Trois poètes libertaires: Prévert, Vian, Desnos
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Trois poètes libertaires: Prévert, Vian, Desnos
Trois poètes libertaires: Prévert, Vian, Desnos Avec Jean-Louis Trintignant Théâtre • grande salle • 1h15 Ven 26 oct • 20h30 Daniel Mille, accordéon & Grégoire Korniluk, violoncelle Mise en scène Gabor Rassov Lumières Orazio Trotta Jean-Louis Trintignant est un fou de poésie, il ne cesse d'en lire, d'en réciter à ceux qui l'entourent. Pour nous faire partager sa passion, il a choisi trois poètes du vingtième siècle, trois hommes épris de liberté, comme lui. À travers sa bouche, Prévert, Vian et Desnos disent la résistance et le combat, l'amour présent et celui qui s'en est allé, jouant avec les mots pour nous faire rire, où les brandissant comme des armes. Trintignant alterne les textes poignants et drôlissimes. Il ne les dit pas, il les vit, il les incarne, trouvant toujours un accord secret, intime, avec leur auteur aujourd'hui disparu. Son plaisir est contagieux. Un geste, une inflexion malicieuse ou triste suffit à nous emporter au pays des poètes, un pays plus profond, plus touchant et plus drôle que celui où nous avons l'habitude d'évoluer. Gabor Rassov Jean-Louis Trintignant dit les poèmes de ces âmes rétives que furent Jacques Prévert, Boris Vian, Robert Desnos. Il les a choisis. Il les sait par cœur et en distille les sucs avec une science si profonde de la musique, des soupirs, des silences qu’il est tel un instrumentiste, au côté de deux garçons magnifiques, Grégoire Korniluk au violoncelle, Daniel Mille, auteur de la partition délicate, à l’accordéon. C’est doux et tendre, sans mièvrerie aucune. C’est cruel souvent et vénéneux comme l’amour, la guerre, les disparitions. Arielle Héliot, Le Figaro, oct. 2010 Source dossier : Compagnie service éducatif - relations publiques • responsable Murielle Lluch 04 42 49 00 20 [email protected] • relations avec les écoles maternelles, élémentaires, visites du théâtre Roland Rondini 04 42 49 00 21 [email protected] • relations avec les collèges, lycées, l'enseignement supérieur, les associations Daphné Tréfeu 04 42 49 00 22 [email protected] • relations avec les C.E, les Maisons de quartiers, les associations Stéphanie de Cambourg 04 42 49 00 27 TROIS POÈTES LIBERTAIRES DU XXe SIÈCLE Boris Vian, Jacques Prévert, Robert Desnos Avec Jean-Louis Trintignant Daniel Mille à l’accordéon Grégoire Korniluk au violoncelle Mise en scène Gabor Rassov Lumières Orazio Trotta Note d’intention : TROIS POÈTES LIBERTAIRES: PRÉVERT, VIAN, DESNOS Jean-Louis Trintignant est un fou de poésie, il ne cesse d'en lire, d'en réciter à ceux qui l'entourent. Pour nous faire partager sa passion, il a choisi trois poètes du vingtième siècle, trois hommes épris de liberté, comme lui. À travers sa bouche, Prévert, Vian et Desnos disent la résistance et le combat, l'amour présent et celui qui s'en est allé, jouant avec les mots pour nous faire rire, où les brandissant comme des armes. Trintignant alterne les textes poignants et drôlissimes. Il ne les dit pas, il les vit, il les incarne, trouvant toujours un accord secret, intime, avec leur auteur aujourd'hui disparu. Son plaisir est contagieux. Un geste, une inflexion malicieuse ou triste suffit à nous emporter au pays des poètes, un pays plus profond, plus touchant et plus drôle que celui où nous avons l'habitude d'évoluer. Gabor Rassov 1 JEAN-LOUIS TRINTIGNANT Jean-Louis