Rencontres des cliniques psychiatriques privées

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Rencontres des cliniques psychiatriques privées
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
L'ÉDUCATION DES PATIENTS
ET DES FAMILLES
Docteur Henri Cuche
Clinique du Château de Garches - Garches
éducateurs pour la santé. Elle concerne,
par exemple, les recommandations sur les
principes d’une alimentation «saine», sur
la prévention des caries dentaires, les
informations pour prévenir ou lutter
contre le tabagisme ou l’alcoolisme, la
gestion de l’anxiété et du stress…
L’éducation du patient à la maladie
L’éducation thérapeutique du patient est
un élément important de la prise en
charge médicale, notamment en cas de
maladie chronique (diabète, asthme, bronchite chronique, hypertension artérielle,
dépression, troubles anxieux, addictions,
etc.). Il trouve son application en psychiatrie.
Il n’existe pas de définition unique de
l’éducation du patient. De façon théorique, le terme générique « éducation du
patient » recouvre trois niveaux d’activités, lesquels, dans la pratique courante,
peuvent s’intriquer. On distingue :
- l’éducation pour la santé du patient,
- l’éducation du patient à sa maladie,
- et l’éducation thérapeutique du patient.
(Deccache A. Quelles pratiques et compétences en éducation du patient ?
Recommandations de l’O.M.S. La
Santé de l’homme, n° 341, mai-juin
1999, pp12-14).
Elle concerne les comportements de
santé liés à la maladie, au traitement, à la
prévention des complications et des
rechutes. Elle s’intéresse notamment à
l’impact que la maladie peut avoir sur
d’autres aspects de la vie. Les rencontres
avec d’autres patients, les groupes d’entraide, l’aide d’éducateurs sont souvent
indispensables à ce type d’éducation.
L’éducation thérapeutique du patient
C’est cet aspect de l’éducation du patient
qui est abordé spécifiquement dans cette
communication. Elle concerne les
actions d’éducation liées au traitement
curatif ou préventif. Elle repose pleinement sur les « soignants », dont l’activité
d’ « éducation thérapeutique » fait partie
intégrante de la définition de leur fonction soignante.
L’éducation pour la santé du patient
L’éducation thérapeutique du patient est
un processus continu, intégré dans les
soins et centré sur le patient. Il comprend
des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et
d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit, les
soins, l’hospitalisation et les autres institutions de soins concernées.
Elle se situe en amont de la maladie et
elle s’intéresse aux comportements de
santé et au mode de vie du patient actuel
ou potentiel. Cette « culture de santé »
repose autant sur les soignants que sur les
Ce processus éducatif vise à aider le
patient et son entourage à comprendre la
maladie et le traitement, à mieux coopérer avec les soignants et à maintenir ou à
améliorer sa qualité de vie.
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L’éducation devrait rendre le patient
capable d’acquérir et de maintenir les ressources nécessaires pour gérer au mieux
sa vie avec la maladie. En psychiatrie,
cette éducation vise à améliorer la compliance au traitement, à favoriser l’adaptation et la réhabilitation du patient dans
son environnement, à réduire sa vulnérabilité au stress et à prévenir d’éventuelles
rechutes.
La définition de l’Organisation Mondiale
de la Santé
L’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) a souligné quatre points importants sur l’éducation thérapeutique des
patients. (D’après World Health Organization : Therapeutic patient éducation.
Continuing education programmes for
health care providers in the field of prevention of chronic diseases. Octobre
1998).
Eduquer revient à former le malade pour
qu’il puisse acquérir un savoir-faire adéquat, afin d’arriver à un équilibre entre
sa vie et le contrôle optimal de la maladie.
L’éducation thérapeutique du patient est
un processus continu qui fait partie intégrante des soins médicaux.
L’éducation thérapeutique du malade
comprend la sensibilisation, l’information, l’apprentissage, le support psychosocial, tous liés à la maladie et au
traitement.
La formation doit aussi permettre au
malade et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants.
Conclusion
Cet état des lieux permet de considérer
qu’il y a eu dans les dix dernières années,
un intérêt croissant des équipes hospitalières pour le développement d’actions
qui relèvent soit de l’éducation thérapeu-
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tique du patient, soit plus largement de
l’éducation pour la santé. Le caractère
plus ou moins résistant ou chronique des
pathologies traitées, la forme d’accompagnement et d’apprentissage qu’elles imposent, la nécessité, au regard du traitement,
de faire appel à des pratiques multidisciplinaires, rendent compte de l’exigence de
professionnalisation qui se fait jour,
notamment concernant les compétences
pédagogiques et la capacité à conduire
l’action d’éducation thérapeutique sur une
longue durée. Toutefois certaines interrogations demeurent, tenant d’une part au
champ réel de l’implantation de l’éducation thérapeutique des patients au regard
des besoins et de l’intérêt manifeste de ces
pratiques dans le traitement de nombreuses maladies chroniques. Elles tiennent d’autre part à la qualité, la rigueur et
l’évaluation des pratiques ainsi qu’à leur
capacité de participer réellement au processus d’autonomisation du patient dans
la gestion de la maladie et de ses soins. ■
LA MISE EN ŒUVRE D'UNE STRUCTURE
D'ACCUEIL POUR LES ADOLESCENTS
Docteur Alice Gros
Clinique de la Lironde - St Clément de Rivière
de la toute-puissance infantile et de
l’idéalisation parentale, moment de
perte, de désinvestissement douloureux
qu’il va tenter de compenser par un
nouvel investissement, celui-là, social
par une adhésion aux valeurs de notre
société et à ses buts collectifs.
Mais paradoxalement, l’adolescent, soumis comme on le sait à « la poussée
constante de la pulsion sexuelle »
(Freud), est peu enclin à accepter le cadre
social et ses exigences.
L’adolescence est un passage obligé, difficile, orienté vers l’individualisation et
la construction identitaire.
Ce passage est toujours porteur
d’énigmes, de conflits et traversé de
mouvements pulsionnels contradictoires
et paradoxaux.
Pour entrer dans la vie d’adulte, l’adolescent doit en effet, dans un double
mouvement :
- accepter de se séparer de ses parents,
c’est-à-dire faire le deuil de l’enfance,
Et notre société, vacillante sur ses valeurs
(éclatement familial, incertitude de l’avenir…) ne semble plus offrir aujourd’hui
de modèles identificatoires, constructeurs,
suffisamment rassurants et attractifs.
L’adolescent désemparé s’installe donc
dans son statut d’adolescent et dans son
mal-être. Vivant le présent par peur de
l’avenir, il ne reconnaît plus que ses
pairs, les autres adolescents.
Il n’est pas étonnant dans ce contexte
environnemental que la pathologie de
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l’adolescent elle-même se singularise
dans ses modes d’expression :
Prépondérance de l’agir et des passages
à l’acte, carence des processus de secondarisation qui se traduisent par des agressions, violence vis-à-vis des autres et de
soi-même (le suicide de l’adolescent est
la deuxième cause de mortalité chez les
jeunes) ; fugues ; conduites addictives :
toxicomanie, alcoolisme, troubles des
conduites alimentaires ; effondrement
narcissique et son cortège de troubles de
l’identité.
Ces troubles réclament une prise en
charge spécifique au sein de laquelle la
dimension relationnelle est, pour nous,
centrale. La qualité et la précocité de
cette prise en charge déterminent souvent
l’avenir de l’adolescent. Elle nécessite
aussi la prise en compte de l’environnement familial, scolaire, social (et parfois
juridique).
C’est devant l’insuffisance des structures existantes, souvent faute de
moyens que nous avons cherché avec la
création de notre unité d’hospitalisation
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originale, à offrir les réponses les plus
adaptées aux besoins de ces adolescents
en souffrance.
VOICI NOTRE PROJET :
De la conception à la réalisation
En réponse aux priorités du SROSS
Régional concernant l’hospitalisation à
temps complet des adolescents et au souhait de décloisonnement Public/Privé,
l’équipe de la clinique la Lironde et le
service de pédopsychiatrie de l’Hôpital
de Béziers ont donc décidé d’unir leurs
moyens pour créer un réseau de soins
pour adolescents. La Lironde organise le
temps d’hospitalisation, l’Hôpital de
Béziers l’amont et l’aval du temps d’hospitalisation.
Première étape
Une expérimentation de un an financée
par le FRAC, portant sur l’hospitalisation de deux adolescents au sein de l’établissement s’est avérée très positive.
Elle a permis de :
- tisser des liens autour de prises en
charge communes ;
- former nos soignants ;
- apprécier nos besoins et nos compétences ;
- établir une première évaluation.
- des toxicomanies avec troubles psychiatriques associés, en nombre très
restreint, de même pour les situations
traumatiques (abus sexuels, maltraitance).
Le cadre : l’accueil est capital et doit
garantir un espace contenant, sécurisant,
lieu de parole et d’accompagnement au
quotidien.
Les locaux : infirmerie, unité de huit lits
(dont six chambres particulières), bientôt douze, une salle à manger, une salle
d’activités, une salle d’informatique, une
salle de sport.
Les moyens : la spécificité nécessite un
taux d’encadrement supérieur à celui
d’une unité d’adultes.
Personnel médical : un psychiatre
à temps plein, salarié
IDE
Educateurs spécialisés
Psychologue
Ergothérapeute
Assistant socio-éducatif
Aide soignant
Agent de service
5
2
0,5
1,4
0,5
3,6
2
La consultation de préadmission
Sur la base d’un déficit de la carte sanitaire en pédopsychiatrie de deux lits,
nous avons obtenu dans un premier
temps, une création de deux lits et une
mise à disposition de cinq autres lits (par
l’Hôpital de Béziers) qui doit aboutir in
fine à une création de douze lits.
Elle constitue un temps fort, préalable
indispensable à toute admission.
Elle permet :
- « un premier accrochage » transférentiel, une rencontre avec les référents
parentaux ;
- une approche diagnostique ;
- une ébauche de projet thérapeutique
avec contrat de soins (notamment pour
les troubles du comportement alimentaire) ;
- et une énonciation du règlement intérieur.
Une première étude des orientations de
soins possibles après l’hospitalisation,
ceci afin d’éviter un allongement inutile
du temps d’hospitalisation rapidement
préjudiciable à cet âge de la vie (DMS :
30 jours)
L’UNITÉ DE SOINS
Le projet médical proprement dit
Le service accueille des adolescents âgés
de 12 à 18 ans, en situation de crise présentant :
- des troubles du comportement
- des états dépressifs (suicides)
- des troubles graves de la personnalité
- des troubles du comportement alimentaire
La prise en soin par l’équipe pluridisciplinaire est essentiellement psychothérapeutique. Elle privilégie l’écoute, la
verbalisation, le travail autour de l’image
du corps, la créativité.
Deuxième étape
Nous nous sommes engagés par une
convention de coopération à pérenniser
notre expérience et à créer un service
spécifique aux adolescents, de sept lits,
puis de douze lits.
Les activités thérapeutiques mises en place
en seront le support psychothérapique :
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individuelles ou collectives (groupes de
parole, psychodrame) corporelles : expression corporelle, relaxation, yoga, balnéothérapie, vidéo
- sportives : gym - cheval
- ergothérapiques : peinture, dessin,
sculpture
- réadaptatives : sociale (affirmation de
soi)
- scolaires (soutien scolaire sur place)
- ludiques : organisation de matchs, tournois, jeux.
