Chapitre II. L`utilisation de l`énergie par les êtres vivants = ∑ µ .

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Chapitre II. L`utilisation de l`énergie par les êtres vivants = ∑ µ .
Chapitre II. L’utilisation de l’énergie par les êtres vivants
Le problème de la conversion de l’énergie entre ses différentes formes (transduction)
se pose avec la même acuïté aux êtres vivants qu’aux sociétés humaines. Les systèmes vivants
sont soumis aux mêmes contraintes que le reste de l’univers :
- L’énergie n’est pas gratuite (1er principe), il faut donc trouver dans l’environnement
une source d’énergie. Les êtres vivants savent faire usage de l’énergie chimique
(nombreuses réactions, dont la respiration) et de l’énergie lumineuse (photosynthèse).
- Les transformations spontanées induisent un gaspillage d’énergie vers des formes
moins « nobles », notamment un échange sous forme de chaleur (2ème principe). Il
faudra utiliser des dispositifs élaborés pour récupérer une partie de l’énergie de la
source sous forme utile (mouvement : énergie mécanique, synthèse de composés
chimiques élaborés ou anabolisme…)
II. A. Comment stocker l’énergie sous forme chimique ?
Un système riche en énergie utilisable est caractérisé par une enthalpie libre G élevée.
Dans les cas qui nous intéressent ici, c’est souvent une conséquence de la composition du
système, donc des variables ni.
II.A.1 Le potentiel chimique
a. Quand la température et la pression ne varient pas, la relation entre l’enthalpie libre
et la composition du système s’écrit:
G = ∑ ni µ i .
i
En d’autres termes, l’enthalpie libre totale dépend du nombre de moles de chaque espèce et du
potentiel chimique µi, qui est l’enthalpie libre partielle par mole. La difficulté est que cette
grandeur varie avec la composition de la solution.
b. On rappelle l’expression du potentiel chimique développée au chapitre I pour les
solutions idéales:
µ = µ ° + RT ln C C°
où C° est la concentration molaire dans l’état de référence. Pour les substances en solution
dans l’eau (solutés), on prend comme état de référence une solution à 1 mol.L-1,• et on écrit
donc avec un petit abus de langage :
µ = µ° + RTlnC
où C désigne la « valeur absolue » de la concentration molaire en soluté (sans les unités).
On voit que les potentiels chimiques dépendent de la nature des espèces en présence
(µ°), mais aussi des concentrations respectives (lnC).
II.A.2 Mélanges énergétiques
Quand peut-on dire qu’un mélange (p .ex. une solution de plusieurs substances
différentes) a une énergie chimique élevée ? La réponse n’est pas forcément « quand G est
élevé » mais plutôt « quand il existe une transformation chimique (réaction) susceptible
•
Par contre, pour le solvant eau lui-même, l’état de référence est celui du solvant pur ! Comme la concentration
en eau dans une solution aqueuse varie normalement peu, on peut en première approximation « oublier » les
molécules d’eau dans le quotient réactionnel pour une réaction se déroulant en milieux aqueux. Mais ce ne sera
plus vrai si on réalise la même réaction dans un autre solvant.
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d’abaisser G », c’est à dire d’abaisser la valeur de
∑ ni µi . Le ∆G de cette transformation
i
sera donc négatif, et la fraction du ∆G effectivement transformée en travail utile sera une
mesure de l’efficacité de la transduction de l’énergie.
Si la réaction est déjà à l’équilibre (Q = K), il n’existera plus aucune force motrice
pour continuer la transformation ; cette réaction ne pourra plus fournir d’énergie. Si elle est
hors équilibre (Q ≠ K), il existera une force motrice, une « énergie libérable », d’autant plus
importante que l’écart à l’équilibre est important. Plus précisément, on aura :
∆ r G = ∆ r G° + RT ln Q ou, ce qui est équivalent, ∆ r G = RT ln
Q
.
Qeq
Il en résulte qu’il n’existe pas à proprement parler de « molécule énergétique » ou de
« liaison de haute énergie », mais plutôt des « mélanges énergétiques ».
A titre d’exemple, considérons la molécule la plus utilisée pour le stockage
intermédiaire de l’énergie dans le métabolisme cellulaire : l’ATP (adénosine triphosphate). La
libération de l’énergie implique la réaction chimique :
ATP (+ H2O)
ADP + Pi
(1)
La constante de réaction K s’obtient à partir du ∆rG° ou se mesure d’après les
concentrations à l’équilibre. Prenons pour K une valeur approchée de 105 ;• cela signifie que
le quotient réactionnel d’équilibre Qeq =
[ ADP]eq [ Pi ]eq
[ ATP]eq
vaut 105.
Peut-on calculer la quantité d’enthalpie libre dégagée par la réaction (1), par mole
d’ATP ? Cela dépendra des concentrations des autres substances intervenant dans la réaction.
•
Pour fixer les idées, supposons que la concentration de phosphate libre Pi soit de10-2
mol.L-1. Si, comme dans la solution cytoplasmique, il y a 1000 fois plus d’ATP que
d’ADP,
[ ADP]
= 10 −3 , donc Q = 10
[ ATP]
-5
; on dégagera donc, par mole d’ATP
hydrolysée,
∆ r G = RT ln
•
Q
= RT ln10-10 = -57 kJ. mol-1.
Qeq
Supposons maintenant qu’il y ait au contraire 10 000 000 de fois plus d’ADP que
d’ATP dans la solution (et que la concentration de phosphate libre soit toujours de10-2
5
mol.L-1). Alors Q = Qeq =10 ; donc ∆ rG = 0 kJ.mol-1 et l’hydrolyse de l’ATP ne
fournira plus du tout d’énergie libre !
En d’autres termes, si l’on dispose d’une quantité donnée d’ATP, on peut soit s’en
servir pour fabriquer un mélange « riche en énergie » (plus précisément en enthalpie libre),
soit, en la diluant dans un grand excès d’ADP, obtenir un mélange parfaitement inutile.
