Odorama –
Smelling Is Believing où une carte à gratter était remise au spectateur avec instructions de
gratter l’un des 10 points de celle-ci pour dégager, au moment approprié, une odeur
correspondant à une séquence du film] ou les échantillons scratch-n-sniff des magazines de
mode.
119 Certains distinguent entre les primary scent marks lorsque les odeurs constituent la raison
principale de l’achat (parfums et désodorisants), secondary scent marks lorsque les odeurs
ne constituent pas la fonction première du produit mais font quand même partie intégrante
du produit (savon) et les unique scent marks où l’odeur n’a aucun rapport avec le produit
(muguet pour des crayons ou de l’eau minérale). Voir Jane M. HAMMERSLEY, «The Smell of
Success : Trade Dress Protection for Scent Marks» (1998), 2 Marquette Intellectual Property
Law Review 105, aux pages 124-126 et Bettina ELIAS, «Do Scents Really Signify Source – An
Argument Against Trademark Protection for Fragrances» (1992), 82 Trademark Reporter 475,
aux pages 495-505. Voir généralement Edmond ROUDNITSKA, Le parfum, 5ième éd., collection
Que sais-je? (Paris, PUF, 1996).
120 L’article 10 LdM prévoit que «Si une marque, en raison d'une pratique commerciale
ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la
qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine ou la date de production de
marchandises ou services, nul ne peut l'adopter comme marque de commerce en liaison
avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l'employer
d'une manière susceptible d'induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une
marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu'on pourrait
vraisemblablement les confondre».
121 À titre illustratif du caractère générique de certaines utilisations d’odeur on songera au
citron pour les nettoyeurs ménagers ou le pin pour les désinfectants, d’autant plus que de
telles odeurs visent souvent à masquer les odeurs chimiques désagréables de l’ingrédient
actif du produit. Voir ainsi Lee B. BURGUNDER, «Trademark Protection of Smells : Sense or
Nonsense», (1991), 29 American Business Law Journal 459, aux pages 468-469; Iver P. COOPER,
«Trademark Aspects of Pharmaceutical Product Design» (1980), 70 Trademark Reporter 1, à la
page 9; «Fragrance Trademarks in Italy» (September 1998), 2 Horizon – Italian and EU law
(Turin, Jacobacci e Parini, 1998) 4, à la page 5.
117
39
produit122. De la même façon, si l’odeur n’est que fonctionnelle, elle ne
devrait pas être enregistrée123 : il en serait ainsi pour l’odeur même d’un
parfum124. Si l’odeur n’a qu’un aspect secondaire, l’odeur pourrait être
enregistrée125. Enfin, si l’odeur n’a aucun rapport avec le produit126 – et,
présumément, qu’elle n’est pas déjà employée – elle devrait pouvoir être
protégée127.
Comment envisager la demande d’enregistrement? S’agissant d’une
marque autre que nominale, un dessin devra accompagner la demande de
même qu’une description de ce en quoi consiste la marque128.
Par exemple, de cuir pour des souliers ou un attaché-case de cuir, de fraise pour un
breuvage à la fraise.
123 Ce serait le cas pour l’odeur d’un parfum ou un désodorisant dont l’odeur est
l’élément/fonction essentiel : Remington Rand Corp. c. Philips Electronics N.V [SHAVER HEAD]
(1995), 64 C.P.R. (3d) 467, 191 N.R. 204, [1995] A.C.F. 1660 (C.A.F.) le juge MacGuigan aux
paragraphes 18-21. Qu’en serait-il toutefois d’un papier mouchoir fortement imprégné d’une
odeur de menthol ou d’eucalyptus et destiné à ceux qui ont le rhume?
124 «It should be noted that we are not talking here about the registrability of scents or
fragrances of products which are noted for these features, such as perfumes, colognes or
scented household products. Nor it is a case involving the descriptiveness of a term involving
the question of descriptiveness of a term which identifies a particular fragrance of a product.
In such cases, it has been held that a term is unregistrable […] if it merely describes an odor or
other significant feature of the product» Clarke (Re), (1990), 17 U.S.P.Q. (2d) 1238 (T.T.A.B.), le
membre Simms, à la page 1239, note 4. Voir aussi Lee B. BURGUNDER, «Trademark Protection
of Smells : Sense or Nonsense», (1991), 29 American Business Law Journal 459, à la page 479 :
«In this way, no perfume smell should be capable of trademark protection even with a
significant showing of secondary meaning. By analogy, perfume smells should be treated no
differently than generic marks».
125 Sous réserve de la pratique dans l’industrie, ce pourrait être le cas d’un savon à l’odeur de
brûlé : cette odeur fait partie du produit mais n’en est pas une partie nécessaire. Par un
habile effort de publicité on peut concevoir qu’une telle odeur puisse être appelée à
distinguer le produit. En ce cas toutefois, il faudra se défier d’un possible «reverse genericide
[if] the consumers may identify the smell by the product» plutôt que l’inverse : Lee B.
BURGUNDER, «Trademark Protection of Smells : Sense or Nonsense», (1991), 29 American
Business Law Journal 459, à la page 470. Il est probable que l’odeur caractéristique du savon
IVORY aurait une telle valeur de marque.
126 Clarke (Re) [SCENTED YARN] (1990), 17 U.S.P.Q. (2d) 1238 (T.T.A.B.), le membre Simms aux
pages 1239-1240 : «Upon careful review of this record, we believe that the applicant has
demonstrated that the scented fragrance does function as a trademark for her thread and
embroidery. Under the circumstances of this case, we see no reason why a fragrance is not
capable of serving as a trademark to identity and distinguish certain type of product […] the
fragrance is not an inherent attribute or natural characteristic of applicant’s goods but it is
rather a feature supplied by applicant».
127 L’odeur caractéristique de la gomme BAZOOKA ou celle d’un marteau à l’odeur de
chocolat pourrait illustrer ce point. Par contre, cet enregistrement anglais pour une odeur de
rose à l’égard de pneus et ces demandes américaines pour une odeur de bubble gum pour
de l’huile à moteur sont troublants….
128 Rappelons que l’alinéa 30h) LdM prévoit que la demande d’enregistrement renferme
«sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une
122
40
La science ayant évolué depuis La Grenouille de Suskind129 et les parfumeurs
du XVIIIe siècle130, une odeur peut maintenant être précisément131 décrite et
graphiquement représentée.
Comment décrire la marque? Probablement par la combinaison d’une
description de la marque suivant l’une ou l’autre méthodes d’analyse
sensorielle et de métrologie sensorielle.
L’analyse sensorielle (c’est-à-dire l’examen des propriétés organoleptiques de
l’odeur sur les organes des sens) permet cette description, par le recours à un
vocabulaire standardisé de descripteurs132. «Lorsqu’on tente de remémorer
une odeur, c’est l’image de ce qui sent qui nous vient d’abord à l’esprit»133.
forme particulière, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être
prescrit, de représentations exactes de cette marque», dessin dont la réalisation obéit aux
critères énoncés par l’article 25 du Règlement. Le cas échéant, le registraire peut, en vertu
de l’alinéa 29c) du Règlement, requérir la production d’un spécimen démontrant la façon
dont la marque est employée.
129 Patrick SÜSKIND, Le parfum – Histoire d’un meurtrier (Paris, Fayard, 1986), traduction
Bernard Lortholary.
130 Ghislaine PILLIVUYT, The Art of Perfume in the 18th Century (Paris, La bibliothèque des arts,
1986).
131 Il serait sans doute plus précis de dire qu’une odeur peut maintenant être plus
précisément décrite. En effet, il reste toujours une grande part de subjectivité dans une
analyse sensorielle, surtout lorsqu’il s’agit des sens chimiques que sont l’odorat et le goût par
rapport aux sens mécaniques que sont la vue, le toucher et l’ouïe : Pierre BRESSE, «Propriété
intellectuelle des créations sensorielles : l’apport de la métrologie et de l’analyse sensorielle
pour défendre les droits du créateur» (février 1997), 30 Bulletin de l’Association des amis du
Centre d’études internationales de la propriété industrielle 13, aux pages 13-14. On n’oubliera
pas que la perception des odeurs varie beaucoup d’un environnement à l’autre, tout
comme d’un individu à l’autre : voir Michelle DUBUC, L’odorat (Montréal, Société pour la
promotion de la science et de la technologie, ministère de l’Enseignement supérieur et de la
Science du Québec, 1992), aux pages 4-13; Terry ENGEN, «Remembering Odors and Their
Names» (Septembre-octobre 1987), American Scientist 497; Boyd GIBBONS «The Intimate
Sense of Smell» (septembre 1986), 180 National Geographic 360, «The Smell Survey – Sniffing
Out the Sense of Smell» (Mars 1996), 190 National Geographic 134; Cathy NEWMAN et al.,
«Perfume, the Essence of Illusion» (octobre 1998), 194-4 National Geographic 96.
132 Debrett LYONS, «Sounds, Smells and Signs» [1994] European Intellectual Property Report 540
et Mariette JULIEN, L’image publicitaire des parfums – Communication olfactive (Montréal,
L’Harmattan, 1997), troisième partie – La lecture olfactive, pp. 195-219; Voir aussi Pierre
BRESSE, «Propriété intellectuelle des créations sensorielles : l’apport de la métrologie et de
l’analyse sensorielle pour défendre les droits du créateur» (février 1997), 30 Bulletin de
l’Association des amis du Centre d’études internationales de la propriété industrielle 13, à la
page 18; Pierre BREESE, Propriété intellectuelle des créations sensorielles, au ¶12, URL
http://www.breese.fr/guide/htm/bibliographie/parfum1.htm (site consulté le 19990401);
James E. HAWES, «Fragrances as Trademarks» (1989), 79 Trademark Reporter 134, aux pages
145-146.
133 Michelle DUBUC, L’odorat (Montréal, Société pour la promotion de la science et de la
technologie, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Science du Québec, 1992), à la
41
L’aspect subjectif134 de ces évaluations par un «nez», tout expert qu’il soit,
devrait être complété par une analyse plus objective des composantes de
l’odeur, ne serait-ce que pour fins de fournir un «dessin» de la représentation
de la marque.
À cet égard, diverses méthodes d’analyse telles la chromotographie des gaz
ou des liquides sont disponibles pour réaliser visuellement, par
chromatogramme et aromogramme, le profil d’une odeur particulière; pour
identifier chimiquement les composantes actives de l’odeur, on aura recours
à la spectrométrie des masses, la résonance nucléaire ou la spectroscopie
infrarouge ou ultraviolet135. On s’en doute, dans le cas d’odeurs complexes
artificiellement créées, les titulaires hésiteraient à dévoiler trop précisément à
tous leur précieuse formule136.
En ce qui a trait à la preuve de la violation d’une telle marque137, il risque, on
s’en doute d’y avoir d’intéressantes batailles d’expert138, ne serait-ce que par
l’évolution rapide des techniques que par le caractère toujours subjectif de la
perception d’une odeur.
6.
SAVEURS
«En dégustant cette tarte exquise, vous comprendrez pourquoi les sœurs Tatin
page 8. «De nouveau, il ferma les yeux. Les senteurs du jardin l’assaillirent, nettes et bien
dessinées comme les bandes colorée d’un arc-en-ciel» : Patrick SÜSKIND, Le parfum (Paris,
Fayard, 1986), à la page 208. Voir également ROUDNITSKA, Le parfum, 5ième éd., collection
Que sais-je? (Paris, PUF, 1996) à la page 18.
134 James E. HAWES, «Fragrances as Trademarks» (1989), 79 Trademark Reporter 134, à la
page 138.
