Contraception orale et risque de contamination par le VIH : une

Transcription

Contraception orale et risque de contamination par le VIH : une
Contraception orale et risque de contamination par le VIH : une méta-analyse
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°77 - septembre - octobre 1999
VIH - META
Contraception orale et risque de
contamination par le VIH : une méta-analyse
Béatrice Ducot
Inserm U292, Hôpital de Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre)
Risk of HIV
infection in
oral
contraceptive
pill users: A
meta-analysis
Wang C.C.,
Kreiss J.K.,
Reilly M.
Journal of
AIDS, 1999,
21, 51-58
La publication d'une méta-analyse de la relation entre prise de
contraception orale et contamination par le VIH est l'occasion
de rappeler les avantages et les inconvénients de cette méthode
de recherche.
Dans un article publié récemment dans Journal of AIDS,
Wang C.C. et coll. font une méta-analyse de la relation entre
la prise de contraception orale (CO) et la contamination par le
VIH du point de vue des interactions biologiques. Il s’agit
d’un problème important: la CO constitue en effet la
troisième méthode moderne de contraception utilisée dans le
monde, et la première en Afrique sub-saharienne.
http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/77_1111.htm (1 sur 4) [23/06/2003 10:47:36]
Contraception orale et risque de contamination par le VIH : une méta-analyse
Différentes publications dans la littérature font état du rôle
des hormones dans la régulation du système immunitaire
(exemples de chlamydia, rubéole, varicelle); on sait par
ailleurs que les CO peuvent modifier la paroi vaginale et celle
du col de l'utérus; enfin, des expérimentations faites chez
l’animal ont montré un risque augmenté de contamination par
le virus de l’immuno-déficience simien (SIV) chez des
macaques ayant reçu des implants de progestérone,
l’épithélium vaginal de ces animaux étant alors aminci.
Dés le début de l’article, les auteurs mentionnent les limites
de cette méta-analyse : les études citées ne peuvent être que
des études d’observation (une étude expérimentale ne peut
bien entendu pas être envisagée pour des raisons évidentes
d’éthique); par ailleurs, on ne connaît souvent pas la date
exacte de contamination; enfin, de nombreux facteurs de
confusion (liés au comportement sexuel par exemple) peuvent
fausser la relation entre CO et VIH. Ainsi, les auteurs ne
s’étonnent pas de trouver des odds-ratios (OR) différents
d’une étude à l’autre. Rappelons qu'un OR mesure par
combien est multiplié le risque de maladie pour des personnes
exposées à un facteur de risque par rapport à des personnes
non exposées à ce facteur. Ainsi un OR égal à 1 signifierait
une absence de relation entre CO et VIH, un OR inférieur à 1
serait en faveur d'un rôle protecteur de la CO, un OR
supérieur à 1 montrerait une augmentation de risque de
contamination parmi les femmes prenant une CO.
Parmi 591 articles relevés concernant ce sujet, 28 ont été
retenus pour la méta-analyse, c’est-à-dire ceux pour lesquels
les données nécessaires au calcul de l’OR mesurant la relation
entre prise de CO et contamination hétérosexuelle par le VIH
étaient présentes. Pour chacune des 28 études, les auteurs ont
calculé l’OR, puis ils ont testé si les OR étaient différents
d'une étude à l'autre, enfin ils ont réalisé une régression
logistique pondérée pour calculer un OR global.
Parmi les 28 études examinées, 21 sont transversales, 7
prospectives. Le nombre de sujets inclus varie de 68 à 5256.
Dans 9 cas, il s’agit de prostituées, dans 2 cas de femmes
consultant dans des centres de MST, dans 7 cas de femmes
partenaires d’hommes VIH+; les 10 autres études concernent
des femmes consultant dans des centres de planification
familiale ou lors d’un suivi prénatal ou dans des centres de
http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/77_1111.htm (2 sur 4) [23/06/2003 10:47:36]
Contraception orale et risque de contamination par le VIH : une méta-analyse
dépistage du VIH. Enfin, parmi les 21 études transversales, 2
précisent la durée d’utilisation de la CO, 12 considèrent les
utilisatrices actuelles, et 7 les utilisatrices actuelles et/ou
passées.