Les approches thérapeutiques sont plurielles dans les choix techniques et dans
la gestion des distances relationnelles
avec les patients (ni trop près de la
menace intrusive, ni trop loin du côté du
vécu abandonnique).
Les approches corporelles permettent de
travailler sur la réaffectation des représentations, la réappropriation des ressentis dans le but d’une réassurance
narcissique.
Les rencontres avec les familles sont
régulières tout au long de l’hospitalisation et même au-delà (sous forme de
groupes de parents). Elles permettent
d’analyser et de réaménager les liens
familiaux chargés d’angoisse et de sentiments ambivalents.
La métapsychologie freudienne constitue
l’outil de réflexion théorique indispensable
pour la compréhension des enjeux personnels, institutionnels et psychodynamiques. Il s'agit essentiellement d'instaurer
une relation qui permet la mentalisation
des conflits au détriment de l'agir.
Les différents temps institutionnels
- Mini staff, réunion d’équipe
- Réunion clinique
- Réunion soignants/soignés
sont les lieux d’échanges, indispensables au fonctionnement de l’équipe.
Ces réunions assurent la cohérence et
l’accompagnement du projet de soins
et permettent de repérer les dysfonctionnements institutionnels.
En conclusion, si la symptomatologie de
l'adolescent est bruyante, elle peut être
aussi totalement réversible.
A cet âge de la vie, rien n'est définitivement joué.
Permettre à l'adolescent de devenir soimême en fermant les blessures du passé,
tel est bien l'enjeu qui nous anime. ■
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LA CRÉATION D'UN SERVICE DE 14 LITS
POUR ADOLESCENTS SUICIDANTS
Docteur Jean-Michel Léonardi
Clinique Château du Bel Air - Crosne
C'est un long parcours semé d’embûches
que nous avons entrepris il y a maintenant une dizaine d’années. Les réflexions sont venues du terrain car nous
étions confrontés à des demandes d’hospitalisation d’adolescents de plus en
plus jeunes auxquels il nous était difficile de répondre. Les travaux de Marie
Choquet et de l’INSERM ont fait apparaître des faits que les médecins de terrain observaient depuis un moment déjà :
à savoir, une montée en nombre des
conduites à risques chez les adolescents,
notamment des tentatives de suicides
avec une fréquence importante des récidives. Nos premières réflexions sont
venues de là et de la création au CHU de
Bordeaux d'un Centre pour adolescents
suicidants par le Docteur Xavier Pommereau. Nous nous sommes inspirés de
ce projet qui a maintenant dix ans de
fonctionnement et qui est le seul en
France à cibler une structure autour
de l’adolescent et du jeune adulte suicidaire.
tion des sols, aux problèmes de COS et
bien sûr au financement. Un premier projet a été déposé à l’ARH en 95 qui
n'aboutit pas. Le deuxième projet est
déposé dix huit mois plus tard et accepté
par l’Agence Régionale d'Ile-de-France.
Il faut dire qu’en cette année 97, le suicide chez l’adolescent est apparu à la
Conférence Nationale de Santé comme
la priorité n°1 au plan national, déclinée
par l’Agence Régionale dès 98, puis par
le schéma régional de la psychiatrie qui
date de 1999. C'est d’ailleurs le thème de
la Conférence Régionale de Santé. Entre
temps, fin 98, les recommandations de
l’ANAES concernant les jeunes suicidants ont été éditées et nous ont confortés dans l’idée que ce projet était
cohérent.
Plus tard, en 2001, le rapport du Haut
Comité de la Santé Publique et plus
récemment le rapport de la députée euro-
UN PROJET EN ACCORD AVEC LE SROS
DE L'ILE-DE-FRANCE
En 93/94, nous nous sommes attelés aux
études de faisabilité, au plan d’occupa-
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péenne, Marie-Thérèse Hermange, confirment l'absence de réponse adéquate ainsi
que la nécessité de ces modalités de prise
en charge nécessaires qui permettent
d'avoir un impact positif sur les récidives
et évitent une trop grande banalisation.
UN PROJET ARTICULÉ AUTOUR D'UNE
RÉNOVATION DE LA CLINIQUE
En ce qui nous concerne, les travaux ont
commencé en octobre 2000 pour se terminer en mai 2002. Nous avons ouvert
une partie consacrée aux adultes et nous
devrions ouvrir fin octobre la partie adolescents qui se compose de 14 lits répartis sur deux unités. Au départ, nous nous
sommes posés un certain nombre de
questions, notamment savoir si les adolescents devaient cohabiter complètement avec les adultes ou bien en être
totalement éloignés. On s’est inspiré de
ces deux stratégies sachant qu’au départ,
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suicide, souvent en sortie de réanimation
ou pour des pathologies aiguës où des
idées suicidaires sont prévalantes.
L'efficacité repose sur une certaine compliance aux soins dans le cadre d'un
contrat de soins qui leur sera présenté et
qui impliquera aussi l’entourage médical
et les tiers référents.
Le premier temps de l'hospitalisation est
consacré à l’évaluation de l’état psychique et somatique ainsi qu'à un bilan
social. Ensuite un traitement sera planifié qui associera, en synergie, tous les
acteurs de soins. On recherchera également une alliance thérapeutique avec les
familles, le but étant de constituer un
espace tiers qui permettrait la médiation
d’un certain nombre de crises familiales.
Parallèlement un groupe de parents sera
mis en place, groupe ouvert même aux
parents dont les jeunes ne sont pas pris
en charge dans le centre.
on pensait créer un centre indépendant à
proximité de la clinique. En définitive,
le projet a été un peu plus ambitieux et
nous a permis de restructurer complètement l’établissement et de faire un vaste
ensemble d'à peu près 3 000 m2 sur
4 niveaux avec création d'une salle
de restaurant, d'une nouvelle cuisine,
un circuit accueil/admission/prise en
charge, des espaces d’activité et une balnéothérapie.
UN PROJET MÉDICAL AXÉ SUR LA
PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS
DANS UN CONTEXTE LOURD
Le projet thérapeutique est centré sur une
prise en charge intensive de très brève
durée, la DMS devrait être d'environ
15 jours pour des jeunes de 14 à 22 ans
dont l'admission se fera essentiellement
pour la majorité après une tentative de
Très rapidement, il faudra déterminer les
modalités optimales de suivi extérieur et
faire un travail de liaison avec le réseau
d'aval aussi bien public, qu'associatif,
que libéral.
UN PROJET ADOSSÉ À UNE ÉQUIPE
MÉDICALE IMPORTANTE ET STRUCTURÉE
L’équipe de soins est une équipe importante et structurée, pluridisciplinaire,
conforme aux recommandations de la
DHOS d'avril 2002 et qui sera motivée
et cohérente, chacun portant individuellement une part du cadre thérapeutique.
La synergie des acteurs de soins est favorisée et affinée bien sûr par le travail
quotidien et des réunions de réflexion.
De même, un travail de liaison important sera fait avec les acteurs externes.
Pour conclure, je dirais que l’on se sent
souvent seul et peu accompagné sur la
durée d’une telle entreprise malgré un
certain nombre d'encouragements. Le
processus de mise en place est délicat car
jusqu’à présent l’ouverture du secteur
sanitaire infanto-juvénile était difficilement accessible au privé. Néanmoins, ce
type de réalisation reste possible sous
quelques conditions :
- rester opiniâtres
- croire fermement à l’impact de son projet de soins
- communiquer cette foi du charbonnier
à ceux qui vous accompagnent. ■
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Rencontres des cliniques psychiatriques privées
ANOREXIE MENTALE
Docteur Françoise GALINON
Clinique Castelviel - Castelmaurou
Avec le temps et les confrontations cliniques, psychiatres et somaticiens sont
tombés d’accord sur certains indices de
gravité.
• Quand l’IMC est en dessous de 15, le
traitement ne peut pas être une simple
reprise de poids ; il faut évaluer et
considérer la dimension de passage à
l’acte ou d’acting out que représente la
conduite addictive pour cette patiente,
dans cette famille.
L’Anorexie mentale de la jeune fille n’a
pas cessé de faire couler de l’encre et
poser des questions.
Questions sur les canons de la Mode, et
la maigreur des mannequins des années
60/80.
Questions sur les modèles que nous donnons à nos enfants.
• Pathologie de la transmission intergénérationnelle, sur l’évolution de la
société, la famille, l’adolescence, ou les
valeurs de l’âge adulte…
• Pathologie aussi des moments de transition : entre deux époques, deux âges de
la vie - comme l’enfance et l’âge adulte.
Rappelons Sainte Catherine de Sienne au
moment du grand schisme des Églises
d’Orient et d’Occident ou encore les descriptions de l’Anorexia nervosa des
grands cliniciens du XIXème siècle, en
pleine révolution industrielle.
• Pathologie complexe entre toutes, car
l’intrication physique et psychique est
toujours à reconsidérer au cas par cas et
selon le moment de l’évolution et de la
conscience des troubles.
Les réponses se nuancent sur des indices
que chaque discipline médicale réinterprète ensuite dans la spécificité du soin
qu’elle prodigue. Il faut parler de l’IMC
et de la courbe de poids.
• Quand l’IMC est en dessous de 15, il
faut travailler de concert : des semaines
et des mois de psychothérapie institutionnelle sont alors nécessaires avec des
équipes pluridisciplinaires pour recoller les morceaux du roman familial,
reconstituer ceux qui manquent, et
réécrire deux histoires, celle de la
patiente et celle de sa famille.
• Parallèlement, le suivi médecin psychiatre doit tenir compte des dégâts physiques et physiologiques et travailler de
concert avec les milieux spécialisés dans
les troubles de la nutrition. Les courbes
de poids, les auto évaluations du catabolisme pendant l’hospitalisation en
psychiatrie sont des instruments de
choix.
• Certaines décompensations sont évidentes, d’autres sont soudaines et
d’autres enfin sont infra-cliniques. Ces
dernières soulèvent en ce moment toute
notre attention, elles semblent être la
source de maladies orphelines qui se
déclarent 5 ou 10 ans plus tard quand la
patiente a oublié son anorexie. Quand
elle se croit sauvée, elle retombe dans
l’enfer d’une maladie incurable et invalidante.
Coordonner le travail des équipes de
soins pose la question de l’accès aux
soins et de la place de la psychiatrie libérale dans sa région.
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• Le psychiatre doit souligner son souci
de maintenir à chaque instant une
double lecture des symptômes pour éviter l’instrumentalisation du malade ou
de sa maladie.
• Nous sommes tous traversés par le
siècle et la société de consommation.
Même derrière les murs des cliniques
ou des hôpitaux psychiatriques arrivent
leurs particules élémentaires.
• La psychiatrie restera-t-elle le refuge du
sujet en détresse et le gardien du droit
d’asile qu’elle a été par le passé dans
des périodes tourmentées ?
• La question d’aujourd’hui se resserre
autour de la pratique de l’hospitalisation dans le privé.
LE PRIVÉ PEUT - IL ÊTRE UN REMÈDE,
UN LIEU PRIVILÉGIÉ POUR SOIGNER
CETTE PATHOLOGIE SI PARTICULIÈRE
QUE REPRÉSENTE L’ANOREXIE MENTALE ?
