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Table ronde 2
Le véhicule hybride : une famille de solutions durables
Mots-clés : Stop & Start / mild hybrid / full hybrid / hybride rechargeable / hybrid air /
efficacité énergétique / émissions de polluants / motorisations propres / systèmes de
stockage : batteries, supercapacités / prospective des véhicules hybrides horizon 2020 2030 / verrous technologiques / facteur 4 / 2l aux 100 km / poids lourds, autobus
Animateur :
François Badin, Directeur Expert véhicules électrifiés, IFP Énergies nouvelles
Intervenants :
• Anne de Guibert, Directrice de la Recherche, Saft
• Jean Delsey, Président du GO1 « Energie et environnement » du Predit,
IFSTTAR
• Philippe Grand, Directeur des relations institutionnelles, Irisbus Iveco,
Président du Pôle de compétitivité LUTB Transport & Mobility Systems
• Bertrand Hauet, Directeur délégué aux partenariats scientifiques, Renault
• Colin-Yann Jacquin, Directeur Stratégie produit – Énergies alternatives,
Renault Trucks
• Eric Lalliard, Ingénieur en Chef Chaine de Traction Hybrid Air, PSA Peugeot
Citroën
• Patrick Sega, Directeur des projets transversaux de R&D, Valeo
Diffusion d’une animation de lancement : revue de presse imaginaire dans le futur, relative
aux avancées des solutions hybrides et électriques
François Badin
Cette table ronde rassemble des représentants de constructeurs de véhicules légers, de
constructeurs de véhicules lourds et d'équipementiers qui fournissent des composants, ce qui
est très important pour l'électrification des véhicules.
Je vais dresser un panorama de ces motorisations hybrides en quelques minutes. Nous ne
parlerons pas de la motorisation thermique, qui constitue la très grande majorité des
véhicules actuels, ni, à l'autre extrémité, du véhicule électrique, mais nous nous intéresserons
à l'éventail des solutions intermédiaires. Les solutions les plus basiques, qui vont du
microhybride au mild hybrid, visent à optimiser le fonctionnement du moteur thermique et de
la génération d'électricité à bord, à récupérer de l'énergie lors du freinage, peut-être bientôt
aussi de la chaleur sur le moteur thermique . Ces véhicules n'ont pas de mode électrique
spécifique. Le moteur thermique est plus ou moins assisté. L’objectif consiste à conserver ses
performances tout en réduisant les émissions de CO2, et à un coût d’achat et d’entretien
acceptable.
Cela commence par des solutions très simples comme le démarreur renforcé (fonction StopStart) et s'étend jusqu'aux solutions les plus abouties de mild hybrid, dans lesquelles la
machine électrique est intimement liée au moteur.
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Nous avons ensuite des solutions d'hybridation (dites full hybrid) avec plus de fonctionnalités
comme le mode tout électrique dans lequel le véhicule peut se déplacer sans l'aide du
moteur thermique qui est "déconnecté" de la transmission. Ce mode électrique est piloté par
un superviseur dont vous avez un exemple d'abaque type pour une Toyota Prius [NB : projeté
en séance, voir diaporama]. Il s’agit cependant d’un mode de fonctionnement limité et
fugitif dont il est facile de sortir, soit pour des conditions de cinématique de transmission, si on
va trop vite, soit en appuyant trop sur l'accélérateur car cela exige plus de puissance que la
motorisation électrique peut en produire. Enfin, même si le conducteur est très économe de
sa vitesse et et de ses accélérations, la batterie contient très peu d’énergie, donc le véhicule
va rebasculer en mode hybride après 1 à 2 km au maximum. Il est important de noter que le
fonctionnement est piloté par le système, pas par le conducteur. Tous ces véhicules, des
microhybrides aux full hybrids, sont dits « charge sustaining », c'est-à-dire qu’il y a bien une
batterie de puissance à l'intérieur, mais que celle-ci ne demandera jamais d’être chargée sur
le réseau électrique. Le conducteur peut même ignorer la présence de cette batterie qui est
utilisée en tampon (buffer) de puissance plus qu’en réservoir d’énergie. Ce sont donc des
véhicules hybrides non rechargeables. Quel type de stockage trouve-t-on à l’intérieur de ces
véhicules ? A titre d'exemple une batterie Li-Ion est proposée par SAFT sur le modèle Daimler
S400, une batterie Panasonic NiMH sur la Prius non rechargeable. Ces batteries contiennent
peu d'énergie (1 à 2 kWh maximum) et offrent un rapport puissance sur énergie très
important, on peut leur substituer des super-condensateurs ou même un système
oléopneumatique comme l'Hybrid Air de PSA qui sera abordé par la suite..
