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Du tabou au phénomène de mode, le tatouage devient-il une norme ?
Selon une étude réalisée par l’institut de recherche IFOP, 1 français sur 10 est tatoué. Chaque année des centaines
de personnes se pressent au « mondial du tatouage » à Paris organisé à la Villette par le célèbre tatoueur Tin-Tin, ou
encore à l’exposition « tatoueur, tatoué » présentée deux fois par le musée du Quai Branly pour faire, à n’en pas
douter, « [...] couler beaucoup d’encre .
On parle aujourd’hui d’une démocratisation du tatouage face à l’évolution socioculturelle du profil des tatoués. En effet, si le
tatouage reste selon l’étude de l’IFOP majoritairement ancré dans les milieux populaires, il n’empêche que prisonniers et
marins en ont perdu le monopole.
Différents facteurs expliquent cette démocratisation. D’abord le prix, qui varie en fonction de la taille, du style et de la
renommée de l’artiste à l’aiguille, de quoi satisfaire ainsi un large panel de demandes. Ensuite, une réglementation sanitaire
stricte édictée par l'Europe, qui garantit une sécurité d’hygiène liée à la pratique. De plus, pour Sébastien Galliot, chercheur au
CREDO (Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie) : « de nos jours, quiconque cherche à se faire tatouer a
beaucoup plus de choix en termes de motifs qu’auparavant. Les tatoueurs ont aussi un plus grand savoir-faire et peuvent
donc satisfaire les envies de tous.» C’est autant de raisons qui expliquent comment, peu à peu, le tatouage a perdu de son
caractère tabou et individuel pour s’infiltrer sous de nombreuses peaux.
Vers un tatouage esthétique…
Or, si l’on n’associe plus le tatouage à un acte de déviance ou de rébellion c’est aussi à regret parce que son but est
davantage esthétique que symbolique. Cependant, les recherches d’Elise Müller ont permis de dégager cinq raisons
principales de se faire tatouer, parmi lesquelles, outre la recherche de l’esthétisme, « marquer le passage à une nouvelle
étape de la vie, se rassembler (rassembler ses différentes facettes, ses différentes origines...), exprimer ses valeurs, illustrer
le mythe personnel.» Enfin ce qui a fait du tatouage une mode, peut être expliqué par une plus grande visibilité du sujet dans
les médias informatifs, la mode, les réseaux sociaux etc... Ou comment passer de la contreculture à la pop culture.
Mais discret !
Cependant noir c’est noir, ce n’est qu’un demi espoir, car si les jeunes sont les plus attirés par le tatouage, à la question
« cela constitue-t-il un frein professionnel ? » la plupart ont grincé des dents et expliqué ne pas avoir pris le risque de se
tatouer des partie du corps susceptibles d’être exposées au cours de la vie professionnelle. Peut-être faudrait-il alors aborder
le tatouage selon les adeptes des œuvres discrètes ou à l’inverse imposantes, voire très imposantes, pour en comprendre les
ressorts psychologiques dans l’expression de l’identité. Car outre l’aspect financier et professionnel, c’est aussi l’incertitude du
caractère indélébile du marquage qui dissocie ceux qui n’ont pas encore franchi le pas de ceux qui « ne peuvent plus
s’arrêter ». D’un point de vue ethnologique, le corps nu n’existe pas, il est toujours marqué culturellement par des bijoux, des
tatouages, un rapport au vêtement, à la pilosité, etc. Et ce qui est paradoxale avec le tatouage c’est qu’il reste un geste
essentiellement personnel inscrit dans une dynamique sociale. En d’autres termes, ce qui plaisait au bikers d’hier ne pique
pas les hipsters d’aujourd’hui…
Alizée Milicia