•
On peut trouver dans la littérature des valeurs de K qui s’écartent d’un facteur 10 ou davantage de celle que
nous donnons. Cela est dû au fait que l’équation (1) est un peu simplifiée ; en réalité, les molécules « ATP » et
2+
« ADP » peuvent être plus ou moins protonées, ou s’associer à des ions Mg … La valeur fournie ici est celle
2+
-2
pour pH = 7, [Mg ] = 10 M.
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II.A.3 Gradients de concentration, équilibres membranaires
Une réaction chimique est une façon de dégager de l’énergie libre à partir d’un
système en déséquilibre. Le déséquilibre vient de la coexistence, dans la même région de
l’espace, de substances ayant des potentiels chimiques différents. S’il existe une réaction dont
l’effet est de convertir certaines substances en certaines autres, elle va se produire jusqu’à ce
que les potentiels chimiques soient égalisés.
Il existe un autre type de situation où on observe un déséquilibre de potentiel
chimique : c’est celui d’un gradient de concentration dans une solution, c’est à dire d’une
concentration d’un certain soluté variable d’un point à un autre de la solution. Supposons que
nous ayons une région (1) de forte concentration C1 au contact d’une autre région (2) de
concentration plus faible, C2 (avec donc C1 > C2). Les valeurs du potentiel chimique du
soluté y sont respectivement µ = µ° + RTln C1 et µ = µ° + RTln C2.
La différence de potentiel chimique entre la région (2) et la région (1) vaut RT(lnC2 lnC1). Elle est négative, c’est à dire que le potentiel chimique est plus bas dans la région (2) ;
il existe donc une force motrice pour le transfert de soluté de la région (1) à la région (2).
Les molécules en solution sont mobiles ; ce transfert va donc s’effectuer
spontanément, ce qui constitue le phénomène de diffusion.• Il semblerait donc qu’on ne
puisse pas stocker de l’enthalpie libre sous forme d’un gradient de concentration, puisque
cette situation se résorbe spontanément.
Les cellules vivantes font pourtant largement usage de ce type de stockage. Pour cela,
elles utilisent le phénomène de compartimentation, dont l’apparition a surement constitué une
des étapes les plus importantes de l’origine de la vie. Il est basé sur la formation de vésicules
fermées, enclosant un petit volume de solution, et limitées par une membrane constituée de
molécules « amphiphiles ». Cette membrane peut être imperméable, ou semi-perméable, c’est
à dire qu’elle se laisse traverser par certaines molécules, mais interdit le passage des autres.
On peut ainsi avoir un déséquilibre métastable de concentration. Ainsi, chez l’être humain, la
concentration en calcium dans le cytosol est maintenue au niveau de 10-7 M alors même que
la concentration dans le milieu extracellulaire atteint 10-3 M. Mais les cellules peuvent à
certains moments ouvrir des « ports » dans leur membrane cytoplasmique et permettre
temporairement la diffusion des ions calcium ; leur concentration intracellulaire augmente
alors brutalement.
[Ca2+]=10-3M
[Ca2+]=10-7M
µCa
On verra plus loin (§II.C) que l’existence de gradients de protons (H+) joue un rôle
important dans le processus de respiration au niveau cellulaire.
•
Il y a un aspect cinétique à la diffusion : à quelle vitesse va-t-elle se dérouler ? Cet aspect ne sera pas traité dans
le cours LC104.
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II. B. Les sources d’énergie
II.B.1 Mélanges réactionnels
II.B.1.a Mélanges oxygène/matière organique
Notre planète possède actuellement une atmosphère « oxydante ». La combinaison du
dioxygène avec la plupart des molécules organiques pour donner CO2 et H2 O est favorisée
thermodynamiquement. A titre d’exemple, la combustion du glucose s’écrit :
C6H12O6 + 6 O2
6 CO2 + 6 H2O.
Cette réaction est très exergonique : ∆rG° = - 2874 kJ. mol-1.•
Si l’on réalise l’oxydation de la matière organique (combustion) sans précaution
spéciale, cette énergie est dégagée sous forme de chaleur. Dans le métabolisme cellulaire par
contre, cette même réaction est réalisée de façon très complexe et couplée à des réactions
endergoniques, de telle sorte qu’en fin de procédé une bonne partie de l’énergie disponible est
stockée sous forme chimique (cf. § II.C) : c’est la respiration aérobique.
La respiration aérobique est à l’heure actuelle le mode d’acquisition de l’énergie le
plus répandu dans le monde vivant. Mais elle nécessite que les organismes soient plongés
dans un milieu où la pression partielle de dioxygène est suffisamment élevée, ce qui n’était
pas le cas dans la jeunesse de notre planète. Il s’agit donc d’une voie métabolique d’invention
récente.
II.B.1.b. Organotrophie : la fermentation
Certaines réactions n’impliquant que des molécules organiques peuvent dégager de
l’enthalpie libre. Ainsi les réactions de fermentation, où l’anion pyruvate est transformé en
lactate (dans les muscles en cas d’effort intense) ou en éthanol (par les levures). L’énergie
libre dégagée par ces réactions est beaucoup plus faible que celle fournie par la
respiration (environ 10 fois moins d’énergie libre dégagée); elles ne sont activées que lorsque
la cellule est privée d’oxygène. Elles étaient peut-être importantes pour les premières formes
de vie sur notre planète, qui auraient dans ce cas trouvé leur source d’énergie dans la « soupe
primordiale » de molécules organiques.
II.B.1.c. Lithotrophie
(grec λιθο ς , la pierre, et τροφη, nourriture).
