Clauses abusives - Institut national de la consommation

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Clauses abusives - Institut national de la consommation
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JURISPRUDENCE
CLAUSES ABUSIVES
PREMIÈRE PARTIE : PAR SECTEUR ÉCONOMIQUE
Depuis notre dernier point de jurisprudence sur les clauses abusives 1, nous avons eu connaissance
d’une trentaine de nouvelles décisions, dont la moitié au cours des douze derniers mois.
Une moisson riche, donc, puisque 215 clauses ont été examinées. Elle doit beaucoup aux associations
de consommateurs, ces décisions ayant été le plus souvent rendues dans le cadre d’actions en suppression de clauses abusives ou illicites : 14 en première instance, 5 en appel et 1 en cassation.
Nous rendons compte ici de cette jurisprudence au regard des clauses jugées, mais elle apporte également d’autres précisions tout aussi utiles sur le champ d’application de la loi, la présentation des
contrats ou la réparation du préjudice collectif, en particulier. Nous reviendrons sur ces différents
apports dans un prochain document.
Toutes les clauses citées sont – ou seront prochainement – consultables dans la base européenne CLAB
Europa (www.europa.eu.int/clab). Les décisions portant la référence [CCA] sont accessibles en texte
intégral sur le site de la Commission des clauses abusives (www.clauses-abusives.fr).
ASSURANCE
Annulation de voyage
BANQUE
Convention de compte
Une consommatrice ayant annulé son billet d’avion acheté
auprès d’une agence de voyages demande le bénéfice de l’assurance souscrite lors de l’achat. Ce bénéfice lui est refusé, le
certificat médical produit faisant mention d’antécédents dépressifs et le contrat prévoyant que « ne sont pas garanties les
annulations consécutives à […] une maladie psychique, mentale, dépressive ou nerveuse ». Le tribunal saisi du litige valide
la clause au motif que la preuve de son caractère abusif n’est
pas apportée. 2
Une banque avait mis en place un prélèvement de commissions sur les opérations entraînant une irrégularité de fonctionnement du compte, opérations jusqu’alors gratuites.
Contestant cette facturation, quatre consommateurs et une
association de consommateurs assignent la banque, soutenant en particulier que la clause qui autorisait ce type de modification était abusive. Mais la Cour de cassation, à l’instar
de la cour d’appel de Paris, valide la clause au motif que, si le
point j de l’annexe à l’article L. 132-1 du code de la consommation déclare abusive la clause qui autorise le professionnel
à modifier le contrat unilatéralement et sans raison valable et
spécifiée dans le contrat, l’article 2 de cette même annexe
précise que « le point j ne fait pas obstacle à des clauses selon
lesquelles le fournisseur de services financiers se réserve le droit
de modifier […] le montant de toutes charges afférentes à des
services financiers ». 4
Automobile
Le propriétaire d’une voiture accidentée conteste l’indemnisation proposée par son assureur et l’assigne en paiement
de réparations complémentaires. Pour l’assureur, cette demande n’est pas recevable, le contrat subordonnant l’action
de l’assuré à une procédure d’expertise préalable.
Le tribunal, de façon prévisible, déclare la clause abusive car
« ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver
l’exercice d’actions en justice […] par le consommateur », type
de clause figurant au paragraphe q de l’annexe à l’article
L. 132-1 du code de la consommation et donc présumée
abusive. 3
Crédit utilisable par fraction
Le tribunal de Vienne déclare abusives deux clauses contenues dans une offre préalable de crédit renouvelable par
fractions et assorti d’une carte de crédit, et les annule.
Il s’agit en premier lieu de la clause d’intérêts, en raison de
son ambiguïté, puisqu’elle figurait dans une offre intitulée
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1 “Les clauses abusives devant les tribunaux (2000, 2001 et 2002)”, INC Hebdo no 1237 du 20 décembre 2002, p. 3 à 8.
2 TI Saint-Étienne, 16 février 1999, Mlle O. c/ Contact Assistance et autres ; jurisprudence INC no 3811 ; CLAB en cours ; [CCA].
3 TI Rennes, 21 novembre 2002, D. c/ Sté A. ; jurisprudence INC no 3814 ; CLAB en cours ; [CCA].
4 Cass. civ. 1re, 25 novembre 2003, UFC c/ Crédit lyonnais, pourvoi no 01-18021 ; CLAB en cours ; [CCA].
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I
« demande gratuite de réserve d’argent » ; et d’autre part d’une
clause pénale, jugée également abusive parce qu’excessive :
la conjugaison des intérêts de retard et de la pénalité aboutissait en effet à un taux supérieur au taux de l’usure. 5
À noter : C’est dans cette affaire que la question s’était posée
de savoir si un tribunal pouvait se saisir du caractère abusif
d’une clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation, même au-delà du délai de forclusion de deux
ans. La Cour européenne de justice, saisie par question préjudicielle, avait répondu que la fixation d’une limite temporelle au pouvoir du juge était de nature à porter atteinte à
l’effectivité de la protection des consommateurs voulue par
la directive. 6
EAU
lement pour toute année scolaire commencée. Aucun remboursement ne saurait être effectué pour quelque raison que ce
soit. » La cour d’appel déclare la clause abusive, considérant
qu’en obligeant au paiement en toute hypothèse, même en
cas d’inexécution de ses obligations par l’école, ou par cas
fortuit ou de force majeure, elle tend à procurer un avantage
excessif à l’école. Mais, jugeant que les consommateurs
n’établissent pas la carence de l’établissement, elle confirme
la condamnation prononcée en première instance. 8
LOCATION À USAGE D’HABITATION
Au terme d’une action engagée par une association de
consommateurs, le tribunal de grande instance de Grenoble
ordonne la suppression de sept clauses illicites et/ou abusives.
