Le traitement topique de l`onychomycose
Transcription
Le traitement topique de l`onychomycose
Place aux questions Le traitement topique de l’onychomycose : qu’en est-il ? L’onychomycose, mycose des ongles, affecte 6,5 % de la population canadienne avec une prévalence qui augmente avec l’âge1. Les pharmaciens communautaires sont parfois consultés par des patients dont l’ongle d’orteil ou, plus rarement, un ongle du doigt est infecté. Parmi les facteurs de risque de cette affection, notons l’âge (> 40 ans), les facteurs héréditaires, le diabète, le psoriasis, le tabac, les sports, les traumas fréquents des ongles, les maladies affaiblissant le système immunitaire, telles que le VIH et le tinea pedis2. En conséquence, il est important de traiter toute autre infection concomitante, telle que le pied d’athlète, ou toute autre maladie sous-jacente3. Malgré la disponibilité de traitements oraux et topiques contre l’onychomycose, il existe peu de traitements efficaces et le taux de rechute se situe entre 40 % et 70 %4. Dans les cas graves d’onychomycose, on peut voir l’infection progresser vers une destruction partielle ou complète de l’ongle : la qualité de vie de ces patients se trouve ainsi grandement affectée. Seuls les traitements topiques en vente libre (MVL) et sous ordonnance seront abordés dans cet article. L’ongle, aussi appelé « tablette unguéale » (figure 1), est constitué d’un tissu semi-transparent, la kératine. Cette dernière est produite par la matrice, la seule partie visible étant la lunule ayant la forme d’un croissant blanchâtre. La croissance d’un ongle du doigt est d’environ 2 à 3 mm par mois, tandis que celle d’un ongle d’orteil s’avère deux à trois fois plus lente, soit 1 mm par mois5. Cela expliquerait en partie la durée de traitement plus longue pour un ongle d’orteil6. On distingue différents traitements topiques : l’avulsion (enlèvement complet de l’ongle) mécanique, l’avulsion chimique, les traitements antifongiques et le laser. Les traitements mécaniques, comme le débridement, peuvent s’avérer utiles, mais l’avulsion complète de l’ongle est généralement à éviter puisqu’elle est susceptible d’entraîner un risque accru d’ongles incarnés7. L’avulsion chimique, souvent réalisée avec de l’urée 40 %, contribue généralement à ramollir la partie de l’ongle infectée et à en faciliter l’extraction8. Pour ce qui est de l’usage des antifongiques topiques pour le traitement de l’onychomycose, leur efficacité est très limitée. Bien que plusieurs d’entre eux agissent favorablement contre les dermatophytes, ils ne peuvent pénétrer à travers la kératine de l’ongle et sont ainsi inefficaces8. rieur de chacun des contenants précisent bien que l’usage de ces produits n’est indiqué que pour la peau entourant les ongles. Ciclopirox (PenlacMD) Le ciclopirox 8 %, sous forme de vernis à ongles, est le seul produit topique vendu sur ordonnance pour le traitement de l’onychomycose, au Canada. Son mécanisme d’action est différent des autres antifongiques sur le marché. Il chélate divers cations polyvalents (Fe3+, Al3+), si bien qu’il en résulte une inhibition de divers enzymes responsables de la dégradation des peroxydes dans la cellule fongique10,11. Une fois le vernis à ongles appliqué, les solvants s’évaporent et la concentration du produit à la surface de l’ongle s’élève à 34,8 %9. Étant très kératinophile, il pénètre la kératine avec un gradient de concentration qui diminue à travers l’épaisseur de l’ongle11. Bien Texte rédigé par John Zannis, B. Pharm., Pharmacie Sylvain Goudreault. Texte original soumis le 22 avril 2012. Texte final remis le 17 mai 2012. Révision : Noura A. Shahid, B. Pharm., et Elyse Desmeules, B. Pharm. Figure 1 Croissance de l’ongle du gros orteil et du doigt Schéma de la repousse de l’ongle du gros orteil Croissance de l’ongle du doigt Tablette unguéaleTablette unguéale Acide undécylénique Si on s’attarde sur les produits disponibles en