BURALISTES : Avenir d`une profession

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BURALISTES : Avenir d`une profession
BURALISTES : Avenir d’une profession
Groupe Qualitatif du 30 Janvier 2007
Robert SIEGEL
Direction Etudes & Observatoire Economique
Chambre de Commerce et d’Industrie de Montpellier
8 Février 2007
Introduction
A l’initiative de Monsieur Patrick LOSSO, buraliste et libraire, membre de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Montpellier,
en accord avec le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Montpellier, Gérard BORRAS, une réunion d’une
dizaine de professionnels buralistes a été organisée à l’Hôtel St Côme, Gd Rue Jean Moulin à Montpellier, le mardi 30 Janvier
2007.
L’animation du groupe était assurée par Robert SIEGEL, Directeur « Etudes & Aménagement », assisté d’Eric CAVAGNA, Chef de
Service « Observatoire Economique » et de Ghislain ARMAND, Consultant.
Un cadrage déontologique et sur la situation de la profession, peu prise en compte par les Pouvoirs Publics dans la démarche
générale de combat du tabagisme a servi d’introduction à cette réunion de travail.
Comme il a été convenu en introduction de la réunion l’anonymat des participants est respecté dans le compte-rendu de cette
réunion, qui doit être perçu comme l’expression d’un groupe.
Participants et conjoncture
Le groupe était composé de 12 personnes en plus des 3 animateurs.
La localisation des établissements était assez variée :
- 3 sur Montpellier Centre-ville,
- 4 des Quartiers de Montpellier
- 2 des Villages de la périphérie montpelliéraine,
- 1 d’un Village plus éloigné,
Malheureusement, les professionnels attendus des Centres-bourgs et du Littoral n’ont pu être présents pour diversifier davantage
l’échantillon.
L’ancienneté se répartissait comme suit :
- 1 seul avait repris le commerce depuis moins d’1 an
- 6 s’occupaient de ce commerce depuis 4 à 5 ans
- 3 dépassaient 5 ans d’expérience.
Les activités se déclinaient autour du métier de buraliste avec les diversifications éventuelles suivantes :
- Un des participants n’exerçait pas la profession de buraliste, mais celle de papeterie/presse & Loto et s’interrogeait sur
l’élargissement vers le métier de buraliste
- 1 tabac « sec », avec bimbeloterie, confiserie,
où le tabac représente 66% du CA, en légère augmentation sauf en 2002,
- 1 tabac « sec » avec journaux (quotidiens) et confiserie,
où le tabac représente 70% du CA,
- 1 tabac-presse avec Loto et Jeux à gratter
avec 60% du CA en tabac (stable),
- 1 tabac- presse, avec confiserie, Française des Jeux,
où le tabac représente 50% du CA,
- 1 bar-tabac avec bonbon, tabletterie,
où le tabac représente 70% du CA,
-
1 tabac- presse et loto qui s’est diversifié vers le vêtement.
Le tabac représente, sans gros problème ¾ du CA.
1 tabac mais avec multi-activité : presse, bar, restaurant, Loto, qui permet de maintenir l’activité, sans progression.
Le tabac représente 30% du CA,
1 tabac, avec confiserie et Française des jeux (mais sans le Loto, refusé), qui s’est agrandi vers la librairie-papeterie et les
consommables informatiques (15% du CA), organisation de dédicaces ;
50% du CA en tabac, mais la Presse aussi devient « difficile ».
« Le Loto est souvent refusé pour des raisons incompréhensibles. La Française des Jeux aurait pu éviter avec une politique
différente la fermeture d’une bonne partie des buralistes qui ont baissé le rideau. »
« La piétonisation est considérée comme un plus pour le centre-ville. Mais c’est la disparition d’un concurrent qui rend de
l’oxygène… »
Dans l’ensemble, la situation des participants n’est pas présentée comme catastrophique sur le court terme, si ce n’est
l’interrogation sur les nouvelles réglementations qui entrent en vigueur interdisant de fumer dans les lieux publics. Mais le sentiment
dominant est celui d’une profession condamnée à régresser et dans un contexte d’image négative fortement médiatisée.
Le panorama révèle aussi des initiatives individuelles nombreuses, classiques ou originales de diversification en s’adaptant par
rapport à des situations locales ou des options personnelles.
Il paraissait dès lors logique de pousser la réflexion en ce sens.
