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— Propos recueillis et adaptés par Céline Tremblay — — Interviews conducted and adapted by Céline Tremblay — 1 16 ASSISTANT À LA PHOTOGRAPHIE / PHOTO ASSISTANT Simon Montplaisir meeting / penser thinking / penser LES PILIERS DE LA TERRE 2 14 LES HUMAINS SE SONT OFFERT BEAUCOUP, BEAUCOUP DE LUXE. AU NOM DU PROGRÈS, NOUS AVONS ACHETÉ LE SILENCE, VENDU LES RESSOURCES, HYPOTHÉQUÉ LE FUTUR À LA VITESSE GRAND V. AU MOMENT OÙ LA SCIENCE ÉCONOMIQUE SE FAIT RATTRAPER PAR LA COLÈRE DE LA TERRE, LA QUESTION S’IMPOSE : QU’EST-CE QU’ON PEUT FAIRE AVANT QU’ON NE DONNE PAS CHER DE CE QU’IL RESTE DE NOUS ? — ONE FOR ALL AND ALL FOR EARTH — HUMANS HAVE INDULGED THEMSELVES WITH LUXURY—CONSIDERABLE LUXURY. IN THE NAME OF PROGRESS, WE HAVE BOUGHT SILENCE, SOLD RESOURCES AND MORTGAGED THE FUTURE TO THE HILT. AT A TIME WHEN THE ECONOMY BEARS THE MARKS OF THE EARTH’S ANGER, WE ASKED THE QUESTION: “HOW CAN WE STILL MAKE A DIFFERENCE, BEFORE WE GIVE AWAY ALL THAT REMAINS OF US?” — « La majorité de nos problèmes sociaux et environnementaux réutiliser et recycler ; comme citoyens, nous pouvons inciter sont imputables à une chose : la surconsommation. Bien que nos gouvernements à adopter des politiques de conservation nous vivions dans un monde aux ressources limitées, nous et non de destruction de l’environnement. La Suisse et la avons peu de scrupules à polluer l’air et l’eau pour fabriquer Norvège, deux pays à l’économie florissante, sont des leaders d’autres biens de consommation. En fait, nous sommes en mondiaux en la matière, et nous aurions tout avantage à nous train de ravager notre planète pour posséder des vêtements en inspirer. haute couture, de grosses maisons et des voitures toujours En visant le renouvellement de nos ressources naturelles, nous améliorerons notre économie et notre qualité de vie. Et, plus rapides. En travaillant de concert, nous pouvons faire du Canada plus important encore, nous bâtirons une société que nous un endroit plus propre, plus sain et plus durable sur le plan serons fiers de léguer aux générations à venir. Je fonde beau- environnemental. Individuellement, nous pouvons réduire, coup d’espoir là-dessus. »_ { DAVID SUZUKI } PHOTOGRAPHE / PHOTOGRAPHER Marc Montplaisir 2M2 environnementaliste nippo-canadien — Most of the world’s social and environmental problems can inspire our governments to adopt policies that conserve the can be blamed on one thing: over-consumption. We live in environment instead of destroying it. Places like Switzerland a finite world with finite resources. Yet humanity takes from and Norway have booming economies and lead the world in the Earth and pollutes the water and air, just so we can have environmental performance. We can follow their lead. more goods. We are laying the world to waste in order to have designer clothes, big houses and faster cars. By caring for our natural resources and embracing sustainability, we will improve our economy and our quality of By working together, we can make Canada a cleaner, life. More importantly, we will create a society that we’ll be healthier and environmentally sustainable place to live. As proud to hand over to future generations. This is what gives individuals, we can reduce, reuse and recycle. As citizens, we me hope._ { DAVID SUZUKI } Japanese-Canadian environmentalist 122 LIVINGWITHSTYLE PLAISIRSDEVIVRE 123 rendue très sensible aux abus qui se perpétuent sur des pays à Atlanta sept Tibétains qui ont formé un institut bouddhiste incompris comme le Tibet, et je suis particulièrement touchée où sont enseignées les valeurs et la langue de notre nation. par les souffrances qu’ils causent aux êtres humains au profit Je trouve nourrissant de voir qu’il y a des gens qui se lèvent de l’économie. Pour de l’argent, on a oublié nos bases, c’est- et qui se donnent à 100 % pour nous dire de faire attention. à-dire le respect, l’amour, le partage, et on les a remplacées Personnellement, ma contribution passe par la présentation du par la rapidité et l’efficacité. documentaire et par ma disponibilité à répondre aux questions Dans le passé, le Tibet était isolé et pratiquement inconnu. pendant que le sujet est chaud. Je ne suis pas là pour dire quoi Pendant que mon peuple était concentré sur la recherche faire, mais pour présenter ce que je sais, il revient à chacun intérieure, le reste du monde valorisait surtout le monde de choisir son interprétation et son implication, de se poser extérieur. Aujourd’hui, on est rendus au point où la planète a les bonnes questions. Les réponses trouvées individuellement atteint certaines limites. On a beaucoup abusé et, si on ne fait seront alors plus fortes que si elles étaient dictées et pourront pas attention, je pense qu’on va bientôt souffrir. À cet égard, ensuite être mises en commun pour un avenir meilleur. mon peuple a quelque chose à offrir. La lutte tibétaine se fait Mais pour réussir, il faut être patient. Notre film a mis huit maintenant entendre un peu plus qu’avant, et il faut savoir ans à voir le jour. Il m’a par contre fait découvrir une énergie que qu’elle ne repose pas que sur l’expression de leur souffrance, je ne soupçonnais pas à l’intérieur de moi. Il m’a rendue fière c’est beaucoup plus large que ça. D’ailleurs, le titre de notre et