sur la maladie de Parkinson
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sur la maladie de Parkinson
Témoignage sur la maladie de Parkinson Dominique LE GUIDEC janvier 2011 Propos en 4 temps 1. Qu’est-ce que la maladie de Parkinson (théorie) ? définition l’évolution de la maladie les traitements vivre avec la maladie quelques chiffres 2. Un malade 3. Sa maladie 4. Quelques mots pour conclure 1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ? Définition La maladie de Parkinson doit son nom à Sir James Parkinson, médecin londonien qui l’a décrite le premier, en 1817. Cette affection neurologique chronique, d'origine encore inconnue, touche une petite structure cérébrale au sein de laquelle une population de cellules nerveuses est atteinte, les neurones dopaminergiques. Ces neurones fabriquent et utilisent de la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le contrôle des mouvements du corps, en particulier les mouvements automatiques (le clignement des yeux, la marche, certains gestes associés à la parole ...) Elle touche le plus communément les personnes autour de la soixantaine mais 10% des cas se révèlent avant l’âge de 50 ans. Elle n’est pas héréditaire mais il existe des formes familiales de la maladie. Au stade actuel de la recherche, on pense que la présence de certains gènes combinée à l’exposition à certains facteurs environnementaux pourrait induire ces formes familiales. Où siègent les lésions ? Dans la partie supérieure du tronc cérébral, en dessous du cerveau, se trouve une zone de petite dimension appelée substance noire qui contient les neurones dopaminergiques. Dans la maladie de Parkinson, certains de ces neurones sont touchés progressivement par un processus encore inconnu. En raison de cette disparition progressive, la fabrication de dopamine diminue puis n'est plus suffisante : surviennent alors des symptômes parkinsoniens. On estime que les premiers signes cliniques apparaissent quand plus de la moitié des neurones dopaminergiques de la « substance noire » est détruite, ce qui laisse penser que le vrai début de la maladie est plus précoce. 1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ? Quels sont les symptômes habituels ? Le syndrome parkinsonien est caractérisé par l’association de trois signes principaux : un tremblement de repos qui ne se manifeste que chez 2/3 des patients une raideur (ou rigidité, ou hypertonie) des muscles une lenteur des mouvements (akinésie) L’évolution de la maladie L’évolution de la maladie est très variable d’un patient à l’autre. Certains signes absents au début peuvent apparaître après plusieurs années : difficultés pour parler ou écrire, troubles de l'équilibre, difficultés de concentration …. Une première particularité de la maladie : la variabilité des symptômes d’un moment à l’autre ou d’un jour à l’autre. Une autre particularité : il n'y a pas une maladie de Parkinson, mais des maladies de Parkinson. Les symptômes, leur évolution et la réponse au traitement sont ainsi variables d'un malade à l'autre. Les traitements La maladie de Parkinson étant due à une insuffisance de dopamine, les médicaments permettent de traiter la maladie en palliant cette insuffisance. Les traitements médicamenteux La L-Dopa (précurseur de la dopamine) est le traitement de référence durant les premières années. Elle est très efficace et contrôle généralement bien les symptômes. Après un certain nombre d'années, elle peut être à l'origine de complications motrices (fluctuations d’effet et mouvements involontaires) 1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ? Les agonistes dopaminergiques : ce sont des substances qui miment l'action de la dopamine. Ils génèrent moins de complications motrices dans le temps que la L-Dopa mais ils peuvent entraîner des effets secondaires parfois gênants. Avec un traitement bien équilibré, adapté, le malade peut mener une vie presque normale. Mais il doit savoir qu'il ne lui suffit