Soutenu par une association de consommateurs, un particulier estimant que de nombreuses clauses réglementaires du
contrat d’abonnement au service d’eau potable étaient illégales et abusives, avait formulé une réclamation auprès de sa
commune pour que le contrat soit modifié. Sa demande
ayant été rejetée, il saisissait le tribunal administratif pour
demander l’annulation des clauses litigieuses. Le tribunal
administratif lui donne partiellement raison et ordonne la
suppression, dans un délai de six mois, des sept clauses suivantes :
– la clause ayant pour effet de mettre systématiquement à la
charge de l’abonné les dégâts causés par le gel ;
– la clause imposant que le contrat d’abonnement d’un locataire soit contresigné par l’usufruitier ou le propriétaire tenu
de se porter garant ;
– la clause autorisant la résiliation automatique du contrat
particulier d’abonnement incendie en cas d’incident de paiement dans le cadre de l’exécution d’un autre contrat ;
– la clause exonérant le service des eaux de toute responsabilité à l’occasion des vérifications effectuées sur les installations intérieures ;
– la clause par laquelle l’abonné autorise le service des eaux
à vérifier les installations intérieures « sans que ces vérifications engagent la responsabilité du service » ;
– la clause permettant au service d’interrompre – immédiatement et sans préavis ni mise en demeure préalable – la
fourniture de l’eau à l’abonné qui refuse de laisser faire les réparations jugées nécessaires au compteur et au robinet d’arrêt avant compteur ;
– la clause par laquelle l’abonné renonce à rechercher la
responsabilité du service des eaux pour quelque cause que ce
soit, en cas de fonctionnement insuffisant de ses installations
et notamment de ses prises d’incendie ;
– la clause permettant au service des eaux de résilier l’abonnement d’office et sans mise en demeure préalable, en cas
d’infraction au règlement. 7
• Sont illicites :
– la clause autorisant le mandataire chargé de la gestion des
logements à conserver, à titre de dédommagement, le chèque
de réservation déposé entre ses mains par un candidat locataire (car cela contrevient simultanément à l’article 5 de la loi
no 89-462 du 6 juillet 1989 et à l’article 6 de la loi no 70-09 du
2 janvier 1970) ;
– la clause prévoyant le paiement par moitié des honoraires
de négociation (ces frais venant s’ajouter aux honoraires afférents à l’établissement de l’acte de location) ;
– la clause prévoyant la résiliation du bail de plein droit à
défaut de production d’un justificatif d’assurance ;
– la clause prévoyant qu’en cas d’incident de paiement, les
frais de procédure ainsi que les émoluments de l’huissier
et/ou de l’avocat seront mis à la charge du locataire (car cela
est contraire au 3e alinéa de l’article 32 de la loi no 91-650 du
9 juillet 1991).
ENSEIGNEMENT
LOCATION DE VACANCES
Des parents inscrivent leur fille dans un établissement d’enseignement professionnel mais, contestant la qualité de
l’enseignement, ils retirent leur enfant en cours d’année et
cessent de payer les frais de scolarité. Condamnés en première instance, ils font appel et soulèvent le caractère abusif
de la clause suivante : « Les frais de scolarité sont dus intégra-
Plusieurs actions en suppression de clauses abusives ou illicites dans les contrats de location saisonnière proposés par des
agences immobilières ont été engagées en Isère, et deux nouveaux jugements ont été rendus durant la dernière période.
Dans l’affaire jugée à Grenoble le 17 novembre 2003 10, le
tribunal de grande instance examine les deux versions
• Est illicite et abusive la clause prévoyant la participation du
locataire aux frais d’état des lieux lorsque celui-ci est effectué
par le régisseur ou par une personne qu’il aura mandatée
(elle est illicite au regard de l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989
d’interprétation stricte, et abusive en ce qu’elle introduit un
déséquilibre significatif au détriment du locataire qui ne se
voit pas offrir la possibilité équivalente).
• Est abusive la clause mettant à la charge du locataire le
coût de la mise en place d’office des plaques nominatives sur
les boîtes.
En revanche le tribunal ne considère ni illicites, ni abusives :
– la clause autorisant le mandataire du bailleur, après étude
du dossier, à rejeter la candidature dans un délai de huit jours
à dater de la réservation du logement, sans avoir à justifier sa
décision ;
– la clause subordonnant la délivrance des quittances aux
demandes écrites du locataire. 9
—————
5 TI Vienne, 14 mars 2003, Cofidis c/ F. ; Contrats conc. consom. no 118, juillet 2003 ; CLAB en cours.
6 CJCE, 21 novembre 2002, aff. C-473/00, Cofidis SA.
7 TA Orléans, 1re ch., 20 décembre 2002, Vitteau c/ commune de Beaugency ; jurisprudence INC no 3802 ; CLAB Fr 001117 à 001133.
8 CA Lyon, 6e ch., 6 juin 2001, Fromental c/ Ateliers Virgulin ; jurisprudence INC no 3747 ; CLAB Fr 001040.
9 TGI Grenoble, 2 décembre 2002, UFC 38 et CNL c/ SARL SAS Immobilier Diffusion ; jurisprudence INC no 3755 ; CLAB Fr 001069 à 001076 ; [CCA].
10 TGI Grenoble, 4e ch., 17 novembre 2003, UFC 38 c/ Agence des Orgières AGIMO ; jurisprudence INC no 3808 ; CLAB en cours ; [CCA].
