Chroniques bleues Que retiendra-t

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Chroniques bleues Que retiendra-t
Chroniques bleues
Que retiendra-t-on de Thierry Henry ?
mercredi 17 août 2011, par Bruno Colombari
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Meilleur buteur de l’histoire des Bleus, champion du monde à vingt ans, 123 sélections : Thierry Henry avait tout pour
devenir un des plus grands, sinon le plus grand international français. Au final, il reste loin derrière Platini, Zidane et
Kopa. Qu’est-ce qui n’a pas marché, alors ?
Son apport
Vitesse, puissance, sens du but et qualité de dernier passeur : en cette saison 1997-98 qui commence par un amical contre l’Afrique
du Sud à Lens, alors qu’Aimé Jacquet a multiplié en vain les essais devant le duo Zidane-Djorkaeff (Loko, Dugarry, Ouédec, Maurice,
Keller), Thierry Henry arrive en équipe de France. A vingt ans, l’attaquant monégasque sait qu’il a une belle carte à jouer. Mais il
faudra attendre la coupe du monde, huit mois plus tard, pour le voir exprimer son talent : trois buts lors des deux premiers matches
contre l’Afrique du Sud (encore) et l’Arabie Saoudite. Cantonné à un rôle de remplaçant, comme Trezeguet, il participe toutefois à
tous les matches sauf la finale, et ne se cache pas quand il faut marquer un tir au but contre l’Italie en quart.
Après une éclipse de quinze matches au début de l’ère Lemerre, il revient juste à temps pour embarquer pour l’Euro 2000. D’entrée,
il est pris en excès de vitesse contre le Danemark, où son démarrage surpuissant et son grand classique brossé du droit côté opposé
font des ravages. Moins bon dans les petits espaces et carrément défaillant dans le jeu de tête, il gagne sa place de titulaire au
moment où il explose à Arsenal.
Avec Pires et Zidane au milieu et Trezeguet à ses côtés devant, il devient le détonateur des Bleus pendant l’ère Santini : dix buts et
cinq passes décisives en 2002-2003, cinq buts et cinq passes décisives en 2003-2004. A ce moment-là, se pose sérieusement la
question de savoir s’il est meilleur que Zidane.
Mais alors que le retrait de ce dernier, à l’été 2004, semble lui ouvrir un boulevard, Henry ne saisit pas sa chance. Il ne s’impose pas
comme un leader, ni dans le vestiaire ni sur le terrain, et semble mal à l’aise dans une équipe rajeunie. Il réalise toutefois une bonne
coupe du monde 2006, mais son isolement en attaque et le rayonnement de Zidane font passer ses performances au second plan.
Ses deux dernières phases finales seront autant d’échecs. Passé la trentaine, il est de moins en moins décisif, sa vitesse ne suffisant
plus et le manque de variété de son jeu le rend trop prévisible pour les défenseurs adverses. L’affaire de la main volontaire contre
l’Irlande en novembre 2009 gâche complètement sa fin de carrière internationale, qu’il négocie avec Domenech pour une place sur
le banc en Afrique du Sud, où là encore son influence sur un groupe à la dérive sera inexistante.
Au final, force est de constater qu’Henry a régulièrement plafonné dans les matches décisifs : il a joué onze des douze matches de
phase finale à élimination directe entre 1998 et 2006 (ne manque que la finale contre le Brésil), et pendant tout ce temps, il a
marqué deux buts (Portugal 2000 et Brésil 2006) et un tir au but (Italie 1998). Et il a provoqué un pénalty (contre le Portugal en
2006). C’est trop peu.
Sur la même période, Zidane a joué onze matches aussi, il a marqué sept buts (dont trois en finale) et donné une passe décisive (à
Henry, justement). Platini a joué six matches à élimination directe entre 1982 et 1986, il a marqué cinq fois. La différence est là.
Henry au classement des sélections
Deuxième derrière Lilian Thuram, Thierry Henry aurait même pu faire mieux si Roger Lemerre ne l’avait pas écarté pendant plus
d’un an, entre l’automne 1998 et le printemps 2000. La position du sixième centenaire (et seul attaquant de pointe du lot) est
assurée pour longtemps.
Joueur
Sel
Tps
jeu
mn
G
N
P
Buts
Cap
1
Lilian Thuram
142
11666
94%
93
34
15
2
18
2
Thierry Henry
123
9095
86%
74
33
16
51
23
3
Marcel Desailly
116
10025
99%
78
26
12
3
52
4
Zinedine Zidane
108
8507
94%
73
27
8
31
25
5
Patrick Vieira
107
7654
80%
65
26
16
6
21
6
Didier Deschamps
103
8362
92%
68
23
12
4
54
7
Bixente Lizarazu
97
7645
85%
65
23
9
2
1
%
tit
Tableau des joueurs
Henry au classement des buteurs
Au milieu des années 2000, on pensait que David Trezeguet rejoindrait Michel Platini. Mais l’Euro 2004 raté et l’arrivée de Raymond
Domenech ont fait perdre au Turinois son statut de titulaire, au moment où Henry, installé en pointe, faisait tourner son compteur (8
buts en 2005-2006, 6 buts en 2007-2008). En 2007, il enfonce le record de 41 buts de Michel Platini contre la Lituanie à Nantes. Il
finit à 51, mais avec une moyenne de buts par match nettement inférieure à celle de Platini, Papin ou Trezeguet.