vente libre dans la section « Soins des pieds » de plusieurs pharmacies, on retrouve certains produits qui semblent, à première vue, indiqués pour l’onychomycose. Ces produits, comme le Flexitol MD et le Fungicure MD, contiennent de l’acide undécylénique. Cet ingrédient, fabriqué à partir d’huile de ricin, a des propriétés antifongiques et antibactériennes. Toutefois, il n’est utile qu’en traitement des candidoses cutanées et du tinea versicolor, et n’a fait l’objet d’aucune étude pour l’onychomycose9. En effet, il a été utilisé dans une seule étude comme adjuvant, à titre de prévention. Notons que les feuillets d’information à l’intéwww.professionsante.ca Lunule Matrice Corne matricielle 120 jours 40 jours 9 à 12 mois Matrice Corne matricielle septembre 2012 vol. 59 n° 5 Québec Pharmacie 9 Place aux questions La protection solaire s’appuie sur la science stabilisateur oxybenzone avobenzone Recommandez l’écran solaire NEUTROGENA® avec HELIOPLEX® pour une protection UVA/UVB photostable à large spectre. « Les ingrédients actifs et inactifs du Vicks ont déjà été testés in vitro et ont démontré une efficacité contre les dermatophytes. » que ce soit un produit très prometteur, les études cliniques montrent une efficacité relativement faible. Toutefois, malgré une résolution complète de l’infection chez environ 10 % des patients, il est beaucoup plus efficace que le placebo et a sa place dans l’arsenal thérapeutique9. Le vernis de ciclopirox doit, selon le fabricant, être appliqué chaque jour au coucher sur toute la surface de l’ongle à traiter, sur la couche précédente du produit, ainsi que sur la peau avoisinante (environ 5 mm) durant 48 semaines. Pour les ongles d’orteils, la durée de traitement nécessaire peut aller jusqu’à 24 mois. Il faut prendre soin d’enlever le produit une fois par semaine avec de l’alcool isopropylique ou avec de l’acétone (dissolvant à ongles). Il est recommandé de se tailler les ongles une fois par semaine, soit avant chaque application du produit. Il n’est pas recommandé d’employer d’autres vernis à ongles. Toutefois, si une femme tient absolument à se donner des soins de pédicure, elle devrait privilégier les vernis non foncés et appliquer une couche de ciclopirox en dessous ou par-dessus le vernis. Les vernis foncés contiennent des ions de métaux lourds et peuvent causer une agglutination lorsqu’ils entrent en contact avec le médicament. Moins de 5 % des patients peuvent présenter des effets indésirables, tels qu’une sensation de brûlure temporaire, de la rougeur ou de l’irritation. Ces effets tendent à diminuer avec un emploi continu8. 2,0 ULTRA SHEER® Sec au toucher, FPS 701 1,8 Absorbance 1,6 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 UVB UVA Départ 10 joules 20 joules 30 joules 50 joules† 0,0 290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400 Longueur d’onde (nm) 1. Données internes. Johnson & Johnson Inc., Neutrogena. † Conditions de laboratoire simulant une exposition au soleil de midi pendant 5 heures. SCIENCE et OBSERVANCE 10 Vicks VapoRub (menthol, camphre, eucalyptus, thymol) Les ingrédients actifs et inactifs du Vicks ont déjà été testés in vitro et ont démontré une efficacité contre les dermatophytes. Toutefois, in vivo, on ne dispose que d’une seule étude publiée dans la littérature médicale, à laquelle seulement 18 patients ont participé12. Ils ont appliqué le produit une fois par jour pendant 48 semaines12. À la fin de l’étude, 83 % des participants ont rapporté une réponse positive quant à leur onychomycose, soit une amélioration significative de l’état de l’ongle, et 27,8 % ont fait part d’une cure mycologique (soit une culture négative au niveau de l’ongle)12. Il est à noter que l’étude comportait plusieurs biais, dont le fait que la cure clinique avait été mesurée en utilisant la photographie ainsi que le manque de traitement comparatif ou de placebo. Ce traitement ne peut Québec Pharmacie vol. 