Il existe ensuite des véhicules hybrides rechargeables. Ils peuvent se comporter comme un
véhicule thermique si besoin, et comme un véhicule électrique si nécessaire : c’est le
conducteur qui choisit. La batterie se décharge au fur et à mesure, elle sert de deuxième
réservoir d’énergie. Une fois qu’elle est déchargée au maximum autorisé, le conducteur a la
possibilité de continuer à se déplacer grâce au moteur thermique avant de recharger sa
batterie sur le réseau. Ces batteries au Li-Ion, sont plus énergétiques, entre 4 et 15 kWh. Ce
sont des batteries plus complexes, à la fois tampon de puissance et réservoir d’énergie, Mme
De Guibert nous donnera plus d'éléments à leur sujet.
Comment ces véhicules se comportent-ils ? Quelle est la puissance de la chaîne de traction
dont on peut disposer en mode hybride ? Quelle est la puissance maximum en mode tout
électrique ? Avec la Prius rechargeable, tant que la voiture se trouve en circulation urbaine,
elle fonctionne en mode électrique sur une distance de 10 à 20 km suivant les conditions
(circulation, utilisation chauffage ou climatisation), mais dès que l'on sollicite fortement
l'accélérateur, elle rebascule en mode hybride. À l'autre extrémité, se trouve ce que les
Anglo-Saxons appellent les « range extended », qui sont des véhicules électriques qui
embarquent un petit générateur permettant de poursuivre le trajet lorsque la batterie atteint
son état de charge minimum autorisé, mais avec des performances dynamiques limitées en
mode hybride.
Au milieu, on peut distinguer les « no compromise » de type Chevrolet Volt avec plus de 100
kW disponibles, que vous soyez en mode électrique ou hybride. Ils ne font pas de compromis
sur les performances du véhicule. Ils atteignent 40 000 € à l’achat.
La motorisation hybride rechargeable offre donc la possibilité de transférer une part variable
de la consommation de carburant vers l'électricité. L'analyse du bilan énergétique et
environnemental du véhicule est assez complexe car le taux de transfert effectif va
dépendre de l’usage du véhicule. Si on effectue des trajets entre recharges de 20 à 60 km, la
consommation électrique sera privilégiée, mais au-delà de ces distances, la consommation
du véhicule va progressivement tendre vers une consommation de carburant, et cela rend
l'analyse complexe. La norme européenne fixe une équation permettant d’attribuer un
chiffre pondéré entre ces situations pour estimer la consommation (et les émissions de CO2)
des véhicules hybrides rechargeables.
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Je passe la parole à Éric Lalliard, ingénieur en chef chaîne de traction Hybrid Air chez PSA
Peugeot Citroën.