II
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successives du contrat et ordonne la suppression des clauses
suivantes :
– la clause imposant le règlement intégral du solde du prix
du séjour dès la remise des clés à l’accueil de l’agence (avant
donc que le locataire ait pu vérifier la conformité des lieux
loués) ;
– la clause limitant à 24 heures le délai de présentation de
toute réclamation sur l’inventaire et le matériel des lieux
loués à compter de la remise des clés ;
– la clause imposant un prix de remplacement de tous les
objets manquants ou détériorés suivant un inventaire type
présumé accepté par le locataire ;
– la clause fixant un délai invariable de remboursement de
la caution par courrier à dix jours (même, donc, si l’appartement est rendu dans un état impeccable) ;
– la clause interdisant la détention d’animaux, car illicite
(première version du contrat), et la clause imposant le versement d’un dépôt de garantie supplémentaire en cas de présence d’un animal dans un appartement (deuxième version
du contrat) ;
– la clause limitant le nombre d’occupants des appartements
au nombre des couchages disponibles (car contraire au principe énoncé à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés publiques) ;
– la clause fixant un coût forfaitaire pour un nettoyage complémentaire des appartements après restitution des clés ;
– la clause fixant une indemnité forfaitaire en cas de retard à
l’arrivée annoncée, indépendamment des causes de ce retard.
Dans son jugement rendu le 27 novembre 2003 11 le tribunal
examine également le contrat initial et sa version corrigée.
Parmi les clauses dont il ordonne la suppression, on retrouve
plusieurs des clauses déjà dénoncées dans la première affaire, mais aussi les clauses par lesquelles le locataire :
– renonce à être indemnisé en cas de trouble de jouissance ;
– s’engage à se conformer au règlement de copropriété (qui
ne lui est pas communiqué) ;
– supportera à ses frais le remplacement de la serrure en cas
de perte des clés qui lui sont remises (la clause ne prévoyant
pas que le paiement se fera sur présentation de facture acquittée) ;
– s’engage, s’il est mineur, à fournir une caution parentale
sous peine de perdre l’acompte versé ;
– accepte que l’agence modifie les conditions du contrat « en
cas de nécessité » ou le tarif « en fonction des variations économiques ».
MAINTENANCE DE PHOTOCOPIEUR
Une association achète un photocopieur et souscrit un
contrat de maintenance et de garantie. Contrainte de vendre
l’appareil, elle résilie le contrat de maintenance. Le prestataire lui oppose la clause interdisant au client de résilier
avant l’échéance « même en cas de vente ou de destruction de
matériel ». La cour d’appel de Poitiers déclare la clause abusive en raison du déséquilibre qu’elle crée – puisqu’à l’inverse
la société peut rompre le contrat à tout moment dans une
série d’hypothèses (non-paiement d’une redevance, nonrespect d’une clause, cessation de paiement…). 12
MARCHANDS DE LISTES
Deux contrats proposés par des marchands de listes ont fait
l’objet d’action en suppression de clauses abusives ou illicites.
Le premier contrat énonçait, mais de façon incomplète, les
caractéristiques du bien recherché. La clause lacunaire a été
jugée illicite car ne respectant pas les prescriptions de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l’article 79-2 du décret
du 20 juillet 1972. La suppression de deux autres clauses a été
ordonnée :
– la clause exonérant le professionnel de sa responsabilité
en cas de renseignements erronés résultant d’erreurs ou de
négligence des propriétaires ;
– la clause prévoyant un remboursement partiel de 500 F sur
un paiement de 890 F en cas d’inexécution totale de la prestation de la part du professionnel. 13
Le second contrat a été examiné par le même tribunal mais
par une autre chambre, ce qui explique une analyse différente de la clause par laquelle le professionnel s’exonère de
toute responsabilité en cas d’inexactitude des informations
concernant le bien proposé et de non-conformité au descriptif présenté par les propriétaires qui, ici, n’a été jugée ni abusive ni illicite, dans la mesure où « les obligations d’un simple
intermédiaire, qui n’est pas chargé de représenter le bailleur ni
de rédiger des actes, ne peuvent être étendues à des vérifications concrètes des caractéristiques précises du bien proposé
à la location par le propriétaire personnellement et directement ».
En revanche, les quatre clauses suivantes ont été jugées abusives :
– la clause permettant au professionnel de communiquer
des offres de location pour lesquelles les loyers sont supérieurs de 20 % au prix souhaité par le client et/ou qui portent
sur des logements situés dans une commune dont la plus
proche limite est distante d’au plus 10 km des limites des
communes choisies par l’adhérent ;
– la clause exonérant le professionnel de sa responsabilité en
cas d’indisponibilité du bien proposé ;
– la clause par laquelle le signataire reconnaît que la prestation est fournie dès la remise d’une liste initiale lors de la
signature du contrat ;
– la clause mentionnant, au titre des caractéristiques du
logement recherché, un montant de loyer hors charges. 14
SYNDIC
Un syndic, condamné à corriger son contrat 15 suite à une
action en suppression de clauses abusives engagée par une
association de consommateurs, avait fait appel du jugement.
La cour d’appel de Paris a rendu sa décision 16. Elle confirme
que les clauses suivantes sont abusives :
– la clause qui limite le droit pour le syndicat de révoquer le
mandat du syndic et qui institue, en contradiction avec l’article 2003 du code civil, une liberté totale de démission au
profit du syndic sous la seule réserve d’un préavis ;
– la clause qui prévoit que les fonds seront déposés sur
le compte unique du syndic, sans proposer d’alternative ;
qui s’abstient de fixer les modalités de fonctionnement du
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11 TGI Grenoble, 27 novembre 2003, UFC 38, c/ SARL GM Agence “Morbois” ; jurisprudence INC no 3808 ; CLAB en cours ; [CCA].
12 CA Poitiers, 1re ch., 4 décembre 2002, Sté O. c/ Institut F ; jurisprudence INC no 3828 ; CLAB en cours ; [CCA].
13 TGI Grenoble, 6e ch., 19 décembre 2002, UFC Que Choisir 38 c/ SARL SOJF LOGIMO ; jurisprudence INC no 3773 ; CLAB Fr 001077 à 001079.