Quelques mots de notre expérience à
Castelviel.
Depuis que la clinique existe, il y a toujours eu une dizaine d’anorexiques ou de
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
boulimiques vomisseuses mais depuis
janvier 2000 les listes d’attente et le
nombre de patients hospitalisés n’a fait
qu’augmenter.
Aujourd’hui, nous avons 20 lits (sur 125)
réservés pour cette pathologie. Soit environ 5 patients pour 2 infirmières réparties en 3 services sur le même étage.
Nous n’avons pas voulu créer une unité
au sens strict sachant le désir d’individuation des patients, leurs difficultés particulières.
Mais nous avons été obligés de rapprocher les services pour créer une unité de
soins, une régulation du travail des
équipes pluridisciplinaires et une formation permanente pour les infirmières. La
charge que ces malades représentent
pour les équipes nécessite un soutien
permanent sur le plan psychologique et
psycho dynamique.
L’hospitalisation à Castelviel se déroule
en 4 temps :
• Le premier n’est pas le moindre : c’est
l’appel téléphonique - pas toujours
facile à canaliser et qui est pris en
charge par la surveillante de l’établissement.
• Le second est celui de la pré-admission.
C’est un moment de bilan, un rendezvous pour la patiente et sa famille.
L’entretien est fait par le psychiatre qui
suivra le patient pendant son séjour en
clinique.
• Le troisième est celui de l’hospitalisation. Celle-ci est le plus souvent longue.
Au moins trois mois, mais bien souvent
six mois, un an. Il peut y avoir des ruptures de séjour et des retours en famille.
• Le quatrième est le plus difficile à
déterminer : c’est celui de la sortie définitive. Il se prépare tout au long de
l’hospitalisation. Il pose la question du
suivi en ambulatoire tant sur le plan
somatique que sur le plan psychothéra-
pique. Certaines patientes dès la sortie
arrêtent les soins.
L’exposé vient souligner la pertinence et
la place de la pratique libérale en général et en institution privée en particulier.
• En quoi faisons nous mieux ou plus
facilement que nos confrères du public?
• Je relèverai trois points : la taille des établissements, la souplesse du fonctionnement libéral, le libre choix du patient .
Les cliniques sont restées de taille
humaine et sont encore dans de grands
parcs selon des normes imposées lors de
leurs constructions. Les hôpitaux sont
souvent trop grands (secteur) ou trop
petits (CHU), il n’y fait pas bon vivre et
le ré-apprentissage de l’existence y est
difficile tant pour les patients que pour
les soignants pour faire exister le soin.
La clinique privée représente une
alternative à la vie sociale pour ces
patients assez jeunes et encore très
insérés.
L’hospitalisation devient un temps critique de psychothérapie institutionnelle,
une expérience de vie autrement.
Mais ce n’est pas un black out dans un
monde confiné hors du temps, une désocialisation qui rend la sortie encore plus
problématique et difficile à réussir.
Par ailleurs les patient côtoyés, même
s’ils souffrent de troubles aigus ou très
graves, ont gardé un climat de bonne
insertion sociale autour d’eux.
La souplesse des horaires de travail
des médecins, qui en tant que libéraux
sont libres de leur emploi du temps, permet des rendez-vous familiaux quand
tout le monde peut se libérer.
La souplesse du système de soins libéral soutient le libre choix du patient
qui peut venir consulter ou demander un
avis et être hospitalisé à l’autre bout du
pays. Il faut souligner que dans certains
cas d’anorexie, l’éloignement familial est
à envisager et à prescrire.
L’hospitalisation privée n’a pas de secteur, il n’y a pas de continuum entre le
dedans et le dehors. Faut-il en conclure
qu’il n’y a pas de suivi ? - Non, mais il
doit ou s’articuler à un travail de liaison
à réinventer pour chaque cas, ou accepter de rester le lieu d’une mémoire cryptée et le patient viendra peut-être un jour
vérifier que l’on ne l’a pas oublié. ■
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Rencontres des cliniques psychiatriques privées
LE CENTRE D’ACCUEIL DE JOUR
DU MONT DUPLAN
Denis Reynaud
Clinique du Mont Duplan – Nîmes
Avant d’exposer l’expérimentation du
Centre d’Accueil de Jour du Mont
Duplan, je voudrais «tordre le cou» au
concept d’alternative tel que nous l’utilisons fréquemment dans nos débats.
Lorsque nous cherchons à innover dans
le domaine des prises en charge en psy-
chiatrie, ce n’est pas dans le but de
trouver une solution de remplacement
à l’hospitalisation complète mais bien
de proposer un complément de prise en
charge du patient, complément destiné
à parfaire les résultats obtenus lors de
l’hospitalisation complète. Je propose
donc que soit désormais banni à jamais
de notre vocabulaire ce terme d’alternative, employé improprement pour
désigner en fait de nouvelles prises en
charge qui n’ont aucun caractère alternatif mais visent à permettre un accompagnement plus complet du patient tant
en amont qu’en aval de la période de
crise qui justifie l’hospitalisation complète.
Notre présentation d’aujourd’hui s’inscrit dans la réponse au besoin de réadaptation/réinsertion des patients atteints de
pathologies psychiatriques et plus particulièrement à la problématique de la
prise en charge des patients psychotiques
puisqu’ils représentent plus de 50 % des
patients suivis dans le Centre d’Accueil
de Jour du Mont Duplan.
Nous avons pris la décision de nommer
notre CATTP, Centre d’Accueil de Jour
pour le différencier des prises en charge
de ce type existant dans l’hôpital public.
En effet, et c’est là un des aspects de
cette innovation, le Centre d’Accueil de
Jour du Mont Duplan est l’un des premiers développés dans le secteur de la
psychiatrie privée. Le très récent rapport
au Comité Consultatif de Santé Mentale
attribue en priorité la compétence en
matière de réponse au besoin de réadaptation/réinsertion aux professionnels du
champ sanitaire spécialisé en psychiatrie
sans pour autant d’ailleurs proposer
d’ouvrir cette compétence au secteur
commercial privé.
Historiquement, l’agglomération nîmoise
qui regroupe plus de 200 000 personnes
est relativement peu dotée en prise en
charge alternative. Seul le CHU de
Caremeau a développé un CATTP qui
accueille une file active d’environ
130 patients. Or, le département du Gard,
comme d’ailleurs l’ensemble de la région
Languedoc-Roussillon ont une originalité
dans l’offre de soins en psychiatrie
adulte : une forte représentation du secteur privé qui représente près de 50 % de
l’ensemble des lits installés alors que la
moyenne nationale est de 13 %.
C’est cette spécificité qui est en partie à
l’origine de la décision de la Direction de
l’ARH Languedoc-Rousillon de consacrer
en 1999 une part importante du Fonds
Régional d’Aide à la Contractualisation
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Rencontres des cliniques psychiatriques privées
(FRAC) à l’expérimentation, dans plusieurs cliniques privées de la région, de
différents projets de coopération entre les
secteurs public et privé. Un appel à projet
lancé en juin 1999 devait déboucher sur
la création de 6 expérimentations :
– 3 d’entre elles portaient sur l’installation de lits « d’urgence de 2ème rang »
– 3 d’entre elles portaient sur la création
d’activités de jour et post cure.
Toutes ces expérimentations devaient
mettre en place une coopération constatée par une convention entre les établissements gestionnaires de secteurs de
psychiatrie publique et l’établissement
privé concerné.
Du point de vue des établissements privés, nous soulignerons que cet appel à
projet a été vécu à la fois comme une
opportunité de travail en réseau avec le
secteur public et comme une première
« brèche » dans le mur législatif et réglementaire qui exclut le secteur psychiatrique privé du développement des
alternatives à l’hospitalisation privée et
de la prise en charge psychiatrique d’urgence.
En effet, même si les discriminations à
l’égard du secteur privé nous font quelquefois douter de la volonté gouvernementale de maintenir la coexistence des
deux secteurs, nous restons des partisans inconditionnels du libre choix du
patient, libre choix que certains décrets
et arrêtés ont sérieusement mis à mal.
Cette création d’un Centre d’Accueil de
Jour est avant tout pour nos patients une
réelle opportunité de pouvoir bénéficier
d’un type de prise en charge qui leur
était, de fait, très difficile voire inaccessible.
C’est en novembre 1999, après réponse
à l’appel d’offre et réalisation en urgence
des travaux nécessaires à l’aménagement
de locaux spécifiques exigés par l’ARH
et des embauches nécessaires au fonctionnement du Centre que nous avons pu
démarrer cette expérience pour laquelle
nous avions obtenu un financement
d’un an.
Le projet faisait alors référence à quatre
objectifs de prise en charge :
– Préparer la réinsertion de patients en
fin d’hospitalisation
– Assurer le suivi de patients qui ont
besoin d’un accompagnement
– Éviter la ré hospitalisation de patients
menacés de rechute
– Préparer certaines hospitalisations
complètes
Et à quatre objectifs institutionnels :
– Diminuer la DMS de l’établissement
– Diminuer le taux de ré hospitalisation
– Créer sur le département une unité
d’alternative privée
– Développer la coopération avec
d’autres établissements
L’équipe chargée de mener à bien cette
expérimentation est constituée de deux
médecins psychiatres libéraux, une ergothérapeute à plein temps, un infirmier à
plein temps, un musico thérapeute à
temps partiel, l’ensemble disposant en
outre des ressources de la Clinique
puisque les locaux, distincts de ceux de
la Clinique et spécifiquement aménagés
pour cette activité, sont néanmoins installés dans l’enceinte de celle-ci.
Le Centre d’Accueil de Jour, sur le plan
thérapeutique, s’inscrit dans la volonté de
briser le risque de chronicisation de la prise
en charge en hospitalisation classique,
risque résultant de l’apparition d’une
carence relationnelle à la sortie de l’institution et décrit dans le schéma ci-contre.
L’objectif du Centre d’Accueil de Jour
est de pallier cette carence relationnelle
observée lors de sortie sans accompagnement. Nous le verrons, toute la difficulté
résidera ensuite dans la gestion de la relation soignant soigné et notamment dans
la capacité à la calquer sur les conditions
de vie habituelle dans la société.
24
Dés le départ, le fonctionnement du
Centre est défini dans une petite brochure
envoyée à l’ensemble des psychiatres et
généralistes de la région nîmoise. Cette
brochure indique quelle est la population
visée, le mode de prise en charge et le
fonctionnement du Centre.
Financé sur un principe de budget global,
le mode de prise en charge ne prévoit
aucune facturation au patient pendant la
période expérimentale d’un an.
Le fonctionnement prévoit les modalités
d’admission suivante :
L’admission d’un patient ne peut se faire
que sur demande d’un médecin (généraliste ou médecin traitant) adressée à l’un
des deux psychiatres en charge du Centre.
Cette demande est suivie d’un premier
entretien au cours duquel le patient rencontrera les médecins et les membres de
l’équipe soignante.
Cet entretien se termine par une synthèse
d’accueil qui définit l’objectif de la prise
en charge, le programme de séances pour
une première période d’un mois avant que
ne soit décidé si le patient continuera sur
un rythme qui lui est propre, en auto prescription, ou s’il est souhaitable de prévoir
ou même « d’imposer » un rythme plus
régulier. Tout au long de son programme
de venue dans le Centre le patient continue à être suivi par son médecin traitant
qui gère notamment sa chimiothérapie.
