essais cliNiques
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N°16 l septembre-octobre 2013 Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Cigarette électronique Vapotage : quel usage ? Alzheimer Un défi sanitaire essais cliniques Pourquoi ils sont incontournables Horizon 2020 L’Europe de la recherche ©©François guénet/inserm La recherche clinique est la quintessence de la recherche biomédicale puisqu’elle représente l’aboutissement de la recherche plus fondamentale par sa mise en application chez l’homme. Les découvertes de la recherche fondamentale constituent les fondations de la recherche clinique qui démontre l’efficacité de nouveaux traitements ou techniques et, inversement, génère de nouvelles hypothèses. L’avenir de la thérapeutique est lié à l’avancée de cette recherche translationnelle. Cependant, le délai est long (quinze à vingt ans) et assez peu de découvertes en laboratoire aboutissent à une application clinique. Cette recherche est devenue une profession à part entière avec ses métiers spécifiques, ses instances, ses règles du jeu dictées, en particulier, par une réglementation détaillée et inévitablement contraignante. Aux côtés des CHU, l’Inserm est au cœur du dispositif de cette recherche clinique translationnelle illustrée par plusieurs exemples dans ce numéro. Il dispose de tous les outils nécessaires pour soutenir une recherche clinique innovante et compétitive : les unités de recherche, les centres d’investigation clinique, des structures de valorisation (Inserm Transfert), un lien institutionnel avec les associations de patients grâce au GRAM (Groupe de réflexion avec les Associations de malades) et le pôle de Recherche clinique de l’ITMO Santé publique, structure de soutien opérationnelle spécifiquement dédiée aux projets et aux investigateurs liés à l’Inserm. De plus, l’Institut est largement ouvert sur l’Europe avec la plateforme ECRIN (European Clinical Research Infrastructure Network) et plus récemment F-CRIN (French Clinical Research Infrastructure Network) fondée par les Investissements d’avenir et dédiée aux larges essais translationnels académiques ou industriels. Claire Lévy-Marchal et Sonia Guéguen Responsable et responsable adjointe du pôle de Recherche clinique Institut thématique multi-organisme Santé publique SOMMAIRE ➜ ➜ à la une 4 Alzheimer Peut-on éviter une catastrophe sanitaire ? Découvertes 6 M étabolisme Comment le phosphate s’exporte 8 Imagerie cérébrale Suivez les fibres 10 Chirurgie Les gestes du futur ➜ Têtes chercheuses 14 Alexandra Henrion Caude Une Fellow à la française ➜ REGARDS SUR Le MONDE ➜ Cliniquement vôtre 17 Cancer Le papillomavirus sous contrôle 18 Inégalités sociales de santé Peut-on agir sur la nutrition ? ➜ Grand Angle 22 Essais cliniques Pourquoi ils sont incontournables ➜ Médecine générale 34 Maladie rénale chronique Les patients ont la parole ➜ Entreprendre 38 Concours de création d’entreprises Des biotechs pleines d’avenir ➜ Opinions 40 C igarette électronique Quand les certitudes partent en fumée ➜ Stratégies ➜ Bloc-Notes 42 Horizon 2020 Soyez acteurs de l’Europe de la recherche 44 Centre de ressources biologiques Des échantillons pour tous 45 Atelier de réflexion prospective L’obésité en ligne de mire 46 Pariscience 48 Claude Bernard - La méthode de la physiologie septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 3 à la une • Découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes ➜ Alzheimer Peut-on éviter une catastrophe sanitaire ? À la suite du bilan globalement positif du 3e plan Alzheimer, le Président de la République, François Hollande, devrait annoncer la mise en place du prochain lors de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, le 21 septembre. Un renouvellement qui semble indispensable pour faire face à la vague de malades annoncée pour les décennies à venir. La recherche, quant à elle, se tient prête. ©©AJ PHOTO / BSIP A Des prévisions alarmantes... la recherche se mobilise LPlaques séniles Dépôts anormaux de bêta-amyloïdes dans le cerveau, ces agrégats de peptides sont un signe caractéristique de la maladie d’Alzheimer. vec l’accumulation de plaques séniles (L) dans le cerveau et la dégénérescence des neurones du cortex, la maladie d’Alzheimer détériore progressivement nos facultés cognitives – trous de mémoire, problèmes d’élocution et de coordination – qui conduisent inexorablement à une p er te d’autonomie. Aujourd’hui, elle touche plus de 850 000 personnes en France, majoritairement âgées de plus de 65 ans. Or, une récente étude dirigée par Hélène Jacqmin-Gadda *, de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (Isped) à Bordeaux, prévoit une augmentation très importante des cas d’Alzheimer d’ici à 2030 : plus 75 % pour la population générale et jusqu’à 200 % pour les plus de 90 ans. En cause : le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie. La piste génétique ☛Hélène ☛ Jacqmin-Gadda : unité 897 Inserm - Université de Bordeaux ☛Philippe ☛ Amouyel : unité 744 Inserm/ Institut Pasteur de Lille - Université Lille 2 Droit et Santé ☛☛Joël Ankri : Laboratoire universitaire Santé Environnement Vieillissement (UFR des sciences de la santé Simone-Veil) - Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines H. Jacqmin-Gadda et al. European Journal of Epidemiology, 1er juin 2013 ; 28 (6) : 493-502 4● Face à ce constat, « la mobilisation est globale et mondiale pour lutter contre Alzheimer », assure Philippe Amouyel *, directeur de la Fondation nationale de coopération scientifique sur la maladie d ’Alzheimer et les maladies apparentées, créée en 2008 pour coordonner les efforts de la recherche. À l’image du plan Alzheimer français (voir encadré), de nombreux pays ont, en effet, lancé des initiatives similaires qui touchent tous les aspects de la maladie : prise en charge, ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 traitement, recherche. D’énormes progrès ont ainsi été réalisés ces dernières années dans le diagnostic et la compréhension de cette maladie, notamment sur le rôle du peptide bêta-amyloïde (Aß) dans l’apparition des plaques séniles et celui de la protéine Tau (L) dans la dégénérescence neurofibrillaire. C’est l’enchaînement de ces événements, dans un processus appelé « cascade amyloïde », qui conduit à la mort des neurones du cortex cérébral et à l’apparition de la maladie. Pourtant, malgré ces avancées fondamentales, il n’existe toujours pas de traitement curatif pour stopper cet engrenage fatal. La recherche sur la maladie d’Alzheimer est-elle dans une impasse ? « Non, répond Philippe Amouyel, de nombreuses pistes sont à l’étude, notamment grâce à l’essor de la génétique. » Ainsi, depuis 2009, le consortium international IGAP (International Genomics of Alzheimer’s Project) (L), animé par l’équipe Inserm Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement dirigée par le chercheur, Plan Alzheimer 2008-2012 : mission accomplie ! Ce plan, le 3e depuis 2000, a été lancé en 2008 sous l’égide de l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy. Il était organisé autour de 47 mesures concrètes réparties en trois grands axes : améliorer la qualité de vie des malades et des aidants, connaître la maladie pour mieux la combattre et mobiliser la société sur cet enjeu de santé publique. « Les trois quarts de ces mesures ont atteint leur objectif, rapporte Joël Ankri qui, avec l’aide de Christine van Broeckhoven, a évalué à la une ➜ L cohortes de population, telles Protéine Tau que Paquid, 3C, Memento, qui Naturellement présente permettent de mieux connaître dans les neurones afin l’histoire naturelle de la mala- de moduler la stabilité cytosquelette des die et de déterminer quelles du axones. Dans le cas de sont les personnes en danger. la maladie d’Alzheimer, Leur financement est d’ailleurs l’accumulation anormale l’une des recommandations du de protéines Tau, sous rapport d’évaluation du plan forme d’agrégats de filaments, entraîne une Alzheimer 2008-2012 remis dégénérescence des au gouvernement à la fin du neurones. mois de juin par Christine van Broeckhoven, professeur de IGAP génétique moléculaire à l’uniRegroupement de quatre versité d’Anvers, spécialiste des consortiums spécialisés maladies neurodégénératives, dans la recherche et Joël Ankri *, gériatre et sur la génétique de la professeur de santé publique. maladie d’Alzheimer en France, GERAD En matière de prise en charge, (EADI au Royaume-Uni, le rapport suggère de renforcer ADGC et CHARGE aux L'analyse des tissus cérébraux apporte de précieuses informations. le dispositif actuel de soutien États-Unis) dont le but a identifié une vingtaine de nouveaux gènes qui prédis- des aidants familiaux : assistance de professionnels, est de déterminer les posent à cette pathologie. « Ces gènes représentent autant aides financières et formations. « Si l’aide à domicile est gènes responsables de la maladie grâce aux de nouvelles voies métaboliques (L) qui pourraient être la favorisée, cela permettra aux patients de rester chez eux données génétiques cible de nouveaux traitements », précise-t-il. et donc de respecter leur désir. Avec à la clé, un moindre recueillies auprès de plus besoin en nouvelles structures d’hébergement », affirme de 40 000 personnes. Un diagnostic le plus tôt possible Joël Ankri. Par ailleurs, d’autres travaux de l’Isped* ont montré que Un effort dans le le déclin cognitif des patients commence plus de dix développement de ans avant le stade clinique, ce qui pourrait expliquer la robotique et dans l’échec de la recherche thérapeutique actuelle. « Les l’utilisation des nouessais cliniques récents qui visaient à éliminer la protéine velles technologies amyloïde chez des malades légèrement ou modérément permettrait aussi de atteints par des voies immunologiques – vaccination soulager la prise en curative – ont abouti à des résultats très décevants. Les charge de ces patients, lésions de ces patients sont peut-être déjà irréversibles, notamment par leurs explique Philippe Amouyel. De nos jours, le consensus proches, eux aussi général suggère qu’il faut traiter le plus en amont possible, généralement assez dix, voire vingt ans avant l’apparition des premiers âgés. Et bien sûr, symptômes. » Un des défis des prochaines années sera continuer à financer la donc de diagnostiquer au plus tôt le risque d’Alzheimer. recherche afin de trouDes lieux de repos nécessaires pour les familles D’où l’intérêt des études épidémiologiques de grandes ver une solution pour et les aidants enrayer l’engrenage du déclin cognitif et limiter l’augmentation des cas cliniques. Voie le plan Alzheimer 2008-2012. En matière « Si on parvient à faire reculer les premiers symptômes de métabolique de recherche, le bilan est aussi plutôt positif, cinq années, on réduira de moitié le nombre de personnes notamment dans les domaines de la génétique Chaîne de réactions atteintes d’Alzheimer puisque leur nombre double tous les biochimiques dans et de la recherche fondamentale. Le nombre de cinq ans à partir de 65 ans », souligne Philippe Amouyel. l’organisme, orchestrée publications de qualité est en nette augmentation par un ensemble Bien qu’un traitement curatif ne soit pas encore dans des journaux scientifiques reconnus. Mais il d’enzymes y a aussi quelques bémols, tout particulièrement disponible, l’effort de recherche est global, notamment en termes de recherche dans les sciences au niveau européen. L’Europe a, en effet, retenu la lutte humaines et sociales qui, malgré des financements, contre les maladies neurodégénératives, et la maladie n’a pas été à la hauteur des attentes. » d’Alzheimer en particulier, comme un des dix grands Ce plan Alzheimer a été généralement bien oir S&S n°11, Cliniquement défis des prochaines décennies. Avec l’espoir d’éviter * Vvôtre, « Alzheimer : perçu par les professionnels et les associations Un déclin précoce », p. 20 Simon Pierrefixe une catastrophe. n de malades. Il devrait donc logiquement être L reconduit par François Hollande, lors de la journée mondiale 2013 de la maladie d’Alzheimer. 8 www.plan-alzheimer.gouv.fr www.serimedis.inserm.fr septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 5 ©©Richard DAMORET/REA ©©Inserm/Patrice Latron L découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une ➜ •• •• MEtabolisme Comment le phosphate s’exporte LRétrovirus Virus dont le génome est constitué d’ARN : copié en ADN, il s’insère dans les gènes de la cellule infectée. LVirus xénotrope Virus capable d’infecter des cellules d’autres espèces que celles dans lesquelles il s’est développé. LADP, ATP Adénosine diphosphate et adénosine triphosphate sont des nucléotides. La transformation de l’ATP en ADP libère de l’énergie. ☛☛Jean-Luc Battini, Donatella Giovannini, Marc Sitbon : UMR 5535 CNRS - Université de Montpellier 1 et 2 D. Giovannini et al. Cell Reports, 27 juin 2013 ; 3 (6) : 1866-73 ©©IGMM/ Donatella Giovannini Le phosphate joue un rôle fondamental dans les cellules. Si les scientifiques savaient comment il y entrait, ils ignoraient comment il en sortait. Plus maintenant. A u départ était une hypothèse. À l’arrivée, l’identification d’une fonction fondamentale du cycle du phosphate, l’un des minéraux les plus abondants dans le corps humain. Avec en développement possible, des applications thérapeutiques. L’hypothèse ? C’est celle de l’équipe Rétrovirus, enveloppes et marqueurs métaboliques, à l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier. « Les rétrovirus (L) envahissent les cellules par des récepteurs. Pour plusieurs familles de rétrovirus, ces portes d’entrée sont aussi des transporteurs de nutriments, tels les acides aminés, les acides nucléiques ou encore les vitamines », explique Marc S itbon *, dernier co-auteur de l’étude, avec Jean-Luc Battini *, tous deux directeurs de r echerche Inserm. C’est cette hypothèse qui les guide, d’autant plus qu’elle a été confortée par leur découverte, faite dix ans plus tôt : le transporteur du g lucose Glut1 est également un récepteur du rétrovirus HTLV, un des deux types de rétrovirus, avec le VIH, qui infectent l’homme. Donatella Giovannini *, première auteure de l’étude, s’est intéressée à XPR1, une molécule connue pour être la porte d’entrée de rétrovirus de souris, les MLV xénotropes (L). Ces derniers, présents de façon stable dans le XPR1 ©©infographie : sandrine marchand XRBD Pi XRBD, molécule de l’enveloppe du virus murin MLV, peut se fixer sur le transporteur de phosphate XPR1 et bloquer la sortie du minéral dont l'importance est capitale. 6● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Molécules exportatrices de phosphate (en vert) dans des cellules rénales (noyaux en magenta) génome des rongeurs, sont aussi capables d’infecter des cellules humaines en culture. « La présence dans XPR1 d’un domaine particulier, SPX, nous a incités à explorer son rôle dans la régulation du phosphate puisque, chez les plantes et levures, il est associé à différents niveaux du cycle de ce minéral », explique Jean-Luc Battini. La porte de sortie découverte Grâce à différentes expériences en culture cellulaire, les chercheurs ont alors montré que la diminution de XPR1 conduisait à une baisse de la sortie du phosphate hors des cellules et qu’il suffisait de le réintroduire pour rétablir l’équilibre. « Nous avons donc identifié le p remier exportateur de phosphate, insiste Marc Sitbon. Si l’on en soupçonnait l’existence, personne n’avait entrepris jusqu’ici d’en chercher le responsable ! » De plus, l’équipe a montré qu’une partie de l’enveloppe du virus murin, celle qui se lie au récepteur pour faire pénétrer le matériel viral dans la cellule, était un bon inhibiteur de la fonction d’exportation. Une découverte d’importance tant le rôle du phosphate est capital. Ce constituant majeur de la membrane des cellules intervient aussi dans de nombreuses réactions enzymatiques, tandis que sa liaison à l’ADP (L) pour former l’ATP (L) est source d’énergie pour les cellules. Des dérèglements de la concentration en phosphate sont, en effet, associés à des maladies graves comme l’insuffisance rénale ou des troubles de la calcification osseuse, l’ostéoporose par exemple… Après ce premier résultat déterminant, l’équipe continue à avancer. Prochaine étape : vérifier si XPR1, exprimé dans toutes les cellules humaines, ainsi que chez différentes espèces - du poisson-zèbre à la drosophile - peut assurer, en plus de sa capacité exportatrice, un rôle encore plus important de régulateur du phosphate. n Julie Coquart découvertes ➜ Activité cérébrale ©©G. Mithieux et P. Besnard/Inserm N Variation du signal de la bande alpha (%) La conscience ne fonctionne pas sur le principe du tout ou rien. Elle comporte un niveau partiel de perception que Jonathan Levy * et Juan R. Vidal * ont voulu caractériser. Treize participants ont visionné une série de mots de longueur variable exposés brièvement. Pour chacun, ils devaient rapporter le niveau de perception : dans sa totalité (signification perçue) ou partiellement (lettres perçues). Pendant tout l’essai, l’activité oscillatoire du cerveau a été suivie par magnétoencéphalographie. Les corrigé ©©Jonathan Levy/Inserm L’alpha de la perception Conscience de la forme Conscience de la signification Valeur t Temps (s) chercheurs ont ensuite Comparaison des oscillations corticales dans la bande alpha observées lors de la perception complète (en vert) ou partielle (en rose) du mot « table » analysé les bandes de fréquences alpha, béta de percevoir consciemment un gauche. Cette observation, et gamma du rythme mot avant sa signification. V. M. dans une région du cerveau cérébral, caractéristiques importante pour le traitement d’un état de conscience ou ☛☛Jonathan Levy : unité 825 Inserm – des mots pendant la lecture, d’une activité particulière, et Université Toulouse III-Paul-Sabatier, Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques marque la transition entre un leurs lieux d’émission. Fait ☛☛Juan R. Vidal : unité 1028 Inserm/CNRS/ niveau de conscience partiel et remarquable : la suppression Université Saint-Étienne-Jean-Monnet – un niveau complet. Et ouvre une du signal des fréquences alpha Université Claude-Bernard Lyon 1, Centre de recherche en neurosciences de Lyon porte à de futures études pour dans la partie postérieure J. Levy et al. NeuroImage, septembre 2013 ; 78 : 33-45 déterminer s’il est possible du cortex occipito-temporal Quesaco ? comme Néoglucogenèse Certains organes (cerveau, muscles à l’effort, œil...) ont besoin d’un a p p ro v i s i o n n e m e n t continu en glucose, le « carburant » primaire des cellules. Mais notre alimentation l’apporte de façon intermittente au cours des repas et nos réserves internes sont limitées, ce qui est d’autant plus vrai en période Marquage en rouge de de jeûne. La solution l'enzyme de la dernière étape trouvée par le corps pour de la néoglucogenèse dans la maintenir stable cette paroi intestinale de rat disponibilité en glucose… s’appelle la néogluco genèse. Il s’agit d’une voie métabolique capitale qui correspond à la production endogène de glucose. Seuls le foie et, à une moindre échelle, les reins et la paroi intestinale sont capables de l’induire. Comment ? En utilisant des substances non glucidiques présentes dans ces organes, notamment le pyruvate, mais aussi le glycérol (issu des triglycérides lipidiques), qui sont transformées en glucose. L’unité Inserm N utrition et cerveau, dirigée par Gilles Mithieux *), travaille sur ces mécanismes, en particulier au niveau intestinal. Un de ses axes de recherche : comprendre les relations que la néoglucogenèse entretient avec le cerveau, via l’échange, entre autres, de signaux de satiété, régulateurs de la prise alimentaire. N. C. ☛☛Gilles Mithieux : unité 855 Inserm - Université Claude-Bernard Lyon 1 SLA Les métabolites, bons pour le diagnostic Établir le diagnostic de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurodégénérative débouchant sur la paralysie de l’ensemble des muscles, demeure difficile. En cause : l’absence de marqueurs biologiques associés. Face à ce constat, Hélène Blasco *, de l’unité Imagerie et cerveau, à Tours, a choisi l’approche métabolomique, qui permet d’étudier l’ensemble des métabolites (L) présents dans un Métabolite échantillon biologique. Composé organique issu du Grâce à une technique métabolisme (sucres, acides de chromatographie aminés, acides gras, etc.) liquide (L) couplée à la spectrométrie de masse à Chromatographie haute résolution (L), les liquide chercheurs ont analysé Technique d’analyse des les métabolites du liquide composés d’un échantillon céphalorachidien de séparés grâce à la patients et réussi, à plus migration d’un liquide de 80 %, à différencier ceux atteints de SLA Spectrométrie des patients témoins. de masse à haute Des résultats prometteurs résolution pour le diagnostic futur Technique d’analyse très de la SLA. V. M. L L L fine pour identifier et quantifier des molécules grâce à leur masse et leur structure chimique ☛Hélène ☛ Blasco : unité 930 Inserm – Université François-Rabelais H. Blasco et al. J. Proteome Res, 16 juillet 2013 (en ligne) doi : 10.1021/pr400376e/J. Proteome Res. septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 7 découvertes ➜ Cancer du sein •• •• Imagerie cerebrale Des nanocapsules contre les « triples négatifs » ☛Anne-Laure ☛ Lainé : unité 1066 Inserm – Université d’Angers A.