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FLASH ÉCONOMIE
RECHERCHE ÉCONOMIQUE
26 février 2015 – N° 174
Quelle est le vrai « maillon faible » de la
zone euro ?
Les marchés financiers considèrent que les « maillons faibles » de la zone
euro sont les pays où il y a un risque politique (élection d’un parti politique
changeant radicalement les politiques économiques de stabilisation) en
réaction à la dégradation de l’économie, à l’appauvrissement de la
population. Il s’agit de la Grèce (évidemment), de l’Espagne, peut-être du
Portugal.
Mais les marchés financiers pourraient avoir une autre approche :
considérer que les « maillons faibles » de la zone euro sont les pays qui
pourraient être tentés de dévaluer leur taux de change (donc de sortir de
l’euro) pour éviter une dévaluation interne (une baisse des coûts salariaux).
Il s’agit alors de la France et encore plus de l’Italie, pas de la Grèce, de
l’Espagne et du Portugal où la dévaluation interne a déjà eu lieu, sauf si de
nouvelles politiques économiques dans ces pays conduisent à une nouvelle
dégradation de la compétitivité.
Rédacteur :
Patrick ARTUS
FLA S H
Les « maillons
faibles » de la zone
euro vus par les
marchés financiers
Les marchés financiers considèrent que les maillons faibles de la zone euro
sont les pays où la dégradation de l’économie et l’appauvrissement de la
population ont été importants.
Quand on regarde le niveau de PIB (graphique 1a), d’emploi (graphique 1b), le
chômage (graphique 1c), par rapport aux valeurs d’avant la crise :
Graphique 1a
PIB en volume (100 en 2002:1)
130
Graphique 1b
Emploi total (100 en 2002:1)
Allemagne
France
Italie
Espagne
Portugal
Grèce
130
125
125
Allemagne
France
Italie
Espagne
Portugal
Grèce
125
125
120
120
120
120
115
115
115
115
110
110
110
110
105
105
100
100
95
95
90
90
105
105
100
100
95
95
85
90
80
Sources : Datastream, Sources nationales, NATIXIS
90
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
Sources : Datastream, Eurostat, NATIXIS
80
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
Graphique 1c
Taux de chômage (en %)
30
Allemagne
France
Italie
Espagne
Portugal
Grèce
30
25
25
20
20
15
15
10
10
5
5
Sources : Datastream, Sources nationales, NATIXIS
0
0
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
Flash 2015 – 174 - 2
85
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-
l’évolution des salaires réels (graphique 2a), du niveau de vie (graphique 2b) ;
l’évolution des dépenses publiques et de la protection sociale (graphiques
3a/b/c),
on voit que la situation est très difficile en Grèce, en Espagne, au Portugal
(perte de production, chômage élevé, perte de niveau de vie, recul des dépenses
publiques de retraite, surtout en Grèce, et de santé).
Graphique 2b
PIB par habitant (en % de l'Allemagne)
Graphique 2a
Salaire réel par tête
(déflaté par le prix conso, 100 en 2002:1)
Allemagne
Italie
Portugal
130
France
Espagne
Grèce
130
125
125
Sources : Eurostat, NATIXIS
120
120
115
115
110
110
105
105
100
100
95
95
Espagne
Portugal
Italie
Portugal
Grèce
110
100
100
90
90
80
80
70
70
60
60
50
50
Sources : IHS Global Insight, NATIXIS
40
40
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
Graphique 3a
Dépenses publiques réelles
(déflatées par le prix du PIB, 100 en 2002:1)
France
France
Espagne
110
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
Allemagne
Allemagne
Graphique 3b
Dépenses publiques réelles de santé
(déflatées par le prix du PIB, 100 en 2002:1)
Italie
Allemagne
France
Italie
Grèce
Espagne
Portugal
Grèce
150
150
140
140
130
130
120
120
110
110
100
100
160
150
150
140
140
130
130
120
120
110
110
100
100
Sources : Datastream, AMECO, NATIXIS
Sources : Datastream, AMECO, NATIXIS
90
90
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
12
13
160
90
14
90
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
12
13
Graphique 3c
Dépenses publiques réelles de retraite
(déflatées par le prix du PIB, 100 en 2002:1)
160
150
Allemagne
France
Italie
Espagne
Portugal
Grèce
160
150
140
140
130
130
Sources : Datastream,
AMECO, NATIXIS
120
120
110
110
100
100
02
03
04
05
06
07
08
09
10
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14
Flash 2015 – 174 - 3
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Les marchés financiers sont aujourd’hui sensibles au risque politique du à la
dégradation de l’économie et à l’appauvrissement de la population : risque
que les élections amènent au pouvoir un parti en rupture avec les politiques de
stabilisation (du déficit extérieur, du déficit public, de la compétitivité) menées
depuis 2009.