135 Eran PICHERSKY, «L’ingénierie du parfum des fleurs» (1999), 187 Biofutur pp. 32-36; Nicolas
GODINOT, Perception et catégorisation des odeurs par l’homme (1994) URL http://olfac.univlyon1.fr/~godinot/dea.htm (site consulté le 19990401); Mariette JULIEN, L’image publicitaire
des parfums – Communication olfactive (Montréal, L’Harmattan, 1997), troisième partie – La
lecture olfactive, pp. 131-219; Gilles SICARD et al., «Des représentations de l’espace olfactif :
des récepteurs à la perception» (1997), 24 Intellectica 85 aussi disponible à URL
http://olfac.univ-lyon1.fr/~godinot/intellec.htm (site consulté le 19990401).
136 James E. HAWES, «Fragrances as Trademarks» (1989), 79 Trademark Reporter 134, aux
pages 135-137.
137 Comme pour le contentieux des scent alike, ces imitations bon marché de parfums
célèbres.
138 Saxony Products, Inc. c. Guerlain, Inc. [FRAGRANCE S/SHALIMAR] (1973), 176 U.S.P.Q. 97
(C.D. Ca.); mod. (1975), 185 U.S.P.Q. 477 (C.A. 9e cir.), le juge Jameson aux pages 477-478 et
479 : «Based on an analysis of odor components, lasting quality and actual character of the
odor, the reports concluded that the Fragrance S was not only unlike SHALIMAR from the
standpoint of chemical composition but also in terms of fragrance and lasting quality». Voir
également Sherrel Perfumers, Inc. c. Revlon, Inc. [EQUIVALENT TO CHANEL] (1980), 483 F.
Supp. 188, 205 U.S.P.Q. 250 (S.D.N.Y), le juge Sweet aux pages 254-255.
42
restèrent demoiselles. Elles étaient déjà au septième ciel.
Pas si tartes, les sœurs Tatin»
-Daniel PINARD, Pinardises (1994)
L’enregistrement des saveurs139 à titre de marques de commerce140 s’est
surtout posé au niveau théorique et, sous réserve d’une définition de «marque
de commerce», obéirait sans doute aux mêmes critères que ceux
s’appliquant aux autres types de marques, qu’elles soient traditionnelles ou
non.
La première difficulté en serait sans doute une pratique, savoir la description
de la marque elle-même sur une base objective141. «En fait, pour chacune
des saveurs, nous manifestons des perceptions différentes, individuelles.
Chacun d’entre nous est en somme, gustativement «daltonien» pour un
certain nombre de saveurs particulières»142. De plus, outre des facteurs
subjectifs d’appréciation individuelle, des facteurs extérieurs peuvent entrer
en ligne de compte dans l’appréciation gustative143.
On peut se demander ce que goûtent vraiment les super-sandwiches de Dagwood
Bumstead, le mari de Blondie dans le comic strip éponyme de Chic Young!
140 Et non pas de la protection des recettes : voir POLLACK (Malla), «Intellectual Property for
the Creative Chef, or How to Copyright a Cake: A Modest Proposal» (1991), 12 Cardozo Law
Review 1477 ou Nora MOUT-BOUWMAN, «Protection of Culinary Recipes by Copyright, Trade
Mark and Design Copyright Law» [1988] 10 European Intellectual Property Report 234.
141 Pierre MICLETTE, «Particuliers ces arômes» (1998), 7-4 Action Canada France, pp. 16-17, à la
page 16 : «Le premier problème auquel nous sommes confrontés en vendant des arômes
c’est de décrire ce que nous goûtons et de pouvoir échanger les perceptions autant entre
nous qu’avec nos clients. Ça semble absurde, mais vous êtes-vous déjà attardés à la façon
dont vous décrivez ce que vous dégustez? Personne n’utilise les mêmes termes puisqu’il
n’existe pas vraiment de convention pour aider la description des goûts».
142 Fabien GRUHIER, «Mille millions de papilles» (1997), 36 Québec Science 15, à la page 17;
URL http://www.cybersciences.com/cyber/4.0/oct97/papilles.htm (site consulté le 19990401).
De plus, à la page 15, ce même auteur évoque la difficile dissociation des sensations
gustatives et olfactives dans les termes suivants : «Comme la bouche est – plus que le nez –
sensible aux odeurs, nous mélangeons facilement perceptions olfactives et perceptions
gustatives. D’ailleurs, s’il est toujours possible de percevoir isolément les odeurs (par le nez, en
fermant la bouche), l’inverse est impossible : on ne peut pas, normalement, éliminer les
odeurs de ce que l’on mange». On peut prendre pour exemple le poivre, un produit
parfaitement insipide dont l’intérêt culinaire réside plutôt dans son odeur! Voir également
Hervé THIS, «Savante cuisine» (1997), 36 Québec Science, pp. 18-21.
143 «A flavor’s subjectivity derives principally from its complexity. Flavors consist of three
elements : aroma, taste (sweet, acid, bitter, or saline), and feeling. Numerous factors
influence taste acuity, among them age, disease, and, for certain tastes, temperature. In
addition, one’s taste perception varies with practice, increasing the subjectivity of this
sense» : Nancy L. CLARKE, «Issues in the Federal Registration of Flavors as Trademarks for
Pharmaceuticals» (1993), 1 University of Illinois Law Review 105, à la page 131. Pour une
description du processus gustatif dans le contexte d’une évaluation sensorielle, voir Nancy L.
DeVORE, «Sensory Physiology», dans Readings and Conference (Corvallis, Oregon State
139
43
Enfin, reste la question de la fonctionnalité. La saveur fait-elle partie du
produit144? Est-elle si répandue dans l’industrie qu’elle ne saurait être
distinctive145? Ou, encore, son utilisation est-elle nécessaire au produit? Par
exemple, dans le cas des produits pharmaceutiques, l’utilisation de saveurs146
vise d’abord à masquer un goût souvent désagréable (ou, même, une
absence de goût), a un effet placebo ou encore agit en partie comme
excipient147.
Cet aspect subjectif pourra rendre difficile, soumettent certains148, une
description adéquate/objective de la marque. C’est là un aspect qui ne
devrait toutefois pas rebuter. En effet, tout comme il n’est pas nécessaire de
décrire avec précision la teinte de couleur que l’on veut protéger, il ne
devrait pas y avoir de raison de demander plus pour une odeur ou une
saveur. De plus, les avancées de la science (bio-ingénierie, neuroscience,
neurobiologie sensorielle, etc.) font maintenant en sorte que l’on peut plus
exactement/objectivement décrire une saveur149.
University,
1996),
URL
(à
jour
au
1997-08-29)
http://osu.orst.edu/fooresource/sensory/nancy.html (site consulté le 19990401).
144 Par exemple, la menthe pour des bonbons à la menthe ou encore l’une des fameuses 31
FLAVORS de Baskin-Robbins International Company pour sa crème glacée!
145 Par exemple, la menthe pour la pâte dentifrice.
146 Nancy L. CLARKE, «Issues in the Federal Registration of Flavors as Trademarks for
Pharmaceuticals» (1993), 1 University of Illinois Law Review 105, à la page 127.
147 «Respondent has no exclusive right to the use of its formula. Chocolate is used as an
ingredient, not alone for the purpose of imparting a distinctive color, but for the purpose of
also making the preparation peculiary agreable to the palate, to say nothing of its effect as a
suspending medium. While it is not a medicinal element in the preparation, it serves a
substantial and desirable use, which prevents it from being a mere matter of dress. It does not
merely serve the incidental use of identifying the respondent’s preparation […] and it is
doubtful whether it shall be called nonessential» : William R Warner & Co. c. Eli Lilly & Co.
[COCO-QUININE/QUIN-COCO] (1924), 265 U.S. 526 (S.C.) , le juge Sutherland à la page 531.
Voir également Smith Kline & French Laboratories c. Broder [DEXEDRINE] (1959), 125 U.S.P.Q.
299 (S.D. Texas), le juge Connally en regard de médicaments aux odeur et goût de cerise.
148 «Unfortunately, while taste can be described objectively, flavor cannot. For flavor is a
product of both taste and odor, and odor cannot, as yet, be described objectively in some
universally accepted manner […] For practical reasons, savors and odors are still described
mainly by analogy (a "cherry" flavor, a "honey-suckle" odor), and it is debatable whether
these highly subjective comparisons offer an "adequate description" of the distinctive flavor
or fragrance in question» : Iver P. COOPER, «Trademark Aspects of Pharmaceutical Product
Design» (1980), 70 Trademark Reporter 1, à la page 6. Voir aussi Nancy L. CLARKE, «Issues in
the Federal Registration of Flavors as Trademarks for Pharmaceuticals» (1993), 1 University of
Illinois Law Review 105, à la page 131.
149 Voir ainsi Gail Vance CIVILLE et al., Aroma and Flavor Lexicon for Sensory Evaluation :
Terms, Definitions, References, and Examples, ASTM Data Series No 66 (West Conshocken,
ASTM, 1996); R.C. HOOTMAN (dir.), Manual on Descriptive Analysis Testing for Sensory
Evaluation (West Conshocken, ASTM, 1992). Voir également l’incontournable Maynard A.
AMERINE et al., Principles of Sensory Evaluation of Food (New York, New York Academic Press,
44
Enfin, on peut également se demander si une «saveur» peut vraiment faire
l’objet d’un emploi150 pour distinguer un produit dans la mesure où, dans la
norme des choses, c’est après le transfert de propriété que le produit pourrait
être goûté151.
7.
HOLOGRAMMES
«You should know I’m a hologram and can’t be bent, spindled, or mutilated,
so don’t bother trying.»
-Robert PICARDO (The Doctor), Star Trek Voyager
http://www.dalywav.com/s.html (April 7)
Un hologramme c’est une photographie152 en trois dimensions obtenue grâce
à la lumière laser et donnant l'impression du relief153. La technique en est
généralement une d'enregistrement sur émulsion photosensible d'une image
1965) ainsi que la volumineuse bibliographie du Sensory Evaluation (1998) de la faculté
Science of Foods de l’université de l’Orégon URL http://osu.orst.edu/foodresource/sensory/sensory_ref.html (site consulté le 19990401).
150 Au sens du paragraphe 4(1) LdM.
151 «It is unlikely, for example, that taste would ever operate as a trade mark because it would
only be experienced after the goods had ceased to be in the course of trade. In other words,
there would be no point-of-sale exposure of the mark» : Debrett LYONS, «Sounds, Smells and
Signs» [1994] European Intellectual Property Report 540, à la page 540.
152 Définition qui ne cadrerait probablement pas, stricto sensu, avec celle donnée par l’article
2 de la Loi sur le droit d’auteur, savoir«‘photographie’. Y sont assimilées les photolithographies
et toute œuvre exprimée par un procédé analogue à la photographie». Rien n’empêcherait
toutefois d’y voir là une œuvre artistique au sens de la même loi.
153 Ou encore «Type de photographie renfermant des données sur l'intensité et la phase de la
lumière réfléchie par un objet. Lorsque illuminé au même angle que pour l'exposition de
l'objet avec de la lumière suffisamment cohérente, un hologramme produit un train d'ondes
diffractées d'amplitude et de répartition de phases identiques à celles de la lumière réfléchie
par l'objet lui-même, d'où création d'une image tridimensionnelle que l'on peut observer et
photographier» : Éric BOSCO (dir), Holostar – Atelier d’holographie du collège De
Maisonneuve URL http://holostar.cmaisonneuve.qc.ca/ (site consulté le 19990401). Voir
également Paul D. BAREFOOT, Holophile, Inc. URL http://www.holophile.com/about.htm (site
consulté le 19990401); Rudie BERKHOUT, «Using HOES in the Holographic Image Making
Process» (1996), 2652 Spie Proceeding Series - Practical Holography X, pp. 204-212; URL
http://rudieberkhout.home.mindspring.com/(SPIE)UsingHOE'stomakeholograms.htm
(site
consulté le 19990401); Groupe de recherches en arts médiatiques – Université du Québec à
Montréal,
Dictionnaire
des
arts
médiatiques
(1996)
URL
http://www.comm.uqam.ca/~GRAM/frames/termA.html (site consulté le 19990401);
Christopher
OUTWATER
et
al.,
«Practical
Holography»
(1998-02-23);
URL
http://www.shadow.net/~holodi/holobook.htm (site consulté le 19990401); Sybil PARKER (dir.),
McGraw Hill Encyclopedia of Physics, 2ième éd. (New York, McGraw-Hill, 1991), aux pages 546553.
