Personnes âgées et acceptation des aménagements du domicile
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Personnes âgées et acceptation des aménagements du domicile
IFPEK Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes Personnes âgées et acceptation des aménagements du domicile U.E. 5.4 : Initiation à la démarche de recherche En vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale. BONIN Céline 2013/2014 IFPEK Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes Personnes âgées et acceptation des aménagements du domicile Sous la direction de Mr DURAND, directeur de mémoire U.E. 5.4 : Initiation à la démarche de recherche En vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute BONIN Céline 2013/2014 Résumé Le domicile est un lieu porteur de symboles et de représentations. En vieillissant, le désir de nombreuses personnes est de vivre chez elle le plus longtemps possible. L’ergothérapeute a un rôle majeur dans le maintien à domicile des personnes âgées. Il intervient au domicile et peut préconiser des aménagements. Mais il se trouve parfois confronté à des réticences ou à des refus de la part des personnes face aux préconisations. Ce travail à pour but de cibler des moyens qui peuvent faciliter l’acceptation de celles-ci. Un apport théorique parcours les représentations du domicile pour les personnes âgées afin de comprendre ces réactions. L’analyse des entretiens réalisés auprès d’ergothérapeutes montre que la mise en situation écologique au domicile permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés et facilite l’acceptation des préconisations d’aménagements. Aussi, l’entourage prend une place importante dans ce mécanisme d’acceptation. Les habitudes de vie de la personne concernent aussi l’extérieur du domicile : faire ses courses, aller au club, voir des amis… L’aménagement du domicile concerne l’intérieur comme l’extérieur afin de maintenir les relations sociales. Abstract Home is place empty of symbols and representations. By aging, people wish to stay at home as long as possible. Occupational therapists have a major role in maintaining the elderly at home by intervening at home and recommending arrangements. But they can face in reluctance or refusal of aged persons. This report attempts to find ways which can facilitate the acceptance of the recommendations. Representations of home for aged people were explored to understand these reactions. Some interviews showed that occupational therapist use ecological situation scenario at home. This way can help aged people to become aware of their incapacity and accept the recommendations of arrangements. Occupational therapists interviewed also showed that family takes an important place in this mechanism of acceptance. Person’s habits of life also concern the outside of home with their different activities. Social relationships are important to maintain. Mots clés : Maintien à domicile - Personnes âgée - Acceptation - Aménagement Habitudes de vie Keywords: Home maintenance - Aged people - Acceptance - Arrangement - Life habits Je tiens à remercier sincèrement Mr Durand qui a su me guider et me rassurer, les ergothérapeutes ayant accepté de participer à mon enquête, ma famille et mes amis pour leur soutien et leurs encouragements, mes camarades de promotion pour ces trois années de solidarité et d’entraide. Sommaire Introduction ................................................................................................................................ 1 Problématique............................................................................................................................. 2 Partie conceptuelle ..................................................................................................................... 6 I. La personne âgée................................................................................................................. 6 A. Vieillesse et vieillissement .......................................................................................... 6 B. Impacts du vieillissement ............................................................................................ 8 II. Le domicile .................................................................................................................... 10 A. Le domicile : lieu d’identité....................................................................................... 10 B. Le domicile comme un espace psychique ................................................................. 10 C. Le maintien à domicile .............................................................................................. 12 III. Ergothérapie et domicile ............................................................................................... 14 A. L’ergothérapie ........................................................................................................... 14 B. La visite à domicile.................................................................................................... 14 C. Ergothérapie et aménagement ................................................................................... 16 Partie méthodologie.................................................................................................................. 19 I. Démarche méthodologique ............................................................................................... 19 A. II. Choix de la méthode .................................................................................................. 19 Analyse des entretiens ................................................................................................... 22 A. La visite à domicile.................................................................................................... 22 B. Face aux propositions d’aménagement...................................................................... 26 C. Mettre en situation la personne à son domicile ......................................................... 31 Discussion ................................................................................................................................ 38 Conclusion ................................................................................................................................ 45 Bibliographie ............................................................................................................................ 47 Introduction Dans le cadre de la validation de l’Unité d’Enseignement 5.4 : initiation à la démarche de recherche et en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’ergothérapeute, j’ai choisi d’étudier l’aménagement du domicile des personnes âgées. Le vieillissement de la génération baby-boom et l’augmentation de l’espérance de vie entraine un vieillissement de la population française. L’INSEE 1 prévoit que le nombre des personnes âgées de 60 ans augmente jusqu’en 2035. Cette augmentation significative de la population des personnes âgées est un enjeu de société. Au mois de mars 2013, le gouvernement a reçu un rapport consacré à l’adaptation de la société française au vieillissement de sa population. L’une des cibles de ce rapport est l’adaptation des lieux de vie des personnes âgées (logement, quartier, ville) en fonction de leurs besoins. Fin 2013, un rapport sur l’adaptation des logements à l’autonomie des personnes âgées montre un retard en matière de modification des logements au vieillissement de la population : seuls 6% des logements en France sont adaptés à la perte d’autonomie. Pour l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) et la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), les demandes d’aides pour adapter le logement sont faibles et cela tient au déni du vieillissement chez les personnes, ainsi qu’au manque de lisibilité des dispositifs. L’ergothérapeute à une approche globale de la personne et de son environnement dans le but d’une augmentation de son indépendance et/ou de son autonomie. Il est l’un des professionnels intervenant au domicile dans le cadre de l’adaptation du logement. Mais l’adapter ne se limite pas aux aspects techniques et d’accompagnement. L’ergothérapeute doit prendre en compte la symbolique du domicile pour la personne, ce qu’il y fait et qui sont les utilisateurs de ce lieu. Par ce travail, je cherche à comprendre la complexité de l’intervention de l’ergothérapeute au domicile des personnes âgées. Cette étude débute par les prémices de mes questionnements qui m’ont menée à la problématique. Ensuite, je vais développer trois notions : le vieillissement, le domicile et l’intervention de l’ergothérapeute au domicile. Une enquête et son analyse me permettront de répondre à mon hypothèse. Enfin, cette étude se termina par une discussion ouvrant sur de nouveaux questionnements. 1 Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques 1 Problématique Au cours de la deuxième année d'étude en ergothérapie, nous devons réfléchir à un thème de mémoire. Je souhaite orienter mon travail autour de la personne vieillissante car je pense que l'ergothérapie a et aura un rôle important auprès de cette population. Notre métier est basé sur le développement de la performance dans l'activité et il peut répondre aux problèmes de la personne âgée et de son entourage. L’avancé en âge entraine une diminution progressive des capacités physiques et cognitives. Un ralentissement physiologique naturel s’opère et de ce fait, les performances de la personne vieillissante baissent. Afin d’obtenir une adéquation entre la performance dans l’activité et le vieillissement physiologique, l’ergothérapeute adopte une démarche qui peut être préventive et réadaptative. Ainsi, il peut limiter les désadaptations et améliorer la qualité de vie sur le lieu d'habitation de la personne. Par cette définition de l’ergothérapie auprès des personnes âgées, je cible un autre point clé de mon thème de mémoire : le lieu de vie de la personne et plus précisément le domicile. Des visites à domicile permettent d’avoir une approche plus globale de la personne en explorant son lieu de vie. Il peut lui être demandé de réaliser des actes élémentaires de la vie courante pour avoir une vision plus juste de ses habitudes de vie. Un autre point m’intéresse et m’interroge : le domicile, plus précisément la notion d’espace psychique. Pour la personne âgée, le domicile est un repère et un refuge. Nous ne pouvons pas apprécier l’importance de celui-ci dans la vie des personnes vieillissantes. Le domicile est décrit comme un élément de continuité de l’identité par Bernadette VEYSSET en 1989, comme un lieu d’affectivité et constituant du bien vieillir, un repaire fait de repères. Comment l’ergothérapeute peut-il intervenir dans le maintien à domicile des personnes âgées en prenant en compte leurs habitudes de vie et en respectant les représentations qu’elles se font de leur domicile ? Situations de stage Mme P Lors d’un stage en première année, j’ai participé à une visite à domicile chez une dame. Elle suivait une rééducation en hôpital de jour suite à un Accident Vasculaire Cérébral ayant pour conséquence des troubles de la marche, de la préhension et une légère héminégligence gauche. Ce qui m'a le plus marqué lors de cette visite, c’était le fait que Mr P avait aménagé le salon-salle à manger en chambre à coucher. En effet, les chambres se situaient à l'étage et Mme P ne pouvait pas emprunter les escaliers du fait de ses troubles de la marche. Malgré 2 cette organisation de l'espace, la patiente verbalisait régulièrement le souhait de pouvoir retrouver sa chambre. Cela m’a interpelé et c’est au cours d’une discussion, pendant la visite, qu’elle nous a parlé de sa famille. En effet, Mme P et son époux ont perdu un de ses fils il y a quelques années et l’autre était artiste et