pas de se reposer sur le seul traitement médicamenteux. Le maintien des activités physiques, le travail sur la motricité (kinésithérapie, ergothérapie), sur la voix et l'écriture (orthophonie), à partir d’une certaine gêne, occupent une place importante. Ces activités complètent et renforcent l’effet du traitement médicamenteux. Traitement chirurgical Le traitement de la maladie de Parkinson (MPI) a bénéficié du développement des techniques de stimulation cérébrale profonde. Ces opérations sont maintenant réalisées dans une quinzaine d'hôpitaux en France. Les critères d’efficacité de cette neurochirurgie sont très stricts et concernent de l'ordre de 10% à 15% des patients, regroupant les formes dites “sévères” de la maladie. Comment vivre avec la maladie ? Le malade, mais aussi l’entourage appelé à jouer un rôle essentiel dans l’accompagnement du malade au quotidien, doivent apprendre à vivre avec la maladie et à en maîtriser au mieux les contraintes. Le respect de quelques conseils simples peut faciliter grandement la vie quotidienne du malade et de son entourage. Tout d'abord, le parkinsonien doit continuer, dans la mesure du possible, d'agir par lui-même. Sans présumer de ses forces, et en profitant des moments favorables dans la journée, il est important de maintenir une activité physique quotidienne. C'est aussi l'occasion d'exercer son potentiel respiratoire, et de faire travailler ses deux mains. 1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ? Si les gestes restent difficiles, une rééducation par la kinésithérapie obtient de très bons résultats. De même, en cas de difficulté à parler, une rééducation par l'orthophonie. Il convient de respecter rigoureusement les prescriptions du médecin, en particulier les horaires de prise de médicaments. Enfin, des états comme fatigue, anxiété, tristesse et dépression peuvent se manifester. Il est alors important d'éviter l'isolement et le repli sur soi. Conserver des projets, des centres d'intérêt, des activités, joue ainsi un rôle décisif dans le combat de la maladie. Quelques chiffres On estime à 4 millions le nombre de personnes affectées par la maladie de Parkinson. Chiffre fragile puisque dans de nombreux pays la prévalence (Calcul du nombre de personnes atteintes d'une certaine maladie à un moment donné dans une population donnée) est très relative. En Europe, le nombre de personnes atteintes est estimé à 1,6 % des personnes âgées de plus de 65 ans. En France, la maladie de Parkinson touche près de 100 000 personnes avec environ 8 000 nouveaux cas par an. En raison du vieillissement de la population mondiale, l'importance de la maladie de Parkinson comme problème de santé publique devrait s'accroître. 2. un malade Ce témoignage, sera sincère, sans langue de bois, le plus complet possible, en me préservant cependant. Je parlerai à la première personne, donc pas au nom de qui que ce soit, ni des malades, ni d’une association et serai prudent lorsque je généraliserai. J’ai essayé de ne pas tomber dans la sensiblerie et ai peut-être obtenu l’effet inverse, la froideur. Vous apprécierez. Cette introduction au débat ne sera « pas trop longue » mais que signifie court pour un intervenant et un auditoire ? Notre échelle du temps n’est pas la même, pas plus qu’elle n’est la même pour une personne en bonne santé et un malade atteint d’une pathologie incurable, un auditeur intéressé ou agacé, un malade optimiste ou pessimiste. 