45
d'un objet renfermant de l'information sur l'amplitude, la longueur d'onde et
la phase de la lumière réfléchie par cet objet, d'où création d'une image
tridimensionnelle de l'objet.
Quelques demandes visant l’enregistrement de marques de commerce
constituées d’hologrammes ont déjà été produites auprès du registraire
canadien des marques de commerce154 : aucune n’a encore été admise à
publication.
En effet, la position de principe adoptée par le Bureau des marques de
commerce semble être à l’effet qu’un hologramme constituerait plusieurs
marques plutôt qu’une seule155. Or, quoique certaines techniques font
référence à l’enregistrement de plusieurs images156, il s’agira généralement
d’une seule image157.
Ajoutons que, plus particulièrement dans le cas des hologrammes, il convient
de s’assurer que ceux-ci servent à titre de marque de commerce (c’est-àdire à distinguer les marchandises ou services d’une personne de ceux des
autres) et non autrement, à titre de décoration ou de mesure de sécurité
anti-contrefaçon158.
TRIANGLES, objet de la demande TMO 835297 de SmithKline Beecham Inc. visant des
produits d’hygiène buccale; BUTTERFLIES ROSES et FISH/CORAL, objet des demandes TMO
1002075 et 1002079 de Jeanne Lottie’s Fashion Incorporated pour des sacs à main.
155 Article 24 du Règlement. Voir également le second rapport d’examen du 1999-01-29 dans
le cadre de la demande TMO 835927 : «[…] The office maintains that the application as it
currently stands is not limited to a single trademark but rather appears to cover a multiplicity
of trademarks in that there is no defined shape to the marks». Un dossier à suivre!
156 C’est le cas notamment de l’hologramme Multiplex : Christopher OUTWATER et al.,
«Practical
Holography»
(1998-02-23),
URL
http://www.shadow.net/~holodi/chap5.htm#Multipex Holograms (site consulté le 19990401).
Ce serait également le cas pour les hologrammes à canaux multiples. Sont évidemment ici
exclus les hologrammes acoustiques.
157 Cela pourra cependant créer une difficulté pratique quant à la fourniture de la
reproduction graphique (ou dessin) de la marque que requiert l’alinéa 30h) de la LdM et
l’article 27 du Règlement. Si le requérant fournit diverses vues de l’hologramme, il pourra alors
se trouver en contravention de l’article 26 du Règlement qui limite une demande
d’enregistrement à une seule marque; par contre, si le requérant ne produit qu’une seule vue
de face, sa marque sera ou «illisible» (à cause de l’absence d’angle de réfraction de la
lumière), soit ne correspondra pas à la marque telle que commercialisée. On pourra s’inspirer
de la description de certaines marques hologrammes américaines : «The mark consist in the
shape of a soccer ball panel applied to the goods» pour les cartes de The Upper Deck
Company (enregistrement 2177761) : «the mark consists of an oblong shaped metallic foil
hologram positioned within the binder margin of the goods» pour les cahiers à cartes de
Rembrandt Photo Services (enregistrement 2143827).
158 Sharon CARR, «Technology’s Anti-Counterfeiting Offensive» (août 1996), Trademark World
19; «Chinese Labels to get a new look in 1998 – Dated holographic labels alert authorities,
user
to
conterfeit
UL
marks»
(Winter
1998),
3-4
On
the
Mark
URL
154
46
«He's a hologram. We've got to help him.»
-Robert PICARDO (The Doctor), Star Trek Voyager
http://www.stinsv.com/voy/holodoca.htm
8.
CINÉTIQUES
«Le plus grand Phénomène de la Nature, le plus merveilleux, est le
Mouvement.»
-Pierre Moreau de MAUPERTUIS, Essai de Cosmologie, 1744
Que se soit au cinéma159, en regardant des dessins animés160 ou des
documentaires161, en naviguant sur le web162 ou en voulant retrouver son
véhicule163, les marques cinétiques (ou animées) commencent à faire leur
place dans l’identification de produits et services164.
Elles constituent un croisement entre les œuvres cinématographiques et les
marques, la protection par droit d’auteur ne devant pas exclure celle par
marque de commerce, les réalités étant différentes.
http://www.ul.com/about/otm/otmv3n4/dated.htm (site consulté le 19990401); Erik HOFFER,
CGM Security Solutions URL http://www.teamlogisticscorp.com/cgm10a.htm (site consulté le
19990401); «VEGETA with Hologram – The Original and the Best»; (sans date) URL
http://www.podravka.com/en/vegeta/hologram/hologram.html (site consulté le 19990401);
Mario XERRI, «Holographic Labels Deter Chinese Counterfeiters» (Summer 1996), 2-2 On the
Mark URL http://www.ul.com/about/otm/otmv2n2/holo.htm (site consulté le 19990401). Voir
également W. NIX, «Tapping Holographic Technology To Protect Trademarks (1993), 57
Trademark World 42.
159 Séquence introductive de 20th Century Fox Film Corporation (enregistrements US 1928424
et 1928423), de Broadway Video, Inc. (enregistrement US 2092415), de Columbia Pictures
Industries, Inc. (enregistrement US 1975999) ou de Tristar Pictures, Inc.
160 Séquence animée de KERMIT THE FROG présentant une production de Jim Henson
Productions, Inc. (enregistrement US 1919310) ou l’étoile en mouvement de Hanna-Barbera
Productions, Inc. (enregistrement US 1339596)
161 Le casque de soldat animé de ABC Cable and International Broadcast, Inc. pour ses
services de production de documentaires télévisuels (enregistrement US 2126551)
162 Le N à l’arrière duquel des météorites défilent du navigateur de Netscape
Communications Corporation (enregistrement US 2077148)
163 Le globe terrestre qui tourne des système GPS de Garmin Corporation (enregistrement US
2106424)
164 La littérature juridique sur le sujet est pauvre et on notera Erik W. KAHN et al., «Starting to
Register : Moving Image Marks» (1996-05-26), The National Law Journal C-25 et URL
http://test01.ljxextra.com/na.archive.html/96/05/121996_0513_1737_3.html (site consulté le
19990401); Erik W. KAHN, «On the ‘Net, Unusual Marks Gain in Importance (1998-10-19) The
National
Reporter
C-13,
URL
http://test01.ljextra.com/na.archive.html/98/10/1998_1012_69.html (site consulté le 19990401).
47
Elles pourront donc être considérées sous l’angle de l’œuvre artistique165 ou
de la marque de commerce166, ou des deux167. La description d’une telle
marque pourra se faire avec des mots ou encore avec des mots et une
référence à l’image principale. Voici quelques exemples tirés du registre
fédéral américain (images exclues) :
NETSCAPE (enregistrement US 2077148)
The mark consists of an animated sequence of images depicting
the silhouette of a portion of a planet with an upper case letter "N"
straddling the planet and a series of meteorites passing through the
scene, all encompassed within a square frame. The animated
sequence is displayed during operation of the software. [Cinq
dessins]
TRISTAR (enregistrement US 1981980)
A moving image beginning with a view of sky and clouds followed
by a flash of light from which a winged horse emerged galloping
forward. The the word ‘TRISTAR’ appears over the horse which is
shown with outstretched wings. [Un dessin]
JIM HENSON (enregistrement US 1919310)
The mark consists of an animated sequence commencing with a
laser-like light dropping from a dark background and moving to
etching out the head of the character Kermit the Frog (as shown in
the drawing) which rotates from a flat position to a full front vertical
view with light sparkling around the perimeter, which dissolves to the
laser light crossing the background and etching out the mark "JIM
HENSON PRODUCTIONS", all accompanied by sound and music; The
stippling is a feature of the mark. [Un dessin]
COLUMBIA (enregistrement US 1975999)
The mark consists of a moving image of a flash of light from which
rays of light are emitted against a background of sky and clouds.
Avec une durée de protection limitée à 50 ans à compter de la fin de l’année civile de
confection de l’œuvre ou de la mort de l’auteur, suivant la qualification photographique,
cinématographique, dramatique ou artistique de l’œuvre, (articles 6-10 LdA), réversion
possible aux ayants droits 25 ans après la mort de l’auteur (article 14 LdA) et respect des
droits moraux – incessibles – de l’auteur (articles 14.1, 28.1 et 28.2 LdA).
166 Où les droits naissent et se maintiennent de par l’emploi.
167 William L. HAYHURST, «What Is a Trade-mark? The Development of Trade-mark Law», dans
Trade-marks Law of Canada, collection Henderson (Toronto, Carswell, 1993), pp. 27-73, à la
page 66; voir aussi Hugues G. RICHARD (dir.) et al., Robic Leger Canadian Copyright Act
Annotated (Toronto, Carswell, 1993) au §5.9.2 (mise à jour 1997-4).
165
48
The scene then pans downward to a torch being held by a lady on
a pedestal. The word "COLUMBIA" appears across the top running
through the torch and then a circular rainbow appears in the sky
encircling the lady. [Un dessin]
20TH CENTURY FOX (enregistrement US 1928423)
The trademark is a computer generated sequence showing the
central element from several angles as though a camera is moving
around the structure. The drawing represents four "stills" from the
sequence. [Quatre dessins]
Au Canada, il est probable que le Bureau des marques de commerce168
opposerait à l’enregistrement d’une telle marque le fait qu’il s’agit non pas
d’une mais de plusieurs marques169. Dans l’état actuel de la réglementation
et de la politique administrative, l’enregistrement d’une marque cinétique
devrait sans doute s’envisager par le biais de la séquence principale
(vraisemblablement, la finale) de l’animation.
9.
NUMÉROS DE TÉLÉPHONE
«Hello, Neil and Buzz. I’m talking to you by telephone from the Oval Room at
the White House,
and this certainly has to be the most historic telephone call ever made.»
-Richard NIXON s’adressant au premier homme à marcher sur la lune (196907-20)
L’arrêt de la Section d’appel de la Cour fédérale du Canada dans l’affaire
Pizza Pizza170 a reconnu le droit à l’enregistrement, en liaison avec de la pizza
et des restaurants, d’une séquence numérique à titre de marque de
commerce bien que, dans les faits, cette séquence constituait également un
numéro de téléphone de l’entreprise.
Entrevue téléphonique informelle du 1999-03-31 avec Suzanne Charette, directrice des
politiques au Bureau canadien des marques de commerce.
169 Article 24 du Règlement : «Une demande distincte est produite pour l’enregistrement de
chaque marque de commerce».
170 Pizza Pizza Ltd. c. Canada (Registrar of Trade Marks) [967-1111] (1985), 6 C.I.P.R. 229, 7
C.P.R. (3d) 428 (C.F.); inf. (1989), 26 C.P.R. (3d) 355, 24 C.I.P.R. 152, [1989] 3 C.F. 379, 101 N.R.
378, 16 A.C.W.S. (3d) 24 (C.A.F.), maintenant l’enregistrement TMA 428709 et autrement
commenté par Marie PINSONNEAULT, «Votre numéro de téléphone est-il enregistré à titre de
marque de commerce? L'affaire Pizza Pizza Limited» (1990), 2 Les cahiers de propriété
intellectuelle 263. Voir également Bell Canada c. Pizza Pizza Ltd. (1993), [1993] 2 C.F. D-842,
[1993] A.C.F. 379, 48 C.P.R. (3d) 129 (C.F.).