les chambres de ses deux enfants se situaient à l’étage et dans l’une d’elle se trouvait le piano de son fils. Je saisie donc l’importance pour elle de retourner à l’étage. E. DJAOUI (2011) décrit le domicile comme le lieu où se développe la « culture familiale » et cette culture persiste dans le temps et ce, même si l’habitant se retrouve à vivre seul suite aux changements affectant sa vie familiale et sociale. Je pense que Mme P souhaitait se rapprocher de la chambre de ses enfants pour se sentir près d’eux, comme pour mieux vivre sa pathologie. Malgré la transformation du salon en chambre, le couple a conservé l’ensemble des meubles. Ils ont essayé de recréer un espace permettant de rappeler qu’avant d’être une « chambre », la pièce est un lieu où l’on reçoit des amis, la famille. Mais les deux lits prenaient de la place et le couple ne souhaitait plus inviter de personnes. Le couple avait honte de montrer ce qu’était devenue la pièce principale de la maison et avait peur d’être jugé. De ce fait, ils perdent peu à peu la dynamique sociale qu’ils avaient construite. Quelle est la place du domicile dans la vie sociale des personnes? Quels peuvent être les impacts des aménagements du domicile sur leur identité? Les semaines suivant la visite à domicile, Mme P s’est beaucoup investie dans ses séances de rééducation (kinésithérapie et ergothérapie) pour parvenir à accéder à l’étage de son domicile. Grâce à ses efforts, le couple a pu retrouver sa chambre et celles de leurs enfants. Ils ont ainsi retrouvé un certain équilibre dans leur vie sociale en invitant de nouveau leurs amis dans leur salon, riche en souvenirs. Dans cette situation, l’acceptation des préconisations ergothérapiques, comme l’installation d’une rampe dans les escaliers intérieurs, la fixation des tapis au sol, … ne posait pas de problème. La demande de la patiente était de pouvoir retrouver sa chambre à l’étage et de pouvoir inviter ses amis dans son salon. Les côtés familial et social du domicile sont là bien représentés. Mme J Les visites à domicile peuvent s’avérer déstabilisantes. D'un coté la personne souhaite aménager son domicile pour pouvoir rester le plus longtemps possible chez elle, mais d'un autre coté elle a peur d'être dépossédée de ce "chez soi". 3 J'ai pu constater cela lors d'une visite à domicile chez Mme J, octogénaire. La visite vise un retour et un maintien à domicile suite à un séjour dans un centre de rééducation. La dame a subi une amputation tibiale suite à une chute dans les escaliers menant à son sous-sol. Mme J se déplace en fauteuil roulant manuel et est dépendante pour les déplacements et les transferts. La maison de Mme J est sur étage et une volée de quinze marches extérieures permet d’atteindre l’espace de vie. Devant les marches, Mme J réalise qu’elle ne pourra jamais les emprunter seule. L'ergothérapeute lui explique qu'il sera possible d'aménager une rampe pour qu'elle puisse atteindre son lieu de vie en fauteuil roulant. Mais la patiente ne voulait pas faire de si grands travaux et ajoute qu'elle ne quittera plus sa maison une fois qu'elle sera rentrée. Au premier étage, les espaces de circulation sont étroits et les pièces petites. Mme J est d’accord pour déplacer certains meubles et certaines décorations mais ne veut pas les retirer. Ces objets doivent avoir une valeur sentimentale importante. D’après E. DJAOUI (2008), cette revendication correspond à une volonté de préserver un minimum d’emprise sur un territoire. Une des filles de Mme J, présente lors de la visite, nous expose son projet de réaménagement de l’espace toilette/salle de bain. La patiente n’était pas au courant de ce projet mais cela n’empêche qu’elle est pour cet aménagement et a ajouté que ce sera plus facile pour elle. Pour la chambre à coucher, l’ergothérapeute propose à Mme J de changer de chambre. En effet, l’entrée de la sienne lui demande de réaliser de nombreuses manœuvres avec son fauteuil roulant. La dame refuse car la chambre que l’ergothérapeute lui propose est celle de son défunt mari. Mais sa fille insiste et la patiente se laisse emporter par les émotions. Elle me confie qu'elle souhaite revenir dans sa maison pour y finir sa vie et qu'elle a peur d'aller dans une maison de retraite. Mme J semble avoir peur de perdre le contrôle sur son environnement. Trois semaines après cette visite à domicile, l'ergothérapeute apprend que Mme J ira dans une maison de retraite à la fin de sa prise en charge au centre de rééducation. L'ergothérapeute décide de s’entretenir avec elle pour comprendre ce changement de situation. La patiente explique que ce sera plus facile pour tout le monde, que personne n'aura à se déplacer pour l'aider au cours de la journée. Elle exprime des difficultés pour utiliser son fauteuil roulant. En effet, au centre et à cause de sa faiblesse musculaire, Mme J est accompagnée à ses séances par les brancardiers. Dans le cas de Mme J, je m'interroge de nouveau. Pourquoi ce changement de décision quelque temps avant la date du retour à domicile ? Est-ce le fait que sa fille prenne beaucoup 4 d’initiatives sans l’en informer ? Est-ce le fait qu’elle se rende compte de ses capacités et de ses incapacités ? Question de recherche Ces deux situations m'interrogent sur l'investissement psychique des personnes âgées dans leur domicile. Les ergothérapeutes sont amenés à proposer des aménagements et des aides techniques qui permettront aux personnes de rester chez elles le plus longtemps possible et en toute sécurité. Mais ces préconisations peuvent représenter pour ces personnes ce qu'elles refusent de devenir, à savoir des personnes en perte d’indépendance, et l'avenir vers lequel elles se tournent. Les personnes âgées sont confrontées quotidiennement aux effets du vieillissement et l’intervention de l’ergothérapeute peut les angoisser et peuvent ressentir une perte de contrôle sur elles-mêmes. E. DJAOUI (2008) décrit le domicile comme une extension du corps. Modifier l’environnement de ces personnes peut changer l’image qu’elles se font de leurs corps ou leurs faire prendre conscience de leurs perte d’indépendance. Mais le domicile peut être investi de bien d’autres manières par les personnes. Des lectures sur le maintien à domicile, sur le domicile en tant qu’espace psychique, sur la psychologie et la physiologie des personnes âgées m'ont permis de me rendre compte de la symbolique de celui-ci. Aussi, je vais m’intéresser à la visite à domicile : l’organisation, le déroulement, les suites d’une visite à domicile et les impacts qui peuvent être observés (positifs ou négatifs). Le domicile est un repère pour les personnes vieillissantes. La moindre petite modification de l’habitat ou des habitudes de vie peut les déstabiliser. Les personnes âgées souhaitent rester chez elles coûte que coûte mais ont, dans la plupart des cas, des difficultés à accepter les aménagements qui leur sont proposés. Quels moyens l’ergothérapeute peut-il utiliser, pour favoriser l’acceptation des propositions d’aménagements par les personnes âgées, en vue d’un maintien à domicile ? Je m’interroge donc sur la pratique professionnelle des ergothérapeutes. Les questions autour du maintien à domicile des personnes âgées font partie des politiques publique actuelles. Les ergothérapeutes sont des acteurs principaux de cette thématique. J’émets l’hypothèse que la mise en situation au domicile est un moyen permettant aux personnes âgées d’accepter plus facilement les préconisations d’aménagements faites par l’ergothérapeute. 5 Partie conceptuelle I. La personne âgée A. Vieillesse et vieillissement 1. La vieillesse Selon le dictionnaire « Larousse Médical », la vieillesse correspond à la « troisième période de la vie, succédant à l’enfance et à l’âge adulte ». Le dictionnaire « Larousse », la définit comme « la dernière période de la vie normale, caractérisée par un ralentissement des fonctions ». Ce terme connait de nombreuses définitions, mais toutes mettent en avant un affaiblissement naturel des fonctions physiologiques et psychiques lié à l’âge. Mais à quel âge commence la vieillesse? Le Docteur MURRAT-CHARROUF, médecin gériatre au Centre Hospitalier de Rennes, définit la personne âgée comme une personne de plus de 75 ans ou comme une personne polypathologique de plus de 65 ans. Socialement, l’âge de la personne âgée est défini par celui de cessation de l’activité professionnelle, soit 55-60 ans. Il y a une différence entre l’âge de « l’état civil » et l’âge « réel », c'est-à-dire physiologique. Cet âge d’entrée dans la vieillesse évolue au fil du temps. C. TRIVALLE (2009) met en avant cela : au XXème siècle, une personne entrait dans la vieillesse à 50 ans. Dans les années 1930, cet âge passe de 50 à 60 ans et depuis les années 1960-70, le seuil de la vieillesse est à 65 ans. Encore, pour certains, le vieillissement débute dès la vie fœtale, pour d’autre à l’âge de 4 ans avec les premiers signes de vieillissement du cristallin. De nombreux sondages existent et interrogent la population sur la question suivante : « A partir de quel âge devient-on vieux ». Le sondage réalisé par l’IFOP en février 2011 fait ressortir que les français répondent en moyenne 69 ans. Mais cette réponse varie aussi en fonction de l’âge des personnes interrogées. La catégorie des moins de 25 ans estime qu’une personne devient vieille à 61 ans et les personnes de plus de 65 ans évaluent cet âge à 77 ans. Les conseils généraux attribuent l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) à partir de 60 ans. L’âge de la vieillesse est donc une notion floue. Avoir 65 ans ne signifie pas pour autant se sentir "vieux". Les jeunes retraités se complaisent de ne plus avoir de responsabilités professionnelles et s’adonnent à d’autres activités toutes aussi prenantes : activités sportives, clubs de seniors, bénévolat, etc. Avec l’avancée en âge, les personnes adaptent leurs activités à leurs capacités physiques et 6 psychiques. "Etre vieux n'est pas lié à l'âge chronologique mais plutôt aux capacités des personnes à s'adapter ou non aux difficultés liées à l'avancée dans l'âge." (GRANDEMANGE et al. 2010) 2. Le vieillissement Le vieillissement est un processus constant qui débute à la naissance et est propre à chaque personne. H. KALFAT et H. SAUZEON (2008) précisent que « le vieillissement n’est plus conçu comme un processus linéaire d’usure se déroulant uniformément, mais comme un processus en « cascade », irrégulier et multiforme, provoquant des « chutes et des « rebonds ». Le vieillissement entraine de nombreuses modifications physiques plus ou moins importantes en fonction des personnes et évoluant à des rythmes différents. Le vieillissement est la somme d’un vieillissement physiologique et d’un vieillissement pathologique. Le premier est lié au temps et « altère progressivement les capacités fonctionnelles des organes. » (AGESSE C., et al 2006, p.12) Le deuxième est le résultat des agressions subies par l’organisme. Le vieillissement physiologique explique qu’une personne âgée n’a pas les mêmes capacités qu’une personne jeune. « Le vieillissement pathologique est, lui, moins inéluctable, puisque l’on peut vieillir sans être obligatoirement malade ou handicapé. » (AGESSE C., et al 2006, p.12) Les changements physiologiques peuvent être observables : la peau devient fragile et des rides apparaissent, la qualité et la couleur des cheveux se modifient, la taille et le poids transforment la silhouette de la personne. Les organes sensoriels subissent aussi les effets du temps qui passe et perdent peu à peu leurs acuités : la vue baisse, les stimulations sonores sont moins bien interprétées, et l’identification et la mémorisation des odeurs sont elles aussi altérées. En plus de ces changements visibles s’opèrent des changements internes : fonte de la masse musculaire, altération du système cardio-vasculaire, diminution de la masse osseuse et fragilisation des os. S’ajoute à cela le vieillissement cognitif qui est marqué par une perte de performance de la mémoire de façon progressive et variable d’un individu à un autre. En effet, la mémoire de travail, permettant de « gérer au quotidien ses prises de décision, de sélectionner et de traiter les différents évènements auxquels nous sommes exposés » (MAINTIER C. 2009, p.13), perd en efficacité. Ceci induit que les capacités de raisonnement et de résolution de problèmes s’altèrent. 