Éric Lalliard
Ingénieur en chef chaîne de traction Hybrid Air, PSA Peugeot Citroën
L’Hybrid Air ne requiert aucune électricité additionnelle. Il s’agit d’une chaîne de traction
hybride à dérivation de puissance qui s'approche du concept de Toyota sur la Prius ou l’Auris
et la Yaris. Au lieu d'installer un équipement électrique comme énergie additionnelle, nous
avons pris le parti de l’oléopneumatique c'est-à-dire un stockage dans des accumulateurs
relié à deux machines : un moteur et une pompe hydraulique. Le stockage s'effectue par
compression d'un gaz. L'énergie est transmise par de l'huile sous pression. Pourquoi PSA a-t-il
choisi cette innovation ? Nous sommes partis d'un constat : l’objectif d’émission atteindra 95
grammes de CO2 au km à l’horizon 2020, en Europe, aux USA ou en Chine. Pour y parvenir,
nous devons disposer de chaînes de traction qui peuvent proposer une consommation en
rupture. Pour cela, les chaînes de traction doivent être capables de se diffuser à grande
échelle afin que le coût d'achat et d'entretien soit compétitif vis-à-vis des technologies
alternatives. Nous en sommes aux tests des prototypes.
Quel est le potentiel d’Hybrid Air ? Sur une C3 équipée d’une chaîne de traction Hybrid Air ,
la consommation tombe à 2,9 litres, sans allégements du véhicule et les émissions à 69
grammes de CO2. A titre de comparaison, la Yaris hybride émet 79 grammes.
Dans le système de stockage oléopneumatique, la puissance est élevée, mais l'énergie est
faible. L'avantage sous-jacent, c'est que le rendement et la vitesse de stockage-déstockage
sont très importants. Il suffit de dix secondes pour remplir un accumulateur. Si nous effectuons
des comparaisons avec d'autres véhicules hybrides, les temps de fonctionnement du moteur
thermique en usage urbain sont identiques, même si les conceptions sont différentes.
L'objectif recherché est une émission minimale de CO2. Nous avons logé les accumulateurs
sans réduire le volume de l'habitacle. Une feuille de route est tracée sur cette technologie.
Concernant le recyclage (huile et acier), la chaîne est en place. Les coûts d'achat et
d'entretien sont compétitifs pour le client. Il est trop tôt pour donner des prix, mais ils
s'approchent du prix d'une voiture à moteur diesel et boîte automatique. La technologie est
robuste et éprouvée car elle est déjà présente dans l'agriculture et dans l'avionique. Le prix
des matériaux est prévisible. Elle fonctionne jusqu’à des températures de moins 30 degrés et
plus de 40 degrés. L'effort de formation des réseaux à l’entretien est facile notamment car
nous n'avons pas la présence de haute tension comme sur les hybrides électriques.
François Badin
Nous poursuivons avec Bertrand Hauet, directeur délégué aux partenariats scientifiques de
Renault, membre du comité de pilotage du Predit.
Bertrand Hauet
Directeur délégué aux partenariats scientifiques, Renault
Je ne reviendrai pas sur les technologies de type micro ou mild hybrides qui vont largement
se généraliser d'ici 2020, et devenir un standard sur l’ensemble des véhicules thermiques.
Entre les deux extrêmes que constituent la chaîne de traction thermique d’un côté, et le
véhicule électrique de l’autre, il existe de très nombreuses combinaisons possibles. Le moteur
thermique constitue une technologie bien rodée, dont nous maîtrisons les coûts de
fabrication. C’est donc un bon candidat pour les véhicules à bas coût. En revanche, seul un
véhicule électrique n’émet aucune pollution locale en usage, et peut présenter des
émissions de CO2 induites extrêmement faibles. Pour atteindre une consommation de 2 litres
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aux 100 kilomètres, l’hybridation est une technologie incontournable. Concernant l'hybride,
les solutions rechargeables, (PHEV plug-in hybrid electric vehicle) vont permettre assez
facilement d'atteindre les 50 grammes d’émission de CO2, à condition toutefois de
dimensionner la batterie en conséquence. L’hybridation est un bon levier pour atteindre des
valeurs de gain, significatives en ville et sur route. L'hybride se résume aujourd’hui à une
chaîne de traction thermique à laquelle s’ajoute une chaîne de traction électrique, ce qui
augmente les coûts et pénalise aujourd’hui l'introduction de l'hybride. L'hybride, déjà
disponible aujourd'hui sur la Chevrolet Volt ou la Prius Plug-in, concerne une clientèle aisée.