m’a donné la satisfaction de me sentir utile. Notre religion film, Ce qu’il reste de nous, ne fait pas uniquement référence à bouddhiste nous apprend ceci : si tu n’arrives pas aider les ce qu’il reste des Tibétains, mais bien de l’humanité. Si le Tibet autres, essaie au moins de ne pas nuire. Si on fait ça, on ne a besoin de l’humanité, l’humanité a aussi besoin du Tibet. peut pas se tromper !!! »_ { KALSANG DOLMA } musicienne et documentariste tibétaine — I was born in an Indian refugee camp to Tibetan parents. My I have confidence in the future. There’s always hope when search for our history and my roots has made me very sensitive you don’t give up. Two days ago, in Atlanta, I met seven Tibetans to the abuses that continue toward misunderstood countries who had founded a Buddhist institute to teach our nation’s such as Tibet. I’m particularly affected by the suffering caused values and language. I’m inspired to see that there are people to human beings to benefit the economy. For the sake of money, who stand up and give 100% of themselves in order to let us we’ve forgotten our basic principles—respect, love and shar- know we need to be careful. My own contribution takes the form ing—and replaced them by speed and efficiency. of presenting the documentary and answering questions while In the past, Tibet was isolated and almost unknown. While the topic is hot. I’m not there to say what to do, but to present my people were focusing on an inner quest, everyone else what I know. It’s up to individuals to form their own interpreta- valued the exterior world above all. Today, we’ve come to the tion and role, and to ask themselves the right questions. Each point where the planet has reached certain limits. We’ve been person’s answer will be stronger than if it had been dictated. very abusive and, if we’re not careful, I think that we’ll soon The solutions can then be combined for a better future. suffer for it. My people have something to offer. The Tibetans But succeeding requires patience. It took eight years to are making their cause known more than before. It’s not just bring our film to screen. Along the way, I discovered an energy about their suffering: it’s much wider than that. Moreover, the I had no idea was in me. The film made me proud and gave me title of our movie, What remains of us, refers to what remains the satisfaction of feeling useful. Buddhism teaches us that not only of the Tibetans but also of humanity. If Tibet needs if you can’t help others, at least try not to hurt them. If we do humanity, humanity also needs Tibet. that, we can’t go wrong!_ { KALSANG DOLMA } Tibetan musician and documentary filmmaker 124 LIVINGWITHSTYLE PLAISIRSDEVIVRE thinking / penser tant qu’on n’abandonne pas. Il y a deux jours, j’ai rencontré 4 16 PEINTRE SCÉNIQUE / SET PAINTER Anthony Carr Illustration Versatile Je suis confiante en l’avenir, il y a toujours de l’espoir tibétains. La recherche de notre histoire et de mes racines m’a COIFFURE ET MAQUILLAGE / HAIR AND MAKEUP Amélie Thomas — « Je suis née dans un camp de réfugiés en Inde de parents 125 changements. Je veux éventuellement prendre le temps d’aller nous, dans nos maisons, dans nos cultures. La crise sociale chercher des ressources artistiques pour les leur proposer. que vivent les Inuits, une nation qui a été très forte et très fière Quand je serai moi-même plus stable, j’aimerais retourner parce qu’en constant défi avec la nature et qui est devenue vivre là quelques mois par année et y amener des artistes que sans repères, est la cause à laquelle je suis la plus sensible. je connais, des acteurs, des metteurs en scène, des musiciens. Ce peuple, mon peuple, doit complètement se redéfinir, et ce Je voudrais qu’on en profite pour réapprendre la contribution moment de crise m’affecte moi et les gens que j’aime, il nous a volontaire, reconsidérer le geste de donner sans mettre un prix fait perdre des proches, des cousins, des amis. Les autochtones à tout. J’aimerais que ma communauté éloignée réapprenne à vivent actuellement dans un constant déchirement entre leurs se sentir en sécurité pour qu’elle arrête de penser seulement traditions et la modernité. Ils avaient des ressources, on leur à sa survie et qu’elle puisse envisager de faire des choses pour a dit qu’elles n’étaient plus utiles en société. Ils ont essayé de aller plus loin. Je crois un peu naïvement que je peux faire ça, les remplacer par la religion, l’éducation, avec le succès que que ça va arriver. Notre peuple est prêt pour ça, mais il faut le l’on connaît. Aujourd’hui, ils ont trop goûté à la modernité pour consulter et arrêter de le bousculer. Il y a là-bas d’autres petites revenir en arrière et ils n’ont pas les ressources nécessaires filles qui rêvent comme moi j’ai rêvé, et on ne les entend pas. Et pour accéder à ce qu’on leur a laissé miroiter. plus je suis éduquée, plus je vois le monde, plus je prends de Du haut de mes 28 ans, face à cette situation, je crois la distance avec mon propre chez-moi et plus j’ai des idées… qu’une des solutions à ce problème réside dans le soin que Il y a si peu de choses qui ont été faites que ça me laisse croire l’on prend à éduquer les jeunes, à les aider à devenir des lea- que tout est devant nous. »_ ders, des parents, à les aider à croire en un