Frottis du col positif: que faire ensuite?

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Frottis du col positif: que faire ensuite?
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Christina Schlatter Gentinetta
Frottis du col positif: que faire ensuite?
Résumé d’un atelier au congrès du CMPR du 16 juin 2011
Environ 80% des femmes souffrent au moins une fois dans leur vie
d’une infection par un ou plusieurs des 150 types connus actuellement de Human Papilloma Virus (HPV) [1]. En Suisse les dysplasies
dues au HPV sont diagnostiquées chez plus de 5000 femmes
chaque année. Plus de 200 déclarent chaque année un cancer du
col [2]. Bien que depuis l’automne 2008 tous les cantons suisses
disposent de programmes de vaccination contre le HPV, un tiers
seulement des femmes du groupe cible entre 11 et 19 ans ont été
vaccinées jusqu’ici. La prévention secondaire du cancer du col par
frottis cytologique par le médecin de premier recours ou la gynécologue a de ce fait toujours une grande valeur. Cet article donne
un aperçu de la nomenclature actuelle et de la marche à suivre en
cas d’anomalies cytologiques dues au HPV sur le frottis cervical.
C’est un résumé d’un atelier sur ce sujet au congrès du CMPR du
16.6.11 qu’a organisé l’auteure avec sa collègue de premier recours Birgit Lübben.
n’a que rarement des conséquences. Environ 10% seulement des
anomalies cytologiques persistent plus de 2 ans. Les précancéroses les plus fréquentes (CIN 2/3) se présentent environ 10 ans
après le premier rapport sexuel, donc entre 25 et 30 ans. Du fait
que la transmission du HPV est sexuelle, les femmes ayant un début précoce de leur activité sexuelle et celles ayant de nombreux
partenaires courent un risque un peu plus grand.
Le tabagisme et tout particulièrement une immunosuppression –
médicamenteuse, par exemple après transplantation, ou par le
VIH – augmentent en outre le risque de dysplasie et de cancer du
col. Contrairement à une idée très répandue le stérilet (DIU) n’est
pas un facteur de risque (tab. 1).
Une fois qu’une femme est infectée par le HPV son risque de dysplasie augmente proportionnellement à l’âge et à la durée de l‘infection [3]. Le risque de précancérose (CIN 3) est en outre doublé
par le tabagisme [4].
Qui court un risque particulier d’infection à HPV?
La plupart des femmes attrapent une infection à HPV lors de leur
première activité sexuelle, mais aucune anomalie cytopathologique n’est trouvée chez les deux tiers estimés de ces infections.
Une confirmation directe par ADN d’HPV est donc particulièrement souvent positive chez les femmes de moins de 25 ans mais
Dépistage: qui doit faire un dépistage? Combien de fois?
Combien de temps?
Même un dépistage optimal ne peut abaisser que de 50% environ
la mortalité du cancer du col. Mais d’autre part environ 10% des
frottis ont un résultat positif, qui est la plupart du temps source
d’anxiété inutile. Un problème général du dépistage du cancer du
col est d’atteindre les groupes à risque (niveau socio-économique
bas, promiscuité, nicotine). Le tableau 2 présente les recommandations de dépistage de l’ACOG de 2009.
Les dernières recommandations sont un début de dépistage à
21 ans – indépendamment de l’âge du premier rapport sexuel. Il
s’agit donc de protéger les femmes ayant été victimes d’un abus
non déclaré dans leur enfance. Faire un frottis chez une adolescente, même si elle prend un inhibiteur de l’ovulation, n’a aucun
sens car l’incidence du cancer du col est absolument minime (0,1%
de tous les carcinomes: 1–2 pour 1 000 000 femmes). Il y a par
contre dans cette classe d’âge déjà relativement beaucoup de dysplasies, qui ne doivent cependant pas être traitées en raison de
leur proportion élevée de guérisons spontanées (pour CIN 2 environ 75% en 3 ans).
Il en va autrement chez les femmes postménopausées. Bien que
dans cette classe d’âge l’incidence du cancer du col reste élevée,
les nouvelles infections sont rares et plusieurs frottis négatifs avant
le stop du dépistage ont une grande valeur pour un risque faible.