14 TGI Grenoble, 4e ch., 30 juin 2003, UFC 38 c/ SARL APL ; jurisprudence INC no 3823 ; CLAB en cours ; [CCA].
15 TGI Paris, 8e ch., 1re sect., 7 septembre 1999, CSCV c/ Foncia ; jurisprudence INC no 3452 ; CLAB Fr 000773 à 000777 ; [CCA].
16 CA Paris, 23e ch. B, 4 septembre 2003, SA Foncia Franco Suisse c/ CLCV ; jurisprudence INC no 3782 ; CLAB en cours ; [CCA].
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III
compte séparé ; et qui laisse entendre par une des références
ambiguës à des textes de loi qu’il n’existe qu’une seule option
conforme à la législation ;
– la clause prévoyant des frais de transmission de dossier
au nouveau syndic, alors que la transmission du dossier au
successeur est une obligation légale imposée au syndic par
l’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 ; et que le syndic ne
peut demander des émoluments pour l’exécution de cette
obligation que s’il justifie de prestations complémentaires
accomplies en dehors de celles résultant de l’obligation légale et non incluses dans le forfait de gestion courante ;
– la clause laissant entendre que la commission de conciliation doit être saisie avant tout recours judiciaire.
Le tribunal de grande instance n’avait pas jugé que la stipulation, au chapitre relatif au coût des prestations spéciales,
des frais de recouvrement des charges et appels de fonds était
abusive, la clause ne mentionnant pas que ces frais seraient
réclamés au débiteur défaillant à titre individuel et contrairement aux dispositions de la loi du 9 juillet 1991. Pour la
cour d’appel, en revanche, « la clause relative aux frais de
recouvrement […] est abusive en tant qu’elle met à la charge
du copropriétaire défaillant des frais qui ne peuvent lui être
imputés sans décision judiciaire ».
INSTALLATION DE CUISINE
Ce secteur traditionnel s’enrichit de deux nouvelles décisions
rendues, ici encore, par le tribunal de grande instance de
Grenoble dans le cadre d’actions en suppression de clauses
abusives ou illicites.
Dans la première affaire, le tribunal ordonne que soient supprimées du contrat, car abusives :
– une combinaison de clauses exonérant le cuisiniste de sa
responsabilité lorsque les dimensions et descriptifs sont
fournis par le client ;
– une clause ambiguë tendant à imposer au client un plan
« définitif », sans lui réserver le droit de modifier ou d’annuler
sa commande si ce plan ne correspond pas à sa commande
initiale ;
– la clause déchargeant le cuisiniste de sa responsabilité
lorsque la pose est effectuée par un indépendant qui ne serait
pas le sous-traitant de la société ;
– la clause par laquelle le cuisiniste s’autorisait à disposer
discrétionnairement des marchandises payées et non livrées
du fait du client ;
– la clause qui imposait au client de formuler ses réserves ou
remarques concernant les défauts apparents ou de conformité ou les manques lors de l’enlèvement ou de la livraison ;
Le tribunal a également ordonné la suppression de deux
clauses illicites :
– la clause par laquelle le client déclarait engager son
conjoint non signataire de la commande ;
– la clause obligeant le client souhaitant le report de la livraison à réceptionner malgré tout la marchandise, en vue
d’autoriser le cuisiniste, en cas de crédit, à se faire financer
par le prêteur. 17
Dans la seconde affaire, ce sont les trois clauses suivantes,
jugées abusives, qui devaient disparaître du contrat :
– la clause permettant que le premier devis, établi sur la base
des mesures effectuées par le client et accepté par celui-ci,
soit modifié après relevé de mesures définitif par le professionnel (même avec l’accord du client car, pour le tribunal,
la clause permet de remettre en cause une commande et de
la modifier en raison du non-respect par le cuisiniste de sa
propre obligation d’effectuer lui-même les mesures avant
toute commande) ;
– la clause qui impartit un délai de trois jours au client pour
confirmer les réserves émises sur le bulletin de livraison ;
– une combinaison de clauses relatives à la pose et à l’installation des éléments (en raison de la confusion des deux
notions). 18
JEUX ET CONCOURS
La cour d’appel de Paris confirme 19 le jugement rendu par le
tribunal de grande instance de Paris 20, sur la demande d’une
association de consommateurs, contre une société de vente
par correspondance qui organisait des loteries par publipostage.
Elle confirme en premier lieu que « les documents publicitaires et le règlement qui détermine les conditions de participation au jeu rentrent dans le champ contractuel entre l’organisateur et le client qui ne contracte lui-même que lorsqu’il
renvoie le bon de participation », et que ces documents entrent
donc bien dans le champ d’application de la législation sur
les clauses abusives.
Elle confirme ensuite que sont bien abusives les clauses
dénoncées par les premiers juges. Il s’agissait, rappelons-le,
des clauses par lesquelles :
– le gagnant ne pouvait s’opposer à une éventuelle utilisation publicitaire gratuite de ses noms, adresse et photographie, notamment dans d’autres documents et supports de la
société, sauf à renoncer à son prix ;
– le simple fait de participer impliquait l’acceptation pure
et simple du règlement et des instructions figurant sur les
documents. Pour la cour, en effet, ce règlement se révélait
notamment difficile à lire, les stipulations valant instruction
figurant dans les documents publicitaires difficiles à distinguer des autres informations ou incitations, même pour « le
consommateur diligent et doté d’une capacité moyenne de
compréhension » ;
– la société organisatrice se réservait le droit d’annuler le jeu
sans un quelconque dédommagement pour les participants
« en cas de force majeure ». Pour la cour, les cas cités – erreur
matérielle commise de bonne foi par un prestataire extérieur
à la société ou par un membre du personnel de la société –
n’ont pas les caractéristiques de la force majeure.
