sur la maladie de Parkinson

Transcription

sur la maladie de Parkinson
Témoignage
sur la
maladie de
Parkinson
Dominique LE GUIDEC
janvier 2011
Propos en 4 temps
1. Qu’est-ce que la maladie de Parkinson
(théorie) ?

définition

l’évolution de la maladie

les traitements

vivre avec la maladie

quelques chiffres
2. Un malade
3. Sa maladie
4. Quelques mots pour conclure
1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ?
Définition
La maladie de Parkinson doit son nom à Sir James Parkinson,
médecin londonien qui l’a décrite le premier, en 1817. Cette
affection neurologique chronique, d'origine encore inconnue,
touche une petite structure cérébrale au sein de laquelle une
population de cellules nerveuses est atteinte, les neurones
dopaminergiques. Ces neurones fabriquent et utilisent de la
dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le contrôle des
mouvements du corps, en particulier les mouvements
automatiques (le clignement des yeux, la marche, certains
gestes associés à la parole ...)
Elle touche le plus communément les personnes autour de la
soixantaine mais 10% des cas se révèlent avant l’âge de 50 ans.
Elle n’est pas héréditaire mais il existe des formes familiales de
la maladie. Au stade actuel de la recherche, on pense que la
présence de certains gènes combinée à l’exposition à certains
facteurs environnementaux pourrait induire ces formes
familiales.
Où siègent les lésions ?
Dans la partie supérieure du tronc cérébral, en dessous du
cerveau, se trouve une zone de petite dimension appelée
substance noire qui contient les neurones dopaminergiques.
Dans la maladie de Parkinson, certains de ces neurones sont
touchés progressivement par un processus encore inconnu. En
raison de cette disparition progressive, la fabrication de
dopamine diminue puis n'est plus suffisante : surviennent alors
des symptômes parkinsoniens.
On estime que les premiers signes cliniques apparaissent
quand plus de la moitié des neurones dopaminergiques de la «
substance noire » est détruite, ce qui laisse penser que le vrai
début de la maladie est plus précoce.
1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ?
Quels sont les symptômes habituels ?
Le syndrome parkinsonien est caractérisé par l’association de
trois signes principaux :

un tremblement de repos qui ne se manifeste que chez
2/3 des patients

une raideur (ou rigidité, ou hypertonie) des muscles

une lenteur des mouvements (akinésie)
L’évolution de la maladie
L’évolution de la maladie est très variable d’un patient à l’autre.
Certains signes absents au début peuvent apparaître après
plusieurs années : difficultés pour parler ou écrire, troubles de
l'équilibre, difficultés de concentration ….
Une première particularité de la maladie : la variabilité des
symptômes d’un moment à l’autre ou d’un jour à l’autre.
Une autre particularité : il n'y a pas une maladie de
Parkinson, mais des maladies de Parkinson. Les
symptômes, leur évolution et la réponse au traitement sont
ainsi variables d'un malade à l'autre.
Les traitements
La maladie de Parkinson étant due à une insuffisance de
dopamine, les médicaments permettent de traiter la maladie en
palliant cette insuffisance.
Les traitements médicamenteux
La L-Dopa (précurseur de la dopamine) est le traitement de
référence durant les premières années. Elle est très efficace et
contrôle généralement bien les symptômes. Après un certain
nombre d'années, elle peut être à l'origine de complications
motrices (fluctuations d’effet et mouvements involontaires)
1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ?
Les agonistes dopaminergiques : ce sont des substances qui
miment l'action de la dopamine. Ils génèrent moins de
complications motrices dans le temps que la L-Dopa mais ils
peuvent entraîner des effets secondaires parfois gênants.
Avec un traitement bien équilibré, adapté, le malade peut mener
une vie presque normale. Mais il doit savoir qu'il ne lui suffit pas
de se reposer sur le seul traitement médicamenteux.
Le maintien des activités physiques, le travail sur la motricité
(kinésithérapie, ergothérapie), sur la voix et l'écriture
(orthophonie), à partir d’une certaine gêne, occupent une place
importante. Ces activités complètent et renforcent l’effet du
traitement médicamenteux.
Traitement chirurgical
Le traitement de la maladie de Parkinson (MPI) a bénéficié du
développement des techniques de stimulation cérébrale
profonde. Ces opérations sont maintenant réalisées dans une
quinzaine d'hôpitaux en France. Les critères d’efficacité de cette
neurochirurgie sont très stricts et concernent de l'ordre de 10% à
15% des patients, regroupant les formes dites “sévères” de la
maladie.
Comment vivre avec la maladie ?
Le malade, mais aussi l’entourage appelé à jouer un rôle essentiel
dans l’accompagnement du malade au quotidien, doivent
apprendre à vivre avec la maladie et à en maîtriser au mieux les
contraintes.
Le respect de quelques conseils simples peut faciliter grandement
la vie quotidienne du malade et de son entourage. Tout d'abord,
le parkinsonien doit continuer, dans la mesure du possible, d'agir
par lui-même. Sans présumer de ses forces, et en profitant des
moments favorables dans la journée, il est important de maintenir
une activité physique quotidienne. C'est aussi l'occasion d'exercer
son potentiel respiratoire, et de faire travailler ses deux mains.
1. qu’est-ce que la maladie de Parkinson ?
Si les gestes restent difficiles, une rééducation par la kinésithérapie
obtient de très bons résultats. De même, en cas de difficulté à parler,
une rééducation par l'orthophonie.
Il convient de respecter rigoureusement les prescriptions du médecin,
en particulier les horaires de prise de médicaments. Enfin, des états
comme fatigue, anxiété, tristesse et dépression peuvent se manifester. Il
est alors important d'éviter l'isolement et le repli sur soi. Conserver des
projets, des centres d'intérêt, des activités, joue ainsi un rôle décisif
dans le combat de la maladie.
Quelques chiffres