Les pistes de diversification
Les participants ont été séparés en trois petits groupes : les « Extérieurs », les « Urbains » et les « Anciens ». Puis la synthèse de
chaque groupe a été rapportée en réunion commune et commentée. Les diversifications suivantes ont été évoquées, souvent
davantage comme un moyen de « ramener de la clientèle », plus que du Chiffre d’Affaires par elles-mêmes :
ª Le Point Relais Colis (Extérieurs)
C’est un apport de clientèle
Peu lucratif (0,12 € par colis et 0,40 € par retour)
Qui demande de la place (1000 colis/mois)
Qui pose des problèmes d’exclusivités entre les opérateurs (Mondial Relais, La Redoute, Kiala)
Intéressant en zones rurales, mais aussi suivant les secteurs en ville.
Cette diversification est jugée comme un appoint qui peut être intéressant mais non-généralisable.
ª Les timbres fiscaux (Extérieurs)
C’est une « diversification » existante.
Lucrative (5 à 6% de marge)
Mais menacée par l’autorisation du paiement des amendes par chèque.
ª La borne photo numérique (Extérieurs)
Service rapide et économique, choix des photos et différentes corrections, apprécié des clients.
Pas très lucratif (400 photos par mois, 0,35 € la photo)
La Photo d’identité agréée est par contre plus intéressante (2 par jours à 5 Euros)
Mais c’est une activité d’appel, peu encombrante et qui « ramène » des clients à qui elle apporte un service apprécié.
C’est un produit qui peut permettre un développement connexe vers le rayon informatique.
Mais il est plutôt réservé aux zones périurbaines et rurales.
ª Le dépôt de pressing (Extérieurs)
C’est aussi un service qui « accroche la clientèle ».
Avec une bonne marge, mais sur un nombre limité (5 à 6 vêtements par mois)
Plus intéressant en secteur rural.
De l’avis du groupe, c’est un plus, pour « mémoire »
ª La généralisation du Loto (Urbains)
Le Loto pour tous, et éventuellement le PMU ! L’Etat s’est engagé,…et ça n’arrive pas.
La diffusion se fait actuellement à la tête du client (enfin du buraliste), et le groupe ne comprend pas pourquoi l’effort de
généralisation n’est pas fait par la Française des Jeux. Il aurait fallu une pression nationale pour cette généralisation qui aurait
pu éviter la fermeture de bureaux de tabacs.
Sans doute parce que la tendance est à la dématérialisation et que passer par un intermédiaire n’est plus une priorité.
La Marge est de 5% sur le Loto et 1,5% pour le PMU, c’est peu, mais c’est un apport important de clientèle, et qui génère de la
plus-value sur les autres produits.
C’est un apport de clientèle, sur un produit médiatisé.
ª Les bijoux fantaisie (Urbains)
Qui peut s’élargir à la vente de vêtements.
Achats chez des grossistes à Marseille.
Marge intéressante, plus intéressante que le reste de la bimbeloterie (1 à 3 pour les vêtements, 1 à 12 pour les bijoux
fantaisies)
Mais qui demande un peu de place (1 m² pour les bijoux, 3 à 4 pour les vêtements).
Qui demande une démarche commerciale, et qui ne peut pas fonctionner partout (quartiers et péri-urbain)
Clientèle très variée.
ª La sandwicherie
(Urbains)
Le groupe précise d’entrée de jeu que cette possibilité dépend beaucoup des implantations.
ª La Poste (Urbains)
En général les buralistes évoquent cette diversification pour la récuser :
« En ville, on n’en veut pas »
« Dans les villages, non plus ; on ne veut pas casser le facteur »
« Et surtout, on ne veut pas gérer les files d’attente de la Poste ».
Les urbains précisent aussi qu’ils ont tous les commerces à proximité, mais que ce qui fait souvent la différence, c’est l’amplitude
horaire d’ouverture des bureaux de tabac.
Les « anciens », les « sages », ont rapidement fait le tour des diversifications actuelles dans le réseau pour conclure que « toutes
les idées étaient bonnes, mais désordonnées et inadaptables à tous les buralistes » :
- la mise en place d’un contrat entre la Centrale Syndicale et Coca-Cola (20% de marge) s’est heurté au fait que certains
avaient déjà mis en place un dispositif plus souple,
- le colisage est intéressant mais pas toujours adaptable et surtout de retombées limitées,
- la recharge des cartes téléphonique est une piste intéressante, en termes d’innovation.
« La sauvegarde de la profession ne passera pas par du coup par coup ». Il faut garder le réseau, conserver la force du réseau qui
est une partie intégrante de la société, d’une profession qui a été « lâchée » par le Ministère. Comment pérenniser l’ensemble de la
profession, tous les buralistes ?