bel avenir. Par la { ELISAPIE ISAAC } auteure-interprète et cinéaste inuite I’m most preoccupied by the issues that affect those around helping them believe in a better future. Through my music, me. I’m not insensitive to the destruction of the planet, but I perhaps I’m doing my part by giving young people an idol and feel there’s a lot of work to do right here, in our homes and giving parents hope, but I dream of making a greater impact. our cultures. The cause that most engages me is the social I eventually want to take the time to bring them resources crisis faced by the Inuit. They formed a very strong, proud from the arts milieu. Once my life is more stable, I’d like to nation because they confronted nature every day. Now they’ve return home for a few months every year and bring along the lost their bearings. This people, my people, must completely actors, directors and musicians that I know. I’d like the occa- redefine itself. This crisis affects me and the people I love. To sion to serve as an opportunity to revive volunteerism and the it, we’ve lost our loved ones, cousins and friends. Aboriginals notion of giving without putting a price on everything. I’d like currently live in a constant state of conflict between their tradi- my remote community to once again find security, so that it tions and the modern lifestyle. They had resources and were can stop thinking only of survival and start envisioning ways told these resources were no longer useful in society. They to go beyond. I believe, a bit naively, that I can do this, that tried to replace them by religion and education, and we’ve it will happen. Our people is ready for it, but they need to be seen how successful that’s been. Now they’ve become too consulted, and no longer pushed around. There are other little accustomed to modern ways to return to what they knew, and girls up there who dream as I did, and we don’t hear them. The they don’t have the resources they need to attain what’s been more educated I am and the more I see the world, the more presented to them in glowing terms. I can view my home objectively and the more ideas I have. So When I look at this situation now, at the ripe old age of 28, I believe that one of the solutions to the problem lies in edu- few things have been accomplished that I believe everything can still be done._ cating youth and helping them become leaders and parents; { ELISAPIE ISAAC } thinking / penser et aux parents un espoir, mais je rêve de faire de plus grands planète, je trouve qu’il y a beaucoup de travail à faire chez 6 16 TRAITEMENT D’IMAGES / IMAGE PROCESSING Nathalie Chapdelaine musique, je contribue peut-être à donner aux jeunes une idole RECHERCHISTE ET STYLISTE / STYLIST Anne-Marie Langevin meeting / penser 3 12 — « Les sujets qui me préoccupent le plus sont ceux qui me touchent de près. Sans être insensible à la destruction de la Inuit singer-songwriter and filmmaker 126 LIVINGWITHSTYLE PLAISIRSDEVIVRE 127 Je suis un peu fâchée, je suis déçue et j’ai perdu confiance personne responsable, quand on le peut, il faut faire la preuve dans la politique canadienne. Je crois que nous sommes allés that we care. Et on peut toujours donner, ne serait-ce que du trop à gauche dans le socialisme, nous avons cessé d’encoura- temps. Hier, j’ai participé à la marche contre le cancer. Dans ger les gens à bâtir et nous pénalisons l’ambition. La réussite deux semaines, j’accueillerai les résidents d’une maison pour dans la société québécoise, le succès, est devenu suspect. C’est personnes âgées : ça leur donne de quoi parler pendant un très négatif. Nous avons 10 fois les preuves qu’un système aussi an ! En 1959, lorsque j’ai acheté un terrain, je l’ai fait pour le socialiste ne fonctionne pas. Si tout l’argent encaissé par le sauver du développement, pour protéger la nature et la laisser gouvernement pour la santé était injecté dans l’assurance pri- aux animaux. J’y ai planté plus de 10 000 arbres ! En 1988, j’ai vée, nous aurions une assurance en or. Pourquoi ? Parce qu’il y été la première femme à se joindre au Club des rotariens de a actuellement 20 bureaucrates pour un docteur et quand il Westmount. Je ne le fais pas pour éblouir les gens, je le fais y a une question, il faut faire une commission et après il faut naturellement comme on chante. On ne demande pas à quel- une commission pour étudier la commission. Un sixième de qu’un pourquoi il chante, n’est-ce pas ? Vous remarquerez que la population est un employé de l’État. Le Québec compte le les immigrants en général savent aider, peut-être parce qu’ils quart de la population de la Californie et comporte quatre fois ont souvent eux-mêmes connu une certaine souffrance. plus de bureaucrates. C’est un devoir de citoyen de donner, pourtant notre Je n’ai jamais eu recours aux subventions que notre gou- société semble de plus en plus axée sur l’acte de recevoir, et je vernement octroie souvent à tort aux grandes corporations, et crois que la faute revient à la politique qui a créé une classe qui ça ne m’a pas empêchée de faire mon chemin, bien au con- n’existait pas quand je suis arrivée au Canada. À cette époque, traire. En définitive, je considère que chaque individu devrait les trottoirs n’étaient pas jonchés de clochards… You don’t give avoir plus de force, plus