Enfin la cour confirme que le message publicitaire « Je commande pour accélérer le cas échéant la remise du chèque » est
bien une clause illicite prohibée par l’article L. 121-26 du
code de la consommation.
VENTE DE GAZ EN CITERNE
Trois fournisseurs de gaz (Butagaz 21, Totalgaz 22 et Vitogaz 23)
ont été récemment condamnés, sur assignation d’une association de consommateurs, à supprimer de leurs contrats de
fourniture en vrac et de mise à disposition de matériel de
—————
17 CA Grenoble, 4e ch., 29 janvier 2001, M. Pirie et UFC 38 c/ Société ECD ; jurisprudence INC no 3760 ; CLAB Fr 001077 à 001079.
18 TGI Grenoble, 6e ch., 20 mars 2003, UFC 38 c/ Mobalpa ; jurisprudence INC no 3774 ; CLAB en cours ; [CCA].
19 CA Paris, 25e ch. A, 19 décembre 2003, SA Biotonic c/ association Familles de France ; jurisprudence INC no 3696 bis ; CLAB en cours.
20 TGI Paris, 1e ch., 13 février 2002, Familles de France c/ SA Biotonic ; jurisprudence INC no 3696 ; CLAB Fr 000951 à 000954 ; [CCA].
21 TGI Nanterre, 6e ch., 2 septembre 2003, UFC c/ Sté Butagaz ; jurisprudence INC no 3810 ; CLAB en cours ; [CCA].
22 TGI Nanterre, 6e ch., 2 septembre 2003, UFC c/ Totalgaz ; jurisprudence INC no 3827 ; CLAB en cours ; [CCA].
23 TGI Nanterre, 1e ch. A, 4 février 2004, UFC Que Choisir c/ Vitogaz ; jurisprudence INC no 3828 ; CLAB en cours ; [CCA].
IV
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stockage les clauses abusives ou illicites qu’ils contenaient.
Certaines clauses se retrouvaient en termes proches dans les
trois contrats. Elles concernaient :
• Le prix
Les clauses des trois contrats qui se référaient aux tarifs « en
vigueur à la date de la livraison » ou « à date de la signature »
ont été jugées abusives, tout comme celles suivant lesquelles
les barèmes étaient « tenus à la disposition des clients chez le
distributeur » (Butagaz), accessibles « sur simple demande »
(Totalgaz) ou sur seule demande écrite (Vitogaz).
• Les obligations du client
Plusieurs clauses chargeaient abusivement le client d’obligations ne lui incombant pas. Ainsi celle qui lui attribuait la
garde juridique du réservoir, ou le rendait responsable de
toutes les dégradations survenant à la cuve (Vitogaz), ou
encore celle qui laissait à sa charge l’entretien du détendeur
et du limiteur de pression (Totalgaz et Vitogaz).
• Les indemnités de résiliation
Une clause en fixait le montant « suivant les montants figurant au barème en vigueur au jour de la résiliation » (Butagaz) ; une autre mettait à la charge du client, dans l’hypothèse d’une résiliation anticipée de sa part pour quelque
cause que ce soit, les frais de reprise du matériel (Vitogaz) ;
une encore prévoyait le versement d’une indemnité de résiliation « en cas de décès du titulaire du contrat et de non-exécution du contrat pendant plus d’un an » (Totalgaz), et donc
en l’absence de faute du client.
• Les pénalités pour paiement tardif
La clause les fixant par référence au « barème en vigueur » a
été jugée abusive (Butagaz) ; abusive également, la facturation d’intérêts en cas de retard de paiement sans précision de
point de départ du calcul desdits intérêts (Vitogaz).
On signalera également la clause prévoyant la restitution
de la consignation en fin de contrat sans précision de délai
(Butagaz et Totalgaz), celle stipulant que le bon de livraison
fera foi pour la détermination de la quantité livrée (Totalgaz),
celle donnant une liste des cas de force majeure susceptibles
de dispenser le fournisseur de ses obligations, ou celle suivant laquelle le client déclare accepter les conditions générales sans restriction ni réserve (Vitogaz).
On notera enfin ces cinq clauses jugées illicites dans le jugement rendu contre Vitogaz :
– la clause liant l’installation d’une citerne et la fourniture
du gaz en citerne ;
– la clause prévoyant que le tarif appliqué sera celui en
vigueur au jour de la livraison ;
– la clause imposant le paiement des factures par prélèvement automatique ;
– la clause fixant un délai de quinze jours pour contester les
factures ;
– la clause prévoyant la facturation de frais de dossier en cas
d’incident de paiement.
– la clause prévoyant une durée initiale du contrat d’un an
ferme sauf à invoquer un des motifs légitimes dont le contrat
fixait la liste. Pour la cour, cette énumération prive l’abonné
de la possibilité de résilier pour d’autres motifs que ceux
énoncés et qui pourraient être considérés comme légitime
par une juridiction ;
– la clause stipulant que l’obligation de l’opérateur est une
obligation de moyens.