168
49
Un numéro de téléphone a certes une fonction de communication, mais
cette fonction est sans rapport avec les produits et services eux-mêmes :
À mon avis, bien qu'il existe certainement un élément fonctionnel
dans son utilisation par l'appelante, c'est-à-dire que pour passer une
commande par téléphone pour l'un quelconque des produits de
l'appelante, la combinaison numérique qui est le numéro de
téléphone attribué par le service téléphonique à l'appelante doit
être utilisée, telle n'est pas son unique fonction. Plutôt, elle est
complètement sans rapport avec les marchandises elles-mêmes, ce
qui ne serait pas le cas, par exemple, de la partie numérotée d'un
produit correspondant simplement à un usage fonctionnel171. [Les
italiques sont nôtres.]
Si, dans l’absolu, une séquence numérique qui est autrement un numéro de
téléphone peut faire l’objet d’un enregistrement172, il n’en demeure pas
moins que, pour maintenir cet enregistrement, il faudra que le numéro de
téléphone soit, dans les faits, employé au sens de la Loi sur les marques de
commerce, c’est-à-dire qu’il distingue les marchandises ou services de son
propriétaire de ceux des autres173. La distinctivité restera donc une question
de faits et dépendra pour beaucoup de la façon dont le titulaire aura
montré ou apposé sa marque174.
On notera enfin que le monopole175 conféré à un tel enregistrement n’est pas
absolu et sera restreint aux marchandises ou services visés par
l’enregistrement176.
Pizza Pizza Ltd. c. Canada (Registrar of Trade Marks) [967-1111] (1985), 6 C.I.P.R. 229, 7
C.P.R. (3d) 428 (C.F.); inf. (1989), 26 C.P.R. (3d) 355, 24 C.I.P.R. 152, [1989] 3 C.F. 379, 101 N.R.
378, 16 A.C.W.S. (3d) 24 (C.A.F.), le juge Urie à la page 386.
172 Phonenames Limited c. 1-800-Flowers Inc [1-800-FLOWERS], une décision rendue le
19981217 par le registraire anglais des marques de commerce, demande 1525943.
173 Il est utile de rappeler ici que, dans cette affaire Pizza Pizza, le registraire intimé avait admis
que «in the manner in which the numerical combination 967-111 is utilized by appellant, such
combination appears as a separate and distinct element, which stands on its own, and
creates an actual and substantial distinction between appellant and other traders and
between its products and those of others» [C.P.R., à la page 358].
174 Unitel Communications Inc. c. Bell Canada [800-SERVICE] (1995), [1995] T.M.O.B. 76
(Comm. opp.) G. Partington aux ¶11 et 25.
175 Au 1999-04-01, Pizza Pizza Limited était portée au registre des marques comme titulaires de
33 enregistrements de marques de commerce se terminant par la séquence 1111, de quatre
enregistrements de marques se terminant par la séquence 3333 et de deux enregistrements
de marques se terminant par une séquence 444. On peut également songer aux numéros à
finale 3030 des pizzerias MIKES de M-Corp inc.
176 Sous réserve également des conditions de service entre le propriétaire de la marque et la
compagnie de téléphone qui lui a attribué le numéro.
171
50
Il en irait donc de même des Vanity telephone numbers, ces numéros de
téléphones qui épellent un nom ou un mot d’intérêt177 pour le propriétaire du
numéro de téléphone178 et autrement largement décrits comme :
Vanity telephone numbers can include several types of
mnemonics : (1) number that correspond to the spelling of a
product, such as "1-800-FLOWERS"; (2) numbers that correspond to
letters that spell a business name, such as "1-800-HOLIDAY"; (3)
numbers that begin with "4" or "2" and end with a product, service,
or business name, such as "1-800-4-TRAVEL," and "1-800-2-GO-WEST";
(4) numbers that only partially spell a product or company name,
such as "486-HAIR," "239-ALARM," or "222-CASH"; (5) numbers that are
easily remembered, such as "1-800-8000"; and (6) numbers that are
heavely marketed, but otherwise lack distinctiveness, such as"1-800325-3535," which Sheraton Inns made into a jingle179.
Ces séquences numériques ou alphanumériques sont donc protégeables à
titre de marques de commerce180, tout comme devraient d’ailleurs l’être les
indicatifs181 des stations de radio ou de télévision182.
Le courtage de ces numéros «800» donne lieu à de la publicité même près de nous : voir
(mars-avril 1999), National 7 «Increase Your Case Load! Advertise These Numbers 1-800INJURED, 1-800-BANKRUPT, 1-800-CRIMINAL, 1-800-DISABILITY, 1-800-DIVORCE – For further
information on how to obtain exclusive use of these numbers in your area, please call…»; voir
également
Your
toll
free
800
Vanity
Telephone
number
specialist,
URL
http://www.4800use.com/numlist.htm (site consulté le 19990401); Toll Free Numbers.com, URL
www.tollfreenumbers.com
(site
consulté
le
19990401);
Eighthundred,
URL
http://www.eighthundred.com/index4.htm (site consulté le 19990401); WhoSells800.com, URL
http://whosells800.com (site consulté le 19990401).
178 Plus près de nous, on peut songer aux 98-ROBIC et 845-RUSH (respectivement les numéros
de téléphone et de télécopieur du Cabinet d’agents de brevets et de marques de
commerce Robic), au 1-888-123MIKE des systèmes de télécommunication de Clearnet
Communications Inc., au EN FORME des centres de conditionnement de Nautilus Plus Inc., au
1-800-BLC-1846 qui rappelle l’année de fondation de la Banque laurentienne, à un
hypothétique 1-800-PATENTS d’un service d’aide aux inventeurs, au 1-888-8888 pour les
annonces classées du Journal de Montréal ou même au vénérable «526-9231 les petites
annonces du Montréal Matin ne coûtent pas cher et rapportent bien»!
179 Lisa D. DAME, «Confusingly Dissimilar Applications of Trademark Law to Vanity Telephone
Numbers» (1997), 46 Catholic University Law Review 1199, à la page 1246, note 1; voir aussi
Brett A. AUGUST, «1-800-MISDIAL : US Trademark Law and Vanity Phone Numbers»
(November/December 1996), Trademark World 24.
180 Tout comme le sont, par exemple les jus V-8 et la sauce A-1!
181 Qu’on ne confondra pas avec les fréquences. Voir J. Thomas McCARTHY, McCarthy on
Trademarks and Unfair Competition, 4ième éd. (St Paul, West Group, 1996), au §7:17 (mise à
jour 6 de 6/98).
182 Dan L. BURK, «Trademarks Along the Infobahn : A First Look at the Emerging Law of
Cybermarks» (1995), 1 Richmond Journal of Law and Technology 1, aux ¶50-51, URL
http://www.urich.edu/~jolt/vlil/burk.html (site consulté le 19990401) : cela s’adresse autant à
l’indicatif de la station (CKOI, CHUM ou CIEL), qu’à la fréquence (690 AM ou 95,1 MF), pourvu
qu’il y ait utilisation à titre de marque et non à titre d’adresse. Un même argument peut
177
51
On peut également présumer que, pour obtenir l’enregistrement d’un tel
type de numéros – alphabétiques ou alphanumériques -, un requérant
devrait se désister183, le cas échéant, du droit à l’emploi exclusif de la partie
non enregistrable184de sa marque185. La marque numérique ou
alphanumérique est donc protégeable et cette protection devra être
assurée en étudiant la marque dans son ensemble (i.e., sans la disséquer)186,
en tenant compte des critères usuels d’évaluation de la confusion187 et en se
plaçant dans la peau d’un consommateur moyen qui connaît la première
marque mais en a une réminiscence imparfaite188.
Les questions d’intérêt se situent plutôt au niveau de l’usurpation de telles
marques. La jurisprudence est abondante en ce qui a trait aux emprunts de
numéros de téléphone par d’anciens associés, employés ou franchisés ou
d’ailleurs être fait en ce qui a trait aux noms de domaines : François PAINCHAUD, «La
propriété intellectuelle sur l’Internet», dans Internet et inforoute (Montréal, Institut canadien,
1995), URL http://www.robic.ca, sous publication 179 (site consulté le 19990401) et MarieHélène DESCHAMPS-MARQUIS, «Les noms de domaine : au delà du mystère» (1999), 11-3 Les
cahiers de propriété intellectuelle.
183 Article 35 LdM.
184 Par exemple, nom de famille, description du produit ou de son lieu d’origine, nom du
produit dans une autre langue : paragraphe 12(1) LdM. Rappelons que la prohibition de
l’alinéa 12(1)b) quant au caractère descriptif n’est pas limitée à l’aspect graphique de la
marque de commerce mais vise également son aspect sonore : les U pour You, 2 pour Two et
4 pour For seraient donc considérés dans le cadre de l’examen quant à l’enregistrabilité et la
nécessité d’un désistement.
185 L’effet pratique d’un désistement est de permettre à d’autres personnes de se servir de ce
pour quoi il y a eu désistement, d’où peut-être un moins grand intérêt à l’enregistrement de
marques de commerce dont la partie alphabétique est descriptive. Toutefois, dans le cadre
de l’évaluation de la confusion entre eux marques, il faut tenir compte de l’ensemble des
marques en cause, y compris la partie pour laquelle il y a eu désistement : Questor
Commercial Inc. c. Discover Services Ltd. (1979), 46 C.P.R. (2d) 58 (C.F.), le juge Cattanach à
la page 19.
186 Sur l’appréciation globale, voir, entre autres, Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments
Ltd. [Mr. SUBMARINE] (1986), 11 C.P.R. (3d) 425, 9 C.I.P.R. 164, 6 F.T.R. 189, [1986] 3 C.F. F-33
(C.F.); inf. (1987), [1988] 3 C.F. 91, 16 C.I.P.R. 282, 19 C.P.R. (3d) 3, 81 N.R. 257 (C.A.F.); Park
Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. [POSTURE-BEAUTY] (1987), 18 C.P.R.
(3d) 84 (Comm. opp.); conf. (1989), 25 C.P.R. (3d) 408, 29 F.T.R. 264; inf. (1991), 37 C.P.R. (3d)
413, 130 N.R. 223, [1991] 3 C.F. F-52 (C.A.F.); Miss Universe, Inc. c. Bohna [MISS NUDE UNIVERSE]
(1991), 36 C.P.R. (3d) 76 (Comm.opp.); conf. (1992), [1992] 3 C.F. 682, 43 C.P.R. (3d) 462 (C.F.);
inf. (1994), [1995] 1 C.F. 614, 58 C.P.R. (3d) 381, 165 N.R. 35, [1994] F.C.A.D. 3362-01 (C.A.F.).
187 Article 6 LdM.
188 «The imperfect recollection of the unwarry purchaser» enseigne la jurisprudence
canadienne depuis l’affaire General Motors Corporation c. Bellows (1949), 9 Fox Pat. 78, 10
C.P.R. 101, [1950] 1 D.L.R. 569, [1949] R.C.S. 678 (C.S.C.).
52
l’utilisation par un concurrent d’un numéro de nature à créer de la
confusion189.
Les problèmes les plus intéressants restent sans doute à venir190. Par exemple,
qu’en est-il d’un concurrent qui choisit son numéro de téléphone en fonction
de la propension des consommateurs à confondre certaines lettres (la lettre
«o» et le chiffre «0» ainsi que la lettre «I» pour le chiffre «1»), des erreurs
fréquentes d’épellation (la finale «an» pour la finale «en», le «o» et le «e» de
operator ou les doublets de consonnes), ou encore utilise un code régional
différent mais avec les mêmes chiffres que ceux correspondant au numéro
mnémotechnique du concurrent191? Qu’en est-il du caractère trop souvent
Voir, entre autres, et certainement pas de façon exhaustive, au Québec les affaires
Piscines et abris Tempo inc. (Les) c. Tempo Fab inc. (1978), J.E. 78-1023 (C.S.Q.); Librairie SteThérèse inc. c. Papeterie-librairie Ste-Thérèse inc. (1995), J.E. 05-1899 (C.S.Q.), la juge Julien;
Paquin c. Fournier (1996), J.E. 96-663 (C.S.Q.), le juge Daigle; Via Route inc. c. Zawahry (1997),
J.E. 97-197 (C.S.Q.), la juge Rayle; Association coopérative des taxis de l’Est de Montréal inc.
c. Harfouche (1997), L.P.J. 97-0546, J.E. 97-192, [1997] A.Q. 2388 (C.A.Q.); Club Vidéo Éclair
inc. c. 9045-9835 Québec inc. (1998), [1998] A.Q. 1740 (C.S.Q.) le juge Walters et, ailleurs au
Canada, Breuvage Lucky One Inc. c. L.B.G. Distributors Ltd. (1971), 64 C.P.R. 226 (C. d’É.), le
juge Noël; Carnen Systems Corporation c. British Columbia Telephone Co. (1983), 74 C.P.R.