On estime à 4 millions le nombre de personnes affectées par la
maladie de Parkinson. Chiffre fragile puisque dans de
nombreux pays la prévalence (Calcul du nombre de personnes
atteintes d'une certaine maladie à un moment donné dans une
population donnée) est très relative.

En Europe, le nombre de personnes atteintes est estimé à 1,6
% des personnes âgées de plus de 65 ans.

En France, la maladie de Parkinson touche près de 100 000
personnes avec environ 8 000 nouveaux cas par an.

En raison du vieillissement de la population mondiale,
l'importance de la maladie de Parkinson comme problème de
santé publique devrait s'accroître.
2. un malade
Ce témoignage, sera
sincère, sans langue de bois, le plus complet
possible, en me préservant cependant.
Je parlerai à la première personne, donc pas au
nom de qui que ce soit, ni des malades, ni d’une
association et serai prudent lorsque je
généraliserai.
J’ai essayé de ne pas tomber dans la sensiblerie et
ai peut-être obtenu l’effet inverse, la froideur.
Vous apprécierez.
Cette introduction au débat ne sera « pas trop
longue » mais que signifie court pour un
intervenant et un auditoire ?
Notre échelle du temps n’est pas la même, pas
plus qu’elle n’est la même pour une personne en
bonne santé et un malade atteint d’une pathologie
incurable, un auditeur intéressé ou agacé, un
malade optimiste ou pessimiste.
2. un malade
Je m’appelle Dominique Le Guidec et suis né
le 25 avril 1952.
Je suis marié, papa et papy.
Je travaillais dans une entreprise de
construction et de réparation navale militaire
ni plus ni moins dangereuse qu’une autre du
domaine, où je suis rentré à 14 ans en tant
qu’apprenti pour en sortir « en invalidité » à
55ans. Mes conditions de travail furent bonnes
et j’y ai vécu une vie épanouissante avec des
responsabilités syndicales et professionnelles.
Enfin, je fus durant sept ans (2001 / 2008) adjoint aux maires de
Lanester.
La maladie de Parkinson frappe partout. J’ai des compagnons
de souffrance qui sont médecin, ingénieur, notaire, technicien
agricole, militaire, préparatrice en pharmacie, sans
profession...
Pour qualifier la maladie de Parkinson, permettez moi de citer
Madame la ministre Bachelot qui, lors d’une remise de
décoration à une personnalité de France Parkinson déclarait :
« … la maladie de Parkinson, par les disjonctions qu’elle
impose entre le geste et la volonté, par les raideurs qu’elle
imprime au corps, est d’autant plus difficile à supporter
qu’elle semble menacer la fluidité même de l’élan vital.
Pour celui qui subit les atteintes de la maladie, tout se passe
un peu comme si quelque force mécanique imposait son
rythme à la vie et venait ainsi brider la spontanéité de ses
mouvements.
Il faut alors beaucoup de courage et même une sorte de
sagesse pour résister à la colère, au déni, au repli sur soi.
Mais c’est aussi parfois l’humour qui permet d’atténuer la
gravité du mal dont on souffre… »
A l’évidence la personne qui lui a écrit son discours connaissait
le sujet en tout cas a trouvé les mots justes.
3. ma maladie
Les symptômes de la maladie
Il doit y avoir une vingtaine d’années :