59 n° 5 septembre 2012 donc être recommandé étant donné le manque d’études et de donnés d’efficacité. Huile de théier, ou « tea tree oil » Ce produit, aussi connu sous le nom d’« huile essentielle de melaleuca », a des propriétés antibactériennes et antifongiques13. Parmi plusieurs substances de type terpénoïde, le terpinen-4-ol serait le constituant principal de ce produit. Il est supposé constituer un traitement efficace contre l’onychomycose14. Ce produit fait l’objet de deux études figurant dans la littérature médicale : la première le compare à une solution de clotrimazole 1 %, alors que dans la deuxième, il est présent à titre de véhicule à une concentration de 5 % avec la buténafine13,15. Étant donné les résultats de la première étude, à savoir culture négative de seulement 18 % et mesure clinique estimant la résolution partielle et complète dans la même donnée, il ne peut être recommandé comme traitement. Il est intéressant de noter que, dans la deuxième étude, le placebo était aussi l’huile de théier à la concentration nettement insuffisante de 5 %. La buténafine est une allylamine comme la terbinafine, qui semble être un produit prometteur, mais elle est non disponible au Canada. D’autres études menées avec l’huile de théier seront nécessaires afin de recommander son usage. Lasers Les lasers constituent une nouvelle avenue de traitement des onychomycoses. Il existe au moins quatre types différents de laser16. Depuis 2010, la FDA a donné son approbation au laser PinPoint MD. Santé Canada lui a accordé son homologation en février 2011. Il est important de noter qu’au Canada l’approbation repose sur l’innocuité et non sur l’efficacité. Les trois autres types sont : le CoolBreezeMD, le Cutera GenesisPlusMD et le NoveonMD. Toutefois, ils ne sont pas encore approuvés au Canada. Concernant le Noveon, il semble très prometteur et a fait l’objet d’une étude randomisée auprès de 36 patients, avec un groupe de traitement et un groupe témoin. Dans cette étude, il a montré une efficacité de 65 %, par rapport à 8 % pour le groupe placebo17. Plus précisément, après 180 jours, 65 % des orteils affectés présentaient une croissance de l’ongle d’au moins 3 mm, avec une apparence claire ou normale17. Le traitement topique de l’onychomycose : qu’en est-il ? Selon la petite étude menée sur le laser PinPointMD, sept des huit patients qui y ont participé ont obtenu des cultures négatives après le traitement, ainsi qu’une amélioration de l’apparence de leurs ongles18. Il faudrait davantage d’études avec un plus grand nombre de patients avant de suggérer les lasers. Ils demeurent cependant une option prometteuse présentant un profil favorable quant aux effets indésirables (soit un peu de chaleur localisée). Il existe présentement au moins une clinique à Montréal qui offre ce type de traitement. Conclusion Bien que l’onychomycose soit responsable de 50 % des problèmes des ongles, il est important qu’un médecin procède au diagnostic différentiel. Des conditions comme le psoriasis, l’eczéma, le lichen plan, un mélanome et même certains médicaments (tétracyclines, chimiothérapie) peuvent causer ou avoir une présenta- tion similaire1. Aussi, une confirmation mycologique de l’infection serait recommandée avant d’entreprendre un traitement. Le traitement topique idéal serait de type fongicide, d’assez courte durée, minimiserait les rechutes, aurait peu d’effets indésirables et favoriserait l’observance du patient8. Toutefois, le traitement topique ne convient pas à tous les types d’onychomycose. Seul l’ongle infecté de façon mineure ou modérée devrait être traité localement10. Plus précisément, c’est lorsque la matrice n’est pas affectée et que seulement 50 % ou les deux tiers maximum de la partie distale de l’ongle sont touchés que l’on doit envisager un traitement topique6,8,9. Enfin, bien qu’il n’existe pas de lignes directrices, certains médecins utilisent le vernis de ciclopirox en association avec un traitement per os surtout pour traiter des infections sérieuses, certains même pour prévenir la récurrence à raison d’une application deux fois par semaine8. ■ L’observance est essentielle à la protection solaire Références 1. Miller PF. Fungal nail infections (onychomycosis). Patient self-care. 2nd edition. 