Mais la cour d’appel va plus loin et déclare abusives deux
clauses que le TGI de Nanterre avait validées :
– la clause donnant à Orange France la possibilité de demander un dépôt de garantie en cours de contrat, et non seulement à la souscription. Pour le TGI, la clause n’était pas
abusive dans la mesure où le contrat précisait les hypothèses
dans lesquelles un dépôt de garantie serait demandé, comme
le recommande la Commission des clauses abusives. Pour la
cour, au contraire, « si l’opérateur n’estime pas utile de se faire
remettre initialement un dépôt de garantie, il ne peut le faire
ultérieurement alors qu’aucun élément nouveau n’est intervenu, sauf à bouleverser l’économie du contrat » ; et la clause,
déjà illicite comme contraire à l’article R. 132-2 du code de la
consommation, est abusive car elle permet au professionnel
d’imposer arbitrairement au consommateur une obligation
non justifiée par la survenance d’un fait nouveau. La cour
souligne que l’incident de paiement, cité comme motif, est
déjà sanctionné par des pénalités et peut toujours justifier la
résiliation du contrat ;
– la clause exonérant l’opérateur de sa responsabilité en raison de perturbations causées par des travaux d’entretien, de
renforcement, de réaménagement ou d’extension des installations de son réseau, les perturbations causées par les travaux d’entretien ou autres, et l’autorisant à ne pas assurer la
prestation due pendant deux jours consécutifs sans contrepartie. Pour la cour, ces motifs ne constituent pas une cause
étrangère pour l’opérateur et, dans de tels cas, l’abonné doit
être indemnisé quelle que soit la durée de l’interruption, fûtelle inférieure à deux jours.
Condamnées en première instance, les clauses suivantes n’ont
pas été réexaminées et sont donc définitivement abusives :
– la clause indiquant que « le dépôt de garantie et les dettes de
l’abonné ne se compensent pas », car le contrat ne contenant
aucune précision quant aux modalités de restitution du
dépôt de garantie, elle permet un enrichissement sans cause
de la société ;
– la clause relative au vol ou à la perte de la carte SIM, fixant
la date de la demande de suspension de la ligne à la date de
réception de l’information écrite du vol ou de la perte. Pour
le tribunal, le client doit pouvoir déclarer le vol ou la perte
par téléphone – quitte à envoyer ensuite une confirmation
écrite –, et l’opérateur suspendre la ligne dès cette date ;
– la clause autorisant l’opérateur à modifier le numéro d’appel de l’abonné suite à des contraintes techniques, sans davantage de précision sur ces motifs.
TÉLÉSURVEILLANCE
TÉLÉPHONIE MOBILE
Un opérateur de téléphonie mobile, déjà contraint en 1999 24
de supprimer les clauses abusives de ses contrats, a été à
nouveau assigné par la même association pour obtenir la
suppression de seize nouvelles clauses. L’affaire a été jugée
en première instance en septembre 2003 25 et en appel en
février 2004 26 – dans un délai record, donc.
La cour d’appel a confirmé le caractère abusif de :
Deux clauses pénales contenues dans des contrats de télésurveillance, l’une pour non-paiement, l’autre pour résiliation avant terme, ont été jugées abusives.
La première prévoyait qu’en cas de défaut de paiement d’un
seul loyer à son échéance, le locataire devrait non seulement
restituer le matériel et régler les loyers impayés majorés
d’une clause pénale de 10 %, mais aussi verser une somme
égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du
—————
24 TGI Nanterre, 1re ch. A, 3 mars 1999, UFC Que Choisir c/ France Télécom Mobiles ; jurisprudence INC no 3436 ; CLAB Fr 000709 à 000715 ; [CCA].
25 TGI Nanterre, 1re ch. A, 10 septembre 2003, UFC Que Choisir c/ SA Orange France ; jurisprudence INC no 3790 ; CLAB en cours ; [CCA].
26 CA Versailles, 14e ch., 4 février 2004, SA Orange France c/ UFC Que Choisir ; jurisprudence INC no 3790 bis ; CLAB en cours ; [CCA].
INC Hebdo
No 1298
3 - 9 mai 2004
V
contrat majorée d’une autre clause pénale de 10 %. La cour
d’appel de Dijon, qui rappelle que ce type de clause avait été
condamné par la Commission des clauses abusives dans
sa recommandation no 97-01, considère qu’elle pénalise le
locataire dont le contrat est résilié pour une cause légitime,
comme en l’espèce où la locataire avait cessé de payer faute
de pouvoir obtenir une prestation conforme.
La seconde figurait dans un contrat qui accordait à l’acheteur
une remise de 60 % du prix du matériel en contrepartie
de son acceptation, d’une part, d’être cité en référence et de
promouvoir les matériels de la société auprès de ses relations ; d’autre part, de souscrire un contrat d’abonnement de
télésurveillance. Pendant la durée du contrat, le client restait
libre de résilier le contrat de télésurveillance, mais devait
alors rembourser la remise dont il avait bénéficié, déduction
faite d’une prime de fidélité de 40 F par mensualité réglée et
d’une commission de 10 % sur le montant des installations
réalisées par son entremise. Pour la Cour de cassation, ces
conditions font peser sur l’exercice de la faculté de résiliation
une contrainte excessive que ne suffisent pas à atténuer les
déductions, et elles créent un déséquilibre significatif entre
les droits et obligations des parties. 27
VÉHICULE
Location avec option d’achat
Une clause contenue dans un contrat de location avec option
d’achat prévoyait, en cas de résiliation avant terme, le paiement d’une indemnité égale à la différence entre, d’une part,
la somme des loyers encore dus et la valeur résiduelle du
véhicule et, d’autre part, le prix de vente de ce dernier. La
cour d’appel de Versailles a considéré que la clause n’était
pas abusive, car elle sauvegardait suffisamment les droits du
locataire qui gardait la possibilité de présenter un acquéreur
faisant une offre écrite d’achat, et d’obtenir ainsi un prix de
revente du véhicule le satisfaisant. 28
Location
Deux décisions ont été rendues, l’une sur demande d’une association en suppression de clauses abusives, l’autre dans le
cadre d’un litige individuel.
