Santo Domingo de la Calzada et son Parador [brochure]

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Santo Domingo de la Calzada et son Parador [brochure]
Gotha De Vins Et De
Chemins
“Santo Domingo, bien qu’un peu loin de l’Èbre, est
de la Rioja à l’état pur, sèche sans aridité, amène et
juteuse sans renoncer au ciel dégagé et à l’horizon
ouvert. Dionisio Ridruejo”.
ANTO DOMINGO
SDE
LA CALZADA
Et son Paradores
Dionisio Ridruejo
S
anto Domingo, bien qu’un peu loin de l’Èbre, est de la Rioja à
l’état pur, sèche sans aridité, amène et juteuse sans renoncer au
ciel dégagé et à l’horizon ouvert. Dionisio Ridruejo.
À la fin du mésozoïque, les plaques ibérique et européenne se sont heurtées,
l’eau de la mer s’écoula par les versants et les plis nus, faisant surface,
devinrent les cordillères pyrénéenne, ibérique et côtière catalane. Entre les
flancs de ces trois montagnes, isolée des mers, après avoir reçu pendant des
millions d'années les sédiments des chaînes naissantes, prit forme la
dépression de l'Èbre, siège de La Rioja. Le pic de San Lorenzo est le plus
haut survivant de cette virulence tectonique. Dans son giron, au-dessus de
la sierra de La Demanda, sourd l’Oja qui, pour nourrir le plus puissant
fleuve d’Espagne, l’Èbre, traverse Ezcaray, Santo Domingo de la Calzada,
et baptise au passage, de son eau douce, la région du vin rouge : Río Oja
(fleuve Oja).
Les vallées primitives de ces terres furent habitées par des dinosaures, par
des mammouths, par des hommes. Peña Miel arbore l’honneur d’être la
première caverne paléolithique creusée de la péninsule ibérique, avant
même Altamira. La rivière Iregua descend l’une des sept vallées qui partent
de la Cordillère Ibérique. Elle s’encaisse, ouvre des bouches dans la masse
karstique sur sa rive droite ; Peña Miel en est une. Les fouilles
commencèrent en 1866, sous la coordination du pionnier Eduard Lartet.
Toutefois, la première présence humaine documentée dans la région se situe
sur les terrasses du Najerilla, il y a deux cent mille ans. Les restes
coïncident avec la glaciation de Riss-Würm et correspondent à la culture
achélienne. Certains archéologues soutiennent que ces premiers habitants de
La Rioja appartenaient au même type humain enterré dans la fosse aux os
d’Atapuerca qui, comme l’on sait, possédait un volume cérébral de 1 200
cm3 et utilisait le feu.
Les Néanderthaliens succédèrent à l’Homo erectus, et la culture
moustérienne à l’acheuléenne. Pendant les 40 000 années qui suivirent les
coutumes de ce nouveau groupe humain ne changèrent guère : mêmes
outils, même régime médiocre fondé sur la chasse opportuniste, les
charognes et la cueillette réalisée par les enfants et les femmes. La grotte de
Peña Miel fait état aussi de l’avènement d’un ancêtre plus proche de
l’Homme, l’homme de Cro-Magnon ; un hôte nettement plus remuant, qui
en plus de fabriquer des armes en os et en corme inaugure l’humanité
proprement dite, en créant l’art. Un homme dont les mains, écrit Ortega, «
travaillent les ténèbres » et auquel l’art parvient « comme une révélation,
comme un bison. »
À La Rioja, la Sierra de Cameros accumule sur ses terres le plus grand
ensemble de dolmens de cette communauté autonome. Les deux ensembles
lithiques les mieux conservés et dont la visite est le mieux signalisée sont
ceux de Collado de El Mallo et de La Cascaja, à Peciña. Ceux-ci, ainsi que
les autres monuments funéraires érigés au début de l’âge des métaux,
témoignent déjà d’une société plus nombreuse et plus organisée.
SANTO DOMINGO DE LA CALZADA ET SON PARADORES
1
Celtes, Romains, Goths
M
ille ans avant Jésus Christ, les Berons, Pelendons, Autrigones,
Arévaques et autres peuples celtes peuplent la géographie
diverse de la région. La vallée de l’Èbre est le domaine des Berons, tandis
que les montagnes hébergent les Pelendons. À Haro et à Ezcaray.
Tel est le contexte que découvrent les Romains. L’expansion de leur culture
est rapide, une fois terminée la guerre numantine, à partir de 133 av. J.C.