de fierté et arrêter de compter sur le a fish to a poor man, you give him the tool to go fishing. Les gouvernement… »_ thinking / penser meeting / penser 3 12 — « Ma position est la suivante : je pense que si on est une 8 16 gens ont perdu la fierté et avec elle s’est envolé le respect. { HENRIETTA ANTONY } antiquaire d’origine tchèque — This is my opinion: I think that if we’re responsible, then I’m a bit angry, I’m disappointed and I’ve lost confidence when we’re able, we need to show that we care. And we can in Canadian politics. I think we’ve gone too far to the left in always give, even if it’s only time. Yesterday, I took part in the socialism. We’ve stopped encouraging people to build and walk against cancer. In two weeks, I’ll welcome the residents we’re penalizing ambition. In Quebec, success is now viewed from a seniors’ home. It gives them something to talk about for with suspicion. It’s very negative. We have the proof ten times a whole year! In 1959, when I bought land, it was to save it from over that such a socialist system does not work. If all the development; to protect nature and leave it for the animals. I money collected by the government for health was injected planted more than 10 000 trees on the property! In 1988, I was into private insurance, we’d have rock-solid insurance. Why? the first woman to join the Westmount Rotary Club. I didn’t Because right now, there are 20 bureaucrats for one doctor do it to impress people: it came as naturally as singing. You and, when a question comes up, there must be a commission, don’t ask someone why she sings, do you? You’ll notice that, and then a commission to study the commission. One-sixth in general, immigrants know how to help, perhaps because of the population works for the State. Quebec’s population is they themselves have often suffered in some way. one-quarter the size of California’s and has four times more It’s a citizen’s duty to give. Yet our society seems to be bureaucrats. increasingly focused on the act of receiving. I think politics I’ve never needed the subsidies that our government are to blame, for creating a class that didn’t exist when I first awards, often mistakenly, to major corporations, and it didn’t arrived in Canada. Back then, the sidewalks weren’t full of stop me from accomplishing something. Just the opposite. panhandlers. “You don’t give a fish to a poor man, you give When all is said and done, I believe that each individual should him the tool to go fishing.” People have lost their pride and have more strength and pride, and stop counting on the gov- with it has gone respect. ernment._ { HENRIETTA ANTONY } antique dealer of Czech origin 128 LIVINGWITHSTYLE PLAISIRSDEVIVRE 129 Tout ça en vue de cette belle utopie qu’est la société des l’histoire que les scientifiques s’accordent sur le fait qu’on loisirs. Aujourd’hui, on voit les conséquences de nos gestes assiste à des phénomènes cycliques dans la périodicité des qui n’épargnent rien ni personne et on ne veut pas y penser. phases de hausses et de baisses de températures. La grande Les catastrophes sont devenues des émissions de télé devant différence entre le passé et l’époque dans laquelle on vit, c’est lesquelles notre société infantilisée par la prise en charge d’un la considérable précipitation de ces phases. État de plus en plus impuissant ne cherche qu’à se dérespon- Dans le fond, le gros problème remonte à l’ère indus- sabiliser. Personnellement, c’est un problème que je trouve trielle — dont le principe était de faire plus, plus vite et à moindre important, mais très égoïstement, c’est pour moi que je veux coût — qui a eu l’effet pernicieux de modifier notre relation avec trouver du temps. Et pour ça, il faut de l’argent et pour avoir le temps pour céder la place à la performance, à la productivité. de l’argent, il a fallu que je me prive de temps… Pour sortir du Avant, on mangeait avec les saisons, maintenant on veut des cercle, il faudrait se déconnecter complètement de la société de framboises en février ; avant, on pêchait à la ligne, maintenant consommation, avoir un esprit de simplicité volontaire difficile les gros chaluts ramassent tout et en jettent la moitié. à atteindre en société. La notion d’intervention humaine ne date pas d’aujourd’hui, On a peut-être le pouvoir de changer encore les choses, mais avant, la nature avait le temps de se cicatriser. Avec les mais je ne suis pas certain que, de toutes parts, une réelle performances technologiques découvertes au cours du dernier volonté existe. Par contre, si le réchauffement de la planète siècle, c’est plus inquiétant… Lorsque Staline, par exemple, a continue de sévir chez notre voisin américain par la multiplica- décidé de faire pousser du coton en Géorgie, il a fait creuser tion des ouragans ou autres manifestations climatiques portant des canaux pour irriguer les champs. En 20 ans, la mer d’Aral à conséquence, la souffrance du pays le plus puissant pourrait s’est asséchée. C’est encore lié à la performance, on veut que peut-être être génératrice d’une volonté de changement. Il ça pousse et vite, alors on arrose. Les bateaux sont maintenant faudrait que l’instinct de survie soit touché de plus près. Ici, on ancrés dans le désert. Les conséquences sur les conditions ne peut pas dire