7 Ce phénomène biologique peut avoir des impacts psychologiques et sur les relations sociale de la personne, ce que nous allons aborder dans le titre suivant. B. Impacts du vieillissement Vieillir peut angoisser et apeurer. Le vieillissement entraîne de multiples changements que se soit au niveau physiologique qu’au niveau cognitif et, ces transformations sont souvent perçues comme des régressions. L’avancée en âge n’empêche pas d’acquérir de nouvelles connaissances. C’est bien la preuve que le vieillissement n’est pas qu’une période négative. L’interaction avec l’entourage et l’environnement permet à la personne de poursuivre la construction de son identité. La vieillesse n’est pas qu’une accumulation de déficits, elle est aussi porteuse de bénéfices, comme la sagesse. La sagesse est « perçue comme émanant des connaissances et des expériences antérieures ». (MAINTIER C. 2009, p.14) L’appréciation et la relativité des valeurs personnelles sont deux aspects fondamentaux de la sagesse. La personne âgée peut maintenir un mode de vie porteur de sens et de satisfactions lorsqu’elle est aidée et accompagnée. L’entrée dans un processus de renoncement, de retrait et d’abandon se produit quand les déficits deviennent majeurs et ne pouvant plus être compensés, et lorsque des déficits relationnels s’ajoutent aux déficits physiologiques. En vieillissant, la personne modifie son mode de vie. Elle renonce à un mode de vie traditionnel pour s’engager dans des activités adaptées à ses capacités physiques et mentales. Aussi, elle sélectionne ses relations sociales en fonction de celles qui répondent à ses besoins socio-affectifs. Plus les années passent et plus la relation à l'autre vient à manquer. " L’être humain est un être social, sa vie se construit et s'articule autour de ses semblables. Il a besoin de leur présence, de leur existence pour se sécuriser, se protéger, se donner tout simplement envie de vivre et de poursuivre sa vie." (MAINTIER C. 2010, p.12) Tout au long de notre vie, nous nous construisons, nous progressons grâce aux autres. L'enfant apprend de ses parents, l'adolescent devient un adulte en côtoyant d'autres jeunes et les adultes affrontent le quotidien grâce à une compagne ou un compagnon. En vieillissant, la personne souhaite avoir de l'importance pour autrui et donner de l'importance aux autres. Selon Christine MAINTIER2 (2010), cela « constitue les carburants les plus efficaces pour 2 Docteur en psychologie, maitre de conférences 8 qu'un individu ait le désir et la force d'affronter les milles et une péripéties, servitudes et tristesses rythmant toute vie humaine. » Outre les effets physiques et cognitifs de l'avancée en âge, la vie sociale change. Le point qui marque le plus ce changement est le moment de la retraite professionnelle. La perte de l'identité professionnelle est une perte d'importance aux yeux de personnes côtoyées pendant de nombreuses années et un fort sentiment d’exclusion apparait. C'est une brèche dans l'identité sociale de la personne. Nous avons vu que l’interaction de la personne avec son entourage et son environnement lui permet de poursuivre la construction de son identité et de la maintenir, de préserver un mode de vie qui est porteur de sens et de satisfaction. Avec l’avancée en âge, la prévention médicale est fondamentale. Aussi, la prévention environnementale prend toute son importance si nous considérons les précédents propos. Nous allons nous intéresser à présent à l’environnement de la personne âgée et plus particulièrement au domicile. Que représente-t-il pour elle ? Quelles significations dégage-til ? Pourquoi est-il si important à ses yeux ? Pourquoi souhaite-t-elle y rester à tout prix « jusqu’au bout » ? 9 II. Le domicile Au sens littéraire, d’après le dictionnaire « Larousse », le domicile est le « lieu où quelqu'un habite en permanence ou de façon habituelle ». « Au-delà de sa dimension matérielle, la maison regroupe plusieurs fonctions nécessaires à tout individu. Tout d’abord l’abri qui permet à la fois de garantir le confort, la salubrité et l’intimité. Mais c’est aussi le lieu d’activités, le théâtre de la famille et de la sociabilité. Enfin, le logement, par l’adresse, induit un ancrage dans un territoire. » (Isabelle NONY, 2011, sociologue et formatrice à l’Ecole de Travail Social) Selon B. ENNUYER (2006), le domicile est « à la fois un lieu collectif d’inscription juridique, sociale, familiale, un lieu d’identité sociale, mais aussi un lieu de souveraineté et d’identité personnelle et notamment un lieu d’identité psychique. » Nous allons nous intéresser à une approche psychosociologique du domicile pour comprendre ce qu’il peut signifier pour la personne, sa symbolique. A. Le domicile : lieu d’identité « La maison est le premier espace exploré par l’enfant et le dernier par le vieillard » (GANNA 2008, p.175) Les enfants dessinent des bonhommes puis leur maison avec plus ou moins de détails en fonction de leur âge et de leurs représentations. Ces dessins donnent des indications sur le Moi de l’enfant. Le dessin de la maison est celui qui est le plus spontané chez l’enfant. A l’adolescence, le jeune explore les moindres recoins du logement. Le grenier et la cave sont les lieux des premiers interdits, des secrets et du refoulé selon les psychanalystes. L’adolescent est en quête d’indépendance : il désir quitter le toit familial pour avoir son propre chez-soi qui lui procurera à la fois le sentiment de liberté et celui d’exister réellement. Pour les adolescents attardés, ou les Tanguy, leur quête d’autonomie se manifeste par le besoin d’avoir un espace à soi, interdits aux adultes. B. Le domicile comme un espace psychique E. DJAOUI (2006), définit le domicile comme un espace investi de significations, de valeurs, de représentations, de symboles et de sentiments relevant de la subjectivité de chaque personne. 10 Le domicile peut être associé de façon inconsciente à des images du corps. Il peut prendre l’image du « corps propre », c'est-à-dire le corps de la personne. En effet, le corps possède une enveloppe qui sépare l’intérieur de l’extérieur. Le domicile est alors présenté comme une extension du corps de son habitant. Dans le langage courant, nous employons les termes de viol et de violation de domicile. Nous pouvons lier ces deux mots par le fait que l’effraction du domicile entraine des répercutions sur le psychisme de la personne qui peuvent se refléter sur son corps. Le chez soi peut être assimilé au « corps maternel ». En effet, il joue un rôle d’espace contenant comme les bras de la mère pour le nourrisson. L’habitant cherche à retrouver cette espace de bien être, de sécurité dans lequel il peut satisfaire ses besoins sans frustration. La dernière image pouvant être assimilée au domicile est celle du « corps familial ». La famille représente le premier groupe dans lequel nous évoluons et celui-ci est primordial. Aussi, elle peut être perçue comme une entité unique lorsqu’elle vit sous un même toit. Sous cette image ressortent encore les sentiments de sécurité et de pérennité. Le domicile doit satisfaire des besoins profonds de l’habitant. Nous pouvons mettre en avant trois points qui peuvent mener à bien cette quête de contentement. Tout d’abord, la recherche de sécurité. « Le domicile est un abri contre les dangers de l’extérieur ». (ENNUYER et al. 2006, p.8) Il prend le rôle de refuge qui protège de l’extérieur et c’est un lieu où la personne maitrise les flux entre le dedans et le dehors. Le domicile doit permettre à son habitant de s’y sentir en sécurité tout au long de sa vie et surtout lors de périodes de fragilité comme l’enfance, la maternité, la maladie, la vieillesse, … Il joue aussi le rôle de protecteur des biens et des êtres auxquels nous tenons. L’individu est en perpétuelle quête d’appropriation de son habitat. Ainsi, il souhaite « montrer qu’il possède un pouvoir sur un espace particulier » (DJAOUI 2008, p.112), être maître chez lui. Vient ensuite la protection de l’intimité. « L’intime est ce qui gît au plus profond de l’individu, l’essence même de son intériorité, c'est-à-dire sa conscience. » (DJAOUI 2008, p.114) Le domicile est le lieu où le corps peut manifester ses exigences, ses forces et ses faiblesses ainsi que ses douleurs et ses plaisirs, loin du regard de monde extérieur et sans jugement. Enfin, le domicile permet le maintien de l’identité et une valorisation narcissique. Le chez-soi est le reflet de l’identité de l’habitant. Il renvoie ce que la personne est mais aussi l’image qu’elle souhaite renvoyer aux autres. Le domicile révèle l’identité sociale de l’individu par l’appropriation et l’aménagement des espaces,… Il est aussi un symbole du temps. Sa décoration renvoie à l’histoire de vie de l’habitant et celle de sa famille. « Cet 11 espace psychique » joue un rôle de « prothèse psychique » contre les fragilisations, les conflits intrapsychiques. L’habitant met en œuvre des mécanismes d’appropriation pour qu’il se constitue chez lui. Le domicile devient donc un espace propre, c'est-à-dire la propriété de la personne et un lieu adapté à ses besoins. Pour se l’approprier, l’habitant adapte, aménage, décore ce lieu mais aussi fragmente les espaces pour en investir certains et pas d’autres, pour avoir des espaces dans lesquels il se sent bien et d’autres non. Ces mécanismes d’appropriation varient d’une personne à l’autre. En effet, chacun a sa propre personnalité, son fonctionnement psychique, son histoire de vie et sa situation objective (problème de santé, peuplement du domicile, …) « Le domicile comme espace psychique peut être considéré comme une zone intermédiaire entre l’espace intérieur du sujet (désirs, demandes, interdits) et la réalité extérieure (objective). La création de cette zone permet à tout un chacun de trouver un équilibre entre ses aspirations profondes et les souffrances et frustrations imposées par la vie en société. » (ENNUYER et al. 2006, p.11) « La maison est bien le prolongement du corps, du Moi. Quand le Moi devient vacillant avec l’âge, la personne s’attache plus particulièrement aux objets qui l’entourent, qui font partie à la fois d’elle et de la maison. Tout changement est difficile à supporter comme si toucher à l’environnement mettait en péril l’identité. » (GANNA 2008, p.177) C. Le maintien à domicile Nous pouvons définir le maintien à domicile comme un ensemble de moyens mis en œuvre de façon personnalisée et, pour permettre à la personne âgée en perte d’autonomie et d’indépendance, de continuer à vivre chez elle en sécurité et dans les meilleures conditions possibles. Selon B. ENNUYER (2006), le maintien à domicile est l’expression du désir et du choix de la personne à se maintenir chez elle jusqu’au bout de sa vie. L’auteur ajoute que l’on peut parler de maintien à domicile « que si la personne concernée en à vraiment exprimée le souhait. » La notion de maintien à domicile existait bien avant les premières politiques publiques. A la fin du XVIIIème siècle, le regard sur les vieillards change et les premières interventions au domicile apparaissent. C’est en 1905, avec la loi du 14 Juillet que l’assistance aux personnes âgées devient obligatoire : «les vieillards, les infirmes, les incurables ayant le domicile de secours communal ou départemental reçoivent l’assistance à domicile. Ceux qui 12 ne peuvent être utilement assistés à domicile sont placés, s’ils y consentent, soit dans un hospice public, soit dans un établissement privé soit chez des particuliers ».3 Mais cette loi n’empêchera pas la société d’avoir recours à l’institutionnalisation. C’est en 1962 que le rapport Laroque pose la question de la place de la personne âgée dans la société. Ce texte précise que sa place est parmi les autres générations et il affirme que l’entrée en institution d’hébergement doit rester exceptionnelle. La finalité de ce rapport est de permettre aux personnes âgées de conserver leur place dans la société. Le rapport Laroque ouvre les portes à divers plans politiques en ce qui concerne le maintien à domicile des personnes âgées. En Février 2014, l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault dévoilait son projet de loi sur l’autonomie des personnes âgée. Une des parties de ce projet réside dans « l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie avec la priorité donnée au maintien à domicile ». 