• Le véritable challenge consiste à atteindre un coût abordable pour la plupart des
clients :La première piste consiste à s'attaquer au coût des composants électriques,
plus chers que les composants thermiques, à cause de leur contenu technologique et
de leur fabrication. Pour faire baisser les coûts, il faut s'approprier les enjeux
technologiques, et se positionner comme un acteur industriel, concepteur et
fabricant de ce type de matériel. Renault a réussi à obtenir des gains de 30 % sur les
coûts entre la 1ière phase d’étude et la commercialisation des véhicules. Avec
l'expérience acquise par les équipes dédiées, nous voyons des potentiels de gain au
moins aussi forts. À l'avenir, il est envisageable de réduire la quantité d’aimants, de
diminuer l'utilisation des terres rares, et d’utiliser par exemple le nitrure de gallium pour
des électroniques de puissance très performantes.
• La deuxième piste repose sur les batteries. Un grand nombre de partenariats se sont mis
en place, en France, afin d'atteindre des performances et un coût en rupture..
• La dernière piste s’intéresse à la combinaison moteur thermique-transmission-moteur
électrique et au système de gestion d'énergie. Elle offre aussi un potentiel de
réduction des coûts par une approche système,, et des composants dimensionnés au
juste nécessaire des usages.
Avec ces pistes identifiées, l'hybride à bas coût devient un objectif atteignable. Renault a
beaucoup investi dans les technologies électriques. Nous sommes historiquement des
motoristes, avec une grande connaissance des processus de fabrication et du bas coût. Ces
questions auxquelles nous nous attaquons ont fait l’objet de propositions dans l'un des
Working Group de la PFA (Plateforme de la filière automobile). Dans les Programmes
d'investissements d'avenir (PIA), Renault va proposer un projet de PHEV low cost. Ce projet
fera l'objet de travaux collaboratifs qui pourront s’appuyer sur des instituts en création tels
que VeDeCoM ou d’autres projets du PIA tels que MeGan (programme piloté par Renault et
treize autres partenaires visant à développer des composants d’électronique de puissance à
base de nitrure de gallium (GaN).
Enfin, il serait vain d'opposer les véhicules électriques aux véhicules hybrides. Il existe une
place pour chacune de ces technologies, complémentaires en usages et intimement liées
face aux challenges technologiques de réduction des coûts.
François Badin
Je vous propose de passer maintenant au champ des véhicules plus lourds, avec une
intervention de Colin-Yann Jacquin sur le camion hybride.
Colin-Yann Jacquin
Directeur stratégie produit — énergies alternatives, Renault Trucks
L'hybridation n'a pas forcément de sens pour un camion qui effectue de longs trajets. La
meilleure alternative dans ce cas réside dans le biogaz. Hybrider un camion n'a de sens que
s’il effectue de nombreux arrêts et redémarrages, typiquement, en ville. Le challenge du
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camion hybride est intimement lié à celui de la logistique urbaine. Celle-ci vise à optimiser la
productivité de toute la chaîne logistique, c'est-à-dire livrer toujours plus de marchandises,
rapidement, avec un coût toujours plus faible et des contraintes environnementales de plus
en plus fortes.
Pour répondre à ce challenge, notre gamme actuelle Clean Tech propose un panel de
solutions, en commençant par le Maxity (3,5 tonnes) 100 % électrique, adapté à des zones
très denses. Pour des distributions plus larges, l'hybride prend tout son sens avec Hybris Tech
(19 ou 26 tonnes) qui peut faire gagner jusqu'à 20 % de consommation. C'est une première
étape, mais elle est insuffisante. Nos programmes de recherche et développement
préparent l'avenir.