Chaque venue est obligatoirement d’une
durée minimale de deux heures mais
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
ments privés aux alternatives à l’hospitalisation complète et d’essayer de
concrétiser ainsi la réalité du libre
choix du patient dans tous les domaines
de la prise en charge psychiatrique.
Aujourd’hui, les problèmes sont en passe
d’être résolus, bien que, à l’heure où
nous écrivons ces lignes, l’établissement
soit encore en phase expérimentale sur
une DMT spécifique.
peut à l’inverse s’étendre à la journée et
le centre est ouvert du mardi au samedi
de 9 h à 12h et de 13h à 17h.
En octobre 2000, après un an de fonctionnement, nous faisions le premier
bilan de cette expérience, bilan que l’on
peut qualifier de globalement très positif
par rapport aux objectifs institutionnels.
En effet, l’année de mise en route correspond à une file active de 48 patients
pour un total de plus de 1300 venues.
Sur un échantillon représentatif de
22 patients pour lequel nous avons eu
accès au dossier administratif sur plusieurs années, nous avons pu constater
que depuis l’ouverture du Centre les
patients suivis par le Centre ont eu
2.5 fois moins de jours d’hospitalisation
qu’auparavant.
Pour ce qui est du travail en réseau, le
Centre collabore avec les médecins psychiatres de la Clinique du Mont Duplan
et d’autres établissements de Nîmes.
Cette collaboration s’est également mise
en place au niveau institutionnel avec le
CHU (service de psychiatrie B, hôpital
de Jour, et différents CMP), avec le
Centre Logos (structure pour toxicomanes), le CHAA (centre d’alcoologie),
la Clinique des Sophoras.
Il est important de souligner que dès la
date du 1er novembre 2000, se pose le
problème de la poursuite de l’expérimentation : le Fonds Régional d’Aide à
la Contractualisation étant supprimé et il
n’est donc pas question qu’il participe
d’une quelconque façon à la pérennisation éventuelle de l’expérience.
Cependant nous avons décidé de maintenir, sans budget spécifique, le fonctionnement du Centre, le temps pour
l’administration régionale de régler le
délicat problème de trouver une solution
administrative à la pérennisation d’activités en limite des autorisations en
matière de psychiatrie privée.
Cette volonté de persévérance dans le
développement de cette expérimentation
résulte de plusieurs facteurs :
• Le succès rencontré auprès des patients
par la structure, doublé de leur inquiétude manifeste et explicite quant à leur
devenir en cas de fermeture du Centre
d’Accueil de Jour.
• La certitude que ce type de prise en
charge s’inscrit efficacement dans la
prise en charge globale de ces patients
psychotiques, et le désir de continuer à
développer une collaboration inter établissements encore balbutiante afin
d’aboutir à terme à la création d’un
réseau.
• La volonté affichée de l’ARH de trouver une solution à la pérennisation de
ces expérimentations qui sont d’ailleurs
inscrites dans le projet du SROS psychiatrie du Languedoc-Roussillon.
• La volonté commune de plusieurs dirigeants d’établissements privés de
rendre définitif l’accès des établisse-
25
Les obstacles sont nombreux et vont de
la résistance au changement d’une partie de notre profession qui conçoit le
secteur de la psychiatrie privé comme
un secteur à protéger de toute concurrence, à la réflexion globale portant sur
la redéfinition de la politique de sectorisation suite au rapport Piel et Roelandt
et à la décision de la Direction des
Hôpitaux et de l’Organisation des Soins
de modifier les décrets réglementant
l’accès aux alternatives pour les établissements privés.
Avant de présenter les bénéfices et les
difficultés inhérents à cette prise en
charge, nous vous présenterons rapidement quelques statistiques permettant
de mieux appréhender l’activité du
Centre.
Sur le plan nosologique nous avions
ouvert le Centre à toutes les pathologies
dans la mesure où le patient ne se trouve
pas en période de crise aiguë nécessitant
une hospitalisation complète.
Trois ans d’exercice nous permettent de
constater que les malades psychotiques,
principalement des schizophrènes, représentent à eux seuls plus de 50 % de la
file active, le reste se répartissant entre
les troubles de la personnalité (addiction,
névrose…), quelques démences séniles
(2 cas) et troubles organiques (1 cas).
La file active a repris sa croissance
depuis quelques mois car tant que l’incertitude sur l’avenir du projet n’était
pas levée nous avons préféré ne pas
recruter davantage. Elle est aujourd’hui
de 90 patients, dont 26 % en « post hospitalisation » de la Clinique, 29 % appartiennent à la file active de la Clinique
mais n’ont pas été hospitalisés dans les
trois mois précédant leur première
venue au Centre, 28 % nous ont été
adressés par le CHU et 16 % proviennent d’autres institutions et de la médecine de ville.
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
Nous avons pu constater une certaine
lenteur dans l’utilisation de l’accueil de
jour par le tissu régional de soins (structures publiques, psychiatres libéraux,
médecins généralistes, autres structures…) bien que la participation et le
nombre de venues par rapport aux objectifs fixés soient satisfaisants.
nous considérons d’abord comme le fait
de la pathologie (65 % ont une pathologie psychotique).
Nos principales difficultés, en dehors de
la remise en cause éventuelle de l’existence même du Centre, résultent bien
évidemment de la difficulté de créer le
Provenance des patients
plus d’un an
19%
1 venue
32%
de 3 mois
un an
12%
moins de 3 mois
37 %
En moyenne, un patient vient au Centre
une fois par quinzaine, avec des rythmes
pouvant aller d’une seule venue dans
l’année à plus de 50.
La période de traitement peut elle aussi
varier de façon importante, d’une journée, lorsque le patient n’adhère pas au
projet, à plusieurs mois voire plusieurs
années. Notons toutefois qu’une très
grande majorité, près de 70 %, a une
période de traitement inférieure à 3 mois.
Toutefois, avec une présence supérieure
à un an et un nombre de venue moyen
supérieur à 100, environ 20 % de la file
active peut être considéré comme relativement «chronicisé», chronicisation que
contexte relationnel nécessaire à l’équilibre de nos patients et permettant de
gérer leur sortie de l’environnement thérapeutique.
difficile pour l’instant de connaître la
qualité et la réalité de leur réinsertion, ni
même si leur départ du Centre correspond réellement à la disparition du
besoin d’accompagnement. Nous manquons à la fois de la possibilité de recueil
de l’information et du recul nécessaire à
ce type d’analyse.
Dans l’ensemble, les activités thérapeutiques proposées par le Centre constituent les principaux médiateurs entre
le patient et le soignant. Elles permettent
la revalorisation, la confiance en soi,
la convivialité, l’ouverture sur des
expériences nouvelles mais elles restent
souvent insuffisantes pour reconstruire
réellement l’autonomie du patient dans
ses relations à autrui.
Ce qui doit différencier le patient hospitalisé du patient pris en charge dans le
Centre est avant tout son rapport au soin :
le patient hospitalisé est plutôt en situation de recevoir un soin prodigué par
l’équipe, alors que le patient du Centre
est plutôt en situation d’acteur, il prend
seul l’initiative de participer aux activités thérapeutiques. Dans les ateliers, il
décide librement de sa participation et de
ses réalisations.
En effet, on constate que le Centre crée des
relations d’une part entre les patients et
l’équipe de soins et d’autre part entre les
patients eux-mêmes et de ce point de vue
c’est déjà un succès. En revanche, pour
l’instant, le Centre n’a pas eu réellement
les moyens d’assurer, pour ses patients au
«long cours», une réelle réinsertion dans
la société, c’est-à-dire une insertion indépendante de l’environnement du Centre.
Pendant la période de prise en charge par
le Centre, le contact avec l’environnement extérieur des patients ainsi que les
liens médicaux sont maintenus : l’accueil
de jour ne vient pas se substituer aux
relations déjà mises en place mais les
conforte. Il est important de souligner ici
le fait que la multipolarité des soins est
un des facteurs de réussite de ce type de
prise en charge car elle permet de porter
un regard différent à l’évolution des
patients chroniques.
Quant à la majorité des patients dont le
séjour est inférieur à l’année, il nous est
Cette multipolarité des soins autorise chacun des intervenants à conserver son
26
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
approche thérapeutique mais en revanche
lui impose d’accepter et de reconnaître les
autres interventions et en final le conduit à
essayer de donner à l’ensemble une certaine homogénéité ou au moins une bonne
convergence. Le psychiatre référent demeure le psychiatre traitant habituel qui
poursuit la prise en charge psychothérapique et médicamenteuse hors urgence. Il
serait probablement souhaitable, dans le
développement de cette approche de
« multipolarité des soins », de créer la
fonction de « professionnel référent du
soin au long cours» telle qu’elle est suggérée dans le rapport déjà cité sur l’évolution des métiers en santé mentale.
Notons, dans nos résultats, l’échec de la
cure ambulatoire que nous pensions pouvoir aussi développer dans ce Centre,
notamment pour les sevrages et certains
traitements par perfusion.
En définitive nous pouvons dire que le
Centre d’Accueil de Jour est devenu
pour nos patients psychotiques un lieu de
référence dans le temps et dans l’espace.
Il a ses horaires fixes, sa délimitation
géographique, et propose plusieurs
cadres d’activités qui régissent son fonctionnement et alimentent ses réflexions.
Nous avons pu constater que les patients
testent régulièrement la solidité de cette
base et ce fut notamment le cas lorsque
nous avons dû envisager la fermeture du
Centre en août pour les congés d’été la
deuxième année. La fermeture fut annoncée dés le mois de mai et cette annonce
fut immédiatement génératrice d’inquiétudes, de craintes, voire même pour certains d’angoisses.
Ce thème fut l’objet de nombreux dialogues, de réassurances, et peu à peu
les appréhensions se sont estompées et
la fermeture est apparue comme un
phénomène de société. Alors qu’au
départ les congés n’étaient le fait que
du personnel du Centre, l’appropriation
de ce concept s’est faite progressivement par les patients qui pour certains
ont considéré que cette période était
aussi des vacances pour eux. Aucun
patient n’a été hospitalisé au cours de
cette coupure.
Sur le plan du fonctionnement du Centre,
nous avons encore beaucoup à apprendre
pour aboutir à ce qu’il permette une
meilleure intégration du patient dans
l’environnement de la cité. A ce sujet,
nous devons dire qu’il nous paraîtrait
opportun d’en développer la capacité
afin qu’une équipe soignante plus
importante permette la mise en place
d’activités hors des murs du Centre qui
conduiront les patients à la prise en
27
charge par eux-mêmes de la gestion de
leurs relations à autrui. En effet nos tentatives de sortie, en général très positives sur le plan relationnel pour nos
patients, se heurtent aux contraintes
d’encadrement et de fonctionnement du
Centre.
Pour conclure le récit de cette expérience
encore « balbutiante » dans ce type de
prise en charge, nous voudrions témoigner que celle-ci n’a été possible que
grâce à la persévérance de l’équipe du
Mont Duplan.
