Maylis de Kerangal - Alliance Française van Oost

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Maylis de Kerangal - Alliance Française van Oost
Maylis de Kerangal
Auditorium 61, Recollettenlei 3, 9000 Gent
04/11/14
Biographie
Maylis de Kerangal est née en 1967 à Toulon. Fille d’un officier de marine et d’une enseignante, elle
grandit au Havre, y prépare une hypokhâgne, puis s’installe à Paris en 1985 pour poursuivre ses études.
Au début des années 1990, elle est engagée comme éditrice jeunesse aux éditions Gallimard aux côtés
de Pierre Marchand puis quelques années plus tard elle crée la collection « Le Baron perché » aux
éditions Vilo.
Marquée par des auteurs comme Scott Fitzgerald, Virginia Woolf ou Joseph Conrad, Maylis de Kerangal
publie son premier roman aux éditions Verticales en 2000, Je marche sous un ciel de traîne, « qui dépeint
les déambulations d'un jeune homme dont l'existence tourne à vide et qui échoue dans un village du
sud-ouest au passé tourmenté ». Deux autres romans seront également publiés chez Verticales, La Vie
Voyageuse en 2003, Corniche Kennedy en 2008 ainsi qu’un recueil de nouvelles en 2006 Ni fleurs ni
couronnes.
Editrice, romancière et nouvelliste, membre de la revue Inculte, M.de Kerangal remporte le Prix Médicis
en 2010 avec Naissance d’un pont. Un « roman spectaculaire » selon les Inrocks, un « roman indigeste »
pour le Figaro Magazine, où le maire d’une petite ville de Californie, lance un concours international
pour la construction d'un pont monumental, dans l'espoir de faire de sa ville une mégalopole…
En 2012 Maylis de Kerangal obtient le Prix Landernau pour son nouveau roman, Tangente vers l’est,
publié chez Verticales-Phase deux.
En 2014, elle est la première lauréate du Roman des étudiants France Culture-Télérama (ancien Prix
France Culture-Télérama), pour son roman Réparer les vivants qui a été aussi couronné par le Grand prix
RTL-Lire 2014 ainsi que par le Prix des lecteurs de l’Express-BFM TV. Dans cet ouvrage, elle suit pendant
24 heures le périple du cœur du jeune Simon, en mort cérébrale, jusqu'à la transplantation de l'organe.
(D’après http://www.franceinter.fr/personne-maylis-de-kerangal)
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Bibliographie
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Je marche sous un ciel de traîne, Paris, ditions erticales, 2000
La Vie voyageuse, Paris, ditions erticales, 2003
La Rue, Paris, ditions Pierre Terrail, coll. 2000 ans d'images , 2005
Ni fleurs ni couronnes, Paris, ditions erticales, 2006
Maylis de Kerangal (texte), Robin Goldring (peint.), La Peau d'une fille qui rentre de la plage,
Paris, alerie Prodromus, 2006
Maylis de Kerangal et Coll., Inculte, Spécial coupe du monde, Paris, ditions nculte, 2006
Dans les rapides, Paris, Éditions Naïve, coll. « Naïve sessions , 2007
Corniche Kennedy, Paris, ditions erticales, 2008
Collectif, Minimum Rock'n'Roll : Binocles Œil de Biche & Verres Fumés, Bordeaux/ Paris, France,
Éditions Le Castor Astral, coll. « Musique »,
Maylis de Kerangal & Joy Sorman (dir.), Coll., Femmes et sport : regards sur les athlètes, les
supportrices, et les autres, Paris, ditions Helium, 2009
Naissance d'un pont, Paris, ditions erticales, 2010 (Prix Médicis 2010, Prix Franz Hessel 2010)
Maylis de Kerangal (texte), Benoît Grimbert (photographies), Pierre Feuille Ciseaux, Marseille, Le
bec en l'air, 2012
Maylis de Kerangal (texte), Alexandra Pichard (illustrations), Nina et les oreillers, Paris, ditions
Hélium, 2011
Tangente vers l'est, Paris, ditions erticales, 2012 (Prix Landerneau 2012)
Réparer les vivants, ditions erticales, 2013 (Grand prix RTL-Lire 2014, Roman des étudiants France Culture-Télérama 2014, Prix Orange du Livre 2014)
À ce stade de la nuit, Paris, Éditions Guérin, 2014
Compte rendu : Réparer les vivants
Maylis de Kerangal: c'est l'histoire d'un cœur...
Dans "Réparer les vivants", elle transforme une greffe cardiaque en une magnifique épopée littéraire.