On peut supposer que la soupe primordiale initialement loin de l’équilibre (donc riche
en enthalpie libre) s’en est peu à peu rapprochée au fur et à mesure que les organismes
utilisaient l’enthalpie libre disponible pour leurs besoins quotidiens. Dès lors, il a fallu trouver
dans l’environnement une autre source d’énergie. Les organismes se sont alors tournés vers
des réactions impliquant les gaz dissous provenant de l’atmosphère primordiale (hydrogène et
dioxyde de carbone) ou d’autres faisant intervenir des ions produits par la dissolution des
minéraux (de là la dénomination de « lithotrophes »).
Quelques exemples :
i) Méthanisation
La réaction exploitée est :
CH4 + 2H2O
4H2 + CO2
•
valeur à 298 K, pour le glucose en solution, l’eau sous forme liquide et le CO2 gazeux.
Calculé sur base des données de Alberty. La valeur donnée dans Karp (biologie cellulaire et moléculaire, p.107)
-1
est de - 2867 kJ. mol .
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De nos jours, le quotient réactionnel Q est très élevé à cause de la faible valeur
résiduelle de PH2 dans l’atmosphère. Les bactéries méthanogènes utilisant cette réaction come
source d’énergie existent toujours, mais seulement dans des habitats particuliers, isolés de
l’atmosphère.
Remarquez que le CO2 dissous est en équilibre avec les ions carbonates en solution
aqueuse selon :
HCO3CO2 + OHC’est pourquoi on appelle aussi ces organismes les « réducteurs du carbonate ».
ii)Réduction des sulfates
L’ion sulfate peut être impliqué dans des réactions d’oxydoréduction où il joue le rôle
d’oxydant. Ainsi, il peut oxyder la matière organique (formule générique simplifiée en
« CH2O ») selon :
2 (CH2O) + SO42- = 2 HCO3- + H2S
Mais il peut aussi oxyder le dihydrogène gazeux si celui-ci est présent dans le système à
pression suffisamment élevée:
SO42- + 4 H2 + Η+ → HS- + 4 H2O
∆rG°’ = -152,2 kJ.mol-1.
Cette dernière réaction ne fait intervenir que des molécules inorganiques. Bien sûr,
l’organisme (ex. bactéries Desulfovibrio, Desulfotomaculum) aura toujours besoin de carbone
pour construire l’édifice cellulaire, mais son énergie proviendra exclusivement d’une réaction
inorganique.
iii)Réduction des nitrates
De nombreuses bactéries utilisent l’ion nitrate (NO3-) comme oxydant de la matière
organique. Les réactions de transformation sont diverses mais impliquent la transformation
des ions nitrates en nitrites (NO2-), en diazote (N2) ou en ammoniac (NH3). Etant donné la
grande inertie chimique de N2, les bactéries qui réalisent cette transformation sont appelées
bactéries dénitrifiantes.
Des mélanges nitrates/matière organique peuvent être utilisés comme explosifs ; il est
donc intuitivement clair que ce type de mélange est « riche en énergie ».
iv)Réduction du fer
Le Fe3+ est réduit en Fe2+ ; en même temps, l’acide lactique ou l’acide acétique est
oxydé.
Les quatre exemples qui précèdent ne nécessitent pas la participation de dioxygène et
les voies métaboliques correspondantes pourraient donc avoir été « inventées » dans les
conditions anaérobies primordiales. A côté de ces processus, il y en a d’autres qui font
intervenir des réactions entre le dioxygène gazeux et une espèce inorganique agissant comme
réducteur :
v)Oxydation des sulfures
Les bactéries des genres Beggiatoia et Thiobacillus sont capables de réaliser l’oxydation
de H2S ou des sulfures suivant H2S + 2 O2 → SO42- + 2 H+.
vi)Oxydation du fer
Gallionella réalise l’oxydation du Fe2+ en Fe3+ par le dioxygène :
2Fe3+ + 1/2 O2 → 2Fe2+ + H2O
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Thiobacillus thiooxydans se nourrit de pyrite (FeS) en oxydant à la fois le Fe2+ en Fe3+ et le
sulfure en sulfate.
vii) Oxydation du NH3
En présence d’oxygène gazeux, l’ammoniac peut être oxydé en nitrite (Nitrosomonas) ou en
nitrate (Nitrobacter). Les engrais azotés sont des sels d’ammonium. Ils fonctionnent grâce aux
bactéries nitrifiantes (les plantes n’absorbent l’azote que sous forme de nitrate).
viii) Oxydation du dihydrogène en eau
L’enzyme hydrogénase, qui accélère la réaction H2 + 1/2 O2 --> H2O, est très répandue dans le
monde bactérien, mais peu d’organismes exploitent l’énergie ainsi libérée. Toutefois,
Hydrogenomonas survit sur un mélange hydrogène/oxygène/air.
Le lecteur attentif aura remarqué que certaines des transformations du groupe v)-viii)
paraissent exactement inverses de celles du groupe i)-iv). Comment est-il possible par
exemple que la transformation des sulfures en sulfates engendre de l’énergie, et que la
transformation des sulfates en sulfures en engendre aussi ?
La réponse a déjà été donnée : il n’y a pas de composés énergétiques dans l’absolu,
mais plutôt des mélanges énergétiques. Le mélange SO42- / H2 en quantités du même ordre de
grandeur peut être considéré comme « énergétique » puisqu’il existe une force motrice
considérable dans le sens de la transformation SO42- → HS-. De même, dans un mélange S2- /
O2, il existe une force motrice pour la transformation S2- → SO42-. Un composé chimique ne
peut pas être considéré isolément, il doit être évalué globalement avec l’ensemble de son
environnement.
II.B.1.d.Phototrophie
Quelle que soit la source d’énergie chimique disponible dans le milieu ambiant, elle
finira par s’épuiser au fur et à mesure que la réaction correspondante se rapprochera de son
équilibre. Il faut donc, pour maintenir la viabilité de la biosphère, que des processus extérieurs
lui apportent constamment de l’enthalpie libre. Cela est réalisé dans une certaine mesure par
les processus géochimiques qui renouvellent la composition de l’atmosphère et de la
lithosphère ; mais l’un des développements les plus importants de l’histoire de la vie a été
celui de la photosynthèse, c’est à dire l’exploitation de l’énergie lumineuse du rayonnement
solaire, fournie à notre planète en continu et en quantité élevée.