Sans le front celtibère, le territoire de La Rioja devient une partie, et passe
sous la tutelle, de la province Citerior. Ce n’est que dans les vallées de
Cidacos, de Leza, d'Iregua, de Jubera et de Najerilla que de petites
communautés de bergers, protégées par les montagnes, continuent à vivre
selon leurs anciennes coutumes jusqu’au Ier siècle apr. J.C.
La romanisation a tôt fait de transformer la ville de Calgurris (aujourd’hui
Calahorra), qui obtient son statut municipal en 30 av. J.C. grâce auquel
elle devient le véritable centre de la vallée de l’Èbre. L’indication d'origine
Un siècle plus tard les choses commencent à changer ; Tritium Magallum
prend son envol. Nous pouvons en esquisser une analyse sociale précise,
grâce à l’abondance des documents archéologiques et épigraphiques. Il
s’agit de la Tritium du IIe siècle apr. J.C., un centre prééminent de
production de poterie et l’un des principaux de l’occident latin qui exporte
sa terre sigillée jusqu’au nord de l’Afrique. En dehors des ateliers de
poterie et de la société qui prospéra autour d’eux, un fait capital pour le
rapide développement de la ville fut sans doute l’arrivée jusque là de la via
galiana, depuis Roncevaux et Pampelune, qui ouvrit le passage aux
influences gauloises et facilita l’expédition des marchandises. La terra
sigillata de Tritium, fort appréciée, put ainsi être exportée jusqu’au nord
de l’Afrique.
À l’époque de Néron le christianisme exalte déjà ses propres saints sur le
territoire de La Rioja : Saint Emeterius et Saint Celedonius, honorés à
Calahorra depuis le IIIe siècle en leur qualité de martyrs et de soldats du
Christ. Peut-être sont-ils à l’origine de la fondation de la cathédrale de la
ville, encore qu’on ne puisse le prouver car, comme le dit le poème de
Prudence : « Le blasphémateur et persécuteur (Dioclétien) nous a arraché
il y a longtemps les Actes pour que les siècles ne répandent pas dans les
oreilles de ceux à venir, par leurs douces langues, l’ordre, le temps et le
mode indiqué du martyre. » Sur le champ de bataille, les peuples du nord
conquièrent à sang et à feu les terres des Rucons d’abord, en 572, puis la
Cantabrie deux ans plus tard. Battre les Celtes des sierras fut plus difficile,
si l’on en croit le Cronicón Emilianense, qui situe en 612 la date où «
Sisebut humilia les Rucons qui le défiaient dans les montagnes. »
La sainteté précoce d’Emeterius et Celedonius serait, d’après des
spécialistes laïcs, en rapport direct avec les Dioscures, frères mythologiques
de la tradition grecque, fils de Zeus et de Léda, représentés, suivant la
croyance romaine, dans la constellation des Gémeaux : une tradition
ancestrale qui fut adaptée par le christianisme et qui, surtout au cours des
premiers siècles de notre ère, donna lieu à plus d’une paire de saints (Just
et Pasteur, Côme et Damien, Facond et Primitif, Nunilone et Élodie, etc.).
Apparition De Saint
Jacques Et Autres Batailles
L
Kalakoricos figurait sur les premières pièces frappées dans cette ville. Le
cavalier ibérique campa sur six séries d’argent, sa lance transperçant le
levant, jusqu’au-delà des vallées à l’époque sertorienne. On battit
monnaie à Alfaro également, sans doute pour fêter l'acquisition du
privilège municipal, aux dépens de Tibère qui, comme Auguste, s’occupa
des infrastructures, des campagnes et du commerce. Le cavalier a déjà
quitté la face de la monnaie, sur l’argent de laquelle le coin fait se dresser
fièrement, comme dans l’arène, le taureau.
La réceptivité envers l’influence latine est bien moindre dans l’occident de
la Rioja, territoire des Berons, où les Romains se contentent d’encaisser le
stipendium. À en croire Pline, nous devrions inclure ici Libia, Vareia et
Tritium Magallum.
es avant-gardes arabes et berbères prennent la vallée de l’Èbre
en 714. Elles passent immédiatement de l’autre côté des
Pyrénées, mais perdent Pampelune qui est récupérée pour la Chrétienté en
799. C’est alors que le rôle des Muladis devient prépondérant. Le
troisième émir de Cordoue, inquiet de l’avancée des Chrétiens dans la
marche supérieure, confie aux lignages muladis la tâche de reconstruire la
médina de Tudèle. La population muladie est majoritaire par rapport aux
Arabes et aux Berbères ; leur autorité sur la vallée de l’Èbre et la frontière
occidentale et centrale se prolonge jusqu’au Xe siècle.