La ténacité de l’autorité de tutelle, qui
a recherché les textes qui permettent de
donner une véritable pérennité à l’expérience en définissant une discipline
médico-tarifaire spécifique à cette activité et une tarification de la « venue » au
Centre, nous a été d’un grand secours
même si par moment les lenteurs administratives nous ont un peu inquiétés.
La mise en place de cette discipline
médico-tarifaire est encore elle aussi
« une expérience » qui peut être remise
en cause en fonction des résultats et de
l’évolution législative ou réglementaire
mais elle représente à nos yeux, comme
à ceux de l’ARH, et à ceux de nos
patients, une réelle avancée dans le
domaine du libre choix du patient. ■
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
LA POSTCURE PSYCHIATRIQUE
Gilles Ricome
Clinique Rech – Montpellier
malades. Si la France, à la suite du
Canada et de l’Italie, continue à vider les
hôpitaux psychiatriques sans pour autant
permettre au Privé de développer ses
capacités d’accueil de court séjour, le
développement de la postcure sera le
meilleur moyen à la fois de répondre à
un réel besoin amplifié par la fermeture
des lits du Public et de permettre aux établissements qui le souhaitent un développement durable parallèle à leur
activité traditionnelle.
Je vais vous décrire une situation personnelle, faite sur Montpellier, de création d’un centre de soins de suite.
Nos cliniques d’hospitalisation complète
sont saturées et ne peuvent accueillir certains patients qu’il faudrait orienter vers
du moyen séjour afin de faciliter leur
réinsertion. Les rares établissements de
postcure spécialisés, les maisons de
retraite médicalisées, sont pour la plupart
saturés. Certains de nos malades peuvent
attendre jusqu’à 12 mois ou plus sur des
listes avant d’être accueillis dans des
organismes adaptés à leur situation qui
n’est plus du ressort de l’hospitalisation
en court séjour.
On constate aussi que ces établissements
sont généralement localisés loin des
centres urbains, or les familles souhaitent
de plus en plus souvent une médecine de
proximité.
Pour toutes ces raisons, l’hospitalisation
privée doit se positionner face à ce
besoin clairement identifié qui concerne
à la fois les jeunes ou même les personnes âgées qui, en aucun cas, ne doivent continuer à cohabiter avec les autres
En effet, nos établissements doivent se
développer pour réduire leurs charges.
Une activité de postcure doit permettre
des économies d’échelle pour tout ce qui
n’est pas du domaine du soin et donc du
normatif. Les embauches à temps partiel
sont toujours difficiles. Cette activité
complémentaire pourra permettre de
fidéliser, grâce à du temps plein, du personnel fragilisé par la précarité de son
emploi : ergothérapeute, musicothérapeute, diététicienne, éducateur, etc.
Bien entendu, la postcure ne répond pas
aux mêmes besoins en terme de structure
que l’hospitalisation traditionnelle.
L’environnement architectural doit être
ouvert vers l’extérieur, qu’il s’agisse
d’accueillir des jeunes ou même de
moins jeunes. N’étant pas soumis à des
soins lourds, ces malades doivent pouvoir aller et venir sans que leur chambre
soit leur seul univers. Les activités doivent pouvoir leur être proposées et il faut
repenser radicalement dans un projet
médical novateur l’encadrement de ces
patients par un accompagnement encore
plus personnalisé. La chambre individuelle, par exemple, doit devenir la règle.
La plupart du temps, les médecins seront
salariés. Il s’agira donc d’une tarification
«tout compris» dont on a un peu parlé ce
matin. Cela signifie la fin des honoraires
28
des psychiatres libéraux, c’est donc un
tournant important. Les infirmières, en
nombre restreint, seront remplacées par
des psychologues, assistantes sociales,
éducateurs spécialisés. La prise en
charge institutionnelle va remplacer l’environnement médicalisé. Dans cette
expérience à Rech, ayant en tête ce
besoin d’assurer l’accueil des patients en
postcure, notre démarche s’est développée sur deux axes : rechercher des lits et
établir un projet médical à partir d’une
cible précise. L’étude du schéma régional montrait que le secteur de Montpellier avait en priorité n° 4 l’injonction
de créer des capacités de soins de suite
par reconversion des lits de médecine du
secteur sanitaire et/ou par redéploiement
des capacités situées dans des secteurs
sanitaires excédentaires. La santé mentale constituait elle aussi une priorité
dans le secteur sanitaire. Ainsi est née
l’idée de se positionner sur les soins de
suite spécialisés en psychiatrie. Notre
démarche nous a amenés dans la région
des Pyrénées Orientales largement excédentaire en maisons de repos. Nous
avons donc pu acheter 40 lits après abattement de 25 % et obtenir leur transfert
et reconversion en lits de soins de suite
spécialisés en psychiatrie.
A qui s’adresse ce projet ? Nos médecins avaient fait le constat que de
nombreux jeunes de 18 à 30 ans,
pschotiques chroniques stabilisés,
devaient pouvoir bénéficier d’autres
structures qu’une hospitalisation complète, sans pour autant revenir dans
leur cadre de vie habituel, familial et
afin d’y faciliter leur réinsertion future.
Il s’agit donc de la prise en charge des
jeunes adultes en difficultés, présentant
des problèmes d’adaptation ou de
réadaptation socio-professionnels ou
de troubles de conduite alimentaires,
pour leur permettre d’effectuer une for-
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
mation universitaire ou professionnelle
à partir d’un milieu protégé. Ces
jeunes, s’ils ont acquis une certaine
stabilité, restent incapables de s’assumer de façon indépendante ou sont mal
tolérés dans leur milieu familial. Ce
type de structure, qui n’existe pas dans
la région, devra être innovant et intermédiaire entre l’hospitalisation en psychiatrie et les structures existantes
telles que les appartements thérapeutiques, les ateliers éducatifs. Cette
structure doit être le lieu de référence
du jeune adulte en souffrance pour qui
la capacité à supporter un cadre de référence est au centre du débat psychique,
du fait de son handicap.
La prise en charge doit être d’une
grande souplesse et présenter une cohérence forte qui doit servir de point de
répère au jeune adulte en difficultés.
Ces jeunes adultes étant souvent très
désorganisés, peu autonomes, loin des
contingences matérielles, il est nécessaire, dans le cadre de leur prise en
charge, d’assumer un rôle éducatif fort,
un encadrement structuré ainsi qu’un
soutien psychologique adapté. Cette
structure doit devenir le lieu ouvert sur
l’extérieur où pourront s’effectuer
séances de psychotérapie ou rencontres
avec des praticiens sur des thèmes spécifiques, boulimie, alcool, dépendance.
La structure doit permettre d’assurer
une prise en charge psychiatrique plus
souple qu’en hospitalisation, avec un
rôle modérateur du référent psychiatrique assisté par un infirmier assurant
la gestion des traitements. Les séjours
seront centrés sur la période de formation universitaire ou professionnelle,
l’apprentissage par exemple, pouvant
s’étaler sur la durée de celle-ci par
période de 9 mois à 1 an, éventuellement reconduite. L’accueil et la prise en
charge seront très personnalisés en fonction des besoins de chaque adulte et passeront par la détermination d’un projet
thérapeutique accepté par chacun. Les
différentes étapes feront l’objet d’une
évaluation des capacités d’autonomie et
29
d’une adaptation à la prise en charge
éducative, avec évaluation périodique
de celle-ci. La formation engagée fera
l’objet d’un tutorat spécifique par un
enseignant universitaire justifiant donc
d’un travail de coopération entre la
structure d’accueil et l’université ou le
centre de formation. La prise en charge
de ces jeunes adultes au sein de cette
structure passe par la mise en place de
moyens spécifiques en personnel
comme je vous l’ai dit plus haut. Pour
40 lits,7 à 8 éducateurs, 1 à 2 médecins
plein temps, 1 psychologue, 1 assistante
sociale, 5 IDE pour permettre d’en avoir
1 en permanence. Enfin, nous devons
passer un accord avec l’hôpital psychiatrique de Montpellier pour lui permettre
de placer certains de ces patients dans
cette structure.
Pour conclure, je dirais que nous devons
œuvrer pour que la postcure s’ouvre totalement au privé et ne reste pas le lot de
certaines expériences locales liées à telle
ou telle opportunité. ■
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
LA GÉRONTO-PSYCHIATRIE :
UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE
Didier Brun, Directeur
Clinique Saint-Antoine, Montarnaud (34)
Avec la collaboration du Dr Maurice Brun, Neuro-Psychiatre
et du Dr Isabelle Agounizera, pour la partie médicale.
La Psychiatrie de la Personne Agée est
un domaine d’apparition récente en
terme de problématiques sanitaire et
sociale. Elle n’est pas aujourd’hui reconnue comme une discipline à part entière.
Notre propos se limite volontairement
à la Géronto-Psychiatrie, qui relève
de notre discipline Psychiatrique. Nous
verrons ce qu’elle amène en terme
de réponse adaptée à des besoins de
santé.
Il apparaît, depuis de nombreuses
années, un flou dans ce que recouvre
cette notion.
Le groupe de travail DHOS/02 relatif aux
«Recommandations d’organisation et de
fonctionnement de l’offre de soins en psychiatrie pour répondre aux besoins de santé
mentale» a proposé dans l’annexe VI les
définitions des termes de Psycho-Gériatrie
et de Géronto-Psychiatrie.
Psycho-Gériatrie : «Prise en charge de la
souffrance psychique de la personne face
à son vieillissement, généralement dans un
contexte de vieillissement pathologique
(polypathologies, démences de type
Alzheimer et démences apparentées…).
Dans ce domaine la prise en charge
gériatrique est au premier plan ».
LA DÉMOGRAPHIE
Géronto-Psychiatrie : «Elle correspond
à la prise en charge psychiatrique de personnes âgées, qu’il s’agisse de pathologies mentales chroniques ou récentes, en
phase aiguë ou non.
Elle relève de la compétence de la
Psychiatrie ».
La Géronto-Psychiatrie relève
de la compétence de la Psychiatrie
« Les études montrent que d’ici à 2020,
sous l’effet conjugué de l’allongement
de l’espérance de vie et des tendances
de la fécondité, la France va vieillir.
On compte aujourd’hui 9 millions de
personnes âgées de 65 ans ou plus :
elles seront 13 millions en 2020, soit
40 % de plus et représenteront alors
20 % de la population contre 15 %
aujourd’hui. Le nombre de personnes
très âgées (85 ans et plus) va augmenter encore plus rapidement pendant la
période, passant de 1,2 million à
2,1 millions (+74%) ». (1)
Les services de l’État, que ce soient la
DATAR ou la DHOS, insistent sur cette
évolution démographique et sur les
Distinctions entre psycho-gériatrie et géronto-psychiatrie
DISCIPLINE
Points communs
Origine
Enjeux
Traitement
Psycho-GERIATRIE
Géronto-PSYCHIATRIE
La personne est âgée (+ de 65 ans)
Elle présente des troubles psychiatriques
associés le plus souvent à des troubles somatiques
Neurologique
Psychiatrique
il y a des lésions cérébrales généralement
origine fonctionnelle, éventuellement
irréversibles : démence d’Alzheimer,
sur un début d’affaiblissement
démence vasculaire…
intellectuel
Soulager le patient et sa famille
Soigner, Prévenir l’évolution vers la démence,
Retarder l’aggravation de son état
Réinsérer socialement le patient dans
son milieu de vie habituel
Adaptation d’un traitement de stabilisation
Traitements psychiatriques :
Adaptation de l’environnement
chimiothérapie, psychothérapie, rééducation
Traitements somatiques
(kiné, orthophonie, ergothérapie),
éventuellement ECT…
Traitements somatiques
30
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
conséquences en terme d’offre de soins
et de prévention pour cette population.