qu’on a connu la misère, et je n’ai jamais vu atmosphériques sont immenses. Mais, ah !... ça nous prenait de révolution se bâtir devant une assiette pleine… »_ creating / créer thinking / penser 9 16 — « La planète ne va pas bien, on le sait. Par contre, tant 4 12 du coton, et tout de suite ! { TONY ATTANASIO } publicitaire d’origine italienne — The planet is in bad shape, we know it. But both history and All this leads to the wonderful utopia known as the leisure science agree that we’re witnessing a cyclical phenomenon in society. Today, we can see that the consequences of our actions the frequency of low- and high-temperature phases. The big spare no-one and nothing, and we don’t want to think about difference between the past and now is that these phases are them. Catastrophes have become TV programs, and our society much shorter in length. wants to be rid of responsibility for them, having been infan- Basically, the main problem goes back to the Industrial tilized by the fact that an increasingly impotent State has taken Revolution—with its principle of doing more, faster, for less charge. Personally, I find the problem important, but with great money—which had the detrimental effect of changing how we egotism, I want to find more time for myself. And for that, I view time, and favouring high performance and productivity. need money and to get money, I have to deprive myself of spare Before, we ate with the seasons; now we want raspberries in time. To get out of the circle, we need to become completely February. Before, we fished with a rod and reel; now, enormous disconnected from our consumer society, and think in terms trawlers drag up everything and throw half of it back. of voluntary simplicity, which is difficult in our society. Humans have intervened before, but nature had a chance We may still have the power to change things, but I’m not to heal its wounds. With the technological discoveries of the sure that such a will truly exists on all sides. However, if global past century, there’s more reason to worry. When Stalin warming continues to plague our American neighbours through decided to grow cotton in Georgia, he had canals dug to irrigate multiple hurricanes and other climatic events with repercus- the fields. After 20 years, the Aral Sea dried up. It’s all about sions, the suffering of the most powerful country could spark performance again. We want things to grow, and faster, too, the will for change. The survival instinct needs to be appealed so we irrigate. Now the boats are anchored in a desert. The to. We can’t say that we’ve known misery here at home, and consequences on atmospheric conditions are tremendous. I’ve never seen a revolution start in a full plate of food._ But we needed cotton—right away! { TONY ATTANASIO } ad executive of Italian origin 130 LIVINGWITHSTYLE PLAISIRSDEVIVRE 131 façon de savoir où on se situe dans le cercle. La danse et le munauté, pour la Terre, il faudrait qu’on commence par agir sur qi gong sont des outils auxquels j’ai recours pour m’aider à nous-mêmes, qu’on se décide à se tourner vers l’intérieur pour y parvenir, car le mouvement est générateur d’énergie. Pour retrouver une forme de spiritualité. Si on ne sait pas ce qui se moi, créer des pièces de danse et des documentaires engagés, passe en soi, comment peut-on être pleinement conscient de c’est l’union entre ma voie et ma voix. Le travail que je fais pour ce qui tourne autour de nous ? D’après moi, seule la croissance mon intérieur s’extériorise naturellement par le biais de ces personnelle permet l’enclenchement d’une évolution globale, créations. Il me semble que les gens sont plus attentifs à cela et collectivité et individualité sont intimement liées puisqu’en qu’avant, qu’un éveil se fait sentir, mais c’est encore superficiel faisant notre propre cheminement, nous participons inévita- même si de plus en plus de gens se tournent vers l’Est pour blement à celui des autres… Pourtant, on vit actuellement une ses philosophies, ses médecines alternatives, etc. époque de grand isolement, de déconnection avec tout. On ne Notre monde a été bâti avec de grands écarts entre les sait plus ce que l’on mange, d’où ça vient… Si on réintégrait personnes de différentes provenances, et je suis triste de voir notre âme pour retrouver nos valeurs de base, si on reprenait que ce sont encore les minorités et les plus pauvres qui doivent conscience, on arrêterait de jeter, de gaspiller. On serait empli souffrir pour soutenir la planète. La Terre a du mal à supporter de compassion et on arrêterait de faire aux autres ce qu’on ne les déséquilibres que nous avons engendrés dans la nature qui veut pas se faire faire. On réapprendrait à partager et à utiliser trahissent nos propres dérèglements humains. J’ai confiance les biens de la Terre en prévision des sept générations à venir, dans le futur, mais je ne crois pas que ça va se passer comme comme nous l’ont enseigné les Premières Nations. on l’imagine. Ma confiance vient du fait que ce qui doit arriver La vraie spiritualité consiste à trouver sa voie autant que va arriver, je ne veux pas avoir peur. C’est peut-être idéaliste sa voix et de les réunir dans la même direction, même si ça et presque trop simple, mais je crois encore en ce qui est la veut souvent dire nager