2. un malade Je m’appelle Dominique Le Guidec et suis né le 25 avril 1952. Je suis marié, papa et papy. Je travaillais dans une entreprise de construction et de réparation navale militaire ni plus ni moins dangereuse qu’une autre du domaine, où je suis rentré à 14 ans en tant qu’apprenti pour en sortir « en invalidité » à 55ans. Mes conditions de travail furent bonnes et j’y ai vécu une vie épanouissante avec des responsabilités syndicales et professionnelles. Enfin, je fus durant sept ans (2001 / 2008) adjoint aux maires de Lanester. La maladie de Parkinson frappe partout. J’ai des compagnons de souffrance qui sont médecin, ingénieur, notaire, technicien agricole, militaire, préparatrice en pharmacie, sans profession... Pour qualifier la maladie de Parkinson, permettez moi de citer Madame la ministre Bachelot qui, lors d’une remise de décoration à une personnalité de France Parkinson déclarait : « … la maladie de Parkinson, par les disjonctions qu’elle impose entre le geste et la volonté, par les raideurs qu’elle imprime au corps, est d’autant plus difficile à supporter qu’elle semble menacer la fluidité même de l’élan vital. Pour celui qui subit les atteintes de la maladie, tout se passe un peu comme si quelque force mécanique imposait son rythme à la vie et venait ainsi brider la spontanéité de ses mouvements. Il faut alors beaucoup de courage et même une sorte de sagesse pour résister à la colère, au déni, au repli sur soi. Mais c’est aussi parfois l’humour qui permet d’atténuer la gravité du mal dont on souffre… » A l’évidence la personne qui lui a écrit son discours connaissait le sujet en tout cas a trouvé les mots justes. 3. ma maladie Les symptômes de la maladie Il doit y avoir une vingtaine d’années : des sueurs nocturnes de la tète très abondantes ; des impatiences dans les deux jambes ; des moments de fatigue intense pouvant survenir n’importe quand ; des tremblements enfin le premier novembre 2000, précédés de quelques mois par de très légères douleurs en marchant. c’est aussi à ce moment que simultanément j’ai découvert ma sensibilité au vertige et au mal de mer, gènes que j’ignorais jusque là puis ce fut la peur de l’eau. je me souviens aussi, mais est-ce lié, de douleurs épisodiques très fortes dans la jambe gauche vers 18/20 ans qui disparurent au bout de deux ou trois ans L’annonce de la maladie Les premiers tremblements sont apparus le premier novembre 2000 vers 13h. Pourquoi si précis ? Parce qu’il y a des dates inoubliables. Bien que connaissant ma maladie, il me faudra 6 mois après le premier tremblement pour accepter d’entendre prononcer son nom « Parkinson » 9 lettres, 3 syllabes, des milliers d’heures de souffrance. Lorsque le généraliste, en avril 2001, manipule mon bras gauche et déclare «Tu as le syndrome de la roue dentée, tu dois être atteint de la maladie de Parkinson », je ne suis pas surpris mais ramasse quand même une bonne claque... Il y a des mots qui font peur, cependant comment annoncer à quelqu’un qu’il a la maladie de Parkinson sans employer « le » mot ? 3. ma maladie Je ne m’étais jamais renseigné sur Parkinson et étais resté avec le schéma des tremblements, image conforté par celle d’un vieux copain que j’avais vu trainer ses pieds et avancer à l’allure d’un escargot en étant parfaitement lucide. Mon ami était très vieux dans les années 80, environ 60 ans et moi j’avais 30 ans ! Hédoniste depuis longtemps, comment allais-je accepter cette souffrance ? En clair allais-je continuer à jouir de la vie où allaisje basculer vers le stoïcisme ? J’ai été dirigé vers un neurologue pour confirmation. Confirmation il y a eu et donc traitements. Les médicaments Les premiers médicaments, sans intérêt m’ont-ils semblé, permettent de commencer la démarche d’acceptation après avoir précisé que je n’ai jamais refusé la maladie. Elle était là, incurable, j’allais faire avec en énonçant, et ce n’est pas sans importance, que tout futur brutalement n’avait plus de sens, ce qui était idiot puisque cela fait presque dix années. Assez rapidement j’ai vu évoluer le traitement vers des choses plus lourdes s’adaptant à la progression de Parkinson. Les conséquences de ces médicaments et notamment des agonistes peuvent être lourdes. La maladie provoque parfois des hallucinations et les agonistes (substances qui viennent se fixer sur les récepteurs à la dopamine) peuvent être à l’origine ou renforcer des délires. Je n’en ai jamais eu et ne peut donc donner un avis sur