4 Il souhaite une revalorisation des plafonds de l’Allocation Personnalisé d’Autonomie, afin que le reste à charge pour les personnes soit baissé. Un budget de 140 millions d’euros sera consacré à la prévention et à l’aménagement du domicile afin d’améliorer l’accès aux aides techniques à domicile. Comme nous l’avons vu, le domicile prend une place importante dans la construction de l’identité de la personne. Il est rempli de significations pour elle. En tant que professionnel, nous ne pouvons pas cerner tous les contours de la représentation du domicile pour la personne. Avec l’avancée en âge, la capacité d’adaptation est ralentie mais toujours présente. Les modifications du domicile sont parfois compliquées. Le moindre déplacement d’objets peut engendrer des réactions de défense de la part de la personne. Le risque est aussi que la personne n’est plus le sentiment de maitriser son environnement, qu’elle ne s’y reconnaisse plus. Il faut donc que l’ergothérapeute accompagne la personne dans ce processus d’adaptation pour l’aider à faire le deuil, à comprendre l’intérêt des modifications de son environnement et à les accepter. 3 4 Loi du 14 Juillet 1905 sur l’assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, article 19 Explication de Mr Ayrault pour BFMTV. 13 III. Ergothérapie et domicile A. L’ergothérapie D’après l’ANFE 5 , « l'ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l'activité humaine et la santé. » L’ergothérapeute vise à maintenir, restaurer les activités humaines en prévenant, réduisant ou supprimant les situations de handicap. Pour cela, il tient compte des habitudes de vie de la personne et de son environnement. L’ANFE précise que les activités d’une personne sont le reflet d’elle-même et qu’elles donnent du sens à sa vie. Les activités sont aussi étroitement liées à la qualité de vie de la personne et au sens donné à son existence. L’ergothérapeute peut agir sur le milieu de vie de la personne pour favoriser sa participation, en respectant la sécurité de la personne et en l’adaptant en fonction de ses besoins. Pour cela, il peut préconiser des aides techniques, des aides humaines, des aides animalières et des modifications matérielles. Selon CAIRE et al. (2008, p.130), « l’ergothérapie s’adresse à des personnes atteintes de maladies ou de déficiences de nature somatique, psychique ou intellectuelle, à des personnes qui présentent des incapacités ou à des personnes en situation de handicap temporaire ou définitive. » L’intervention au domicile de l’ergothérapeute peut nécessiter de réaliser une visite au domicile de la personne. Cette intervention permet au professionnel d’évaluer au plus juste les aides dont la personne a besoin. B. La visite à domicile 1. Définition Les visites à domicile peuvent se dérouler à la suite d’une demande de la personne ou de sa famille, du médecin, de l’assistante sociale et également de l’ergothérapeute. Les visites sont prescrites par un médecin en secteur hospitalier ou proposées à toute personne âgée qui en a besoin hors secteur hospitalier. Elles sont réalisées en présence de la personne concernée. Un ou plusieurs membres de l'entourage peuvent être conviés à participer à la visite. En règle générale, deux intervenants se déplacent au domicile de la personne : l'ergothérapeute et un autre professionnel prenant en charge la personne (assistante sociale par exemple). 5 Association Nationale Française des Ergothérapeutes 14 La visite à domicile permet à l’ergothérapeute « d’évaluer les capacités d’autonomie et d’indépendance de la personne dans son environnement.» (RAVAINE et al. 2005). Elle peut être mise en place pour « évaluer les conditions concrètes de vie, la situation matérielle et morale de la famille, mettre en place diverses formes de prise en charge ou d’accompagnement au long cours de ces mêmes familles. » (DJAOUI 2008) Pour cette évaluation, deux facteurs sont pris en compte : Les risques intrinsèques comme les troubles de la vision, les troubles de l’équilibre, les troubles cognitifs ; Les risques extrinsèques comme l’environnement matériel et architectural. 2. Organisation et déroulement de la visite à domicile En amont de la visite, il semble important de prendre des informations pour cibler les points clés à aborder lors de la visite. Un entretien avec le patient peut permettre de recueillir un maximum d'informations sur le domicile ainsi que sur ses habitudes de vie. Des bilans d'autonomie et d'indépendance permettent de voir quelles sont les capacités et incapacités du patient au moment de la visite. De plus, il s'agit de fixer un rendez-vous pour réaliser la visite. Lors de la visite, chaque pièce du domicile est analysée. Des mises en situation écologiques peuvent être proposées à la personne. Cela peut permettre de redéfinir les objectifs de prise en charge en rééducation, de mettre en évidence les progrès réalisés et ceux qu'il reste à faire afin que le maintien à domicile puisse se faire le plus longtemps possible et en toute sécurité. Après la visite, un compte rendu est réalisé par les professionnels présents. Celui-ci permet de mettre en avant la situation sociale de la personne, son état fonctionnel, le but de la visite, les préconisations d'aménagement et/ou d'aides techniques. Peuvent apparaitre des plans et des schémas du domicile avec les modifications qui pourraient être apportées. 3. Le rôle de l’ergothérapeute L’objectif principal de la visite à domicile auprès de la population des personnes âgées est de préserver leur indépendance et leur autonomie. Selon Stéphanie HEDDEBAUT 6 (2009), et dans le cadre de la préservation de l’autonomie de la personne âgée à son domicile, « le métier d’ergothérapeute consiste à évaluer les aides nécessaires, à les confronter aux attentes et aux besoins de la personne puis à proposer des aménagements ou des aides techniques, voire technologiques. » 6 Formatrice en ergothérapie 15 Afin que les activités réalisées au domicile soient effectuées en toute sécurité, l’ergothérapeute évalue les facteurs personnels (systèmes organiques et aptitudes), les facteurs environnementaux (facilitateurs ou obstacles), les habitudes de vie (participation sociale et situations de handicap)7 et l’interaction entre tous ces facteurs. Ces évaluations se font en fonction : Des capacités de transferts et de déambulation de la personne, Des activités élémentaires de la vie quotidienne (toilette, habillage, prise des repas, élimination, …), Des activités qui sont perturbées par les déficiences visuelles et auditives. Suite à ces évaluations, l’ergothérapeute peut proposer des aides techniques et/ou des aménagements du domicile sans les imposer. La personne doit être envisagée dans sa globalité et c’est à elle seule que revient la décision finale d’accepter ou non les préconisations des professionnels. L’ergothérapeute a un rôle important dans l’accompagnement de la personne dans ses prises de décision. En effet, l’appropriation des aides proposées « signifie que la personne a accepté sa déficience ou son incapacité, qu’elle a cheminé dans son travail de deuil de ses capacités antérieures, de son état de parfaite santé. » (HEDDEBAUT 2009, p.53) C. Ergothérapie et aménagement Le nombre de personnes susceptibles d’avoir besoin d’une aide technique ou d’aménagement de leur logement va augmenter pour plusieurs raisons : Facteur sociologique : notre société nous protège mais elle valorise en même temps « la prise de risque en produisant une idéologie de la compétition à tous les niveaux et dans tous les domaines de la vie sociale. » (DJAOUI 2008, p.69) Par cela, l’auteur met en avant les exemples suivants : les comportements de santé « à risques » comme la consommation de produits addictifs, les conduites autoroutières dangereuses, le refus de respecter les consignes de sécurités au travail. Aussi, les voyages touristiques de plus en plus lointains et les activités sportives et de loisirs de plus en plus violentes, Augmentation de la longévité : un grand nombre de personnes bénéficie d’une meilleure santé lorsqu’elles arrivent au très grand âge. A contrario, de plus en plus de personnes très âgées, ayant des problèmes de santé, ont recours aux aides techniques et aux aménagements car, elles ne trouvent pas obligatoirement de place en institution, 7 Selon le Processus de Production du Handicap (PPH), cf schéma Annexe 1 16 Hygiène de vie : elle a un impact sur la santé dont certains facteurs peuvent être néfastes, Progrès de la recherche médical : ce progrès permet l’augmentation de l’espérance de vie de personne en situation de handicap. Cette augmentation du nombre de personnes affectées à divers degrés de déficiences et/ou souffrant de handicaps, explique l’émergence de nouvelles pratiques médico-sociales au domicile. C’est le cas pour l’ergothérapie qui participe au projet de retour et de maintien à domicile de personnes âgées ou handicapées après une hospitalisation. Les aides techniques sont des accessoires et des matériels qui facilitent les activités de la vie quotidienne. Ces aides vont des soins personnels jusqu'à la gestion des traitements, la communication, etc. « Les aménagements concernent des dispositifs (monte-charge, rampes, élévateurs d’escaliers) ou les différents mobiliers ou espaces adaptés (W.C., tables, baignoires, etc.) » (DJAOUI 2008, p.70) L’aménagement doit répondre aux attentes de l’habitant et celles-ci ne sont pas forcément les mêmes que celles des professionnels. L’accord de la personne est primordial pour toutes interventions ainsi que celui de l’entourage conjugal et familial. Même si la personne est en accord avec le professionnel pour réaliser des aménagements, le risque est qu’elle ait le sentiment de ne plus maitriser son environnement, son territoire et qu’elle ne s’y reconnaisse plus. « Le notion de domicile adapté relève du registre psychosociologique. » (DJAOUI 2008, p.71) L’aménagement du domicile doit alors respecter l’identité de la personne et pour cela il doit : Permettre le maintien d’une image de soi valorisante. Les aides techniques ne doivent pas refléter ce que la personne ne veut pas voir, c'est-à-dire la perte de ses capacités. Permettre de garder le contrôle sur son espace. Les aides qui permettent de conserver son indépendance dans les actes élémentaires de la vie quotidienne sont plus facilement acceptées. Permettre de préserver le réseau de sociabilité et ne pas l’entraver. 