–L. Lainé et al. Biomaterials, septembre 2013 ; 34 (28) : 6949-56 Suivez les fibres ©©With kind permission of Springer Science+Business Media/ Springer-Surgical & Radiologic Anatomy-DOI 10.1007/s00276-013-1156-7/ 2013 Jun 27/Fig.2 /Corticospinal tract asymmetry and handedness in right- and left-handers by diffusion tensor tractography/ Romuald Seizeur, Elsa Magro, Sylvain Prima, Nicolas Wiest-Daesslé, Camille Maumet, Xavier Morandi- © Springer-Verlag France 2013 Caractérisés par l’absence concomitante au niveau des cellules cancéreuses des récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone et au facteur de croissance cellulaire HER2, les cancers du sein « triples négatifs » sont particulièrement agressifs. Insensibles aux traitements actuels, ils nécessitent l’exploration de voies thérapeutiques alternatives. Ainsi, le tamoxifène, majoritairement utilisé contre les cancers du sein hormono-dépendants, qui agit via les récepteurs aux oestrogènes, semble être inutile. Cependant, son association au ferrocène, un composé organométallique, a montré in vitro un effet sur la prolifération des cellules cancéreuses. Anne-Laure Lainé *, au sein de l’unité Micro- et nanomédecines biomimétiques, a mis en évidence que l’injection dans le péritoine de nanocapsules lipidiques transportant le ferrocényl-tamoxifène ralentissait le développement des tumeurs chez des souris xénogreffées avec des cellules cancéreuses mammaires d’origine humaine et dépourvues de récepteurs aux oestrogènes. Un premier essai in vivo plein de promesses… V. M. Ingénierie tissulaire ©©Julien Guerrero/Inserm Reconstruire les tissus osseux Cellules souches mésenchymateuses (en vert) et cellules endothéliales (en rouge) en co-culture à 24 h d’intervalle Les bénéfices des cellules souches mésenchymateuses (L) dans la reconstruction des os ont été démontrés. Mais une vascularisation insuffisante après leur implantation conduisait à des limitations en nutriments et à la mort cellulaire. Julien Guerrero *, au sein de l’unité Bioingénierie tissulaire, a réalisé une coculture de cellules souches mésenchymateuses humaines et de cellules endothéliales dérivées de cellules progénitrices (L) humaines dans 8● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 •• •• une matrice poreuse à base de polysaccharides. Les interactions y semblent favorisées : agrégation cellulaire et formation de canaux de communication entre les cellules conduisant à une activation de la différenciation des cellules mésenchymateuses en tissu osseux. L’implantation de cette construction tissulaire p endant trois et huit mois chez des souris a révélé une augmentation de la production du tissu osseux. Une piste thérapeutique prometteuse. H. H. ☛☛Julien Guerrero : unité 1026 Inserm – Université de Bordeaux J. Guerrero et al. Acta Biomateriala, septembre 2013 ; 9 (9) : 8200-13 LCellules souches mésenchymateuses Cellules de la moelle osseuse pouvant donner naissance à différents tissus du squelette (os, cartilage et cellules graisseuses) LCellules endothéliales progénitrices Cellules capables de revasculariser un tissu ● Cancer Faire bouger les globules blancs Diminuer les périodes d’aplasie (L) après une chimiothérapie et réduire ses effets secondaires (fatigue, infections...) sont des objectifs thérapeutiques actuels en cancérologie. Alexandre Boissonnas * s’est intéressé aux mécanismes capables de reconstituer des populations de monocytes, un type particulier de globules blancs, dans la moelle osseuse. Avec ses collaborateurs, il a étudié la mobilité de ces cellules immunitaires à travers les compartiments de la moelle, après un traitement au cyclophosphamide, un composé couramment utilisé en chimiothérapie du cancer. À l’aide d’imagerie en temps réel chez des souris transgéniques, les chercheurs ont montré que des récepteurs particuliers présents découvertes ➜ L ors d’une maladie neurologique ou d’une intervention chirurgicale, il est primordial de connaître la distribution des fibres nerveuses qui contrôlent la motricité afin de les préserver au mieux. Ce que cherche à faire Romuald Seizeur * qui a réalisé cette image du cerveau d’un droitier, en coupe verticale et observée de face. Comment peut-on savoir que le cobaye écrit de la main droite ? En considérant l’asymétrie des zones colorées en rouge et en bleu. Chacune représente le faisceau de fibres de la substance blanche (L), appelé faisceau corticospinal (FCS), qui assure la motricité volontaire. Il en existe deux, qui débutent dans le cortex de chaque hémisphère et aboutissent aux motoneurones chargés d’activer les muscles correspondant à l’ordre envoyé. Le FCS de l’hémisphère gauche (à droite sur l’image) est nettement plus développé que celui de l’hémisphère droit. Normal, dites-vous, chacun sait que les mouvements d’un côté du corps sont contrôlés par l’hémisphère opposé. Ainsi, il paraît évident que la dominance de la main droite entraîne une asymétrie au profit de l’hémisphère gauche. La preuve par le faisceau Ce n’est pourtant pas toujours le cas. De nombreuses études en imagerie sur ce sujet donnent des conclusions hétérogènes. D’où l’intérêt de la méthode employée ici, la tractographie cérébrale, qui combine l’imagerie par résonance magnétique (IRM) morphologique, l’IRM fonctionnelle et celle du tenseur de diffusion (L). Les caractéristiques de chacune permettent, en effet, de réaliser une étude précise des substances blanche et grise et des zones ou faisceaux activés. Les données sont ensuite reconstruites, en se fondant sur l’utilisation d’algorithmes, pour obtenir une représentation visuelle de la direction des fibres. Outre l’intérêt pour la connaissance fondamentale, le chirurgien Romuald Seizeur, qui a conduit l’étude, sous la direction de Xavier Morandi, dans l’unité « VisAGeS : vision, action et gestion de l’information en santé », rappelle l’importance de localiser le FCS et de s’assurer que la méthode utilisée reflète l’observation clinique. « La compréhension de sa localisation in vivo et de sa fonction est un élément majeur de la recherche en anatomie mais également en pathologie du système nerveux central en raison des conséquences de son atteinte, comme le déficit moteur parfois définitif. » Désormais, il poursuit ses travaux sur les fibres blanches, en s’intéressant à leur modification éventuelle lors de la vision en 3D, au sein de son laboratoire, le Latim, à Brest. n Julie Coquart ubstance LSblanche Zone du cerveau constituée d’axones, les prolongements cellulaires des neurones du tenseur LIdeRMdiffusion Technique d’imagerie fondée sur la diffusion des molécules d’eau ☛Romuald ☛ Seizeur : anciennement à l’unité 746 Inserm /CNRS/Inria – Université de Rennes 1, actuellement à l’unité 1101 Inserm/Telecom Bretagne – Université de Bretagne occidentale, Laboratoire de traitement de l’information médicale (latim) R. Seizeur et al. Surgical and Radiologic Anatomy, 27 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1007/s00276-013-1156-7 VIH ☛Alexandre ☛ Boissonnas : unité 945 Inserm – Université Pierre-et-Marie-Curie, Immunité et infection S. Jacquelin et al. Blood, 17 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1182/blood-2013-01-480749 LAplasie Dysfonctionnement cellulaire allant jusqu’à un arrêt du développement. LChimiokine Petite protéine fonctionnant par attraction chimique capable d’activer les cellules du système immunitaire. Comment les particules virales sont séquestrées ©©Raphaël Gaudin et Philippe Benaroch/Institut Curie/Inserm au niveau des monocytes, les récepteurs à chimiokines (L) CCR2 et CX3CR1, jouent sur la mobilité de ces cellules et donc leur répartition dans l’organisme après traitement. Moduler la mobilisation postchimiothérapie de ces cellules : une nouvelle piste à explorer. V. M. Les macrophages (L) infectés par le VIH stockent les particules virales - virions - dans des compartiments dédiés (les VCC) , dont la nature est mal connue. Philippe Benaroch *, de l’unité Immunité Macrophages infectés - protéine et cancer, propose virale en vert , microtubules un modèle de la en rouge, noyaux en violet dynamique de leur formation. Des compartiments intracellulaires formés à partir de la membrane Macrophage cellulaire préexistent dans les Cellule du système macrophages avant infection. immunitaire chargée d’absorber et de digérer Ils sont détournés par le VIH qui les corps étrangers les utilise comme plateforme L d’assemblage des nouveaux virions qui y bourgeonnent et s’y accumulent. Ses observations indiquent également une perte du pouvoir infectieux des virus ainsi séquestrés, explicable par la fragilité du VIH. Les VCCs évoluent avec le temps, ils tendent, d’abord, à perdre leur connexion avec la membrane cellulaire, puis ils seraient de nouveau transportés vers cette même membrane au moyen de moteurs moléculaires, étape que la même équipe avait déjà mise en évidence en 2012. Il reste encore à éclaircir la manière dont les virions sont sécrétés. H. H. ☛Philippe ☛ Benaroch : unité 932 Inserm/Institut Curie – Université Paris-Descartes R. Gaudin et al. J Cell Biol, 29 octobre 2012 ; 199 (3) : 467-79 R. Gaudin et al. Plos One, 29 juillet 2013 ; 8 (7) : e69450 doi : 10.1371/journal.pone.0069450 septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 9 découvertes ➜ Chirurgie Les gestes du futur Le laboratoire d’excellence CAMI vient tout juste de fêter son premier anniversaire. Sa raison d’être ? Booster les résultats de toute intervention chirurgicale en s’appuyant sur les dernières techniques de chirurgie assistée par ordinateur. Comment y parvenir ? En fédérant la recherche française dans ce domaine. Présentation du labex et visite de trois des six laboratoires fondateurs qui conçoivent la chirurgie de demain. ©©François guénet/inserm «D Philippe Cinquin, directeur du TIMC-IMAG et Jocelyne Troccaz, responsable de l'équipe GMCAO ☛TIMC-Imag ☛ : UMR 5525 CNRS/ Université Grenoble 1, Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité Informatique, mathématiques et applications, Grenoble ☛Latim ☛ : unité 1101 Inserm/Université de Bretagne occidentale – Telecom Bretagne, Laboratoire de traitement de l’information médicale, Brest ☛LTSI ☛ : unité 1099 Inserm/Université Rennes 1, Laboratoire de traitement du signal et de l’image, Rennes 10 ● e quel service le neurochirurgie stéréotaxique, qui permet d’améliorer patient va-t-il le guidage des instruments, à la fin des années 1980. bénéficier ? » La réunion des six laboratoires a pour objectif de faciliter C’est la question cen- les projets collaboratifs, même si « nous nous connaistrale que se posent sions tous, et qu’il existait déjà des projets bilatéraux, les acteurs du labo- voire trilatéraux entre nous », soulignent Éric Stindel et ratoire d’excellence Lotfi Senhadji, directeurs du Latim *, à Brest et du (labex) CAMI, pour LTSI * à Rennes. « Par exemple, pour la mise au point C omputer a ssisted du système de navigation endovasculaire d’instruments medical intervention, traduction anglaise de l ’expression flexibles, l’aspect “ localisation magnétique ” avait été confié « Gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur à Grenoble tandis que nous nous occupions du guidage (GMCAO) ». C’est en septembre 2012 que le coup par l’image, » explique Pascal Haigron, co-responsable, d’envoi de ce laboratoire virtuel a été lancé. Virtuel, car avec le radiothérapeute Renaud de Crevoisier, de l’équipe il s’agit en réalité de la fédération, dans « Images et modèles pour la planifiun cadre structurant, de six laboratoires, cation et l’assistance chirurgicale et “ Nous travaillons dont deux de l’Inserm et quatre du CNRS. thérapeutique » du LTSI, impliquée L’objectif ? Unir leurs compétences et leurs en coordination étroite dans CAMI. expériences. Avec une idée commune, avec les chirurgiens „ Une collaboration, aussi et surtout, celle que les GMCAO n’ont pas encore dé s’est établie entre les concepteurs veloppé tout leur potentiel, et que les malades et la santé et les utilisateurs. « Il ne s’agit pas de simples échanges publique pourront tout autant bénéficier de leur trans- entre les chirurgiens et les chercheurs : certains chirurfert en pratique clinique. « Les laboratoires fondateurs giens sont membres à part entière du laboratoire », relève du labex sont ceux qui ont déjà transféré d’une manière Lotfi Senhadji. Pour ces équipes, hors de question de significative à la clinique leurs résultats de recherche, en concevoir et réaliser un beau gadget et de se débrouiller particulier grâce à des start-up ou des contrats avec des pour qu’il rentre dans la salle d’opération. « Les chirurindustriels », précise Philippe Cinquin, directeur du giens viennent nous voir pour expliquer le problème qu’ils laboratoire TIMC-IMAG * de Grenoble et porteur rencontrent, nous allons au bloc avec eux et, après des de CAMI. Les GMCAO avaient été mis en œuvre à discussions approfondies, nous travaillons en coordina Grenoble, notamment avec la conception d’un robot de tion étroite », insiste Philippe Cinquin. ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 découvertes Sonia-Yuki Selmi, ingénieure de recherche, finalise BiopSym, le simulateur de biopsie de prostate sous échographie, qui permet aux jeunes urologues de s’entraîner à cet acte chirurgical. À partir de données acquises sur de vrais patients, les chercheurs ont mis au point Céline Fouard, responsable du projet Robacus, manipule le robot d’aide à la ponction de tissus ou liquides biologiques sous scanner X ou IRM. Celui-ci permet de positionner très précisément l’aiguille à insérer grâce aux images fournies en temps réel. L’originalité de l’engin ? Elle est multiple. Le robot est capable de mettre en correspondance son référentiel et celui du patient, sur lequel il est ©©reportage photo : François guénet/inserm Au pied des Alpes, au TIMC-IMAG cet environnement de réalité virtuelle : grâce à un système de retour de force, l’étudiant se trouve placé en conditions réelles quand il manipule la sonde échographique virtuelle (en jaune sur la photo), sonde normalement introduite dans le rectum. Le prototype sera bientôt achevé. •• •• Sandrine Voros, chercheuse Inserm en imagerie médicale et Anthony Agustinos, doctorant au TIMC-IMAG, manipulent ViKY®, un robot porte-endoscope. Équipé d’un système de commande par la voix et une pédale, il libère les mains du chirurgien pendant l’exploration abdominale. De plus, le robot réagit de lui-même aux images transmises et peut se déplacer de façon autonome. ViKY® est commercialisé par Endocontrol, une société issue d’un transfert technologique du TIMC-IMAG. M E d e c i n e d e d emai n ➜ posé directement. Pour ne pas gêner le fonctionnement de l’appareil à IRM, Robacus ne contient pas de pièces métalliques, mais du plastique et du kevlar, et fonctionne avec un moteur piézoélectrique. septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 11 découvertes ➜ ©©reportage photo : François guénet/inserm Aux portes de la Bretagne, au LTSI Aurélien Duménil, doctorant, développe des améliorations pour le programme d’assistance peropératoire Angiovision en collaboration avec la société Therenva. Sur l’écran de gauche : une image en 3D de l’aorte abdominale d’un patient souffrant d’anévrisme. Les données ont été acquises avant l’opération. Un logiciel permet de simuler les déformations que subira l’artère lors du passage des instruments pendant l’intervention. Cette image est alors superposée, écran de droite, sur l’image 2D obtenue pendant l’opération : elle permet d’assister le chirurgien et l’aide à placer l’endoprothèse correctement. L e s e nj e u x d e « voir au-delà du visible », et c’est le deuxième enjeu CAMI ? On en compte du labex. La machine permet en effet d’obtenir, en cinq. En premier lieu : 18 secondes, une radiographie complète en 3D d’un permettre au chirurgien patient par balayage de rayons X à basse dose. Et ce, d’être mieux formé. Cela qu’il soit assis ou debout. Un « détail » d’importance passe, par exemple, par quand il s’agit de concevoir des prothèses de hanches l’élaboration de simula- qui doivent s’adapter à toutes les positions. Enfin, lors teurs de gestes chirur- de l’opération, le chirurgien peut apprécier de bénéfigicaux. Comme celui cier d’une assistance dans la prise de décisions vitales, développé au laboratoire le troisième enjeu. C’est ce que propose le robot ViKY® grenoblois pour effectuer - conçu à TIMC-IMAG et commercialisé par une une biopsie de la prosjeune pousse, Endocontrol tate. « En pratique, le “ Le service - qui offre une « troisième chirurgien introduit médical rendu est main » lors d’une exploration une sonde échograde l’abdomen. un élément décisif endoscopique Lotfi Senhadji, phique dans le rectum, puis il se représente dans sa Isir * collabore également directeur du LTSI tête ce qu’il connaît de l’anatomie du patient pour pour convaincre avec Endocontrol pour la et Pascal Haigron, les décideurs „ guider ses gestes. Une tumeur possible, repérée par conception de JAiMY®, un co-responsable de IRM avant l’examen, en 3D, n’est plus aussi évidente autre instrument qui rend sa l'équipe IMPACT à retrouver avec des images échographiques en 2D. Il est dextérité au chirurgien de façon intuitive. Quant à donc nécessaire que les étudiants s’entraînent », explique Robacus, développé en partenariat entre TIMC-IMAG Jocelyne Troccaz, responsable de l’équipe GMCAO, et Lirmm *, qui aide à positionner une aiguille de impliquée dans CAMI. Le système d’imagerie EOS biopsie, il permet au radiologue interventionnel d’être Imaging, déjà utilisé au CHU de Brest, partenaire et plus précis, illustrant le quatrième enjeu : accéder à une hébergeur du Latim, montre qu’il est aussi possible de dextérité augmentée, thème également au centre des 12 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 découvertes CAMI Carte d’identité Naissance : septembre 2012 Financement : 7,5 millions d’euros Durée : 8 ans (renouvelable) Personnels : 141 Villes : 6 Brest, Grenoble, Montpellier, Paris, Rennes et Strasbourg Laboratoires : 6 ICube, Isir, Latim, Lirmm, LTSI, TIMC-Imag 8 •• •• Duc Long Hung NGuyen, doctorant, s’intéresse à l’insertion d’un cathéter dans une structure « fantôme » représentant l’aorte abdominale (en blanc, sous plexiglas). Son objectif ? Atteindre l’emplacement d’un anévrisme. Il visualise sur un écran la progression de l’instrument - repéré par localisation magnétique dans une représentation de l’aorte d’un patient acquise grâce à un scanner à rayons X. L’intérêt en pratique ? S’affranchir de marqueurs extérieurs au patient et privilégier les informations sur sa structure interne. Une technique qui permet également de réduire l’utilisation de produits de contraste lors de l’intervention. cami-labex.fr ☛Isir ☛ : UMR 7222 CRNS/Université Pierre-et-Marie-Curie, Institut des systèmes intelligents et de robotique, Paris ☛Lirmm ☛ : UMR 5506 CNRS/Université Montpellier 2, Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier ☛ICube ☛ : UMR 7357 CNRS/Université de Strasbourg – Insa Strasbourg – École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg, Laboratoire des sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie ©©reportage photo : François guénet/inserm À la pointe de la Bretagne, au Latim Éric Stindel, directeur du Latim activités d’ICube * et d’Isir. Le dernier défi n’est pas le moindre, en effet, tous les participants de CAMI ont à cœur d’être capables de mesurer le service médical rendu. « C’est un élément décisif pour convaincre les décideurs que la technique peut être diffusée en pratique courante. » Parmi les éléments à évaluer : le temps de l’intervention. « Mais sa diminution n’est pas forcément le critère décisif, pointe Éric Stindel. Il se peut que l’utilisation d’une technologie d’assistance augmente la durée de l’opération. Si c’est au bénéfice d’une chirurgie moins invasive, entraînant moins de séquelle, c’est positif. » Les six laboratoires fondateurs de CAMI sont tous étroitement associés à des équipes cliniques et à des industriels, et les solutions conçues ont déjà bénéficié à des dizaines de milliers de patients. Forts de leur complémentarité disciplinaire - biologie, sciences de l’ingénieur, informatique, traitement de l’image… - ces chercheurs n’ont qu’une motivation : Julie Coquart l’intérêt du p atient. n Thomas Wentz, post-doctorant, et Julien Bert, ingénieur de recherche, font la démonstration de la hauterésolution d’une caméra à infrarouge destinée à la radiothérapie. Pour cibler une tumeur au niveau de la poitrine, il est nécessaire que le collimateur qui délivre les rayons suive les mouvements respiratoires. C’est là qu’intervient la caméra « temps de vol » : grâce aux faisceaux infrarouges qui sont envoyés et réfléchis sur la surface du corps, elle peut suivre en temps réel les mouvements. Une base de données d’images a auparavant permis de corréler les déplacements en profondeur à ceux observés en surface. septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● M E d e c i n e d e d emai n ➜ ● 13 Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes ➜ Alexandra Henrion Caude Une Fellow à la française ©©sandor welsh Grâce à un parcours diversifié qui oscille entre travaux pointus en génétique et valorisation technologique, Alexandra Henrion Caude* a décroché cette année le titre prestigieux de Eisenhower Fellow. Avec à la clé, un séjour très particulier aux États-Unis pour favoriser des rencontres et les échanges dans le pays. Récit d’un marathon culturel et humain de l’autre côté de l’Atlantique… Remise du diplôme par Colin Powell, président de la Fondation E lle vient de terminer un périple de 17 500 kilomètres aux États-Unis. Elle a fait escale dans une quinzaine de villes et a rencontré 70 personnalités influentes. Qui ? Alexandra Henrion Caude *, généticienne et spécialiste des microARNs (L). Pourquoi ? Parce qu’elle a été l’un des 22 lauréats 2013 – la seule Française - du prestigieux Eisenhower Fellowship (voir encadré) qui s électionne chaque année des personnalités motivées, à fort potentiel afin de leur permettre de soutenir un projet personnel et de créer un réseau de relations internationales. À travers ce programme, la chercheuse souhaitait identifier des sources innovantes de financement de la recherche, y compris dans un contexte de restriction. Pourquoi ce thème ? « Je préfère agir pour trouver une solution plutôt que d’attendre d’être en difficulté. Mais pour y répondre, il est indispensable de cerner les liens, actuels et futurs, qui unissent science et société. » Plus jeune, ses lectures des biographies d’Henri Pasteur * Voir S&S n°4, Entreprendre « MicroARNs – Des régulateurs pleins d’avenir », p. 42 ☛Alexandra ☛ Henrion Caude : unité 781 Inserm – Université Paris-Descartes, Génétique et épigénétique des maladies métaboliques, neurosensorielles et du développement ☛Alec ☛ Jeffreys : Professeur de génétique à l’université de Leicester en Grande-Bretagne (département Génétique) ☛Axel ☛ Kahn : Médecin généticien, directeur de recherche Inserm, ex-directeur de l’université Paris-Descartes (2008-2011) •• •• dates-cles 1969 Naissance à Warwick (G.-B.) 1991 Programme Erasmus à Leicester 1997 Doctorat en génétique à l’université Paris VII – Prix de la Fondation Nestlé 1998 Post-doctorat à Harvard Medical School à Boston 1999 Chargée de recherche Inserm, au Children’s Hospital de Los Angeles 2002 Étude nationale sur l’identification des polymorphismes de gènes associés à la mucoviscidose 2012 Chef d’équipe à l’unité Inserm 781, dirigée par Arnold Munnich – Découverte de l’implication d’ARN non codants dans des maladies génétiques 2013 Prix Eisenhower Fellowship ©©François guénet/inserm 14 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 et d’Andy Warhol la convainquent que toute discipline peut être réinventée. Chacun a, en effet, apporté un éclairage qui a modifié son domaine. Elle poursuit ce questionnement avec Alec Jeffreys *, le directeur de son programme Erasmus à Leicester, et Axel Kahn *, son directeur de thèse, qui l'ont « initiée à la pluralité des voies qui lient notre science à la société, l’un, par sa découverte de l’empreinte génétique à partir d’une recherche fondamentale, l’autre, par une préoccupation constante de communication et d’éthique de nos recherches. » Au-delà de ces rencontres déterminantes, la sélection d’Alexandra Henrion Caude tient essentiellement à la diversité thématique et géographique de son “ Je préfère p arcours. Après avoir agir plutôt que o btenu son doctorat d’attendre d’être de génétique en 1997 à en difficulté „ l’université Paris VII, la têtes chercheuses ➜ La Fondation Eisenhower Fellowship ©©François guénet/inserm chercheuse opte pour une logique moléculaire pour conduire sa carrière. Ainsi, elle s’éloigne du gène, dont elle étudiait l’allumage dans le foie en réponse au sucre, pour s’intéresser à la signalisation de la transcription (L) dans le cerveau en 1998 à la Harvard Medical School à Boston. L’année s uivante, elle choisit d’appliquer ses connaissances sur un autre organe, le poumon, au Children’s Hospital de Los Angeles. En 2000, retour en France où elle participe à la mise en œuvre d’un réseau de recherche clinique sur les gènes modificateurs de la mucoviscidose en créant la première unité mixte I nserm (E213 devenue l’unité 719) à l’hôpital Trousseau, à Paris, avec Annick Clément. Intriguée par le potentiel nouveau et prometteur des ARN non codants (L), elle rejoint en 2007 l’unité Inserm 781 à l’hôpital Necker- Enfants malades, à Paris, et travaille en collaboration avec l’Institut I magine, un é tablissement de pointe en matière de recherche médicale sur les maladies génétiques. En 2012, elle devient chef d’équipe et démontre l’implication de ce type d’ARN dans des maladies génétiques, avec, à la clé, trois dépôts de brevet avec Inserm Transfert. La chercheuse dénote aussi par ses engagements personnels. Elle propose notamment une réflexion sur le problème de la recherche sur l’embryon humain à travers le site Internet Science en conscience et des articles dans la presse générale. Autant d’éléments qui l’ont distinguée lors des candidatures pour devenir une Fellow. Un titre qui l’a conduite à parcourir les États-Unis avec des étapes qui l’ont fortement marquée, comme la clinique de Cleveland. L’établissement allie une r echerche de pointe à un véritable souci d’une prise en charge plus globale des patients, notamment via l’art. Ainsi, ses couloirs font parfois penser à une salle d ’exposition ! Par la suite, la chercheuse a fait une rencontre déterminante avec Phillip Sharp. Prix Nobel de médecine, spécialiste de l’ARN non codant, c’est aussi le père de la première biotech financièrement indépendante au monde, B iogen, productrice de protéines comme l’interféron en grande quantité. Chercheurs, institutions de recherche, sociétés de capitalrisque, équipes de direction, marchés financiers, toutes ces interactions permettent aux États-Unis l’émergence d’un écosystème favorable aux biotechs, ces entreprises qui exploitent la recherche à un niveau industriel. Enfin, à New York, son échange avec Jonathan Cole, l’ancien recteur de l’Université de Columbia lui « a appris qu’il suffit juste d’un ou deux brevets pour faire l’histoire d’une université. » En 1953, un groupe d’hommes d’affaires de Pennsylvanie décide de créer un programme d’échanges entre les leaders du monde entier pour l’anniversaire du président américain : ce fut le début de la Eisenhower Fellowship, aujourd’hui réseau collaboratif de 2 000 Fellows dont l’ambition est de « rendre le monde meilleur ». Durant sept semaines, des personnalités issues de tous les domaines se rassemblent aux États-Unis où tout leur est offert. On leur remet également la clé de la maison mère, très symbolique. Les Fellows apprennent à se connaître et réfléchissent à diverses notions autour du leadership, comme la manière de mettre en œuvre la vision de chacun. Puis, ils se séparent pour cinq semaines d’itinérance et de rencontres www.efworld.org à travers le pays autour de leur projet. 