DHEA Ce qui n`est pas interdit est-il autorisé
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DHEA Ce qui n`est pas interdit est-il autorisé
13/04/2001 10:03 Page 1 VOISIN/PHANIE LES DOSSIERS DU GÉNÉRALISTE DHEA Ce qui n’est pas interdit est-il autorisé ? Sylvie Dellus Difficile de s’informer sur la DHEA, y compris pour les médecins, comme en témoignent les nombreuses questions que vous posez sur Internet. Le Généraliste a acheté l’hormone de jouvence dans une pharmacie, et a mené l’enquête… ME DE CIN DHEA www.legeneraliste.presse.fr 1 13/04/2001 10:03 Page 2 LES DOSSIERS DU GÉNÉRALISTE pharmacien vend de la DHEA*. Je m’en suis rendu compte l’autre jour en poussant un Caddie dans mon supermarché habituel. Un petit panneau apposé sur la vitrine de l’officine indiquait « DHEA vendue uniquement sur prescription médicale ». Poussée par la curiosité, et sachant que j’ai à la maison un homme qui achète sa DHEA aux Etats-Unis via Internet, j’interroge le pharmacien : « Vous avez le droit ? Je croyais que c’était interdit ! » Très gentiment, celui-ci m’informe que la chose est tout à fait possible, qu’il vend des gélules de 50 mg et qu’un mois de traitement coûte 145 F. De retour à la maison, je raconte cette histoire à mon homme. Le lendemain, il se précipite à la pharmacie et revient tout sourire avec ses gélules : c’est moins cher que sur Internet ! M ON Parcours du combattant Je prends alors mon téléphone et appelle l’Afssaps pour en savoir plus. Oui ou non, la vente est-elle autorisée ? Un médecin peut-il faire une ordonnance de DHEA ? L’attachée de presse de l’exAgence du médicament m’informe qu’une personne compétente va me rappeler très vite. L’attachée de presse du Conseil national de l’ordre des médecins me fait la même réponse après m’avoir signalé un peu sèchement que, la DHEA n’étant pas un médicament, elle ne voit pas comment un médecin pourrait en prescrire. Mais, puisque j’insiste… Le coup de fil suivant est pour le Conseil de l’ordre des pharmaciens à qui je raconte les faits sans révéler le nom de mon pharma- * La DHEA est inscrite sur la liste des substances dopantes par le Ministère de la jeunesse et des sports (Journal Officiel du 7 mars 2000). cien, n’ayant aucune envie de lui attirer des ennuis. Jean-Luc Audhoui, président du conseil pour l’Ile-de-France, ne découvre pas le problème. D’autres pharmaciens se sont déjà lancés sur ce créneau. « La DHEA n’est pas un médicament, car elle n’a pas d’AMM, elle n’est pas non plus autorisée comme complément alimentaire. D’après l’Afssaps, elle peut faire l’objet d’une prescription médicale et d’une préparation magistrale par un pharmacien à condition qu’il effectue des analyses d’authenticité du produit. Or la DHEA n’est inscrite ni à la pharmacopée française ni à la pharmacopée européenne. Il n’a donc aucun référentiel, protocole ou monographie pour faire ces analyses », m’explique M. Audhoui. parisienne qui s’occupe habituellement de ses préparations magistrales. « Et je me suis aperçu qu’ils dépotaient beaucoup de DHEA ! », s’exclame-t-il. Préparation magistrale Le responsable de cette officine, que nous appelons ensemble, nous sert un grand discours sur la pression des médias et des consommateurs. Il nous explique que ces pratiques sont « tolérées » et qu’un laboratoire marseillais lui a proposé, il y a deux mois, de lui faire parvenir la matière première [voir encadré]. « C’est un laboratoire pharmaceutique, ils ne s’amuseraient pas à le faire si ce n’était pas sûr et certain. Si demain, au ministère, on nous dit que c’est interdit, on arrête immédiatement », m’assure-t-il. Il ajoute qu’il concocte chaque jour deux ou trois préparations magistrales de DHEA à la demande de confrères. Retour chez le pharmacien, pour qu’il me raconte tout depuis le début : en fait, il a vu dans une émission de télé que des confrères vendaient de la DHEA. Il s’est alors tourné vers la pharmacie Mon pharmacien, qui s’aperçoit que rien n’est réellement autorisé dans cette affaire, commence à se demander s’il n’a pas été « un peu léger » (sic). Il a confiance dans ses fournisseurs mais pré- L’avis de l’Afssaps Jean-Hugues Trouvin : « La DHEA n’est pas inscrite sur la liste des substances interdites. Il n’y a pas de raisons aujourd’hui de dire qu’elle est active, mais il n’y a pas non plus de raisons de dire qu’elle est