Trintignant a 19 ans quand il arrive à Paris et suit les cours de Charles Dullin et ceux de Tania Balachova. Il débute au théâtre au TNP à l’époque de Jean Vilar et de Gérard Philippe au début des années 50. Il joue dans de nombreuses pièces dont, entre autres, Jacques ou la soumission de Ionesco, Le Timide au palais de Tirso de Molina et, Hamlet de Shakespeare monté par Maurice Jacquemont. Après une considérable carrière au cinéma, il revient au théâtre au milieu des années 80 et joue Deux sur la balançoire de William Gibson avec Nicole Garcia, Love letters d’Albert Gurney avec Anouk Aimée, Art de Yasmina Reza avec Pierre Vaneck et Jean Rochefort. Avec sa fille Marie Trintignant, il partage la scène pour dire les poèmes d’amour d’Apollinaire et interpréter Comédie sur un quai de gare de Samuel Benchétrit. Il présente La Valse des adieux d’Aragon accompagné par Daniel Mille à l’accordéon, puis joue Moins 2 de Samuel Benchétrit avec Roger Dumas et Le Journal de Jules Renard, spectacle dans lequel il distillait, avec deux ou trois complices, des bons mots et des réflexions tirés du journal de l’auteur de Poil de carotte. Au cinéma, Jean-Louis Trintignant a tourné dans plus d’une centaine de longmétrages surtout en France et en Italie. On le découvre en 1956 dans le film de Roger Vadim, Et Dieu créa la femme. Il joue ensuite notamment sous la direction de Jacques Demy (Les Sept péchés capitaux en 1961), Dino Risi (Le Fanfaron en 1962), Michel Drach (La bonne occase 1964, Les Violons du bal en 1974, …), Alain Robbe-Grillet (L’Homme qui ment 1967, …), Nadine Trintignant (Défense de savoir 1973, …), Jacques Deray (Un homme est mort en 1972, …), Ettore Scola (La Terrasse en 1980), Michel Deville (Le mouton enragé en 1974, Eaux profondes en 1981), Claude Lelouch (Un homme et une femme en 1966, Le Voyou en 1970, …), Eric Rohmer (Ma nuit chez Maud en 1969), Costa-Gavras (Z en 1969, …), Bernardo Bertolucci (Le Conformiste en 1971), François Truffaut (Vivement dimanche ! en 1983), André Téchiné (Rendez-vous en 1985), Enki Bilal (Bunker Palace Hôtel en 1989, …), Krzysztof Kieslowski (Trois couleurs :Rouge en 1993), Jacques Audiard (Regarde les hommes tomber en 1994, Un héros très discret en 1995) et Patrice Chéreau (Ceux qui m’aiment prendront le train en 1997). Récemment, Jean-Louis Trintignant a tourné avec Michael Haneke, Amour, qui sortira prochainement. Jean-Louis Trintignant a également réalisé deux long-métrages : Une journée 2 bien remplie en 1972 et Le Maître-nageur en 1978. Par ailleurs, Jean-Louis Trintignant a été coureur automobile et il est aujourd’hui producteur de vin. DANIEL MILLE – Accordéon Accordéoniste de jazz, compositeur et interprète, Daniel Mille a accompagné, à ses débuts, de nombreux artistes notamment Barbara, Claude Nougaro, Maxime Le Forestier et Maurane. Son premier album, Sur les quais, pour lequel il remporte le Django d’or paraît en 1993, bientôt suivi par Les Heures tranquilles (1995), Le Funambule (1999), Entre chien et loup (2001) et Après la pluie (2005) qui lui vaut la Victoire jazz du meilleur artiste instrumental de l’année et le prix Gus Viseur. Son univers musical est singulier et subtil, loin du bavardage. Dans son plus récent album, L’Attente, Daniel Mille a réuni des musiciens en totale empathie avec sa sensibilité, André Ceccarelli, Jérôme Regard, Alfio Origlio, Stéphane Belmondo et il a invité différents artistes dont JeanLouis Trintignant. Par ailleurs, Daniel Mille accompagne Jean-Louis Trintignant sur scène depuis plus de dix ans. Ils ont créé ensemble La Valse des adieux d’Aragon, puis un spectacle à partir des poèmes d’Apollinaire pour lequel ils ont également fait appel au violoncelliste Grégoire Korniluk, et dernièrement, Trois poètes libertaires du XXe siècle. Ces trois spectacles sont disponibles en disques dont le dernier vient tout juste de sortir. 