à contre-courant. C’est là la seule base de tout : l’amour. »_ thinking / penser meeting / penser 3 12 — « Si on voulait faire quelque chose de bien pour notre com- 12 16 { MEENA MURUGESAN } documentariste et danseuse d’origine indienne — If we want to do something good for our community and way to know where you are in the circle. Dance and qigong are for Earth, we need to begin with ourselves. We need to decide tools I use to reach that point, since moving generates energy. to look toward our inner selves to find a form of spirituality I find that in creating choreographies and politically committed again. If we do not know what’s happening inside ourselves, documentary films, I can align my path and my voice. The work how can we be fully aware of what’s going on around us? In my I do on my inner self comes out naturally in these creations. It opinion, only personal growth can trigger a global evolution. seems that people are more attentive to all this than before, The community and the individual are closely linked: through that an awakening is taking place, but it’s still superficial, even our own progress, we inevitably play a part in others’ progress. though more people are looking to the East for philosophies, And yet, we’re currently living in a time of great isolation and alternative medicine, and so on. disconnect with everything. We no longer know what we’re Our world has been constructed with great gaps between eating and where it comes from. If we recaptured our souls people of different origins. It saddens me to see that it’s still and returned to our core values, if we regained awareness, we the minorities and the poorest that have to suffer to support would stop throwing away and wasting things. We would be the planet. Earth is not dealing well with the imbalances we’ve filled with compassion and we’d stop doing to others what we created in nature, which betray our own imbalances. I have don’t want done to us. We’d learn to share again, and to use confidence in the future, but I don’t believe that it will play out Earth’s goods with consideration for the next seven genera- as we imagine it. My confidence comes from the idea that what tions, as the First Nations have taught us. has to happen will happen. I don’t want to be afraid. Perhaps True spirituality consists of finding one’s way as much as one’s voice and aligning them in the same direction, even if I’m an idealist—it’s almost too simple—but I still believe in the one thing that forms the basis for everything else: love._ that often means swimming against the stream. It’s the only { MEENA MURUGESAN } documentary filmmaker and dancer of Indian origin 132 LIVINGWITHSTYLE PLAISIRSDEVIVRE 133 134 en Afrique où je suis né. J’ai dit OK, j’y vais. Une frontière de plus. Peut-être que ce que je ferai là aura une influence encore Au Cameroun, à l’époque du dictateur Amadou Aidjo qui inspirante pour les concitoyens français. Et ça n’a pas loupé, s’appuyait sur la terreur intellectuelle, la justice humaine a quoique, à ce jour, il n’y a toujours pas un seul député africain été mon premier combat. J’avais environ 13 ans lorsque j’ai à l’Assemblée nationale française… commencé à m’impliquer politiquement, et mon premier projet J’ai mis cinq ans à saisir la problématique québécoise. professionnel était de devenir curé, dans le but de changer le Lorsque j’ai compris, je me suis investi. C’est dans ce cadre-là monde. Mais, à 16 ans, lorsque je me suis retrouvé en Europe que je rêve de pouvoir réaliser mon projet existentiel, cadre pour poursuivre mes études universitaires, j’avais déjà saisi dans lequel tous mes rêves peuvent voir le jour. Je crois plus la difficulté qu’avaient les curés de poser des gestes concrets que jamais en ce projet de pays où nous avons l’ambition d’inté- lorsqu’ils faisaient face aux injustices. Je me disais alors que grer la diversité afin que tous les « métèques » deviennent des lorsque venait le moment de prendre position, il fallait qu’ils « citoyens à part entière » plutôt que des « citoyens entièrement en réfèrent à l’évêque, à l’archevêque, et ça devait remonter à part ». Pour l’instant, la place réservée aux minorités pourrait jusqu’au Vatican avant de redescendre et, entre-temps, le mal être illustrée par un strapontin dans une salle de cinéma. Il était fait. Considérant les limites que cela imposait, a priori, je faudrait qu’ils aient un siège, tout comme les autres, et l’op- ne voyais pas mon avenir en Afrique. Mon accès à la culture, portunité d’avoir ce siège sera l’occasion de vivre dans un et donc à la poésie, au théâtre et à la musique par l’entremise contexte que nous contrôlerons nous-mêmes, dans lequel de mes éducateurs, m’a donné l’idée de partir et de devenir un nous allons projeter nos visions, notre sensibilité, nos talents, artiste qui, partout où il irait, professerait comme un mission- et affirmer encore plus profondément notre différence quant naire sans soutane. Pour mon père, il n’était pas question que à l’environnement, à la diversité culturelle et au fait français je m’investisse dans ce domaine — qui en est un sans référence en Amérique du Nord. au Cameroun — juste bon pour les oisifs et les ratés, croyait-il. J’ai choisi d’aller en politique parce qu’il y a un combat Il a donc fallu que