8 En l’occurrence, deux, dont l’invention par Gordon Gould du laser, qui la fait prospérer depuis des années. Tous ces exemples sont des modèles de réussite qui ont permis à la chercheuse de dégager des solutions pour financer la recherche. « Ce que j’ai appris là-bas, c’est la façon d’associer les forces entre elles, plutôt que de privilégier la course à la technologie, par exemple, d’allier des domaines tels que mécénat, patrimoine culturel et science MicroARNs pour mieux innover. » Autrement dit, en favorisant la créativité par une interdisciplinarité, impliquant les Variété d’ARN non codant acteurs de la société, au-delà des scientifiques, il devient “ J’ai appris Transcription possible d’ouvrir des voies de Étape de la synthèse des là-bas recherche moins coûteuses. qui produit un à associer Au terme de leur « tournée », protéines, ARN à partir de l’ADN. les Fellows 2013 se sont tous les forces retrouvés une dernière semaine entre elles „ pour faire le bilan et prévoir la ARN non codant suite. L’occasion de recevoir du ARN qui ne sera pas président de la Fondation, Colin Powell, un diplôme et traduit en protéine. Il un insigne. « L’aventure a une fin mais on est Fellow à vie ! est impliqué dans la de l’expression C’est pour cela que j’ai toujours la clef de la maison ; c’est une régulation de gènes et dans des reconnaissance et l’assurance d’un réseau mondial unique processus biologiques. de 2 000 Fellows prêts à vous aider. » Alexandra Henrion Caude a aujourd’hui repris sa blouse Symposium de chercheur à l’Institut Imagine et elle implique déjà des frontières de nouveaux acteurs dans ces travaux, comme les assomoléculaires ciations de patients. « Enrichie par ce voyage et toutes Groupe de réflexion ces rencontres, je souhaite être un émissaire actif de la où des scientifiques recherche que nous faisons », conclut-elle. Invitée à reconnus issus de différentes disciplines se Séoul au prestigieux Symposium des frontières molé- réunissent pour discuter culaires (L), elle exposera ses idées sur les orientations et analyser les progrès de la science de demain en octobre. Le tour du monde scientifiques actuels. continue donc pour Alexandra Henrion www.inserm.fr Caude, avec toujours cet objectif en tête : www.institutimagine.org améliorer et faire évoluer son domaine de www.science-en-conscience.fr recherche. n Fanny Pijaudier-Cabot L L L L 8 EN BREF ● Nicolas Manel * a reçu le prix Acteria, décerné pour la première fois par l’European Federation of Immunological Societies. Il récompense ses recherches sur l’immunité innée chez l’homme et ses interactions avec l’immunité adaptative. ☛Nicolas ☛ Manel : unité 932 Inserm/Institut Curie – Université Paris-Descartes, Immunité et cancer ● L’European Network to cure SLA a récompensé Luc Dupuis * du prix « jeune chercheur » pour ses travaux sur la sclérose latérale amyotrophique. Il est le premier à avoir souligné le rôle central d’anomalies du métabolisme dans cette maladie. ☛Luc ☛ Dupuis : unité 1118 Inserm – Université de Strasbourg, Mécanismes centraux et périphériques de la neurodégénérescence septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 15 regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses ➜ Allemagne-canada Le cerveau humain en 3D C’est une première mondiale : un cerveau humain a été reconstitué en 3D ! Une équipe germanocanadienne, menée par Katrin Amunts du Centre de recherche de Jülich en Allemagne, a découpé le cerveau d’une femme de 65 ans en 7 404 tranches de 20 microns chacune et les a numérisées pour reconstituer Big brain. Ce modèle, mis à la disposition de la communauté scientifique, servira de cerveau de référence en anatomie. Cerveau vu en 3D K. Amunts et al. Science, 21 juin 2013 ; 340 (6139) : 1472-5 AUSTRALIE ● Cancer du sein : le gène de l’espoir Près de 70 % des cancers du sein présentent initialement une croissance dépendante des œstrogènes (L). Malgré l'efficacité des anti-œstrogènes, après quelques années, certaines patientes développent des métastases récidivantes qui résistent aux traitements hormonaux. Andrew Stone et ses collaborateurs du Garvan Institute en Australie ont démontré que cette résistance s’accompagne d’une perte de l’expression du gène bcl-2. Ce facteur anti-apoptotique permet normalement la survie des cellules. Son extinction, par hyperméthylation (L) de l’ADN, rend donc les tumeurs sensibles à la chimiothérapie. Autre bonne nouvelle, l’hyperméthylation de bcl-2 pourrait servir de biomarqueur et permettre de modifier la stratégie thérapeutique au moment propice. LŒstrogène Hormone responsable du développement et du maintien des caractères sexuels féminins LHyperméthylation Augmentation du nombre de groupements méthyle sur un gène LTissu adipeux brun Ensemble de cellules graisseuses dont la lyse produit de l’énergie sous forme de chaleur. LAthérome Épaississement progressif de la paroi des artères par dépôt de plaques de graisse •• •• etats-unis • L’épigénétique dynamise le cerveau Une explication scientifique aux changements d’attitude qui surviennent à l’adolescence serait possible ! L’équipe de Richard Lister, du Salk Institute de La Jolla, vient de mettre en évidence que le cortex préfrontal, au rôle essentiel dans nos comportements et nos apprentissages, subit de profonds changements jusqu’à la fin de l’adolescence. Tout au long du développement, une reconfiguration des méthylations de l’ADN - un mécanisme épigénétique - a lieu, modifiant l’expression des gènes et permettant la maturation du cerveau. Un nouvel éclairage sur la plasticité cérébrale en jeu lors des apprentissages ! Les chercheurs souhaitent maintenant évaluer si des altérations de ce puissant programme de contrôle, après la naissance, pourraient être associées à des troubles psychiatriques, comme la schizophrénie ou l’autisme. R. Lister et al. Science, 4 juillet 2013 (en ligne) doi : 10.1126/science.1237905 royaume-Uni • A. Stone et al. Mol Cancer, 16 juillet 2013 (en ligne) doi : 10.1158/1535-7163.MCT-13-0012 ©©Usha Chakravarthy SuÈDE ● Maladies cardiovasculaires : le froid augmente les risques…. Et l’équipe de Mei Dong du Karolinska Institutet en Suède vient de le démontrer. Chez les souris, l’exposition au froid entraîne la conversion du tissu adipeux blanc en tissu adipeux brun (L). L’activation de ce dernier, à l’origine de la thermogenèse, entraîne la formation d’athérome (L) qui finit par obstruer les artères. Chez l’homme adulte, la présence du tissu adipeux brun n’a été mise en évidence qu’en 2009. Si le mécanisme se révèle être le même que chez la souris, cette découverte permettra de développer de nouvelles approches pour la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires. Un traitement efficace et bon marché pour la DMLA La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de cécité après 50 ans. La forme dite humide peut être bien traitée par des anti-angio géniques qui bloquent l’apparition des vaisseaux sanguins néfastes. L’un deux, le ranibizumab, est couramment utilisé mais coûte très cher. L’équipe de Usha Chakravarthy, de l’Institut des sciences cliniques de Belfast, a mené une étude randomisée sur 610 patients britanniques pendant Prolifération angiomateuse deux ans pour comparer son efficacité à celle d’une dans une rétine de malade molécule dix fois moins atteint de DMLA chère : le bevacizumab, un anti-cancéreux. Les r ésultats montrent que les deux molécules NHS ont la même action, des effets secondaires similaires et qu’un Le National Health traitement régulier est préférable à des injections ponctuelles. Service est le système L’utilisation du bevacizumab ferait économiser 84,5 millions de de santé publique du Royaume-Uni. livres (98 millions d’euros) par an au NHS (L). L U. Chakravarthy et al. The Lancet, 19 juillet 2013 (en ligne) doi : 10.1016/S0140-6736(13)61501-9 M. Dong et al. Cell Metab, 21 juillet 2013 ; 18(1) : 118-29 16 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Rubrique réalisée par Natacha Bitton Mohlberg H, Dickscheid T, Rousseau ME, et al/ Science 2013; 340(6139):1472-5 Research Centre Juelich ©©Amunts, Zilles, Evans et al./ Le microtome découpe le cerveau en tranches fines. ©©Amunts K, Lepage C, Borgeat L, • regards sur le monde ➜ •••• ETATS-UNIS Cancer Le papillomavirus sous contrôle Les infections par les papillomavirus humains (HPV) de type 16 et 18 sont associées à l’apparition du cancer du col de l’utérus. Dès 2006, à l’instar de la France, les autorités sanitaires américaines ont Un geste qui fait diminuer de moitié donc recommandé aux jeunes femmes la la contamination par les HPV. vaccination ciblée contre ces deux génotypes de HPV. Elizabeth Unger et les chercheurs du Centre de prévention et de contrôle des maladies d’Atlanta viennent de démontrer l’efficacité de cette prophylaxie. Ils ont analysé les frottis cervico-vaginaux de plus de 8 000 femmes âgées de 14 à 59 ans, collectés pour moitié entre 2003 et 2006, et pour l’autre après 2006. Résultat : entre ces deux périodes, la contamination par les HPV a chuté de moitié dans la classe d’âge des 14-19 ans, celle justement qui a pu bénéficier de la vaccination. ©©James Gathany/CDC S&S : Et observe-t-on la même évolution dans la population française ? J.-L. P. : Je n’ai pas connaissance encore d’étude sur l’impact de la vaccination sur l’infection à HPV ou l’apparition de lésions précancéreuses. Quoi qu’il en soit, nous ne devrions pas à ce jour observer d’effet majeur en France dans la mesure où le taux de couverture vaccinale reste très modeste. En Franche-Comté par exemple, seulement 20 % de la population ciblée - les jeunes filles de 14 ans - sont vaccinés. L. E. Markowitz et al. The Journal of Infectious Diseases, 1er août 2013 ; 208 (3) : 385-93 Le point avec Jean-Luc Prétet Maître de conférences et praticien-hospitalier en biologie cellulaire, au Laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire - CIC Biothérapie 506, du CHRU de Besançon, et équipe d’accueil EA 3181 Carcinogenèse épithéliale : facteurs prédictifs et pronostiques, de l’Université de Franche-Comté Science&Santé : Ces travaux semblent une preuve de l’utilité de la vaccination contre le HPV. Qu’en pensez-vous? Jean-Luc Prétet : Ils sont très encourageants. Remarquons toutefois qu’il ne s’agit que de l’impact sur l’infection par les papillomavirus, qui sont des agents certes nécessaires mais pas suffisants au développement d’une lésion précancéreuse ou d’un cancer du col de l’utérus. Nous pouvons tout de même penser que cela permettra de réduire, à terme, le nombre de tumeurs. S&S : Mais d’autres facteurs que la vaccination - l’âge du premier rapport, l’évolution éventuelle des pratiques... - ne pourraient-ils pas expliquer le résultat de cette étude ? J.-L. P. : À priori non car les auteurs indiquent que, globalement, les caractéristiques démographiques S&S : Quelles retombées cette et les comportements “ Le taux de étude devrait-elle avoir en sexuels des sujets étudiés couverture termes de santé publique et de sont identiques avant et après la mise en place de vaccinale reste politique vaccinale dans notre pays ? la vaccination. modeste en J.-L. P. : Cette étude fait écho à une Aucune diffé- France „ La vaccination, pour qui ? autre, australienne, déjà publiée, qui rence dans la séroprévalence à l’herpès simplex a montré l’efficacité de cette vaccination sur En France, les dernières virus de type 2 (HSV2) dans ce le développement des condylomes externes, recommandations officielles préconisent la vaccination contre le papillomavirus groupe d’âge avant et après vacci ces lésions génitales bénignes dues à certains humain chez les jeunes filles de 12 ans nation n’a été mise en évidence, virus HPV. De quoi convaincre les autoriet, en « rattrapage », jusqu’à 20 ans pour ce qui dénote que l’exposition aux tés sanitaires françaises qu’une politique celles n’ayant pas eu de rapports sexuels, infections sexuellement transmis- vaccinale bien menée permet de réduire ou au plus tard dans l’année suivant leur sibles est similaire. Il s’agit donc l’infection par les HPV et donc très vraisempremier rapport. La vaccination nécessite bien d’une protection spécifique blablement de réduire l’incidence des lésions trois injections successives (0, 2 et 6 mois) contre les infections à HPV qui est qui y sont associées. n pour une protection optimale. conférée par la vaccination. Propos recueillis par Hélène Perrin septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 17 ©©François guénet/inserm • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde ➜ •• •• •• •• •• •• Inegalites sociales de sante Peut-on agir sur la nutrition ? Le 27 juin 2013, les scientifiques de l’expertise collective de l’Inserm « Inégalités sociales de santé et nutrition », commanditée par la Direction générale de la santé, révélaient une partie des résultats de leurs travaux. Si certains constats semblent évidents, les recommandations de politique de santé publique pour réduire ces inégalités sont plus difficiles à formuler. C ’est indéniable, l’espérance de vie en France ne cesse de croître, au rythme quasi effréné de trois mois par an. Ce qui l’est tout autant, c’est que l’amélioration de la santé est plus importante pour les catégories sociales favorisées. « Les inégalités sociales de santé (ISS) suivent un gradient social, quelles que soient les variables choisies pour déterminer l’appartenance à une catégorie : niveau d’étude, catégorie professionnelle, revenus… Et non seulement elles ne diminuent pas, mais elles sont aussi les plus élevées d’Europe occidentale », rappelle Thierry Lang *, membre du groupe d’experts, é pidémiologiste à l'Inserm. modestes, les critères sont surtout d’ordre économique. Par ailleurs, les chercheurs ont pointé la complexité du sujet de l’expertise, en rappelant que l’alimentation Un repère identitaire Quel rôle y joue donc la nutrition – qui regroupe imprègne profondément la vie d’un individu, au point alimentation et activité physique ? L’analyse de la de constituer une partie de son identité : le rôle social littérature existante a permis aux experts de faire des repas pris en commun, l’appartenance à une région ressortir quelques concepts généraux sur les liens qui détermine l’adoption d’un type de cuisine – le entre ces ISS et la nutrition : ils confirment certaines régime méditerranéen n’a pas grand chose à voir avec idées pressenties de façon empirique. En France, les celui du Nord… La nutrition n’est pas une composante consommations alimentaires des qu’on peut facilement isoler dans la vie adultes qui se situent au niveau socio- “ Difficile encore d’un individu. économique le plus faible sont générac’est là que le bât blesse, lorsqu’il s’agit de vérifier l’efficacité Et lement moins favorables à la santé que d’identifier les leviers sur lesquels agir celles des personnes de plus haut niveau. des mesures prises „ et émettre des recommandations de De même, plus un foyer dépense pour santé publique. Les connaissances sont son alimentation, plus celle-ci est équilibrée. Quant encore parcellaires car les ISS constituent un domaine aux adultes de position socio-économique plus faible, de recherche relativement récent, comme le soulignait, ils sont moins susceptibles de pratiquer une activité en 2000, le livre Les inégalités sociales de santé*, publié physique de loisir. Autre constat, celui de la différen- par La Découverte et l’Inserm. ciation sociale de la représentation de l’alimentation. « Surtout, rappelle Thierry Lang, il existe peu d’études Dans les milieux favorisés, cette dernière est pensée ayant évalué l’efficacité de telle ou telle mesure de sur le long terme et choisie en fonction d ’impératifs santé publique prise dans ce cadre. Sans cela, il est diététiques. En revanche, dans les milieux plus difficile de vérifier le bien- fondé et les effets des actions 18 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Cliniquement vôtre ➜ Une expertise, 13 experts, plus de 1 750 publications « Chaque expertise commence par la définition de son périmètre en concertation avec le commanditaire pour préciser les questions auxquelles les experts devront répondre, rappelle MarieChristine Lecomte *, responsable du centre d’Expertise collective de l’Inserm. Puis, un important travail de recherche bibliographique permet de réunir les publications scientifiques sur le sujet. Pour l’expertise sur les inégalités sociales de santé liées à la nutrition, nous en avons identifié plus de 1 750. Le programme scientifique de l’expertise est ensuite soumis pour validation à l’institut thématique multi-organisme d’Aviesan concerné. Un groupe d’experts est constitué (13 pour celle-ci) en veillant à une approche multidisciplinaire (biologie, sociologie, économie…). Plusieurs réunions permettent de débattre des analyses des experts et des recommandations proposées par le groupe.» Le centre d’Expertise collective coordonne l’ensemble de la réalisation de la procédure jusqu’à la publication du rapport final. ☛☛Marie-Christine Lecomte : Institut thématique Santé publique, pôle Expertise collective 8 www.inserm.fr www.aviesan.fr ©©Illustration : icinori qui visent l’ensemble de la population (étiquetage nutritionnel, politiques de taxation, régulation de la publicité…), les évaluations restent partielles. Celles-ci tendent néanmoins à montrer que ces initiatives ont chacune des effets modestes, ce qui implique de développer, de façon pérenne, des politiques dans de multiples dimensions. Il faut cependant prendre garde mises en place. » Louis-Georges “ La question nutritionnelle aux p ossibles effets pervers. La Soler *, économiste et respon- est multi-factorielle „ suppression de la publicité pour un sable de l’unité Inra Alimentation produit, identifié comme négatif et sciences sociales, à Ivry-surdu point de vue de la santé, peut se Seine, souligne que « certains travaux essayent de traduire par une augmentation des ventes si les producrendre compte d’interventions effectuées auprès de teurs décident, en réaction, d’en baisser les prix. « Enfin, populations particulières. Mais ce sont toujours des insiste Louis-Georges Soler, la question nutritionnelle actions locales - comme dans une école au Canada ou est réellement multi-factorielle, puisque l’alimentation dans un quartier particulier - dont le message n’est pas a un rôle important dans l’identité culturelle et sociale robuste car toujours lié à un contexte très particulier. Il des individus. Modifier son alimentation, ou faire plus est très difficile de généraliser les effets d’une multitude d’activité physique, implique des changements de style de d’interventions locales. » vie, où la santé n’est pas la seule à entrer en jeu. » Est-ce à dire qu’on ne peut rien faire ? « Non », répondent Des actions à évaluer les experts. Le message est plutôt de prendre en compte De plus, le cadre dans lequel une mesure s’est inscrite la complexité du sujet et de ne pas oublier de prévoir des est très important, ont rappelé les experts. Pour une études d’efficacité des actions qui seront mises en œuvre. même catégorie de population, l’accessibilité géogra- Dans un rapport paru en juin 2013, le Haut Conseil phique aux supermarchés, un des paramètres pris en de la santé publique recommande des modifications compte pour tester l’accès à une bonne alimentation, du système d’information sanitaire pour suivre les ISS peut être très variable. En effet, l’étalement de deux villes et la mise en place d’une structure responsable de ce peut être radicalement différent, comme par exemple, suivi dans l’ensemble des domaines liés à la santé, dont Barcelone, en Espagne, ramassée sur elle-même, et la nutrition. La balle est désormais dans le camp des Atlanta, aux États-Unis, très étendue. Quant aux actions politiques. n Julie Coquart * Les inégalités sociales de santé A. Leclerc, D. Fassin, H. Grandjean, M. Kaminski, T. Lang 2000, La Découverte/ Inserm, 448 p. ☛Thierry ☛ Lang : unité 1027 Inserm – Université Toulouse III - Paul-Sabatier, Épidémiologie et analyses en santé publiques : risques, maladies chroniques et handicaps ☛Louis-Georges ☛ Soler : unité 1303 Inra, ALISS septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 19 Cliniquement vôtre ➜ Grossesse Les éthers de glycol sur la sellette Composé stable, résultat de la transformation biochimique - le métabolisme d’une molécule initiale Tabac et cannabis sous les drapeaux L’entrée dans l’armée est-elle un facteur de risque dans la consommation de tabac ou de c annabis ? « Non », répond A urélie Mayet * de l’unité Trouble du comportement alimentaire de l’adolescent, qui a analysé les pratiques addictives de plus de 4 200 militaires de l’armée française. La plupart des usagers de tabac ou de cannabis LPELAGIE Perturbateurs endocriniens : étude longitudinale sur les anomalies de la grossesse, l’infertilité et l’enfance oie de LVsignalisation Ensemble de mécanismes de communication qui régissent le fonctionnement et l’activité des cellules. ©©JEFF PACHOUD /AFP ☛Aurélie ☛ Mayet : unité 669 Inserm/Université Paris 11Paris Sud – Université Paris-Descartes A. Mayet et al. Addict Behav, septembre 2013 ; 38 (9) : 2437-44 20 ● allongement du délai nécessaire à concevoir. Ce métabolite, ou son éther de glycol « source », le phénoxyéthanol, très présent dans les produits cosmétiques, est un suspect plausible pour les résultats observés. Mais il peut être aussi le marqueur d’autres produits présents dans les cosmétiques. Le lien observé devra être confirmé par des études prospectives. H. P. ☛Sylvaine ☛ Cordier : unité 1085 Inserm/ Université Antilles-Guyane/EHESS – Université de Rennes 1, Institut de recherche, santé, environnement et travail R. Garlantezec et al. Environ Health Perspect, 9 juillet 2013 (en ligne) doi : 10.1289/ehp.1206103 LMétabolite Addictologie Leucémies Une voie à bloquer Le traitement classique des leucémies Les cellules tumorales aiguës myéloïdes (LAM) s’accompagne de (en rouge) fréquentes rechutes. Les chercheurs du envahissent département d’immuno- hématologie de le sang. l’Institut Cochin développent des thérapies ciblées pour lutter contre l’activation anormale des voies de signalisation (L) conférant aux cellules souches leurs capacités excessives de prolifération et de survie. Sophie Park * et son équipe ont ainsi mené un essai clinique de phase Ib auprès de 28 patients âgés de moins de 65 ans, pour étudier l’activité du RAD001, un médicament inhibiteur capable de bloquer la voie de signalisation mTORC1, déjà utilisé contre le cancer du sein. L’étude montre que le taux de rémission complète est plus élevé lorsque la chimiothérapie est a ssociée à RAD001. « Le ciblage de la voie mTORC1 dans les LAM est possible et peut être cliniquement intéressant », résume Sophie Park. H. P. ☛Sophie ☛ Park : unité 1016 Inserm/CNRS – Université Paris-Descartes S. Park et al. Leukemia, juillet 2013 ; 27 (7) : 1479-86 ©©BODENHAM/SPL/PHANIE en consommaient depuis leur adolescence, donc bien avant leur entrée dans l’armée. Les militaires ont, en revanche, une probabilité d’initiation au cannabis avant le tabac plus élevée que les civils, ce qui pourrait traduire un goût pour les conduites à risque plus marqué H. P. chez les futurs soldats. Sylvaine Cordier * a dosé huit des métabolites (L) d’éthers de glycol dans les urines de 519 femmes, en début de grossesse, de la cohorte PELAGIE (L), Résultat : l’acide phénoxyacétique était le seul métabolite associé avec un Trachéotomie Une ventilation mécanique pour bien dormir Les patients trachéotomisés sont placés sous assistance respiratoire pendant la nuit, même s’ils sont capables de respirer sans aide. Les tests menés par Ferran Roche-Campo * au sein de l’Institut Mondor de recherche biomédicale légitiment cette pratique. ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Chacun des 16 patients trachéotomisés suivis a été appareillé une partie de la nuit, et a passé le reste sans assistance. Conclusion : la qualité du sommeil est indépendante du mode de ventilation mais les patients dorment plus longtemps sous assistance respiratoire. H. P. ☛Ferran ☛ Roche-Campo : unité 955 Inserm - Université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne F. Roche-Campo et al. Crit Care Med, juillet 2013 ; 41(7) : 1637- 44 ©©Inserm ©©Fotolia Des études menées chez l’animal suggèrent que certains éthers de glycol, présents dans les encres, cosmétiques et produits de nettoyage, affectent la fonction ovarienne. Qu’en est-il chez l’homme ? Pour le savoir, l’équipe de Cliniquement vôtre ➜ VIH Des recommandations sans preuve ? L ☛Philippe ☛ Van de Perre : unité 1058 Inserm - Université Montpellier 1, Infection par le VIH et par agents à tropisme cutanéo-muqueux : de la pathogenèse à la prévention P. Van de Perre et al. BMJ, 20 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1136/bmj.f3763 Éviter la transmission mère-enfant du VIH : quels conseils ? ©©HOANG DINH Nam /AFP es recommandations sanitaires formulées par les agences des Nations unies (OMS, Unicef, Onusida) affectent généralement la vie de m illions de p ersonnes dans le monde. Elles devraient donc être fondées sur des preuves scientifiques solides. « Pourtant ce n’est pas toujours le cas », selon P hilippe Van de Perre * et ses collègues dans une analyse parue dans le British Medical Journal. Prenant l’exemple de la prévention de la transmission de la mère à l’enfant du VIH, d estinée à éviter environ 400 000 nouvelles infections pédiatriques chaque année, les auteurs relèvent que, dans les années 1980, les premières séries de recommandations s’appuyaient sur les résultats des essais c liniques pionniers de l’époque. Puis, a suivi un glissement progressif vers des recommandations argumentées par des extrapolations ou des simplifications parfois génératrices de conséquences néfastes sur la santé publique. Aujourd’hui, les nouvelles recommandations de l’OMS, qui visent à « éliminer » la transmission du VIH de la mère à l’enfant, s’appuient sur des principes d’équité d’accès aux soins, de simplification d’organisation des services de santé, des modèles mathématiques et des avis d’experts, mais aucunement sur les résultats de la recherche. Or, des essais cliniques sont en cours qui devraient bientôt apporter des arguments formels en faveur de certaines stratégies de prévention. Ce déphasage entre les directives de l’OMS et l’agenda international de la recherche scientifique conduit à des effets pervers potentiels alors que les services de santé des pays à ressources limitées ont déjà du mal à faire adopter des pratiques trop fréquemment modifiées par les recommandations internationales « venues d’en haut ». K. P. Transmission mère-enfant L’administration intraveineuse de zidovudine est prescrite depuis 1994 afin de limiter la transmission du VIH de la mère à l’enfant au cours de l’accouchement. Cette perfusion ne serait plus indispensable selon les résultats de l’étude menée par Nelly Briand * et son équipe sur la cohorte périnatale française. Sur les 11 338 femmes étudiées, les résultats ont montré que chez celles pour lesquelles la charge virale est contrôlée - 90 % des patientes – une perfusion de zidovudine pendant le travail, associée à une multithérapie pendant la grossesse, ne présente pas de gain supplémentaire. La zidovudine resterait utile uniquement pour les mères en échec virologique. Mais l’absence de perfusion de zidovudine chez ces femmes pourrait toutefois être compensée par un traitement préventif post-natal intensif chez les nourrissons. K. P. ☛Nelly ☛ Briand : unité 1018 Inserm/Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines Université Paris Sud 11, équipe Épidémiologie du VIH et des IST N. Briand et al. Clinical Infectious Diseases Advance Access, 9 juillet 2013 (en ligne) doi : 10.1093/cid/cit374 ● Détresse respiratoire Tous à plat ventre ! C’est une première ! Claude Guérin *, au sein de l’unité Inserm CREATIS, a montré que la position ventrale allongée permet, chez les patients atteints d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë sévère, et qui requièrent une assistance respiratoire mécanique, d’accroître leur pronostic vital. Elle limiterait, en effet, les contraintes mécaniques imposées aux poumons au cours de l’assistance respiratoire et améliorerait l’oxygénation sanguine. Les résultats de l’étude menée sur 466 patients répartis en deux groupes (sur le dos/sur le ventre) indiquent que la mortalité à 28 et à 90 jours est pratiquement divisée par deux dans le groupe « sur le ventre ». Une étude directe vient confirmer les conclusions de méta-analyses menées sur ce sujet. K. P. ☛Claude ☛ Guérin : unité 1044 Inserm/CNRS/ Université Lyon 1 Claude-Bernard - Insa de Lyon, Centre de recherche en applications et traitement de l’image pour la santé, équipe Imagerie cœur-vaisseaux-poumons C. Guérin et al. N Engl J of Med, 6 juin 2013 ; 368 (23) : 2159-68 septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 21 Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre ➜ essais cliniques Pourquoi ils sont Installation d’un volontaire sain dans un appareil IRM au centre d’investigation clinique de Nancy 22 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Grand Angle ➜ incontournables septembre - octobre 2012 ● N°10 ● ● © Inserm/Patrice Latron Chacun d’entre nous en a entendu parler. Certains y voient des expériences médicales sur des cobayes humains, d’autres un moyen de traiter des patients sans plus aucun espoir. Or, les essais c liniques sont beaucoup plus et bien mieux que cela. Surveillés et contrôlés de près par les autorités sanitaires, ils constituent une étape essentielle entre le laboratoire et le malade. Ils permettent de valider ou invalider une hypothèse scientifique issue de la recherche fondamentale. Avec pour résultat espéré la mise en place de nouvelles stratégies thérapeutiques et de nouvelles perspectives de recherche. Plongée dans ce monde d’innovation et de connaissances. 23 Grand Angle ➜ É LCellule souche Cellule indifférenciée qui a la capacité de se spécialiser via le processus de différenciation cellulaire et qui peut également se maintenir par prolifération. LEurordis Alliance non gouvernementale pilotée par des personnes malades, qui regroupe 561 associations de patients atteints de maladies rares dans 51 pays. * Voir S&S n°12, Têtes chercheuses « Marina Cavazzana-Calvo – Génie des gènes », p. 14-15 **Voir S&S n°12, Stratégies « Associations de malades – Compagnons de route des chercheurs », p. 45 ☛Alain ☛ Fischer, Marina CavazzanaCalvo : unité 768 Inserm – Université Paris-Descartes, Développement normal et pathologique du système immunitaire, IFR Necker-Enfants malades (IRNEM), CTB 502 (CIC-Biothérapies Necker-HEGP-Cochin) ☛☛François Faurisson : membre de la Mission Inserm Associations, au sein du département Information scientifique et communication de l’Inserm ☛☛Yehezkel Ben-Ari : Fondateur et directeur honoraire Inserm de l’Institut de neurobiologie de la méditerranée (INMED), unité 901 Inserm – Aix-Marseille Université ☛Éric ☛ Lemonnier : clinicien spécialiste, CHRU de Brest E. Lemonnier et al. Translational Psychiatry, 11 décembre 2012 ; 2, e202 doi : 10.1038/tp.2012.124 8 24 ● www.inserm.fr ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 ©©François guénet/inserm Le déficit immunitaire combiné sévère lié à l’X est une maladie due à un défaut d’un gène porté par le chromosome X, qui prive l’organisme de certains globules blancs : les lymphocytes T et les cellules tueuses NK. ©©AFP /François GUILLOT LDICS-X tape cruciale dans l’amélioration de la prise en charge des patients, les essais cliniques, réglementairement encadrés en France par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et par les comités de protection des personnes (CPP), permettent la mise au point de n ouveaux médicaments ou de traitements innovants. Un essai a marqué les mémoires en avril 2000 : pour la toute première fois, la thérapie génique a guéri des « enfantsbulles ». Ces résultats étaient le fruit d’un essai clinique entrepris par une équipe de chercheurs, menée par Alain Fischer *, immunologiste, et l’hématologue Marina Cavazzana-Calvo* *, coordonnatrice du centre d’investigation clinique (CIC) en biothérapie de l’hôpital NeckerEnfants malades de Paris. Ils avaient traité cinq enfants souffrant d’un grave déficit immunitaire, le DICS-X (L), en Les enfants leur injectant un souffrant de gène « réparateur ». déficiences Ce traitement innoimmunitaires vant avait nécessité sont protégés par le prélèvement de des « bulles ». cellules précurseurs des cellules immuLes deux chercheurs nitaires chez les les patients les plus gravement touchés et ceux qui ne qui ont ouvert la voie patients. En dehors pouvaient pas b énéficier de greffe de cellules souches. » de la thérapie génique. de l’organisme, un virus porteur d’un gène capable de remplacer celui, Ce qu’ils sont… défaillant, porté par les malades, avait infecté ces Ce succès spectaculaire n’est qu’un des aspects des essais cellules précurseurs. Puis, ces cellules génétiquement cliniques dont la définition est beaucoup plus large. Il modifiées furent réintroduites dans la circulation de s’agit d’une étude scientifique réalisée sur l’être humain l’enfant. V erdict ? Après quelques mois, cette thérapie afin d’évaluer l’efficacité et la tolérance d’une nouvelle avait remis la machinerie immunitaire en marche, méthode ou d’un traitement pour soigner ou améliorer les stocks de lymphocytes et de les conditions de vie des patients. cellules tueuses NK (Natural Killer) champs d’action ne se limitent “ Les essais cliniques sont Leurs se constituèrent et les enfants pas à la thérapie, des procédures de purent enfin sortir de la « bulle » menés pour acquérir de diagnostic ou de prévention sont aussi passées au crible. Testés sur un qui les protégeait de tout risque nouvelles connaissances „ échantillon limité de personnes, ils d’infection. « Nos travaux ont fait beaucoup parler d’eux car notre équipe a montré de constituent les étapes préalables à l’autorisation d’utilifaçon formelle qu’on pouvait soigner un déficit immu- sation de ces procédures à plus large nitaire avec une telle thérapie », se souvient Marina échelle en pratique courante. « On se Cavazzana-Calvo. Or, à l’époque, seule une transplan méprend souvent sur leur but : les essais tation de moelle osseuse pouvait guérir ces petits cliniques ne sont pas conçus pour offrir malades. Mais l’opération était risquée car il fallait au un bénéfice individuel aux patients qui préalable détruire toutes les cellules souches (L) de y participent. Ils sont avant tout menés l’enfant pour les remplacer par celles d’un donneur dans une perspective d’évaluation, pour compatible. Sans compter sur les chances très réduites acquérir de nouvelles connaissances. de mettre la main sur celui-ci : un membre de la C’est pourquoi l’intérêt des particifamille a les mêmes groupes tissulaires dans seulement pants, dans ce cadre d’expérimentation, 20 % des cas. « Plus le patient est atteint sévèrement doit être pris en compte, que ce soit en et moins il y a de solutions possibles. Notre méthode termes de possibles bénéfices thérapeuinnovante o ffrait alors une autre chance pour l’enfant, tiques ou de limitations des risques », selon la chercheuse. Dans cet essai, nous avons inclus explique François F aurisson** *, Grand Angle ➜ 1947 Le code de Nuremberg sur l’animal ou des cellules Suite aux expérimentations menées humaines in vitro. En décembre dans les camps durant la Seconde Guerre dernier, Yehezkel B en-Ari * et mondiale, le Code de Nuremberg établit Éric Lemonnier * ont publié 10 critères sur les conditions dans lesquelles les expérimentations doivent les résultats d’un essai clinique être pratiquées pour être acceptables. visant à évaluer l’intérêt d’un diurétique dans le traitement de l’autisme. Pendant trois mois, soixante enfants autistes, Syndrome dont certains souffrant du syndrome d’Asperger (L), d’Asperger ont reçu soit un placebo (L), soit un diurétique. Parmi Trouble appartenant au ceux ayant reçu le principe actif, les trois quarts ont spectre autistique qui montré une diminution de la sévérité des troubles touche au développement autistiques : ils participent mieux aux jeux proposés, et entraîne des difficultés leur contact visuel et leur attention se sont améliorés. dans la communication et Mais les résultats suggèrent aussi que ce traitement agit les interactions sociales. différemment selon la sévérité des troubles. Il serait Placebo notamment plus efficace avec les enfants les moins Médicament composé de affectés. Afin d’en avoir le cœur net, les scientifiques substances neutres, sans viennent de déposer une nouvelle demande d’autori- effet pharmacologique dans sation pour réaliser un essai multicentrique au la maladie considérée L ancien conseiller scientifique et médical de la fédération européenne Eurordis (L). Ces essais sont menés soit par l’industrie pharmaceutique et des laboratoires privés, soit par des organismes de recherche publique. En France, nombreux sont les essais qui se déroulent au sein de centres d’investigation clinique, structures publiques, mises en place par l’Inserm et le ministère de la Santé, entièrement dédiées à la recherche clinique (voir encadré). À qui ils servent… ©©BSIP/Amelie Benoist Sans essai clinique, pas de nouvelles méthodes de traitement mais pas de nouveau médicament non plus. Car pour qu’une nouvelle molécule soit mise sur le marché, il faut démontrer qu’elle est plus efficace que la molécule de référence couramment utilisée pour traiter une maladie et qu’elle n’engendre pas plus d’effets secondaires. Avant d’être testée en essais cliniques, la m olécule est développée lors d’expéri mentation préclinique, Les autistes souffrant du syndrome d'Asperger ont le mieux bénéficié du traitement avec un diurétique lors d’un essai clinique mené par Yehezkel Ben-Ari (à gauche). Les centres d’investigation clinique (CIC)* Le premier appel d’offres pour la création de CIC a été promulgué par Philippe Lazar, alors directeur général de l’Inserm, en 1992. Ce sont des infrastructures de recherche clinique dans lesquelles les investigateurs, qu’ils soient académiques ou industriels, réalisent leurs projets de recherche clinique et en santé. Ces centres ont une double tutelle : l’Inserm et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la Santé. Leur particularité ? Installés au cœur de centres hospitaliers universitaires, ils permettent l’accueil des participants. Du matériel technique d’investigation est aussi disponible : local de conditionnement et de stockage des prélèvements, pièces de travail et locaux techniques dans une disposition adaptée aux exigences d’une activité de recherche clinique. La présence de personnels soignants et de recherche clinique spécialement qualifiés est une autre de leurs spécificités. Les CIC permettent aussi de ©©Inserm/Patrice Latron ©©BSIP/Laurent L Exploration fonctionnelle respiratoire pratiquée au CIC de Nantes former médecins, pharmaciens et professionnels paramédicaux à la recherche clinique et en santé. Différents types de CIC coexistent. Des CIC plurithématiques s’intéressent surtout aux études menées sur de nouveaux médicaments ou physiopathologiques. Les CIC-Épidémiologie clinique engagent des essais sur de grandes cohortes et suivent l’épidémiologie de certaines maladies. Les CIC-Innovations technologiques sont centrés sur l’évaluation de biomatériaux ou de dispositifs médicaux. Les CIC-Biothérapies se consacrent, eux, aux projets de recherche en thérapie cellulaire et génique, en immunothérapie et en vaccinologie. *Voir S&S n° 11, Stratégies « Centres d’investigation clinique, 20 ans déjà », p. 42-43 8 www.inserm.fr septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 25 Grand Angle ➜ niveau e uropéen. Ce type d’essai, qui se tient en même temps en différents lieux, permet d’éliminer les biais expérimentaux liés à la géographie, au Cellules souches climat, à l’origine des populations étumésenchydiées... et aussi de recruter davantage mateuses de patients. À la clé ? Une vision plus Type de cellules capable juste de la population pouvant être de se différencier en de nombreux autres types. concernée par ce traitement, et donc Elles constituent un tissu l’obtention d’une autorisation de mise de soutien chez l’embryon sur le marché pour cette indication. Formation d’os (en vert) et de moelle (en rouge) mais sont présentes en très Les essais cliniques évaluent par ailleurs après implantation d’un mélange de cellules souches faible quantité chez l’adulte. humaines et de biomatériau (gris/blanc) bien d’autres interventions que les médicaments. Ils testent aussi de nouvelles Biomatériau méthodes chirurgicales ou radiothérapeutiques. Besançon. Nous miniaturisons par exemple les tests de Matériau compatible avec l’organisme humain Début 2013, un essai clinique en chirurgie orthopé- diagnostic afin de les rendre possibles “au lit du patient”. ou animal, notamment dique coordonné par l’Inserm a été autorisé. Mené dans Nous avons pour cela développé des biopuces. » Ces derd’intérêt médical le cadre du projet Reborne (Régénération des défauts nières, de la taille d’une lame de microscope permettent osseux utilisant de nouvelles approches d’ingénierie d’analyser le niveau d’expression de gènes particuliers biomédicale) au CHU de Créteil et au CHRU de Tours, dans une cellule, un tissu, un organe donné. Et d’en il s’intéresse à la réparation des os à partir de cellules déduire si tel virus, bactérie ou marqueur tumoral est souches adultes. L’enjeu est d’ampleur puisque la moi- présent dans le prélèvement analysé. « Nous nous intétié des fractures ne cicatrisent pas seules et ont besoin ressons aussi aux technologies pour la neuropsychiatrie, d’une reconstruction osseuse chirurgicale. En Europe, par exemple au développement de stimulateurs magnéun million de patients sont concernés. Les chercheurs tiques transcrâniens ***», continue Lionel Pazart. ***Voir S&S n°4, Cliniquement vôtre « Stimulation ont imaginé une nouvelle forme de chirurgie pour cérébrale profonde », p. 18 résoudre le problème. À partir d’un prélèvement de Ce qu’ils apportent à la recherche ☛Lionel ☛ Pazart : CIT 808-IT Besançon moelle osseuse chez le patient, des cellules souches Mises au point de technologies, de nouveaux médicaments, ☛☛Jérôme Larghero : unité 940 Inserm mésenchymateuses (L) seront multipliées, puis associées de méthodes thérapeutiques innovantes pour le mieuxUniversité Paris 7 - Diderot, Département à des granulés en c éramique de phosphate de calcium. Ce être du malade, les essais cliniques ont déjà quelques belles de biothérapies cellulaires et tissulaires, équipe Cibles moléculaires et voies de biomatériau (L) sera i mplanté au niveau de la fracture, cordes à leur arc. Mais il en est une que l’on soupçonne signalisation intégrées des leucémies, où il servira d’échafaudage et améliorera la prolifération moins, leur place dans la recherche fondamentale, comme CTB 501 (CIC-Biothérapie Saint-Louis) ☛Philippe ☛ Menasché, Michel Puceat : unité des cellules souches. À terme, celles-ci devraient se le fait remarquer Jérôme L arghero *, coordonnateur 633 Inserm/Université Évry-Val d’Essonne d ifférencier en cellules osseuses et réparer l’ o s fracturé. du CIC de biothérapies de l’hôpital Saint-Louis à Paris : – Université Paris-Descartes, Thérapie cellulaire en pathologie cardio-vasculaire Même les nouvelles technologies sont « Il y a un continuum entre la phase de passées au crible des essais cliniques. travail scientifique en amont et les essais “ La recherche nourrit à proprement parler. La recherche les « Nous travaillons sur les microtechno ansm.sante.fr logies, décrit Lionel Pazart *, qui dirige les essais cliniques et nourrit et inversement. » L’histoire des www.reborne.org le CIC en innovation technologique de inversement „ travaux qu’il mène est emblématique de ces allers-retours stimulants, propices à l’émergence de nouvelles connaissances. En 2000, La biopuce : un mini labo il a mis en place avec Philippe M enasché * les premières greffes de cellules pour traiter les insuffisances cardiaques. 1 Séparation des cellules 5 Les brins d’ADN À l’époque, on ne savait rien des cellules souches cardiaques s’hybrident s’ils sont présentes chez l’homme adulte, il fallait donc trouver une complémentaires. autre source pour réaliser des implantations cellulaires. « Nous savions en revanche que les cellules des muscles 2 Extraction de l'ADN squelettiques avaient des propriétés contractiles. Celles-ci sont certes différentes dans les cellules cardiaques, mais pourquoi ne pas les utiliser ? », relève Jérôme Larghero. À partir des biopsies de muscles réa4 Mise en contact 6 Lecture de la de l’ADN cible marqué lisées chez les patients, les biopuce par un avec les sondes ADN scanner, sous lumière chercheurs ont préparé des de la biopuce 3 Marquage ultraviolette Jérôme Larghero dans de l'ADN avec greffons de cellules musune protéine la salle de cryobiologie fluorescente culaires qu’ils ont injectés où le sang de cordon dans le myocarde, la partie ombilical, qui renferme musculaire du cœur. « Mais des cellules souches, Voir S&S n°7, Grand Angle, p. 29 est stocké. qu’on injectât un placebo, L L ©©infographie : philippe mouche 8 26 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 ©©P.Layrolle/Inserm U957 Grand Angle ➜ 1964 400 millions ou 800 millions de cellules, cela n’améliorait C’est le cas de 20 des 30 projets conduits à l’hôpital pas de façon significative la fonction c ardiaque, précise Robert-Debré, à Paris. « Depuis dix ans, par exemple, nous le spécialiste. À ce stade, l’essai a donc été arrêté. Nous suivons une cohorte (L) d’un millier de personnes atteintes avions deux options : stopper carrément nos recherches de drépanocytose (L). L’observation porte sur leur devenir en la matière, ou réfléchir à d’autres solutions. » En 2006, clinique et sur l’impact des différentes recommandations de les travaux sur les cellules souches embryonnaires com- prise en charge. L ’objectif est de mieux connaître l’évolution mencent cependant à faire parler d’eux. Du côté de la de ces patients et de s’assurer d’une prise en charge optirecherche fondamentale, un de leurs collègues, Michel male », expliquent Delphine Girard, chef de c linique au Puceat *, est même parvenu à mettre au CIC d’épidémiologie c linique de point une m éthode permettant de différen- “ Quelques patients l’hôpital Robert-Debré, et Rym cier ces cellules vers la voie c ardiaque. Les ont accès à des molécules Boulkedid, chargée de recherche, trois chercheurs r éunissent alors leurs comréférente qualité dans l’unité. ou des méthodes pétences et établissent un nouveau protocole. Tous ces exemples d’essais Autorisé en 2013, il prévoit l’implantation de nouvelles, disponibles cliniques académiques montrent progéniteurs myocardiques, différenciés à des années après „ le dynamisme et la coopérapartir de cellules souches embryonnaires, qui tion qu’ils peuvent instaurer donneront des cellules musculaires cardiaques. Celles-ci au n iveau national et l’intérêt, donc, de les mener en seront appliquées, couplées à un biomatériau, tel un pan- France. « Ces études donnent à quelques patients un accès sement, sur les régions où les cellules du myocarde ne se privilégié à des molécules ou des méthodes nouvelles très contractent plus correctement. prometteuses, qui ne seront disponibles sur le marché que Les essais cliniques peuvent aussi prendre une autre forme, bien plus tard, souvent des années après », pointe Bruno appelée non interventionnelle car elle ne modifie pas la François *, coordonnateur du CIC plurithématique prise en charge médicale habituelle des patients. Il s’agit de Limoges. Entre le début d’un essai clinique et l’apparid’études observationnelles qui font appel à l’épidémiologie. tion d’un médicament sur le marché, il peut s’écouler, en effet, une dizaine d’années. Le partenariat et les travaux collaboratifs réalisés entre les équipes de recherche et les cliniciens permettent ainsi de faire progresser leurs pratiques, et notamment d’améliorer la prise en charge des patients. « Le recrutement est un point clé des essais aujourd’hui », explique Faiez Zannad *, coordonnateur du CIC plurithématique de Nancy. « Des progrès ont été faits, c’est toutefois encore insuffisant. Les limites ne sont en fait pas posées par les patients, mais par les personnels et les infrastructures. Les médecins, confrontés à la baisse des effectifs, n’ont bien souvent plus le temps de se consacrer à la recherche clinique, occupés qu’ils sont à réaliser des actes de routine. Heureusement que les CIC "sanctuarisent" du temps pour la recherche clinique ! » ©©Inserm/Patrice Latron Ce qu’ils révèlent de la santé publique Les domaines thérapeutiques au cœur desquels les essais cliniques sont effectués reflètent les besoins de santé publique. C’est par exemple le cas d’Ipergay, « Intervention préventive de l’exposition aux risques avec et pour les gays ». Cette étude, lancée en 2012 pour quatre ans et soutenue par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), évalue l’efficacité d’un traitement préventif contre le sida en France et au Canada. Baptisée PreP, la « prophylaxie pré-exposition » consiste à donner une association d’antirétroviraux (L) à des personnes séronégatives exposées aux risques d’infection par le VIH. L’objectif ? Diminuer ces risques, via un moyen additionnel à la palette d’outils préventifs déjà proposés (préservatifs féminin et masculin, dépistage, modification des comportements, etc.). Plusieurs résultats antérieurs laissent penser que la PreP pourrait être une piste intéressante, étant donné que les antirétroviraux sont utilisés avec succès depuis 1994 pour réduire La Déclaration d’Helsinki Ce texte, régulièrement actualisé, assoit les principes éthiques encadrant la recherche médicale menée sur des êtres humains. Il insiste notamment sur le protocole expérimental, qui doit être approuvé par un comité d’éthique indépendant. LCohorte Ensemble d’individus ayant vécu un même événement au cours d’une même période, et engagés dans une même étude épidémiologique LDrépanocytose Maladie héréditaire caractérisée par l’altération de l’hémoglobine LAntirétroviral Classe de médicament utilisé pour lutter contre une catégorie particulière de virus, les rétrovirus, dont fait partie le VIH. ☛☛Bruno François : CIC-P 0801 Inserm/CHU de Limoges ☛☛Faiez Zannad : unité 1116 Inserm – Université de Lorraine, Défaillance cardiovasculaire aiguë et chronique, CIC 9501 Nancy 8 www.inserm.fr septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 27 Grand Angle ➜ En amont des essais cliniques... La recherche fondamentale, en tout début du processus, permet de mieux connaître une maladie : son histoire naturelle, son fonctionnement, les cibles biologiques sur lesquelles agir pour la traiter... La découverte d’une molécule d’intérêt thérapeutique ouvre la voie vers le médicament. Elle est soumise à une évaluation préclinique avec des tests sur des espèces animales, mais aussi in vitro sur des cellules humaines en culture. Ces étapes, indispensables, amènent à en savoir beaucoup plus sur la molécule : mécanisme d’action, vitesse de diffusion, transformation et élimination par l’organisme, estimation de la dose utile sans effet toxique chez l’homme… Le promoteur Laboratoire pharmaceutique, organisme de recherche, établissement de soins ou personne physique (médecin par exemple), à l’initiative de l’essai et responsable de son lancement, sa gestion, de la vérification de son financement et de sa conformité légale. Il confie la réalisation de l’essai à l’investigateur. L’investigateur Médecin expérimenté qui dirige et surveille la réalisation de l’essai. Un essai multicentrique, se déroulant sur plusieurs sites, bénéficie d’un investigateur par site. L'ANSM donne son autoristion pour lancer l'essai clinique avec l'avis favorable du CPP Au cours d’un essai, les événements et les effets indésirables graves sont signalés à chaque étape par l’investigateur au promoteur, qui, lui-même, les notifient à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le comité de protection des personnes (CPP) de l’essai reçoit aussi ces informations. essais cliniques Comment ça marche ? Entre dix et quinze ans ! C’est la durée nécessaire pour qu’une molécule d’intérêt thérapeutique devienne un médicament. Pour les dispositifs médicaux, tels que les implants cérébraux ou les organes artificiels, le développement peut prendre encore plus de temps... Les bonnes pratiques cliniques (BPC), suivies et contrôlées tout au long des multiples étapes d’un essai clinique, doivent garantir la qualité, la véracité des données obtenues et le respect du droit des personnes y participant. 