3 GRÉGOIRE KORNILUK – violoncelle Né à Douai en 1981, Grégoire Korniluk commence très tôt à jouer de la musique. Ses études musicales, au Conservateur National de région de Douai, à l’Ecole National de Musique d’Aulnay sous Bois, au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et en cycle de perfectionnement, sont jalonnées de 1er prix à l’unanimité de violoncelle et de musique de chambre. Lauréat de plusieurs concours nationaux et internationaux, il a également suivi diverses master-classes avec, entre autres, Peter Whispelwey, Natalia Chakovskaya, Timothy Eddy et Arto Noras. Grégoire Korniluk s’est produit en soliste dans de nombreux concerts en France, en Belgique, en République Tchèque, en Pologne et aux États-Unis, ainsi que dans divers festivals tels que Cobham, South Hadley, Cordes sur ciel et Auvers sur Oise. Il a travaillé à l’Opéra de Paris et, en tant que violoncelle solo à l’orchestre de Bordeaux et à l’orchestre de la NDR de Hambourg sous la direction du chef d’orchestre Christoph Von Dohnanyi. En 2009/2010, Grégoire Korniluk a enseigné au Conservatoire de Lorient et a formé un duo avec le pianiste David Saudubray. Parallèlement à sa carrière en musique classique, Grégoire Korniluk joue du métal. Il a enregistré avec Apocalyptica, et compose pour son groupe Angher, fondé en 2006. Pour le cinéma, Grégoire Korniluk travaille régulièrement avec Armand Amar. Il a enregistré de nombreuses musiques de film, dont certaines de ses compositions (Le concert et Va, vis et deviens de Radu Mihaileanu, Home de Yann Arthus-Bertrand, Indigènes de Rachid Bouchareb, Les Poupées Russes de Cédric Klapisch, Sagan de Diane Kurys,...) Depuis Le Couperet en 2005, il participe à tous les films de Costa-Gavras. Au théâtre, on l’a vu aux côtés d’Anouk Grinberg et de Joëlle Léandre, de Marianne Faithfull lisant des sonnets de Shakespeare. Il collabore avec Daniel Mille depuis 2004 aux spectacles de Jean-Louis Trintignant, Apollinaire et Trois poètes libertaires du XXe siècle. 4 GABOR RASSOV Auteur / Scénariste Auteur de théâtre Les guerres Picrocholines d'après Rabelais mise en scène Pierre Pradinas avec Denis Lavant La cave de l'effroi mise en scène Pierre Pradinas La vie criminelle de Richard III d'après Shakespeare mise en scène Pierre Pradinas avec Denis Lavant Kaïdara d'après Hampaté Ba mise en scène Lucio Mad Néron mise en scène Pierre Pradinas avec Denis Lavant et Marie Trintignant Les aventures du baron Sadik mise en scène Pierre Pradinas Jacques et Mylène mise en scène Pierre Pradinas avec François Cluzet et Valérie Bonneton Fantômas revient mise en scène Pierre Pradinas avec Romane Bohringer et David Ayala L'Enfer d'après Dante mise en scène Pierre Pradinas avec Romane Bohringer et David Ayala Les amis du placard mise en scène Pierre Pradinas avec Romane Bohringer et Didier Bénureau (2010) Scénariste Janis et John coécrit avec Samuel Benchetrit Black coécrit avec Lucio Mad et Pierre Laffargue C'est beau une ville la nuit coécrit avec Richard Bohringer En chantier