Il n’existe malheureusement pas, à notre
connaissance, d’étude épidémiologique permettant d’évaluer les besoins en terme de
structures de soins Géronto-Psychiatriques.
sence de ces maladies aiguës surajoutées.
Leur traitement constitue donc, dans bien
des cas, non seulement une action curative mais également une action préventive
de l’évolution précipitée vers la démence
et la dépendance qui est son corollaire.
Toutefois, notre propre expérience dans
l’Hérault, sur la zone d’influence de
l’établissement, nous conduit à estimer
que ce mode de prise en charge est
nécessaire, sur une année, à 1 % au
moins de la population de plus de 65 ans.
De plus, les personnes âgées présentent fréquemment, du fait de leur âge, des troubles
somatiques associés qui sont à prendre en
charge au cours de l’hospitalisation, en
parallèle aux troubles psychiatriques.
LE PATIENT
Les troubles psychiatriques fonctionnels
relevant de la Géronto-Psychiatrie ne
sont pas liés à des lésions cérébrales
mais à un dysfonctionnement du psychisme et évoluent de façon aiguë ou
subaiguë. Ce sont :
– les troubles dépressifs ou anxieux,
– les états névrotiques et réactionnels liés
à l’âge,
– les confusions mentales,
– les troubles délirants,
– les états de crise psychopathologiques
aigus,
– les décompensations d’états psychiatriques préexistant à l’âge adulte.
Ces troubles fonctionnels sont fréquents,
ils entraînent globalement de la souffrance
pour le malade et son entourage, et sont la
plupart du temps réversibles et curables.
Par ailleurs, ils peuvent se comporter
comme des facteurs de précipitation dans
l’évolution vers une démence quand ils
apparaissent chez des sujets vieillissants
déjà affaiblis intellectuellement, mais dont
l’affaiblissement aurait pu se stabiliser ou
progresser assez lentement pour ne jamais
atteindre le seuil de la démence en l’ab-
La Géronto-Psychiatrie
a une vocation curative mais
aussi préventive de l’évolution
précipitée vers la démence
LA GÉRONTO-PSYCHIATRIE : une disci-
La stratégie de la Clinique Saint Antoine
s’est délibérément écartée des pathologies d’origine organique (Alzheimer
notamment) justifiant une prise en
charge chronique pour s’adresser aux
personnes atteintes de troubles fonctionnels qui, dans la majorité des cas,
sont réversibles dès lors qu’ils sont diagnostiqués et traités rapidement. Ces
troubles fonctionnels n’ont souvent
aucun rapport avec un processus démentiel mais peuvent en constituer un facteur
aggravant.
L’établissement comporte :
- un service d’hospitalisation classique à
temps plein de 57 lits
- une unité de 5 lits spécialisée dans la
prise en charge de la personne âgée
dépressive ou suicidaire en période de
crise. Cette unité permet d’hospitaliser
avec un délai d’attente court, des personnes en état de crise psychopathologique aiguë, notamment suicidaire et de
leur éviter ainsi, sauf en cas de risque
somatique vital, un passage systématique aux urgences du CHU.
La prise en charge est globale, incluant
la dimension somatique. La mobilité
réduite de certains patients ainsi que les
autres handicaps, en particulier en début
d’hospitalisation, sont pris en compte.
La zone d’influence est essentiellement
centrée sur le secteur sanitaire de
Montpellier – Lodève et le département
de l’Hérault en général.
pline hospitalière à part entière
Le plateau technique
Exemple d’un établissement dont l’activité y est entièrement dédiée :
La Clinique Saint-Antoine (Hérault)
L’Établissement est divisé en 2 services :
une unité de 22 lits qui inclut le service
de crise de 5 lits et une unité de 40 lits.
La première accueille des patients nécessitant une prise en charge lourde, que
ce soit sur le plan psychiatrique ou sur le
plan somatique et également en terme
de dépendance. Tous les lits sont médicalisés, dont certains à hauteur variable
électrique. Une installation d’oxygénothérapie et de vide est présente à la tête
de chaque lit.
La seconde prend en charge des patients
dont les problèmes somatiques et de
dépendance sont en arrière plan.
Un poste d’Electro-Convulsivo-Thérapie
(ECT) voit son activité s’élever à près de
500 actes par an.
Les autres activités médico-techniques
(laboratoires, imagerie, explorations
fonctionnelles) sont sous-traitées à des
établissements voisins.
L’établissement
La Clinique Saint Antoine est un établissement de soins privé comportant
62 lits de psychiatrie à orientation
Géronto-Psychiatrique. Elle prend en
charge en courts séjours des patients psychiatriques âgés pour lesquels on peut
espérer une amélioration ou une guérison de leurs troubles et une réinsertion
dans leur milieu de vie habituel.
Il s’agit essentiellement de dépressions
sévères, d’états névrotiques ou réactionnels liés à l’âge, de troubles délirants, de
troubles confusionnels, de décompensations de psychoses chroniques vieillies,
de crises psychopathologiques aiguës.
31
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
Les professionnels impliqués
– Psychiatres à orientation géronto-psychiatrique également compétents en
médecine gériatrique ;
– Gériatres à temps plein, assurant une
présence 24h/24, anesthésistes (ECT),
cardiologues ;
– Infirmières et aides-soignantes formées
aux besoins spécifiques des personnes
âgées, tant au niveau somatique que
psychologique ;
– Psychologue et Orthophoniste-neuropsychologue, avec une fonction d’aide
au diagnostic et d’apport psychothérapique ;
– Kinésithérapeutes, pour lutter contre les
handicaps physiques, préserver l’autonomie et prévenir l’entrée en dépendance;
– Ergothérapeutes, rééducateurs des handicaps physiques ou cognitifs pouvant
affecter les actes de la vie courante ;
– Orthophoniste, thérapeute du langage et
de la communication, les déficits de ces
fonctions pouvant perturber les relations sociales, familiales et affectives ;
– Animateur, pour entretenir la vie sociale
et le plaisir d’agir et de partager.
d’un changement de statut de leur
domicile (domicile > maison de retraite
par ex.)
- 11 % sont hospitalisés suite à la survenance ou l’aggravation d’une pathologie somatique
Les 2 % restant constituent essentiellement des sorties contre avis médical.
Et ce, au terme d’une hospitalisation
d’une durée moyenne d’environ 40 jours.
On mesure ici la dimension curative et
préventive de la prise en charge.
La très grande majorité
des patients retrouve son milieu
de vie habituel à la sortie
Il y a donc probablement des besoins de
santé manifestement non satisfaits, engendrant une perte de chance pour les patients
qui relèveraient de cette discipline.
UNE DISCIPLINE MÉCONNUE OU MAL
CONNUE DES PROFESSIONNELS DE
SANTÉ
Les professionnels de terrain, médecins
généralistes, SIAD, EPAHD… ont souvent un manque de connaissance de la
distinction entre Géronto-Psychiatrie et
Psycho-Gériatrie et des modes de prises
en charge correspondants.
Cela conduit souvent, en simplifiant, au
scénario suivant :
Les thérapeutiques
L’objectif sera, non seulement de guérir
ou d’améliorer les maladies aiguës ou
chroniques qui surviennent de plus en
plus fréquemment, mais aussi d’éviter
leur conséquences sur l’adaptation du
sujet à son environnement.
Le traitement psychiatrique des maladies
tient compte du terrain de fragilité plus
grande de la vieillesse, des interactions
médicamenteuses liées à la polypathologie le plus souvent observée, et des effets
iatrogènes des médicaments.
La prévention des handicaps, en particulier par la rééducation, permet de diminuer ou de retarder le risque d’entrée en
dépendance.
Les aspects psychologique et social sont
pris en considération.
Les résultats (2)
Sur l’ensemble des patients admis pour
des troubles psychiatriques sévères à un
âge avancé en 2001, présentant en
moyenne 4.1 pathologies somatiques
associées, avec un tableau pouvant en
imposer pour un diagnostic (erroné) de
démence avérée :
- 75 % retournent à leur domicile ou
dans leur lieu de vie d’origine
- 12 % justifient, malgré l’amélioration,
On voit bien que cette prise en charge
requiert une organisation spécifiquement
dédiée qui en fait une discipline atypique
au sein de la psychiatrie.
Les charges supportées sont également
atypiques. Elles sont le fait de la présence de médecins gériatres, des équipements spécifiques et du recours à des
consommables « gériatriques », liés à la
polypathologie et aux handicaps momentanés.
Si elles sont reconnues comme justifiées
par l’ARH, la tarification, elle, n’en tient
pas réellement compte.
Le nombre d’établissements privés consacrés exclusivement à ce mode de prise en
charge semble très
limité. Dans le
Languedoc-Roussillon, nous sommes le
seul établissement à afficher clairement
cette discipline. Au plan national, la situation semble voisine, malgré l’existence de
quelques services hospitaliers dédiés.
32
Un patient âgé souffre d’une pathologie
psychiatrique fonctionnelle (par exemple
un état dépressif) sur un terrain d’affaiblissement intellectuel.
Il relèverait donc d’une prise en charge
géronto-psychiatrique en ambulatoire ou
en hospitalisation.
Le diagnostic est mal établi, le patient est
catalogué « dément, en début d’évolution » et on admet le caractère irréversible des troubles.
Il est donc traité comme un dément, à
son domicile ou dans sa maison de
retraite.
On adapte la prise en charge médicale,
infirmière et son environnement à cet
état. L’entourage se résigne.
Le patient, considéré comme « dément »
verra alors ses capacités intellectuelles se
dégrader d’autant plus rapidement
qu’elles seront inhibées par la dépression
non traitée, ce qui aboutira à une démentification authentique et rapide. Le pro-
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
Il prône l’intersectorialité ou la transectorialité, la mise en place de centres ressources, le développement de la recherche,
des publications et des formations dans ce
domaine.
Le Schéma de Services Collectifs
Sanitaires, (1) qui prépare les SROS de
3° génération, insiste sur l’importance
du dispositif de soins psychiatrique
privé et de sa complémentarité avec le
public et les acteurs sanitaires locaux. Il
fait de la prévention de la perte d’autonomie de la personne âgée un axe
majeur de la politique sanitaire et
sociale. Il insiste également sur la nécessité d’un repérage et d’un diagnostic
précoce, sur la continuité des soins et la
prise en charge globale.
Pour conclure, la Géronto-Psychiatrie
doit trouver sa juste place dans l’offre
sanitaire.
cessus initial aura alors joué un rôle de
facteur de précipitation et, paradoxalement, le diagnostic erroné du départ
paraîtra confirmé !
LA POLITIQUE DE SANTÉ PREND
MAINTENANT EN COMPTE CETTE PROBLÉMATIQUE
Depuis peu, on assiste à une prise de
conscience des pouvoirs publics qui font
bien la distinction entre les deux disciplines, apportant ainsi une certaine clarification.