Le programme Melodys recherche des solutions alternatives à la technologie du véhicule
commercial Hybris Tech, avec pour objectif de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet
de serre. Le premier démonstrateur est un véhicule 100 % électrique, avec une autonomie de
100 kilomètres environ. Les deux démonstrateurs suivants sont des adaptations de ce véhicule
en hybride série. Ils ont la même chaîne cinématique électrique et un range extender sous la
forme de moteur diesel Euro5. L'objectif consiste à accroître l'autonomie grâce aux range
extenders, et à réduire le poids des batteries.
Le projet Citybrid a pour objectif d'améliorer la gamme actuelle en dégageant un gain de
10 % sur la consommation. Pour cela, nous introduisons un plug-in qui permet d'embarquer
plus d'énergie au départ des missions. Nous cherchons un mode 100 % électrique étendu
pour pouvoir rouler jusqu'à 5 km. Pour y parvenir, il est nécessaire de pouvoir entrainer tous les
auxiliaires lorsque le moteur thermique est à l'arrêt, nous avons mis en place pour cela une
solution de prise de mouvement électrique spécifique (e-PTO)..
Quelles sont les pistes à suivre pour le camion hybride ? Le TCO (total cost ownership) est
supérieur à celui d'un diesel. Un camion hybride n'est pas rentable. Même si nos clients sont
prêts à payer un peu plus pour un véhicule propre, nous devons réduire les coûts. Les leviers
peuvent s'exercer sur le coût d'acquisition des composants, notamment les batteries. Nous
pouvons réduire le coût d'exploitation grâce à de nouvelles technologies, comme le plug-in.
Pour ce faire, il faut un business model adapté : achat ou location. Les camions hybrides
peuvent avoir des prestations ciblées, par exemple le mode « zéro émission » permettant aux
camions de rouler sans émettre de CO2 dans des zones spécifiques. Les camions hybrides
utilisés en mode électrique sont silencieux, ce qui permet des livraisons de nuit. Il faut un
cadre réglementaire qui favorise l'essor du camion hybride. Il ne s'agit pas d'incitation
financière, mais de zones réservées à ces camions, d’horaires privilégiés ou d’aires de
livraison réservées. Le camion hybride a du potentiel, mais pour le développer, nous devons
trouver l'équilibre entre le développement technologique, la rentabilité économique, des
prestations et un usage adapté, le tout dans un cadre réglementaire favorable.
François Badin
Nous passons au cas des bus avec Philippe Grand, qui va exposer les modalités de prise de
décision de ses clients.
Philippe Grand
Directeur des relations institutionnelles, président d’Irisbus Iveco,
Vous trouverez de nombreuses similitudes entre mon propos et celui de l'orateur précédent,
puisque nous faisons partie du même pôle de compétitivité. Iveco bus, ex-Irisbus, a intégré il y
a bientôt quinze ans les activités d’autocars et autobus de Renault VI et d'Iveco.
Qui sont nos clients ? Ce sont les autorités organisatrices de transport, mais aussi les grands
opérateurs tels que la RATP Dev, Transdev et Keolis, qui achètent des véhicules en France et
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en Europe. Les besoins de mobilité vont croissant en ville, le rapport du GIEC en est la preuve.
Il faut aussi réduire le bruit en ville. Pour résumer, il faut une mobilité durable, sans bruit, et
rentable pour les exploitants.
L’hybridation n’a de sens que si le véhicule freine et accélère. Elle s’applique surtout en ville
pour les autobus, moins pour les autocars qui effectuent moins d’arrêts. Le bus est une
solution vertueuse : s’il émet plus de CO2 qu'une voiture au kilomètre, il embarque plus de
passagers donc la quantité de gaz émis par passager est plus intéressante. Concernant les
techniques actuelles, le diesel n'a jamais été aussi propre qu'aujourd'hui. Le gaz naturel est
une alternative au diesel. L'hybridation est une réalité aujourd’hui. Les véhicules existent : ils
ont été conçus et fabriqués en France, dans le cadre du pôle de compétitivité LUTB Transport
& Mobility Systems.