Une des pistes proposées est d’innover dans la dématérialisation : la presse a subi internet, le livre va suivre, il est menacé, voué à
« disparaître » sous sa forme papier pour se généraliser sous un format électronique téléchargeable. La loi est en retard sur le
téléchargement, on le voit pour la musique et les films. Il faut trouver une solution par la dématérialisation dans le réseau.
Par ailleurs, le débat fait ressortir les aspects suivants des difficultés de la profession, et leurs perceptions par les participants :
- Les rapports difficiles, notamment en matière de suivi de la facturation avec les dépôts de presse,
- Le tabac n’est certainement pas « fini », sa taxation pose un problème « frontalier » qui peut être combattu – la Chambre
Syndicale est mise en cause dans cet aspect-. La suppression du paquet de 10 cigarettes a été préjudiciable. La volonté
nationale, derrière celle du ministère laisse quand même penser que la régression est inéluctable, même s’il ne faut pas
« enterrer » trop vite le tabac, car la baisse de la consommation reste très faible globalement. Donc « sauver », coté tabac
ce qui peut être sauvé, mais chercher un nouveau développement.
C’est l’exercice suivant qui a été proposé au groupe à travers la présentation du projet du « Kit Panda » par Ghislain ARMAND.
L’option culture : le Kit Panda
Armand GHISLAIN présente le concept du « Kit Panda ».
L’idée était de trouver une solution de redéploiement, de mutation du réseau des buralistes qui soit le plus homogène possible.
L’idée centrale est un accès à la culture par le livre et chez le buraliste. Car le tabac est le commerce de toute la population, de
toutes les couches de la société, y compris les non-lecteurs, qui ne rentrent jamais dans une librairie. Face à la dévalorisation de
l’image du tabac, la culture est « inattaquable ».
Le concept de départ, appelé à évoluer vers la dématérialisation, est celui d’un présentoir de 10 « best-sellers » du moment,
actualisé tous les mois. Le système s’appuiera sur un réapprovisionnement facile du « kit-panda » et une reprise de tous les
invendus, ce qui supprimera le problème du stock. Le prix unique du livre place le dispositif hors de la critique de la grande
distribution. Pour aller plus loin des rencontres avec auteurs régionaux ou nationaux, éditeurs, peuvent accompagner le concept.
Passé cette première étape, internet deviendra incontournable. Le livre pourrait être commandé sur Internet et livré chez le
buraliste, suscitant des commandes de best-sellers et d’autres livres. Le buraliste ne sera pas forcément relié au « net », puisque
des marques-pages portant les coordonnées d’un « e-mail » pour les commandes seraient disponibles sur les présentoirs. Par
contre le retrait de la commande se fera chez le buraliste qui conviendra au client.
Dans une troisième étape, le produit devra être dématérialisé et le kit panda pourrait être téléchargé sur un « e-book » spécifique
chez les buralistes. L’Ecole des Mines d’Alès a validé le concept.
La dématérialisation pointe son nez, par exemple par le site « Amazone ». L’ « e-book » va arriver d’ici fin 2007. Cette
dématérialisation représente un progrès énorme : pensons seulement à la collection scolaire moyenne qui représente 250 € et 20
kg ! Le même produit en « e-book » pèsera 250g et couterait 15 € !
Mais la dématérialisation a déstabilisé la musique et le film, il faut protéger le livre pour que l’auteur, l’éditeur, l’Etat et le
téléchargeur gardent leur part. Les buralistes pourraient obtenir un « e-book » protégé à télécharger dans le réseau. Il faut profiter
de la tutelle de l’Etat pour se placer en avance sur la technologie.
-o-o-o-
Les premières réactions des participants
Les plus ou moins septiques
- Quel serait le prix du livre ?
- L’idée est bonne, mais elle manque de lisibilité : que fait-on dans l’immédiat ? Quel en serait le rapport ?
- Pourquoi pas, si ça rapporte ?
- Ca peut faire un plus, et surtout un plus de clientèle.
- 10 « bouquins », est-ce suffisant ?
- L’idée me parait difficile à mettre en œuvre : je ne suis pas littéraire et mon personnel non plus ; comment conseiller la
clientèle.
Oui, mais le choix des best-sellers dispense de cette fonction de conseil. Et c’est sur ce point de l’accompagnement,
de la communication que nous devons obtenir de l’aide du gouvernement et de la Chambre syndicale.