Le SROS Santé Mentale du Languedoc
Roussillon (3) est très clair à ce sujet. Il
prône le recentrage de la Psychiatrie sur
le diagnostic et la prise en charge des
phases aiguës, l’amélioration de la
réponse aux urgences, la prévention du
suicide de la personne âgée, la réponse à
l’intrication entre les pathologies psychiatriques et somatiques.
La circulaire DHOS du 18 mars 2002, relative à l’amélioration de la filière de soins
gériatriques (4), constate que le dispositif
de soins est insuffisamment adapté aux
personnes âgées, elle insiste sur le rôle que
doit jouer la psychiatrie dans ce domaine.
Le groupe de travail DHOS/02 a établi en
mars 2002 «Les recommandations d’organisation et de fonctionnement de l’offre
de soins en psychiatrie pour répondre aux
besoins de santé mentale » (5).
Dans son annexe 6, relative aux personnes âgées, les définitions des notions
de psycho-gériatrie et de géronto-psychiatrie sont proposées. Concernant cette
dernière, qui nous intéresse, il met en
évidence la méconnaissance de la problématique, les difficultés des relations
entre les médecins traitants et les services de psychiatrie, la faiblesse du secteur concernant les personnes âgées non
préalablement connues de lui.
Elle est utile aux patients par sa dimension curative de la pathologie psychiatrique et ses effets préventifs d’une
entrée en état de dépendance.
A ce titre elle est également utile à la
Société en terme macro-économique.
Elle doit faire l’objet d’informations et
de formations auprès des professionnels
de terrain.
Elle nécessite une prise en charge pluri
dimensionnelle du patient (Psychiatrie,
neurologie, gériatrie, rééducations).
A l’instar de la Pédo-Psychiatrie, la
Géronto-Psychiatrie devrait à terme
devenir une spécialité reconnue en
tant que telle, sur la base d’un cahier
des charges précis.
Pour se développer au bénéfice des
patients, elle doit obtenir une reconnaissance tarifaire spécifique, permettant à certains établissements de
trouver une alternative à leur activité. ■
Bibliographie
1 – Schéma de Services Collectifs Sanitaires, DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale),
avril 2002
2 – Statistique d’activité 2001- Clinique Saint Antoine.
3 – Schéma Régional d’Organisation des Soins en Santé Mentale 2001-2006 – ARH Languedoc Roussillon – Novembre 2001
4 – Circulaire DHOS/O2/DGS/SDSD/n°2002/157, relative à l’amélioration de la filière de soins gériatriques – 18 mars 2002
5 – Recommandations d’organisation et de fonctionnement de l’offre de soins en psychiatrie pour répondre aux besoins de
santé mentale, Annexe 6 Santé mentale et personnes âgées.
Rapport du groupe de travail DHOS/02 mars 2002. Document présenté devant le comité consultatif de santé mentale
d’avril 2002
33
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
LA RÉHABILITATION PSYCHO-SOCIALE
Docteur Alain Nicolet
Clinique de Pen An Dalar – Guipavas
- les erreurs récurrentes dans sa stratégie
d’adaptation
- l’augmentation de sa dépendance matérielle, médicale, psychologique et sociale.
Il faut pouvoir engager avec lui une
période de rupture qui l’aide à retrouver
son autonomie, à ne plus subir son existence, mais à dominer ses choix, à
prendre des attitudes préventives...
Selon l'OMS, la réhabilitation psycho
sociale est l'ensemble des activités nécessaires pour assurer au patient une condition physique, mentale et sociale optimale
lui permettant d’occuper, par ses moyens
propres, une place aussi normale que possible dans la société.
« Aussi normale que possible » signifie
pour moi… retrouver le goût du bonheur.
Un grand nombre de ceux que nous
accueillons souffre de maladie chronique. L’idée que je développe est de les
aider à passer en quelque sorte d’un état
d’être souffrant dans leur maladie à un
état d’être vivant avec leur maladie. Car
nous pouvons faire mieux demain que
nous ne faisons aujourd’hui.
Cette période de rupture s’appuierait sur
la plate-forme de réhabilitation psycho
sociale constituée, par exemple, autour
d’un noyau soignant, du psychologue,
d’un infirmier ayant en charge un projet
que l’on aimerait appeler «regagner l’estime de soi». Ce projet comporterait plusieurs volets :
• l’aide aux familles et aux aidants
(tuteurs, assistants sociaux, etc.) sous la
forme de tables rondes sur les pathologies et les comportements
• l’entraînement aux habilités sociales
(affirmation de soi, présentation,
CV, intégration à la vie associative
locale…)
• la gestion du stress familial et social,
l’apprentissage du dialogue avec l’entourage et le milieu professionnel
Et le spectaculaire se situe dans le paradoxe qu’il est parfois plus aisé et moins
consommateur d’énergie de s’occuper
d’un patient dépressif profond que de la
réhabilitation d’un jeune en rupture avec
les repères affectifs et sociaux habituels.
QUI EST CE MALADE CHRONIQUE?
C’est un patient engagé dans un processus global psychologique familial et
social. Il vit dans sa maladie et distille
autour de lui sa souffrance personnelle.
Sa maladie primaire entraîne une pathologie psycho sociale secondaire par :
- la non-acceptation de la maladie et du
traitement (déni, révolte, projection)
- son isolement social, familial et
professionnel
- le découragement, les pertes d’initiatives,
la dépression, la chute des performances
34
• la prise en charge du corps (activité
physique, hygiène alimentaire), table
d’hôte
• l’insertion, c’est à dire l’externalisation
de l’établissement, avec relation aux
associations intermédiaires.
QUELS MOYENS ?
J’entrevois deux possibilités organisationnelles car ce type de prise en charge
doit s’effectuer soit en fin de séjour, soit
en « post cure ».
La première hypothèse
- Sur des lits existants d’hospitalisation
complète, la possibilité d’utiliser quelques
lits en lit de jour ou de nuit avec un programme thérapeutique établi sur une partie de la journée, quelques jours par
semaine
La seconde hypothèse
- En post cure, la possibilité de faire venir
les patients en externe avec une prise en
charge forfaitaire. Tout cela entraîne
donc une évolution des réglementations,
un partenariat en réseau avec l’ARH, les
conseils généraux, autour de contrat
État Région, contrat de ville… ■
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
DES MÉTHODOLOGIES
POUR LA MISE EN PLACE D’OUTILS
D’ÉVALUATION DES BESOINS DE SOINS
Docteur Philippe Cléry-Melin
Clinique du Château de Garches - Maison de santé de Bellevue - Meudon
usagers, aux réalités sanitaires et sociales,
aux enjeux économiques ? Comment
l’évaluer ? Quel système de référence utiliser pour juger de la qualité de ses résultats ?
Toute la difficulté de notre sujet est là :
sans références, la machine planificatrice
tournerait à vide. Des références, nous en
avons tous plein la tête. L’obstacle à
notre entreprise est que nous ne savons
pas les formaliser de manière suffisamment méthodique.
DEFINIR LA MÉTHODE ET PROPOSER
DES ORIENTATIONS
Dans la perspective proche du SROS de
troisième génération, planifier l’organisation du dispositif de soins en santé
mentale peut apparaître comme une délirante utopie ou une dangereuse paranoïa.
Comment prétendre organiser, c’est-àdire dessiner de l’extérieur du système
son architecture, quand il est bien difficile de maîtriser le moindre des paramètres qui le font se métamorphoser ?
Si la planification sanitaire entend véritablement imposer une forme au dispositif de soins, elle sera accusée de vouloir
en rigidifier les mouvements, de vouloir
brider le développement de toutes ses
potentialités. On le constate aujourd’hui
avec le mouvement de désinstitutionnalisation qui aboutit à la fermeture inconséquente des lits d’hospitalisation temps
plein.
Mais le discours anti-planificateur, qui
voudrait jeter la planification aux orties,
« laisser le vivant vivre sa vie », est aussi
une utopie. Les organisations livrées à
elles-mêmes finissent toujours par se
détourner de ce pour quoi elles sont
faites.
Au-delà du débat théorique opposant les
avantages et les inconvénients du dirigisme et du laisser-faire, la question vraiment importante est : comment apprécier
le bon fonctionnement d’une organisation
sanitaire, son adéquation aux besoins des
Le fonctionnement d’une organisation
sanitaire peut se mesurer selon deux systèmes de références :
- Le suivi transversal du déroulement des
actions de prévention, de soins et de
réadaptation pour une pathologie donnée : c’est ici la méthode des pathologies traceuses. Elle peut permettre en
psychiatrie d’apprécier la qualité des
articulations entre les domaines sanitaire et social.
Ces références particulières doivent être
constituées par consensus entre les différents professionnels de santé : il nous
manque encore le recueil systématique
d’un maximum de références particulières susceptibles de nous permettre de
juger l’organisation des prises en charge
du plus grand nombre de pathologies.
C’est dans le va et vient entre une
approche « macroscopique » utilisant
les références globales, et une approche
« microscopique » utilisant le système
des références particulières, que nous
serons en mesure de porter un jugement qualitatif sur notre dispositif de
soins.
Seul le décalage constaté par rapport aux
références nous indiquera les problèmes
sanitaires qu’il conviendra de résoudre.
Une démarche de planification pourra
alors vraiment commencer.
• Un système de références globales
Quels que soient les processus thérapeutiques choisis, un dispositif de soins en
santé mentale doit être articulé avec le
secteur social et satisfaire à un certain
nombre de grands objectifs.
Il doit pouvoir :
- s’adapter aux évolutions des pratiques
et des techniques
- optimiser ses ressources
- répondre aux besoins en soins de la
population
- favoriser l’accessibilité aux soins
- assurer la qualité des soins.
LE BESOIN DE SOINS EN SANTÉ MENTALE : CADRE DE RÉFÉRENCE
• Un système de références spécifiques
La prise en charge de certaines pathologies peut être en grande partie codifiée
dans ses aspects principaux à partir desquels peut se construire un système de
références particulières :
- l’examen de l’organisation des prises
en charge, pour une pathologie donnée,
en un point du dispositif de soins.
Ainsi, par exemple, l’accueil et la prise
en charge des tentatives de suicide,
l’organisation des cures de sevrage
pour les éthyliques, la prise en charge
des psychoses déficitaires…
La difficulté à laquelle nous nous trouvons d’abord confrontés est que, dans le
domaine de la santé mentale plus que
dans les autres disciplines médicales, la
« demande » peut être très différente du
« besoin ». Elle est d’ailleurs, contrairement aux idées reçues, généralement en
deçà du besoin. L’accès aux soins doit,
bien entendu, être équitable pour tous les
membres de la société qui en ont
«besoin» et se faire dans un souci d’économie de moyens. En outre, la prise en
charge des problèmes de santé mentale
implique une participation de tout le sys-
35
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
tème de santé, y compris le système de
soins primaire et le système de soutien
social.
La question de la demande de soins
en santé mentale
La demande de soins en psychiatrie est
l’aboutissement d’un cheminement complexe dans lequel interviennent de nombreuses variables personnelles et sociologiques et souvent d’autres soignants
qui œuvrent en amont.
Non seulement la conscience de ressentir une forme de souffrance de type
« maladie » ou même d’avoir un « problème de santé mentale» est variable suivant les classes sociales, mais elle est
aussi influencée par d’autres facteurs tels
que les opinions de l’entourage.