On sait que la lumière est composée de photons, dont chacun porte une énergie
corrélée à la longueur d’onde de la lumière selon la relation de Planck :
E = h ν.
Sous certaines conditions,• un photon peut être absorbé par une molécule ; il disparaît
alors, mais son énergie ne peut pas disparaître ; elle est cédée à la molécule comme énergie
chimique. Pour diverses raisons, les molécules ainsi « excitées » se dégradent assez vite et une
partie de l’énergie est perdue sous forme de chaleur. Mais les microorganismes
photosynthétiques, et à leur suite les plantes, ont appris à stocker avec un bon rendement
l’énergie fournie par la lumière sous forme d’énergie chimique.
Ainsi, la réaction de synthèse du glucose à partir de CO2 et H2O
6 CO2 + 6 H2O
C6H12O6 + 6 O2
qui est l’inverse de la respiration aérobie, est très endergonique et ne peut donc pas être
réalisée spontanément.
•
Résonance d’énergie avec une transition interne de la molécule permise par la mécanique quantique
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Mais si elle est couplée avec l’absorption de plusieurs photons, le processus global
devient exergonique et peut être réalisé. Il peut être utile d’écrire une « pseudo-réaction » :
6 CO2 + 6 H2O + n h ν
C6H12O6 + 6 O2, où l’on a fait apparaître un certain nombre
(n) de photons, notés h ν pour rappeler l’énergie qu’ils transportent
II. C. Mécanismes de transduction de l’énergie
II.C.1. Respiration aérobie
L’organisme dispose de diverses réserves énergétiques », p.ex. du glucose. On se
souviendra que cette molécule n’est pas « énergétique » en soi, mais seulement en tant que
participant dans une réaction chimique particulière, en l’occurrence l’oxydation par le
dioxygène.
Le problème est donc : comment convertir l’énergie chimique contenue dans le
mélange glucose/O2, et donnée par le ∆rG de la réaction, en énergie utilisable au quotidien,
notamment en ATP ?
Nous allons passer en revue les principales étapes du processus complexe de la
respiration aérobie, du point de vue des mécanismes de transduction de l’énergie. Attention, il
ne s’agit pas d’un cours de biologie : nous ne parlerons donc pas de la structure des
différentes molécules impliquées dans ces procédés. Bien qu’il s’agisse d’une question très
intéressante, elle n’est pas du ressort de le thermochimie.
II.C.1.a. Vision globale : la respiration à différents niveaux
i) Au niveau macroscopique, il doit y avoir transport d’O2 jusqu’au site de son
utilisation,• c’est à dire jusqu’aux mitochondries (eukaryotes). Pour les organismes les plus
simples, cela se fait par dissolution du dioxygène à partir de l’air (cf. Ch. IV), puis diffusion
dans la cellule. Pour beaucoup d’organismes multicellulaires, il existe des systèmes de
transport actif complexes (cf. TD N°4).
ii) Dans la cellule, le glucose est d’abord dégradé par glycolyse. Cette étape
transforme une molécule de glucose en deux molécules de pyruvate, et de façon couplée 2
ADP + 2 Pi en 2 ATP et 2 NAD+ + 2H+ en 2 NADH + 2H+.
iii) Un complexe de trois enzymes dont la pyruvate déshydrogénase cause la
trasnformation du pyruvates en un CO2 et un groupe acétyl porté par l’acétyl-coenzyme A. En
même temps un NAD+ est encore réduit en NADH.
iv) Dans la matrice mitochondriale, le cycle de Krebs (ou cycle de l’acide citrique)
fournit entre autres des NADH.
v) Les NADH, réducteurs énergétiques (cf. § II.C.1.d), sont oxydés par O2 dissous
dans un processus qui cause la formation d’un gradient de protons.
vi) Les gradients de protons sont résorbés et le ∆rG négatif est couplé avec la synthèse
d’ATP.
•
En effet, la discussion des paragraphes précédents indique clairement que pour maximiser ∆rG en valeur
absolue, il faut minimiser le quotient réactionnel, donc garder la concentration de O2 à un niveau suffisamment
élevé à l’endroit où s’effectue la réaction.
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II.C.1.b. La glycolyse : Utilisation efficace des ∆rG
Le diagramme suivant résume les étapes élémentaires de la glycolyse en indiquant
pour chacune leur force motrice ∆rG, calculée d’après les concentrations moyennes estimées
dans le cytoplasme. Ces concentrations ne sont pas toujours connues avec une grande
précision ; il est probable que les étapes données avec un ∆rG légèrement positif sont en fait à
l’équilibre (∆rG = 0).
∆rG’
(kJ.mol-1)
0
-20
Glucose
ATP
ADP + Pi
G6P
F6P
-40
2 ADP
+ 2Pi
ATP
2 ATP
ADP + Pi
2 GA3P
F1,6diP
-60
2
2
A3PG
A1,3DPG
2NAD+ 2 NADH
DHAP
+ GA3P
-80
2
A2PG
2
PEP
2 ADP
+ 2Pi
2 ATP
2
pyruvates
Diagramme énergétique de la glycolyse. Légende : G6P = glucose-6-phosphate, F6P =
fructose-6-phosphate, F1,6diP = fructose-1,6-diphosphate, DHAP = dihydroxyacétone
phosphate, GA3P = glycéraldéhyde 3 phosphate, A1,3-DPG = acide 1,3
diphosphoglycérique, A3PG = acide 3-phosphoglycérique, PEP = phosphoénolpyruvate,
Pi= phosphate inorganique
Seules trois étapes sont vraiment exergoniques : les deux premières ne le sont que par
couplage avec l’hydrolyse des ATP (« amorcer la pompe »), et la dernière est une
déphosphorylation suffisamment exergonique pour être couplée avec une phosphorylation
d’ADP et quand même tirer à droite toute la chaîne de réaction. Cette voie métabolique joue
sur les phosphorylations/déphosphorylations, dont l’aspect énergétique est déjà connu, mais
stocke aussi une partie de l’énergie sous forme d’un couple redox : cf. § II.C.1.d.