Joueur
Buts
Sel
buts/
match
CF
Pe
2
3+
1
Thierry Henry
51
123
0,41
1
2
7
0
2
Michel Platini
41
72
0,57
11
3
4
2
3
David Trezeguet
34
71
0,48
0
0
6
1
4
Zinedine Zidane
31
108
0,29
2
6
4
0
5
Just Fontaine
30
21
1,43
0
0
4
5
6
Jean-Pierre Papin
30
54
0,56
0
6
5
0
Tableau des buteurs
Henry au classement général (sélections + buts)
A ce classement-là, évidemment, Henry est imprenable. Zidane (4 aux sélections et aux buts) et Wiltord (9e et 8e), les seuls autres
joueurs à être présents dans les dix premiers buteurs et sélectionnés, arrivent loin derrière. En effet, les internationaux les plus
capés sont le plus souvent des joueurs à vocation défensive, donc mal classés chez les buteurs. Lesquels, en contrepartie, ont des
carrières plus courtes : Trezeguet (20e et 3e) n’a pas atteint les 80 sélections, Papin a à peine dépassé les 50, et Fontaine n’en
compte que 21... Entre les deux s’intercalent les milieux offensifs comme Zidane, Platini (19e et 2e) et Youri Djorkaeff (12e et 7e).
Son équipe préférentielle
En douze ans et huit mois de carrière internationale, Thierry Henry a joué avec pas moins de 97 partenaires, de Lilian Thuram (5746
minutes en 80 matches) à Mathieu Flamini (une seule minute). Pour déterminer son onze préférentiel, rappelons que c’est le nombre
de minutes passé ensemble qui est pris en compte, pas seulement le nombre de matches en commun. Ainsi, Trezeguet 52, Pires 47,
Sagnol 45 ou Anelka 39 ne sont pas dans les 11.
Cette équipe est un mélange de champions du monde 1998 (sans Deschamps et Blanc, en fin de parcours) et de finalistes 2006
(Abidal, Makelele et Gallas) auxquels viennent s’ajouter Sylvain Wiltord, champion d’Europe 2000. C’est un profil très défensif
(Abidal glissant en récupérateur) qui montre bien l’absence de partenaire privilégié en attaque, ou du moins le grand nombre de
partenaires successifs.
Ses sélectionneurs
Lancé par Aimé Jacquet, c’est paradoxalement avec Roger Lemerre que Thierry Henry a gagné une place de titulaire en 2000, après
avoir rétrogradé quelques mois en Espoirs. Mais c’est pendant les deux années avec Jacques Santini qu’il va le plus s’épanouir : il
gagne 19 fois sur 25 et marque 15 buts, dont un en finale de la coupe des Confédérations contre le Cameroun (but en or du genou,
en prolongations). Ses années Domenech, où il va jouer près de la moitié de ses matches (60), sont les moins bonnes, malgré 24
buts inscrits : il ne gagne qu’un match sur deux, et en perd onze, contre cinq lors de ses 63 sélections précédentes.
Premier match : 11 octobre 1997, France-Afrique du Sud
C’est donc à Bollaert qu’Henry débute, en même temps que Letizi dans les buts et Guivarc’h au poste d’avant-centre. Le
Monégasque a fort à faire face à un défenseur teigneux, mais ne parvient pas à faire la différence. Il n’est donc pas retenu lors des
matches suivants où Laslandes est testé contre l’Ecosse, puis Diomède et Trezeguet contre l’Espagne. A ce moment-là, bien malin
qui pourrait dire que cet ailier gauche de 20 ans allait devenir le meilleur buteur des Bleus...
Son match référence : 15 novembre 2003, Allemagne-France
Organisateurs de la coupe du monde 2006, et vices-champions du monde 2002, les Allemands accueillent l’équipe de France à
Gelsenkirchen et espèrent bien montrer ce qu’ils valent. Ils ne seront pas déçus : soutenus par un Zidane très inspiré et un Pires en
grande forme, Trezeguet et Henry vont en faire voir de toutes les couleurs à Oliver Kahn. En première mi-temps, Henry est à la
réception d’un centre tendu de Lizarazu pour marquer de la tête à bout portant. Et à la 54e, il récupère un ballon près de la ligne de
touche, efface Wörns d’un amorti de la poitrine et d’un contrôle orienté suivi d’un démarrage turbo, se présente devant Kahn et sert
Trezeguet d’un amour de plat du pied pour le but du 2-0. Ce n’est pas fini : une poignée de minutes plus tard, un ballon perdu au
milieu de terrain arrive sur Henry qui file droit sur Kahn, tente encore de servir Trezeguet mais cette fois la passe est contrée.
Qu’importe : le choc a tourné à la démonstration.
Dernier match : 22 juin 2010, Afrique du Sud-France
Après le lamentable épisode du bus à Knysna, ce troisième match de la coupe du monde 2010 semble perdu avant même d’être
joué. Anelka exclu du groupe, on se dit que Raymond Domenech va offrir une dernière titularisation à Henry, et pourquoi pas le
brassard. Mais c’est André-Pierre Gignac qui débute le match et Alou Diarra qui est capitaine. Henry rentre à la 55e minute, à 2-0
pour l’Afrique du Sud qui décidément aura servi de fil rouge dans sa carrière. On aimerait qu’il marque un dernier but, pour
l’honneur. C’est Malouda qui s’en chargera.
Et après ?
La carrière de Thierry Henry s’est donc achevée le 29 novembre 2014 face au New England Revolution sous le maillot des New York
Red Bulls. L’ancien attaquant d’Arsenal va s’engager comme consultant de la chaîne britannique Sky Sports et devrait recevoir un
hommage de la fédération française (il serait temps) le 26 mars 2015 avant le match contre le Brésil. Les cinq autres centenaires
(Thuram, Desailly, Zidane, Vieira et Deschamps) y seront associés.