En raison des problèmes d’atrophie les cytologies fausses positives sont relativement nombreuses à la postménopause et ici
aussi il faut le plus possible éviter d’inquiéter inutilement ces patientes. Il faut également faire un dépistage régulier chez une
femme encore plus âgée ayant plusieurs partenaires sexuels ou un
seul, mais à risque.
En plus du dépistage cytologique et surtout comme examen complémentaire après une cytologie positive, il est recommandé de
faire une colposcopie. La zone de transition du col est badigeonnée d’acide acétique à 2–3% et après une durée d’action de 1–2
minutes examinée à la loupe binoculaire. Les zones infectées par
le HPV et les dysplasies de l’exocol sont bien visibles avec la réaction de précipitation blanchâtre (fig. 1).
Tableau 1
Risque d’infections et de dysplasies à HPV.
V
Age
– Jeunes femmes (<25 ans): prévalence élevée
– Femmes âgées (>30 ans): attention aux dysplasies
V
Nicotine
V
Immunosuppression
– Médicamenteuse
– VIH
V
DIU: risque non accru
Tableau 2
Recommandations de dépistage de l’ACOG de 2009.
Start à 21 ans
V
21–29 ans: dépistage tous les 2 ans
V
après 30 ans: dépistage tous les 3 ans si
– 3 derniers Paps normaux (ou: NILM et test HPV HR nég. Il y a < 1 ans) plus
– pas de HSIL diagnostiqué auparavant
Dépistage annuel si risques
– Immunosuppression
– St. postCIN 2,3, ca.
Stop à 65–70 ans
V
si 3 derniers Pap normaux et
V
pas de dépistage positif dans les 10 dernières années
Pas de dépistage à l’HE sans Pap positif
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Figure 1
Mosaïque grossière à la colposcopie sur la lèvre antérieure du museau de tanche.
Figure 2
Documentation des résultats de la colposcopie.
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Nomenclature et documentation des résultats
Une documentation exacte des résultats colposcopiques est recommandée pour le contrôle de qualité
interne et de l’évolution. S’il n’y a pas de possibilités
photographiques cette documentation peut se faire
dans le dossier de la patiente, par exemple avec le
schéma présenté à la figure 2.
Pour le diagnostic cytologique c’est la dernière nomenclature de Bethesda datant de 2001 qui est utilisée (fig. 3).
En principe il est possible d’attendre avec les anomalies LSIL, mais pour les HSIL une conisation est généralement indiquée. Avec des résultats épithéliaux pavimenteux douteux, le frottis est classé comme ASCUS (atypies nucléaires pas suffisantes pour un LSIL) ou
ASC-H. L’abréviation AGC veut dire celles glandulaires atypiques, et surtout s’il y a en plus AGC-FN (favor neoplasia) il faut rechercher une pathologie plus
haut située (endomètre, trompes).
Le tableau 3 explique les abréviations utilisées dans la
nomenclature Bethesda 2001.
Frottis positif: que faire ensuite?
Dès qu’une cytologie est positive la colposcopie est
un examen complémentaire parfaitement indiqué. Il
s’agit tout d’abord de savoir si la zone de transition
(épithélium pavimenteux vers cylindrique) est entièrement visible. Ce n’est qu’alors que la colposcopie est
jugée représentative. Les endroits positifs sur l’exocol
peuvent être éliminés tout simplement et sans anesthésie locale à la pince à biopsie. L’hémostase se fait
par bâtonnet de nitrate d’argent. S’il y a des lésions
cytologiques importantes sans corrélation colposcopique, il faut admettre que la lésion est endocervicale,
donc toujours difficile à contrôler. Une telle situation
est particulièrement fréquente chez les femmes postménopausées.
La plupart des lésions LSIL n’évolueront pas vers un
carcinome. Il faut par contre bien savoir que près d’un
tiers des femmes ayant un LSIL cytologique ont une
Figure 3
Nomenclature cytologique selon Bethesda 2001.