Pour l’ensemble des 28 études, l’OR entre CO et
contamination par le VIH varie de 0,17 à 3,95. L’OR global
calculé est égal à 1,19 (intervalle de confiance à 95% : 0,991,42), l’OR pour les 21 études transversales est égal à 1,21
(1,01-1,44), celui pour les 7 études prospectives est égal à
1,32 (1,12-1,54). Les auteurs donnent ensuite une note de
qualité à chacune des études, tenant compte du type d’étude
(les meilleures étant les prospectives), de la connaissance ou
non de la durée d’exposition (les meilleures étant celles dans
lesquelles on connaît cette durée), de la comparabilité entre
les femmes utilisatrices et non utilisatrices de CO quant aux
facteurs de risque de VIH (les meilleures étant celles dans
lesquelles ces groupes sont comparables). L’OR calculé pour
les 8 études ayant les meilleurs scores est égal à 1,61 (1,052,44). Cette méta-analyse permet de conclure, d’après les
auteurs, à l’existence d’une relation positive entre prise de
CO et risque de contamination par le VIH.
Au-delà de la problématique liée aux avantages et aux
inconvénients du type d’approche que constituent les métaanalyses (lire page...), l'analyse de Wang semble devoir être
prise avec précautions. Dans un article publié par J.
Stephenson dans AIDS en 1998 (1), cet auteur avait examiné
32 études portant sur le même sujet (dont 20 communes avec
l’article de Wang), CO et VIH, et avait déconseillé de
calculer un OR global. Elle avait défini un certain nombre de
critères de qualité pour chacune de ces 32 études : le fait que
l’exposition de la femme aux CO soit survenue de façon
certaine avant la contamination (qualité retrouvée dans les
études prospectives), le fait que l’étude ait été réalisée pour
étudier précisément la relation CO-VIH, le fait que l’on ait
pris en compte le degré d’exposition au VIH, les antécédents
d’autres MST, l’utilisation on non de préservatifs, la
définition des utilisatrices et non utilisatrices de CO. Cet
auteur insiste par ailleurs sur le problème posé par le nombre
de perdues de vue dans les enquêtes prospectives, elle
considère que les meilleures études sont celles concernant les
femmes ayant un seul partenaire, ce partenaire étant lui-même
infecté. Sur les 32 publications mentionnées, 5 rapportent une
http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/77_1111.htm (3 sur 4) [23/06/2003 10:47:36]
Contraception orale et risque de contamination par le VIH : une méta-analyse
étude spécifiquement réalisée pour estimer la relation COVIH, dont 2 cas-témoins n’apportant pas de résultat
interprétable, les 3 autres montrant des résultats discordants
sur la valeur de l’OR (valant de 0,6 à 1,3). En définitive,
Stephenson considère les 2 meilleures études, celles de
Saracco (2) et de De Vincenzi (3). Toutes les 2 prospectives
et portant sur les partenaires d’hommes VIH+, aucune de ces
2 études ne montre un risque plus élevé de contamination
VIH parmi les utilisatrices de CO, contrairement à l'autre
article.
En conclusion, si, sur le plan de la connaissance biologique
du rôle éventuel des CO dans le risque de contamination par
le VIH, on comprend l’intérêt de réaliser des études, de
préférence prospectives, portant sur de grands échantillons de
femmes partenaires d’hommes infectés, il est évident que, sur
le plan de la santé publique, des moyens de prévention
doivent de tout façon être utilisés pour diminuer ce risque,
utilisation de préservatif aussi bien que communication entre
partenaires ou autres stratégies. - Béatrice Ducot
1 - Stephenson J
" Systematic review of hormonal contraception and risk of HIV
transmission : when to resist meta-analysis "
AIDS, 1998, 12, 545-553
2 - Saracco A, Musicco M, Nicolosi A et al.
" Man-to-woman sexual transmission of HIV: longitudinal study of 343
steady partners of infected men "
J AIDS, 1993, 6, 497-502
3 - De Vincenzi I, for the European Study Group on Heterosexual
Transmission of HIV
" A longitudinal study of HIV transmission by heterosexual partners "
N Engl J Med, 1997, 331, 341-346
http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/77_1111.htm (4 sur 4) [23/06/2003 10:47:36]