(2d) 48 (B.C.S.C.), le juge Bouck; Goliger’s Travel Ltd. c. Gilway Maritimes Ltd. (1987), 17 C.P.R.
(3d) 380 (N.S.S.C.), le juge Hall; Allbram Taxi Inc. c. Sandhu (1988), 24 C.P.R. (3d) 334 (O.D.Ct.),
le juge West; 241 Pizza Ltd. c. 872515 Ontario Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 527 (C. d’O. – div.
gén.); Tel-E-Connect Systems Ltd. c. Modular telephone Interface Ltd. (1993), 52 C.P.R. (3d)
138 (C. d’O. – div. gén.), le juge MacDOnald. Voir aussi Christopher WADLOW, The Law of
Passing-Off, 2ième éd. (Londres, Sweet & Maxwell, 1995), aux §6.70 à 6.72.
190 Du moins au Canada car, aux États-Unis, une doctrine nombreuse fait déjà état d’un
corpus judiciaire important : Keith A. BARRIT, «"Use" of Another’s Trademark in Vanity Phone
Numbers and Internet Domain Names (1998), 4 Intellectual Property Today, article 1; URL
http://www.lawworks-iptoday.com/04-98/barritt.htm (site consulté le 19990401); Keith A.
BARRIT, «FCC Acts on Trademark Rights in Vanity Numbers in the "888" and "877" Toll-free
Exchanges», URL http://www.fr.co./piblis/fcctmvanity, html (site consulté le 19990401); Dan L.
BURK, «Trademarks Along the Infobahn : A First Look at the Emerging Law of Cybermarks»
(1995), 1 Richmond Journal of Law and Technology 1, aux ¶52-59, URL
http://www.urich.edu/~jolt/vlil/burk.html (site consulté le 19990401) ; Lisa D. DAME,
«Confusingly Dissimilar Applications of Trademark Law to Vanity Telephone Numbers» (1997),
46 Catholic University Law Review 1199; Anthony L. FLETCHER et al., «The Forty-third Year of
Administration of the Lanham Trademark Act of 1946» (1990), 80 Trademark Reporter 591, aux
pages 675-677 ; Elizabeth A. HORKY «1-800-I-AM-VAIN : Should Telephone Mnemonics Be
Protected As Trademarks ?» (1995), 3 Journal of Intellectual Property 213, URL
http://www.lawsch.uga.edu/~jipl/vol3/horky.html (site consulté le 19990401); Terry Ann SMITH,
«Telephone Numbers that Spell Generic Terms : A Protectable Trademark or an Invitation to
Monopolize a Market?» (1994), 28 University of San Francisco Law Review 1079.
191 On note ainsi, par équivalents numériques, 1-800-HOLIDAY et 1-800-H0LIDAY, INJURY-1 et
INJURY-9, 1-800-GO-U-HAUL et 1-800-GO-U-HALL, YELLOW BOOK et 1-800-YELLOW B[OOK], 1900-BLU BOOK et 1-800- BLUE BOOK, 772-ROOF et 773-ROOF, CALL-LAW et LAW-CALL,
LAWYERS et 1-800-LAWYERS, autant d’exemples que donnent Lisa D. DAME, «Confusingly
Dissimilar Applications of Trademark Law to Vanity Telephone Numbers» (1997), 46 Catholic
University Law Review 1199, à la page 1200, note 5 et Elizabeth A. HORKY «1-800-I-AM-VAIN :
189
53
descriptif192 du numéro/marque : l’ajout d’une brève série numérique permetelle quand même de prétendre à des droits privatifs193? Alternativement, une
distinctivité inhérente présumément faible fera-t-elle en sorte que de petites
variations à la correspondance numérique seront suffisantes pour éviter
contrefaçon194? Et, bien sûr, la marque alphanumérique ou numérique a-telle été employée à titre de marque ou autrement.
10. MARQUES TRIDIMENSIONNELLES
«My view is that, properly practised, design is nothing if not a courageous
adventure.»
Arthur ERICKSON, The Architecture of Arthur Erickson (1988)
L’apparence extérieure d’un produit, son habillage distinctif, peuvent,
indépendamment de quelque enregistrement, être protégée contre les
tentatives de substitutions au titre de la concurrence déloyale et du délit de
substitution (passing off)195 et ce, pourvu que cette apparence ait acquis une
Should Telephone Mnemonics Be Protected As Trademarks ?» (1995), 3 Journal of Intellectual
Property 213, URL http://www.lawsch.uga.edu/~jipl/vol3/horky.html (site consulté le 19990401)
aux ¶35-50. Sur le phénomène des «typo pirates» en matière de noms de domaine, voir : Carl
S. KAPLAN «'Typo Pirates' Run Into Trouble With Corporations and Courts» (1999-04-23), The
New York Times URL http://www.nytimes.com/library/tech/99/04/cyber/vyberlaw/23law.html
(site consulté le 19990501); Ruth SINGLETON, «Morgan to Lewis to Bockius – Firm’s Web site
plays Major League ball» (19990419), The National Law Journal A-23 URL
http://test01.ljextra.com/na/archive.html/99/04/1999_0411_033.html
(site
consulté
le
19990501).
192 Anthony L. FLETCHER et al., «The Forty-third Year of Administration of the Lanham
Trademark Act of 1946» (1990), 80 Trademark Reporter 591, aux pages 675-676 et Ann SMITH,
«Telephone Numbers that Spell Generic Terms : A Protectable Trademark or an Invitation to
Monopolize a Market?» (1994), 28 University of San Francisco Law Review 1079.
193 L’intérêt de la question, bien sûr, relève de la détermination d’une usurpation en vertu de
la Loi sur les marques de commerce plutôt que constituant un acte de concurrence déloyale
ou parasitaire (tel que codifié par l’article 7 LdM et généralement visé par l’article 1457
C.c.Q.).
194 «Finally, in the context of slight variations, any change in the mnemonic should be enough
to distinguish the marks. As noted above, any change in a mnemonic is a functional change
in the operation of the telephone that will be noticed by the consumer. Clearly any change
in a mnemonic will be a change in the underlying telephone number. In order to prevent a
firm from monopolizing a group of numbers through the luck of being the first to get a
telephone number, slight variations should distinguish the second mark» : Elizabeth A. HORKY
«1-800-I-AM-VAIN : Should Telephone Mnemonics Be Protected As Trademarks ?» (1995), 3
Journal of Intellectual Property 213, URL http://www.lawsch.uga.edu/~jipl/vol3/horky.html (site
consulté le 19990401, aux ¶77-78.
195 Par exemple, et de façon non exhaustive, Source Perrier c. Canada Dry Ltd. [BOUTEILLE
INDIAN CLUB] (1982), 64 C.P.R. (2d) 116, 36 O.R. (2d) 695 (H.C. d’Ont.); Iona Appliances Inc. c.
Hoover Canada Inc. [ASPIRATEUR VROOM BROOM] (1988), 32 C.P.R. (3d) 304 (H.C. Ont.);
Dumont Vins & Spiritueux Inc. c. Celliers du Monde Inc. [BOUTEILLE DE TYPE HOCK BLACHE
54
reconnaissance certaine au yeux du public de façon à identifier une telle
apparence au produit émanant d’une source particulière196. Une telle
marque peut-elle toutefois être enregistrée?
Les exigences relatives à l’enregistrabilité d’une marque de commerce à trois
dimensions dépendent de la question de savoir si cette marque est visée par
la définition statutaire de «signe distinctif (ou distinguishing guise)197.
Si la marque de commerce est un façonnement d’une marchandise198 ou de
son contenant199 ou un mode d’envelopper ou d’empaqueter cette
marchandise200, alors cette marque sera considérée comme relevant du
signe distinctif201.
OPAQUE] (1990), [1990] R.J.Q. 556 (C.S.Q.), désistement d’appel 500-09-000100-909 produit le
1990-08-17; Reckitt & Colman Products Ltd. c. Borden Inc. [JIF LEMON CONTAINER] (1990),
[1990] 1 W.L.R. 491, 17 I.P.R. 1, [1990] 1 All E.R. 873, [1990] R.P.C. 116 (H.L. Angleterre); Ray
Plastics Ltd. c. Dustbane Products Ltd. [BALAI À NEIGE SNOW TROOPER] (1990), 33 C.P.R. (3d)
219, 75 O.R. (2d) 37 (C. Ont. div. gén.); motifs additionnels à (1990), 33 C.P.R. (3d) 219-237, 47
C.P.C. (2d) 280; conf. (1994), 57 C.P.R. (3d) 474, 74 O.A.C. 131 (C.A. Ont.); (1995), 62 C.P.R.
(3d) 247 (C. Ont. div. gén. - dommages); Kraft Jacobs Suchard (Schweiz) A.G. c. Hagemeyer
Canada Inc. [TABLETTE DE CHOCOLAT TOBLERONE] (1998), 78 C.P.R. (3d) 464 (C. d’O. div.
gén.).
196 Oxford Pendaflex Canada Ltd. c. Korr Marketing Ltd. [DESK OFFICE TRAY] (1979), 23 O.R.
(2d) 545, 46 C.P.R. (2d) 191, 97 D.L.R. (3d) 124 (H.C. Ont.); conf. (1980), 27 O.R. (2d) 760n, 47
C.P.R. (2d) 119n, 107 D.L.R. (3d) 512n (C.A. Ont.); conf. (1982), [1982] 1 R.C.S. 494, 64 C.P.R.
(2d) 1, 134 D.L.R. (3d) 271, 41 N.R. 553, 20 C.C.L.T. 113 (C.S.C.). Voir principalement Louis
CARBONNEAU «La concurrence déloyale au secours de la propriété intellectuelle», dans
Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (1995), Service de la formation
permanente du Barreau du Québec (Cowansville, Blais, 1995), aux pages 239-292. Voir aussi
généralement R. Scott JOLLIFFE, «The Common Law Doctrine of Passing OFF», dans Trademarks Law of Canada, collection Henderson (Toronto, Carswell, 1993), au chapitre 8 et
Christopher WADLOW, The Law of Passing-off, 2ième éd. (Londres, Sweet & Maxwell, 1995), au
chapitre 6.
197 Article 2 LdM : «signe distinctif» Selon le cas : a) façonnement de marchandises ou de leurs
contenants; b) mode d'envelopper ou empaqueter des marchandises, dont la présentation
est employée par une personne afin de distinguer, ou de façon à distinguer, les
marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou
exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des
services loués ou exécutés, par d'autres. Il est à noter que la qualification «dont la
présentation…» se rappporte tant à l’alinéa a) qu’à l’alinéa b) : Registrar of Trade Marks c.
Brewers Association of Canada (1978), [1979] 1 C.F. 849, 5 B.L.R. 155, 94 D.L.R. (3d) 198, 42
C.P.R. (2d) 93 (C.F.), le juge Cattanach à la page 96; inf. sur un autre point (1982), [1982] 2
C.F. 622, 132 D.L.R. (3d) 577, 41 N.R. 470, 62 C.P.R. (2d) 145 (C.A.F.),
198 Le chocolat TOBLERONE de Kraft Jacobs Suchard (Suisse) (enregistrement TMA 164635).
199 L’emballage de chocolat TOBLERONE de Kraft Jacobs Suchard (Suisse) (demande TMO
832993) ou la bouteille de jus d’orange ORANGE MAISON de A. Lassonde inc.