À l’époque déjà, sur ces terres dominées de La Rioja, « on produit des
céréales en abondance, de riches fruits, et il y a d’excellents pâturages »,
comme l’indique Al-Razi. Les petites koras entourent dans la vallée de
l’Èbre une contrée dont les districts ont pour chefs-lieux les capitales de
Nájera, Viguera, Calahorra et Arnedo y Alfaro qui, avec Cervera et
Aguilar, conservent les plus importants restes monumentaux mozarabes
de la région.
SANTO DOMINGO DE LA CALZADA ET SON PARADORES
2
Parador de Santo Domingo de la Calzada
Le triomphe de la chrétienté trouva en ces lieux un appui symbolique
décisif dans la bataille de Clavijo qui, selon la légende, mit face à face
Ramiro Ier de Léon contre les troupes infidèles en 844 au mont Lanturce,
à un peu plus de 20 km de Logroño et, qui plus est, interrompit l’éternel
repos de l’apôtre Saint Jacques qui, depuis lors, monté sur son cheval
blanc, deviendra un matamore allié des croisés. La gravité de l’injustice
l’exigeait (selon les chroniques exaltées de l’époque) car, si le monarque
était en lice, c’était à cause de son refus de payer le tribut bestial imposé
par l’ennemi, qui consistait à lui livrer cent jeunes vierges.
“Un homme dit qu’il a vu Saint Jacques
devant une troupe de deux cents guerriers ;
ils allaient tous couverts de lumières
enguirlandés de verts scintillements,
et le cheval que Saint Jacques éperonnait
était un astre aux éclats aveuglants...”
Telle fut l’apparition de Saint Jacques d’après le poème de Lorca. Les
historiens semblent coïncider actuellement sur le fait que les 70 000
Maures tués à Clavijo sont une légende, et que les faits se passèrent au
mont Laturce, les adversaires étant Ordogne I et Bani Qasi Moussa. Cette
première apparition historique de l’apôtre fut suivie d’autres, toujours à
l’appui de la cause, revitalisant la rage chrétienne et le pèlerinage sur son
chemin.
Appels À L’ordre
Monastique
ur le crépuscule de son règne, l’énergique Ordogne II,
infatigable, « fort prudent à la guerre et très miséricordieux avec
les citoyens » selon la chronique post-Albeldense, se lance sur La
Rioja et prend Nájera en même temps que Sancho Garcés s'installe à
Viguera.
Les décennies suivantes sont celles du repeuplement, qui inséminèrent
dans la population mozarabe autochtone des meutes de Navarrais et de
gens d'Álava. L’action monastique, décisive sur ce point, provoque
l’expansion à partir des paroisses, parmi les régions qui les entourent, de
S
la nouvelle chrétienté. San Millán de la Cogolla, par exemple, repeupla la
vallée de la Najerilla. Dès lors, et pour un temps limité, les langues parlées
en ces lieux furent aussi bien le roman que le basque. Nous en trouvons la
preuve dans les noms des localités Herramélluri, Ezcaray, Ollauri,
Zalduendo ou Cihuri et, bien sûr, dans les Gloses Émiliennes, par
lesquelles les moines apportèrent plus de clarté aux codex latins et qui
furent l'origine du castillan écrit. Ce fait passa inaperçu pendant près de
mille ans jusqu’à ce que, en 1911, transcrites et envoyées à Menéndez
Pidal, les gloses acquièrent le caractère de jalon qu’elles méritent.
La cour de Pampelune s’est déplacée à Nájera. Là, Sanche III bat la
première monnaie des royaumes chrétiens. C’est du moins ce que l’on dit...