• Une association de consommateurs de l’Isère avait engagé
plusieurs actions en suppression contre plusieurs loueurs de
véhicules. 29 Sur appel de l’un des loueurs, la cour d’appel de
Grenoble confirme le caractère abusif des quatre clauses par
lesquelles le signataire :
– déclare avoir pris connaissance des conditions générales
du contrat, au recto et au verso, et s’engage à les respecter
(l’abus, ici, résultant de l’emplacement de la clause dans le
contrat qui ne permettait pas au signataire de prendre conscience de l’étendue de son engagement) ;
– s’interdit d’embarquer le véhicule sur un bateau, navire,
bac, etc. ;
– s’expose à la déchéance des garanties vol ou dommage
éventuellement souscrites pour tout irrespect de ses obligations (car il n’appartient pas au bailleur de décider des conditions d’application de la déchéance des garanties) ;
– accepte la compétence exclusive du tribunal du loueur.
La cour ordonne également la suppression de deux clauses
qui n’avaient pas été sanctionnées en première instance :
– l’une engageait le locataire à remplacer à ses frais les pneus
détériorés pour une autre cause que l’usure normale (cette
clause mettant tous les risques à la charge du locataire, sans
même lui fournir une garantie sur l’état d’origine) ;
– l’autre prévoyant que la remise des clés et des documents
dans une boîte aux lettres ne mettait pas fin au contrat de
location.
En revanche, pour la cour, ne sont pas abusives :
– la clause exigeant que le locataire soit âgé de plus de
21 ans, ou davantage pour certaines catégories de véhicules ;
– la clause qui rend le locataire responsable des infractions
commises pendant la durée de la location ;
– la clause qui engage le locataire à restituer le véhicule au
loueur à la date prévue au contrat de location sous peine de
s’exposer à des poursuites judiciaires civiles ou pénales ;
– la clause par laquelle le locataire accepte que le défaut de
paiement d’une seule facture à sa date d’exigibilité, ou tout
impayé, entraîne la déchéance du terme pour les factures
non échues et autorise le loueur à exiger la restitution immédiate du véhicule en cours de location.
Une clause mérite une attention particulière, car elle correspond à une pratique dont se plaignent fréquemment les
usagers : celle par laquelle, pour les règlements effectués
au moyen d’une carte bancaire, seule une autorisation est
demandée au départ de la location, le montant de la facture
au retour étant automatiquement débité sur le compte correspondant à la carte présentée sauf si, précise la clause, le
locataire présente un autre moyen de paiement. C’est cette
dernière précision – la possibilité pour le client de renoncer à
ce moyen de règlement en effectuant un paiement comptant
lors de la restitution du véhicule – qui permet à la cour de
valider la clause. On comprend a contrario que la clause qui
ne laisserait pas cette faculté serait bel et bien abusive.
• La clause dont la validité a été remise en cause devant le
tribunal de Lannion est également source de nombreux litiges. Elle prévoit que le preneur qui restitue le véhicule aux
heures de fermeture de l’agence est responsable en cas de vol
ou de dommages causés au véhicule jusqu’à la prochaine
ouverture de l’agence et l’inspection du véhicule par un
employé. Le tribunal, comme la Commission des clauses
abusives qu’il avait saisie pour avis, conclut au caractère abusif de la clause : elle impose en effet au locataire une obligation de réparation sans qu’il soit démontré que la cause
du dommage lui est imputable, et surtout sans lui laisser la
possibilité de rapporter la preuve de son absence de faute.
Location de longue durée
Ces locations n’obéissent pas à des règles particulières, mais
donnent lieu à des clauses pénales très sévères comme celle
soumise à la cour de Versailles 30, qui met à la charge du locataire défaillant une indemnité de résiliation égale à la valeur
des loyers non échus. La Commission des clauses abusives
avait reconnu la légitimité des clauses pénales en cas de retard dans le paiement des loyers, à la condition que le contrat
contienne également une clause pénale en faveur du locataire en cas d’inexécution par le loueur de ses obligations. La
cour procède à cette recherche et, constatant que l’immobilisation du véhicule donne bien lieu à remplacement du véhicule, elle estime que le déséquilibre n’est pas significatif et
donc que la clause pénale n’est pas abusive.
—————
27 Cass. civ., 1re ch., 29 octobre 2002, Lebeaux c/ Matélec Sécurité, pourvoi no 99-20265 ; CLAB en cours ; [CCA].
28 CA Versailles, 3e ch., 12 janvier 2001, M. Mons c/ SA Lionbail ; jurisprudence INC no 3745 ; CLAB Fr 001006.
29 Voir notamment TGI Grenoble, 18 janvier 1999, UFC c/Isère Location ; jurisprudence INC no 3647 ; CLAB Fr 000812 à 000828. Voir aussi TGI
Grenoble, 10 juillet 2000, UFC 38 c/ Locatrans ; jurisprudence INC no 3513 ; CLAB Fr 0000844 à 000862.
30 CA Versailles, 1re ch., 4 mars 2003, Layouni c/ SA Loca DIN ; jurisprudence INC no 3817 ; CLAB en cours.
VI
INC Hebdo
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Vente et garantie
VENTE SUR INTERNET
La cour d’appel de Grenoble 31 infirme partiellement un jugement rendu contre un vendeur de véhicules dans le cadre
d’une action en suppression de clauses abusives ou illicites.