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lésion sous-jacente CIN 2 ou 3, dont les 2/3 environ sont découvertes à la colposcopie [5]. Si aucune lésion de haut grade n’est découverte, il est recommandé de faire des contrôles cytologiques et
colposcopiques à 6 et 12 mois. Une lésion HSIL devrait être conisée à visée diagnostique et thérapeutique. Une exception est une
HSIL bien visible et contrôlable à la colposcopie chez des femmes
très jeunes ayant de bonnes chances de guérison spontanée. Avec
un ASC-US le risque de CIN 2/3 est de 10% au maximum, une attitude expectative avec contrôles tous les 6 mois suffit, pour autant
que la colposcopie soit représentative. Le risque de CIN 2/3, de
20–50%, est cependant nettement plus élevé pour l’ASC-H, et
dans une telle situation la conisation est largement indiquée. Mais
il se peut parfois qu’une atrophie marquée soit responsable de
l’ASC-H, qui peut être traitée par une œstrogénisation locale. S’il
y a des cellules glandulaires atypiques il faut rechercher une lésion
plus haut située (endomètre, trompes) par échographie transvaginale ou hystéroscopie diagnostique avec curettage. L’AGC-FN
doit toujours être précisée par l’histologie, et si la situation n’est
pas claire par l’association conisation et hystéroscopie.
L’attitude après cytologie positive ne doit pas suivre un schéma rigide mais être adaptée aux facteurs de risque et à l‘âge de la
femme. Chez les femmes de moins de 21 ans, vu la proportion élevée de guérisons spontanées, il est possible d’attendre 12 mois
avant le prochain contrôle pour un LSIL ou un ASC-US. Plus la
femme est jeune plus l’indication à la conisation doit être posée de
manière restrictive car elle augmente le risque d’accouchement
prématuré [6].
Les infections à HPV chroniques se voient surtout chez les femmes
immunodéprimées (après transplantation, VIH) et les grandes fumeuses. Dans ces situations les récidives sont fréquentes même
après conisations généreuses. Il faut donc juger de cas en cas
l’agressivité de l’opération. Des contrôles colposcopiques fréTableau 3
Bethesda 2001.
NILM
Negative for intraepithelial lesion or malignancy
LSIL
Low squamous intraepithelial lesion – surtout virus low-risk
HSIL
High squamous intraepithelial lesion – virus high-risk
ASC-US
Atypical squamous cells of undetermined significance
ASC-H
Atypical squamous cells: cannot exclude high-grade SIL
AGC
Atypical glandular cells: endomètre!
AGC NOS not otherwise specified
AGC-FN
favor neoplasia
AIS
endocervical adenocarcinoma in situ
Tableau 4
Marche à suivre après cytologie positive (modifiée d’après l’ACOG)
chez les femmes de plus de 21 ans.
LSIL
Colposcopie <CIN 2,3: contrôles à 6,12 mois
HSIL
Conisation après colposcopie pour planification de l’opération
ASC-US
Colposcopie <CIN 2,3: contrôles à 6,12 mois
ASC-H
Colposcopie, biopsie <CIN 2,3: évt test HPV, contrôle à 3 mois,
si doute conisation généreuse
AGC-NOS Colposcopie, cytobrush profond, TVUS (endomètre),
contrôle à 3 mois
AGC-FN
Conisation à envisager, TVUS, hystéroscopie/cur.
Tableau 5
Marche à suivre pendant la grossesse.
LSIL
HSIL
en début de grossesse -> colposcopie, autres examens pp
Colposcopie tous les 2–3 mois
But de la colposcopie: exclure un carcinome invasif
Biopsie: uniquement si susp. de ca
La grossesse n’aggrave pas l‘évolution
quentes sont indispensables chez ces patients. Chez les femmes
immunosupprimées ayant une dysplasie cervicale il faut toujours
rechercher activement des lésions vaginales (VAIN), vulvaires (VIN)
et anales (AIN) par vulvoscopie et punch-biopsie. Il ne faut pas non
plus oublier qu’une hystérectomie n’a aucune influence sur la manifestation de VAIN, VIN ou AIN.