Rencontre
Depuis 1959, on peut être mort et avoir un cœur qui bat. Les médecins le savent depuis la 23e réunion
internationale de neurologie, quand les professeurs Mollaret et Goulon ont révélé l'existence du coma
dépassé: le cœur fonctionne, mais pas le cerveau - nouveau siège de la vie humaine, donc de la mort.
« Comme beaucoup de gens, j'ignorais que la définition de la mort avait changé», nous explique Maylis
de Kerangal. Son roman, Réparer les vivants , est une affaire de cœur, à une époque où le cœur n'est
plus grand-chose, à peine une stupide pompe à sang transférable d'un corps à un autre.
Le livre s'ouvre sur une route du Havre. Un adolescent bien vivant, dans une camionnette, revient d'une
matinée de surf. La camionnette finit contre un arbre. A l'hôpital, le corps échoue entre les mains de
Thomas Rémige, infirmier coordinateur de greffe, chargé de convaincre des parents terrassés que leur
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fils est mort même si son cœur bat, et que son cœur pourrait aller battre dans une autre poitrine. Du
Havre à Paris, dans les blocs opératoires, dans les hélicoptères qui traversent la France en urgence,
Kerangal suit les étapes de la transplantation. Le cœur proustien, ce sautillant bout de barbaque, est
vide: il n'y a plus qu'à observer les intermittences du muscle cardiaque.
Elle confie que l'idée lui est venue à la suite d'un deuil, dont elle ne dira rien. Le livre n'en révèle pas plus,
mais elle l'estime quand même «très personnel», ce qui étonne. Kerangal, c'est l'auteur tellement caché
derrière son texte qu'on ne l'aperçoit presque plus. Chez elle, les personnages sont épais, autonomes.
Les intrigues sont collectives. On lui demande ce que son livre a de personnel: «Il se passe au Havre, où
j'ai grandi.» Voilà pour l'autofiction.
"Quand je suis arrivée dans la salle d'opération..."
« D'ordinaire, je suis assez lente, mais là le travail a été très intense, poursuit-elle. J'ai fini le livre en un
an. Ça a été assez difficile. Le sujet est complexe, d'un point de vue moral, scientifique et légal, et je ne
voulais pas dire d'âneries.» A la Pitié-Salpêtrière, elle a assisté à une transplantation, menée par le
professeur Pascal Leprince.
Il faisait nuit. Quand je suis arrivée dans la salle d'opération, le corps était ouvert. Ils attendaient
le cœur. On avait mis l'homme en circulation extracorporelle: une machine faisait circuler le sang
et l'homme était relié à un gigantesque réseau de tuyaux étiquetés, avec un code couleur. Cet
homme, c'était sa seconde greffe, son troisième cœur. L'équipe était très inquiète. Quand ils ont
posé le cœur, ils l'ont électrochoqué, mais ce n'est pas comme un moteur, ça ne part pas tout de
suite. Ils criaient: "Feu!", ce qui est complètement dingue. Puis tu vois l'organe se contracter, petit
à petit, dans un silence de mort. Ça a été la nuit la plus intense de ma vie.
On retrouve là sa grande affaire: l'épopée contemporaine, technique, collective. Kerangal invente le
roman social-démocrate. Dresser un gigantesque pont suspendu comme dans «Naissance d'un pont»,
greffer un cœur: elle prend ces affaires-là très au sérieux. Elle sourit: «On me dit souvent que j'ai un
indécrottable esprit de sérieux.» Elevée dans une famille catholique (elle précise: «pratiquante»), elle a
eu la foi, l'a perdue, mais continue à se demander ce que c'est qu'un saint.
Par l'Agence de la Biomédecine, j'ai rencontré un infirmier coordinateur de greffe. J'ai été
impressionnée. En plein drame, face à des gens endeuillés, il doit recueillir un consentement pour
vider le corps d'un fils ou d'une épouse, et sauver d'autres vies. C'est un processus extrêmement
violent: sur un corps, on peut tout prendre. Les cornées, la peau, les veines. Deux tiers des gens
refusent. Lui, il sait que, derrière, il y a une grave pénurie de greffons, que des gens attendent. Il y
a là une forme d'héroïsme discret qui me semble beaucoup plus intéressante que certaines
figures spectaculaires dont on nous parle sans cesse.
"Le cauchemar de la pensée, c'est 'Desperate Housewives'"
Comme ses personnages, elle considère que la grâce, c'est de bien faire son travail. Mère de quatre
enfants, elle écrit «sur le temps scolaire», dans une chambre de bonne. Elle s'immerge dans ses sujets
avec sincérité, récuse aussi bien la radicalité facile que la petite ironie bourgeoise:
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Le sens du bon mot, l'esprit français, je n'ai pas ça en magasin. Je cherche à décrire les choses
telles qu'elles se manifestent. Je n'aime pas la complexité gratuite. Pour moi, le cauchemar de la
pensée, c'est "Desperate Housewives": la ménagère psychorigide qui est secrètement salope au
lit, l'idée que les apparences sont forcément trompeuses, les tricotages psychologiques grossiers.