des sueurs nocturnes de la tète très abondantes ;

des impatiences dans les deux jambes ;

des moments de fatigue intense pouvant survenir
n’importe quand ;

des tremblements enfin le premier novembre 2000,
précédés de quelques mois par de très légères
douleurs en marchant.

c’est aussi à ce moment que simultanément j’ai
découvert ma sensibilité au vertige et au mal de mer,
gènes que j’ignorais jusque là

puis ce fut la peur de l’eau.

je me souviens aussi, mais est-ce lié, de douleurs
épisodiques très fortes dans la jambe gauche vers
18/20 ans qui disparurent au bout de deux ou trois ans
L’annonce de la maladie
Les premiers tremblements sont apparus le premier novembre
2000 vers 13h. Pourquoi si précis ? Parce qu’il y a des dates
inoubliables.
Bien que connaissant ma maladie, il me faudra 6 mois après le
premier tremblement pour accepter d’entendre prononcer son
nom « Parkinson » 9 lettres, 3 syllabes, des milliers d’heures de
souffrance.
Lorsque le généraliste, en avril 2001, manipule mon bras
gauche et déclare «Tu as le syndrome de la roue dentée, tu dois
être atteint de la maladie de Parkinson », je ne suis pas surpris
mais ramasse quand même une bonne claque... Il y a des mots
qui font peur, cependant comment annoncer à quelqu’un qu’il a
la maladie de Parkinson sans employer « le » mot ?
3. ma maladie
Je ne m’étais jamais renseigné sur Parkinson et étais resté avec
le schéma des tremblements, image conforté par celle d’un
vieux copain que j’avais vu trainer ses pieds et avancer à
l’allure d’un escargot en étant parfaitement lucide. Mon ami
était très vieux dans les années 80, environ 60 ans et moi j’avais
30 ans !
Hédoniste depuis longtemps, comment allais-je accepter cette
souffrance ? En clair allais-je continuer à jouir de la vie où allaisje basculer vers le stoïcisme ?
J’ai été dirigé vers un neurologue pour confirmation.
Confirmation il y a eu et donc traitements.
Les médicaments
Les premiers médicaments, sans intérêt
m’ont-ils
semblé, permettent
de
commencer la démarche d’acceptation
après avoir précisé que je n’ai jamais
refusé la maladie.
Elle était là, incurable, j’allais faire avec en énonçant, et ce n’est
pas sans importance, que tout futur brutalement n’avait plus de
sens, ce qui était idiot puisque cela fait presque dix années.
Assez rapidement j’ai vu évoluer le traitement vers des choses
plus lourdes s’adaptant à la progression de Parkinson.
Les conséquences de ces médicaments et notamment des
agonistes peuvent être lourdes.
La maladie provoque parfois des hallucinations et les agonistes
(substances qui viennent se fixer sur les récepteurs à la
dopamine) peuvent être à l’origine ou renforcer des délires. Je
n’en ai jamais eu et ne peut donc donner un avis sur ce point.
Il y a eu pendant trois jours, ce devait être en 2003, une
impression étrange de fermer ma porte de maison le soir et de
la trouver ouverte le matin. Etait ce une hallucination ou avais
réellement laissé ma porte ouverte ? Je n’en sais rien et c’est je
seul cas.
3. ma maladie
Je serais tenté de rajouter que si toutes les personnes
persuadées d’avoir exécuté une tâche et ne l’ayant pas fait
souffraient « d’hallucinations » nous vivrions dans un monde
d’hallucinés ce qui est sans doute le cas mais pour d’autres
raisons.
Ces agonistes peuvent aussi conforter nos passions, nos
travers, nos déviances ? Quel mot employer ?
Pour ce qui me concerne :

une frénésie de changement de voiture - cinq en sept
ans - mais sans dépasser un montant de loyer que je
m’étais fixé.