Certains experts numismates attribuent en effet ces premières pièces de
monnaie à Alphonse VII, en se fondant sur l’inscription « Imperator »,
utilisée par les rois de Léon, et à la tenue, caractéristique du début de ce
siècle. « García el de Nájera », successeur de Sanche III, fonde le
monastère de Santa María la Real (Sainte Marie la royale). Les croix
semées dans la vallée font place aux épées, dont celle du Cid,
particulièrement destructrice, qui fait des ravages en passant par La Rioja
dans la lutte contre García Ordóñez, allié d’Alphonse VI qui, vers cette
époque, octroie des privilèges à Santo Domingo de la Calzada. Le bourg,
surgi, comme son nom l’indique, en bordure d’un chemin qui
communiquait avec le Chemin de Saint-Jacques, retint l’attention du roi
qui saisit tout de suite l’importance du Chemin comme voie de «
castillanisation ». Le chemin accédait à la péninsule ibérique par
Roncevaux, allait jusqu’à Pampelune et se joignait à d’autres pistes à
Puentelarreina. Il continuait ensuite vers Logroño, Nájera, Tirgo, Cerezo et
La Bureba. La bourgade de Santo Domingo surgit à cause du raccourci,
spontanément emprunté par les pèlerins, par Belorado et Burgos. C’est ici
qu’intervient le célèbre Santo Domingo (Saint Dominique), formé dans le
proche monastère de San Millán, qui s’applique à la mission de faciliter le
passage et de prêter service aux pèlerins. À lui le mérite de la construction
d’un pont sur l’Oja, d’une chapelle dédiée à Sainte Marie, d’un hôpital et
d’une auberge pour les pèlerins, actuellement un Parador national.
L’exemple de Saint Dominique fait école, se propage, éclaire d’une
nouvelle lumière les vieilles pierres (San Millán de la Cogolla), ainsi que
les nouvelles pierres de Bañares, de Tirgo et de Canales de la Sierra. Des
artisans francs et juifs s’établissent le long de la route ainsi ouverte. C’est
SANTO DOMINGO DE LA CALZADA ET SON PARADORES
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un temps d’intense activité commerciale et de grande vitalité économique,
sociale et culturelle. Depuis les monastères on stimule les techniques de la
miniature, de la taille du bois, l'architecture et l'écriture. Une région
épanouie que les rois aragonais, castillans et navarrais se disputent.
L’unification introduite par les Rois Catholiques bénéficie les villages de
la Sierra de la Demanda, dont les troupeaux donnent lieu aux filatures et
autres commerces répondant à l’énorme demande de laine mérinos. À
cette nouvelle période de prospérité correspondent les constructions tardogothiques et renaissance dont les meilleurs exemples sont sans doute le
cloître de Santa María de Nájera, la cathédrale de Calahorra, l’église de
Santo Tomás de Haro, le monastère de Cañas et, bien sûr, les chapelles et
les nefs de notre Santo Domingo de la Calzada.
Convento
de San Francisco
Visita A La Ciudad
De Santo Domingo
De La Calzada
anto Domingo a le privilège insolite d’héberger dans sa trame
urbaine deux Paradores Nacionales qui rivalisent de valeur
architecturale. Celui de Santo Domingo, près de la Cathédrale,
est le plus ancien, fondé il y a une quarantaine d’années dans le bâtiment
que le saint fit construire comme un abri pour les pèlerins. Comme
pourront observer nos hôtes, nos convives et même les visiteurs curieux,
c’est un bâtiment exceptionnellement grandiose, avec ses salons royaux et
ses admirables arcs gothiques. Le Parador de Santo Domingo Bernardo de
la Fresneda, à 800 m à peine de son établissement frère, de l’autre côté
du Paseo del Espolón, a pour siège le pavillon d’hôtes du couvent de
Saint-François, reconstruit rien de moins que par Juan de Herrera luimême en 1595. Outre ses chambres parfaitement équipées et meublées, le
bâtiment conserve son église et un musée-atelier. Le nom du restaurant
est éloquent : « El Recreo » (la récréation), et vient du fait qu’il se trouve
dans la cour où les moines faisaient leur promenade.
S
Parador de Santo
Domingo de la Calzada
Les Succés De La Vigne
e même que les gens de la Méditerranée sortirent de la barbarie
glaciaire vers la culture de l’olivier et de la vigne, comme nous
le raconte Thucydide, c’est le vin qui transporte La Rioja du
Moyen Âge aux Temps Modernes. Les récoltes monastiques de crus encore
ligneux produits tout au long du Moyen Âge grandissent en volume et en
qualité à partir du XVIIe siècle. Un siècle plus tard naissent la Société
économique royale de Récolteurs de la Rioja castillane et le Conseil de
Récolteurs de Vin de la Ville de Logroño, ce qui fonde les bases de la
reconversion qui aboutira à la situation actuelle, de leadership mondial,
dont peut se vanter la région dans le marché du vin.