28 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Phase I Sûreté – tolérance Premier test chez l’homme, sur un nombre restreint de volontaires (entre 20 et 80) sains ou malades. Le but ? Observer l’évolution de la molécule ou du produit dans l’organisme et évaluer sa toxicité. Grand Angle ➜ Le Comité de Protection des Personnes Phase IV L’avis favorable d’un des 40 CPP français est requis pour débuter un essai clinique. Agréés par le ministre en charge de la Santé, leur composition (membres de la société civile et professionnels de santé) doit garantir CPP leur indépendance. ANSM Pharmacovigilance Après la commercialisation, surveillance de l’utilisation du produit ou médicament à long terme, dans les conditions réelles. Des effets indésirables rares ou des complications tardives peuvent être identifiés. Le nouveau traitement a démontré son efficacité et ne présente pas d’effet nocif grave : une autorisation de mise sur le marché est délivrée Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé Elle garantit la sécurité des médicaments et plus généralement des produits de santé à usage humain - tout au long de leur cycle de vie, depuis les essais initiaux jusqu’à la surveillance après autorisation de mise sur le marché (AMM). Phase II Étude pilote Objectif : déterminer la dose minimale efficace du produit. Elle est administrée sur des groupes de 100 à 300 volontaires malades en vue d’identifier un bénéfice thérapeutique et d’éventuels effets inattendus. ©©infographie : Philippe mouche Phase III Preuve d’efficacité Évaluation comparative de l’efficacité du produit, par rapport soit à un placebo, soit à un traitement de référence. Le nombre de patients impliqués est important, quelques centaines pour les cancers, à des milliers pour des maladies fréquentes comme l’hypertension. Étape finale avant la mise sur le marché. septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 29 Grand Angle ➜ L7 PCRD e Le 7 programme-cadre est le programmecadre actuel de l’Union européenne pour la recherche et le développement technologique, géré par la Commission européenne. e ☛☛Bruno Spire : unité 921 Inserm/ IRD - Aix-Marseille Université, Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale, équipe Environnements, systèmes de santé et maladies transmissibles 8 www.ipergay.fr www.anrs.fr ©©AFP/Sergei SUPINSKY Plus de contaminations au VIH chez les gays que chez les hétérosexuels Ces recherches, menées par l’équipe de Bruno Spire * permettront de dresser pour la première fois en France le portrait de la population des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et transgenres : profil des volontaires, comportements sexuels en particulier vis-à-vis du préservatif, observance de la prise de médicaments... Au côté des virus, d’autres pathogènes – les bactéries – constituent éga le risque de transmission du VIH de la mère à lement un enjeu de santé publique qui préoccupe les l’enfant. Pourquoi Ipergay cible-t-il la population des médecins. Et pour intensifier la lutte contre les résistances homosexuels ? Parce qu’elle préoccupe les chercheurs et qu’elles développent aux antibiotiques, ils peaufinent cliniciens : en France, il y aurait près de 200 fois plus de de nouveaux projets. Lancé début 2013, dans le cadre contaminations chez les gays que chez les hétérosexuels. de l’Innovative Medecine Initiative, un des instruments du 7e PCRD (L), Combacte (Combatting L’essai, qui envisage de recruter jusqu’à 1 900 personnes, est « randomisé » en “ Des recherches Bacterial Resistance in Europe) ambitionne double-aveugle : un participant sur deux, pour mieux de développer des essais cliniques pour après tirage au sort, recevra le médicament connaître une faciliter l’enregistrement de nouveaux agents et l’autre un placebo, sans que ni les patients antibactériens. L’antibiothérapie est un vrai ni les médecins ne sachent qui a reçu quoi. population casse-tête : « Avec les bactéries, nous faisons Tout au long de l’essai, les sciences sociales particulièrement face à des organismes vivants et adaptatifs», seront également mises à contribution. exposée „ pose Bruno François, coordonnateur de Qui peut participer ? Des patients sous traitement ou des personnes non malades. Le recrutement se fait chez le médecin, par voie d’affichage ou par annonces, mais on peut aussi se porter volontaire auprès des CIC ou des sociétés pharmaceutiques. Chaque étude possède des critères d’inclusion, fondés sur l’âge, le sexe, le type et le stade de la maladie, les antécédents médicaux, les maladies associées, qui garantissent l’homogénéité des groupes, et donc l’obtention de résultats fiables, pertinents et robustes. À quels essais ? Le site www.notre-recherche-clinique.fr localise les essais conduits en France, d’après le Répertoire public des essais cliniques de médicaments menés par des promoteurs hospitaliers, académiques et industriels. Des répertoires internationaux existent, Clinical Trials et My Clinical 30 ● Trial Allocator. On peut consulter aussi les bases spécialisées sur le cancer, via l’Institut national du cancer, ou sur les maladies orphelines, par Orphanet. Est-on indemnisé ? CIC de vaccinologie Cochin-Pasteur où se déroulent L’indemnisation des essais de phase I ou II (vaccins préventifs des participants en ou thérapeutiques) compensation des ne peut excéder 4 500 € sur douze mois contraintes subies (prise consécutifs. Les personnes se prêtant du traitement, visites médicales, à des recherches biomédicales sont examens de suivi, hospitalisations…) recensées dans un fichier national est prévue par la loi : modalités et confidentiel. montants sont contrôlés par les CPP. Elle n’est pas systématique et est interdite pour les personnes https://icrepec.ansm.sante.fr vulnérables, comme les enfants, pour http://clinicaltrials.gov des questions éthiques. Participer à un www.e-cancer.fr essai ne peut pas devenir un « travail », www.orpha.net la réglementation précise que www.myclinicaltriallocator.com le montant total des indemnités ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 8 ©©REA /Patrick ALLARD Essai clinique, mode d’emploi Grand Angle ➜ 1978 Le rapport Belmont Combacte. Sans compter qu’étudier les résistances souligne Jacques D emotes, Le Département de la santé, de l’éducation bactériennes n’est pas chose aisée. « Lorsqu’on s’intéresse de l’institut thématique Santé et des services sociaux aux États-Unis rédige le rapport Belmont, qui réitère à un germe ultra-résistant par exemple, il est impossible publique, coordonnateur du les principes éthiques et les lignes de de recruter 1 000 patients, taille des cohortes généralement réseau Ecrin. Dans les faits, conduite pour protéger les sujets humains nécessaires en essai clinique. Comment s’y prend-on pour comment ça marche ? Ecrin participant à une recherche clinique. Il fait prouver l’efficacité d’un traitement contre une résistance s’appuie sur les réseaux présents suite au scandale de l’essai Tuskegee, dans qui ne touche que 10 personnes par an ? » Par ailleurs, une dans chaque pays, au sein duquel lequel des Noirs-Américains s’étaient vu des caractéristiques de la recherche en infectiologie est il y a un correspondant unique. refuser de la pénicilline. que les malades ne sont pas regroupés dans un service Pour faciliter le montage d’essais dédié mais répartis dans ceux vers lesquels ils ont été multinationaux, celui-ci est orientés (chirurgie, cardiologie, cancérologie…). « Des notamment chargé de lever les obstacles réglementaires, réflexions sont à mener sur les protocoles. L’idée générale résultant d’une transposition divergente du droit eurode C ombacte est de mettre au point des tests permettant péen au niveau national. Entre eux, les correspondants de faciliter le diagnostic des patients, d’identifier les trai- résolvent aussi les contraintes liées aux systèmes de soin, tements les plus adaptés et de surveiller la réponse théra- outils et infrastructures de recherche clinique, variables peutique. En d’autres termes, de développer de nouveaux entre pays, ou encore au système de financement. D epuis standards plus efficaces en antiobiothérapie », explique-t-il. la mise en place du réseau en 2004, les résultats de deux Le projet présente l’autre originaessais ont déjà été publiés et une lité d’être financé à 50/50 par un “ Combacte permettra vingtaine d’essais sont en cours. L’un, partenariat public/privé. Une grande baptisé Child Innovac, était porté par partie de ce travail sera consacrée à de développer de nouveaux l’Inserm et concernait un essai de la réalisation d’essais cliniques sur standards plus efficaces phase I (voir infographie p. 2 8-29) des médicaments anti-infectieux en antibiothérapie „ sur un nouveau vaccin recombien cours de développement par nant contre la coqueluche mené les sociétés pharmaceutiques impliquées. Le premier entre 2010 et 2011. Destiné aux enfants de la naissance à d’entre eux : un antibiotique proposé par le laboratoire 6 mois, il a néanmoins été évalué chez des adultes volonGlaxoSmithKline. « Scientifiquement, c’est intéressant. taires afin de tester sa tolérance et son efficacité. L’origiEn tant qu’académiques, nous sommes co-décisionnaires nalité ? L’essai a été mené en Suède, où la vaccination des – établissement des protocoles, analyse des résultats, etc. – enfants a été interrompue dans les années 1980, disposant sur les médicaments testés, le processus est ainsi bien plus ainsi d’une population d’adultes jeunes jamais exposés à transparent. Après les récents scandales où des laboratoires Bordetella Pertussis, l’agent responsable de la coqueluche. ont été montrés du doigt, c’est important », insiste Bruno Mais s urtout, il était proposé sous une forme intra-nasale, François. D’un point de vue stratégique et économique, simple d’utilisation pour les tout-petits. ☛Laurent ☛ Abel : unité 980 Inserm – c’est aussi une opportunité, Combacte permet de mettre Université Paris-Descartes, Génétique humaine des maladies infectieuses en place un réseau d’expertise à travers l’Europe. Ainsi, Ils obéissent au droit l’étude des biomarqueurs de prédisposition à l’infection Ce bouillonnement d’idées dans les essais cliniques est partagée entre l’Inserm à Paris-Necker, avec Laurent s’exprime dans un cadre réglementaire et éthique, www.imi.europa.eu Abel * qui étudie l’hôte, et des équipes de Hanovre et respectueux des patients. En France, le droit des www.ecrin.org de Barcelone consacrées au pathogène. « Certains travaux participants et la protection des personnes seraient impossibles à mener sur un seul site », constate Bruno François. « En plus d’améliorer nos capacités d’études par la mutualisation des compétences, nous allons éviter aussi des délocalisations de l’Europe vers l’Amérique du Sud ou l’Asie du Sud-Est, des régions qui deviennent de plus en plus dynamiques. » 8 Ils traversent les frontières ©©Inserm/Patrice Latron Collaborer au niveau international, c’est aussi le credo du réseau Ecrin (European Clinical Research Infra structures Network), dont l’objectif est de promouvoir et faciliter les études cliniques multinationales à l’échelle européenne. « Notre rôle est à la fois opérationnel – nous sommes impliqués dans la conduite d’essais multinationaux – mais aussi structurant – nous développons des outils adaptés à l’échelle multinationale, Test de résistance notamment pour traiter les don- des bactéries aux nées ou pour gérer en commun », antibiotiques septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 31 Grand Angle ➜ ©©Inserm/Patrice Latron l’intelligibilité des informations écrites données aux participants avant leur inclusion dans une étude. Ils épluchent les Entretien avec protocoles, qui décrivent un patient asthmatique l’objectif, la conception, la avant un test méthode et l’organisation respiratoire au de la recherche, pour CIC de Nantes s’assurer de la pertinence de la recherche ainsi que du caractère satisfaisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus. Ils s’assurent aussi du respect de la législation sur la recherche en France. Leur avis, enfin, est obligatoire pour démarrer un essai. Au final, c’est l’ANSM qui doit donner son autorisation au lance ont été très clairement définis, avec la loi du ment de tout essai interventionnel. L’Agence évalue la 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes sécurité et la qualité des produits utilisés au cours de la qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi recherche et vérifie par là que la sécurité des personnes Huriet-Sérusclat. Celle-ci a notamment instauré une est garantie. Responsable des systèmes de vigilance, dont obligation d’information et de consentement éclairé dans la pharmacovigilance, l’ANSM doit sous 24 ou 48 heures, le domaine des recherches réalisées sur l’être humain. Le selon les cas, être informée de tous les événements médecin investigateur, qui réalise l’essai, doit ainsi infor- indésirables graves qui surviennent au cours d’un essai. mer la personne se prêtant à la recherche Pour sensibiliser un maxibiomédicale, patient ou volontaire sain, “ Pour bien collaborer, mum de participants à leurs « de façon loyale et exhaustive ». L’accent a les personnes doivent être droits, Eurordis a développé aussi été mis sur le caractère volontaire de une solution : l’e-learning, informées sur les aspects la participation : toute p ersonne est libre qui permet de tout savoir sur de refuser ou d’accepter, de même que de cliniques et réglementaires la méthodologie, l’éthique ou quitter l’essai à tout moment sans justifi- des recherches auxquelles encore les statistiques liées cation. Enfin, le consentement est donné elles participent „ aux essais cliniques. « Pour par écrit. La loi Huriet impose é galement pouvoir être actives dans leur que toute recherche biomédicale doit comporter un collaboration avec les équipes scientifiques, les personnes investigateur principal et un promoteur qui portent la doivent être plus armées en termes de connaissances, de responsabilité pénale de l’étude régie par le Code de la vocabulaire, sur les aspects cliniques et réglementaires des santé publique et dont les principes sont définis dans les recherches auxquelles eux ou leurs proches vont parti « bonnes pratiques cliniques ». À l’Inserm, l’activité de ciper », estime François Faurisson, qui a développé promotion est assurée par le pôle de Recherche clinique ces tutoriels en ligne. En fin de chapitres, des quiz de l’institut thématique Santé publique au sein d’Aviesan. permettent de faire le point sur ce qu’on a appris. Sa mission est d’accompagner l’investigateur dans la mise L’Inserm a, quant à lui, mis en place en 2004 le Groupe en conformité réglementaire de son projet en vue d’obte- de réflexion avec les associations de malades (GRAM), nir les autorisations nécessaires auprès de l’ANSM et des « instauré dans un contexte où les associations de malades comités de protection des personnes. expriment de plus en plus le besoin de mieux comprendre les recherches menées dans leur pathologie. Depuis dix Ils sont encadrés ans, l’information médicale a aussi pris toute sa place Confrontés au jargon scientifique, les participants aux sur Internet », rappelle Bernadette Bréant, de la Mission essais cliniques sont aidés par le travail de ces comités Inserm A ssociations, structure de coordination opérarépartis dans les différentes régions françaises. Ce sont des tionnelle qui s’appuie sur le GRAM. Depuis 2007, celui-ci assemblées indépendantes des investigateurs et promo- a aussi constitué le Collège des relecteurs. Initialement teurs, constituées à part égale de représentants du monde composé de 70 membres issus d’associations de malades, médico-scientifique et de la société civile. Ils analysent il est consulté sur les essais menés par l’Inserm. « Le pôle dans les moindres détails l’adéquation, l’exhaustivité et de Recherche clinique de l’Institut nous envoie les protocoles 32 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Grand Angle ➜ 2004 La loi française relative à la le pôle de Recherche clinique politique de santé publique de l’Inserm et l’équipe investiElle transpose dans le droit français gatrice partiront en s eptembre les directives européennes émises afin à la rencontre des autorités du d’établir des règles communes dans Burkina Faso et des équipes lesquelles un essai clinique doit se dérouler. Elle renforce notamment le rôle locales afin de vérifier les du promoteur, la vigilance et la sécurité circuits logistiques de l’étude des essais et instaure aussi la nécessité (importation du vaccin, des de l’aval d’un comité de protection des échantillons…) et de prendre personnes (CPP) et de l’Agence nationale connaissance des procédures de sécurité du médicament et des produits réglementaires du pays. de santé (ANSM) pour débuter un essai. Des coopérations utiles, tant l’actualité nous rappelle qu’en la matière de graves abus ont parfois été commis. Une commission d’enquête s’est ainsi ouverte outre-Rhin en juin dernier : pendant les années 1980, des hôpitaux et des cliniques ont expérimenté sur quelque 50 000 Allemands de l’Est des médicaments développés en Allemagne de Ils bénéficient aux patients l’Ouest. Le tout à leur insu... Ce fut aussi le cas en 1996, L’appui des deux pôles, Recherche clinique et Expertises dans l’état de Kano au Nigeria. Là, en pleine épidémie de médicales, est aussi essentiel lorsque les essais s’étendent à méningite, le géant américain Pfizer avait testé un antid’autres pays. Des projets au montage complexe peuvent biotique sur des enfants. Onze en seraient morts, et des voir le jour. Ainsi l’essai Bilhvax, mené au Sénégal et dont dizaines d’autres restés handicapés. la phase III (voir infographie p. 28-29) est actuellement En matière d’essais cliniques, les bonnes nouvelles sont en cours pour tester l’efficacité d’un vaccin thérapeutique malgré tout souvent la norme. Les délais nécessaires chez des enfants atteints de bilharziose, infection parasi- à leur mise en place et leur tenue peuvent être certes taire la plus répandue dans le monde. L’agent r esponsable, longs, et les questionnements éthiques complexes. Mais un ver appelé schistosome ou bilharzie, peut entraîner les scientifiques sont parfois plus que r écompensés de une forte anémie, des atteintes hépatiques ou rénales très leurs efforts : certains essais fonctionnent très bien, voire sévères, des cancers du tractus uroau-delà des résultats attendus et génital. L’Inserm est le promoteur “ Nous travaillons avec parfois sous-estimés dans le proto de cet essai, tandis que la société les relais locaux qui nous cole de recherche où ils ont été pharmaceutique E urogentec pro- aident à comprendre et définis. « Il se peut, alors, que ce ne duit le vaccin et que l’ONG Espoir respecter les normes du pays „ soit pas très éthique de continuer : pour la santé, plateforme logistique le traitement évalué est de toute et opérationnelle, à Saint-Louis (Sénégal), est l’investi évidence bien meilleur, mais les volontaires "contrôles" gateur. « Quand les recherches se passent dans un état afri- n’en bénéficient pas », explique Faiez Zannad. C’est ce qui cain par exemple, nous travaillons avec des relais locaux qui s’est passé avec l’essai Emphasis-HF, auquel a participé le nous aident à comprendre et respecter les normes du pays », chercheur de Nancy. « Il s’agissait de tester une molécule, ajoute Jean-Christophe Hébert. Autre exemple, pour la l’éplérénone, pour traiter les patients souffrant d’insuffimise en place d’une étude v accinale a nti-paludisme, sance cardiaque. Très rapidement, ces effets bénéfiques sont nettement apparus. Il a fallu très vite contacter tous les centres participant à l’essai », décrit le spécialiste. Devant ces très bons résultats, il a été proposé aux patients « contrôles », qui ne recevaient jusquelà qu’un placebo, d’être mis sous éplérénone F. Zannad et al. N Engl J Med., ou équivalent. Et l’essai 6 janvier 2011 ; 364 : 11-21 clinique de se révéler dans ce qu’il peut offrir de www.aviesan.fr meilleur : bénéficier www.inserm.fr à la science et aux www.bilhvax.inserm.fr n patients. Le GRAM accompagne les associations de malades dans leur recherche www.eurordis.org Alice Bomboy d’information. (Debout, B. Bréant, 3e à gauche, et F. Faurisson, au centre) ©©Inserm/Etienne Begouen et les notices d’informations et de consentement relatifs à l’essai en préparation. Deux relecteurs sont choisis parmi le Collège, qui peuvent demander que ces documents soient modifiés. Ils repèrent les passages où les données ne sont pas claires, explicitent des termes scientifiques, v érifient si ce qu’on demandera au patient est bien décrit lorsqu’on lui fera des prises de sang ou passer un examen d’IRM par exemple. Nos remarques sont renvoyées au pôle de Recherche c linique, où elles sont prises en compte par les chefs de projet », dit-elle. L’Inserm dispose aussi depuis dix ans d’un pôle d’Expertises médicales au sein de son département des Affaires juridiques. « Il s’agit notamment de définir le cadre juridique applicable aux différentes recherches menées à l’Institut : comment informe-t-on les personnes, comment recueille-t-on leur consentement, quelles sont les politiques d’assurance mises en place ? », précise Jean-Christophe Hébert, directeur de ce département. 