II.C.1.c. Le cycle de Krebs
Cette étape résulte en la libération de CO2 par oxydation de l’acétyl-coenzyme A et
formation de NADH par réduction de NAD+.
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Glucides
Acides gras
Autres . . .
NADH
+H+ Acétyl-Coenzyme A
NAD+
QH2
Coenzyme A
Ubiquinone Q
H 2O
H 2O
GTP
GDP+Pi
NAD+
NADH
+H+
CO2
NADH NAD+
+H+
CO2
Au terme du passage par le cycle de Krebs, les atomes de carbone du glucose ont
intégralement été convertis en CO2 (une partie des oxygènes nécessaires étant fournie par des
molécules d’eau), sans que le dioxygène ait encore été consommé. En parallèle, un certain
nombre de molécules de NADH (voir schéma p. 10) ont été formées.
On sait que la respiration est un processus très efficcace de conversion de l’énergie.
L’enthalpie libre initialement contenue dans le mélange réactionnel n’a pas été perdue sous
forme de chaleur, mais stockée sous forme d’énergie chimique dans certaines des molécules
produites. La question qui se pose est donc : NADH est-il « énergétique » ? Et la réponse est :
oui, dans un milieu oxydant !
En présence de O2 dissous, en effet, NADH peut participer à une réaction
d’oxydoréduction ou réaction redox :
NADH + H+ + 1/2 O2
NAD +
+ H2O.
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Elle est exergonique dans ce sens (∆rG° = -200 kJ. mol-1 environ, calcul infra).
Il faut donc, pour comprendre le processus, se préoccuper maintenant de l’aspect
énergétique des réactions redox.
II.C.1.d. Utilisation de l’énergie stockée sous forme de NADH :
Energétique des redox
Réaction redox = réaction impliquant un changement de degré d’oxydation des
atomes, donc un transfert (au moins partiel) d’électrons. Peut s’écrire comme d’une somme de
deux demi-réactions, chacune correspondant à un couple redox.
Convention : On écrit les demi-réactions dans le sens de la réduction.
ex. Couples Fe3+ / Fe2+
Demi-réactions
Fe3+ + 1e → Fe2+
Cr3+ + 1e → Cr2+
Bilan :
= Fe3+ + 1e → Fe2+
(-1) X
et
Cr3+ / Cr2+
(Cr3+ + 1e → Cr2+)
__________
3+
Fe + Cr2+ → Fe2+ + Cr3+
ex. plus compliqué :
Demi-réactions
+
1/2 O2 + 2 H + 2e → H2O
NAD+ + H+ + 2e → NADH
H
O
C
C
NH2
H H
O
C
C
NH2
N
O
O
O
CH2
+ H+ + 2e-
O
P
H
N
H
H
OH
OH
HO
O
NH2
N
N
O
P
O
O
N
N
CH2
O
H
H
H
OH
HO
OH
NAD+
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NADH
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Bilan :
1/2 O2 + 2 H+ + 2e + NADH
1/2 O2 + NADH + H+
+
NAD+ + H+ + 2e, soit
NAD+
H2O
H2O
+
Dans quel sens ces réactions sont-elles favorisées (∆rG° ) ? Et comment calculer la
force motrice ∆rG dans des conditions données ?
Il s’agit de réactions qui s’accompagnent d’un transfert de charge électrique.
Nous avions étudié jusqu’ici des transformations où la composition chimique du
système était variable, mais pas la charge électrique. On traite ces situations au moyen de la
notion de potentiel chimique :
 ∂G 
µi =  i 
 ∂ni  P,T ,n
,
j ≠ ni
Jusqu’à présent, nous avons systématiquement utilisé l’expression
µ i = µ ¡ i + RTlnCi. Implicitement, cette expression est basée sur une limitation de
l’équation-maîtresse, ne prenant en compte que certaines formes d’énergie :
U = TS — PV + Σµi ni .
Or, cette description est parfois incomplète. En effet, si le système porte une charge
électrique nette, l’énergie totale devra inclure un terme d’énergie électrostatique, laquelle est
proportionnelle à la charge (q, mesuré en Coulombs) et au potentiel électrique (φ, mesuré en
Volts):
U(S,V, ni , q) = TS — PV +Σµi ni + qφ.
La charge électrique totale du système dépend du nombre de moles d’espèces chargées
(cations, anions, électrons libres dans les conducteurs solides), et de la charge portée par
chacune de ces espèces :
q = ∑ n i ( Z i N A e)
i
La quantité NAe, qui représente « une mole de charges électriques », est appelée le
Faraday, et notée F. Elle vaut 96500 Coulomb/mol.
En combinant ces dernières équations, on montre facilement que :
 ∂G 
G' i =  i 
 ∂ni  P,T ,n
µi.
= µ i + Z i Fφ
j ≠ ni
La quantité µi +ZiFφ est appelée « potentiel électrochimique » de l’espèce i et notée
Une demi-réaction peut-elle se produire seule ?
Si on place un conducteur, par exemple un fil de platine, dans une solution contenant
un couple rédox, p.ex. Fe2+ et Fe3+, on a constitué une électrode. Il peut exister une différence
de potentiel électrique entre les deux phases : φPt ≠ φaq (aq = phase aqueuse).