À l'avenir, il sera beaucoup question de plug-in, qui permettent de transférer de l'énergie du
diesel vers l’électrique qui se trouve, non pas à bord du véhicule, mais sur la voirie, afin
d'abaisser le poids du véhicule et d’embarquer plus de passagers.
Quels sont les freins et les moteurs ? Un bus hybride économise 25 à 30 % de carburant, soit 30
tonnes de CO2 par an et de 5 à 20 000 € d'économie en fonction de la longueur du véhicule
et de nombreux autres paramètres tels que le prix du gazole. La durée d'amortissement varie
de cinq à quinze ans. Cette technologie affiche un surcoût qui en freine l'utilisation. Nous
avons par ailleurs peu de visibilité sur le vieillissement des batteries lithium-ion. Ces inconnues
rebutent un certain nombre de clients. Quand on parle de plug-in hybrid, nous voyons fleurir
partout en Europe des systèmes de recharge par induction ou par contact. Une
uniformisation des systèmes de recharge serait un gage de succès. Quant au confort,
l'accélération est linéaire et le véhicule émet moins de bruit. Sa conception est française (en
Ardèche), ce qui peut constituer une incitation à l'achat.
Les solutions existent avec des systèmes de leasing de batterie permettant de réduire les
risques de vieillissement précoce. Le partenariat public-privé de Dijon s'est équipé de 100 bus
hybrides d’un coup. Les tests de longue durée, comme ceux entrepris à Lyon, permettent de
limiter les risques et de mesurer le coût à long terme. Le CO2 n'est sans doute pas assez
valorisé aujourd'hui dans l'hybride.
En conclusion, nous disposons de toutes les technologies nécessaires pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre, mais le problème du coût reste le frein majeur au
développement de ce type de véhicule. La solution passe sans doute par les pôles de
compétitivité qui développent les produits d'avenir.
François Badin
Les équipementiers vont maintenant nous parler des composants qui se trouvent à l'intérieur
de la motorisation.
Patrick Sega
Directeur des projets transversaux de R&D, Valeo
Le marché automobile, et en particulier celui de l'électrification est notre raison d'être, mais
c’est également celle de tous les pôles ici soutenus par l'État. Aujourd’hui, force est de
constater que 85 % des véhicules fabriqués sur la planète sont encore équipés de moteurs
non électrifiés. Et parmi les 15 % restants, 90 % sont simplement équipés de la fonction StopStart, premier niveau d'électrification. C’est paradoxal puisque le premier véhicule hybride a
été mis sur le marché en 1998, il y a maintenant quinze ans.
La décennie qui vient sera celle de l'électrification des groupes moto-propulseurs. Dans dix
ans, 75 à 80 % des véhicules seront électrifiés. La fonction Stop-Start aura toujours une place
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prédominante, mais les véhicules de type mild ou full hybrid représenteront 20 % du marché,
soit plus de 20 millions de véhicules hybrides par an. C’est plus que la totalité du marché
européen aujourd'hui.
Pour autant, l’avenir n’est pas tout tracé pour les équipementiers. Ce schéma masque une
réalité multiple, diversifiée et complexe. Tout dépend des régions (USA, Europe, Inde,
Chine,…) et du positionnement choisi par chaque constructeur. La diversité technique des
solutions a déjà été évoquée. Tout cela aboutit à un grand nombre de développements
R&D et d'industrialisations à réaliser. Nous devons garder la tête froide, servir tous nos clients,
répondre à des cahiers des charges différents les uns des autres. Mais nous devons
également avoir une philosophie : il vaut mieux proposer des solutions offrant des gains de
CO2 modestes, mais qui sont abordables, et touchent rapidement un marché de masse.