Cytologie positive pendant la grossesse
La plus grande retenue est de rigueur pour la biopsie pendant la
grossesse en raison de l’hyperhémie du col. La cytologie et la colposcopie sont moins fiables du fait que les anomalies dues à la
grossesse peuvent parfois simuler une dysplasie. Si la cytologie de
routine remonte à très longtemps elle peut être rattrapée pendant
les 12 premières semaines de grossesse. Si elle montre un LSIL une
colposcopie est indiquée pour exclure de plus importantes discrépances et si nécessaire effectuer une punch-biopsie à cette phase
précoce. Si la colposcopie est normale ou révèle un LSIL le prochain frottis se fera lors du contrôle postpartum. Même avec le diagnostic de CIN 3 en début de grossesse le risque de développer
un carcinome après l’accouchement est inférieur à 10% [7]. Une interruption de grossesse n’est donc généralement pas justifiée.
Nous effectuons des colposcopies tous les 2–3 mois avec un œil
bien exercé. La biopsie n’est faite que si la colposcopie donne une
suspicion d’invasion [8]. Cette manière de faire paraît justifiée du
fait qu’une grossesse semble ne pas aggraver l’évolution naturelle
de l’infection à HPV [9]. Le tableau 5 donne un aperçu de l’attitude
à avoir pendant la grossesse.
Quand un dosage HPV est indiqué?
Une positivité du HPV avec cytologie négative ne donnera une cytologie positive que chez 15% des patientes dans les 5 années suivantes [10]. Un HPV high-risk est d’autre part toujours responsable
de l’apparition de dysplasies de haut grade [11]. En raison de la
prévalence élevée et de l’importance clinique négligeable le dosage HPV ne doit être demandé qu’avec une grande retenue chez
les jeunes femmes. Il est également inutile en cas de lésions HSIL
(CIN 2/3) car il faut partir du principe que dans ces cas il y a une infection à virus high-risk. Mais le dosage HPV peut être indiqué
pour le contrôle du résultat du traitement à 1 an après conisation
pour un CIN 2/3. S’il est négatif les contrôles de routine peuvent
être repris. Une typisation des virus peut également être indiquée
en présence d’une lésion ASCUS, LSIL ou ASC-H chez une femme
postménopausée, car la prévalence de l’ADN de HPV et de CIN
2/3 est plus faible. Un test HPV peut ainsi être utile pour le triage
des opérations éventuellement nécessaires.
Follow-up après conisation de lésions CIN 2/3
Le risque de récidive après conisation dépend de l’âge, des bords
de résection et de l’histologie. Après excision en tissu sain d’une
CIN 3 une récidive est très rare mais atteint 22% si les bords sont
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positifs [12]. Si tel est le cas nous recommandons un contrôle cytologique et colposcopique à 4, 6 et 12 mois, et si la lésion a été excisée en tissu sain le premier contrôle à 6 mois. Si 12 mois après le
traitement l’ADN de HPV est négatif il est possible de reprendre
les contrôles de routine.
Références
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1999;33:75–98.
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3 ACOG Practice Bulletin. Cervical cytology screening. Obstet Gynecol;114:1409–20.
4 Dunn JE Jr, Martin PL. Morphogenesis of cervical cancer. Findings from San
Diego County Cytology Registry. Cancer 1967;20:1899-906. Zitiert nach
ACOG 2008.
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directed biopsy. ASCUS-LSIL Triage Study (ALTS) Group. Am J Obstet
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pregnancy: a simplified and cost-effective approach. J Low Genit Tract Dis.
1998;2:67–70. Und: Boardman LA et al. CIN in pregnancy: antepartum and
postpartum cytology and histology. J Reprod Med. 2005;50:13–8. Zitiert
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10 Wright TC Jr, Schiffman M. Adding a test for human papillomavirus
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cervical cytology prior to the development of abnormal cytology and
colposcopy. BJOG. 2000;107:600–4.
12 Reich O et al. Cervical intraepithelial neoplasia III:long-term follow-up after
cold-knife conization with involved margins. Obstet Gynecol. 2002;99:193–6.
Correspondance:
Dr Christina Schlatter Gentinetta
Leitende Ärztin
Frauenklinik Stadtspital Triemli
Birmensdorferstrasse 497
8063 Zürich
www.forumsante.ch
14e journée annuelle: «Investissons dans la santé!»
La santé: un essor économique et social pour la Suisse
31 janvier 2012
9h45–16h30
Berne, Hôtel Bellevue
Participation au symposium gratuite, nombre limité de places.
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