dangereuse. Le médecin prend donc ses responsabilités. En prescrivant sur une ordonnance des gélules de DHEA, il qualifie le produit comme un médicament. Il est tenu de suivre son patient et devrait, s’il y avait des effets secondaires, les rapporter aux services de pharmacovigilance. » Le pharmacien, de son côté, peut accepter ou refuser d’exécuter la préparation magistrale. Le plus souvent, les substances prescrites sur ordonnance sont inscrites à la pharmacopée. Elles répondent à des critères de qualité et à des normes de contrôle. Le problème avec la DHEA, c’est que cette substance n’est pas inscrite à la pharmacopée puisque, aujourd’hui, on n’a pas prouvé son bénéfice. Le pharmacien engage lui aussi sa responsabilité et doit mettre en place tous les moyens de contrôle de la qualité du produit. Il doit être capable de détecter des produits de dégradation, les solvants résiduels, les impuretés qui peuvent éventuellement être plus toxiques que la DHEA ellemême. La vraie difficulté avec la DHEA est de savoir quelle est la référence à proposer ou à opposer. » ME DE CIN DHEA www.legeneraliste.presse.fr 2 13/04/2001 10:03 Page 3 LES DOSSIERS DU GÉNÉRALISTE fère avoir l’aval des autorités. Sous ses yeux, j’appelle l’Inspection de la pharmacie. La personne qui me répond s’exclame dès que je prononce le mot DHEA : « Oh ! lala ! voyez avec l’Afssaps ! » On est bien avancés… Mais, mon pharmacien n’en démord pas. Il veut une réponse claire, et moi aussi. Cette fois, il appelle lui-même le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, entre en conversation avec une personne très compréhensive qui lui faxe aussitôt un minidossier sur la question. Au menu, la page 10 du numéro 213 des Nouvelles pharmaceutiques, daté du 29 mars 2001 et judicieusement intitulée « La DHEA : ni autorisée ni interdite… ». Le texte nous confirme très clairement que la DHEA n’est pas un médicament autorisé, mais qu’elle peut entrer dans la composition d’une préparation magistrale. En effet, elle ne figure pas sur la liste des matières premières interdites, même si elle n’est pas inscrite à la pharmacopée. La fin du texte est en forme d’avertisse- Tout ça pour de la patate douce ! Renseignement pris auprès du laboratoire marseillais, la DHEA est importée de Chine depuis deux ou trois mois. Elle est ensuite revendue uniquement à des pharmaciens. Pour le labo, c’est un marché nouveau mais déjà « assez important ». L’hormone est obtenue par hémisynthèse à partir d’une variété de yam, dioscorea villosa, plante de la famille des patates douces. On en extrait la diosgénine, un précurseur de la DHEA. L’avis du Conseil de l’ordre des médecins Pr Jean Langlois : « Actuellement, l’Afssaps n’est pas en mesure de donner la posologie autorisée, l’indication, la contre-indication et les risques encourus. Le médecin qui prescrit actuellement de la DHEA engage sa responsabilité sur un produit dont il ne connaît rien scientifiquement. A titre personnel, je pense que nous recommanderons aux médecins de suivre le principe de précaution, et, en raison des risques jurisprudentiels, de ne pas mettre la main dans une telle prescription. Les médecins suivront ou pas ce conseil, mais, si un jour ils se retrouvent avec un accident et en justice, ils se justifieront devant un tribunal. » ment : « Toutefois si ces dernières [les préparations magistrales à base de DHEA — Ndlr] sont tolérées en France, elles engagent pleinement les responsabilités conjointes du médecin prescripteur et du pharmacien qui exécute la préparation magistrale et qui la délivre. Il incombe alors au pharmacien de contrôler la qualité de la matière première et de sa provenance. En at-il les moyens techniques ? Conclusion de l’Ordre : au vu de ces éléments, la législation actuelle ne permet pas à l’Ordre d’apporter une réponse formelle aux confrères. » Sur ces entrefaites, je laisse mon pharmacien fort perplexe, en lui promettant de l’informer de la suite des opérations. L’Ordre sursaute Deux jours plus tard, je reprends l’offensive auprès du Conseil national de l’ordre des médecins. En ligne, le Pr Jean Langlois, président de la section de santé publique, sursaute lorsque je lui sers mon bla-bla sur la DHEA en préparation magistrale. Pour étayer mon propos, je lui faxe ladite page 10 du numéro 213 des Nouvelles pharmaceutiques et lui propose de le