C'est ainsi que nous obtiendrons une réduction maximale des émissions de CO2 sur la
planète. Après la fonction Stop-Start, nous développons ainsi la fonction mild hybrid
abordable dans une version 48 Volts.
L’abaissement du coût des solutions est l'objectif de tous les industriels au cours de la
décennie à venir. Il faut réduire la diversité des demandes, qui n'est absolument pas
raisonnable en termes industriels ; nous aurons besoin de standards techniques. L'émergence
du premier standard de tension 48 Volts, en provenance d'Allemagne, est une opportunité
pour le développement du mild hybrid. Ces standards nous permettront de développer des
solutions transversales permettant de servir plusieurs clients à la fois, et d'atteindre rapidement
des volumes significatifs en production.
L'innovation ne doit pas être négligée pour autant. Nous aurons besoin de systèmes
mécatroniques toujours plus intégrés. Prenons également garde à la question des matériaux
tels que les terres rares. N'oublions pas que le cuivre est devenu très cher, ainsi que
l'aluminium, dont le prix a été multiplié par cinq en cinq ans. Prêtons attention aux matériaux
que nous utiliserons.
Demain, les véhicules seront connectés. Si nous utilisons les informations concernant
l'environnement du véhicule, notamment en usage urbain, nous pourrons davantage
optimiser les énergies disponibles à bord avec un gain supplémentaire en terme de CO2 de 5
à 10 %.
François Badin
Anne de Guibert va nous parler des différents choix de stockage d’énergie.
Anne de Guibert
Directrice de la recherche, Saft
Dans le choix du stockage, entre les solutions pour véhicule hybride et celles pour véhicules
plug-in, la différence principale réside dans le rapport de la puissance par rapport à
l'énergie. L'hybride nécessite une batterie de puissance, ce qui implique pour le fabricant de
batteries d'utiliser des systèmes très minces et une grande surface d'électrodes.
L'hybride fonctionne autour de la mi-charge sur une profondeur de décharge faible, ce qui
signifie que les matériaux sont très peu sollicités en termes de variations volumiques. À
l’inverse, un matériau qui cycle sur une grande profondeur de décharge comme dans le
plug-in va voir sa structure varier avec la désinsertion du lithium, ou avec la sortie totale de
l'hydrogène. La différence réside bien dans l'intégrité des matériaux dans l'hybride, qui
n'existera pas dans le plug-in, en échange de quoi la quantité de cycles sera très différente.
L'hybride, au cours de sa vie, va devoir supporter de 200 000 à un million de microcycles,
alors que sa capacité va être beaucoup plus faible. L'essentiel étant de rester pendant toute
la durée de sa vie sur un état de charge intermédiaire. La batterie pour PHEV devra quant à
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elle pouvoir supporter quelques milliers de cycles sur une plage d'état de charge beaucoup
plus large.
Le plug-in doit être chargé au maximum, il doit être capable de supporter une décharge sur
la totalité de sa plage d'utilisation. Par contre il subira des régimes de charge et de décharge
plus faibles et qui ne sont pas symétriques, en effet un plug-in peut être chargé assez
lentement. Son mode d'utilisation sera plus doux par rapport aux impulsions données en
sollicitation hybride. Sa capacité sera jusqu'à dix fois plus grande que celle du stockage d'un
véhicule hybride, ce qui implique dix fois plus de poids et un coût dix fois supérieur.
La durée de vie, pour l'instant, est la même dans les deux stockages, soit huit ans. Les
limitations que nous remarquons après un usage normal : l'hybride meurt d'une baisse de
puissance alors que le plug-in subit une baisse de sa capacité.