monsieur Tanner d'après Jean-Paul Dubois coécrit avec Stefan Liberski (2010) Gino'story coécrit avec Samuel Benchetrit La polyclinique de l'amour coécrit avec Artus de Penguern La femme trophée coécrit avec François Cluzet (2010) Radio L'aiguille creuse d'après Maurice Leblanc (2006) 5 Liste des poèmes CHATTERIE - Boris Vian QU’Y A-T-IL ? - Boris Vian LA CHAT ET L’OISEAU - Jacques Prévert FAMILIALE - Jacques Prévert UN POÈTE - Boris Vian BONJOUR CHIEN - Boris Vian HISTOIRE DU CHEVAL - Jacques Prévert ILS CASSENT LE MONDE - Boris Vian LE PRINTEMPS - Jacques Prévert (Extrait de « Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris-France ») LES QUATRE SANS COU - Robert Desnos (Extrait) LES FOURMIS - Boris Vian DANS UN PETIT BATEAU - Robert Desnos ÉTRANGES ÉTRANGERS - Jacques Prévert LES MAINS PLEINES - Boris Vian LA RUE SAINT-MARTIN – Robert Desnos LA CÈNE - Jacques Prévert JE VOUDRAIS PAS CREVER - Boris Vian ADRIENNE - Jacques Prévert L’ÉVADÉ - Boris Vian RETOUR AU PAYS NATAL - Jacques Prévert AUJOURD’HUI JE ME SUIS PROMENÉ – Robert Desnos AUJOURD’HUI - Jacques Prévert SI LES POÈTES - Boris Vian LE DÉSERTEUR - Boris Vian À TOUS LES ENFANTS - Boris Vian L’ÉLÉPHANT QUI N’A QU’UNE PATTE - Robert Desnos – (Extrait de « La Ménagerie de Tristan ») IL ÉTAIT UN MILLIER DE FOIS - Robert Desnos COUCHER AVEC ELLE - Robert Desnos LE DERNIER POÈME - Robert Desnos JE MOURRAI D’UN CANCER DE LA COLONNE VERTÉBRALE - Boris Vian DELIGNY- Boris Vian POURQUOI QUE JE VIS - Boris Vian 6 Jacques Prévert (1900-1977) Fils d’André Prévert et de Suzanne Catusse, il naît en 1900 à Neuilly-sur-Seine dans un milieu bourgeois auquel il n’adhère pas. Il se passionne dès son plus jeune âge pour la lecture et le spectacle et à 15 ans, après son certificat d'études, il entreprend des petits boulots. Incorporé en 1920, il ne s’y dérobe pas et rejoint son régiment. De retour à Paris en 1922, Jacques Prévert s'établira au 54, rue du Château à Paris qui sera bientôt le point de rencontre du mouvement surréaliste auquel participent Desnos, Malkine, Aragon, Leiris, Artaud, sans oublier leur chef de file André Breton. Quand le mouvement surréaliste se rapproche du parti communiste, Prévert prend ses distances avec André Breton et finira par s’opposer à l’autoritarisme du "Maître". Contrairement à beaucoup de ses camarades surréalistes, il n’adhérera d’ailleurs jamais au Parti Communiste. Avec Prévert, un univers à part se crée fuyant l'ordre voulu par « Dieu » et les « contre amiraux » (l'une des nombreuses figures sociales qu'il tournait en dérision). En marge de ses activités théâtrales et poétiques, il produit les scénarios de grands films du cinéma français Le crime de Monsieur Lange (1935) pour Jean Renoir, Quai des brumes (1935), Drôle de drame (1937), Le jour se lève (1939), Les visiteurs du soir (1941), Les enfants du paradis (1944), Les portes de la nuit (1946), tous pour Marcel Carné. Enfin, La bergère et le ramoneur (1953) sera repris par Paul Grimault pour donner naissance, en 1979, à un dessin animé grandiose intitulé Le roi et l'oiseau. Il meurt à Omonville-la-Petite à 77 ans. 7 Boris Vian (1920-1959) Si Boris Vian est de vingt ans plus jeune que Prévert et Desnos, ce n’est pas l’unique trait qui les différencie. En effet, et malgré une santé fragile, Boris Vian effectue de longues études après son baccalauréat scientifique option mathématiques en entrant en classe préparatoire aux écoles d’ingénieurs puis en