8 septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 33 Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle ➜ •• •• Maladie renale chronique Les patients ont la parole Sans précédent, les premiers états généraux français du rein qui se sont déroulés de mars 2012 à juin 2013, avec la collaboration d’Aviesan, ont rassemblé malades, médecins, soignants et institutionnels. Cette démarche, bel exemple de démocratie sanitaire, a permis la réalisation d’une enquête sociologique d’envergure qui met notamment en évidence les inégalités d’accès aux traitements. ©©HPA-VOISIN/PHANIE ilencieuse et méconnue, la m aladie rénale chronique (MRC)est dévastatrice en raison de ses effets tant sur la santé que sur la vie quotidienne. « Ce qui va, c’est que je respire, je vis. Ce qui ne va pas, c’est que Aujourd’hui, selon le registre national du Réseau je me trouve dans une situation de misère, à chercher à épidémiologie et information en néphrologie (Rein), m’en sortir financièrement », confie un patient âgé de un peu plus de 70 000 patients seraient parvenus à ce 40 ans, greffé. Comme 8 650 autres personnes, forte- stade, dont 55 % sont dialysés et 45 % transplantés. « Ces ment mobilisées par les a ssociations de malades et les maladies se traduisent pour certains par des épreuves vécues fédérations hospitalières, il a répondu au questionnaire comme de véritables c alvaires, précise Christian Baudelot. de l’enquête nationale menée par C hristian Baudelot, Ces difficultés restent très i nsuffisamment prises en compte, professeur émérite de sociologie à l’École normale ainsi que le coût social et humain qui leur est associé. » La supérieure de Paris et chercheur au Centre Maurice- dialyse implique ainsi une « dépendance technique » à Halbwachs (CNRS/EHESS/ENS). la machine qui filtre le sang, durant Avec ces milliers de témoignages, elle “ La greffe autorise un quatre à cinq heures, plusieurs fois pointe l’impact majeur de la maladie retour à une vraie liberté „ par semaine. « En pratique, la dialyse rénale chronique sur toutes reste très contraignante, indique les dimensions de la vie des patients : affectives, Yvanie Caillé, présidente de l’association de malades Les 5 stades de sévérité familiales, professionnelles, relationnelles. Or, Renaloo et à l’origine des états généraux. de la maladie rénale deux à trois millions de Français sont touchronique (MRC) chés par la maladie tous stades confondus La greffe : pas pour tous (voir schéma). D’origine multiple (géné- Une qualité de vie considérablement dégradée, mais Nécessité d'un MRC tique, cardiovasculaire, diabète), la ce n’est pas tout. L’enquête sociologique interpelle aussi traitement supplétif terminale maladie aboutit à la destruction des sur les fortes inégalités d’accès au traitement optimal (dialyse ou reins. Conséquence : les déchets qu’est la greffe. Celle-ci améliore, en effet, l’espérance ou greffe) insuffisance rénale Stade terminale issus de l’alimentation ou de de vie par rapport à la dialyse et autorise un « retour l’organisme ne sont plus épu- à une vraie liberté », considère Yvanie Caillé, dialysée MRC avec rés et intoxiquent le corps, puis greffée à 28 ans. Des disparités d’ordre régional déjà baisse sévère Stade de la fonction rénale ce qui peut conduire repérées par le registre Rein : la part de patients greffés à la mort. D ialyses approche par exemple les 55 % en Franche-Comté ou MRC avec baisse modérée en Pays-de-la-Loire, alors qu’elle tourne à peine autour ou transplantation Stade de la fonction rénale p euvent a lors de 35 % dans le Nord-Pas-de-Calais ou en ProvenceMRC avec fonction suppléer cette Alpes-Côte d’Azur. Une perte de chances selon l’endroit rénale légèrement diminuée Stade insuffisance où l’on habite… Majorée par un autre facteur discriMRC avec rénale dite minant : celui de l’accès à la liste nationale d’attente de fonction rénale normale (ou augmentée) Stade te r m i n a l e. greffe. Pour les patients qui bénéficient d’une demande 1 2 34 ● 3 4 5 DIE LA MA LA DE ION UT OL ÉV ©©infographie : sandrine marchand S Le malade passe de longues heures sous la dépendance d’une machine. ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 médecine générale ➜ Les MRC à la loupe D’où l’importance de développer une recherche inter ventionnelle qui consiste « à étudier une situation sociale, l’expliquer pour pouvoir la modifier », souligne Jean-Pierre Grünfeld, néphrologue et président du conseil scientifique des états généraux du rein. Ainsi, des outils de recherche en santé sont en construction. La récente cohorte épidémiologique Constances, pilotée par l’Inserm, l’université de Versailles-Saint-Quentinen-Yvelines et la Caisse nationale d’assurance maladie, qui observe la santé de 200 000 personnes depuis 2012, possède un volet « rénal ». Ce qui devrait permettre de comprendre comment sont dépistés et suivis, en population générale, les patients atteints de maladie rénale. Autre projet d’envergure : la cohorte CKD-Rein (Chronic Kidney Disease) vient de démarrer. Objectif : améliorer les connaissances pour mieux prévenir et ralentir la progression de la maladie rénale chronique. ©©RAJAU/PHANIE Un greffon de rein en phase de revascularisation Un accès inégal à la greffe de rein Bretagne 11,1 Part des patients greffés parmi ceux traités pour une insuffisance chronique terminale < 25 % 25 - 40 % Guadeloupe 57,6 Nord-Pas de Calais 17,9 Haute Normandie Basse Normandie Pays de la Loire Martinique Picardie Ile de France Centre 47 - 55 % Délai médian d'attente après inscription sur la liste nationale pour une greffe rénale Guyane Française Loraine 22,5 ChampagneArdenne Alsace Bourgogne Poitou-Charentes 8,8 Limousin Auvergne 40 - 47 % Réunion 54 Aquitaine Midi pyrénées Franche Comté Rhône-Alpes 19,9 PACA 12,6 Languedoc Roussillon Corse Le délai médian d'attente en France est de 20,7 mois Source : Agence de la Biomédecine et Registre REIN, rapport annuel 2011 Car aujourd’hui encore, un tiers des patients est vu pour la première fois au stade terminal, leurs reins déjà « hors service ». Bénédicte Stengel *, chercheur Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif, c oordonne cette cohorte multipartenaire, avec l’Université Paris-Sud et l’appui de l’Agence de la biomédecine. Elle estime « obtenir de premiers résultats en 2015 ». Seront suivis 3 600 patients soignés sur 46 sites de l’ensemble du territoire durant cinq ans, avant et après démarrage de leur dialyse ou greffe. « Les données obtenues et la biothèque ainsi constituée doivent apporter des réponses sur ce qui détermine le développement de la maladie rénale, sa transition du stade modéré, puis avancé au stade terminal, prévoit-elle. Avec aussi une meilleure compréhension des inégalités sociales et territoriales. » En bonus, « CKD-Rein sera une plateforme de recherche ouverte aux informations énédicte Stengel : unité 1018 Inserm/ accessibles sur demande », se réjouit Bénédicte Stengel. ☛☛BUniversité Versailles–Saint-Quentin-enYvelines – Université Paris-Sud 11 Un signe p ositif pour l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des patients, des soignants, des www.constances.fr chercheurs, des f édérations h ospitalières et des www.renaloo.com/e-g-r institutionnels. n Nathalie Christophe 8 septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 35 ©©infographie : sandrine Marchand d’inscription sur cette « liste », la durée d’attente effective varie d’environ 6 mois en Pays-de-la-Loire à 26 mois en Haute-Normandie et même davantage sur l’île de la Réunion. Ensuite, l’inscription faite, le délai médian avant transplantation fluctue aussi considérablement - de 7 à 52 mois - en fonction de l’hôpital où elle aura lieu. Les raisons ? Selon les conclusions des états généraux du rein, hormis une forte prévalence de diabète ou d’obésité qui sont des freins à la greffe, on constate une hétérogénéité des pratiques médicales avec une capacité inégale de prélèvement en local, une absence de recommandations nationales sur les indications de transplantation et un manque relatif d’expertise des professionnels de santé. Un parcours semé d’embûches auquel s’ajoute une troisième forme de disparité : l’inégalité sociale d’accès aux traitements. « Notre enquête montre que les personnes dialysées sont moins diplômées que les personnes transplantées », constate Christian Baudelot. Comment l’expliquer ? « Deux facteurs interviennent : les catégories les plus instruites sont toujours mieux informées et conseillées, on l’observe dans toutes les pathologies. Mais dans le domaine de la néphrologie, les catégories populaires sont plus sujettes que les autres à des affections qui sont aujourd’hui considérées comme des contre-indications à la greffe (diabète, obésité, cardiopathies vasculaires…) » Quoi qu’il en soit, environ 12 000 personnes en France ont attendu un rein en 2011, seulement 3 000 d’entre elles ont été transplantées. Un état d’alerte ! Comme pour bien d’autres maladies chroniques (diabète, maladies coronariennes…), les patients atteints d’insuffisance rénale ont un sentiment de privation de leur parole et se sentent souvent abandonnés, malgré les progrès de la médecine. « Mes douleurs, très invalidantes, ne sont pas traitées et guère prises en compte par mes médecins. J’ai l’impression que je ne pourrai jamais en sortir », déplore un homme dialysé de 43 ans. « Durant mon parcours, j’aurais souhaité rencontrer des personnes dans ma situation, car je me suis sentie assez seule. Un suivi psychologique devrait être obligatoire », suggère une femme greffée de 45 ans. Médecine générale ➜ Régime méditerranéen Un revers pour les os des personnes âgées Les vertus accordées au régime méditerranéen ne semblent pas s’appliquer à la santé des os des personnes âgées. C’est ce que révèle une étude menée ©©PASIEKA/SPL/PHANIE LOstéoporose Tête d’un fémur atteint d’ostéoporose Maladie caractérisée par une diminution de la masse osseuse et une altération de la structure interne du tissu osseux par Catherine Féart * sur 1 482 personnes âgées de 67 ans et plus. En effet, une plus forte adhésion à ce type d’alimentation serait associée à un risque supérieur de fracture des trois principaux endroits fragilisés par l’ostéoporose (L), soit la hanche, les poignets et les vertèbres. Une faible consommation de produits laitiers ou un apport important de fruits pourrait en partie expliquer ce résultat qui n’est pas répliqué dans d’autres cohortes. Une découverte intéressante qui vient relativiser les bienfaits du régime. F. P.-C. ☛☛Catherine Féart : unité 897 Inserm Université de Bordeaux, Centre de recherche Inserm Épidémiologie et biostatistique C. Féart et al. Osteoporosis International, 20 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1007/s00198-013-2421-7 Scores cliniques Une étude menée par Marianne Sarazin * sur 358 médecins généralistes membres du réseau Sentinelles (L) décrit pour la première fois le contexte d’utilisation des scores cliniques. Ces outils de diagnostic ou de pronostic sont obtenus en donnant une valeur n umérique à certains signes cliniques afin de déduire, par exemple, l’intensité d’une maladie. Parmi les plus utilisés, le test de Fagerström pour mesurer la dépendance au tabac et celui de Folstein pour évaluer les fonctions cognitives. Surtout, les scores cliniques seraient une aide précieuse en cas de diagnostic incertain ou lorsque les patients sont des personnes âgées. Pourtant, certains praticiens sont encore Réseau réticents à Sentinelles les utiliser en Système de raison d’une surveillance méconnaissance national composé du sujet. F. P.-C. de médecins L ☛☛Marianne Sarazin : unité 707 Inserm - Université Pierre-etMarie-Curie, Épidémiologie, systèmes d’information, modélisation M. Sarazin et al. International Journal of General Medicine, 26 juin 2013 ; 2013 (6) : 419-26 généralistes qui constitue de grandes bases de données sur plusieurs maladies à des fins de veille sanitaire et de recherche. 8 websenti.u707.jussieu.fr 36 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 ©©DURAND FLORENCE/SIPA L’heure de l’évaluation Restauration scolaire Manger mieux pour moins cher, c’est possible ! La France est un des seuls pays dans le monde à avoir adopté des normes diététiques pour les repas scolaires. Celles-ci se fondent sur la fréquence de présentation des plats servis au cours de 20 repas successifs. Ne pas proposer plus de quatre entrées constituées de produits gras durant cette période est un bon exemple pour préserver l’équilibre alimentaire des enfants. Afin d’évaluer combien va coûter l’application de ces normes alimentaires désormais obligatoires dans les écoles primaires en France, Florent Vieux * a mené l’enquête. L’analyse du prix de 120 séries de 20 repas publiées dans des revues professionnelles a prouvé qu’améliorer leur qualité (fréquence, portions) n’a pas augmenté leur coût car les normes recommandent des portions plus petites. Soit une économie de 0,10 € par repas ! Prévenir l’obésité tout en contrôlant les dépenses : ces nouvelles directives ont décidément tout pour plaire. F. P.-C. ☛☛Florent Vieux : unité 1062 Inserm/Inra - Université d’Aix-Marseille, Nutrition, obésité et risque thrombotique F. Vieux et al. Journal of Nutrition Education and Behavior, 24 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1016/j.jneb.2013.02.004 médecine générale En France, depuis le printemps 2013, les autorités sanitaires ont mis en place un calendrier vaccinal simplifié. Pour les nourrissons, deux primo-injections contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche sont à présent préconisées, contre trois précédemment. Avant son application, des généralistes et des pédiatres avaient participé, en 2012, à une enquête conduite par Thierry Blanchon *, Louise Rossignol * et leurs collaborateurs du réseau Sentinelles. Une démarche novatrice en France. Résultats : les médecins ont réagi favorablement au schéma vaccinal modifié, tout en exprimant des réserves, comme la suspicion de préoccupations financières liées au retrait d’une dose vaccinale, et des suggestions, comme le besoin de campagnes institutionnelles plus fortes sur l’intérêt de la vaccination ou encore l’élaboration de recommandations fiables, simples et accessibles. Des éléments utiles aux autorités de santé. N. C. ☛Thierry ☛ Blanchon, Louise Rossignol : unité 707 Inserm – Université Pierre-et-Marie-Curie Paris 6 K. Lungarde et al. BMC Family Practice, 19 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1186/1471-2296-14-85 ● Prévention Les généralistes sont vaccinés Parmi les médecins généralistes, 77 % se déclarent vaccinés contre la grippe, 73 % contre l’hépatite B, 64 % contre la coqueluche et 61 % contre la grippe H1N1 (en 2009). Ces résultats, issus d’une enquête menée par Céline Pulcini * du Sesstim à Marseille, sur un échantillon représentatif de 1 431 généralistes libéraux, indiquent une couverture vaccinale de ces professionnels plutôt bonne, mais qui pourrait être meilleure. En outre, l’étude dévoile que le fait de se faire vacciner est souvent associé à un volume élevé d’activité, à une participation à la formation médicale continue ou à l’absence d’utilisation - dans la pratique médicale d’Internet. Pourvoyeuse d’informations contradictoires, la Toile augmenterait la perception du risque vaccinal. N. C. ☛Céline ☛ Pulcini : unité 912 Inserm/ IRD –Aix-Marseille Université, Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale C. Pulcini et al. Vaccine, 24 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1016/j.vaccine.2013.06.039 ©©Patrick ALLARD/REA Calendrier vaccinal Les médecins donnent leur avis Dépistage du cancer du sein Les inégalités sociales font barrière Le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme. C’est pourquoi, depuis 2004, un dépistage gratuit est proposé tous les deux ans aux femmes entre 50 et 74 ans. L’enquête du SIRS (Santé, inégalités et ruptures sociales) menée en 2010 par Claire Rondet * a pourtant montré que 6,5 % des 784 femmes interrogées dans la zone métropolitaine de Paris n’ont jamais fait de mammographie. Les raisons ? Un faible niveau d’éducation et des contacts sociaux peu fréquents. De plus, les femmes qui ne sont pas pleinement assurées ont trois fois plus de risque de n’avoir jamais été dépistées, découragées par les éventuels tests complémentaires pas totalement gratuits. Il apparaît essentiel que ces données soient prises en compte lors des campagnes de dépistage afin de réduire l’effet des disparités sociales. F. P.-C. ☛Claire ☛ Rondet : unité 707 Inserm - Université Pierre-et-Marie-Curie, Épidémiologie, systèmes d’information, modélisation C. Rondet et al. Preventive Medecine, 26 juin 2013 (en ligne) doi : 10.1016/j.ypmed.2013.06.016 Médecine française Les résidents britanniques apprécient Comment les expatriés d’outre-Manche vivant en France perçoiventils notre médecine générale ? Ils en sont satisfaits, selon une première enquête sur 860 Britanniques, réalisée par Nathalie Pelletier-Fleury et Marc Le Vaillant * du Cermes3. Classée en tête : la relation médecin-patient qui obtient plus de 80 % d’avis excellents ou très bons. En revanche, la durée passée dans la salle d’attente est un point faible avec seulement 40 % d’évaluation excellente ou très bonne. À noter : le point vue des expatriés varie selon la confiance initiale qu’ils ont dans le système de santé britannique : moins ils lui accordent de crédit, mieux sera évaluée la médecine générale française ! N. C. ☛Nathalie ☛ Pelletier-Fleury, Marc Le Vaillant : unité 988 Inserm/ CNRS/Université Paris-Descartes École des hautes études en sciences sociales, Centre de recherche Médecine, santé, santé mentale, société N. Pelletier-Fleury, M. Le Vaillant. BMC Health Serv Res, 18 juin 2013 ; 13 : 224 ©©B. BOISSONNET / BSIP ©©LOBANOV/FOTOLIA ➜ Juste encore un effort sur le temps passé en salle d’attente… septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 37 Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale ➜ •• •• Concours de creation d entreprises •• •• Des biotechs pleines d’avenir Pour sa 15e édition, le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes a récompensé 175 projets, dont huit portés par des chercheurs de l’Inserm. Qu’en attendent-ils ? Comment se profile l’avenir de ces créateurs et de leur entreprise ? Réponses avec trois d’entre eux. LCellule iPS Cellule adulte repro grammée en cellule souche similaire à une cellule souche embryonnaire ☛☛Brigitte Onteniente : unité 861 Inserm – Université Évry-Val d’Essonne, I-Stem ☛☛Xavier Nissan : Centre d’étude des cellules souches (CECS), Association française contre les myopathies (AFM), I-Stem ☛☛Didier Letourneur : unité 698 Inserm/ Université Paris 13-Paris Nord – Université Paris Diderot-Paris 7, Hémostase, bio-ingénierie, immunopathologie et remodelage cardiovasculaire ☛☛Marc Derive, Sébastien Gibot : unité 1116 Inserm – Université de Lorraine, Défaillance cardiovasculaire aiguë et chronique P henocell, Immatis et Inotrem. Ces trois projets, menés par des chercheurs Inserm et accompagnés par Inserm Transfert, ont reçu cette année un sérieux coup de pouce grâce au concours national d’aide à la création d’entreprise innovante du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Le premier a été primé dans la catégorie « en émergence », qui concerne des projets encore en phase de maturation et de validation technique, économique et juridique. Un sujet de fierté pour sa présidente, B rigitte O nteniente *, de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem) au Genopole® d’Évry. « C’est la d euxième r écompense que notre projet reçoit après celle de Challenge+ ©©François guénet/inserm “ Ce prix est une deuxième récompense, donc une nouvelle validation de notre projet „ Brigitte Onteniente et Xavier Nissan ont mis en œuvre Phenocell 38 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 (le programme de soutien à la création d’entreprise de HEC Paris), et donc une nouvelle validation de l’idée, de son montage et de son plan de développement », se félicite la chercheuse. Mis en œuvre avec son confrère Xavier Nissan * à l’I-Stem, Phenocell s’appuie sur la technologie de la reprogrammation cellulaire pour créer et produire des lignées de cellules souches pluripotentes induites (iPS) (L), qui sont ensuite transformées en modèles parfaits des mécanismes pathologiques des maladies génétiques. Objectif : offrir aux chercheurs des outils cellulaires qui répondent à leurs attentes dans des domaines aussi variés que les études développementales, la modélisation pathologique, la découverte de médicaments ou les analyses de toxicité. : « Ce prix nous offre la possibilité de financer les études de marché, la rédaction et la finalisation du business plan et des aspects juridiques. Une façon d’assurer ces actions importantes que l’on met facilement au second plan par rapport aux aspects technologiques », confie Brigitte Onteniente. Des projets bien avancés Déjà prix Émergence en 2012, Didier Letourneur * et son projet Immatis (IMplantable MAtrix and TISsue) sont à nouveau lauréats cette année, mais cette fois dans la catégorie « création-développement ». Celle-ci récompense des projets plus avancés pour lesquels la phase « preuve du concept » a déjà été réalisée et devient un critère essentiel dans l’évaluation. Créé en février 2013, Immatis est l’aboutissement d’un projet scientifique mené depuis dix ans par Didier Letourneur et les chercheurs du laboratoire de bio-ingénierie cardiovasculaire pour la thérapie et l’imagerie médicale à Paris. Vouée au développement de biomatériaux innovants pour la régénération tissulaire, la biotech est née à la suite d’une longue étape de réflexion, avec la collaboration de Catherine Le Visage et Mohamed Derkaoui, deux confrères du laboratoire. « Après la phase de brevets et de validation chez l’animal, nous avons recherché une société pour transférer la production, raconte Didier Letourneur. Mais nous n’avons pas trouvé d’entreprise qui ait les compétences nécessaires et qui couvre les quatre domaines d’applications de nos biomatéraux », tels que des implants osseux et cutanés, le traitement des maladies cardiovasculaires, des supports de culture cellulaire en trois dimensions pour la recherche et la pharmaco-toxicologie. « Ce choix stratégique de p roduire en créant une start up a été mené ensemble », précise entreprendre ➜ ©©François guénet/inserm Promotion 2013 : 175 lauréats Lancé en 1999 par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes a contribué à créer plus de 1 500 entreprises de technologies innovantes, et récompensé plus de 2 700 lauréats. Indice de qualité de la sélection, le taux de survie de ces biotechs jusqu’à aujourd’hui est très élevé, près de 70 %. En outre, le concours a accordé, depuis sa création, 358 millions d’euros de subventions. En 2013, 175 lauréats ont été sélectionnés parmi 897 candidatures reçues. Dans la catégorie « création-développement », parmi 393 candidatures, 55 prix ont été attribués. Après avoir établi la preuve du concept, ces lauréats envisagent la création d’une entreprise à court terme. La subvention reçue peut atteindre 450 000 euros. Dans la série « en émergence », parmi 504 candidats, 120 lauréats ont été choisis. Ces derniers reçoivent à titre personnel une subvention allant jusqu’à 45 000 euros pour financer les études préalables à la création de leur entreprise. 