une boulimie d’achats de revues automobiles.

l’obtention de plaisirs immédiats rattachés notamment
aux plaisirs de la table, ceux ci devant se rapprocher
des envies de femmes enceintes.

des achats de vin en quantité reteinte certes mais avec
une cave un moment trop remplie
Rien de grave donc. Une recherche de plaisirs terrestres, qu’il a
fallu recadrer…
Plus ennuyeux par contre sont les périodes de suractivité
complètement folles où il faut travailler sans arrêt, sans arrêt
dès 6H le matin jusqu’a X heures le soir la fatigue amenant, non
le repos mais au contraire une volonté de faire encore jusqu’à
ce que la machine casse et elle casse.
Pour certains malades ces troubles peuvent devenir
obsessionnels compulsifs qui, par définition associent des idées
obsédantes et des actes répétitifs. Dans le langage courant, il
s’agit de choses difficilement avouables… Le jeu et le sexe
notamment.
Le malade et son entourage doivent être prévenus par le
neurologue afin de pouvoir déceler ces changements et arrêter
alors le traitement.
Les cures thermales
Je viens d’en achever une à Ussat Les Bains, station
familiale bien adaptée aux parkinsoniens. Efficacité ? Il
est trop tôt pour le dire mais je pense que ce sera bon
3. ma maladie
Emotions
Les émotions accentuent la manifestation des signes de la
maladie, il n’est donc pas possible à un Parkinsonien de cacher
ses troubles souvent provoquées par les regards.
Les tremblements montrent nos désarrois, nos plaisirs, nos
inquiétudes, nos peurs… bref, nous sommes fragilisés car
vulnérables puisque quelque part incapables de cacher nos
sentiments !
C’est assez terrible de dire cela !
La démarche d’acceptation
Deux ans me furent nécessaires avant de commencer chaque
réunion que je présidais, du fait de mon mandat électif, par les
propos suivants :
« Mesdames et messieurs, j’ai deux particularités : Je tremble
parce que je suis atteint de la maladie de Parkinson et je tutoie
très facilement pour ne pas dire systématiquement ».
Ceci limitait aux yeux des gens la vision du parkinsonien à une
personne qui tremble. Or, c’est toute autre chose cette maladie
mais bon c’était un premier pas.
On peut donc considérer qu’il m’a fallu deux ans pour avouer
publiquement ce que je commençais à appeler « mon
handicap ».
Et si je l’ai dit c’est parce que cela se voyait et que l’attaque est
souvent plus profitable que de faire l’autruche.
Pourquoi employer le mot « attaque » ?
Parce que le regard des autres est souvent ressenti comme
agressif.
Homme public je fus, regardé tant au travers de réunions que
j’animais, que des déplacements dans ma ville, que des
rencontres diverses.
3. ma maladie
Précision à ajouter : qu’est ce que la norme ?
L'être humain édicte des normes précisant ce qui est
normalement attendu et ce qui ne l'est pas. Ces normes varient
fortement avec les époques, les individus et de manières plus
générales les sociétés.
Une caractéristique majeure des normes est qu’elle prescrit
crée ou change certaines caractéristiques sociétales. De ce fait,
pour qu'une norme, une règle de vie entre en vigueur dans une
société, elle doit être acceptée par la majorité (loi du plus
grand nombre) ou imposée par un pouvoir.