(enregistrement TMA 407013).
200 «The mode of wrapping a cylindrical roll having a hollow control core, according to which
the roll is so enclosed in a rectangular sheet of paper having red bands at two opposite
edges as to dispose the red bands over the whole of the flat annular ends of the roll and
55
Si le signe distinctif ne couvre pas la marchandise ou le contenant dans son
entier mais seulement une partie de ceux-ci, c’est quand même par signe
distinctif qu’il faudra procéder202.
Le mode d’emballage ou d’empaquetage des marchandises inclurait203 des
contenants ou des supports et ceux-ci pourraient bénéficier d’une protection
en tant que signe distinctif204. La politique du Bureau des marques de
commerce est par ailleurs à l’effet que tout ce qui figure sur l’emballage fera
partie du signe distinctif, à moins d’avoir été spécifiquement exclu.
Si une marque tombe dans le champ de la définition de «signe distinctif», son
propriétaire n’a d’ailleurs pas d’autre choix que de l’enregistrer à titre de
signe distinctif plutôt qu’à titre de marque de commerce «ordinaire»205.
Une demande d’enregistrement pour un signe distinctif n’est toutefois pas
limitée à l’un (façonnement ou contenant) ou l’autre (emballage) mentionné
à la définition statutaire de ce terme. Il est admis qu’un signe distinctif peut
inclure l’un et l’autre de ces éléments206, à charge toutefois pour le requérant
provide a substantially cylindrical package and flat ends of which are red» : enregistrement
UCA 046595 (aujourd’hui radié) pour le papier hygéniéique FACELLE de The Procter &
Gamble Company. À ne pas confondre avec la marque qui n’est appliqué qu’à
l’emballage : «the trade mark consist of a tartan design applied to the packaging for the
applicant’s wares», en l’espèce les biscuits de Nabisco Ltd. (enregistrement TMA 492729).
201 Sur le sujet, voir généralement Hugues G. RICHARD (dir.), Leger Canadian Trade-marks Act
Annotated (Toronto, Carswell, 1984), sous l’article 13 (mise à jour 12/98); voir également Mary
CARDILLO «Distinguishing Guise Trade Marks and Their Relationship to Copyright and Industrial
Design» (1989), 6 Canadian Intellectual Property Review 14.
202 S’il fallait interpréter la définition de signe distinctif comme se limitant au façonnemnt
d’une marchandise ou d’un contenant dans son entier, cela «permettrait à un requérant de
contourner facilement les restrictions prévues à l’article 13 de la Loi, car un requérant pourrait
alors supprimer un détail négligeable du façonnemnt de la marchandise en son entier et
obtenir une protection à l’égard de ce signe comme une marque de commerce ordinaire» :
projet d’avis de pratique du 1999-01-27 du Bureau des marques de commerce.
203 Eu égard à la définition de «paquet» que donne l’article 2 LdM.
204 Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (Registrar of Trade-marks) [No. 1] [LIGHT
GREEN COATING] (1987), 9 F.T.R. 127, 12 C.I.P.R. 199, 14 C.P.R. (3d) 432, [1987] 2 C.F. 628 (C.F.),
le juge Strayer à la page 632. La demande TMO 462697 qui faisait l’objet de cet appel
décrivait le signe dans les termes suivants : [traduction] «le signe distinctif consiste en un film
vert pâle recouvrant un comprimé bi-convexe comme le montre le dessin ligné quant à la
couleur verte […] ».
205 Registrar of Trade Marks c. Brewers Association of Canada (1978), [1979] 1 C.F. 849, 5 B.L.R.
155, 42 C.P.R. (2d) 93, 94 D.L.R. (3d) 198 (C.F.); inf. (1982), [1982] 2 C.F. 622, 132 D.L.R. (3d) 577,
41 N.R. 470, 62 C.P.R. (2d) 145 (C.A.F.), le juge Pratte à la page 149.
206 Dans son projet d’avis de pratique du 1999-01-27, le Bureau des marques «considère qu’un
signe distinctif peut inclure une combinaison des éléments décrits en a) et b) de la définition»,
se fondant sur un obiter dans Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (Registrar of
Trade-marks) [No. 1] [LIGHT GREEN COATING] (1987), 9 F.T.R. 127, 12 C.I.P.R. 199, 14 C.P.R. (3d)
56
de prouver que chacun de ces éléments «constitue un élément acceptable
d’un signe distinctif»207. Si la marque de commerce comporte des éléments
qui relèvent de la définition du signe distinctif et d’autres qui n’en relèvent
pas208, alors les dispositions concernant l’enregistrement des signes distinctifs
s’appliqueront.
Pour obtenir l’enregistrement d’un signe distinctif, il faudra prouver209 au
registraire que le signe a été employé au Canada de façon à être devenu
distinctif210 au moment de la production de la demande211 et que cet emploi
ne sera pas de nature à restreindre le commerce212. De fait, les signes
432, [1987] 2 C.F. 628 (C.F.), le juge Strayer à la page 631 : «Même si je ne suis pas convaincu
qu’on devrait interdire à un requérant de revendiquer comme partie de son monopole les
éléments décrits aux alinéas a) et b) de la définition, je n’ai pas besoin de me prononcer sur
cette question en l’espèce.
207 Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (Registrar of Trade-marks) [No. 1] [LIGHT
GREEN COATING] (1987), 9 F.T.R. 127, 12 C.I.P.R. 199, 14 C.P.R. (3d) 432, [1987] 2 C.F. 628 (C.F.),
le juge Strayer à la page 631.
208 Par exemple un contenant sur lequel une marque de commerce nominale serait
également apposée.
209 La nature de la preuve à fournir est prévue par l’article 32 LdM et fait l’objet d’indications
techniques dans le Manuel d’examen des marques de commerce, 2ième éd. (Hull,
Approvisionnement et Service Canada, 1996), aux §II.7.6 et §IV.10; voir également les avis de
pratique Evidence Required Pursuant to Subsections 31(2) and 32(1) of the Trade-Marks Act
du 1975-07-30, Distinguishing Guise du 1976-09-01 et Requirement with respect to section 12(2)
evidence du 1985-01-02. De plus, comme le rappelle le juge MacKay, «In my view, the Act
provides for registration of a distinguishing guise, through application, in the same manner as
for other trade marks» : Calumet Manufacturing Ltd. c. Mennen Canada Inc. (1991), 50 F.T.R.
197, 40 C.P.R. (3d) 76 (C.F.), à la page 87.
210 Et, tout comme pour une marque de commerce, la preuve d’un emploi de ce signe
distinctif par des tiers non licenciés fera conclure à l’absence ou à la perte de caractère
distinctif : Calumet Manufacturing Ltd. c. Mennen Canada Inc. (1989), [1989] T.M.O.B. 246, 27
C.P.R. (3d) 467 (Comm. opp.), M. Martin aux pages 473-474; conf. (1991), 50 F.T.R. 197, 40
C.P.R. (3d) 76 (C.F.), le juge MacKay aux pages 91-96; Gillette Canada Inc. c. Mennen
Canada Inc. (1989), 32 C.P.R. (3d) 216, 26 C.I.P.R. 258, [1989] T.M.O.B. 245 (Comm. opp.), M.
Martin à la page 222; conf. (1991), 50 F.T.R. 197, 40 C.P.R. (3d) 76 (C.F.)
211 Alinéa 13(1)a) LdM : «Un signe distinctif n'est enregistrable que si, à la fois : a) le signe a été
employé au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenu
distinctif à la date de la production d'une demande d'enregistrement le concernant […] ».
Voir Sport Maska Inc. c. Canstar inc. c. Canstar Sports Group Inc. [CASQUE DE HOCKEY]),
(1994), J.E. 94-1396, en traduction anglaise à 57 C.P.R. (3d) 323 (C.S.Q.), le juge Denis aux
pages 345-347 (appel 500-09-001275-940 déserté le 1995-08-16).
212 Alinéa 13(1)b) : «Un signe distinctif n'est enregistrable que si, à la fois : […] b) l'emploi
exclusif, par le requérant, de ce signe distinctif en liaison avec les marchandises ou services
avec lesquels il a été employé n'a pas vraisemblablement pour effet de restreindre de façon
déraisonnable le développement d'un art ou d'une industrie». Et paragraphe 13(2)
«L'enregistrement d'un signe distinctif peut être radié par la Cour fédérale, sur demande de
toute personne intéressée, si le tribunal décide que l'enregistrement est vraisemblablement
devenu de nature à restreindre d'une façon déraisonnable le développement d'un art ou
d'une industrie». Cela rejoint l’argument de fonctionalité précédemment discuté : voir
57
distinctifs ont souvent des aspects fonctionnels213. La question toutefois n’est
pas de trouver que la configuration de la marchandise comporte des
éléments utilitaires, mais plutôt de déterminer si leur degré de fonctionalité est
tel qu’il en résulte une absence de protection comme signe distinctif214.
Le fardeau de prouver la distinctivité repose en dernier lieu sur le requérant215.
Rappelons enfin que rien n’empêche un signe distinctif de distinguer des
services ou encore des produits autres que ceux dont ils sont le façonnement
ou l’emballage.
Qu’en est-il des marques bidimensionnelles qui sont apposées sur des objets
en trois dimensions? Encore une fois, il s’agira de déterminer ce en quoi
consiste vraiment la marque et l’importance de son positionnement sur
l’objet tridimensionnel216.
Maureen BOYD CLARK, «Passing Off and Unfair Competition : The Regulation of the
Marketplace» (1990), 6 Intellectual Property Journal 1, aux pages 28 à 31 et Louis
CARBONNEAU «La concurrence déloyale au secours de la propriété intellectuelle», dans
Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (1995), Service de la formation
permanente du Barreau du Québec (Cowansville, Blais, 1995), aux pages 260-272.
213 Ce que prévoit d’ailleurs le paragraphe 13(2) LdM : «Aucun enregistrement d’un signe
distinctif ne gêne l’emploi de toute particularité utilitaire incorporée dans le signe distinctif».
214 Remington Rand Corp. c. Philips Electronics N.V [SHAVER HEAD] (1993), 51 C.P.R. (3d) 392,
69 F.T.R. 136, 44 A.C.W.S. (3d) 579 (C.F.); inf. (1995), 64 C.P.R. (3d) 467, 191 N.R. 204, [1995]
A.C.F. 1660 (C.A.F.) [requête pour permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada
refusée (1996), 67 C.P.R. (3d) vi (C.S.C.).], le juge MacGuigan aux paragraphes 18-21. Voir
aussi Justine WIEBE, «Philips’ Triple-Headed Shaver : When a Shave Can Be Too Close For
Comfort» (1996), 3 Intellectual Property Journal 120, à la page 122 et Carol HITCHMAN, «Trade
Marks versus Patents; The Protection of Functional Elements» (1999), 5 Intellectual Property
Journal 298, à la page 298. Voir également Peter HANSEN, «Getting Into Shape – The Trade
Mark Issues» (1999), 1 In Depth 1., à la page 3.
215 «However, due to the overwhelming functionality of all but one minor aspect of the design,
it is, at best, an inherently weak distinguishing guise. Thus, not only is there a heavy onus on
the applicant to establish the distinctiveness of its distinguishing guise pursuant to s. 13(1) of
the Act, that onus is particularly severe where, such as in the present case, the guise is
inherently weak» : Gillette Canada Inc. c. Mennen Canada Inc. (1989), 26 C.I.P.R. 258, [1989]
T.M.O.B. 245, 32 C.P.R. (3d) 216 (Comm. opp.) M. Martin, à la page 220; conf. (1991), 50 F.T.R.
197, 40 C.P.R. (3d) 76 (C.F.) au même effet, Novopharm Ltd. c. Burrough Wellcome Inc.