8 www.enseignementsup-recherche.gouv.fr à nouveau lauréat avec son projet Immatis Jean-François Rax, en charge de l’accompagnement des projets de création d’entreprise à Inserm Transfert. C’est l’incubateur Paris BioTech Santé qui a mis en contact Didier Letourneur avec Dominique Surun, médecin de formation, choisissant ainsi de rejoindre l’aventure après vingt ans dans l’indus trie pharmaceutique. Devenue présidente d’Immatis, elle souhaite commencer à produire dès la fin de l’année : « C’est un point critique qui sera gardé en interne, d’autant plus que le montant de la levée de fonds nécessaire pour les premiers investissements semble être un objectif raisonnable que nous espérons atteindre en octobre », souligne-t-elle. Immatis se donne alors deux ans pour réussir une production pilote et valider l’efficacité d’un premier produit chez l’homme. La seconde levée de fonds permettra alors de lancer la commercialisation notamment aux États-Unis où se trouvent 70 % du marché. Le passage obligé des essais cliniques Cette étape est encore très éloignée pour Inotrem, qui n’envisage pas de commercialisation d’un premier produit avant 2020. La biotech, lauréate elle aussi dans la catégorie « création-développement », travaille sur un candidat médicament pour le traitement du choc septique (L). « Le potentiel thérapeutique est démontré, reste à confirmer l’innocuité avant de passer aux essais sur l’homme », nuance Marc Derive * de la faculté de médecine de Nancy, qui a créé l’entreprise avec son confrère Sébastien Gibot *, professeur de réanimation médicale. Grâce à Inserm Transfert et à sa filiale Inserm Transfert Choc septique Initiative* dédiée à l’amorçage, ils ont été mis en contact avec Jean-Jacques Garaud, directeur jusqu’en Défaillance du système 2012 de Roche R&D, aujourd’hui impliqué dans le cardiovasculaire, définie par développement de plusieurs biotechs. Devenu prési- l’effondrement de la pression artérielle et déclenchée par dent d’Inotrem, ce dernier se consacre actuellement un agent infectieux à la levée de fonds français et européens, en espérant terminer d’ici la fin de l’année, pour ensuite réaliser, * Voir S&S n° 10, Entreprendre « Inserm Transfert Initiative – dès 2014, les essais précliniques du produit phare de Le capital-risque au service l’entreprise : le motrem, un médicament qui régule le des biotechs », p. 38-39 système immunitaire. Et Jean-Jacques Garaud prévoit ** Voir Grand Angle, p. 22 déjà d’ici quatre ans, à la fin de la phase II des essais cliniques** qui détermineront la dose optimale du médicament et ses éventuels effets indésirables, de recher“ Il reste à cher un partenariat confirmer de production avec l’industrie pharma l’innocuité ceutique. Objectif du candidat auquel concourent, médicament „ en fait, tous les financements : proposer le motrem sur le marché, et donc au patient, le plus vite possible. « Une part non négligeable de fonds publics sont accessibles en France, conclut le président d’Inotrem. Bien Marc Derive et sûr, ces aides sont Sébastien Gibot complexes, et il faut Inotrem, pour le traitement une réelle habileté du choc septique pour faire germer les projets dans ce sol fertile. » Habileté dont les trois lauréats et leurs associés ne manquent pas, tant www.istem.eu pour la partie scientifique que pour la mise en www.inserm-transfert.fr chantier de leurs biotechs. n Brigitte Dyan L ©©François guénet/inserm Didier Letourneur “ Nous n’avions pas trouvé de société pour transférer la production „ 8 septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 39 Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre ➜ Cigarette electronique •• •• Depuis quelques mois, les mêmes questions brûlent toutes les lèvres en Europe : quels sont les dangers de la cigarette électronique ? Et peut-on l’identifier à un substitut nicotinique, voire à un produit de sevrage, même la recommander à certains fumeurs ? ©©François guénet Quand les certitudes partent en fumée Ce qui fait débat J 40 ● Pier Vincenzo Piazza ©©François guénet/inserm usqu’à l’été dernier, la cigarette électronique flottait en France dans un épais brouillard juridique : le dispositif, qui peut ou non contenir de la nicotine mais pas de tabac, qui produit de la vapeur mais pas de fumée, n’était pas assimilé à un produit du tabac. Le quasimillion de consommateurs pouvait ainsi « vapoter » librement, à tout âge et en tous lieux sans se préoccuper d’une possible accoutumance ou dangerosité. Les autorités françaises se sont donc saisies du sujet, avec, à la clé, une législation qui promet d’être plutôt stricte : après avoir soutenu un rapport détaillé sur le sujet*, le ministère de la Santé a annoncé l’interdiction de la publicité pour les e-cigarettes au moment où les députés votaient celle de la vente aux mineurs. Quant à la possibilité de les bannir des lieux publics, à l’heure où nous écrivons ces lignes, elle est examinée par le Conseil d’État. Cette régulation des risques occultera-t-elle les avantages probables de l’e-cigarette par rapport à la cigarette ? Le manque de certitudes scientifiques est flagrant. ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Directeur du Neurocentre Magendie (unité 862 Inserm/Université Bordeaux 1 – Université de Bordeaux), responsable de l’équipe Physiopathologie de l’addiction L a cigarette électronique est le meilleur produit de substitution à la cigarette. Comme celle-ci, elle libère la nicotine par la voie respiratoire. Son accès au cerveau et son élimination sont donc très rapides. Cette caractéristique la rend très acceptable par les fumeurs : la rapidité d’accès au cerveau détermine la sensation On devrait provoquée par une drogue. Les patchs, encourager le passage eux, libèrent la nicotine de façon stable et à l’e-cigarette „ prolongée, ce qui atténue le mal-être dû au sevrage mais ne donne pas l’impression d’avoir fumé. Mais alors, par sa similitude d’effets, l’e-cigarette comporte-telle des risques de dépendance ? Probablement, mais moins que la cigarette, qui contient d’autres substances addictives. Nous n’avons pas de traitement efficace du tabagisme, la rechute à six mois est de 80 % ! Or, la nicotine seule fait moins de dégâts que les nombreux facteurs cancérigènes du tabac et de sa fumée. En termes de santé publique, le passage des fumeurs à l’e-cigarette serait un progrès considérable que l’on devrait encourager. Pourquoi stigmatiser les e-fumeurs dans des lieux publics où l’alcool, drogue très néfaste, est autorisé ? De même, en interdisant aux mineurs fumeurs de passer à l’e-cigarette, avons-nous le droit de les condamner à une dépendance bien pire ? Le tabagisme est la première cause de maladie des pays développés. Pour le combattre, notre société a le devoir d’abandonner le moralisme idéologique et de se tourner vers un pragmatisme fondé sur la logique. opinions ➜ Bertrand Dautzenberg Tabacologue, professeur de pneumologie, GHU Pitié-Salpêtrière, UPMC Paris 6, président de l’Office français de prévention du tabagisme ©©François guénet/inserm N ous *Rapport et avis d’experts sur l’e-cigarette, coordonné par le professeur Dautzenberg, Office français de prévention du tabagisme, avec le soutien de la Direction générale de la santé. Mai 2013, 212 p. 8 www.oftaasso.fr ne pouvons pas « vapoter » revient à rouler à 150 km/h dans le bon sens ! a ttendre que toutes les En quatre mois, la vente de cigarettes a chuté de 8 % incertitudes scientifiques en France. Les e-cigarettes n’y sont pas pour rien. soient levées avant de régle- Et pour cause, elles peuvent réduire la dépendance. menter l’e-cigarette dont le Après plusieurs jours d’utilisation, beaucoup de marché ne cesse de croître fumeurs prennent des doses nicotiniques plus faibles. depuis deux ans. En l’état Certains optent pour des parfums éloignés du tabac actuel de nos connaissances, et parviennent à se sevrer. Sur ces constats indiviil faut éviter duels, le Parlement européen qu’elle attire les jeunes vers le tabac, propose d’assimiler l’e-cigarette Le risque est infiniment à un médicament pouvant faciliter par des campagnes de publicité, des moins grand qu’avec parfums attractifs ou un prix trop bas. le sevrage. Au Royaume-Uni, elle À l’inverse, l’e-cigarette intéresse les est déjà remboursée dans le cadre le tabac „ gros fumeurs. Sans métaux lourds, du système de soins. En France, monoxyde de carbone ni substances cancérigènes les « vapoteurs » ont le sentiment de partager une (nitrosamines et goudrons), elle est moins nocive que expérience, de former des communautés, et s’initient la cigarette, même s’il reste la nicotine et des produits les uns les autres. Ils apprécient le conseil personirritants comme l'acétone, des phénols et de l'acide nalisé des vendeurs en boutique. Une certification cyanhydrique. Le risque existe mais est infiniment ISO pourrait garantir la qualité des produits. Il faut moins grand qu’avec le tabac : si fumer est aussi dan- renforcer ces aspects, grâce auxquels des fumeurs gereux que de rouler à contresens sur l’autoroute, très dépendants peuvent un peu améliorer leur sort. Yves Martinet Il est difficile de dire si la cigarette lectronique est dangereuse car il y a é une diversité de dispositifs, de contenus, nicotiniques ou non, et de dosages, y compris très forts, sur Internet. Elle est sans doute moins nocive que la cigarette mais les risques pourraient apparaître très tard, comme pour l’amiante. L’industrie du tabac veut la standardiser pour en faire un produit de consommation régulière. Elle orientera donc vite les « vapoteurs », adultes ou non, vers des produits avec nicotine. Or, de toutes les drogues, c’est la nicotine qui cause la plus forte dépendance – un atout commercial ! Les deux tiers des fumeurs souhaitent arrêter et ils sont prêts à tout essayer. Aucune étude à ce jour ne montre que l’e-cigarette conduit au sevrage. Elle permettra peut-être aux gros fumeurs de réduire leur consommation mais celui qui fume moins compense en tirant plus fort et plus longtemps sur la cigarette et, au total, inhale autant de produits toxiques. Cette consommation modérée de tabac fumé n’est donc buralistes car ils Aucune étude n’a encore ne respectent pas efficace, on sait que le montré que l’e-cigarette risque morbide apparaît pas l’interdiction conduit au sevrage „ dès la première cigarette de publicité ou et augmente avec le temps. de vente du tabac L’interdiction dans les lieux publics est aux mineurs. Nous souhaitons qu’elle justifiée. Outre le « vapotage » passif, ne soit vendue qu’en pharmacie. Tous qui existe, elle indique que fumer, ou les produits nicotiniques pourraient « vapoter », n’est pas un comportement alors être soit plus ou moins taxés, soit anodin mais le signe d’une d épendance. remboursés, selon les risques possibles Le Conseil d’État tranchera. Mais, pour la santé et la dépendance qu’ils pour le CNCT, l’e-cigarette ne doit pas provoquent ou aident à traiter. rester en vente libre, ni être confiée aux Propos recueillis par Nicolas Rigaud septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 41 ©©François guénet/inserm Pneumologue, CHU de Nancy, président du Comité national contre le tabagisme (CNCT) Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions ➜ Horizon 2020 Soyez acteurs de l’Europe de la recherche Le 7e programme-cadre européen de recherche et développement (PCRD) s’achève. Bienvenue à Horizon 2020 (H2020) qui lui succèdera le 1er janvier 2014. Avec des nouveautés, des priorités redéfinies et un mot d’ordre : simplification. Guillaume Fusai, au Comité de Programme santé L7 PCRD e Programme-cadre actuel (2007-2013) de l’Union européenne pour la recherche et le développement technologique, géré par la Commission européenne. Principal objectif : la construction de l’Espace européen de la recherche. LCIP Il est principalement destiné aux petites et moyennes entreprises et soutient l’innovation, améliore l’accès au crédit et fournit des services d’appui en faveur des entreprises dans les régions. LEIT European Institute of Innovation and Technology, institut public européen mis en place dans le but de devenir un facilitateur d’innovation en Europe. 42 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 ©©François guénet/inserm «L a période de transition entre le 7e PCRD (L) et le nouveau programme-cadre Horizon 2020 est une période clé pour l’Inserm comme pour toutes les institutions européennes de recherche qui ont inscrit parmi leurs priorités une forte participation au programme-cadre européen de recherche et développement, souligne Richard Salives *, responsable des relations européennes de l’Inserm. Le succès de cette transition constitue un enjeu majeur pour l’Institut ! » L’Union européenne va injecter environ 70 milliards d’euros de 2014 à 2020 pour la recherche et l’innovation au travers d’Horizon 2020, plus simple et plus facile d’accès. « L’objectif est de rendre plus attractif H2020 pour les différents acteurs de la recherche, publics ou privés », précise Richard Salives. De plus, « Horizon 2020 va regrouper en un seul programme trois initiatives antérieures jusque-là séparées : le 7e PCRD, le programmecadre pour la compétitivité et l’innovation (CIP) (L)et la contribution de l’Union à l’Institut européen d’innovation et de techno- “ La France se positionne avec une aide particulière aux activités logie (EIT) (L) », ajoute Guillaume de façon stratégique d’innovation menée par des PME) ; Fusai *, représentant du minis● se saisir de défis scientifiques en lien tère de l’Enseignement supérieur et volontariste „ avec les besoins de la société (soutien et de la Recherche au Comité de aux projets collaboratifs européens Programme santé. Trois en un : une fusion bienvenue en réseau) : le premier couvre le domaine « Santé, pour élargir le panorama et la vision sur les enjeux à évolution démographique, bien-être », avec la m édecine venir. Des priorités ont d’ores et déjà été définies : personnalisée comme l’une des priorités affichées pour ● viser l’excellence scientifique quelle que soit la ces prochaines années, et entre en résonance avec les thématique de recherche, avec l’octroi de financements recherches développées à l’Inserm. Parmi les autres aux équipes de recherche dans le cadre du Conseil défis, des domaines tels que la sécurité alimentaire et européen de la recherche (ERC), des Actions Marie- l’agriculture durable, les sciences humaines... Curie, des technologies futures et émergentes (FET) et des infrastructures de recherche ; Articuler les programmations ● accroître une forte participation du secteur privé de nationale et européenne la recherche en particulier dans les technologies géné- « Pour Horizon 2020, la France se positionne de manière riques et émergentes, notamment les nanotechnologies stratégique et volontariste, explique Guillaume Fusai. et les biotechnologies (soutien aux projets en réseau, Afin de permettre à la recherche française de mieux stratégies ➜ Un projet ? Des ressources à l’Inserm ©©François guénet/inserm Le montage de projets collaboratifs coordonnés par l’Inserm bénéficie d’une procédure originale s’appuyant sur Inserm Transfert qui met au service des scientifiques porteurs de projets son expertise pour construire leur dossier de candidature. Le PCN et les délégations régionales de l’Inserm sont également à leur disposition, qu’ils soient coordinateurs ou partenaires, pour les accompagner depuis le montage jusqu’au suivi du projet. 8 http://dircom.inserm.fr/europe répondre aux grands défis scientifiques, “ L’Inserm est le premier de plus en plus important en Richard Salives et économiques et sociétaux des décennies à termes d’analyse stratégique, Nacer Boubenna, coordinateur de projets venir, en particulier dans le domaine de de programmation scientipour accompagner la santé, nous devons favoriser les syner- collaboratifs „ fique et de mise en œuvre les porteurs de projets H2020 gies entre les programmes nationaux et les opérationnelle de la recherche, programmes européens. » Or, le constat actuel pour la le ministère de l’Enseignement supérieur et de la France est sans appel : pour chaque euro abondé au Recherche a chargé l’Alliance nationale pour les budget R&D de l’Union européenne, seul 0,7 euro béné- sciences de la vie et de la santé (Aviesan) de constificie aux équipes françaises. Alors que pour certains tuer le nouveau Point de pays, un euro alloué permet un retour d’un à trois euros. contact national (PCN) calendrier 2013 Le diagnostic est posé : « Notre participation aux appels du défi « santé, évolution à projets européens est insuffisante, regrette Guillaume d émographique, bien• Formations Inserm Horizon 2020 Fusai. Remobiliser les chercheurs devient une priorité ! » être ». « L’Inserm, en raison - Montpellier : 22 octobre Toutefois, ce constat est à nuancer. « Aujourd’hui, dans de sa visibilité européenne, - Paris (délégations Paris 11 et 12) : le domaine de la santé, l’Inserm est le premier coordina- s’est vu confier le pilotage de 25 octobre et 15 novembre - Lyon : 25 novembre teur et participant européen en termes de projets colla- ce PCN », souligne Richard - Marseille : 2 décembre boratifs et constitue l’une des institutions européennes Salives. Co-piloté par le -P aris (délégation Paris 6) : 3 décembre qui accueille le plus de lauréats financés par le Conseil ministère, il s’appuie sur Toulouse : 5 décembre européen de la recherche dans les sciences de la vie », un consortium regroupant - Bordeaux : 9 décembre tempère Richard Salives. le CNRS, la Conférence - Nantes : 11 décembre des présidents d’université - Lille : 17 décembre Se former pour mieux participer (CPU), BpiFrance, le CEA et - Strasbourg : 18 décembre Cette position européenne forte, l’Inserm souhaite la l’Institut Pasteur. Sa mission -P aris (délégations Paris 5 et 7) : maintenir et même l’améliorer. Comment ? En poursui- est d’informer, de sensibiliser 20 décembre vant un travail d’information auprès des scientifiques et les équipes sur les possibilités • Lancement des premiers appels des personnels d’accompagnement à la recherche. « Pour de financement et d’aider les à projets européens Horizon 2020 : anticiper, préparer au mieux et favoriser la participation porteurs de projets d’H2020. 20 décembre des équipes Inserm au programme d’H2020, nous orga- Sa coordination, au service nisons des sessions de formation d’une journée, ouvertes de l’ensemble de la commuà tous les personnels des structures Inserm, avec les délé- nauté scientifique française ☛ Salives : département gations régionales (voir encadré). Celles-ci ont pour but, du domaine, incombera à Nacer Boubenna * qui ☛Richard des Partenariats et des relations d’une part, de recenser les opportunités scientifiques offertes aura la responsabilité de s’assurer de la diffusion des extérieures, Inserm par Horizon 2020 et, d’autre part, d’expliquer les modalités informations relatives au défi sociétal sur l’ensemble ☛☛Guillaume Fusai : Direction générale pour la recherche et l’innovation, financières et contractuelles liées à la mise en place des du territoire français. n Nathalie Christophe ministère de l’Enseignement supérieur projets européens à l’Inserm », précise-t-il. et de la Recherche ☛Nacer ☛ Boubenna : chargé de mission Et afin d’améliorer la participation de l’ensemble de Relations européennes, département www.horizon2020.gouv.fr la communauté scientifique dans le paysage de la des Partenariats et des relations www.france-europe-innovation.fr recherche française où les alliances jouent un rôle extérieures, Inserm 8 septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 43 stratégies ➜ Centres de ressources biologiques Des échantillons pour tous Bruno Clément, directeur de l’unité Inserm Foie, métabolisme et cancer à Rennes, et membre du directoire du réseau depuis sa création ©©François guénet/inserm des demandes par un c omité scientifique. Par ailleurs, toutes les personnes impliquées dans le réseau, aussi bien les chercheurs que les centres collecteurs, participent aux discussions d’attribution des échantillons. Ce qui évite les discriminations. Les échantillons n’appartiennent à personne et doivent être accessibles à tous. Il était donc essentiel de proposer un système équitable et transparent. Le réseau des centres de ressources biologiques (CRB) Foie vient de renouveler sa certification AFNOR NF S 96-900. Un gage de rigueur scientifique, de sécurité et d’éthique, qui vise à l’harmonisation des pratiques professionnelles. L’occasion pour Bruno Clément * de revenir sur sa naissance et son rôle dans le paysage scientifique. S&S : Et avec une certification AFNOR NF S 96-900 renouvelée en juin dernier. Quelle importance pour le réseau ? B. C. : Depuis trois ans, nous sommes engagés dans une démarche d’assurance-qualité, aussi bien au niveau des échantillons (stockage, prélèvement, congélation, etc.) qu’en termes de qualité de l’information associée. Le réseau a été le premier certifié NF S (norme française qui évalue la qualité des CRB). L’harmonisation des procédures permet aujourd’hui d’optimiser l’exploitation s cientifique des échantillons aussi bien à des fins de r echerche cognitive, que translationnelle ou clinique. Science&Santé : Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce réseau CRB Foie ? Bruno Clément : Les centres de recherche en hépatologie S&S : Avec toutes ces années de recul, comment (CHC) et l’Inserm sont à l’origine du CRB Foie qui a vu le jugez-vous son évolution ? Épithélium jour en 2002. Et il s’agit du tout premier réseau thématique B. C. : Depuis 2002, les choses ont bien changé. créé en France ! Il s’inscrivait dans une politique nationale Récemment, une nouvelle version de la base de données Tissu de revêtement de toutes les surfaces de reconnaissance des CRB. À travers la création de ces a été mise en ligne. Les items - histologiques, sériques, externes (peau) et réseaux, l’idée était de faciliter l’échange d’informations cliniques, etc. - sont un peu plus approfondis. Nous internes (plèvre, péritoine, et de matériels biologiques entre chercheurs, sur la avons élargi la base à d’autres types de cancer comme paroi intestinale, etc.) base de procédures standardisées, aussi les cholangiocarcinomes, des tumeurs du corps, composé de cellules étroitement bien pour la collecte et la conservation “ Les échantillons qui se d éveloppent dans l’épithélium (L) juxtaposées, sans qui tapissent les voies biliaires, et nous des échantillons que pour l’annotation n’appartiennent substance intercellulaire, commençons tout juste à y i nclure des échandes données (biologiques, cliniques, ni vaisseaux, ni fibres à personne. tillons en blocs de paraffine pour les études histologiques, sériques, etc.). Aujour de génomique. Jusqu’à présent, nous n’avions d’hui, le réseau CRB Foie réunit huit Ils doivent être *L’AP-HP, avec les hôpitaux accessibles à tous „ que du tissu congelé. Tous ces changements centres répartis sur tout le territoire*. Beaujon, Paul-Brousse, sont devenus indispensables pour faire face Antoine-Béclère et HenriMondor, et les CHU S&S : Ne serait-il finalement qu’un intermédiaire à la demande croissante des chercheurs. Et avec l'infrasde Bordeaux, Grenoble, entre les CRB et les laboratoires ? tructure Biobanques, qui coordonne la constitution des Nantes et Rennes B. C. : Non, en réalité, le réseau coordonne à la fois la réseaux thématiques à l’échelle nationale, un portail logistique des prélèvements et de leur conservation, la européen interconnecté devrait bientôt voir le jour et ☛☛Bruno Clément : unité 991 Inserm tenue prospective de la base de données et la mise à offrir aux chercheurs un accès facilité à l’ensemble des Université Rennes 1 disposition du matériel biologique. échantillons disponibles en Europe. N’oublions pas que la reseaucrbfoie.isped.u-bordeaux2.fr Il y a également une procédure validité des recherches dépend directement de la qualité www.inserm.fr certifiée pour les d emandes d’échan- des échantillons biologiques et des données qui leur sont www.biobanques.eu tillons et un système de validation associées. n Propos recueillis par Karl Pouillot L 8 44 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 stratégies ➜ •• •• Atelier de reflexion prospective L’obésité en ligne de mire Dominique Langin *, responsable du laboratoire de recherche sur les obésités à Toulouse, coordonne, depuis un an, l’atelier de réflexion prospective « Prospective et recherche sur les obésités » (ARP-PROBS). Son objectif ? Miser sur une recherche transdisciplinaire, en partenariat avec l’Europe. LPrévalence Nombre de cas enregistrés à un temps T Science&Santé : Comment est né cet atelier ? Dominique Langin : Il a été mis en place en mai 2012 par l’Agence nationale de la recherche en partenariat avec l’institut thématique multi-organisme Circulation, métabolisme, nutrition. Il s’inscrit dans le Plan obésité lancé en 2010 par le Président de la République avec les ministères concernés face à l’augmentation de la prévalence (L) de l’obésité en France. Un plan qui comporte, outre les axes soins, prévention et vulnérabilité, celui de la recherche. avons o rganisé une c onsultation nationale et proposé une liste de dix thématiques (évènements p récoces et origines développementales, complications de l’obésité, prise en charge…) pour structurer les échanges et débats. Nous avons enfin identifié trois axes émergents à partir de l’état des lieux des thèmes de recherche explorés : la « classification dynamique des obésités », puisqu’il y a, non pas une, mais des obésités avec des origines, des évolutions et des complications différentes ; « de l’obésité aux maladies du tissu adipeux », ce qui permet d’englober un plus grand