Prenons un diagramme qui représente en abscisse l’énergie spécifique des batteries et en
ordonnée la puissance spécifique. Le Stop-Start se trouve complètement à gauche. La Prius
offre une puissance relativement élevée avec une énergie moyenne. Ensuite, viennent les
hybrides avec batterie lithium qui offrent plus d'énergie, mais moins de puissance. Pour le
lithium-ion, nous devons améliorer la puissance spécifique tout en gardant la même durée
de vie, ceci notamment par le choix des matériaux conducteurs de l’électrode positive
comme les lamellaires (nickel-cobalt-aluminium – NCA). Certains n'aiment pas le NCA car sa
température de décomposition est inférieure à celle d'autres matériaux, cependant même
Toyota l’utilise pour ses hybrides. La sécurité se maîtrise, il suffit de soigner la conception
globale de la batterie.
Ce qui est difficile à réaliser, ce sont les charges et décharges symétriques. Quand il fait froid,
les batteries n'aiment pas être chargées rapidement, et cela comporte un risque de
vieillissement prématuré. Certains ont proposé de nouvelles électrodes négatives comme des
titanates, mais elles ont moins d'énergie, et cela retentit sur le coût. Il faut diminuer le coût
par tous les moyens, en augmentant l'énergie spécifique, par exemple, avec des matériaux
qui fonctionnent à des tensions plus élevées. Il faut aussi augmenter la durée de vie pour
réduire la quantité de matière utilisée, et faire fonctionner la batterie sur des profondeurs de
décharge plus importantes. Il faut utiliser des composants à plus bas coût : on parle de
phosphate de fer, mais tout n'est pas encore clarifié dans ce domaine. La simplification de
l'électronique permettrait d’enlever des étages tout en conservant le même niveau de
sécurité. Nous devons additionner tous les moyens dont nous disposons pour faire baisser le
coût du plug-in. La Tesla est réservée aux personnes aisées. Sur l'hybride, il n'existe pas de
problèmes de sécurité, sur les plug-in, en revanche, il faut faire attention à la sécurité.
François Badin
Jean Delsey va nous exposer comment ces nombreux problèmes ont été abordés dans des
projets de recherche afin de proposer des pistes de solutions.
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Jean Delsey
Président du groupe opérationnel 1 « Energie et environnement » du Predit, IFSTTAR
Les exposés étaient complets et précis. Le verrou du prix a été relevé, et la standardisation
semble être un moyen permettant de ne pas multiplier les tests qui coûtent cher. Nous allons
standardiser en passant au 48 volts ; cela fait vingt ans que nous en parlons. Valeo a mis plus
de dix ans pour sortir son système Stop-Start. La montée en cadence des différentes familles
de produits présentées par M. Sega illustre bien ce problème. Le principal obstacle, pour les
véhicules électriques et hybrides, réside dans le coût des machines, systèmes et batteries.
Valeo a indiqué un prix de 300 euros par kWh en 2020 pour la batterie lithium-ion. S’agit-il
d’un prix plancher ou plafond ?
Patrick Sega
Cette valeur est notre hypothèse de travail pour nos prévisions de marché. Nous aimerions
que ce soit le prix plafond.
Anne de Guibert
Nous préférerions que ce soit le prix plancher.
Jean Delsey
L’exemple de l’autobus est aussi très parlant. Nous avons organisé des réunions de travail
avec Philippe Grand il y a plus de dix ans sur les premières hybridations, et il a fallu attendre
2012 pour qu’un produit soit présenté à la vente. Selon moi, la solution offerte par l’Hybrid Air
aura peut-être autant de succès que la 205 pour PSA.
François Badin
Ces différentes interventions très complémentaires nous ont permis de faire un point sur les
principaux obstacles et sur les différentes solutions et projets de recherche proposés pour les
contourner afin de permettre une diffusion massive dans le marché des véhicules hybrides et
hybrides rechargeables.
Le temps nous manque malheureusement pour pouvoir prendre des questions de la salle,
aussi je vous propose de remercier nos orateurs pour la qualité de leurs présentations et de
passer directement à la séquence suivante : la remise des prix.
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