En vivant hors de la norme l’individu s’expose à être rejeté par
l'ensemble. Il se retrouve alors dans la marge ce qu’il faut
assumer lorsque l’on ne s’y inscrit pas par provocation ou par
choix éthique.
En effet, dès qu'une personne n'entre pas dans un moule, le
groupe, parfois de façon inconsciente, va la rejeter.
Bien, tout individu hors la norme est regardé. Ce n’est pas en
soi choquant. Un homme ou une femme très beau sont
regardés, un homme ou une femme au corps disgracieux sont
aussi regardés, un homme ou une femme dans la norme sont
vus.
La chanteuse Sinead O Connor s’était rasée. Elle assumait
évidemment revendiquant ce crane lisse, tandis qu’une femme
qui perd ses cheveux suite à une chimio par exemple, se sent
atteinte dans son image, blessée par sa représentation et
masquera autant que possible ce visage qu’elle refuse car il
n’est plus « elle ».
Les deux sont hors norme mais l’une a choisi, l’autre non.
C’est toute la différence et elle est parfois démesurée.
Les normes évoluent. Nous vivons à un instant T et comme notre
monde est beaucoup basé sur l’apparence, il est difficile d’en
faire fî.
Or tomber, trembler, sont au moins des signes de vieillesse et
vieillir est horrible à notre époque sauf à être sportif, voyageur,
en forme, riche, consommateur, actif.
3. ma maladie
Regards
Les apaisants.
Le plus beau que je connaisse est celui de ma
petite fille qui vers cinq ans voyant mon bras
trembler et se doutant bien que papy a
quelque chose de pas rigolo, le caressait en
me regardant d’un petit air malheureux puis,
me voyant sourire, accentuait sa caresse et partait jouer,
détendue de voir son papy vraisemblablement guéri puisque
souriant.
La curiosité malsaine
Celui qui m’a fait le plus mal, fût celui porté par un « mal
comprenant », traduit dans un langage plus connu par « con »
lorsque je travaillais encore. Cet individu venait d’apprendre
que j’étais malade et fixait mon bras sans arrêt lors d’un
déjeuner au self, il voulait à tout prix le voir trembler. C’est
drôle n’est ce pas un « sucreur de fraises …».
Imaginez la contrainte durant une heure pour que cette
saloperie appelée Parkinson reste « à la niche » en clair, je fis
tout pour bloquer le tremblement de mon bras.
Expérience oh combien douloureuse qui m’appris qu’un regard
peut quelque fois démolir, parfois renforcer, renforcer la
volonté de ne pas montrer son handicap à qui que ce soit.
Celui qui détruit
Je me trouvais dans un hôtel parisien et descendait vers huit
heures prendre mon petit déjeuner et ce qui pouvait arriver
arriva : la chute dans l’escalier. Un monsieur spontanément
vient m’aider, stoppé par un ordre de son épouse « Tu ne vas
pas relever un ivrogne ! »
Le type, parfaitement dressé, me laisse.
Abasourdi, atterré je remonte dans ma chambre pour récupérer
de cette blessure puis prenant en compte la bêtise de cette
femme je redescends, décidé à me la payer… Trop tard elle
était partie.
Cet épisode m’a profondément maqué.
3. ma maladie
les attitudes
Etrange, curieux, bizarre, incompréhensible, désarçonnant,
sont des mots souvent employés lorsqu’est évoqué le
parkinsonien.
Je suis assez d’accord avec ces termes :