Ceci concerne aujourd’hui évidemment la Grèce, l’Espagne et peut-être aussi le
Portugal.
Mais les marchés
financiers pourraient
avoir une autre
approche
Au lieu de regarder le risque politique, les marchés pourraient regarder le
risque de change. La question devrait alors être : dans quels pays de la zone
euro pourrait-il y avoir la tentation de sortir de l’euro, de déprécier la devise
pour échapper à une dépréciation interne ? Il s’agit des pays qui ont
aujourd’hui un problème de compétitivité-coût non réglé par une dévaluation
interne.
Le graphique 4a montre les niveaux des coûts salariaux unitaires de
l’industrie.
Le graphique 4b montre l’évolution des exportations des pays.
Graphique 4a
Niveau du coût salarial unitaire dans l'industrie
manufacturière*
0,8
0,7
Allemagne
France
Italie
Espagne
Portugal
Grèce
(*) Masse salariale yc charges sociales /
valeur ajoutée en volume
Avec la base 2010
Graphique 4b
Commerce mondial et exportations en volume
(volume, 100 en 2002:1)
0,8
0,7
Commerce mondial
Allemagne
190
France
Italie
180
Espagne
Portugal
170
Grèce
0,6
160
150
150
140
0,5
0,5
0,4
0,4
0,3
0,3
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
140
130
130
120
120
110
110
100
Sources : Datastream, Eurostat, NATIXIS
180
170
160
0,6
200
190
100
Sources : Datastream, Sources nationales, NATIXIS
90
90
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Rappelons que l’élasticité-prix des exportations de l’Allemagne est faible (autour
de 0,2), tandis qu’elle est élevée (de 0,6 à 0,8) dans les autres pays (France, Italie,
Espagne, Portugal, Grèce) : ceci montre normalement que les niveaux de gamme
de la production industrielle sont faibles et voisins en France, en Italie, en
Espagne, au Portugal, en Grèce.
On peut donc comparer les coûts salariaux unitaires entre ces cinq pays, alors que
l’Allemagne a un niveau de gamme plus élevé.
Ceci conduit à une estimation du besoin de dévaluation interne :


de 12 à 20% en France ;
de 16 à 25% en Italie.
si on regarde seulement les coûts salariaux unitaires de l’industrie.
Les exportations les plus faibles sont clairement celles de l’Italie (graphique 4b plus
haut) : le besoin de dévaluation interne est encore plus élevé en Italie qu’en
France, ce que confirme le faible niveau de profitabilité des entreprises en Italie
(graphique 5).
Flash 2015 – 174 - 4
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Au contraire, la Grèce, l’Espagne et le Portugal ont réalisé des dévaluations
internes : de 2009 à 2014, de 17% en Grèce, 8% en Espagne, 16% au Portugal
(graphiques 4a plus haut et graphique 6).
Graphique 5
Profits après taxes, intérêts et dividendes
(en % du PIB valeur)
16
14
Allemagne
France
Italie
Espagne
Portugal
Grèce
12
Graphique 6
Coût salarial unitaire ensemble de l'économie
(100 en 2002:1)
16
140
Allemagne
France
Italie
Espagne
Portugal
Grèce
140
135
135
14
130
130
12
125
125
120
120
10
10
115
115
8
8
110
110
6
105
105
100
100
6
4
4
Sources : Datastream, Sources nationales, NATIXIS
2
2
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
95
90
95
Sources : Datastream, Eurostat, NATIXIS
90
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
Le niveau de coût unitaire de ces pays et le redressement de leurs exportations et
de la profitabilité de leurs entreprises (graphiques 4a/b et 5 plus haut) montrent que
ces dévaluations internes ont été suffisantes pour rétablir la compétitivité et
la profitabilité de ces 3 pays.
Synthèse : qui sont
vraiment les maillons
faibles de la zone
euro ?
Si on se base sur le risque politique, ce que font aujourd’hui les investisseurs,
les maillons faibles de la zone euro sont la Grèce, l’Espagne, et peut-être
aussi le Portugal.
Mais si on se base sur le besoin de réaliser une dévaluation interne (ce qui
pourrait éventuellement inciter un futur gouvernement à sortir de l’euro pour éviter
une dévaluation interne), il s’agit de la France et encore plus de l’Italie.
La Grèce, l’Espagne et le Portugal n’ont pas aujourd’hui de problème de
compétitivité, donc n’ont plus besoin de dévaluer (explicitement ou internement).
Ceci ne changerait que si de nouveaux gouvernements menaient dans ces pays
des politiques qui dégraderaient la compétitivité-coût.
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