intégrant l’école Centrale, à Paris. À la fin de ses études, il travaille comme ingénieur à l'Association française de normalisation (AFNOR) de 1942 à 1946, où il profite de ses instants de liberté pour écrire et jouer de la musique jazz. Féru des cafés de Saint-Germain, il rencontre dans les années 40 de nombreuses personnalités du monde littéraire comme Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Raymond Queneau. C’est à la même époque qu’il rédige son premier roman sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, J’irai cracher sur vos tombes. Le roman est très controversé, notamment parce qu'il est retrouvé sur les lieux d'un crime passionnel. Boris Vian est condamné en 1950 pour outrage aux bonnes moeurs. S'ensuivent des romans tout aussi noirs et sarcastiques : Les morts ont tous la même peau, Et on tuera tous les affreux et Elles se rendent pas compte. Si les oeuvres à succès, signées Vernon Sullivan, ont permis à Vian de vivre, elles ont aussi occulté les romans signés de son vrai nom, oeuvres plus importantes à ses yeux. D'après lui, seuls ces derniers avaient une véritable valeur littéraire. Passionné de jazz, il joue de la trompette de poche au Tabou, club de Saint-Germain-desPrés. Il est aussi directeur artistique chez Philips et chroniqueur dans Jazz Hot, de décembre 1947 à juillet 1958, où il tient une « revue de la presse » explosive et extravagante. Son œuvre connaît un immense succès public posthume dans les années 1960 et 1970, notamment pendant les événements de mai 68 : les jeunes de la nouvelle génération redécouvrent Vian, l'éternel adolescent, dans lequel ils se retrouvent. S’il n’a pas vécu à la grande époque du surréalisme, nombre de ses oeuvres font explicitement référence à des univers décalés et à un travail sur l’inconscient. Ainsi L’Arrache-coeur est une interrogation profonde sur les motivations de l’inconscient de chacun, tandis que L’Ecume des jours introduit des personnages loufoques et un jeu d’inversion permanent (Jean-Sol Partre pour Jean-Paul Sartre) vis-à-vis de la réalité. Son écriture poétique met en valeur son imagination débordante. Malade du coeur depuis l'adolescence, il succombe à l'âge de 39 ans, laissant derrière lui une oeuvre riche et variée. 8 Robert Desnos (1900-1945) Né comme son ami Prévert en 1900, il décide de quitter le collège à seize ans mu par la volonté de devenir poète. Dès 1918 il a commencé à écrire quelques poèmes, dont certains sont publiés dans Tribune des jeunes, une revue de tendance socialiste. L’autodidacte poursuit sa route en devenant secrétaire et gérant de la maison d'édition de Jean de Bonnefon en 1919. Bien qu’il parte effectuer son service militaire, il parvient à intégrer le groupe surréaliste dans les années 1920. Il devient alors un spécialiste de l'écriture automatique et joue avec le langage dans ses poèmes intitulés P'Oasis ou L' Asile ami. Dans les années 1924-1929, Desnos est rédacteur de La Révolution surréaliste mais pour gagner sa vie, il est caissier au journal Paris-Soir où il deviendra par la suite journaliste. L’expérience du journalisme le marquera d’ailleurs profondément, lui qui n’hésitera pas à critiquer ouvertement et avec acidité cette profession. Un profond désaccord avec le groupe surréaliste le pousse à quitter le mouvement en 1929. En effet, il se refuse à prendre la voie du communisme, autant par indépendance que par conviction, et entame une longue querelle malsaine