D
Les succès de la vigne ravivent l’agriculture qui, à partir du XIXe siècle,
repart de plus belle. Le chemin de fer stimule les échanges et le commerce
avec l’industrieux Pays Basque, tandis que Logroño se consolide comme
capitale administrative.
Cette bourgade de Santo Domingo, de nos jours modestement peuplée, est
un lieu de miracles et de pèlerins. C’est à la faucille du célèbre saint que
nous devons, selon la légende, l’exploit héroïque de sa fondation, car c’est
avec la seule aide de sa lame ébréchée que Dominique déblaya les
chênaies qui barraient la chaussée. Une fois ouvert le passage vers
Compostelle, il n'y avait plus qu’à ajuster des pierres de taille pour abriter
et accueillir les pèlerins. Le touriste est donc depuis toujours le fils
adoptif de ce village. De l’autre côté du paseo del Espolón se trouve le
gros de cette agglomération historique qui a accueilli tant de voyageurs.
SANTO DOMINGO DE LA CALZADA ET SON PARADORES
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En marchant en ligne droite par la Calle de San Francisco nous atteignons
les restes de la muraille construite sous Pierre Ier de Castille.
Parador de Santo Domingo
Bernardo de Fresneda
La Castille et la Navarre briguaient toutes deux la ville pour leur
couronne, mais ce n’est pas cela qui incita Pierre le Cruel à la cuirasser
d’un épais mur de pierre gardé par trente-huit bastions ; ce fut le saint
défunt, qui lui envoya un brouillard aveuglant pour le faire réfléchir et
comprendre la nécessité péremptoire de remplacer les clôtures de pierres et
de mortier par une véritable et solide muraille. Là encore, la tradition
attribue au fondateur le mérite du progrès urbain du bourg. Et c’est ainsi
qu’en 1369, par ordre de Pierre le Cruel, s’achevait à Santo Domingo la
construction d’une muraille de près de deux mètres d’épaisseur, jalonnée
de trente-huit bastions et percée de sept portes. C’est de cette époque que
datent les ruines visibles aujourd’hui. Quelques autres restes des vétustes
courtines permettent d’établir le périmètre des défenses, mais c'est dans ce
secteur-ci que se dressent encore les bastions les mieux conservés.
Grands Autels
ous entrons par une des deux portes, à l’orient, qui permettaient
le passage, ce qui nous mène par la Calle Mayor (grand-rue)
vers le centre du noyau historique. Cette rue prolongeait la
route de l’hôpital (aujourd’hui devenu le Parador de Santo Domingo).
Vers 1162, la fondation de l'église et de la chapelle attire à proximité ce
qui deviendra l’embryon du Barrio Nuevo (quartier neuf), planifié par le
Maître Garçión cum sua pértica, relié au Barrio Viejo (vieux quartier) par
la Calle Mayor que nous suivons en ce moment. On aperçoit au fond le
clocher de la cathédrale et en chemin, sur la droite, à l’ancienne auberge
des pèlerins, la niche du saint taillé dans la pierre signalant, à en croire la
fable, la maison du Corregidor où se produisit le miracle de la poule (qui,
déjà rôtie, chantait encore...). Un peu plus avant, sur le même trottoir, le
palais de l'évêque Martín Manso de Zúñiga. Et en face, une nouvelle
auberge de pèlerins située dans le couvent de Nuestra Señora de la
Encarnación (Notre Dame de l’Incarnation) des sœurs bernardines.
N
Sur les fondations de la modeste église, favorisée par le saint, la
cathédrale révèle certains des traits romans qui marquèrent sa
construction initiale en 1158. Les trois nefs gothiques ne furent ajoutées
qu'à la fin du XIVe. Une réforme fut faite pendant la Renaissance, dont le
presbytère et la croisée du transept gardent la trace, et un dernier
ouvrage, au XVIIIe, dressa la façade et la tour baroque. Mais voyons cela
en détail, car pour beaucoup ce temple est le plus grand trésor de La
Rioja. De l’église romane on conserve l’abside, qui suffit pour se faire une
idée, à en croire notre architecte et humaniste Chueca Goitía, de
l’extraordinaire monument qu'elle aurait été si on l'avait achevée. «
L’abside est extraordinaire – déclare Dionisio Ridruejo – et ses modillons
sont d’une fantaisie et d’une perfection dans le travail de la pierre qui
attestent de l’adresse des tailleurs employés dans le cycle du pèlerinage et
dont les plus grandes œuvres sont à Toulouse, à Clermont-Ferrand et à
Compostelle. La sculpture de la chapelle absidale est également
comparable en qualité à celle de Compostelle. » Santo Domingo possède
trois reliefs romans, évidemment plus primitifs, dans l’arrière-autel.
et exécuté par Rasines. Sous le petit temple au goût gothique, les traits
romans de la statue funéraire se trouvent emphatisés. On y accède par un
escalier qui s’ouvre devant l'urne, doté de grilles et de ciels peints, près des
poules qui remémorent le très populaire miracle de Saint Dominique.