ce point. Il y a eu pendant trois jours, ce devait être en 2003, une impression étrange de fermer ma porte de maison le soir et de la trouver ouverte le matin. Etait ce une hallucination ou avais réellement laissé ma porte ouverte ? Je n’en sais rien et c’est je seul cas. 3. ma maladie Je serais tenté de rajouter que si toutes les personnes persuadées d’avoir exécuté une tâche et ne l’ayant pas fait souffraient « d’hallucinations » nous vivrions dans un monde d’hallucinés ce qui est sans doute le cas mais pour d’autres raisons. Ces agonistes peuvent aussi conforter nos passions, nos travers, nos déviances ? Quel mot employer ? Pour ce qui me concerne : une frénésie de changement de voiture - cinq en sept ans - mais sans dépasser un montant de loyer que je m’étais fixé. une boulimie d’achats de revues automobiles. l’obtention de plaisirs immédiats rattachés notamment aux plaisirs de la table, ceux ci devant se rapprocher des envies de femmes enceintes. des achats de vin en quantité reteinte certes mais avec une cave un moment trop remplie Rien de grave donc. Une recherche de plaisirs terrestres, qu’il a fallu recadrer… Plus ennuyeux par contre sont les périodes de suractivité complètement folles où il faut travailler sans arrêt, sans arrêt dès 6H le matin jusqu’a X heures le soir la fatigue amenant, non le repos mais au contraire une volonté de faire encore jusqu’à ce que la machine casse et elle casse. Pour certains malades ces troubles peuvent devenir obsessionnels compulsifs qui, par définition associent des idées obsédantes et des actes répétitifs. Dans le langage courant, il s’agit de choses difficilement avouables… Le jeu et le sexe notamment. Le malade et son entourage doivent être prévenus par le neurologue afin de pouvoir déceler ces changements et arrêter alors le traitement. Les cures thermales Je viens d’en achever une à Ussat Les Bains, station familiale bien adaptée aux parkinsoniens. Efficacité ? Il est trop tôt pour le dire mais je pense que ce sera bon 3. ma maladie Emotions Les émotions accentuent la manifestation des signes de la maladie, il n’est donc pas possible à un Parkinsonien de cacher ses troubles souvent provoquées par les regards. Les tremblements montrent nos désarrois, nos plaisirs, nos inquiétudes, nos peurs… bref, nous sommes fragilisés car vulnérables puisque quelque part incapables de cacher nos sentiments ! C’est assez terrible de dire cela ! La démarche d’acceptation Deux ans me furent nécessaires avant de commencer chaque réunion que je présidais, du fait de mon mandat électif, par les propos suivants : « Mesdames et messieurs, j’ai deux particularités : Je tremble parce que je suis atteint de la maladie de Parkinson et je tutoie très facilement pour ne pas dire systématiquement ». Ceci limitait aux yeux des gens la vision du parkinsonien à une personne qui tremble. Or, c’est toute autre chose cette maladie mais bon c’était un premier pas. On peut donc considérer qu’il m’a fallu deux ans pour avouer publiquement ce que je commençais à appeler « mon handicap ». Et si je l’ai dit c’est parce que cela se voyait et que l’attaque est souvent plus profitable que de faire l’autruche. Pourquoi employer le mot « attaque » ? Parce que le regard des autres est souvent ressenti comme agressif. Homme public je fus, regardé tant au travers de réunions que j’animais, que des déplacements dans ma ville, que des rencontres diverses. 