avec André Breton et certains autres surréalistes comme Aragon. Il travaille alors pour la radio sur l'émission La Grande Complainte de Fantomas. Dès juillet 1942, il fait partie du réseau AGIR, auquel il transmet des informations confidentielles parvenues au journal, tout en fabriquant par ailleurs de faux papiers pour des Juifs ou des résistants en difficulté. Dès lors, aux missions de renseignements qu'il effectue s'ajoutent des missions bien plus directes et violentes et il continue d'écrire des poèmes comme Maréchal Ducono, dans lequel il critique le pétainisme. Le 22 février 1944, il est arrêté à son domicile en raison de son activisme politique et sera plus tard déporté à Theresieinstadt. Après la libération des camps, et par un pur hasard d’affectation du personnel, un étudiant tchèque accompagné d’une infirmière le reconnaîtront et il sort de l’anonymat. Pourtant, il entre dans un coma au bout de trois jours et est hospitalisé à Térézin, où il décède le 8 juin 1945. 9 Extraits : « Si les poètes étaient moins bêtes » de Boris Vian Si les poètes étaient moins bêtes Et s'ils étaient moins paresseux Ils rendraient tout le monde heureux Pour pouvoir s'occuper en paix De leurs souffrances littéraires Ils construiraient des maisons jaunes Avec des grands jardins devant Et des arbres pleins de zoizeaux De mirliflûtes et de lizeaux Des mésongres et des feuvertes Des plumuches, des picassiettes Et des petits corbeaux tout rouges Qui diraient la bonne aventure Il y aurait de grands jets d'eau Avec des lumières dedans Il y aurait deux cents poissons Depuis le croûsque au ramusson De la libelle au pépamule De l'orphie au rara curule Et de l'avoile au canisson Il y aurait de l'air tout neuf Parfumé de l'odeur des feuilles On mangerait quand on voudrait Et l'on travaillerait sans hâte A construire des escaliers De formes encor jamais vues Avec des bois veinés de mauve Lisses comme elle sous les doigts Mais les poètes sont très bêtes Ils écrivent pour commencer Au lieu de s'mettre à travailler Et ça leur donne des remords Qu'ils conservent jusqu'à la mort Ravis d'avoir tellement souffert On leur donne des grands discours Et on les oublie en un jour Mais s'ils étaient moins paresseux 10 On ne les oublierait qu'en deux. « Coucher avec elle» de Robert Desnos (extrait) Coucher avec elle Pour le sommeil côte à côte Pour les rêves parallèles Pour la double respiration Coucher avec elle Pour l’ombre unique et surprenante Pour la même chaleur Pour la même solitude Coucher avec elle Pour l’aurore partagée Pour le minuit identique Pour les mêmes fantômes Coucher avec elle Pour l’amour absolu Pour le vice, pour le vice Pour les baisers de toute espèce 11 « Familiale » de Jacques Prévert La mère fait du tricot Le fils fait la guerre Elle trouve ça tout naturel la mère Et le père qu'est-ce qu'il fait le père ? Il fait des affaires Sa femme fait du tricot Son fils la guerre Lui des affaires Il trouve ça tout naturel le père Et le fils et le fils Qu'est-ce qu'il trouve le fils ? Il ne trouve rien absolument rien le fils Le fils sa mère fait du tricot son père fait des affaires lui la guerre Quand il aura fini la guerre Il fera des affaires avec son père La guerre continue la mère continue elle tricote Le père continue il fait des affaires Le fils est tué il ne continue plus Le père et la mère vont au cimetière Ils trouvent ça naturel le père et la mère La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires Les affaires la guerre le tricot la guerre Les affaires les affaires et les affaires La vie avec le cimetière. 