bavarder en pleine forme apparente et en quelque
secondes s’endormir sur sa chaise n’est pas banal ;
cela m’arrive.

s’apercevoir que brutalement je ne peux avancer mon
pied pour marcher n’est pas courant ; cela m’arrive.

être bien dans un groupe et puis soudain se lever pour
aller marcher parce que brutalement la conversation
devient sans intérêt peut désarçonner ; c’est mon cas.
Alors certes, on apprend à tout maitriser. Les efforts sont
payants mais le prix est lourd : l’épuisement pour un résultat
qu’il convient d’apprécier.
Et puis vient le temps ou l’esprit comprend, si j’ose dire, que le
corps ne suivra plus l’esprit, qu’il décidera à son gré de
trembler, de dormir, que cela devient incontrôlable, en clair
que le match commence à être perdu. L’esprit comprend alors
que l’inéluctable n’est pas un mot mais une réalité factuelle.
Et pour ce qui me concerne, l’esprit comprend aussi qu’il n’est
plus ce qu’il fut. Je ne suis plus celui d’avant c'est-à-dire celui
d’il y a 10 ans certes, mais pas non plus celui d’il y a 6 mois.
Cela change tout.
Je suis dans cette nouvelle étape, sans aucun doute la plus dure
intellectuellement, amenant non pas la colère - celle-ci est
consommée depuis longtemps - mais la prise en compte
de « Eh bien c’est cuit ce coup ci, je ne peux plus faire
semblant ».
Le pendant consiste à se dire : combien d’années me reste-t-il à
vivre bien ? Peu ! Alors qu’on me laisse décider de ma vie
maintenant et qu’on me foute la paix. »
Bien des personnes vous diront : Eh bien quoi de plus naturel.
3. ma maladie
Vos proches n’auront pas forcement cet avis car il leur faudra
accepter, non pas tout et n’importe quoi, mais que vos priorités
soient différentes bien qu’elles puissent apparaître à leurs yeux
comme des futilités ou accepter que vous fassiez dans l’urgence
des remises en question brutales.
On change car, en fait, l’échéance fut elle imprécise raccourcit mon
échelle de temps tandis que pour « les autres » elle reste la même, pas
forcement plus longue dans l’absolu, mais inconnue donc pleine
d’espoir.
Le devenir
Je l’ai dit plus haut, l’avenir n’a plus de sens : je ne vis pas au
jour le jour, je vis le jour présent. J’ai un autre regard sur la vie.
A mes yeux, je ne suis plus le même car conscient de mon état
en évolution.
Pour le travail, je ne suis plus le même car plus capable de
travailler de longues heures, distrait, avec un pouvoir de
concentration diminué.
Pour la famille, je ne suis plus le même car parfois détaché
relativisant beaucoup ce qui autrefois était justement important.
Pour les amis, je ne suis plus le même.
Sur ces deux derniers points, j’ai l’impression de souffrir d’une
sorte d’anesthésie affective due aux médicaments, à la maladie,
aux deux ? Je l’ignore mais c’est ainsi.
Toute personne aimée qui souffre : je ne la vois pas.
Je serai disponible pour un étranger en souffrance.
J’ai décidé de favoriser ma vie tant que je pourrai le faire, ceci
modifiant profondément mes choix puisque maintenant orientés
sur moi dans le respect des autres du moins, je l’espère.
3. ma maladie
Je n’accepte pas d’être déjà dépendant, accentuant une sorte
de prise de risques : « je fais comme avant, tant pis pour
l’épuisement, les douleurs ».
Bien sûr il arrive que le corps ne suive pas.
L’esprit lui reste vif.
Cependant, et ce cependant apporte un élément majeur
nouveau, une sorte de ras le bol de donner, de recevoir, de
rencontrer... le début certainement d’une volonté d’isolement
qui se traduit par un abandon de responsabilités prises dans
des associations.
Est-ce dû au fait que je ne veux plus faire ou que je ne peux
plus ? je ne me pose pas la question car je ne fais plus ou de
moins en moins.
Par contre, je refuse de faiblir, de montrer mes souffrances par
dignité ridicule peut-être mais surtout parce que un malade
rapidement emmerde tout le monde.
Vous savez, schématiquement, c’est quasiment toujours ainsi :
- J’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as
connu
- Oh c’est terrible comme je te plains !
Puis plus tard,
- j’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as
connu
- Tu nous l’as dis, sois courageux ;
Puis encore plus tard,
- j’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as
connu
- On a compris .
Puis enfin,
- j’ai telle maladie grave et je ne suis plus celui que tu as
connu
- Qu’est ce qu’il nous emmerde !
3. ma maladie
J’ai enfin accepté d’être moi avec tout ce que cela
comporte de nouveau :

de normal au sens de « dans la norme actuelle » vers
handicapé ;

de bien portant vers souffrant physiquement et
moralement ;

de tonique vers fatigué ;

de solide vers fragilisé ;

de personne organisée et rigoureuse vers inconstant ;

de confiant vers désabusé ;

de volontaire vers lutteur ;

de envie de vivre vers accepter de vivre ;