Une demi-réaction rédox peut être initiée à l’interface Pt/solution aqueuse : si on
introduit uniquement des Fe3+, on peut avoir Fe3+ + 1e → Fe2+, où les électrons sont fournis
par le platine. Mais cela s’arrête très vite car le Pt se charge positivement, et donc son
potentiel électrique augmente, s’opposant au transfert d’électrons.
Condition d’équilibre pour ce système : égalité des potentiels électrochimiques :
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µ Fe3+ + µ e = µ Fe2 +
µ ° Fe3+ + RT ln[ Fe 3+ ] + 3Fφ liq + µ * e − Fφ Pt = µ ° Fe2 + + RT ln[ Fe 2 + ] + 2 Fφ liq
[ Fe 3+ ]
⇒ RT ln
= µ ° Fe2 + − µ ° Fe3+ − µ * e − Fφ liq + Fφ Pt
[ Fe 2 + ]
RT [ Fe 3+ ]
⇒ φ Pt − φ liq = cste +
ln
F
[ Fe 2 + ]
La différence de potentiel à l’interface (potentiel d’électrode) dépend des
concentrations en solution .
Définissons un potentiel de référence ∆φ° comme celui qui existe en « conditions
normales » : [Fe3+] = [Fe2+] = 1M. On voit que l’équation ci-dessus se réduit à ∆φ°= cste. On
peut donc réécrire :
RT [ Fe 3+ ]
.
ln
∆φ = ∆φ ° +
F
[ Fe 2 + ]
Potentiel d’électrode et potentiel redox
∆φ, défini au § précédent, n’est pas mesurable : pour mesurer une différence de
potentiel, on utilise un voltmètre ; et pour utiliser un voltmètre, il faudrait fermer le circuit,
donc créer un second contact entre deux phases différentes. Par conséquent, on ne pourrait
mesurer que la somme de deux ∆φ.
On définit donc E°, le potentiel redox standard du couple considéré, comme la
différence entre son ∆φ° et le ∆φ° d’un couple de référence, correspondant à l’électrode
standard à l’hydrogène (ESH) ou électrode normale à l’hydrogène (ENH).
E° = ∆ φ°couple rédox - ∆φ°ESH. Les valeurs de E° pour les différents couples rédox sont
tabulées.
Une ENH est une électrode impliquant le couple :
H++ e → 1/2 H2(gaz),
avec PH2 = 1 bar, [H+] = 1 M, et γH+ = 1 (état de référence de l’échelle concentration molaire).
Comme l’état de référence est un état fictif, une ENH ne peut pas être réalisée au laboratoire,
mais seulement approchée.
Tout comme le potentiel d’électrode, le potentiel redox dépend des concentrations :
RT [ Fe 3+ ]
E = E° +
ln
F
[ Fe 2 + ]
(Loi de Nernst).
Généralisation à un couple quelconque :
Pour a Ox + n e → b Red,
RT
[Ox ] a
.
E = E° +
ln
nF [Re d ] b
NB :1. Les chimistes travaillent de préférence avec le logarithme décimal. Comme ln(x) =
[Ox ] a
τ
2,303...log(x), on écrit souvent E = E° + log
, où τ = 2,303...(RT/F)
n
[Re d ] b
= 0,059 V à T.A.
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2. Si l’on appelle Q le quotient réactionnel de la demi-réaction écrite dans le sens de la
réduction, on peut aussi écrire E = E° −
τ
log Q .
n
Calcul de l’équilibre : sens de déplacement à l’équilibre, valeur de K
Considérons maintenant un système contenant deux couples rédox, p.ex. Fe3+/Fe2+ et Cr3+/Cr2+
E°(Fe3+/Fe2+) = +0,77 V ; E°(Cr3+/Cr2+) = - 0,41 V
On a ∆φ
Fe3 + / 2 +
= ∆φ ° Fe3+ / 2 +
RT [ Fe 3+ ]
RT [Cr 3+ ]
et ∆φ 3 + / 2 + = ∆φ ° 3 + / 2 + +
.
+
ln
ln
Cr
Cr
F
F
[ Fe 2 + ]
[Cr 2 + ]
A l’équilibre, les deux ∆φ sont égaux, donc
∆φ ° Fe3+ / 2 + − ∆φ ° Cr 3+ / 2 +
⇒ F( E°
2+
3+
RT [ Fe ] éq [Cr ] éq
=
ln
F
[ Fe 3+ ] éq [Cr 2 + ] éq
− E° Cr 3+ / 2 + ) = RT ln
[ Fe 2 + ] éq [Cr 3+ ] éq
= RTlnQéq = RTlnK .
[ Fe 3+ ] éq [Cr 2 + ] éq
Comme (E°Fe - E°Cr) = 1,14 V > 0, lnK sera aussi > 0, donc la réaction Fe3+ +
Fe3 + / 2 +
Cr 2+ → Fe2+ + Cr3+ sera déplacée à droite. Fe3+ sera réduit en Fe2+ parce que le couple
correspondant possède le potentiel rédox le plus élevé; Cr2+ sera oxydé en Cr3+ parce que le
couple correspondant possède le potentiel rédox le plus bas.
Les couples ayant des E° élevés (positifs) impliquent des oxydants forts.
Les couples ayant des E° très bas (négatifs) impliquent des réducteurs forts.
On retient souvent la « règle du gamma » :
E°
Fe 3+
Fe 2+
Cr3+
Cr2+
On peut aussi retenir que les électrons “tombent vers le haut” dans une échelle de
potentiels redox. En fait, l’énergie potentielle d’un électron est donnée par q φ = -e φ ;
l’échelle d’énergie potentielle des électrons est donc le négatif de l’échelle de potentiels redox
standard. Cette vision des choses est très utile pour comprendre la photosynthèse, ou la
“cascade électronique” intervenant lors de la phosphorylation oxydative.
Quantitativement, ∆ r G° = − RT ln K = − F ( E° 3 + / 2 + − E° 3 + / 2 + ) .
Fe
Cr
On peut retenir : ∆rG° = -nF∆E° mais attention au sens de calcul de ∆E°!