Avant de quitter le temple, il faut aller voir le cloître, originellement
construit au XIVe et reconstruit au siècle suivant. Là, dans la salle
capitulaire et à la sacristie, on peut contempler d’importantes œuvres de la
Renaissance.
La Calle Mayor continue, et nous offre d’autres bâtiments à voir : dans le
premier, appelé maison des Trastámara, on reconnaît malgré les
nombreuses rénovations le charme de son architecture civile gothique
d’origine. C’est ici que mourut – le fait est prouvé, ce n’est pas une légende
– Henri II de Trastámara, le 30 mai 1379. Son arc brisé, flanqué de
blasons, s’ouvre sur la bibliothèque et l’office municipal du tourisme, le
lieu le plus indiqué pour décider de la suite. Avant de s'aventurer sur les
terres de La Rioja, le voyageur ne manquera pas d'aller admirer le pont
sur l'Oja construit sous les auspices de Saint Dominique et, s’il lui plait de
marcher, de s’engager dans un de ses paseos (promenades), celle de Los
Molinos (les moulins), de La Carrera (la course), d’El Espolón (l’éperon ou
l’ergot) ou de Pata de Gallina (pied de poule).
Superbe, l’ensemble de stalles plateresques du chœur qui occupe la nef
principale. Parmi les chapelles on remarquera celle de Saint Thérèse, avec
une Vierge au lait en bois sculpté, la patronne du retable flamand, la
chapelle de la Madeleine dont la grille est magnifique, celle de Saint
Pierre et celle du Saint Christ. La place d’honneur est pour le saint, dont
le sépulcre est rehaussé d’un mausolée conçu par Philippe de Bourgogne
SANTO DOMINGO DE LA CALZADA ET SON PARADORES
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Chemins De Vin Et Pierre
Parador de Santo Domingo
Bernardo de Fresneda
P
armi les multiples charmes qu’offre La Rioja a qui voudra y
errer, la route du vin est sans doute d’un attrait majeur. Les
nombreuses caves, vignobles et tavernes proposent différents circuits dans
plusieurs directions. Un itinéraire très fréquenté est celui qui va de Santo
Domingo à La Rioja Baja par Logroño et Calahorra. La tournée que nous
suggérons consiste à découvrir tant le paysage des vignobles que celui des
villages qu’ils bordent, tant les transparences de la campagne que celles
des absides. Laissons La Rioja Baja pour un prochain jour et mettons cap
au nord.
Nous voulons atteindre le petit bourg de Peciña pour visiter son dolmen.
Pour cela, la meilleure route est la LR111 en direction de Haro, qui passe
par Casalarreina (qui outre ses très beaux parcs et son bon nombre de
palais, compte à son avoir un monument historique et artistique). La
localité, d’un millier d’habitants, accueillit Jeanne la Folle en 1511 et lui
doit d’avoir changé son nom d’origine porté pendant plus de deux siècles
(Nahauri) par celui de Casalarreina (Maison-la-Reine). Le palais de
Pobes, celui des connétables et le collège de Saint Nicolas sont ses trois
meilleurs exemples d’architecture civile du XVIIe-XVIIIe. Elle conserve
une chapelle, l’Ermita de San Román, avec une abside romane, et un
pont du XIXe qui est tout un symbole du progrès œnologique de la région
car il fut financé par la Real Sociedad Económica (société économique
royale) de La Rioja ; mais le principal joyau du lieu est le couvent des
Dominicaines, du début du XVIe. Un magnifique ensemble gothique, à
la cour entourée de portiques reliant le couvent et la sacristie. La façade
de son église paroissiale est plateresque, et le retable principal, baroque.