j’étudie le droit et les sciences politiques auquel je contribue à ma manière ; et à partir du moment où avant de penser au cinéma et à l’art dramatique. ce combat aura abouti dans sa résolution, c’est-à-dire dans la Sortant de là, les premiers textes que j’ai montés au souveraineté du Québec, j’aurai le sentiment d’avoir contribué théâtre étaient engagés, pour inspirer l’humain à grandir psy- à accomplir quelque chose. Je ne me considère pas comme un chiquement et à s’ouvrir à l’autre dans un contexte où j’étais politicien, je n’en serai jamais un parce que je n’ai pas d’ambi- minoritaire. Il faut savoir qu’à l’époque, en France, la vie était tion de carrière en politique, ce n’est pas une finalité pour moi. plus difficile pour une entité au teint basané comme moi. Et il Mon passage à la politique a été motivé par une rencontre qui n’y avait pas que les Noirs qui vivaient des problèmes… Il fallait a eu lieu en 2002, après un débat auquel j’assistais, organisé faire quelque chose. C’est par le biais du théâtre et de l’humour par le Bloc québécois et portant sur la place des minorités. que j’ai commencé à poser mes premiers actes citoyens. Non Après avoir entendu mes interventions, un jeune péquiste m’a pas pour éduquer, ce serait présomptueux, mais bien pour approché pour me présenter un dossier sur les quartiers Saint- inspirer. Ayant fait le choix des arts engagés, je refusais les Michel et Villeray. Il avait des statistiques : 60 % de population propositions n’ayant aucune autre finalité que l’argent. Je pré- immigrante, 40 % de population indigène. De ces deux popu- férais renforcer cette conscience-là en moi, car les sources de lations, plus de 55 % vivaient sous le seuil de la pauvreté. J’ai corruption sont multiples et quand on a la possibilité de s’en dit : « C’est à Montréal, ça ? » J’avais besoin d’aller voir. J’ai éloigner, il faut le faire. pleuré parfois devant la misère des gens, blancs ou noirs, j’y C’est par un concours de circonstances que j’ai rencontré ai croisé des grands-mères qui avaient 30 ans. Des enfants Dany Laferrière. À l’époque, je vivais à Paris, et Jean-Marie qui avaient des problèmes de malnutrition, de croissance et de Le Pen connaissait un regain de popularité avec la montée développement au niveau cérébral. Les gens dans leur pudeur du Front national. Dany et moi avons longuement échangé se fermaient sur eux-mêmes jusqu’à ce qu’ils sachent d’où je sur ce sujet décourageant. Il m’a alors invité à découvrir une venais. Ça m’a nourri pendant les six mois que j’ai marché en autre réalité, celle du Québec, de concert avec le projet qu’il cognant aux portes en leur disant : « Je suis un kamikaze, pas me proposait : l’adaptation de son livre Comment faire l’amour un candidat, je sais que je perdrai, mais j’ai envie de parler avec un nègre sans se fatiguer. Je suis venu, j’ai vu et j’ai aimé pour vous. » Il fallait faire campagne contre le député sortant le facteur humain, humble, chaleureux, accueillant, comme qui était là depuis près d’un quart de siècle, et je savais que ce LIVINGWITHSTYLE creating / créer thinking / penser 13 16 — « Ma conscience sociale a été conditionnée par mon éducation jésuite française et elle fut aiguisée très précocement. 4 12 PLAISIRSDEVIVRE 135 thinking / penser serait difficile. J’ai perdu, mais par ma présence je l’avais forcé culturel. C’est un terrain sur lequel on se reconnaît tous. À à faire campagne pour la première fois. Lors d’un débat public partir du moment où l’on se différencie par sa race ou par ses auquel je l’avais convié, de l’entendre répondre aux questions origines, son genre ou sa religion, on s’enferme dans des silos était déjà une victoire en soi. La prochaine bataille fut celle de que Pierre Elliott Trudeau a dressés avec le multiculturalisme ; la circonscription de Saint-Lambert que j’ai ensuite gagnée et on ne construit pas ces ponts essentiels entre les différen- bien qu’elle ne comporte que 3 % de Noirs sur une population ces. C’est ce à quoi je tente de contribuer aujourd’hui. Ai-je été de plus de 90 000 habitants. béni ou maudit, l’histoire le dira, mais je crois fermement qu’à En gros, mon combat se résume à la citoyenneté. Je 15 16 m’attaque aux inégalités sur les plans social, économique et ma mort mes enfants me diront : « Merci papa d’avoir pensé à l’Ensemble, pas seulement à toi. »_ { MAKA KOTTO } député souverainiste, auteur, acteur et metteur en scène d’origine camerounaise — A French Jesuit education conditioned my social conscience, I happened to meet Dany Laferrière by chance. At the and it was roused early. In Cameroon, during the dictatorship time, I was living in Paris, and the popularity of Jean-Marie Le of Amadou Aidjo and his intellectual terror, my first battle was Pen and the Front national was on the rise. Dany and I talked for human justice. I was around 13 years old when I started to a great deal about this discouraging subject. He suggested I be politically involved, and my first career plan was to become discover another reality, the Quebec reality, and offered me a priest, in order to change the world. But by the age of 16, a project: a role in the screen adaptation of his book How to while continuing my university studies in Europe, I had grasped make love to a Negro. I came, I saw, and I liked the