3. ma maladie Précision à ajouter : qu’est ce que la norme ? L'être humain édicte des normes précisant ce qui est normalement attendu et ce qui ne l'est pas. Ces normes varient fortement avec les époques, les individus et de manières plus générales les sociétés. Une caractéristique majeure des normes est qu’elle prescrit crée ou change certaines caractéristiques sociétales. De ce fait, pour qu'une norme, une règle de vie entre en vigueur dans une société, elle doit être acceptée par la majorité (loi du plus grand nombre) ou imposée par un pouvoir. En vivant hors de la norme l’individu s’expose à être rejeté par l'ensemble. Il se retrouve alors dans la marge ce qu’il faut assumer lorsque l’on ne s’y inscrit pas par provocation ou par choix éthique. En effet, dès qu'une personne n'entre pas dans un moule, le groupe, parfois de façon inconsciente, va la rejeter. Bien, tout individu hors la norme est regardé. Ce n’est pas en soi choquant. Un homme ou une femme très beau sont regardés, un homme ou une femme au corps disgracieux sont aussi regardés, un homme ou une femme dans la norme sont vus. La chanteuse Sinead O Connor s’était rasée. Elle assumait évidemment revendiquant ce crane lisse, tandis qu’une femme qui perd ses cheveux suite à une chimio par exemple, se sent atteinte dans son image, blessée par sa représentation et masquera autant que possible ce visage qu’elle refuse car il n’est plus « elle ». Les deux sont hors norme mais l’une a choisi, l’autre non. C’est toute la différence et elle est parfois démesurée. Les normes évoluent. Nous vivons à un instant T et comme notre monde est beaucoup basé sur l’apparence, il est difficile d’en faire fî. Or tomber, trembler, sont au moins des signes de vieillesse et vieillir est horrible à notre époque sauf à être sportif, voyageur, en forme, riche, consommateur, actif. 3. ma maladie Regards Les apaisants. Le plus beau que je connaisse est celui de ma petite fille qui vers cinq ans voyant mon bras trembler et se doutant bien que papy a quelque chose de pas rigolo, le caressait en me regardant d’un petit air malheureux puis, me voyant sourire, accentuait sa caresse et partait jouer, détendue de voir son papy vraisemblablement guéri puisque souriant. La curiosité malsaine Celui qui m’a fait le plus mal, fût celui porté par un « mal comprenant », traduit dans un langage plus connu par « con » lorsque je travaillais encore. Cet individu venait d’apprendre que j’étais malade et fixait mon bras sans arrêt lors d’un déjeuner au self, il voulait à tout prix le voir trembler. C’est drôle n’est ce pas un « sucreur de fraises …». Imaginez la contrainte durant une heure pour que cette saloperie appelée Parkinson reste « à la niche » en clair, je fis tout pour bloquer le tremblement de mon bras. Expérience oh combien douloureuse qui m’appris qu’un regard peut quelque fois démolir, parfois renforcer, renforcer la volonté de ne pas montrer son handicap à qui que ce soit. Celui qui détruit Je me trouvais dans un hôtel parisien et descendait vers huit heures prendre mon petit déjeuner et ce qui pouvait arriver arriva : la chute dans l’escalier. Un monsieur spontanément vient m’aider, stoppé par un ordre de son épouse « Tu ne vas pas relever un ivrogne ! » Le type, parfaitement dressé, me laisse. Abasourdi, atterré je remonte dans ma chambre pour récupérer de cette blessure puis prenant en compte la bêtise de cette femme je redescends, décidé à me la payer… Trop tard elle était partie. Cet épisode m’a profondément maqué. 3. ma maladie les attitudes Etrange, curieux, bizarre, incompréhensible, désarçonnant, sont des mots souvent employés lorsqu’est évoqué le parkinsonien. Je suis assez d’accord avec ces termes : bavarder en pleine forme apparente et en quelque secondes s’endormir sur sa chaise n’est pas banal ; cela m’arrive. s’apercevoir que brutalement je ne peux avancer mon pied pour marcher n’est pas courant ; cela m’arrive. être bien dans un groupe et puis soudain se lever pour aller marcher parce que brutalement la conversation devient sans intérêt peut désarçonner ; c’est mon cas. Alors certes, on apprend à tout maitriser. Les efforts sont payants mais le prix est lourd : l’épuisement pour un résultat qu’il convient d’apprécier. Et puis vient le temps ou l’esprit comprend, si j’ose dire, que le corps ne suivra plus l’esprit, qu’il décidera à son gré de trembler, de dormir, que cela devient incontrôlable, en clair que le match commence à être perdu. L’esprit comprend