Elle confirme que sont abusives (ou, dans un cas, illicite) les
clauses suivantes :
– la clause selon laquelle le véhicule commandé est défini
par les seules caractéristiques techniques mentionnées au
présent bon de commande à l’exclusion de toute autre considération (car rendant possible par le vendeur toute modification d’autres caractéristiques) ;
– la clause relative aux modifications de prix rendues nécessaires par des modifications techniques imposées par les
pouvoirs publics, qui semble interdire au consommateur
d’annuler la vente dans cette hypothèse ;
– une clause qui autorise le professionnel à annuler la commande et à conserver l’acompte versé en cas de retard du
client à prendre livraison du véhicule. La cour relève ici à la
fois la complexité et le manque de lisibilité de la clause (qui
figurait dans une ancienne version du contrat) et l’absence
de clause symétrique en cas de retard imputable au professionnel. Mais elle valide une version postérieure de la clause
qui réserve l’hypothèse où l’acheteur serait empêché par cas
de force majeure ;
– la clause laissant entendre que dans l’hypothèse où le modèle commandé ne serait plus fabriqué, l’acheteur pourrait
seulement annuler (alors qu’il pourrait justifier d’un préjudice) ;
– la clause désignant le concessionnaire comme unique
responsable de la vente et laissant croire au consommateur
qu’il est démuni de recours envers le fabricant ;
– la clause limitant à douze mois la faculté d’agir en garantie,
omettant de rappeler la cause légale de prorogation de la
période de garantie prescrite par l’article L. 211-2 du code de
la consommation (clause jugée donc illicite) ;
– la clause excluant la réparation du préjudice résultant,
notamment, du fonctionnement défectueux, de l’immobilisation et de la durée de réparation du véhicule ;
La cour d’appel ajoute à cette liste de clauses abusives celle,
validée en première instance, permettant au vendeur de
facturer des frais de garage lorsque l’acheteur ne prend pas
possession du véhicule intégralement payé, ces frais n’étant
pas fixés suivant un tarif défini.
À l’inverse, deux clauses jugées abusives en première instance
sont validées en appel :
– la clause limitant la durée de la garantie contractuelle, le
contrat n’entretenant aucune ambiguïté entre la garantie
contractuelle et la garantie légale ;
– la clause excluant de la garantie les dégâts résultant de
phénomènes mécaniques ou chimiques extérieurs, cette exclusion ne remettant pas en cause le principe de la garantie
lorsque le vice est inhérent à la chose.
Enfin, la cour, comme le tribunal, valide comme non abusives les clauses suivantes :
– l’interdiction de céder le contrat à un tiers sans le consentement exprès et écrit du concessionnaire ;
– l’appropriation par le concessionnaire des pièces remplacées dans le cadre de la garantie ;
– l’exclusion de la garantie des défauts résultant de l’intervention d’un tiers extérieur à son réseau ;
– l’exclusion de la garantie des défauts résultant de pièces
non homologuées ou d’une modification non approuvée par
le concessionnaire.
À nouvelles méthodes de vente, nouvelles clauses abusives,
pourrait-on penser. En réalité, les clauses dont le TGI de Paris 32 ordonne la suppression à la demande d’une association
de consommateurs ne diffèrent pas de celles que l’on trouve
dans d’autres contrats de vente par correspondance, à une
exception près : celle qui concerne l’acceptation des conditions générales par un « clic de validation » valant signature.
Sont déclarées abusives :
– la clause par laquelle le vendeur se réserve la possibilité
d’adapter ou de modifier à tout moment les conditions générales de vente, contraire au point j de l’annexe à l’article
L. 132-1 du code de la consommation ;
– la clause permettant au vendeur de différer à la livraison la
communication des modes et conseils d’utilisation, s’affranchissant ainsi de son obligation précontractuelle d’information issue de l’article L. 111-1 du code de la consommation ;
– la clause limitant la faculté légale de rétractation du
consommateur si les produits ont été utilisés au-delà de
quelques minutes, contrairement donc au point b ;
– la clause interdisant au consommateur qui n’aurait pas fait
de réserve sur le bon de livraison de contester la conformité
de la commande ;
– la clause stipulant que le délai de livraison est indicatif, et
que son non-respect ne peut donner lieu à réparation ;
– la clause, relative à la vente de voyages, excluant la responsabilité du vendeur en cas de retard, de changement
d’horaires ou d’aéroport.
En revanche, trois clauses contestées par l’association ne
sont pas jugées abusives par le tribunal :
– la clause, évoquée plus haut, par laquelle le consommateur
déclare accepter les conditions générales, cette acceptation
étant matérialisée par sa signature électronique concrétisée
par le « clic de validation » et par la communication de ses
coordonnées bancaires. Le tribunal la déclare non abusive,
dans la mesure où le consommateur est nécessairement invité à prendre connaissance de ces conditions avant de valider
sa commande et d’effectuer le paiement ;
– la clause prévoyant des « variations minimes » entre les
photos de présentation des produits et les produits livrés ;
– la clause exonérant le vendeur et ses fournisseurs quant
aux difficultés techniques que les clients pourraient rencontrer sur le site, quelle qu’en soit la cause.
VOYAGES À FORFAIT
Rappelons ici pour mémoire une clause déjà citée à propos
des ventes sur Internet, puisque le vendeur en cause vend en
particulier des voyages à forfait et qu’il est, à ce titre, concerné par la législation les régissant.
La clause examinée par le TGI de Paris 33 excluait la responsabilité du vendeur en cas de retard, de changement d’horaires
ou d’aéroport. Il la condamne comme abusive pour plusieurs
motifs : en vertu de la loi du 13 juillet 1992, le vendeur répond
de ses prestataires donc les retards et changements d’horaires
ne peuvent conduire à une exonération de responsabilité ; la
définition de la force majeure, par la généralité des termes
utilisés, est contraire est contraire aux dispositions légales ;
enfin, en application de l’article 98 du décret du 15 juin 1994,
le lieu de départ, élément contractuel, ne peut être modifié
aux frais du voyageur.
Marie-Odile Thiry-Duarte
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31 CA Grenoble, 1re ch., 16 mars 2004, SA Opel Porte de l’Ouest c/ UFC de l’Isère ; jurisprudence INC no 3830 ; CLAB en cours.
32-33 TGI Paris, 4 février 2003, Familles de France c/ SA Père-noël.fr et SA Voyages Père-noël.fr ; jurisp. INC no 3765 ; CLAB Fr 1080 à 1088 ; [CCA].
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