Tout n'est pas mensonger, ça n'est pas vrai, et puis n'est pas Henry James qui veut.
Elle passe son écriture à la centrifugeuse, mêle la poésie et l'action, le discours technique et la langue
orale, sans perdre de vue qu'un roman doit raconter quelque chose, «racler la réalité», sous peine de
devenir prodigieusement ennuyeux. Dans le paysage littéraire français, c'est rafraîchissant, et ça marche.
«Naissance d'un pont» a obtenu le prix Médicis en 2010. Le livre était dense: il s'est vendu à 100.000
exemplaires.
Ça a tout changé. Un film est en préparation. La première année, j'ai enchaîné les sollicitations,
au point de ne plus pouvoir travailler: dans la même semaine, tu fais une lecture en prison, une
rencontre dans une médiathèque rurale, puis un salon très chic à Jérusalem ou des conférences
en Chine.
Sarkozy l'a invitée à l'Elysée. Elle n'y est pas allée. «Non que Sarkozy soit Satan. Mais je voyais mal ce que
je pouvais faire là-bas.» Puisqu'on parle de Sarkozy: elle a gagné plus. «Les précédents se vendaient bien,
mais ne me permettaient pas de vivre. "Naissance d'un pont", c'est autre chose. J'ai adoré gagner cet
argent. Ce n'est pas une question anodine.»
En septembre dernier, elle a reçu un coup de fil de Gallimard. On lui a proposé d'y intégrer le très
prestigieux comité de lecture. Elle qui est publiée chez Verticales, le laboratoire à fiction de la maison,
elle qui travaille ses phrases façon Claude Simon, la voilà qui siège à la table ronde où se décide le sort de
la littérature mainstream, réaliste et goncourable.
Trahison ? «Je ne vois pas pourquoi un écrivain devrait préférer la marge. J'aime bien l'idée d'être dans la
matrice. Antoine Gallimard m'a demandé de lire, sans m'occuper du potentiel commercial des textes. Je
porte la casaque Verticales, dont je suis très fière. On verra comment ça se passe sur la longue durée.»
Les systèmes ont un cœur: elle est dedans.
David Caviglioli
BiblioObs
http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20140109.OBS1890/maylis-de-kerangal-c-est-l-histoire-d-un-coeur.html
Publié le 10-01-2014 à 09h02Mis à jour le 22-01-2014 à 10h02
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Compte rendu : Naissance d’un pont (Prix Medicis 2010)
“Naissance d’un pont”, l’épopée humaniste de Maylis de Kerangal
Autour d’un chantier titanesque en Californie, Maylis de Kerangal signe une épopée saisissante sur les
effets collatéraux de la mondialisation. Le roman le plus spectaculaire de cette rentrée.
Si on a pu un temps reprocher à la fiction française son sédentarisme forcené, son intimisme rance, ses
pièces trop étroites et jamais aérées, le sixième roman de Maylis de Kerangal est une tornade projetant
toutes les fenêtres à terre : un ciel encombré d’âmes humaines et de légendes où se chevauchent plans
sur la comète, destins épiques et calculs mégalo.
De même, sur ce “pont” suspendu par l’écrivain, on ne croisera pas de héros névrosés en pleins déboires
amoureux ou familiaux, comme il en fourmille encore tant au sein de cette nouvelle rentrée littéraire. Et
pour cause : depuis Corniche Kennedy, l’œuvre de Maylis de Kerangal dessine un horizon cent fois plus
vaste, une machine romanesque aussi déployée que son intitulé ici est modeste, et dont Trois femmes
puissantes de Marie NDiaye a commencé l’année dernière à montrer la voie.
Un pont pour sortir une petite ville de son anonymat
Pourtant, au départ de ce roman de trois cents et quelque pages, il n’est question que d’un simple pont.
De son projet de construction, conçu par un caïd de la politique, à la tête de Coca, une petite
agglomération de Californie. A terme, ce défi urbanistique est censé soutenir un chantier vaste à
l’échelle de la ville, que le maire aux dents longues rêve de conformer à sa folie de grandeur : “Sortir
Coca de l’anonymat provincial où elle sommeillait tranquille pour la convertir à l’économie mondiale, en
faire la cité du troisième millénaire, polyphonique et omnivore, dopée à la nouveauté, dévolue à la
satisfaction, à la jouissance, à l’expérience de la consommation.”