human the priests’ difficulty in taking concrete steps when faced with factor: the humbleness, the welcome, the warmth like in Africa, injustice. When it was time to take a stance, they had to refer where I was born. I said, “OK, I’ll go. One more border. Maybe to the bishop, and then to the archbishop, and all the way up what I do there will have more impact on my fellow citizens in to the Vatican and down again. In the meantime, the damage France.” And it’s worked, although to this day, there’s still no was done. Given the limits involved a priori, it became apparent African sitting in France’s National Assembly. that my future did not lie in Africa. Through my teachers, I had It took me five years to understand the problem here in access to culture and thus poetry, theatre and music. This gave Quebec. Once I figured it out, I started working on it. I dream me the idea of going away and becoming an artist who could of realizing my life project within this framework, in which all lecture like a missionary without a cassock wherever he went. my dreams can become reality. I believe more than ever in this For my father, there was no question of me going into this project of creating a state where we incorporate diversity so field—there’s nothing comparable in Cameroon—good only for that all the immigrants become full-fledged citizens in their losers and layabouts, in his opinion. So I had to study law and own right instead of citizens on the outside. Right now, the political science before trying cinema and theatre arts. place reserved for minorities can be likened to a folding seat The first texts that I staged for the theatre were political, in a movie theatre. They need a proper seat like everyone else, intended to inspire human beings to grow psychologically and and the opportunity to have this seat would be the opportunity to open up to others, in a setting where I was a minority. At to live in a context that we control ourselves, in which we pro- the time in France, life was more difficult [than today] for a ject our visions, our sensibilities and our talent, and affirm even dark-skinned individual like me. And it wasn’t just blacks who more deeply our difference with regard to the environment, were having problems. Something had to be done. My first cultural diversity and the French fact in North America. citizen actions took place through drama and humour. I wasn’t I decided to enter politics because it involves a fight to trying to educate—that would have been presumptuous—but to which I can contribute in my own way. As soon as the battle inspire. Having chosen political engagement through the arts, is resolved, in other words when Quebec is sovereign, I’ll feel I turned down any offers that led only to money. I preferred I’ve contributed to accomplishing something. I don’t consider to strengthen my conscience: there are countless sources of myself a politician. I’ll never be one, because I have no ambition corruption, and when you have the chance to keep away from for a political career. It’s not my goal. My switchover to politics them, you must do so. was motivated by an encounter that took place in 2002, after a debate on the role of minorities, organized by the Bloc Québé- 136 LIVINGWITHSTYLE PAGE 137_ FLORE thinking / penser 16 16 cois. After hearing my input, a young péquiste came up to me to hearing him answer questions at a public debate to which I’d give me a file on the Saint-Michel and Villeray neighbourhoods. challenged him was a victory in itself. The next battle was the He had statistics: 60% of the population were immigrants, 40% Saint-Lambert riding, which I subsequently won, even though were born here. More than 55% of both populations were living blacks make up only 3% of the more than 90 000 inhabitants. below the poverty level. I said: “In Montreal? I need to go see In short, my fight can be summed up as citizenship. I for myself.” The misery of the people, black and white, brought fight inequalities on the social, economic and cultural levels. me to tears at times. I met grandmothers who were only 30. It’s terrain that’s familiar to everyone. From the moment we Children who had malnutrition, and growth and brain develop- distinguish people based on race, origin, gender or religion, ment problems. In their modesty, they remained reticent until we shut ourselves up in the silos that Pierre Trudeau built they found out where I came from. The experience fuelled me with multiculturalism. And we don’t construct the essential during the six months I walked around knocking on doors, bridges between our differences. This is what I’m trying to telling people: “I’m not a candidate, I’m a kamikaze. I know I’m help do today. Only time will tell if I’m blessed or damned, going to lose but I want to be your voice.” The campaign was but I firmly believe that, at my deathbed, my children will tell waged against the outgoing MP, who had been there nearly a me, “Thank you, Papa, for having thought of everyone, and quarter of a century, and I knew it would be tough. I lost, but not just yourself.”_ my presence forced him to campaign for the first time. Just { MAKA KOTTO } sovereignist member of parliament, writer, actor, and stage director of Cameroonian origin PAGE 139_ TRIEDE 138 LIVINGWITHSTYLE