rappeler pour avoir son avis. ME DE CIN DHEA www.legeneraliste.presse.fr Histoire de battre le fer tant qu’il est chaud, je retente ma chance du côté de l’Afssaps dont je suis sans nouvelles malgré quelques relances. C’est mon jour de chance ! J’ai enfin au téléphone Jean-Hugues Trouvin, directeur de l’évaluation du médicament et des produits biologiques. Il me confirme l’essentiel [voir encadré page 6] : médecins et pharmaciens ont le droit de prescrire et de vendre de la DHEA en préparation magistrale, mais ils engagent leur responsabilité personnelle. A bon entendeur… Quant à l’Ordre national des médecins, l’affaire semble l’avoir si bien intéressé qu’il devrait mettre cette question à l’ordre du jour de sa prochaine session, d’ici à une quinzaine de jours. « On s’achemine vers une mise en garde », m’assure le Pr Langlois [voir encadré]. En attendant, j’ai des soucis à la maison. Mon homme commence à me regarder de travers. « Tu vas tarir la source », me dit-il. Il sait pourtant bien qu’il me plaît avec ou sans DHEA. 3 13/04/2001 10:03 Page 4 LES DOSSIERS DU GÉNÉRALISTE Quatre questions au Pr Baulieu Propos recueillis par le Dr Françoise Guillemette premiers résultats de l’étude « DHEAge », menée par le Pr Etienne-Emile Baulieu (Inserm, Le Kremlin-Bicêtre [94]), ont été publiés il y a juste un an. Avec 50 milligrammes par jour, les femmes étaient gagnantes, surtout celles de plus de 70 ans. Le rajeunissement portait essentiellement sur la peau, les os et la vie sexuelle. Les auteurs de l’étude avaient expliqué que leur but était de mettre fin à l’absence totale de contrôle de la DHEA, qui circulait officiellement aux Etats-Unis et sous le manteau en France. L ES Le Pr E.-E. Baulieu conseillait alors aux généralistes assaillis par les demandes de DHEA « de ne rien faire » et espérait « un changement d’attitude de l’Agence du médicament, qui reconnaîtrait l’utilité de composés qui favorisent le bien-être, l’image de soi chez les personnes âgées ». Où en est-on aujourd’hui ? Le Généraliste. — Que pensezvous de cette vente de DHEA en pharmacie ? Pr Etienne-Emile Baulieu. — Je trouve le vide juridique extrêmement préoccupant. Ce manque de prise de responsabilité laisse la place à des produits qui n’ont ni contrôle chimique ni préparation pharmaceutique. On revient, dans ces conditions, à une pratique tolérée il y a deux siècles et qu’on croyait dépassée par la technolo- gie et les règlements de sécurité contemporains. Attendre qu’il y ait des accidents faute de contrôle me semble une position très discutable. Que proposez-vous pour mettre fin à ces pratiques ? Pr E.-E. B. — J’ai parlé de ce problème au directeur de l’Afssaps. Je serais en faveur d’une autorisation, évidemment contrôlée d’un point de vue chimique et pharmaceutique, qui pourrait être soumise à renouvellement en fonction du suivi médical. D’ailleurs, nous avons ouvert hier un site [www.DHEage.com], où je prends position pour mettre la DHEA à disposition des personnes qui en demandent, des médecins qui en prescrivent, avec ces réserves. des choses, et peu légitime, pour une hormone naturelle qui n’a pas d’effets secondaires et sur laquelle les gens peuvent fonder un espoir sérieux. Je suggère qu’on adapte l’autorisation au type de produits, compensateurs d’un défaut quantifiable par un dosage, et dont l’absence d’effets secondaires est prouvée ; et qu’on en assure la sécurité. A quand la suite des résultats sur les effets de la DHEA ? Pr E.-E. B. — Des résultats très intéressants sont en cours de calcul et d’écriture sur les effets de la DHEA dans les domaines cognitifs et du métabolisme. Et dans les deux mois qui viennent, une étude épidémiologique française sera publiée sur les corrélations entre les taux de DHEA et la longévité. Où en est la demande d’AMM ? Pr E.-E. B. — Des sociétés pharmaceutiques sont prêtes à déposer une demande d’AMM. Mais le niveau d’activité requis par les agences n’est pas déterminé : si l’on demande que les gens rajeunissent de quarante ans en quinze jours, il n’y aura pas d’AMM ; mais si on demande une vérification des résultats obtenus sur la peau ou le métabolisme osseux, c’est tout à fait possible. De la même façon, quel sera le niveau d’études requis ? Faire appel à des études colossales serait trop demander, dans l’état actuel ME DE CIN DHEA www.legeneraliste.presse.fr 4