17 Les visites à domicile ne se passent pas toujours comme dans la littérature. Il peut arriver que la personne âgée accepte dans un premier temps la visite à domicile puis la refuse. Mais pourquoi ce changement de décision ? Lorsque la personne est hospitalisée depuis un long moment, elle s’est adaptée à ce nouvel environnement, a trouvé de nouveaux repères et a pris de nouvelles habitudes. Une nouvelle routine s’est mise en place, rythmée par celle des différents professionnels de l’établissement. Souvent, la visite à domicile est le premier temps où la personne reprend contact avec le « monde extérieur » et cela peut l’angoisser. Elle peut aussi avoir peur que l’ergothérapeute estime que le retour à domicile ne soit pas possible. Ou tout simplement, la personne refuse que des étrangers entrent chez elle. De la théorie à la pratique, il y a souvent un grand pas. Le point qui me parait le plus important est l’acceptation. C’est à la personne seule que revient la décision finale de suivre ou non les recommandations des professionnels. Prenons l’exemple le plus fréquemment cité par les ergothérapeutes : le retrait des tapis. Afin de prévenir et de diminuer le risque de chute, les ergothérapeutes préconisent aux personnes âgées de retirer les tapis. Bien souvent, ils sont confrontés à un refus catégorique. Les personnes ne comprennent pas pourquoi elles devraient enlever le tapis qui est en place depuis plus de 30 ans et qui ne leur à jamais posé de problème. Les personnes âgées sont fortement attachées à leur domicile et à tout ce qu’il contient. Il est le symbole d’une vie, riche en souvenirs. Chaque objet, chaque meuble a une place précise et représentent des moments de vie auxquels la personne ne veut pas se séparer. Comment faire pour que les personnes comprennent et acceptent plus facilement les préconisations d’aménagement de leur domicile ? Mon hypothèse est la suivante : la mise en situation au domicile est un moyen qui facilite l’acceptation des préconisations d’aménagement par les personnes âgées. En effet, la mise en situation permet, à mon sens, de mettre la personne face à une ou des situations problématiques de son quotidien, et ainsi de la confronter à ses capacités et à ses incapacités. Mais est-ce un moyen de lui faire prendre conscience de ses difficultés ? Est-il plus pertinent de réaliser des mises en situation au domicile de la personne ou au sein de l’établissement où elle séjourne ? Sur le terrain, la mise en situation permet-elle de favoriser l’acceptation des préconisations faites par les ergothérapeutes ? Ce sont autant de questions que j’ai jugé intéressantes à poser à des professionnels afin de répondre à mon questionnement. 18 Partie méthodologie I. Démarche méthodologique A. Choix de la méthode 1. Choix de l’outil J’ai choisi d’utiliser l’entretien semi-directif pour recueillir des données car, il est centré sur des thèmes et des points clés formulés. J’ai répertorié les questions que je souhaitais poser dans une grille. Afin d’avoir une enquête de qualité, je propose des questions fermées, dont la compréhension, l’expression et l’exploitation sont facilitées au risque d’avoir une expression limitée et influencée, et des questions ouvertes permettant une réponse libre en utilisant des formulations précises par rapport à la question centrale de l’enquête. Lors des différentes entrevues, je souhaitais adopter une attitude d’écoute pour ne pas interrompre et/ou influencer le discours de la personne. Si des points venaient à ne pas être abordés ou développés, ce type d’entretien me permettait d’approfondir des réponses en revenant dessus. J’ai choisi cet outil afin d’approcher au plus près la réalité sur le terrain. En effet, il me permettait d’être en contact direct avec la personne et d’avoir ainsi une réelle discussion et des réponses spontanées autour de divers thèmes que j’ai choisi d’aborder. Etre en face de la personne me permettait d’observer ses attitudes qui, sont souvent révélatrices de pensées. Je pouvais aussi approfondir des points comme le vécu, les ressentis et les impressions que je n’aurais pas pu avoir en réalisant un questionnaire. La réalisation d’entretiens demande de trouver un équilibre entre la ligne directrice de l’entretien et la nécessité de collecter des informations, tout en suivant le fil de la pensée de la personne interrogée. 2. Populations ciblées Au départ, je souhaitais interroger deux populations : des personnes âgées ayant bénéficiées d’une visite à domicile, ainsi que des ergothérapeutes travaillant en gériatrie et réalisant des visites à domicile. Je désirais enquêter auprès des personnes âgées afin de tenter de comprendre pourquoi elles sont tant attachées à leur maison et les raisons qui les poussent à vouloir vivre chez elles jusqu’au bout. En ce qui concerne les ergothérapeutes, je souhaitais les interroger pour analyser leur pratique lors de la visite à domicile auprès de la population des personnes âgées. 19 J’ai fait le choix de réaliser mon dernier stage de troisième année d’étude en ergothérapie dans un centre gériatrique afin de disposer de tous les éléments dont j’avais besoin pour réaliser mon enquête et pour appréhender les différents aspects du vieillissement. Ainsi, je pouvais tenter de comprendre la relation que les personnes âgées ont avec leur domicile et aborder avec elles cette notion. Voici un tableau récapitulatif des quelques critères que j’ai défini pour cibler les deux populations afin de répondre à mon questionnement : Ergothérapeutes : Critères d’inclusion Critères d’exclusion Des ergothérapeutes exerçant auprès de personnes âgées Des ergothérapeutes n’ayant jamais réalisé de visite à domicile Des ergothérapeutes travaillant en gériatrie Des ergothérapeutes n’ayant jamais travaillé auprès de la population des personnes âgées J’ai pu interroger six ergothérapeutes : Diplômée depuis : Travaille en gériatrie depuis : Mme A 1998 Mme B 1978 Mme C 2005 Mme D 1978 Mme E 2009 Mme F 1997 15 ans 36 ans Moins de 1 an 36 ans 2 ans 16 ans Personnes âgées : Critères d’inclusion Personnes âgées ayant bénéficié d’une Critères d’exclusion visite à domicile au cours d’une hospitalisation Personnes de plus de 60 ans Personnes retraitées Personnes âgées porteuses d’une démence Personnes âgées ayant des troubles cognitifs Personnes âgées locataires de leur logement Au regard de ce tableau, je n’ai pas pu réaliser d’entretien auprès de cette population. 20 3. Elaboration de la grille d’entretien Afin de m’aider à réaliser les entretiens, j’ai réalisé deux grilles 8 dans lesquelles apparaissent différentes questions. Celles-ci ont été rédigées en fonction de mon hypothèse afin de la valider ou de l’invalider. Pour les entretiens avec les personnes âgées, je souhaitais aborder leur relation à leur domicile et appréhender leurs ressentis lorsque l’ergothérapeute leur proposait de réaliser une visite à domicile et lors des mises en situations écologiques. Pour les entretiens avec les ergothérapeutes, c’est la pratique professionnelle que je visais : comment abordent-ils la visite à domicile et les mises en situation écologiques au domicile avec la personne âgée ? 4. Passation des entretiens Pour passer les entretiens avec les ergothérapeutes, je prenais rendez-vous avec eux en fonction de nos plannings respectifs. Je préférais prendre un temps plus large que celui initialement prévu pour la passation car, avec des entretiens semi-directifs, la personne interrogée peut aborder divers sujets en plus de ceux que nous visons au départ. De plus, je ne voulais pas que la personne se presse de répondre pour être dans les temps et vaquer à ses occupations. Avec les personnes âgées, j’enquêtais auprès de l’équipe d’ergothérapeutes pour savoir quels patients ont bénéficié d’une visite à domicile, en donnant les critères d’inclusion et d’exclusion. Je prenais soin d’expliquer pourquoi je réalisais des entretiens et leur procédure. Je demandais si je pouvais enregistrer les conversations et les retranscrire ensuite anonymement pour pouvoir les analyser. Je n’ai eu aucun refus et je m’en suis donc tenu à mes grilles d’entretien. 5. Procédure d’analyse des entretiens Pour analyser les entretiens, je les ai tout d’abord retranscrits9 pour pouvoir mieux les lire. Ensuite, j’ai réalisé un tableau d’analyse pour pouvoir trier et dégager des données qui me paraissaient les plus pertinentes au regard de ma question de recherche et de mon hypothèse. 8 Annexes 2 : Grille d’entretien pour les ergothérapeutes et Annexe 3 : Grille d’entretien pour les personnes âgées 9 Annexe 4 : Retranscriptions des entretiens avec les ergothérapeutes 21 II. Analyse des entretiens Lorsque je ferai référence à des citations tirées d’entretiens, je noterai de la façon suivante : (Entretien A), ceux-ci sont répertoriés en annexe et dans l’ordre alphabétique. A. La visite à domicile 1. Définition de la visite à domicile « Moi j’aime bien dire que la visite à domicile, c’est un peu comme un iceberg. Y a effectivement la partie visible qui va être la visite en elle-même mais y a effectivement toute la partie invisible, toute la préparation. » (Entretien A) 2. Sa préparation Connaitre la personne et appréhender son logement « Déjà en amont il faut que j’ai absolument tous les renseignements nécessaires […] des habitudes de vie antérieures. » (Entretien D) « Je la prépare en prenant un…, bon déjà en échangeant avec le patient, d’une part, en prenant un rendez vous avec la famille, en essayant de bien cerner les problèmes qui… que les gens, enfin que moi j’ai pu ressentir au niveau des échanges avec le patient, les problèmes rencontrés par la famille » (Entretien B) « La garantie souvent d’un retour et d’un maintien à domicile, ça se fait justement en préparant en amont et en essayant de voir avec le patient, comment dire, de sérier tous les obstacles qui pourraient survenir à domicile » (Entretien D). « On va déjà vérifier comment est le domicile au niveau du document connaissance de la personne pour faire un état des lieux. Si la personne n’est pas en capacité de répondre, bien évidemment on va essayé de voir avec un tiers, l’entourage pour vérifier déjà comment il se débrouillait à la maison et en fonction de son handicap actuel, si il se retrouve en fauteuil roulant alors qu’il se déplaçait sans aide technique avant, […] l’objectif se sera de vérifier si il peut rentrer en état aujourd’hui. » (Entretien F) Il est mis en avant par plusieurs ergothérapeutes que la connaissance de la personne est un point essentiel pour la préparation de la visite à domicile. Cette connaissance de la personne peut passer par la réalisation d’entretien avec elle et aussi avec sa famille si cela est possible. Au cours de ces entretiens, les habitudes de vie de la personne vont être recueillies, 22 les difficultés qui sont et qui pourront être rencontrées au domicile sont sériées et la description de ce dernier pourra être demandée. Elaborer des objectifs de visite Cette connaissance de la personne et de son environnement « ça m’aide effectivement à bâtir mes objectifs de visite […] qui sont toujours en lien, de toute façon direct, avec les objectifs propres de la personne âgée, moi je ne fais que de caler les miens sur les siens. » (Entretien D) Et aussi, « Si y a des supports papiers, pouvoir éditer le support pour savoir un petit peu sur quoi on va s’interroger pour quand on va aller à la visite à domicile. » (Entretien C) La connaissance de la personne permet à l’ergothérapeute d’élaborer des objectifs de visite à domicile en fonction de ce qu’il a pu relever comme difficultés au niveau des habitudes de vie de la personne et au niveau de son domicile. Ces objectifs ergothérapiques seront mis en lien avec ceux de la personne afin d’avoir une adéquation entre ses demandes ainsi que ses besoins, et les préconisations de l’ergothérapeute. Pertinence de la visite à domicile « La préparation, c’est déjà nous juger de la pertinence de la visite à domicile, donc de la proposition qu’on va faire » (Entretien A) Afin de juger de la pertinence du projet, « on fait des petits bilans […] écologiques déjà pour évaluer si c’est vraiment nécessaire » (Entretien E). Une visite à domicile peut être proposée par l’équipe pluridisciplinaire ou bien demandé par l’assistante sociale ou la famille. Il convient à l’ergothérapeute de juger de la pertinence de la visite à domicile. Celle-ci peut être appréciée en prenant connaissance avec la personne, ce que nous avons relevé dans les deux points précédents. Aussi, des bilans écologiques peuvent être réalisés pour évaluer l’indépendance de la personne à un moment donné. Anticiper la visite « Et puis après, à moi d’anticiper aussi si j’ai besoin d’emmener du matériel, si je vais prévoir des mises en situation à domicile. Ou aussi, certaines visites à domicile, est-ce que les équipes du service de soin à domicile auront besoin d’être présentes ? » (Entretien A) 23 Lors de la préparation de la visite à domicile, cette ergothérapeute l’anticipe en ce posant la question de quel matériel elle aura besoin d’amener pour faire des essais avec la personne afin de préconiser au mieux des aménagements. Si les équipes du service de soin à domicile sont présentes cela peut permettre à l’ergothérapeute d’avoir un avis sur ses préconisations, car les aménagements proposés influenceront aussi le travail de ces équipes. 