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E = E° −
τ
log Q .
n
Exemple de calcul énergétique : Pour la réaction d’oxydation de NADH par le dioxygène dissous :
1. Potentiels redox standard à pH7 :
1/2 O2 + 2 H+ + 2e → H2O
E°’
=
+ 0,818 V.
E°’
=
- 0,320 V (à pH 7)
NAD+ + H+ + 2e → NADH
-1
∆rG° = -2F (0,818+0,320V) = -219 kJ.mol à pH 7 (ou d’ailleurs à n’importe quel pH).
La force motrice de cette réaction (∆ rG) dépend bien sûr des concentrations, mais reste
fortement négative.
II.C.1.e. La chaîne électronique et la création d’un gradient de protons
Potentiel de membrane, force protomotrice
La réaction 1/2 O2 + NADH + H+
H2O +
N A D + ne s’effectue pas
directement ; elle n’est que le bilan global d’une succession d’étapes élémentaires (voir Ch. I,
§ I.D.3) consistant chacune en une réaction redox. On peut rationnaliser cette succession
d’étapes d’un point de vue thermodynamique : la transduction de l’enthalpie libre sera
d’autant plus efficace que l’on travaille près de l’équilibre (transformation quasi réversible) ;
plutôt que de réaliser en une fois une réaction ayant une force motrice élevée, il vaut mieux la
« saucissonner » en plusieurs réaction scuccessives ayant chacune un ∆rG moins négatif.
Le NADH va donc réagir comme réducteur (c’est à dire céder des électrons), non pas
avec O2, mais avec un oxydant dont le couple redox se trouve légèrement au-dessus de
NAD+/NADH sur l’échelle des potentiels redox standard . L’espèce réduite ainsi formée va
ensuite céder ses électrons à un second couple, etc., chaque étape étant légèrement favorisée
thermodynamiquement. C’est ce qu’on appelle la cascade électronique :
E°
-0,4
NAD +/NADH
FMN Fe-S/...
pompage 4 H+
P
première phosphorylation
-0,2
0
CoQ/CoQH 2
Cyt.b/...
pompage 4 H+
P
seconde
phosphorylation
0,2
Cyt.c-Fe3+/Cyt.c-Fe 2+
0,4
0,6
0,8
Cyt.a-Cu2+/... pompage 4 H+
Cyt.a3/...
P
troisième
phosphorylation
O2/H 2O
Ce diagramme représente les réactions successives sur une échelle d’enthalpie libre.
D’après la relation ∆rG° = -nF∆E°, l’échelle des potentiels redox standard est en sens opposé de
l’échelle des enthalpies libres standard de réaction, c’est à dire du bas vers le haut . Chaque chute
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d’enthalpie libre de la cascade aboutit au stockage d’une bonne partie de cette enthalpie libre sous
forme d’ATP. C’est ce qu’on appelle la phosphorylation oxydative.
Le mécanisme de cette phosphorylation est très ingénieux. Les systèmes redox successifs
sont associés à des complexes protéiques enchâssés dans la membrane interne de la mitochondrie,
qui est une membrane semi-perméable (M.S.P.). Le fonctionnement de ces complexes protéiques
est tel que le flux d’électrons lors des étapes redox successives est couplé à un pompage actif de
protons dans l’espace intermembranaire (une dizaine par molécule de NADH oxydée):
Ce pompage de protons est un transport actif, car il s’accompagne d’une augmentation de
l’enthalpie libre : l’espace intermembranaire est déjà riche en protons, donc le sens spontané de
diffusion serait opposé. Il s’accopagne d’autre part de la création d’un gradient de potentiel
électrique entre la matrice mitochondriale et l’espace intermembranaire car les protons sont des
espèces chargées . On parle aussi de potentiel de membrane ∆φ = (φmatrice - φinter) < 0.
Ce problème fait donc appel à la notion de potentiel électrochimique, comme dans le cas
des réactions redox (§ précédent).
Dans l’espace intermembranaire, le potentiel électrochimique des protons sera :
µ inter = µ ° + RT ln[ H + ]inter + Fφ inter ,
et dans la matrice :
µ matrice = µ ° + RT ln[ H + ]matrice + Fφ matrice .
La différence de potentiel électrochimique créera une force motrice pour le transfert de
protons, dans le sens (espace intermembranaire → matrice), dont la valeur sera :
∆rGm = ∆µ = µ matrice − µ inter
[ H + ]matrice
= RT ln
+ F(φ matrice − φ inter ) .
[ H + ]inter
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Il est fréquent de donner plutôt ce qu’on appelle, par abus de langage, la « force
protomotrice » ∆p, qui fait le lien avec la mesure d’acidité usuelle, le pH (-log[H+], cf. Ch. IV) :
RT
∆pH . On voit qu’on exprime alors la force motrice thermodynamique ∆rGm
F
comme ∆rGm = - F ∆p. Dans les conditions physiologiques, elle est de l’ordre de –20 à -24 kJ.
∆p = ∆φ − 2, 3
mol-1 de protons.
II.C.1.f. Etape finale : utilisation du gradient protonique
Au terme de la « cascade électronique », une partie de l’enthalpie libre initiale est donc
stockée sous forme d’un gradient de protons. Il ne se résorbe pas spontanément parce que la
membrane mitochondriale est normalement imperméable aux protons (§ II.A.3) : la diffusion de
ceux-ci vers la matrice est favorisée thermodynamiquement, possédant même une force motrice
assez élevée, mais ne peut se réaliser à cause d’une barrière d’énergie.
Par contre, à certains endroits de la membrane se trouvent insérées des molécules d’une
protéine particulière, l’ATP-synthase transportant des protons ; cette molécule possède un canal
central le long duquel les protons peuvent diffuser, et ce faisant ils déclenchent la synthèse d’ATP à
partir d’ADP + Pi (environ 3 pour 10 protons).