Revenus sur la route et avant de nous interner dans la capitale du vin,
nous pouvons si le cœur nous en dit faire le détour de Cihuri, par une
petite route qui débouche tout de suite sur la LR202, laquelle nous
emmènera droit sur Haro. Ce que Cihuri nous donne à voir est un pont
romain à trois arches, vraiment très beau et en bon état, une ancienne
maison seigneuriale du XVIIe que les gens appellent El Priorato (le
priorat), œuvre probablement du tailleur de pierre Pedro de Palacio, et la
sublime campagne de vignobles, avec au fond les monts Obarenes.
Au Dolmen,
En Passant Par Haro
H
aro, destination incontournable de toute croisière parmi les vins
de La Rioja, est bien une ville seigneuriale qui dépasse déjà 10
000 habitants. Son ancienneté remonte à l’époque celtique, quand les
Berons habitaient ces lieux et fondèrent probablement la ville, mais elle
prend son relief historique lorsque Alphonse VIII de Castille lui octroie
son statut et ses privilèges. Le coup de pouce final pour devenir un
moteur vinicole lui vint en partie des plaies dévastatrices qui, à la fin du
XIXe, ravagèrent les vignobles du Midi de la France. Et c’est ici que le
vin, apprécié de par le monde, nous amène. Sa science et son mystère
nous sont dévoilés dans le musée du vin de La Rioja, installé dans le
bâtiment de la station œnologique de Haro (rue Bretón de los Herreros nº
4) et dans ses caves, qui offrent toutes des visites guidées (Bilbaínas, rue
Barrio de la Estación nº 3 ; Bodegas Carlos Serres S.A., avenue de Santo
Domingo nº 40 ; Bodegas Rioja Santiago S.A., avenue Costa del Vino,
ss/nº ; Muga, rue Barrio de la Estación.). Une fois rassasiés de culture
œnologique, profitons de la ville.
Les bâtiments de plus belle allure de Haro se trouvent aux alentours de
la Plaza de La Paz, à l’extrémité opposée du Barrio de la Estación
(quartier de la gare). « La pierre de la ville – dit Ridruejo – est, comme
dans toute La Rioja, très brune et dorée. » Certains affirment que cette
ville érigea ses premières demeures sur les fondations de pierre romaines
du Castellum Bilibium, des monts Obarenes. Sur la place en question se
trouvent réunis l'hôtel de ville, imposant bâtiment néoclassique, le kiosque
à musique et le palais de Paternita, situé derrière, qui arbore une
intéressante façade renaissance, ou plateresque si l’on préfère. En
continuant dans la même direction, vers la rivière, nous tombons sur le
mal nommé palais des comtes de Haro, une construction baroque qui sert
de maison de la culture, et en diagonale de ce palais l'église de Saint
Thomas. Parmi les heureuses vertus de ce temple, la préciosité de sa
façade, due à Felipe Bigarny, dépasse les autres ; elle est entièrement
travaillée comme un retable, son portail est à double arche et l’attique est
ravissant. Au voyageur de découvrir les autres joyaux qu’enferme
l’intérieur de l’église, puis de flâner encore un peu dans ces rues de Haro.
Le feu d’artifice final n’est qu'à quelques minutes. Plusieurs chemins
sont possibles, le moins alambiqué consistant à prendre la nationale 232
vers Logroño puis la déviation à gauche à Briones. Ayant traversé l’Èbre à
San Vicente de la Sonsierra, roulons encore quelques kilomètres par la LR
317 jusqu’à Peciña. Le dolmen de La Cascaja, à 500 m de ce village,
possède une chambre polygonale dallée de grès et un couloir qui se
prolonge jusqu’au bord du tumulus, divisé en deux compartiments. Ce
dolmen est apparenté au peuplement de la région de La Sonsierra, tous
deux faisant partie de l’ensemble dolménique de La Rioja-Alava. Ces
monuments de Sonsierra sont un exemple intéressant de ce que l’on
appelle des « sépultures salles à manger », où l’on célébrait le culte et l’on
enterrait collectivement les défunts.
Avant de rentrer au Parador, à 1 km à peine de Peciña, sur une colline
ayant vue sur l’Èbre, se dresse depuis huit siècles la basilique de Sainte
Marie de la Piscine, fondée par Don Ramiro Sánchez Navarra au temps de
la première croisade. Elle mérite une pause pour contempler sa nef à
quatre tronçons égaux, son presbytère et son abside, sa voûte en berceau
cintré sur des arcs doubleaux et, surtout, ses chapiteaux à cimaises
d’entrelacs portant des têtes, des guerriers enchaînés, des monstres
opposés et des palmettes.