3. L’annonce de la visite à domicile Influence de la personnalité de la personne « Tout dépend aussi un p’tit peu de la personnalité de la personne » (Entretien A) Ici, l’ergothérapeute met en avant le fait que la personnalité de la personne peut influencer la façon dont elle va aborder et annoncer la visite à domicile. La visite à domicile, un temps d’intrusion «°J’ai tout à fait conscience qu’une visite à domicile pour moi, de toute façon, reste une intrusion dans la mesure où je m’introduis vraiment au domicile de quelqu’un et donc même en tant que soignant, même avec les meilleures raisons de monde, j’ai bien conscience qu’il faut effectivement que la personne adhère complètement et totalement à l’idée. » (Entretien D) Dans la façon d’aborder la visite à domicile avec la personne, cette ergothérapeute prend en considération le fait que la visite à domicile peut être ressentie comme une intrusion dans l’intimité de la personne. Une proposition et un accompagnement « C’est déjà une proposition et que c’est un accompagnement aussi, pour faciliter le retour à la maison, pour reprendre contact avec le logement quand ça fait longtemps qu’on ne l’a pas fait » (Entretien A) « Je leur dis toujours, je leur dis que c’est une proposition, c’est une possibilité d’aller avec eux à domicile pour voir si y a pas des problèmes, quand ils ont pas énoncé de problèmes eux mais que moi je crains, à travers la connaissance de la personne, qu’on en rencontre mais qu’c’est en rien une obligation » (Entretien B) La visite à domicile n’est en rien une obligation, la personne est dans son droit de ne pas l’accepter. Il convient donc de signifier que la visite à domicile est une proposition et un accompagnement pour faciliter le retour et le maintien à domicile. 24 Expliquer le but de la visite « Souvent c’est en vu d’un retour à domicile, «qu’est ce qu’on peut vous proposer pour que le retour à domicile se passe le mieux possible, dans les meilleures conditions, que vous gardiez un maximum d’autonomie… » (Entretien C). « c’est une aide qu’on peut leur apporter, qu’on est là pour leur donner des conseils, leur donner des pistes, parce que parfois ça permet aussi de déboucher sur des aides humaines, bien souvent. » (Entretien B) « J’essai d’expliquer le pourquoi du comment » (Entretien D). « Une fois qu’on a envisagé avec le médecin, la famille… On part avec le patient et bon, on lui explique un petit peu la démarche, dans quel but on va faire ça, que ce soit au niveau de l’environnement, au niveau écologique, au nouveau des fonctions instrumentales, on va tester un p’tit peu des choses à la maison, on lui explique un p’tit peu avant qu’est ce qu’on va faire. » (Entretien E). Il parait nécessaire d’expliquer le but de la visite à domicile lors de son annonce pour que la personne puisse comprendre son intérêt et ainsi adhérer au projet. La visite à domicile, une prescription médicale « Je précise bien sûre qu’à chaque fois c’est sur prescription médicale. […] C’est une arme avec laquelle entre guillemets, bon je vais m’en servir beaucoup plus rapidement si je sens qu’il y a une résistance de la part de la personne. […] Je me couvre en disant que la visite à domicile c’est sur une prescription médicale. » (Entretien D). La visite à domicile est une prescription médicale. Cette ergothérapeute le précise lorsqu’elle sent que la personne va avoir de la réticence pour faire une visite à domicile. Une décision prise en équipe « Alors souvent, on va leur présenter en disant, si ça pas, parce que des fois c’est présenté, au préalable, par le médecin, lors des entretiens, des visites, donc si ça pas déjà été évoqué, on dit « Voila, on a discuté en réunion d’équipe d’une sortie prochaine, on aimerait vérifier que tout va bien pour la sortie, si l’accessibilité va bien ou si c’est un problème d’accessibilité, mettre en situation chez vous. » (Entretien F). Ici, l’ergothérapeute aborde la visite à domicile en disant que c’est une décision d’équipe et explique le but de la visite à domicile. 25 Anticiper l’annonce de la visite « C’est quelque chose qu’on va un p’tit peu anticiper en amont avant d’aller vraiment discuter de la chose avec lui, […] si on pense qu’y a quand même des chances que ça va fonctionner avant de lui dire, « bon on va aller chez vous pour évaluer la situation », faut quand même anticiper les risques et ne pas trop lui mettre d’espoir en tête si on voit que ça risque d’être compliqué. » (Entretien E) Selon cette ergothérapeute, il conviendrait d’évaluer la situation de la personne avant d’aborder avec lui la visite à domicile, car si les évaluations mettent en avant de grosses difficultés, la personne ne pourra peut être pas retourner chez elle. Il ne s’agit donc plus d’annoncer une visite à domicile mais d’aborder un tout autre projet comme une entrée dans une institution. B. Face aux propositions d’aménagement 1. Les réactions des personnes « C’est vraiment divers et varié » (Entretien C), Trois ergothérapeutes mettent en avant la variabilité des réactions : « Alors elles sont très variables : ou […] ils veulent absolument rentrer à domicile et ils sont près à toutes les propositions, ou bien ils veulent rien changer et ils refusent tout » (Entretien B), « On peut passer d’une extrême à l’autre. Mme X, pour ne pas la citer, elle n’a pas hésité à se faire construire un élévateur, qu’a quand même coûté 18 000 €. Mais parce qu’elle, elle a vu que le, l’objectif majeur pour elle c’était de rester à domicile et c’était surtout de ne pas déménager, parce que ça fait plus de 50 ans qu’ils habitent là tout les deux. » (Entretien D). Nous voyons là que les réactions sont catégoriques : soit la personne accepte, soit elle refuse, en exprimant ou non diverses raisons que nous aborderons dans le prochain titre. Un ergothérapeute explique ces variabilités de réactions par le contexte de la situation : « Tout dépend du contexte justement avant, dans lequel on était. Est-ce qu’on a quelque part, euh.., induit d’avantage la visite à domicile ou est ce que… Parce que parfois c’est un peut ça… Nous on sent que c’est hyper important, mais la personne freine un peu pour plein de raisons » (Entretien A). 26 Ici, l’ergothérapeute explique qu’il faut que ses idées soient en accord avec celles de la personne pour ne pas entrainer d’incompréhension de sa part et pour limiter la réticence. « Certains ne voient pas l’intérêt, si tu montres toi par A+B que ça a un intérêt pour eux, eux ne vont pas le voir dans l’immédiat. » (Entretien F). « Tout ce qui est salle de bain souvent c’est plus facile. […] Ils acceptent mieux, ils comprennent mieux pourquoi on change les choses. » (Entretien C). L’intérêt de la proposition d’aménagement peut ne pas être saisi par la personne même si l’ergothérapeute argumente ses propositions. Elle aurait besoin d’un temps pour assimiler les informations et capter l’intérêt des préconisations. Aussi, il semble que certains aménagements soient plus facilement compris et acceptés. « Et puis après c’est parce que les gens ont leur idée, ce sont déjà fait toute une idée et que t’as beau apporter les arguments… Ils voient pas du tout… C’était ce qu’ils avaient décidé qui passait. » (Entretien C) La personne peut se faire une idée des aménagements qu’elle devrait faire. Mais une fois cette idée est confrontée aux préconisations de l’ergothérapeute, elle peut ne pas comprendre pourquoi ce qu’elle pensait ne convient pas. Il semble judicieux de trouver un compromis entre l’idée de la personne et les préconisations de l’ergothérapeute. Les réactions évoquées par les ergothérapeutes montrent qu’ils peuvent faire face à des réticences ou à des refus de la part des personnes âgées. Ma question de recherche est, je pense, en adéquation avec ce qu’il se passe sur le terrain. 27 2. Les causes d’une réticence ou d’un refus Afin d’avoir une lecture facilitée, voici un histogramme représentant les raisons mises en avant, lors d’un refus, par les personnes âgées face à des préconisations d’aménagement de leur domicile et la fréquence de ses réponses dans les discours des ergothérapeutes interrogées. Histogramme des raisons mises en avant par les personnes âgées et fréquence de citation Fréquence de citation 6 5 4 3 2 Réponses proposées par les ergothérapeutes 1 0 Raisons citées lors d'un refus Cet histogramme nous permet de visualiser la diversité des raisons émises par les personnes âgées lorsqu’elles refusent les propositions d’aménagement de leur domicile. Des personnes peuvent refuser catégoriquement, sans amener de raisons, ou bien ils ne voient pas l’intérêt des préconisations d’aménagement ou encore, elles ne veulent rien changer à leur domicile. La peur du changement des habitudes de vie Nous observons que la raison qui est la plus perçue par les ergothérapeutes est le changement des habitudes de vie. « Chez beaucoup de personnes âgées, les habitudes aident à vivre et finissent par construire leur vieillesse en fonction des habitudes de vie. […] Ils sont 28 rebelles aux changements, parce que leur vie est ritualisée, parce que depuis 50 ans ils font comme ça. » (Entretien D), « […] faire des travaux dans le domicile, c’est souvent... Ça leur fait peur… le changement ça les…, ça les inquiète un petit peu» (Entretien E). « […] parfois c’que les personnes ont le plus de mal à accepter finalement, c’est le changement des habitudes. Soit le changement des habitudes dans le rythme de la journée ou aussi simplement enlever un meuble, alors parfois c’est va juste être une console ou un tapis, des fois c’est juste des trucs comme ça mais ça passe pas non plus » (Entretien A) Ces ergothérapeutes mettent en avant l’importance des habitudes dans le mode de vie de la personne âgée. Elles l’aident à construire sa vie. La prise en compte des habitudes de la personne lors de la proposition des aménagements est donc importante. Le domicile est un espace sacré auquel les personnes âgées sont très attachées. Elles ont appris à y vivre et ainsi, des habitudes et des rituels se sont instaurés. Les modifications dans le domicile peuvent avoir un impact direct sur ces habitudes, ce qui peut effrayer la personne. Un coût à ne pas négliger « Alors j’ai eu ça comme refus… […] y’a aussi le coût parfois parce que y a une partie qu’est prise en charge et pas tout. Y avait ça aussi qu’était mis en avant… » (Entretien C) « […] si faut faire des aménagements, des gros travaux, financièrement c’est pas possible… y a ça aussi beaucoup » (Entretien E) « Alors pour les aménagements après au domicile, c’est sûre que si financièrement ils ont pas les moyens financiers°» (Entretien F). L’aspect financier revient dans le discours des ergothérapeutes. Malgré une prise en charge possible, le reste à charge peut être une raison de refus. La prise en compte des moyens financiers de la personne n’est pas à négliger. Il semblerait utile de proposer des aménagements à moindre coût dans la mesure du possible et se limiter aux aménagements nécessaires, en fonctions des besoins de la personne. 