Les expérimentés en matière d’activité de librairie :
- L’expérience d’un des participants, dont l’activité tabac est jumelée avec la librairie est qu’un des points difficiles du projet est
de se faire admettre chez les libraires pour un tabac. « Sportif » résume-t-il.
- En ce qui nous concerne, nous avons choisi de développer l’option « librairie régionale » ce qui a résolu le problème de
trésorerie du stock. Le « Kit Panda » pose le problème du stock.
- Nous avons essayé de promouvoir une « sélection du mois » en partenariat avec une librairie ; en fait l’activité a davantage
fonctionné en commandes d’autres ouvrages et notamment scolaires (40 ouvrages par mois, avec une marge de 15%).
Sous réserve de monopole
- Ca ne peut qu’être bénéfique…sous réserve d’avoir le monopole.
- C’est l’idée de monopole qui rend le projet intéressant.
- Il faudra sécuriser par « l’outil » qui sera mis en place.
- Ce système permettrait de passer de subventions de compensation à des subventions de reconversion.
La dématérialisation, au plus vite…
- En général le « cyber-service » me parait une bonne idée qui va dans le bon sens.
- La finalité est la dématérialisation
- Ok pour le livre sur borne, téléchargeable ; je ne crois pas à l’étape « présentoir ».
Les conditions du succès
Mieux définir le projet et sa rentabilité
- Définir la rentabilité
- Avoir une marge de 40% au lieu de 30%
- Définir le cahier des charges du concept
- Il faut aller vers la dématérialisation le plus vite possible
Des acteurs
- Ca doit être une action locale, puis régionale et nationale.
- La CCI peut-elle nous aider ?
- Etre aidé par la CCI
- Convaincre nos responsables syndicaux de la confédération
- Mettre Altadis (strator) qui détient un rôle d’outil important dans le « circuit » du projet
- Associer les éditeurs au plus tôt… et les libraires
Un monopole
- Conserver le monopole grâce à l’Etat.
- Essentiel : le monopole
- Le monopole
- Partir tous ensembles pour pouvoir rester indépendants ensembles
Communiquer
- Essentiel : la communication de l’action
- Il faut d’abord diffuser le principe à un maximum de personnes (buralistes)
- Il faut que le Ministère s’occupe des consommateurs et la chambre syndicale du réseau pour mettre en œuvre ce projet.
Conclusion
La représentativité de la profession, même si elle était incomplète (absence des Centres-bourgs et du littoral) était intéressante,
tant en terme de situations « géographiques » (centre-ville, quartiers et villages péri-urbains) qu’en termes d’activités associées.
Quoiqu’il en soit, le tabac représente encore pour tous les participants 50 à 70% du Chiffre d’Affaires. Mais l’inquiétude est forte sur
une « condamnation nationale » à régresser à moyen terme. Il ne faut pas pour autant abandonner ce qui peut être fait en matière
de lutte contre les évasions de CA du Tabac, en particulier les phénomènes frontaliers.
Pour autant, question d’avenir et question d’image, tous les professionnels sont attentifs à un nouveau positionnement du réseau
des buralistes.
Toutes les pistes actuelles de diversifications évoquées sont apparues comme intéressantes, mais dispersées, non adaptables à
tous, davantage vecteurs de renforts d’attractivité, plus que réponse à des enjeux de Chiffre d’Affaires. Aucune n’a paru répondre à
l’objectif de pérenniser toute la profession, tout le réseau.
L’option « Culture » à travers le projet du Kit-Panda a été présentée et discutée ensuite :
- Le concept de départ, appelé à évoluer vers la dématérialisation, est celui d’un présentoir de 10 « best-sellers » du moment,
actualisé tous les mois.
- En seconde étape, le livre pourrait être commandé sur Internet et livré chez le buraliste, suscitant des commandes de bestsellers et d’autres livres.
- Dans une troisième étape, le produit devra être dématérialisé et le kit panda pourrait être téléchargé sur un « e-book »
spécifique chez les buralistes.
Un des atouts de ce projet est de capter via le réseau de proximité des buralistes des clients vers la culture, qui n’auraient pas
poussé la porte d’une librairie.
Ce projet a plutôt reçu un bon accueil des professionnels présents, qui ont dressé la liste de leurs doutes et surtout des conditions
de succès d’un tel projet : parmi lesquelles on notera :
- un cahier des charges du projet plus affiné, notamment en termes de retombées financières
- l’appui d’acteurs professionnels et institutionnels
- une préservation du monopole
- une forte communication
- une évolution rapide vers la dématérialisation.