[HEXAGONAL TABLET] (1999), [1999] T.M.O.B. 23 (Comm. opp.) M. Martin aux ¶30-32 et 36-37.
Voir également Mr. Frostee Inc. c. Dickie Dee Ice Cream (Canada) Ltd. [FROZEN
CONFECTION ON STICK] (1994), [1994] T.M.O.B. 312, 59 C.P.R. (3d) 393 (Comm. opp.) G.
Partington aux pages 396 et 398; Celliers du Monde Inc. c. Dumont Vins & Spiritueux Inc.
[BOUTEIILE HOCK BLANCHE OPAQUE] (1997), [1997] T.M.O.B. 244, 82 C.P.R. (3d) 396 (Comm.
opp.), M. Herzig au ¶4.
216 Quoique le Bureau des marques indique avoir pour politique que la description de la
marque ne doit pas contenir une indication pouvant donner à penser que la marque
englobe un élément à trois dimensions, comme par un énoncé précisant que le dessin
montre l’endroit où la marque est apposée sur un objet en trois dimensions, la lecture
hebdommadaire du Journal des marques de commerce révèle qu’avant janvier 1999 cette
politique n’était pas uniformément appliquée. Il faudrait par exemple, décrire une telle
58
S’agissant d’une marque qui n’est pas que nominale, un dessin devra être
fourni. Ce dessin devra représenter la marque de commerce et non celle-ci
apposée sur un objet tridimensionnel. Le cas échéant, pour mieux décrire la
marque de commerce, la demande pourra être accompagnée d’un dessin
montrant comment la marque est apposée. Ce dessin devra cependant
répondre aux exigences du Bureau des marques217, savoir :
• Le contour de l’objet à trois dimensions doit être représenté en
pointillé;
• La demande doit comporter un énoncé à l’effet que l’objet
tridimensionnel qui est montré en pointillé dans le dessin ne fait pas
partie de la marque de commerce et est représenté uniquement
pour donner un exemple de la façon dont la marque de commerce
peut être apposée sur un objet en trois dimensions;
• La demande doit comporter une description de la marque
indiquant clairement que la demande vise uniquement la marque
bidimensionnelle218.
Ces indications visent uniquement des conditions de forme et n’empêchent
pas le Bureau des marques de vérifier le caractère uniquement fonctionnel
ou décoratif de la marque de commerce dont on demande
l’enregistrement.
11.
MISCELLANÉES
11.1 MARQUES ARCHITECTURALES
«It is no offence at law or equity merely to copy somebody’s window.
It does not become an offence at law or equity unless the copying is
calculated to deceive.»
Laraine Day Ltd. c. Kennedy [1953] R.P.C. 19 (Chan. Div. Angleterre),
le juge Roxburgh à la page 21.
marque comme «la marque consiste en une représentation d’une croix qui apparaît sur la
bouteille; la représentation de la bouteille en ligne pointillée ne fait pas partie de la marque
de commerce».
217 Voir Manuel d’examen des marques de commerce, 2ième éd. (Hull, Approvisionnement et
Service Canada, 1996), au §IV.2.4 quant à la représentation des marchandises par dessin en
lignes pointillées. Voir également les avis de pratique Trade-Marks Journal change of format
and drawings requirements under Rule 32(1) du 1978-11-01 et Full and doted outlines du 198013-30 publiés au Journal des marques de commerce.
218 Projet d’avis de pratique du 1999-01-27 du Bureau des marques de commerce.
59
L’apparence, la décoration tant extérieure qu’intérieure d’un commerce est
également susceptible de protection, à preuve les nombreuses décisions des
tribunaux dans le domaine des restaurants219. Le recours en est généralement
un de nature interlocutoire fondé sur les faits de concurrence déloyale que
sont les usurpation d’habillage (get up) et la substitution (passing off).
Il est cependant possible d’enregistrer à titre de marque de commerce220 les
éléments distinctifs d’un commerce, que ce soit la pyramide tronquée des
rôtisseries ST-HUBERT, les arches dorées des restaurants MCDONALDS, les toits
des crémeries DAIRY QUEEN ou le pignon d’un restaurant KENTUCKY221.
Il ne s’agit pas ici de l’enregistrement d’une représentation imagée de
l’établissement telle qu’elle pourrait être apposée sur certains produits, mais
bel et bien de l’aspect architectural de ceux-ci, tels que vus par le
consommateur222.
Les éléments de l’apparence extérieure (ou intérieure) de l’édifice que l’ont
veut ainsi protéger devront cependant avoir fonction de marque, c’est-à-dire
distinguer les produits ou services de l’un par rapport à ceux des autres. Ces
éléments devront donc indiquer une source plutôt que d’être présentés ou
perçus comme des éléments décoratifs223. Il devrait toutefois suffire, dans ce
Christopher BRETT, «Get-Up of Premises and Action for Passing Off» (1991), 7 Canadian
Intellectual Property Review 259; George R. STEWART, «Two Pesos for a Taco : Inherent
Distinctiveness and a Likelihood of Confusion for Protectable Trade-mark Rights – Hold the
Secondary Meaning» (1993), Intellectual Property Journal 1; Louis CARBONNEAU «La
concurrence déloyale au secours de la propriété intellectuelle», dans Développements
récents en droit de la propriété intellectuelle (1995), Service de la formation permanente du
Barreau du Québec (Cowansville, Blais, 1995), aux pages 257-258.
220 L’habillage distinctif, en ce cas, n’entre pas dans le cadre de la définition stricte de «signe
distinctif» que donne l’article 2 LdM.
221 À titre illustratif, voir les arches architecturales (enregistrement TMA 148964), la double
arche signalétique (enregistrement TMA 152229) et l’apparence générale extérieure
(enregistrement TMA 280 719) d’un restaurant MCDONALD’S, toits caractéristiques d’un
établissement DAIRY QUEEN (enregistrements TMA 197852 et 197921), apparence extérieure
d’un restaurant ARBY’S (enregistrement TMA 165839), COUNTRY CHICKEN (enregistrement
TMA 294507) ou POPEYES (enregistrement TMA 319712), marquise d’un restaurant FIRE PIT
(enregistrement TMA 303139), toiture d’un restaurant MELODY FARM (enregistrement TMA 449
587) ou pignon d’un restaurant KENTUCKY (enregistrement TMA 400998).
222 «And the design of a restaurant does not, except metaphorically, package the wares and
services. Rather, the design and get up of the premises serve to advertise, inform, suggest,
attract and perhaps describe the goods and services that are offered for sale» : George R.
STEWART, «Two Pesos for a Taco : Inherent Distinctiveness and a Likelihood of Confusion for
Protectable Trade-mark Rights – Hold the Secondary Meaning» (1993), Intellectual Property
Journal 1, à la page 19.
223 Considérés comme des œuvres architecturales ou artistiques, ces éléments pourront aussi,
dans certaines circonstances, bénéficier de la protection de la Loi sur le droit d’auteur(L.R.C.
1985, c. C-42). Peut également être envisagée la protection en vertu de la Loi sur les dessins
219
60
contexte, de justifier l’emploi à titre de marque en indiquant que les services
sont rendus ou les produits vendus à partir de ces établissements224 dont les
caractéristiques ne devront pas être communes ou fonctionnelles. On s’en
doute, ce sera pour beaucoup une affaire de preuve, notamment quant à la
présentation au public225.
11.2 PORTRAIT
N’est pas enregistrable une marque de commerce qui ne constitue
principalement que le nom ou le nom de famille d’un individu226. Par contre,
rien n’empêche l’enregistrement du portrait d’un individu227 à titre de marque
de commerce, pourvu que cet individu y consente228.
Ce portrait peut être une photographie, une peinture ou un dessin229. Le
consentement de l’individu va également de soi, ne serait-ce qu’en vertu de
son droit à l’image230.
industriels (L.R.C. 1985, c. I-9), un dessin y étant défini comme «Caractéristiques ou
combinaison de caractéristiques visuelles d'un objet fini, en ce qui touche la configuration, le
motif ou les éléments décoratifs».
224 J. Thomas McCARTHY, McCarthy on Trademarks and Unfair Competition, 4ième éd. (St Paul,
West Group, 1996), au §7:101 (mise à jour 8 du 12/98).
225 George R. STEWART, «Two Pesos for a Taco : Inherent Distinctiveness and a Likelihood of
Confusion for Protectable Trade-mark Rights – Hold the Secondary Meaning» (1993),
Intellectual Property Journal 1, aux pages 12-15.
226 Alinéa 12(1)a) LdM. Il reste cependant possible d’enregistrer une telle marque en
prouvant, selon le paragraphe 12(2) LdM que cette marque est devenue distinctive ou, selon
le paragraphe 14(1) que la marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif.
227 L’alinéa 12(1)e) LdM se lit comme suit : « […] une marque de commerce est enregistrable
sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants […] elle est une marque dont l'article 9 ou 10 interdit
l'adoption» et fait ainsi référence, entre autres, aux alinéas 9(1)k) et 9(1)l) LdM : «[…]Nul ne
peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une
marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait
vraisemblablement la confondre avec ce qui suit […] k) toute matière qui peut faussement
suggérer un rapport avec un particulier vivant; l) le portrait ou la signature d'un particulier
vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes». Voir la demande TMO 804814
du pilote Jacques Villeneuve pour une photographie du pilote Jacques Villeneuve.
228 Paragraphe 9(2) LdM.
229 Eux-mêmes protégeables en vertu de la Loi sur le droit d’auteur (L.R.C. 1985, c. C-42) : il
faudra donc s’assurer de la titularité sur ces œuvres, en tenant compte notamment des
articles 10 et 13 LdA.
230 Voir les articles 35 et 35,5o du Code civil du Québec (L.Q., 1991, c. 64). Voir également
Robert G. HOWELL, «Character Merchandising : The Marketing Potential Attaching to a
Name, Image, Persona or Copyright Work» (1991), 6 Intellectual Property Journal 197 et Louise
POTVIN, «Protection Against the Use of One’s Likeness in Quebec Civil Law, Canadian
common Law and Constitutional Law» (1997), 11 Intellectual Property Journal 203 (Part I) et
(1997), 11 Intellectual Property Journal 295 (Part II).
61
Les mentions qui seront exigées du Bureau des marques en regard de
demandes d’enregistrement visant de telles marques varieront suivant la
nature de ceux-ci231. Mais, s’il s’agit d’un individu qui est toujours vivant232, le
Bureau des marques exigera la production d’un consentement écrit.
11.3 SLOGAN
«Le goût dangereux du slogan, de la phrase à effet.»
André Maurois (1885-1967)
La Loi sur la concurrence déloyale ne permettait pas l’enregistrement d’une
marque de commerce qui comportait plus de 30 caractères répartis en
quatre groupes ou moins233, cela s’apparentait grandement à une mesure
anti-slogan234.
La Loi sur les marques de commerce235 n’a pas repris cette étrange restriction
et une marque de commerce peut être enregistrée indépendamment du
nombre de caractères qu’elle contient236, ce qui donne ouverture à
l’enregistrement des slogans et autres ritournelles publicitaires.
Toutefois, comme pour toutes les autres marques de commerce, un tel
slogan, pour être enregistré, devra distinguer - ou être adapté à distinguer les marchandises et services de son utilisateur de ceux des autres237. Pour être
«The portrait is that of the registrant», HARRIGAN (TMA 211558); «The drawing comprising
the trade-mark is the portrait of a fictional character» MEN’S HEAD DESIGN (TMA 440011); «The
portrait forming part of the trade mark is not of a living individual or one who has died in the
last 30 years» HENRY CHOICE (TMA 437196); «An imaginary portrait of the head and shoulders
of the historic Cardinal Wolsey wearing a Cardinal’s cap» PORTRAIT DESIGN (UCA 004635);
«The portrait and signature appearing in the trade mark are those of Father Sebastian Kneipp
who died in 1897» PORTRAIT OF MAN (TMA 428532); «Consent re portrait of Paul Newman is of
record» NEWMAN’S OWN (and portrait of P aul Newman) (TMA 306153).