12 Quelques titres de … Jacques Prévert Paroles, éditions Gallimard Histoires, éditions Gallimard Soleil de nuit, éditions Gallimard La pluie et le beau temps, éditions Gallimard Robert Desnos Robert Desnos par Pierre Berger, « poètes d’aujourd’hui », éditions Seghers Œuvres, « Quarto », éditions Gallimard Fortunes, éditions Gallimard Destinée arbitraire, éditions Gallimard Domaine public, éditions Gallimard Boris Vian Cantilènes en gelée, éditions 10/18 Œuvres de Boris Vian, éditions Fayard Romans, nouvelles, œuvres diverses, « La pochothèque », éditions Le livre de poche Je ne voudrais pas crever, 10/18 13 LEPOINT.fr Publié le 16/09/2010 Jean-Louis Trintignant se consacre désormais à la poésie. Il réunit une trentaine de textes de Desnos, Vian et Prévert, accompagné de deux musiciens. © DR Théâtre/Poésie. Poèmes de Boris Vian, Robert Desnos, Jacques Prévert avec Jean-Louis Trintignant, Daniel Mille à l'accordéon et Grégoire Korniluk au violoncelle Par NEDJMA VAN EGMOND Voilà quelques années, sous un ciel étoilé, dans l'immensité de la Cour d'honneur du Palais des papes, à Avignon, il donnait chair, de façon merveilleuse, aux mots d'Apollinaire, après ceux d'Aragon. Éloigné des plateaux de cinéma, Jean-Louis Trintignant trouve désormais son bonheur sur scène, dans la poésie. Nouveau témoignage, avec trois poètes libertaires, Prévert, Desnos et Vian, qu'il réunit pour un riche voyage. Entretien. Qu'ont de commun Prévert, Desnos, et Vian, que vous avez décidé de rassembler le temps d'un spectacle ? Ce sont tous trois des poètes libertaires. J'aime beaucoup leur esprit de gauche, leur intérêt pour les gens qui sont un peu mis à l'écart, leur refus de l'autorité. Je trouve que ça fait du bien, cet esprit de liberté, à une heure où on vit écrasé par tant de diktats... 14 Vous les avez découverts en même temps ? Disons que je les connaissais tous, mais assez superficiellement. Puis j'ai lu, encore, encore, et découvert des choses merveilleuses. C'est Vian qui m'a le plus surpris : sa poésie, magnifique est beaucoup moins connue que ses romans. Tout comme certains recueils de Prévert comme La Pluie et le Beau Temps. Il y a une vraie modernité dans certains textes, par exemple Étranges étrangers, qui parle des sans-papiers, et qui est paru... en 1955 ! Comment faire un choix dans une masse aussi abondante ? Par les thèmes. Moi, j'avais surtout envie de parler d'amour. C'est un thème essentiel et ils en parlent très bien. Tous trois en ont bavé avec les femmes... mais se sont aussi régalés (rires). Il y a aussi la mort, qu'ils évoquent de façon cynique, légère, pas du tout catastrophée. Ce spectacle est une façon de poursuivre un voyage poétique commencé avec Aragon et poursuivi avec Apollinaire... "Oui, mais Apollinaire, tout en étant très beau, est plus sophistiqué, plus élitiste peut-être. Prévert, Desnos et Vian sont plus simples, plus accessibles, il me semble. Mon metteur en scène, Gabor Rassov, m'a suggéré de ne pas dire de poésie, mais plutôt de raconter des histoires dans une jolie langue. Et c'est ce que je fais. Vous vous amusez aussi, sur scène... Bien sûr ! Ces poèmes sont très beaux et profonds, mais aussi, pour certains, très drôles et pleins de fantaisie. Bon, on ne se tord pas de rire, mais c'est amusant, cela renvoie parfois à l'enfance et ça me touche. 15