2010; 668-73. 2. Tosti A, et coll. Patients at risk of onychomycosis-risk factor identification and active prevention. Journal of the European Academy of Dermatology and Venerology 2005; 19: 13-6. 3. Gupta AK. Onychomycosis Therapies: Strategies to improve Efficacy. Dermatol Clin. 2006; 24: 381-6. 4. Gupta AK, Lindsay EL. Onychomycosis: review of recurrence rates, poor prognosis factors, and strategies to prevent disease recurrence. CUTIS. 2004; 74: 10-5. 5. Paus R, et coll. Biology of hair and nails. In: Dermatology 2nd edition 2008; 981. 6. Brown TE, Chin TW. Superficial fungal infections. Dans: Pharmacotherapy, a pathophysiologic approach. 7th ed. 2008; 1957-72. 7. Gupta AK, Tu LQ. Therapies for onychomycosis: A review. Dermatol Clin. 2006; 24: 375-9. 8. Gupta AK, et coll. Proceedings of a clinical roundtable. CUTIS. 2004; 74: 16-25. 9. Alavi A, et coll. Common nail disorders and fungal infections. Advances in Skin and Wound Care. 2007; 20: 346-56. 10. Gupta AK, Lindsay EL. Management of onychomycosis: Examining the role of monotherapy and dual, triple, or quadruple therapies. CUTIS. 2004; 74: 5-9. 11. Bohn M, Kraemer K. The dermatologic profile of Ciclopirox 8% nail lacquer. J Am Podiatr Assoc. 2000; 90: 491-4. 12. Derby R, et coll. Novel treatment of onychomycosis using over-the-counter mentholated ointment: A clinical series. The Journal of the American Board of Family Medicine. 2011; 24: 69-74. 13. Buck DS, et coll. Comparison of two topical preparations for the treatment of onychomycosis: Melaleuca alternifolia (tea tree) oil and clotrimazole. The Journal of Family Practice. 1994; 38: 601-5. 14. Johnson JT. Handy healing tea tree oil. Mind Publishing 2007. 15. Syed TA, et coll. Treatment of toenail onychomycosis with 2% butenafine and 5% Melaleuca alternifolia (tea tree) oil in cream. Topical Medicine and International Health 1999; 4: 284-7. 16. Bergstrom KG. Onychomycosis: Is there a role for lasers? Journal of Drugs in Dermatology. 2011; 10: 1074-5. 17. Landsman AS, et coll. Treatment of mild, moderate, and severe onychomycosis using 870 and 930 nm light exposure. Journal of the American Podiatric Medical Association. 2010; 100: 166-77. 18. Hochman L. Laser treatment of onychomycosis using a novel 0.65-millisecond pulsed Nd:YAG 1064-nm laser. Journal of Cosmetic and Laser Therapy. 2011; 13: 2-5. Lors d’une étude de préférence anonyme d’une durée de deux semaines, les formules ULTRA SHEER® ont reçu d’excellentes cotes d’approbation1. « N’irrite pas la peau » « Non grasse » « Juste parfaite » 97 % 96 % 90 % 89 % 88 % 86 % Question de formation continue 2) Parmi les énoncés suivants concernant le traitement de l’onychomycose, lequel est vrai ? A. La meilleure façon de traiter une onychomycose est d’enlever l’ongle complètement. B. Le clotrimazole 1 % en crème, disponible en tant que MVL, devrait être essayé en premier lieu avant de consulter un médecin. C. Le Penlac 8 %, sous forme de vernis, est une option efficace de traitement à envisager lorsque l’onychomycose est mineure ou modérée. D. Il ne faut jamais appliquer le Penlac sur la peau avoisinant l’ongle au risque de causer des brûlures sévères. Répondez en ligne sur www.professionsante.ca, section Ma FC en ligne; rechercher Québec Pharmacie, septembre 2012. Vous avez jusqu’au 9 septembre 2013 pour répondre et obtenir 4 UFC. www.professionsante.ca FPS 85 FPS 70 FPS 85 FPS 70 FPS 85 FPS 70 (n = 115) (n = 108) (n = 115) (n = 108) (n = 115) (n = 108) 1. Données internes. Johnson & Johnson Inc., Neutrogena. SCIENCE et OBSERVANCE septembre 2012 vol. 59 n° 5 Québec Pharmacie 11