29 Ne pas être vu comme « un handicapé » Vient ensuite la stigmatisation. Les patients ne veulent pas « que ça fasse trop handicapé pour eux » (Entretien F), « que ça montre à tout le monde qu’il est handicapé, qu’il a perdu de ses capacités » (Entretien E). L’engagement des travaux « Alors parfois si, y a des aménagements ou des travaux, y a la question de qui va engager les travaux ? Ca, ça reste souvent hyper compliqué. » (Entretien A). Cette ergothérapeute relate une expérience complexe de réalisation de travaux où le patient s’est fait arnaqué par l’artisan qu’il avait contacté pour réaliser les aménagements. « Faire des travaux dans le domicile, c’est souvent... Ça leur fait peur… le changement ça les […] inquiète un petit peu, les travaux, toute l’organisation autour de ça, ça peut parfois leur faire un petit peur, donc il faut quand même introduire la famille ou des aides extérieures pour essayer d’aider un petit peu dans les démarches. » (Entretien E). Ici, l’ergothérapeute explique que l’organisation des travaux peut effrayer les personnes et peut demander l’inclusion de la famille ou d’aides extérieures pour les aider dans les démarches. Généralement, les travaux sont réalisés pendant que la personne est hospitalisée pour lui permettre un retour à domicile dans de bonnes conditions. Il parait difficile de gérer ce genre d’affaire en étant loin de chez soi L’esthétisme des préconisations L’esthétisme du matériel proposé peut être une raison de refus. « […] ils vont trouver par exemple qu’un rehausseur ou… C’est pas joli et qu’ils vont voir l’esthétique avant le fonctionnel. » (Entretien B) Le domicile, espace emplit de sentiments L’aspect sentimental du domicile entre en ligne de compte dans les raisons avancées par les personnes. « Alors comme je te disais, les raisons sentimentales […] Alors c’était pas vraiment la personne en elle-même c’était le conjoint, à chaque proposition c’était « ah bah non c’est pas possible, c’est quelque chose qu’on a fait ensemble… » Enfin c’était très sentimental, chaque aménagement que eux même avaient fait dans la maison, était très sentimental et du coup chaque changement était compliqué » (Entretien C). 30 Ici l’ergothérapeute évoque une situation où c’est le conjoint qui ne souhaite pas les modifications du domicile en mettant en avant le fait que les aménagements ont été réalisés par les deux membres du couple. Lorsque la personne concernée par la visite à domicile ne vit pas seule, il faut prendre en compte la présence d’autres personnes. Celles-ci pourront être affectées par les changements. C. Mettre en situation la personne à son domicile Toutes les ergothérapeutes interrogées utilisent la mise en situation lors de la visite à domicile. « On fait que ça ! » (Entretien F). « La mise en situation, à la fois elle est… enfin c’est l’essence même de notre travail et ça correspond vraiment aussi aux besoins des personnes […] C’est vraiment repartir des besoins de la personne et des activités qu’elle souhaite refaire. Ca c’est important » (Entretien A) 1. Aborder la mise en situation avec la personne âgée « Souvent on sent quand il va y avoir des difficultés, il faut l’aborder aussi de façon judicieuse, enfin pas trop abrupte, parce que souvent à la visite à domicile, y a souvent un membre de la famille » (Entretien A) Se placer en tant qu’étranger au domicile de la personne « Je me considère là moi comme une invitée, donc je demande à la personne de me faire la visite des lieux, donc c’est elle qui va en principe de pièce en pièce » (Entretien D) « C’est vrai que je trouve que la visite à domicile est rudement intrusive et que ici les patients finalement ils sont chez nous, c’est notre domaine ici l’hôpital. Ils s’adaptent tant bien que mal, pour certain, mais quand on arrive chez eux et bien on inverse les rôles, on est chez eux donc à nous de garder notre place d’étranger, en les laissant aussi se réapproprier le logement. Parce que j’aime bien, au début d’une visite à domicile, c’est de laisser les dix premières minutes sans rien. » (Entretien A) Au domicile de la personne, les professionnels sont des invités : c’est parce que la personne a accepté de faire une visite à domicile que l’ergothérapeute peut entrer chez elle. Avant d’aborder une mise en situation, il semble bénéfique pour la personne de lui laisser un 31 temps de réappropriation de son logement, qui peut être révélateur d’une reprise des automatismes et des habitudes de vie antérieures à l’hospitalisation. Exposer son point de vue sur la situation de la personne « Ah bah tout simplement, j’leur dis bah voyez là je pense que pour vous, ce serait bien d’avoir un rehausseur, par exemple je vais prendre un exemple simple, de toilette parce que vos toilettes me semblent basses. Ils me disent « ah non non non tout va très bien » bon, bah écoutez montrez moi, asseyez vous sur les toilettes et relevez vous. » (Entretien B) « D’expliquer pourquoi, expliquer pourquoi nous on pense qu’il faut l’enlever » (Entretien A) Avant de demander à la personne de se mettre en situation, ces ergothérapeutes donnent leur point de vue sur les aménagements qu’il serait bon de réaliser. Ainsi, elles obtiennent une réaction de la part de la personne et la saisissent pour proposer une mise en situation afin de confronter la personne à ses dires. Reprendre le cours d’une journée « Déjà d’entrée de jeux, moi mes visites à domicile pour être sûre de passer un petit peu partout et qu’ça puisse avoir un peu un sens, d’entrée de jeu je dis à la personne qu’on va reprendre les activités importantes d’une journée sur 24 heure. » (Entretien A) « Donc je leur demande aussi, assez souvent, euh, de me décrire comment se déroule la journée chez eux : à quelle heure ils se lèvent ? Le petit déjeuner où est ce qu’ils le prennent ? Est ce que c’est eux qui préparent le petit déjeuner ? Est ce que c’est le conjoint qui les aide ? En faite voilà, je leur demande de me décrire une journée type et à chaque fois que je vois, que je pointe du doigt, ce qui pourrait, pour moi, être un obstacle, je demande une mise en situation. » (Entretien D) « Je vais essayer de pas forcement l’introduire en tant qu’évaluation, essayer de le remettre dans le contexte d’une situation quotidienne » (Entretien E) Avoir une méthodologie dans le déroulement de la visite à domicile peut permettre à l’ergothérapeute de comprendre le mode de vie et les habitudes de la personne. Aussi, la personne peut saisir l’intérêt de la mise en situation lorsqu’elle est remise dans le contexte de la vie quotidienne, et ne pas la prendre comme une évaluation. 32 Expliquer le but de la mise en situation « J’explique que je veux être sûre que ce qu’elle va faire comme geste c’est fait en sécurité. Donc, j’explique qu’est ce que… Enfin voilà je dis « est ce que vous voulez bien montrer comment vous faites telle ou telle activité chez vous pour voir si vous ne vous mettez pas en danger, si éventuellement je vous proposai une aide pour que ce soit fait d’une manière plus sécuritaire. » (Entretien C) La personne à besoin de comprendre pourquoi elle est mise en situation, sinon elle peut interpréter les événements ou tout simplement refuser de faire ce qui lui est demandé. Etre direct « Ah moi d’emblée je dis « allez y montrez moi comment vous faites d’habitude. » (Entretien F) Chaque ergothérapeute aborde la mise en situation de manières différentes en fonction de sa vision de la visite à domicile. La personnalité du patient peut influencer le discours : certains auront besoin d’explications, d’autres d’être rassurer. 2. Les intérêts de la mise en situation au domicile Etre au plus proche de la réalité de la personne « C’est ce qui approche le plus de la réalité de la personne dans son environnement. C’est là qu’elle va prendre vraiment la mesure de ses capacités, de ses incapacités, de ses limites aussi. » (Entretien D) « Le mettre dans son quotidien ça parait plus logique que de le mettre en situation au sein de l’hôpital. » (Entretien E) « La mettre en situation dans un endroit qu’elle ne connait pas, euh… J’vais pas dire que ça n’a pas d’intérêt, ça en a, mais ça en a moins qu’à domicile. Parce que là c’est vraiment le lieu où elle va vivre, exactement dans la situation qu’elle rencontrera tous les jours » (Entretien B) La mise en situation au domicile permet aux ergothérapeutes d’être au plus proche de la réalité du quotidien de la personne. Les activités de vie quotidienne seront réalisées, observées et analysées de façon concrète tant pour l’ergothérapeute que pour la personne. 33 Le domicile : lieu connu, siège des habitudes et des automatismes « Quand on fait par exemple ici, faut qu’il s’adapte à un nouvel environnement, qu’il cherche un petit peu, qu’il retrouve ses marques » (Entretien E) Demander à la personne de réaliser des activités de vie quotidienne en fonction de ses habitudes dans un lieu qu’elle ne connait pas lui demande de s’adapter à ce nouvel environnement. Les repères et les automatismes qu’elle peut avoir à son domicile peuvent ne pas être retrouvés. « L’hôpital ça reste quelque chose, c’est un lieu étranger. Et c’est pas parce qu’ils sont, on va dire, autonomes ou indépendants en institution qu’ils vont forcement l’être chez eux. Mais a contrario, on a vu aussi des tas de fois où les gens ici ne sont pas indépendants, ne sont pas autonomes parce qu’ils sont justement dans une institution et un lieu qui leur est étranger. Et bizarrement ils rentrent chez eux et on est très surpris, agréablement, de voir que, à la maison ça va le faire. Ils retrouvent leurs repères, ils retrouvent leurs automatismes qui sont perdues ici » (Entretien D) « […] c’est déjà la reprise du contact et qui peut... Réassurer, souvent la plupart du temps la personne » (Entretien A) Etre indépendant et autonome en institution ne veut pas forcément dire que la personne le sera à son domicile. En effet, à l’hôpital, les espaces sont aménagés de telle sorte que les personnes puissent être indépendantes. Ce qui n’est pas forcément le cas au domicile. La mise en situation au domicile permettra d’évaluer le niveau d’indépendance de la personne. Aussi, il peut se produire le contraire, la personne n’est pas indépendante dans des actes de la vie quotidienne en institution. En effet, à son domicile, la personne âgée retrouve ses repères et ses automatismes et cela peut la rassurer. « On va vraiment voir si elle retrouve par exemple ses habitudes, les gestes, parce que des fois quand on n’est pas dans son environnement on peut être un peu perdu par […] les mobiliers qu’on connait pas, les rangements qu’on connait pas, les outils qu’on connait pas. Alors que dans son environnement souvent les habitudes… y a des automatismes qui sont là depuis longtemps et qui reviennent. C’est pour être sûre que ces automatismes sont toujours présents » (Entretien C) Mettre en situation la personne à son domicile permet aussi d’observer si elle retrouve ou non ses repères, ses habitudes. 34 « […] qui peut moi aussi, me permettre de… de replanifier après la suite de ma prise en charge » (Entretien A) La mise en situation au domicile de la personne permet à l’ergothérapeute de se rendre compte des habitudes de vie de la personne et de son environnement. Il peut ainsi réajuster ses objectifs de prise en charge en fonction de ce qu’il a pu observer lors des mises en situations. 