Ainsi débute Naissance d’un pont qui, dans un chapitre préliminaire, décrit l’acheminement des
machines et des hommes vers cet eldorado économique. Il y a Mo Yun, ex-mineur chinois de 17 ans,
Katherine Thoreau, mère de famille white trash qui a dû jouer des coudes pour obtenir un job sur le
chantier, Soren Cry, un bad boy du Sud hyper tatoué, Sache Cameron, le grutier, Summer Diamontis, la
responsable de production de béton, Shakira Ourga, l’intendante russe, Nan Fisher et Buddy Loo, le Noir
et l’ ndien chercheurs d’or, ainsi qu’une multitude d’autres, “flux sonore, épais où se mélangent
rôtisseurs de poulets, dentistes, psychologues, coiffeurs, pizzaiolos, prêteurs sur gages, prostituées,
écrivains publics, vendeurs de tee-shirts au poids, etc.”
Un chantier aux allures d’arche de Noé et de Ruée vers l’or
Kerangal a choisi son camp, son étoile : les mythes. En un clin d’œil, ce flux migratoire vers “un chantier à
trois milliards de dol” devient une deuxième Ruée vers l’or, l’arche de Noé, une odyssée entièrement
tendue vers la réalisation d’une entreprise pharaonique. A ses commandes, Diderot (!), le chef de
chantier, fait figure d’Ulysse moderne, un aventurier “aux dents pourries”. Animé par “une fêlure secrète
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dévoreuse de miles”, la légende urbaine le dit “apatride”, “businessman suicidaire”, “cow-boy
laconique”, “Steve McQueen colossal et faisandé”.
Conter la plus vieille histoire du monde – celle de la domestication de l’espace, la volonté de l’homme
d’y imprimer sa marque et sa puissance –, en donner toute la mesure en tant qu’acte de civilisation :
c’est là ce qui donne au roman sa formidable envergure. Aucun surplomb pour autant chez Kerangal.
Son cheval de bataille est l’observation sans relâche, dans une tradition positiviste (pour ne pas dire
zolienne) qui ploie sous la torsion à la fois poétique et indomptable de la langue. Naissance d’un pont est
le lieu d’un déploiement documentaire ahurissant portant sur toutes les étapes d’un projet urbanistique:
description de la conjoncture économique, tractations, contrats, main-d’œuvre, nature du terrain.
L’odyssée est éminemment technique, voyage dans les matières, aussi bien géologique qu’émotionnelle.
La mise en œuvre par les pauvres des rêves des puissants
Naissance d’un pont donne à lire, par-dessus tout, une vibrante épopée humaine. l ne s’agit pas
seulement des mille contretemps qui assombrissent l’humeur du chantier (accident, agression,
contraintes climatiques, grève), mais de la dimension de fragilité, de vulnérabilité de cette humanité
réunie par le caprice d’un homme. De Coca nouvelle Babylone, “ghetto pour milliardaires nomades”, à
Coca cité édifiée sur le modèle de Metropolis, il n’y a qu’un pas. Kerangal le franchit allègrement,
suggérant que la seule vraie équation de toute prouesse technique est la mise en œuvre par les pauvres
des rêves des puissants.
A partir de cette zone en friche, carrefour humain en transition, l’écrivain esquisse le croquis d’un monde
sans marques, dont la globalisation économique aurait gommé les lignes de partage. Cette caducité des
frontières physiques, au centre du dispositif romanesque chez Marie NDiaye, s’efface chez Kerangal au
profit de la seule qui résiste : la frontière symbolique entre classe dominante et masse populaire,
“téléportée” d’un bout à l’autre du globe. Effet collatéral d’une mondialisation par l’argent, cette
humanité mélangée, légèrement étrangère à elle-même, se retrouve réunie, presque fraternisée, dans
ce roman-monde. L’un des chocs de cette rentrée.
Emily Barnett
Les Inrocks
21/08/2010
http://www.lesinrocks.com/2010/08/21/livres/naissance-dun-pont-lepopee-humaniste-de-maylis-de-kerangal1126833/
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Entretiens
Entretien avec Patricia Martin sur Réparer les vivants sur France Inter :
http://www.franceinter.fr/emission-le-rendez-vous-litteraire-maylis-de-kerangal
Maylis de Kerangal s'entretient avec Sylvain Bourmeau à l'occasion de la parution de son livre Naissance
d'un pont :
http://www.dailymotion.com/video/xe2mrx_maylis-de-kerangal-naissance-d-un-p_news
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