alors que l’inéluctable n’est pas un mot mais une réalité factuelle. Et pour ce qui me concerne, l’esprit comprend aussi qu’il n’est plus ce qu’il fut. Je ne suis plus celui d’avant c'est-à-dire celui d’il y a 10 ans certes, mais pas non plus celui d’il y a 6 mois. Cela change tout. Je suis dans cette nouvelle étape, sans aucun doute la plus dure intellectuellement, amenant non pas la colère - celle-ci est consommée depuis longtemps - mais la prise en compte de « Eh bien c’est cuit ce coup ci, je ne peux plus faire semblant ». Le pendant consiste à se dire : combien d’années me reste-t-il à vivre bien ? Peu ! Alors qu’on me laisse décider de ma vie maintenant et qu’on me foute la paix. » Bien des personnes vous diront : Eh bien quoi de plus naturel. 3. ma maladie Vos proches n’auront pas forcement cet avis car il leur faudra accepter, non pas tout et n’importe quoi, mais que vos priorités soient différentes bien qu’elles puissent apparaître à leurs yeux comme des futilités ou accepter que vous fassiez dans l’urgence des remises en question brutales. On change car, en fait, l’échéance fut elle imprécise raccourcit mon échelle de temps tandis que pour « les autres » elle reste la même, pas forcement plus longue dans l’absolu, mais inconnue donc pleine d’espoir. Le devenir Je l’ai dit plus haut, l’avenir n’a plus de sens : je ne vis pas au jour le jour, je vis le jour présent. J’ai un autre regard sur la vie. A mes yeux, je ne suis plus le même car conscient de mon état en évolution. Pour le travail, je ne suis plus le même car plus capable de travailler de longues heures, distrait, avec un pouvoir de concentration diminué. Pour la famille, je ne suis plus le même car parfois détaché relativisant beaucoup ce qui autrefois était justement important. Pour les amis, je ne suis plus le même. Sur ces deux derniers points, j’ai l’impression de souffrir d’une sorte d’anesthésie affective due aux médicaments, à la maladie, aux deux ? Je l’ignore mais c’est ainsi. Toute personne aimée qui souffre : je ne la vois pas. Je serai disponible pour un étranger en souffrance. J’ai décidé de favoriser ma vie tant que je pourrai le faire, ceci modifiant profondément mes choix puisque maintenant orientés sur moi dans le respect des autres du moins, je l’espère. 3. ma maladie Je n’accepte pas d’être déjà dépendant, accentuant une sorte de prise de risques : « je fais comme avant, tant pis pour l’épuisement, les douleurs ». Bien sûr il arrive que le corps ne suive pas. L’esprit lui reste vif. Cependant, et ce cependant apporte un élément majeur nouveau, une sorte de ras le bol de donner, de recevoir, de rencontrer... le début certainement d’une volonté d’isolement qui se traduit par un abandon de responsabilités prises dans des associations. Est-ce dû au fait que je ne veux plus faire ou que je ne peux plus ? je ne me pose pas la question car je ne fais plus ou de moins en moins. Par contre, je refuse de faiblir, de montrer mes souffrances par dignité ridicule peut-être mais surtout parce que un malade rapidement emmerde tout le monde. Vous savez, schématiquement, c’est quasiment toujours ainsi : - J’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as connu - Oh c’est terrible comme je te plains ! Puis plus tard, - j’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as connu - Tu nous l’as dis, sois courageux ; Puis encore plus tard, - j’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as connu - On a compris . Puis enfin, - j’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as connu - Qu’est ce qu’il nous emmerde ! 