Vient ensuite l’attitude par rapport au système de soins. Pour formuler une demande
de soin, il ne suffit pas au sujet de concevoir qu’il a un problème, il lui faut également admettre que ce problème peut être
soigné. Or, nombreuses sont les personnes
qui pensent que les troubles de santé mentale sont incurables ou encore, à l’opposé,
qu’ils s’amélioreront d’eux-mêmes avec le
temps. Si la possibilité d’une amélioration
apportée par des soins est envisagée par le
demandeur, celui-ci devra ensuite prendre
la décision de s’adresser à un médecin
généraliste, à un psychologue ou, plus rarement, à un psychiatre.
La consultation faite auprès du médecin généraliste peut aboutir à un diagnostic psychiatrique. La personne est
alors soit prise en charge par le généraliste, ce qui est le cas le plus fréquent,
soit adressée au système de soin spécialisé, public ou privé, qui peut par la
suite renvoyer cette personne au généraliste pour son suivi.
Dans notre système, la personne peut
s’adresser directement à un psychiatre
ou à une consultation dans le système
public sans passer par le généraliste.
Parfois, cette même consultation ne
donne pas lieu à la reconnaissance du
diagnostic psychiatrique par le médecin
généraliste et, par conséquent, n’est pas
prise en charge. Cette reconnaissance
dépend en effet, elle aussi, de nombreux
facteurs comme le style d’entretien
(directif, centré sur les symptômes physiques), l’intérêt éprouvé par le praticien
pour le domaine de la psychiatrie, sa formation, la présentation du patient et sa
propre réticence à aborder ses problèmes
de santé mentale. À cela s’ajouteront les
problèmes d’accessibilité aux soins :
présence ou éloignement des spécialistes, listes d’attente parfois trop
longues…
Toutes ces notions doivent être
intégrées dans les mesures du besoin
puisqu’un problème qui n’est pas ressenti comme tel n’aboutira pas à une
demande. C’est pourquoi il est hautement souhaitable de proposer des
actions d’information et d’éducation
pour la santé, tant sur les symptômes
que sur leur possibilité de traitement,
plutôt que de mettre en place des offres
de prise en charge qui risquent de ne pas
être utilisées.
La question du retentissement
et de la gêne
La question du retentissement est un
concept charnière entre le symptôme et le
besoin de soin, dès lors que l’on considère que le besoin de soin est à la fois la
présence d’un trouble et un retentissement sur le fonctionnement dans la vie
quotidienne.
Le retentissement est en général fonctionnel mais il se manifeste souvent
significativement sur la sphère psychique : c’est la souffrance psychique.
Plus le trouble est sévère, plus le
retentissement est important, même si
le parallélisme n’est pas toujours évident.
Enfin, la notion de durée des symptômes
semble une composante clef dans la définition du besoin de soins ; dans une certaine mesure le besoin concerne les
troubles qui durent. La mesure de cette
notion de durée n’est toutefois pas évidente, car on manque d’études de suivi
en population générale avec groupe de
contrôle, qui permettraient de comparer
les différents traitements, notamment la
prise en charge dans le système de soins
primaire, en milieu spécialisé, et l’évolution sans traitement.
LA MESURE DES BESOINS INDIVIDUELS
Le prototype de la réponse aux besoins
de santé dans nos sociétés est celui de la
demande d’aide d’un individu. Dans le
modèle qui prévaut dans le contexte des
services sanitaires et sociaux, cette
demande donne lieu à une évaluation au
cours de laquelle le besoin ressenti par la
personne est mesuré par l’intervenant en
36
fonction de sa formation (médecin, infirmier, travailleur social, etc.) et de sa
conception des problèmes pour lesquels
son intervention peut aider. A partir de
cette évaluation, s’engage une négociation d’où découle un contrat thérapeutique sur les problèmes ciblés, les
interventions offertes et les résultats
attendus. Ce modèle se rapporte facilement aux notions de demande (besoin
exprimé), de ressources (offre de service)
et d’utilisation des services (résultat de
la négociation entre l’usager et les intervenants).
Pour la plupart des intervenants en santé
mentale, répondre aux besoins des usagers
ne représente rien de nouveau, les intervenants ont toujours tenu compte des besoins.
Il importe de préciser que le degré de
négociation entre l’intervenant et la personne peut varier et a évolué dans les dernières décennies. D’une relation à caractère
autocratique où l’intervenant dominait la
négociation avec ses connaissances et son
statut social, on évolue, sous la pression du
mouvement des consommateurs, vers une
ère de partage d’information sur la nature
de la condition, de l’impact des interventions et des alternatives. Dans le champ de
la réadaptation psychosociale, on se dirige
même d’une approche centrée sur les
besoins des usagers vers une approche
menée par les usagers.
Les procédures individuelles de mesure
des besoins offrent des méthodologies
qui n’excluent pas les différences de
point de vue et examinent de façon systématique les problématiques de santé
mentale et les interventions requises.
LES METHODOLOGIES DE MESURE DES
BESOINS DE SOINS EN SANTÉ MENTALE
Définition (Kovess, Lesage)
« Un besoin existe :
1) si une personne souffrant de maladie
mentale présente un problème significatif
dans les sphères cliniques ou sociales et
2) si une intervention thérapeutique ou
sociale peut réduire ou contenir le problème. »
Cette définition insiste sur la nécessité
d’avoir un problème de santé mentale
clairement identifié et « significatif »,
c’est-à-dire d’une certaine intensité et
susceptible d’une intervention efficace,
y compris dans le domaine social.
Rencontres des cliniques psychiatriques privées
Cette notion de besoins implique trois
niveaux :
- les problèmes liés à l’état de santé mentale ;
- les interventions pour améliorer ou
contenir cet état et ses conséquences ;
- la réponse aux besoins, c'est-à-dire
les ressources requises par ces interventions.
Cette définition implique donc clairement que la présence de problèmes de
santé mentale n’équivaut pas à un besoin
de santé mentale. De même, l’identification d’un volume d’intervention ou de
ressources n’équivaut pas à déclarer ces
derniers comme étant équivalents aux
besoins. En effet, tous les problèmes
n’ont pas une solution ; toutes les interventions ne sont pas justifiées.
pour s’assurer que chaque région dispose
des moyens pour offrir une gamme diversifiée de programmes en santé mentale, la
tâche du clinicien sera de fournir à son
patient les interventions requises, le proche
ou l’association d’apporter des conseils,
d’aider à retrouver une vie sociale.
Tous parlent de besoins en santé mentale, tous sont impliqués dans un système
qui cherche à définir et combler les
besoins en santé mentale.
L’évaluation des besoins de soins en
santé mentale
La nécessité d’évaluer les besoins de
soin en santé mentale tient à trois raisons
distinctes :
La mesure de ces états de santé mentale,
de ces interventions ou de ces ressources
n’équivaut donc pas à mesurer les
besoins, même s’ils représentent des
mesures essentielles pour y arriver, ou
même si parfois, à l’intérieur de certaines
balises, ils représentent des mesures indirectes des besoins.
La mesure des besoins en santé mentale d’une population
Les besoins d’une population représentent donc plus que la somme des besoins
individuels de santé mentale, car ils sont
définis également par la vision collective,
politique et culturelle de la santé mentale.
La réponse aux besoins d’un individu ne
peut se poser dans la seule vision d’une
motivation et d’une action de ce dernier,
mais aussi dans un contexte social et culturel qui influence la manière dont on
définit et l’on répond à ses besoins.
Les « vrais » besoins, la réponse à ces
derniers, ne se situent donc ni au niveau
strictement individuel, ni au niveau de la
population, mais dans une constante
mesure de l’un et l’autre pour faire émerger à leur rencontre la meilleure réponse
aux besoins définis selon ces perspectives.
La détermination des besoins et des priorités dans les besoins nécessite donc la
rencontre de la vision individuelle et de
la vision épidémiologique des besoins :
elle nécessite le point de vue complémentaire, parfois contradictoire des usagers, des proches, des intervenants, des
planificateurs et de la communauté.
La tâche du planificateur sera d’allouer
équitablement les ressources financières
- la désinstitutionnalisation qui a contribué à créer la recherche évaluative,
- les préoccupations croissantes de la
société et des gouvernements face aux
coûts engendrés par les services de santé
et les service sociaux, et à la nécessité
d’une plus grande rationalisation des ressources, tant par la planification que par
l'organisation des soins et des services.
- Enfin, les enquêtes épidémiologiques
des 20 dernières années, lesquelles ont
montré des taux importants de désordres
psychiatriques dans la population générale. Ces taux varient de 15 à 20 % selon
les critères retenus. Les désordres identifiés dans la communauté sont essentiellement représentés par les troubles
d’anxiété, de dépression et d’abus de
substance. Leur ampleur considérable
questionne sur les services disponibles
et sur les besoins de services qu’ils pourraient commander.
37
L’évaluation des besoins de soins en santé
mentale représente donc une tentative
d’estimer pour une population identifiée
les services requis. Une telle proposition
suggère une notion épidémiologique, celle
de taux de besoin dans une population
donnée, et une notion de recherche évaluative, l’estimation de la nature et de
l’ampleur des problèmes et les interventions requises.
Quel est le juste besoin de soins ? Un
ouvrage récent, fruit de travaux francoquébécois, développe une approche approfondie de cette problématique, au coeur
de toute démarche planificatrice (Kovess,
Lesage, et al, 2001). Un exposé quasiexhaustif de l’actualité de la question,
des registres à prendre en compte, des
étapes de son élaboration, et des différentes stratégies de conduite de cette planification y est effectué. Il apparaît que
si les problèmes des patients, leurs
besoins, sont fondamentalement les
mêmes, l’organisation des systèmes de
dispensation des interventions qui devra
en découler est, quant à elle, étroitement
dépendante des systèmes sociaux déjà en
vigueur dans chacun des pays concernés,
et pourra donc varier notablement.
Quels paramètres retiendra-t-on pour affirmer qu’existe, pour une personne donnée,
ce «besoin de soins» ? Ciarlo (1992) propose de définir des critères dans trois
registres : ceux du diagnostic, de la
détresse psychologique, et du retentissement fonctionnel. Selon la position du
sujet vis-à-vis de ces variables, et des
options retenues par le consensus sociétal,
on affirmera ou non ce besoin de soins.
Un instrument international, le NFCAS
(Needs For Care Assessment Schedule) a
été développé (Brewin and Wing, 1989)
pour faire support aux tentatives d’objectivation du besoin de soins (Kovess, 2000,
Wiersma, 1998). Il explore les différents
registres des besoins du patient, besoins
élémentaires, besoins sociaux, besoins de
soins de santé. Le NFCAS évalue 20 problèmes (9 problèmes cliniques, sur la base
d’évaluation standardisée, symptômes
psychotiques, négatifs, ou physiques, et 11
problèmes de fonctionnement social, habiletés sociales, gestion de la vie quotidienne). En regard de ces problèmes,
l’investigateur aura à statuer sur le besoin
de soin approprié. Un besoin existe si le
niveau de fonctionnement est, ou peut
devenir, inférieur à un niveau minimum
défini. Le besoin peut ne pas exister, ou