d’altruiste vers égoïste ;
Il reste :
« Heureux de prendre, de donner, d’aimer», peut être d’ailleurs
suis-je entrain de découvrir que cette phrase, je vais la
conjuguer à l’imparfait et sans éprouver la moindre souffrance.
Le détachement va vraisemblablement l’emporter. Des cons
plein de suffisance vous diraient que vous atteignez la sagesse ;
non vous atteignez autre chose, vos franchissez une porte à un
seul sens, celui ou votre regard posé sur les autres et vousmême n’est pas un regard d’ennui mais de spectateur
indifférent.
Et pourtant, cette maladie m’a apporté de nouvelles rencontres
dont certaines d’une richesse impensable.
Alors certes pas « Pourvu que vous attrapiez cette saleté », ce
serait de la haine à votre égard mais elle m’a permis des
rencontres nouvelles, riches par définition, des moments forts,
etc.
Enfin, je ne me suis jamais rien interdit et donne l’illusion de
vivre comme tout le monde. C’est un choix contraignant certes,
mais qui me semble le bon puisqu’efficace sur le plan du moral.
La maladie ne me faisait et ne me fait pas peur dans le sens ou
je n’accepterai pas d’être grabataire ni même dépendant.
4. quelques mots pour conclure
Souffrance
« Tous les jours, on pense à sa santé ». En fait, on ne pense à
celle-ci que lorsqu’elle est mauvaise, c'est-à-dire lorsque le
corps ou la tête font souffrir.
Dit autrement, « penser à sa santé », c’est penser à sa mauvaise
santé, signifiant parfois, souffrance physique, souffrance
mentale, souffrance morale. Il n’est pas rare hélas que l’on ait
les trois en même temps et, dans le cadre des maladies
neurologiques, c’est hélas banal.
Souffrir de cette manière amène des changements
comportementaux qui peuvent surprendre ceux qui vivent avec
les malades. Les médicaments induisent aussi des troubles, des
bizarreries.
Dignité
Qui que l’on soit, quelle que maladie que l’on ait, un malade
doit être traité dignement, c'est-à-dire respecté pour ce qu’il
est, autrement dit, un être humain avec une particularité « il
souffre ».
Alors, doit-on dire au malade de quoi il souffre ? Pour ma part,
oui, c’est une question de dignité sinon on tombe dans
l’infantilisme.
Bien entendu, les aidants sont les premiers concernés et
connaissent eux la souffrance morale terrible avec des
conséquences pouvant être catastrophiques. Ceci étant précisé,
c’est fou tout ce que l’on peut dire sur telle ou telle maladie
parfois doctement lorsqu’on est en bonne santé autrement dit,
du « bla-bla ». Il arrive même parfois qu’on explique au malade
ce qu’il doit faire.
C’est insupportable et à la limite du mépris que de lui dire qui il
est, comment il doit être. C’est indigne.
Cependant les aidants doivent être considérés particulièrement
puisque ils veillent sur quelqu’un de proche, quelqu’un qu’ils
aiment et qu’ils voient se dégrader, quelqu’un qu’ils soignent et
qui malgré tout peut être dur.
4. quelques mots pour conclure
Il est naturel qu’ils puissent être fatigués, qu’ils puissent en
avoir marre, encore faut il qu’on le leur reconnaisse.
Il est préférable de dire « Je suis fatiguée ; peut être faudrait-il
envisager une admission provisoire dans une maison
spécialisée, le temps de récupérer» plutôt que de se dire tous
les matins « comment vais-je pouvoir le supporter ? ». Mais voilà
pour les parkinsoniens, il n’y a rien de spécialisé !
Enfin l’aidant ne doit pas tout accepter en tout cas ni les paroles
blessantes, ni les actes vexatoires. On parle beaucoup de
maltraitance chez les malades, les personnes âgées, il y a de la
maltraitance aussi chez les aidants.
Enfin sur ce mot dignité : Que signifie mourir dans la
dignité ceci impliquant à contrario que l’on peut mourir dans
l’indignité? Est-ce indigne de se tordre de douleur, de ne plus
être propre, de baver, de pleurer… ?
Autre chose est de penser que mourir pourrait être un choix
pour un malade qui ne veut pas vivre diminué. Il ne l’est que
dans de mauvaises conditions.
Optimisme