232 Présumément, si cet individu est décédé depuis moins de 30 ans, un tel consentement
pourrait être obtenu de sa succession. Voir les paragraphes 35(2) et 625(3) C.c.Q. et
Fondation Le Corbusier c. Société en commandite manoir Le Corbusier Phase I (1991), [1991]
R.J.Q. 2864 (C.S.Q.), la juge Lemieux aux pages 2871-2873, désistement d’appel 500-09001609-916 produit le 19941122.
233 S.C. 1932, c. 38, al. 26(1)a).
234 Harold G. FOX, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 2ième éd.
(Toronto, Carswell, 1972), à la page 78.
235 S.C. 1953, c. 49, maintenant L.R.C. 1985, c. T-13)
236 On attend encore celui qui, voulant faire publier son poème ou sa nouvelle à compte
d’auteur, en demandera tout simplement l’enregistrement à titre de marque de commerce,
obtenant ainsi publication et diffusion par le biais de la parution du Journal des marques de
commerce…
237 Voir la discussion au point 2.2 supra sur la façon d’employer une marque. La marque
slogan devra également respecter les autres dispositions de la Loi, notamment quant à la
non enregistrabilité des marques descriptives ou fausses et trompeuses.
231
62
enregistrables, les slogans n’ont pas à constituer des œuvres littéraires238 ou à
être des expressions nouvelles : une expression connue, par sa liaison avec un
produit ou service, peut fort bien distinguer celui-ci de ceux des autres.
Incorporer dans un slogan une marque déjà enregistrée n’aura pas pour effet
de nier au slogan son enregistrabilité à titre de marque239. Par contre, il faudra
parfois se demander si l’emploi cette marque dans le slogan vaudra pour un
emploi de cette marque seule240.
12. CONCLUSION
Au Canada241, la protection statutaire des marques de commerce obéit
encore à des critères obsolètes et à des définitions surannées, déconnectés
de la réalité commerciale contemporaine242, du moins en ce qui a trait à la
protection qu’elle donne aux marques non-traditionnelles.
La Loi sur les marques de commerce apparaît avoir peine à suivre243 ou à
s’adapter à la protection que méritent les nouvelles techniques
d’identification de produits et services par le biais de marques non
traditionnelles et ce, même si le «signe» qui en résulte est, dans les faits,
adapté à distinguer les produits et services de l’un de ceux des autres.
L’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur définit «oeuvre» comme comprenant également
les titres. Pour une discussion de la protection des titres et slogans par le biais de la Loi sur le
droit d’auteur, voir Hugues G. RICHARD (dir.) et al., Robic Leger Canadian Copyright Act
Annotated (Toronto, Carswell, 1993), sous 2(25) «work» (mise à jour 1997-3).
239 Il sera alors tout simplement lié à la marque qu’il inclut, conformément au paragraphe
15(1) LdM.
240 Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull c. Herridge, Tolmie [BULL] (1983),
[1983] 2 C.F. 766, 1 C.I.P.R. 231, 77 C.P.R. (2d) 101 (C.F.); inf. (1985), [1985] 1 C.F. 406, 4 C.I.P.R.
309, 61 N.R. 286, 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.), le juge Pratte à la page 526.
241 Le caractère territorial des législations sur les marques et signes distinctifs doit être rappelé :
Daniel ZENDEL et al., «Companies Using Color, Sound or Scent Marks May be foiled Overseas»
(19960212),
The
National
Law
Journal
C-25
et
URL
http://test01.ljextra.com/na.archive.html/96/02/131996_0205_7.html; aussi publié sous le titre
«Making Sense of Trademarks» (août 1996), Trademark World 21 et URL
http://www.ladas.com/GUIDES/TRADEMARKS/MakingSenseTM.html
(site
consulté
le
19990401).
242 Que ce soit le commerce électronique, le cyberespace, le mode cathodique ou, tout
simplement, les nouvelles techniques de mercatique.
243 Telle qu’interprétée par les tribunaux et appliquée par le Bureau des marques de
commerce, faudrait-il sans doute préciser.
238
63
Il n’en demeure pas moins qu’il y a toujours un équilibre à maintenir entre la
protection légitime d’un achalandage et les entraves à une libre
concurrence et qu’à défaut de protection statutaire, le recours en
concurrence déloyale reste disponible.
Beaucoup d’imagination et de créativité seront donc parfois nécessaires
pour appliquer de vieux concepts à de nouvelles réalités.
«Ceux qui sont capables de se tenir sur des échasses,
peuvent parcourir en tous sens la terre entière
sans être arrêtés par les montagnes et les rivières...
Ils sont, en imagination, capables de voler,
donc d'atteindre les Îles des Immortels.»
P'AO-POU TSEU244
244 Extrait tiré du site Internet de Le Cirque du Soleil/Odyssée/Aurora (1999-03-31); URL
http://www.cirquedusoleil.com/fr/odyss/index.html (site consulté le 19990401).
64
ANNEXE A
ARTICLE 28 DU RÈGLEMENT SUR LES MARQUES DE COMMERCE (1998)
65
ANNEXE B
ILLUSTRATIONS DE QUELQUES ENREGISTREMENTS
MARQUES DITES «ARCHITECTURALES»
Enregistrement TMA 197852 du 1974-03-01 de American Dairy Queen
Corporation
Enregistrement TMA 280719 du 1983-06-23 de McDonald’s Corporation
Enregistrement TMA 400998 du 1992-08-07 de Pepsi-Cola Canada Ltd. (KFC)
MARQUES DITES «CINÉTIQUES»
Enregistrement américain 1339596 du 1985-06-04 de Hanna-Barbera
Productions, Inc.
Enregistrement américain 1928424 du 1995-10-17 de Twentieth Century Fox
Film Corporation
Enregistrement américain 2077148 du 1997-07-08 de Netscape
Communications Corporation
Enregistrement américain 2106424 du 1997-10-21 de Garmin Corporation
MARQUES ET COULEURS
Enregistrement TMDA 48989 du 1930-03-24 de Amsted Industries Incorporated
Enregistrement UCA 50742 du 1953-08-11 de Union Tools, Inc.
Enregistrement TMA 245066 du 1981-02-06 de Goodall Rubber Company
Enregistrement TMA 246861 du 1980-06-20 de Duracell International Inc.
Enregistrement TMA 346453 du 1988-10-14 de Hoffmann-La Roche Limited
Enregistrement TMA 359172 du 1989-08-04 de DNA, Incorporated
Enregistrement TMA 433100 du 1994-09-09 de Owens-Corning Canada Inc.a
Enregistrement TMA 477683 du 1997-06-12 de Minnesota Mining and
Manufacturing Co.
Demande TMO 722545 du 1993-02-11 de Monsanto Canada Inc.
MARQUES DITES «HOLOGRAMMES»
Demande TMO 835927 du 1997-02-10 de Smithkline Beecham Inc.
Demande TMO 10002075 du 1999-01-14 de Jeanne Lottie’s Fashion
Incorporated
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MARQUES DITES «DE POSITIONNEMENT»
Enregistrement TMA 194715 du 1973-10-12 de Levi Strauss & Co.
Enregistrement TMA 264673 du 1981-12-10 de Puma-Sportschuhfabriken Rudolf
Dassler KG
Enregistrement TMA 315448 du 1986-06-20 de The Parker Pen Company
Enregistrement TMA 319504 du 1986-10-10 de James L. Thorneburg
Enregistrement TMA 353328 du 1989-03-17 de Estwing Manufacturing
Company, Inc.
Enregistrement TMA 399889 du 1992-07-23 de Champagne Moët et Chandon
Enregistrement TMA 449353 du 1995-10-27 de Hurteau & associés inc.
Enregistrement TMA 460749 du 1996-08-02 de Newell Operating Company
Enregistrement TMA 473317 du 1997-03-21 de The Mead Corporation
Enregistrement TMA 481586 du 1997-08-26 de Smithkline Beecham Inc.
Enregistrement TMA 495414 du 1998-05-28 de Canderm Pharma Inc.
SIGNES DISTINCTIFS
Enregistrement TMDA 46595 du 1953-04-23 de The Procter & Gamble
Company
Enregistrement TMA 164635 du 1969-08-15 de Kraft Jacobs Suchard (Suisse)
Enregistrement TMA 337783 du 1988-03-04 de Kwik Lok Ltd.
Enregistrement TMA 362414 du 1989-11-03 de Bic. Inc.
Enregistrement TMA 409284 du 1993-03-12 de Gerber Products Company
Enregistrement TMA 488662 du 1998-01-29 de Perrier Vittel
Enregistrement TMA 497479 du 1998-07-21 de General Mills, Inc.
MARQUES DITES «SONORES»
Enregistrement TMA 359318 du 1989-08-11 de Capital Records, Inc.
Demande TMO 714314 du 1992-10-06 de Metro-Goldwyn Mayer Lion Corp.
Demande TMO 824753 du 1996-10-01 de Queisser Pharma GmBH
Demande TMO 858570 du 1997-10-14 de Intel Corporation
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LA PROTECTION STATUTAIRE DES MARQUES NON TRADITIONNELLES AU CANADA
QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LEUR ENREGISTRABILITÉ ET DISTINCTIVITÉ
DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS EN DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Barreau du Québec
Service de la formation permanente
1999-05-14
Laurent Carrière
LÉGER ROBIC RICHARD, avocats
ROBIC, agents de brevets et de marques
55 St Jacques
Montréal (Québec)
Canada H2Y 3X2
Tél. (514) 987-6242
Fax (514) 845-7874
Courriel : [email protected]
Site Internet : www.robic.ca
235F
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ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de commerce voué depuis 1892 à la protection et
à la valorisation de la propriété intellectuelle dans tous les domaines: brevets, dessins industriels et modèles utilitaires;
marques de commerce, marques de certification et appellations d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et
artistique, droits voisins et de l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés; biotechnologies,
pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de commerce, know-how et concurrence; licences, franchises et
transferts de technologies; commerce électronique, distribution et droit des affaires; marquage, publicité et
étiquetage; poursuite, litige et arbitrage; vérification diligente et audit; et ce, tant au Canada qu'ailleurs dans le
monde. La maîtrise des intangibles.
LAURENT CARRIERE LAURENT CARRIERE LAURENT CARRIERE LAURENT CARRIERE LAURENT CARRIERE
ROBIC, a group of lawyers and of patent and trademark agents dedicated since 1892 to the protection and the
valorization of all fields of intellectual property: patents, industrial designs and utility patents; trademarks, certification
marks and indications of origin; copyright and entertainment law, artists and performers, neighbouring rights;
computer, software and integrated circuits; biotechnologies, pharmaceuticals and plant breeders; trade secrets,
know-how, competition and anti-trust; licensing, franchising and technology transfers; e-commerce, distribution and
business law; marketing, publicity and labelling; prosecution litigation and arbitration; due diligence; in Canada and
throughout the world. Ideas live here.
© Laurent Carrière, 1999
Avocat et agent de marques de commerce, Laurent Carrière est associé principal du
Cabinet d'avocats LÉGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du Cabinet d'agents de brevets et de
marques de commerce ROBIC, s.e.n.c.
Ce document, d'information générale, a été préparé pour fins de discussion à l'occasion
d'une conférence prononcée dans le cadre d'un colloque intitulé «Développements récents
en droit de la propriété intellectuelle», colloque organisé par le Service de formation
permanente du Barreau du Québec et tenu à Montréal le 1999-05-14. Ce document ne
reflète pas nécessairement les opinions de son auteur ou des membres de son Cabinet et ne
prétend pas non plus exposer l'état complet du droit. Il est toujours recommandé de
consulter son propre conseiller juridique pour fins d'évaluer une situation particulière.
Date de mise à jour: 1999.04.01