SANTO DOMINGO DE LA CALZADA ET SON PARADORES
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LA RECETTE SECRÈTE
ESCARGOTS AU RIOJA BLANC
Le plat que nous décrivons est, avec quelques variantes possibles, très
typique de la région ; son protagoniste est l’escargot fort apprécié par ici,
sa sauce traduit bien la façon riojana.
Ingrédients :
1 kg d’escargots.
100 g de jambon (espagnol et cru, bien sûr).
¼ de kg de tomates concassées.
1 ou 2 piments de Cayenne, selon les goûts.
2 oignons.
1 pimiento choricero (poivron pour chorizo)
Vin blanc
1 feuille de laurier, huile d’olive, sel.
PRÉPARATION
Des Mets Pour Les Saints
es poivrons choriceros (ceux dont on assaisonne le chorizo),
rouges ou morrones (rouge-verts), ceux moulus en poudre
(pimentón), le poivre ou les piments et les pommes de terre ou
les tomates sont des ingrédients essentiels de la gastronomie régionale,
traits d’identité du livre de recettes traditionnel, tournés de mille manières
avec le thon, le poulet, les pommes de terre, les œufs, les champignons où
les légumes a la riojana.
L
Nulle autre région n’appose autant son nom à ses recettes, au
demeurant fort variées.
Comme toute cuisine, celle de La Rioja est conditionnée par sa
géographie. Ainsi, les plats des localités proches de la sierra sont riches en
gras et en porc et sont épicés, alors que le paysan de la vallée préfère les
légumes et la truite de l’Èbre. Cependant, le tourisme que les vins attirent
dans la région étant éminemment gastronomique, aucune table de La
Rioja ne manque d’escargots, de pommes de terre, de tripes ni de thon. À
Santo Domingo, les pochas (haricots blancs primeurs) con chorizo,
l’agneau rôti et les asadurillas (abats de mouton revenus et cuits au vin
blanc) redonnent des forces aux pèlerins depuis l’inclusion de cette ville
sur le Chemin de Saint Jacques, il y a plusieurs siècles. Excellents aussi,
comme dans la voisine Navarre, les asperges et les poivrons farcis. Les
fruits préférés sont les poires, les pêches et les cerises. Au dessert, une
spécialité de Santo Domingo : les molletes (pâtisserie traditionnelle).
Sur le vin de La Rioja on a écrit des encyclopédies, c’est l’assise liquide
de la nation riojana, on ne sait si depuis les Celtes, les Phéniciens ou les
Romains. Les moines furent experts dans sa culture, et de véritables
diffuseurs de ses propriétés digestives. Parmi ses chantres, nous
retiendrons Gonzalo de Berceo pour avoir été le premier poète castillan :
"quiero fer una prosa en román paladino,
en cual suele el pueblo fablar con su vezino,
ca non so tan letrado por fer otro latino
bien valdrá., como creo, un vaso de bon vino".
Si les escargots viennent du jardin ou des champs du cuisinier lui-même,
on sait ce qu’il y a à faire : il faut les purger dans de la farine pendant un
jour ou deux. Ceci n’est bien sûr pas nécessaire s’ils viennent du marché. Il
faut cependant toujours bien les laver, dans un récipient contenant
vinaigre, eau et gros sel. Laissez-les-y plusieurs heures pour éliminer toute
la bave, puis lavez-les plusieurs fois à l’eau froide.
Une fois nettoyés, les cuire à la casserole bien recouverts d’eau, froide au
départ. Il est important de les bouillir lentement pour qu’ils sortent de leur
coquille. Laisser cuire quelques minutes, après avoir ajouté le sel, le laurier
et le vin. Une fois les escargots sortis de leur coquille, laisser cuire encore
une heure en écumant de temps en temps.
Par ailleurs, faire revenir les oignons hachés ; une fois blondis, ajouter
les tomates concassées, le poivron choricero et le jambon, également
hachés. Cuire en touillant dix minutes à un quart d’heure, puis, sur la
sauce, incorporer les escargots bien égouttés et les piments de Cayenne ;
laisser tout cuire ensemble encore 35 à 40 minutes. Servir dans un plat en
terre cuite.
Parador de Santo Domingo
Plaza del Santo, 3. 26250 Santo Domingo de la Calzada (La Rioja)
Tel.: 941 34 03 00 - Fax: 941 34 03 25
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Textos: Juan G. D’Atri y Miguel García Sánchez Dibujos: Fernando Aznar
SANTO DOMINGO DE LA CALZADA ET SON PARADORES
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