C’est le mot le plus délicat. Il y aura des avancées importantes
concernant cette maladie car elle frappe beaucoup de
personnes et donc les laboratoires ont de l’argent à se faire.
Après tout peu importe la méthode l’important sera le résultat.
Solidarité
Entre malades et aidants, il n’y a pas souvent le choix mais…
par contre, la solidarité entre le malade et la société doit être
organisée par l’Etat, j’ai envie de dire avec cynisme fort
heureusement une société et donc un système politique sont
jugés sur ce point ce qui a permis quand même quelques
avancées.
4. quelques mots pour conclure
Conclusion ? non.
Réflexion ce jour ? oui
Ce témoignage ne vaut que ce que vous voulez,
Peut être pourriez vous retenir que
Un parkinsonien souffre beaucoup qu’il le montre ou non, et
tout le temps de l’éveil pouvant être très tôt au coucher et
même pendant le sommeil car se retourner dans son lit est une
épreuve. Ceci le conduit à des attitudes étonnantes.
Il ne demande ni compréhension, ni plainte mais acceptation de
ce qu’il est.
Il a besoin de ses médicaments à heures régulières.
Il est parfaitement lucide et assiste à sa déchéance physique
pas en témoin mais en acteur impuissant de sa propre vie.
Voilà, cela crée un être nouveau que l’on accepte ou que l’on
rejette. Dans ce cas il faut le lui dire car il est capable de tout
recevoir et tout sera moins lourd que ce qu’il vit.
Il faut avoir à l’esprit le poids du mot INCURABLE
Bien d’autres malades soufrent, bien des personnes souffrent.
Oui mais aujourd’hui je parle des parkinsoniens.
Voilà une manière de présenter le sujet. Il y en a d’autres.
J’ai pensé que ces points étaient susceptibles de vous
intéresser.
Merci pour votre patiente attention.
Et maintenant, quelles sont vos interrogations ?
Annexe
Hédoniste
Les plaisirs de l'existence, multiples, varient
selon les individus et selon leur éducation. Les
penseurs hédonistes ont orienté leur vie en
fonction de leurs dispositions propres, mais on
retrouve des thèmes communs : l'amitié, la tendresse, la
sexualité libre, les plaisirs de la table, la conversation, une vie
constituée dans la recherche constante des plaisirs, un corps en
bonne santé. On peut aussi trouver la noblesse d'âme, le savoir
et les sciences en général, la lecture, la pratique des arts et des
exercices physiques, le bien social...
Dans le même temps, les douleurs et les déplaisirs à éviter sont
les relations conflictuelles et la proximité des personnes sans
intérêt notamment dans l’échange, le rabaissement et l'humilité,
la soumission à un ordre imposé, la violence, les privations et
les frustrations non justifiées.
Ainsi, il n'y a pas d'hédonisme sans discipline personnelle,
sans ascèse c'est à dire sans la pratique d’exercices auxquels
s’astreint une personne pour son perfectionnement spirituel,
sans connaissance de soi, du monde et des autres. Les
fondations directes d'une philosophie hédoniste sont la
curiosité et le goût pour l'existence d'une part, et d'autre part
l'autonomie de pensée (et non la croyance), le savoir et
l'expérience du réel (au lieu de la foi). La pensée hédoniste a
été fermement combattue par les régimes autoritaires qu'ils
soient religieux, philosophiques ou politiques.
Beaucoup de philosophes hédonistes, ou ayant une conception
qui s'en rapprochait, ont tenu des postures athées ou
agnostiques, matérialistes, voire anarchistes, revendiquant la
société socialiste libertaire comme la modalité politique de
l'hédonisme.
D'après Michel Onfray, l'hédonisme se résume par cette
maxime de Chamfort : « Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à
toi ni à personne, voilà, je crois, toute la morale ».
Annexe
Stoïcien
Le nom de Stoïcisme vient du grec Stoa poikilê, un
portique de l’Agora à Athènes où les Stoïciens se
réunissaient et enseignaient.
Dans l'usage courant, on entend par stoïcisme une attitude
caractérisée par l'indifférence à la douleur et le courage face
aux difficultés de l'existence.