Le résultat final des processus qui se déroulent dans la mitochondrie est donc de dégager un
grand nombre de molécules d’ATP, qui emportent une grande partie de l’enthalpie libre contenue,
au départ, dans le système glucose + O2. L’ensemble du processus est très efficace puisqu’il a un
rendement de 50 à 60% (env. 32 moles d’ATP formées par mole de glucose réagie).
II.C.2 La photosynthèse
Les détails du processus de photosynthèse seront traités dans des cours plus spécialisés
(biochimie, bioénergétique, physiologie). Plusieurs mécanismes sont d’ailleurs communs avec la
respiration aérobie.
Mais le point de départ de la photosynthèse est complètement différent, puisque l’énergie
n’est pas prise à un mélange réactionnel, mais « fixée » à partir du rayonnement lumineux. Les
systèmes capables de réaliser cette fixation sont des ensembles de protéines, de pigments
(chlorophylle) et d’autres molécules (quinones) qu’on appelle les photosystèmes, et qui sont
insérées dans la membrane d’organelles spécialisées, les chloroplastes.
Le centre réactionnel P680 est impliqué dans un couple redox (P680+/P680) de potentiel redox
standard élevé. Sous sa forme oxydée, il est capable d’oxyder l’eau en 2 H+ + 1/2 O2. L’action de la
lumière est la suivante :
• un photon d’énergie appropriée excite un électron du P680, au point qu’il va se séparer du
centre réactionnel,
• le P680+ ainsi formé est retransformé en P680 par une réaction redox avec l’eau, formant des
protons,
• quant à l’électron, il est capté par une molécule de phéophytine voisine, générant ainsi un
réducteur fort,
• à partir de ce moment, l’électron passe successivement par une série de couples redox, dans
un processus semblable à la cascade électronique de la repsiration ; certaines étapes peuvent
aboutir à la formation d’un gradient de protons transmembranaire,
• L’électron finit sa chute énergétique sur le centre réactionnel de l’autre photosystème,
appelé P700. Là, il est excité par un second photon et une autre cascade électronique
commence
• Elle se termine normalement par la formation d’un réducteur assez fort, le NADPH
(structure voisine du NADH).
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-1,4
-1,2
E
(V)
P700*
A0
-1,0
Quinone (A1 )
P680*
-0,8
Fx
Phéophytine
Ferrédoxine
-0,6
NADPH
Plastoquinone
-0,4
NADP +
-0,2
QH2
0
gradient
H+
Complexe
cytochrome bf
0,2
Photosystème I
Plastocyanine
0,4
P700
0,6
0,8
1,0
H2O
P680
Photosystème II
A l’issue de cette série de réactions, on a donc formé :
a) un gradient de protons, qui sera utilisé pour former de l’ATP (cf. supra).
b) Un réservoir de molécules fortement réductrices, les NADPH.
La façon dont la plante photosynthétique valorise ces deux sources d’énergie est de les
utiliser pour la fixation du CO2 atmosphérique sous forme de glucose, au moyen de ce qu’on appelle
le cycle de Calvin. Le pouvoir réducteur du NADPH est directement valorisé dans la réduction du
CO2.
Il est intéressant de remarquer qu’on peut représenter l’énergie d’un photon sur une échelle
commensurable à celle des potentiels redox. En effet, un photon d’une longueur d’onde λ = 730 nm
(rouge) correspond à un nombre d’ondes ν = 13706 cm-1, c’est à dire à une énergie E = hcν =
2,72*10-19 J, ou encore 1,6 eV. Son absorption peut donc promouvoir un électron de 1,6V sur une
échelle de potentiel redox.
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II.C.3 La contraction musculaire
Il ne s’agit plus ici d’un mécanisme permettant le stockage de l’énergie venant de sources
externes, mais au contraire d’un mécanisme d’utilisation de l’énergie stockée, qui est transformée
en travail (dû au mouvement cohérent d’une fibre musculaire).
L’énergie utilisée est stockée dans le muscle sous forme d’ATP, mais aussi dans le réticulum
sarcoplasmique sous forme d’un gradient de concentration, cette fois en ions calcium (Ca2+). La
concentration en calcium dans le tissu musculaire est de l’ordre de 10-7 M au repos, tandis que dans
les vésicules du réticulum sarcoplasmique elle est beaucoup plus élevée (10-3 M). L’arrivée d’un
influx nerveux (potentiel électrique) déclenche l’ouverture de canaux calciques déclenchés par le
potentiel. Les ions calcium migrent donc spontanément hors du réticulum (« pulse calcium », cf.
§II.A.3) et rencontrent alors les protéines spécifiques des fibres musculaires : l’actine et la myosine.
Ces deux protéines forment dans les tissus musculaires des filaments juxtaposés en
alternance :
Filaments
d actine
Filaments
de myosine
Mol cule
de myosine
Or, la structure moléculaire des deux protéines est telle que les « têtes » de la myosine
peuvent se lier aux monomères d’actine, mais le site de liaison sur l’actine est bloqué quand le
muscle est au repos. Par contre, l’arrivée des ions Ca2+ lors du « pulse calcium » modifie la
conformation de ces sites de sorte que la liaison devient possible.
Un mécanisme moléculaire cause alors la décomposition d’une molécule d’ATP en ADP +
Pi, accompagnée d’un « coup d’aviron » de la tête de myosine qui cause un glissement des deux
fibres l’une le long de l’autre. Au niveau macroscopique, le muscle se contracte.
L’essentiel de l’enthalpie libre nécessaire à ce travail de contraction a été fourni par la
décomposition de l’ATP. Mais pour que le processus ne se déclenche pas de façon anarchique, il
doit obéir à un signal. La transmission de ce signal est permis par le gradient d’ions Ca2+, réservoir
d’enthalpie libre moins important quantitativement mais indispensable au bon fonctionnement du
processus.
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