nombre de pathologies liées entre elles ; et enfin « les actions visant à modifier les comportements », i nspirées par les politiques publiques ou “ L'obésité le secteur privé. ne se réduit pas à un problème biomédical „ S&S : Avec un peu plus d’un an d’existence, quelles sont les actions déjà menées ? D. L. : D’abord, nous avons réalisé un recensement de l’ensemble des laboratoires, toutes disciplines confon☛☛Dominique Langin : unité 1048 Inserm dues, impliqués dans les recherches sur les obésités Université Toulouse III-Paul-Sabatier, au niveau national, via la création d’un site Web et Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires d’annuaires. Dans le domaine biomédical, il s’agissait d’élargir l’inventaire réalisé par l’Association française d’étude et Qu’est-ce qu’un atelier de recherche sur les obésités. Dans de réflexion prospective ? le secteur des sciences humaines et Mises en place par l’ANR, ces structures sociales, ce fut un travail de fourmi, ont vocation à encourager des analyses collectives et prospectives sur des thématiques car les obésités ne constituent émergentes à forts enjeux sociétaux et généralement pas leur thématique scientifiques. Elles réunissent des chercheurs principale. Parallèlement, nous et des décideurs des secteurs public, privé avons fait de la communication et associatif, et permettent d’identifier de pour faire connaître aux acteurs de nouvelles questions pour la recherche dans des domaines encore peu structurés. Enfin, la recherche la démarche de l’ateces ateliers constituent généralement les lier lors de colloques, comme le prémices des programmations futures. Congrès européen sur l’obésité en 8 www.agence-nationale-recherche.fr mai 2012. Ensuite, afin d’élaborer un programme de recherche, nous ©©François guénet/inserm S&S : Et en quoi consiste-t-il exactement ? D. L. : L’atelier regroupe la communauté scientifique qui travaille sur les obésités et, au-delà, sur la nutrition. Son rôle est de faire l’état de l’art des recherches en France et d’élaborer les futures pistes de travail. L’idée était aussi de créer des passerelles entre les différentes disciplines, parce que l’obésité ne se réduit pas à un problème biomédical. Il faut prendre en compte ses composantes environ nementales, sociologiques, économiques… S&S : Comment voyez-vous l’avenir ? D. L. : L’Inserm a décidé de poursuivre cette initiative avec pour mission de promouvoir la réponse aux appels d’offres européens dans le contexte du programme-cadre européen Horizon 2020*. Nous souhaitons préparer au mieux le futur de la recherche en France mais également, ce qui est fondamental, i nscrire encore plus notre communauté dans la perspective européenne. n www.i2mc.inserm.fr Propos recueillis www.arp-probs.fr par Stéphanie Arc 8 * Voir p. 42 www.aviesan.fr septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 45 Bloc-Notes De l’infiniment grand à l’infiniment petit ©©MESR-DRRT Limousin ; Midi-Pyrénées Chercheurs, enseignants, ingénieurs, techniciens, entreprises, associations, collectivités territoriales, etc., des milliers de personnes participent au succès de la Fête de la science. ➜ À retrouver dans votre région du 9 au 13 octobre 8 www.fetedelascience.fr À Paris, Sciences au Carré(e)* proposera : •u n dispositif de réalité augmentée, pour une immersion totale dans des scènes 3D •d e nombreux scientifiques à rencontrer • des « objets mystères » à découvrir chaque jour •d es animations ludo-pédagogiques pour petits et grands • un espace « carré des bloggeurs » et le hashtag #SciO2 : tous connectés ! • des speed dating sur les métiers de la science pour les lycéens * organisé par les principaux organismes de recherche ➜ 17-19 octobre Place Carrée au Forum des Halles, Paris 1er 8 www.inserm.fr Festival des sciences en Bretagne Un rendez-vous pour en savoir un peu plus sur ce qui se fait dans les laboratoires de recherche rennais et ce qui s’y prépare pour demain. ➜ 6-20 octobre •• •• •• •• evenement 8 www.espace-sciences.org Première journée européenne de sensibilisation à l’arrêt cardiaque Colloque scientifique, organisée par Xavier Jouven (unité Inserm 970, PARCC) et Hazrije Mustafic (Centre d’expertise de la mort subite de l’adulte) ➜ 16 octobre - Auditorium de l'HEGP, Paris 15e Pour le grand public : sensibilisation et formation aux gestes qui sauvent (Centre d’expertise de la mort subite, Croix rouge, Sapeurs pompiers de Paris, Samu de Paris) ➜ 16 octobre, 15 heures – 17 h 30 Stades Charléty, Paris 13e et Le Gallo, Boulogne-Billancourt (92) 8 46 ● http://parcc.inserm.fr www.idf.inserm.fr ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 rencontre Fête de la science La Nuit des chercheurs Démonstration, manipulation, animation… pour tout public ! festival manifestations • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies ➜ Pariscience Festival international du film scientifique Pariscience ouvrira ses portes pour sa 9e édition du 3 au 8 octobre 2013 à Paris. Placé sous le signe des mathématiques, il proposera une cinquantaine de films qui aborderont toutes les thématiques scientifiques et techniques. Nicolas Gervasi *, chercheur en neurosciences à l’Institut du Fer-à-Moulin, et parrain, cette année, du prix des lycéens du festival, nous parle de ce rôle qu’il va endosser pour la première fois à la rentrée. Science & Santé : Pourquoi avoir accepté d’être parrain du prix des lycéens de Pariscience 2013 ? Nicolas Gervasi : J’aime beaucoup enseigner mais je n’ai pas encore eu l’occasion de communiquer directement avec le grand public. Pourtant, j’y pense souvent car mon sujet d’étude, le striatum - petite structure du cerveau impliquée dans la motivation de l’action et modifiée dans la maladie de Parkinson ou la prise abusive de drogues - donne lieu à de belles images explicites. On voit les neurones s’activer en temps réel et c’est une excellente base de discussion. Quand Jean-Antoine Girault, directeur de l’Institut du Fer- à-Moulin et président du comité scientifique d’Ile-de-France, est venu bloc-notes colloque •• •• • •• • En 2013, dans 14 villes de France, la Nuit des chercheurs entraîne vers des mondes inconnus... présentés par des chercheurs passionnés : infiniment petit ou infiniment grand, espaces inconnus de notre propre cerveau, dernières explorations en génétique... ou de la matière noire de l’Univers, ou encore découverte de sociétés humaines préservées... Binôme Souris chaos de Frédéric Sonntag après sa rencontre avec Daniela Cota*, spécialiste de la physiopathologie de l’obésité. Mise en lecture par la compagnie Le sens des mots *Voir S&S n° 14, Bloc-notes p. 48 ➜ 2 7 septembre Représentation lors de la Nuit des chercheurs Forum des arts et de la culture, Talence 8 www.aquitaine-poitou-charentes.inserm.fr www.lessensdesmots.eu ➜ 27 septembre, dès 18 heures 8 www.nuitdeschercheurs-france.eu Communiquer la science par le débat Objectif : susciter une réflexion qui permettra aux organismes de recherche de mieux dialoguer avec les publics et aux citoyens, de comprendre les enjeux des recherches pour devenir acteurs du débat. ➜ 18 octobre festival theatre ➜ Centre d’information scientifique, Institut Pasteur, Paris 15e Entrée libre sous réserve d’inscription préalable Scientilivre L’Aventure humaine Librairies, ateliers, conférences, expos… invité d’honneur, Michel Serres ➜ 19-20 octobre Centre des congrès Diagora, Labège 8 www.communication-publique.fr 8 www.deliresdencre.org me voir pour me faire cette proposition, il m’a parlé de l’échange avec des lycéens et de la perspective d’évoquer ce que l’on fait dans notre laboratoire. J’ai accepté car je pouvais enfin avoir du temps pour rencontrer des jeunes, sortir du laboratoire et prendre du recul. Nicolas Gervasi Parrain du prix des lycéens ©©François guénet/inserm S&S : Rappelez-nous ce qu’est ce prix des lycéens et quel rôle vous y jouerez ? N. G. : Trois films sont sélectionnés par Pariscience et soumis, à trois classes de lycéens qui en forment le jury. À chaque projection, je serai accompagné d’un réalisateur et nous irons à la rencontre de ces adolescents à “ Je vais enfin l’issue de la séance. En amont avoir du temps du festival, dès la rentrée, pour rencontrer nous allons nous réunir avec des jeunes „ les enseignants afin de préparer ces débats. Je suis très curieux de voir ce que les jeunes vont particulièrement retenir des films qu’ils verront. Moi, je serai là pour discuter avec eux, leur apporter des éclaircissements si besoin est, leur donner les bases nécessaires pour qu’ils puissent juger au mieux la qualité des films présentés, et surtout essayer de transmettre ma passion de chercheur. Ce qui, peut-être, donnera envie aux jeunes de faire des études scientifiques ? S&S : Sait-on ce que la sélection des films pour le prix des lycéens nous réserve ? N. G. : Cette année, trois films sont en compétition pour ce prix et permettent d’aborder des thématiques très variées : Nature invisible – plantes conquérantes, Sur les traces de la mémoire et Résurrection. Attendons leur verdict ! n Propos recueillis par Aude Védrines 8 ➜ L es séances auront lieu au Muséum national d’histoire naturelle, à l’Institut de physique du globe de Paris et à l’université Pierre-et-MarieCurie. ➜P rojection des films lauréats à l’Institut de physique du globe de Paris lors de la Fête de la science le 12 octobre ☛Nicolas ☛ Gervasi : unité 839 Inserm/ Université Paris 7-Denis-Diderot – UPMC, Neurotransmission et signalisation www.pariscience.fr www.ifm-institute.fr septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 47 bloc-notes •• •• ● Santé en questions L’insomnie met la santé en veille Avec Joëlle Adrien, chercheur au Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (UPMC/Inserm UMRS975/ CNRS UMR 7225, Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière, Paris) et Isabelle Guy, praticien hospitalier, responsable de l’unité Sommeil au Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard Livre conferences ➜ Claude Bernard La méthode de la physiologie C ette année 2013 marque le bicentenaire de la naissance de Claude Bernard, le précurseur de la biologie moderne et de la méthode expérimentale. Une rencontre organisée à l’École normale supérieure (ENS) de Paris, et dont les actes sont aujourd’hui publiés, a permis de lui rendre hommage et de replacer ses interrogations au cœur des avancées que connaît actuellement l’étude du vivant. Jean-Jacques Kupiec *, biologiste moléculaire, épistémologue Inserm au Centre Cavaillès et co-directeur de l’ouvrage, revient pour nous sur cette journée d’étude, entre histoire et modernité. ➜ 1 7 octobre, à 19 heures à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris et en duplex de l’amphithéâtre Sem-Numerica à Montbéliard 8 www.inserm.fr ● Les conférences 5 à 7 de Pasteur Lille Flore intestinale, les flores du mal avec Mathias Chamaillard (unité Inserm 1019/Lille 2) ➜ 15 octobre, 17 à 19 heures Entrée gratuite (réservation obligatoire) Campus de l’Institut Pasteur de Lille, amphithéâtre René Buttiaux La méthode de la physiologie* Sous la direction de François Duchesneau, Jean-Jacques Kupiec et Michel Morange 8 www.pasteur-lille.fr ● L’épigénétique avec Annick Harel-Belland (CNRS) et Edith Heard*, professeur au Collège de France (Institut Curie/CNRS/Inserm) *À lire dans S&S n° 6, Têtes chercheuses « Edith Heard - Donner de la voix au silence », p. 14 et n° 11, Grand Angle « Épigénétique - Comment se joue la partition du génome ? », p. 22-33 ➜ 19 novembre Institut Curie, salle Lacassagne, Paris 5e [email protected] ©©Adrian Stähli/ Lichtblick Media Gmbh/ Berlin Film 8 chercheurs_toujours.vjf.cnrs.fr Ne m’oublie pas Documentaire de David Sieveking (Allemagne) Grand Prix de la Semaine de la Critique au Festival International du Film de Locarno 2012 « … lorsque mon père s’est retrouvé avec cette tâche titanesque d’avoir à prendre soin de ma mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, j’ai voulu aider… » dit le réalisateur pour expliquer la genèse de ce film. ➜S ortie en salles le 25 septembre (durée 1 h 28) À l’occasion de la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer le 21 septembre, film disponible en vidéo à la demande payante, en avant-première (1 € par téléchargement reversé aux associations d’aidants et pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer) 48 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 Science & Santé : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à Claude Bernard et à lui consacrer une journée d’étude ? Jean-Jacques Kupiec : Nous avons organisé ce colloque le 22 janvier pour juin 2013, Éditions Rue d’Ulm, 166 p.,12 € célébrer le bicentenaire de la naissance *Voir S&S n°15, Bloc-notes, p. 50 du fondateur de la méthode expérimentale en biologie et pour rendre hommage à l’actualité de ses travaux. Je me suis étonné du peu d’évènements organisés à cette occasion, surtout si l’on compare à l’avalanche de colloques, d’études et d’articles qui ont été consacrés à Charles Darwin en 2009 pour célébrer les 150 ans de la publication de De l’origine des espèces. Le livre proposé ici rassemble les différentes contributions, entre biologie, histoire et philosophie, qui ont eu lieu ce jour-là. Elles permettent de se déplacer dans la pensée de Claude Bernard, qui est d’une remarquable modernité et d’une grande cohérence. ➜ Claude Bernard - S&S : En quoi cet éminent savant du XIXe siècle est-il moderne justement ? J.-J. K. : Certaines présentations de la journée d’étude se sont particulièrement penchées sur la question. Par exemple Biologie des celle de Denis Noble, physiologiste venu d’Oxford et président de l’Union internationale des sociétés de physiologie. systèmes Il est l’un des fondateurs de la biologie des systèmes (L) et Domaine qui étudie s’appuie beaucoup sur les travaux de Claude Bernard. De les relations et les manière un peu schématique, jusqu’aux années 2000, on interactions entre différentes parties analysait la biologie au niveau des molécules. Aujourd’hui, de l’organisme on revient à une vision plus globale des organismes que (cellules, organites, l’on considère de nouveau comme des systèmes. Dans son gènes, protéines…), article, Denis Noble montre que Claude Bernard avait justeafin de déterminer ment cette représentation systémique de l’organisme et que le fonctionnement des systèmes sa pensée est éminemment moderne et compatible avec la biologiques dans biologie des systèmes développée actuellement. leur ensemble. Un autre article, celui de François Pépin, philosophe, évoque le concept de milieu intérieur inventé par Claude Bernard à une époque où ce n’était pas si trivial et qui est devenu l’un des fondements de la biologie moderne ! Il porte l’idée ☛☛Jean-Jacques Kupiec : Centre Cavaillès, Centre international que tout élément d’un être vivant subit l’influence de son de recherches en philosophie, environnement et fonctionne en conséquence. On retrouve lettres, savoirs (USR 3308 ENS/CNRS) là l’idée d’interaction de toutes les parties entre elles. C’est L bloc-notes MEDIAS ➜ •• •• “ Au travers de cet ouvrage, on se déplace dans la pensée de Claude Bernard „ Les jeudis de l’actualité un partenariat Inserm/Paris bibliothèques Les cellules souches, une révolution ? avec la participation de Sandrine Montgolfier, juriste à l’UPEC (IRIS) et Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm ➜ 3 octobre, 19 heures Bibliothèque Vandamme, Paris 14e 8 www.idf.inserm.fr Café santé ADN, superstar ou superflic ? Les citoyens face à une molécule envahissante* avec l’auteur, Catherine Bourgain (unité Inserm 988) ©©François guénet/inserm Jean-Jacques Kupiec lui rend un hommage justifié Bibliothèque Hélène-Berr, Paris 12e 8 www.idf.inserm.fr Rencontres CNRS Jeunes « Sciences et citoyens » Un rendez-vous annuel de réflexion et d’échanges avec, cette année, 450 jeunes européens et une centaine de chercheurs de toutes disciplines de Claude Bernard (1813-1878) Conférences, expositions et manifestations à Paris et Lyon jusqu’au 7 décembre ➜ 18-20 octobre Palais des congrès, Futuroscope de Poitiers Inscription et règlement 8 claudebernard2013.univ-lyon1.fr 8 www.cirphles.ens.fr/centre-cavailles 8 www.cnrs.fr/sciencesetcitoyens Utopiales Ce festival international de science-fiction a pour thème, cette année, l’architecture de demain. L’Inserm et le CEA proposeront une exposition « interactive », Futuro Technos, où l’on retrouvera des innovations technologiques qui visent à améliorer le quotidien, à réparer ou augmenter les capacités humaines. ©©Vincent Callebaut S&S : Finalement, quelles découvertes majeures doit-on à Claude Bernard ? J.-J. K. : Celle du glycogène, la forme sous laquelle les glucides sont stockés dans notre organisme, qui est s urtout emmagasiné dans le foie et les muscles squelettiques et dont on tire de l’énergie au besoin. Mais aussi celle de la synthèse et la libération du glucose par le foie, l’analyse de l’effet de produits toxiques comme le curare sur les muscles et les nerfs… Il a également écrit plusieurs ouvrages théoriques fondamentaux, dont la célèbre Introduction à l’étude de la méthode expérimentale et les Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Son originalité, finalement, c’est d’avoir fait des découvertes expérimentales qu’il a doublées d’une réflexion épistémologique et théorique encore d’actualité pour penser le renouveau de la biologie aujourd’hui. n Propos recueillis par Aude Védrines Blog ➜ 17 octobre, 19 heures ➜B icentenaire de la naissance manifestation ce concept qui a rendu possible la méthode expérimentale hypothético-déductive : isoler un organe, analyser toutes les influences reçues par celui-ci et concevoir des dispositifs expérimentaux rationnels. * Voir S&S n° 13, Bloc-notes p. 46, entretien avec C. Bourgain ➜ 3 0 octobre-4 novembre La Cité, Centre des Congrès de Nantes 8 www.utopiales.org Indésciences : n.f. La nouvelle façon de vous parler de sciences L’équipe d’Indésciences, constituée d’étudiants et soutenue par la FNEB (la Fédération des étudiants en sciences exactes, naturelles et techniques), propose une revue rigoureuse et accessible des actualités majeures dans le monde des sciences fondamentales. Outre un blog, ils offrent une veille scientifique sur les réseaux sociaux des évènements autour de la culture scientifique et un podcast audio bientôt disponible. ➜ septembre 2013 8 www.indesciences.com sur Twitter @indesciences et sur Facebook septembre - octobre 2013 ● N° 16 ● ● 49 bloc-notes ➜ livres ➜ Être vivant : quelle aventure ! Louis-Marie Houdebine, ill. Yann Wehrling août 2013, Le Pommier, coll. Les minipommes, 64 p., 8,90 € ➜ L’humain médicament Aurélie Mahalatchimy, Emmanuelle Rial-Sebbag* De la bactérie à l’homme, en passant par les dinosaures, une explication de l’évolution destinée aux enfants de 9 à 12 ans. juin 2013, Les éditions de la Maison des sciences de l’homme, Quaderni n° 81, 124 p., 16 € Cet ouvrage analyse comment les progrès de la science conduisent à adapter le droit concernant les biotechnologies, en tenant compte des choix éthiques de la société. * Voir S&S n° 10, Têtes chercheuses, « Emmanuelle Rial-Sabbag - Droit de recherche », p. 12-13 ➜ Sciences, techniques et société Christophe Bonneuil, Pierre-Benoît Joly juin 2013, La Découverte, coll. Repères n° 620, 128 p., 10 € Les sciences et les techniques ont transformé les modes de vie, les relations de pouvoir, nos identités et nos imaginaires. Comment analyser les liens complexes entre ce que l’on sait du monde, ce que l’on souhaite y faire et la façon dont on le gouverne ? Les auteurs, historien et sociologue des sciences (CNRS/EHESS), d’une part, et économiste et sociologue (Inra), d’autre part, proposent un panorama du champ « Sciences, techniques et société », très interdisciplinaire. ➜ Vie et mort des épidémies Patrice Debré, Jean-Paul Gonzalez juin 2013, Odile Jacob, 288 p., 23,90 € Les auteurs retracent l’histoire des grandes épidémies passées et démontrent que l’émergence de maladies infectieuses est un phénomène qui participe de la logique même du vivant. Ils soulignent surtout que jamais nous n’avons été aussi bien armés pour lutter contre elles. ➜ Conscience, mémoire et identité Marie-Loup Eustache L’auteur, philosophe, enseignante et chercheur Inserm, s’est donné pour but de préciser les liens entre mémoire, conscience et identité, en s’appuyant sur leurs aspects philosophiques et sur les travaux actuels des neurosciences cognitives. Des cas pratiques sont proposés, notamment dans l’évaluation et la prise en charge de patients ayant des troubles sévères de la mémoire. ➜ L’opinion publique et la science À chacun son ignorance Bernadette Bensaude-Vincent août 2013, La Découverte Poche/Sciences humaines et sociales, 240 p., 11 € Catastrophe naturelle ou grave épidémie animale, un expert est là pour éclairer l’opinion du public. D’un côté, il y a ceux qui savent et, de l’autre, ceux qui ne savent pas et à qui on demande seulement de croire à ce qu’on leur dit être vrai. L’auteur, professeur d’histoire et de philosophie des sciences (Paris-X et EHESS), retrace les moments forts de la confrontation entre science et public, qui laisserait à penser que « la science a l’opinion qu’elle mérite ». N°16 sptembre-octobre 2013 Abonnement gratuit, écrire à : science-et-sante @ inserm.fr 50 ● ● N° 16 ● septembre - octobre 2013 août 2013, Belin/La Cité des sciences et de l’industrie, coll. InfoGraphie, 80 p., 19 € Cet ouvrage, avec la diversité des points de vue présentés, permet de se faire son opinion sur l’assistance médicale à la procréation et sur les questions de société que cette avancée médicale suscite. ➜ L’homme subconscient : le cerveau et ses erreurs Yves Agid septembre 2013, Robert Laffont, 288 p., 24 € La subconscience, présente chez tous les animaux développés, dont l’homme, dépend du fonctionnement de petites structures situées à la base du cerveau, les noyaux gris centraux. Yves Agid, professeur de neurologie et de biologie cellulaire, et son équipe ont mis au point de nouveaux traitements pour les personnes qui souffrent de ces pathologies de la subconscience que sont, entre autres, les maladies de Parkinson et d’Alzheimer. ➜ Médecine personnalisée en cancérologie digestive Vers un traitement à la carte Olivier Bouché, Pierre Laurent-Puig septembre 2013, Springer, 250 p., 29 € juin 2013, Dunod, 216 p., 23 € Directeur de la publication Pr André Syrota Directeur de la rédaction Arnaud Benedetti Rédacteur en chef Yann Cornillier Secrétaire de rédaction Maryse Cournut Chef de rubrique Julie Coquart ➜ La procréation assistée ? Comprendre vite et mieux Lise Barnéoud, préface de Pierre Jouannet, ancien responsable du service de biologie de la reproduction à l’hôpital Cochin Proposer le bon traitement au bon patient au bon moment, tel est le nouvel enjeu en cancérologie digestive. Une trentaine d’auteurs se sont associés pour proposer un ouvrage présentant la médecine personnalisée dans ces types de cancer, selon l’âge, la fonction rénale ou l’imagerie fonctionnelle mais aussi selon la pharmacocinétique, la pharmacogénétique, la pharmacogénomique et les signatures moléculaires. ➜ Histoire du CNRS de 1939 à nos jours : une ambition nationale pour la science Denis Guthleben, préface André Kaspi, Comité pour l’histoire du CNRS octobre 2013, Armand Colin poche, 560 p., 20 € Depuis sa naissance, en 1939, c’est tout un pan de la science française qui s’y est construit. Au fil de 70 ans d’histoire, le CNRS apparaît ainsi tel qu’il est, et tel qu’il a toujours été : un laboratoire du mouvement perpétuel. Entre réussites et espoirs, mais aussi débats et déboires, recherche et politique de la recherche n’ont jamais cessé d’être remises sur la paillasse. Journaliste Nathalie Christophe Assistante d’édition Coralie Baud Ont collaboré à ce numéro Stéphanie Arc, Natacha Bitton, Alice Bomboy, Brigitte Dyan, Halima Hadi, Véronique Méder, Pascal Nguyên, Hélène Perrin, Simon Pierrefixe, Rubrique réalisée par Maryse Cournut Fanny Pijaudier-Cabot, Karl Pouillot, Nicolas Rigaud, Aude Védrines Conception graphique et direction artistique Ghislaine Salmon-Legagneur Iconographie Cécile Depot Consultante projet Françoise Harrois-Monin Crédit de couverture Illustration : Stéphane Kiehl Impression Groupe Burlat N° ISSN : 2119-9051 © VINCENT CALLEBAUT ARCHITECTURES / V. JONCHERAY NANTES UTOPIALES DU 30 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2013 / LA CITE, LE CENTRE DES CONGRES DE NANTES DU 24 septembre AU 1er decembre / le lieu unique - Simone et Lucien Kroll : une architecture habitéee scienceetsante.indd 1 30/07/2013 16:31:11 101, rue de Tolbiac 75654 Paris Cedex 13 www.inserm.fr