3. ma maladie J’ai enfin accepté d’être moi avec tout ce que cela comporte de nouveau : de normal au sens de « dans la norme actuelle » vers handicapé ; de bien portant vers souffrant physiquement et moralement ; de tonique vers fatigué ; de solide vers fragilisé ; de personne organisée et rigoureuse vers inconstant ; de confiant vers désabusé ; de volontaire vers lutteur ; de envie de vivre vers accepter de vivre ; d’altruiste vers égoïste ; Il reste : « Heureux de prendre, de donner, d’aimer», peut être d’ailleurs suis-je entrain de découvrir que cette phrase, je vais la conjuguer à l’imparfait et sans éprouver la moindre souffrance. Le détachement va vraisemblablement l’emporter. Des cons plein de suffisance vous diraient que vous atteignez la sagesse ; non vous atteignez autre chose, vos franchissez une porte à un seul sens, celui ou votre regard posé sur les autres et vousmême n’est pas un regard d’ennui mais de spectateur indifférent. Et pourtant, cette maladie m’a apporté de nouvelles rencontres dont certaines d’une richesse impensable. Alors certes pas « Pourvu que vous attrapiez cette saleté », ce serait de la haine à votre égard mais elle m’a permis des rencontres nouvelles, riches par définition, des moments forts, etc. Enfin, je ne me suis jamais rien interdit et donne l’illusion de vivre comme tout le monde. C’est un choix contraignant certes, mais qui me semble le bon puisqu’efficace sur le plan du moral. La maladie ne me faisait et ne me fait pas peur dans le sens ou je n’accepterai pas d’être grabataire ni même dépendant. 4. quelques mots pour conclure Souffrance « Tous les jours, on pense à sa santé ». En fait, on ne pense à celle-ci que lorsqu’elle est mauvaise, c'est-à-dire lorsque le corps ou la tête font souffrir. Dit autrement, « penser à sa santé », c’est penser à sa mauvaise santé, signifiant parfois, souffrance physique, souffrance mentale, souffrance morale. Il n’est pas rare hélas que l’on ait les trois en même temps et, dans le cadre des maladies neurologiques, c’est hélas banal. Souffrir de cette manière amène des changements comportementaux qui peuvent surprendre ceux qui vivent avec les malades. Les médicaments induisent aussi des troubles, des bizarreries. Dignité Qui que l’on soit, quelle que maladie que l’on ait, un malade doit être traité dignement, c'est-à-dire respecté pour ce qu’il est, autrement dit, un être humain avec une particularité « il souffre ». Alors, doit-on dire au malade de quoi il souffre ? Pour ma part, oui, c’est une question de dignité sinon on tombe dans l’infantilisme. Bien entendu, les aidants sont les premiers concernés et connaissent eux la souffrance morale terrible avec des conséquences pouvant être catastrophiques. Ceci étant précisé, c’est fou tout ce que l’on peut dire sur telle ou telle maladie parfois doctement lorsqu’on est en bonne santé autrement dit, du « bla-bla ». Il arrive même parfois qu’on explique au malade ce qu’il doit faire. C’est insupportable et à la limite du mépris que de lui dire qui il est, comment il doit être. C’est indigne. Cependant les aidants doivent être considérés particulièrement puisque ils veillent sur quelqu’un de proche, quelqu’un qu’ils aiment et qu’ils voient se dégrader, quelqu’un qu’ils soignent et qui malgré tout peut être dur. 4. quelques mots pour conclure Il est naturel qu’ils puissent être fatigués, qu’ils puissent en avoir marre, encore faut il qu’on le leur reconnaisse. Il est préférable de dire « Je suis fatiguée ; peut être faudrait-il envisager une admission provisoire dans une maison spécialisée, le temps de récupérer» plutôt que de se dire tous les matins « comment vais-je pouvoir le supporter ? ». Mais voilà pour les parkinsoniens, il n’y a rien de spécialisé ! Enfin l’aidant ne doit pas tout accepter en tout cas ni les paroles blessantes, ni les actes vexatoires. On parle beaucoup de maltraitance chez les malades, les personnes âgées, il y a de la maltraitance aussi chez les aidants. Enfin sur ce mot dignité : Que signifie mourir dans la dignité ceci impliquant à contrario que l’on peut mourir dans l’indignité? Est-ce indigne de se tordre de douleur, de ne plus être propre, de baver, de pleurer… ? Autre chose est de penser que mourir pourrait être un choix pour un malade qui ne veut pas vivre diminué. Il ne l’est que dans de mauvaises conditions. Optimisme C’est le mot le plus délicat. Il y aura des avancées importantes concernant cette maladie car elle frappe beaucoup de personnes et donc les laboratoires ont de l’argent à se faire. Après tout peu importe la méthode l’important sera le résultat. Solidarité Entre malades et aidants, il n’y a pas souvent le choix mais… par contre, la solidarité entre le malade et la société doit être organisée par l’Etat, j’ai envie de dire avec cynisme fort heureusement une société et donc un système politique sont jugés sur ce point ce qui a permis quand même quelques avancées. 4. quelques mots pour conclure Conclusion ? non. Réflexion ce jour ? oui Ce témoignage ne vaut que ce que vous voulez, Peut être pourriez vous retenir que Un parkinsonien souffre beaucoup qu’il le montre ou non, et tout le temps de l’éveil pouvant être très tôt au coucher et même pendant le sommeil car se retourner dans son lit est une épreuve. Ceci le conduit à des attitudes étonnantes. Il ne demande ni compréhension, ni plainte mais acceptation de ce qu’il est. Il a besoin de ses médicaments à heures régulières. Il est parfaitement lucide et assiste à sa déchéance physique pas en témoin mais en acteur impuissant de sa propre vie. Voilà, cela crée un être nouveau que l’on accepte ou que l’on rejette. Dans ce cas il faut le lui dire car il est capable de tout recevoir et tout sera moins lourd que ce qu’il vit. Il faut avoir à l’esprit le poids du mot INCURABLE Bien d’autres malades soufrent, bien des personnes souffrent. Oui mais aujourd’hui je parle des parkinsoniens. Voilà une manière de présenter le sujet. Il y en a d’autres. J’ai pensé que ces points étaient susceptibles de vous intéresser. Merci pour votre patiente attention. Et maintenant, quelles sont vos interrogations ? Annexe Hédoniste Les plaisirs de l'existence, multiples, varient selon les individus et selon leur éducation. Les penseurs hédonistes ont orienté leur vie en fonction de leurs dispositions propres, mais on retrouve des thèmes communs : l'amitié, la tendresse, la sexualité libre, les plaisirs de la table, la conversation, une vie constituée dans la recherche constante des plaisirs, un corps en bonne santé. On peut aussi trouver la noblesse d'âme, le savoir et les sciences en général, la lecture, la pratique des arts et des exercices physiques, le bien social... Dans le même temps, les douleurs et les déplaisirs à éviter sont les relations conflictuelles et la proximité des personnes sans intérêt notamment dans l’échange, le rabaissement et l'humilité, la soumission à un ordre imposé, la violence, les privations et les frustrations non justifiées. Ainsi, il n'y a pas d'hédonisme sans discipline personnelle, sans ascèse c'est à dire sans la pratique d’exercices auxquels s’astreint une personne pour son perfectionnement spirituel, sans connaissance de soi, du monde et des autres. Les fondations directes d'une philosophie hédoniste sont la curiosité et le goût pour l'existence d'une part, et d'autre part l'autonomie de pensée (et non la croyance), le savoir et l'expérience du réel (au lieu de la foi). La pensée hédoniste a été fermement combattue par les régimes autoritaires qu'ils soient religieux, philosophiques ou politiques. Beaucoup de philosophes hédonistes, ou ayant une conception qui s'en rapprochait, ont tenu des postures athées ou agnostiques, matérialistes, voire anarchistes, revendiquant la société socialiste libertaire comme la modalité politique de l'hédonisme. D'après Michel Onfray, l'hédonisme se résume par cette maxime de Chamfort : « Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà, je crois, toute la morale ». Annexe Stoïcien Le nom de Stoïcisme vient du grec Stoa poikilê, un portique de l’Agora à Athènes où les Stoïciens se réunissaient et enseignaient. Dans l'usage courant, on entend par stoïcisme une attitude caractérisée par l'indifférence à la douleur et le courage face aux difficultés de l'existence.