3. Mise en situation au domicile et prise de conscience de la personne « C’est compliqué, certaines fois c’est compliqué de leur faire comprendre que bah, une fois qu’on les met en situation, bah vous voyez bien, c’est pas facile hein ! » (Entretien F) Pour l’ensemble des ergothérapeutes interrogées, la mise en situation permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés. Confronter la personne à ses capacités et à ses incapacités « L’idée c’est de faire constater à la personne et, parfois l’entourage aussi, les difficultés de la personne mais… tout en limitant quand même au maximum l’impact émotionnel que ça peut avoir ou d’la mise en échec. Mais parfois effectivement c’est quand même… Y a cette, cette… cette prise de conscience. » (Entretien A) « A la fois de ses difficultés et à la fois de ses possibilité. » (Entretien B) Les personnes ne sont pas forcément conscientes de leurs incapacités mais aussi de leurs capacités. La mise en situation peut aider à cette prise de conscience. L’impact des troubles cognitifs « Tout dépend si la personne à des troubles cognitifs. Si la personne à des troubles cognitifs, la mettre en échec ne va… va avoir, je pense aucune… aucun impact. Euh… ça va être pire je pense de la mettre en échec face à ses difficultés. Par contre si la personne à pas de troubles cognitifs, là oui je trouve que c’est intéressant de mettre en avant ses difficultés. Voilà, qu’on discute et qu’on fasse avancer les choses et qu’elle prenne conscience de ça. » (Entretien C) « Soit, aussi, y a des troubles cognitifs qui font que, voilà, y a pas de prise de conscience parce que les troubles cognitifs prennent toute la place. » (Entretien D) 35 La mise en échec d’une personne ayant des troubles cognitifs peut avoir ou non un impact sur sa prise de conscience de ses difficultés au quotidien. En revanche, pour une personne qui n’en a pas, la confronter à ses difficultés peut permettre de discuter avec elle pour l’aider à en prendre conscience. Le déni des troubles « Si malgré tout y a pas de prise de conscience c’est que : un, l’échec est, doit être digéré, euh… et la personne peut être dans le déni, justement, parce que justement il faut lui laisser le temps de faire ce deuil, parce que si elle est pas bête elle s’aperçoit à ce moment là de ses limites ce jour là, soit elle a la capacité à l’accepter, soit elle n’en a pas la capacité°» (Entretien D) Si la personne est dans le déni de ses troubles, cela peut être du au fait qu’elle n’a pas fait le deuil de ses capacités. Si la personne n’a pas la capacité de comprendre son échec, il semblerait judicieux de lui laisser le temps et revenir dessus ensuite pour faire évoluer la situation. En revanche, si elle en a la capacité, elle peut prendre conscience de ses difficultés. 4. Mise en situation : moyen de faire accepter les préconisations d’aménagement ? Pour l’ensemble des ergothérapeutes, la réponse est clairement oui. « Ah oui, ah oui tout à fait. Je pense que d’avoir par exemple à disposition différents matériels lors d’une visite à domicile pour mettre la personne en situation, c’est là qu’elle peut se rendre vraiment compte si ça va lui convenir ou pas, et inversement, parfois on peut avoir des surprises, nous on pense que le matériel qu’on propose ça va être le meilleur qui va le plus la rassurer ou elle va se sentir le plus en sécurité, finalement non mais du coup le fait d’avoir pu faire les essais à la maison va pouvoir permettre.. Bah au moins de faire cheminer la personne par rapport à ça. » (Entretien C) « Oui bah ça va démontrer à la personne, que ça va… Que les aménagements qu’on propose, si on lui fait pas essayer, il va pas forcément comprendre pourquoi on lui propose ce genre de chose, il faut qu’il essaye, il faut qu’il comprenne comment ça fonctionne, quel est l’intérêt pour lui, il faut travailler un petit peu, en lui montrant chez lui et en retravaillant si nécessaire à l’hôpital » (Entretien E) « Ça peut être un moyen mais c’est parfois insuffisant. […] ceux qui sont dans le déni total de leurs incapacités, tu vas leur proposer toute une liste de… t’aura beau leur proposer 36 une liste d’aides techniques, de moyens ou d’aides humaines ils vont te dire « Mais n’importe quoi, t’façon une fois qu’j’serais rentré chez moi… » Bah oui mais là on y est chez vous « Oui oui mais quand je s’rais rentré tout va marcher comme avant » Ouai d’accord, bah toi t’es pas convaincu. » (Entretien F) La mise en situation et l’essai de matériel permet de faire comprendre à la personne l’intérêt des aménagements. De plus, cela lui permet de se rendre compte de ce qu’il va lui convenir ou non. Ce moyen met la personne devant ses capacités et ses incapacités et ainsi elle peut cheminer face à sa situation et accepter ou non les propositions d’aménagement. La mise en situation peut s’avérer insuffisante si la personne est dans le déni total de ses troubles. 37 Discussion Synthèse des résultats En menant cette étude, je souhaitais analyser la pratique professionnelle des ergothérapeutes dans l’exercice de la visite à domicile auprès de la population des personnes âgées, de sa préparation à son annonce. Ensuite, je voulais constater si la mise en situation au domicile est un moyen utilisé par les ergothérapeutes et la façon dont il est abordé. Enfin, je souhaitais savoir si la mise en situation permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés et si cela facilite son acceptation des préconisations d’aménagement. A la suite de mes recherches théoriques, j’ai émis l’hypothèse que la mise en situation au domicile est un moyen qui permet de faciliter l’acceptation des aménagements du domicile par les personnes âgées. La synthèse des résultats obtenus par l’analyse des entretiens et leur confrontation avec la théorie me permettront de juger de la pertinence de mon hypothèse. La visite à domicile est un exercice commun aux ergothérapeutes. Nous avons vu en théorie sa définition et son organisation. En amont de la visite, des informations doivent être recueillies afin d’optimiser le temps lors de la visite et de définir des objectifs, c'est-à-dire les points clés à aborder au domicile de la personne. Ces informations sont généralement récoltées auprès du patient ou d’un tiers, s’il n’est pas en capacité de répondre. Elles regroupent la connaissance de la personne : son mode de vie, ses habitudes, ses activités, et une description de son domicile. Des ergothérapeutes utilisent une méthodologie particulière pour cibler les informations. Au cours de différents stages, j’ai pu observer des documents qui permettent de cibler et de synthétiser ces informations. La question de la pertinence de la visite à domicile a été soulevée par une des ergothérapeutes interrogées. Afin d’évaluer cela, il est intéressant de réaliser, au préalable, des évaluations écologiques, pour faire un point sur l’indépendance et l’autonomie de la personne. Sérier les obstacles et les difficultés que la personne âgées rencontrait et qui pourront être rencontrés à son domicile, permet d’approfondir la nécessité de réaliser ou non une visite à domicile. Mais comme le disait Mme D ; « c’est pas parce qu’ils sont, on va dire, autonomes ou indépendants en institution qu’ils vont forcement l’être chez eux. » Je pense que même si la personne est autonome et indépendante à l’hôpital, la visite à domicile pourra être un temps de réassurance quant à la faisabilité d’un retour et d’un maintien à domicile en sécurité, tant pour le professionnel que pour la personne. L’hôpital est 38 un lieu où les patients sont protégés, les équipes sont présentent pour tenter de répondre à leurs demandes et à leurs besoins. Mais à domicile, si la personne vit seule, il faudra mettre en place des aides matérielles et/ou humaines pour qu’elle puisse vivre en toute sécurité, encore faut-il que ces aides soient accepter. La visite à domicile est un temps pouvant être perçu comme intrusif par la personne. En effet, à l’hôpital, nous pouvons dire que les professionnels sont « chez eux », que c’est leur territoire. Les patients s’adaptent tant bien que mal à l’environnement, aux rythmes de la journée imposés par ceux des différentes équipes. Mais lorsqu’il s’agit d’aller chez la personne, le professionnel prend une place d’étranger. Pour diverses raisons, elle peut ne pas accepter la visite à domicile. Il s’agit donc de préparer la façon d’aborder le projet de visite à domicile. Chaque ergothérapeute a là aussi, sa façon d’annoncer le sujet à la personne. Cette dernière est en droit de refuser une visite à domicile, ils convient donc de signifier que c’est une proposition et un accompagnement pour faciliter son retour et son maintien à domicile. Aussi, je pense que la relation construite avec la personne influence la façon d’aborder la question de réaliser une visite à domicile. Mme F m’a fait justement remarquer que l’annonce de la visite à domicile peut avoir un impact psychologique sur la personne : « on annonce la visite et qu’est ce qui se passe la veille de la visite, y a des gens ils vont pas dormir de la nuit, ils sont complètement stressés. Y a des gens moi j’ai retrouvé chuté […] Y a une espèce de stresse on va dire, on me met en situation, ils vont vérifier tout… » Cela me confirme que l’annonce de la visite à domicile peut avoir un impact sur la personne et sur la façon dont elle va se dérouler. Afin de limiter cet impact, je pense que d’expliquer le but de la visite à domicile, ce qu’il va s’y passer, quelle est son organisation, permet d’apaiser certaines craintes. Il faut être rassurant envers la personne et ne pas se placer en tant qu’évaluateur. Aussi, je pense que de rester disponible pour répondre aux questions de la personne aura une influence. La visite à domicile permet à l’ergothérapeute de faire des préconisations d’aménagement. Je m’interroge donc sur la façon d’aborder ces préconisations avec la personne. L’analyse des entretiens me montre la complexité des réactions des personnes face à ces préconisations. Ces réponses sont variables d’un individu à un autre : soit il accepte sans soucis car il a compris l’intérêt de ces propositions, soit il est réticent voir refuse pour diverses raisons. 39 L’abord de la visite à domicile peut avec un impact direct sur ces réactions. En effet, si la personne interprète la visite à domicile comme une évaluation, elle peut s’opposer à toutes propositions de la part de l’ergothérapeute. Nous avons vu que le domicile est un lieu remplit de symboles et de représentations. Il est le reflet de l’identité et de la personnalité de la personne. Cette dernière met en œuvre des mécanismes d’appropriation pour qu’elle se constitue chez elle en décorant, en exposant des souvenirs ou en les cachant, en investissant certains espaces plus que d’autres de son domicile, … Des habitudes et des rituels se créent au fur et à mesure du temps et en fonction des aménagements du domicile. Une des premières raisons de refus des préconisations d’aménagement, mise en avant par les ergothérapeutes, est la peur du changement des habitudes. Le métier d’ergothérapeute vise à maintenir, restaurer les activités humaines en prévenant, réduisant ou supprimant les situations de handicap. Au vue de cette définition la prise en compte des habitudes de vie de la personne est l’essence de ce métier. Et dans le cas de préconisations d’aménagement de domicile, il me semble important d’en tenir compte afin d’être en adéquation avec les aspirations de la personne. Il existe un fort attachement de la personne à son domicile. Les personnes âgées de plus de 60 ans peuvent habiter le domicile où elles sont nées, qu’elles ont partagé avec leurs parents et leurs enfants. Ou bien, c’est elles qui l’ont construit, pierre après pierre avec leur conjoint. Des modifications, même minimes, de leur habitat peuvent ne pas être acceptées. Si cela fait 50 ans que le meuble est à cette place, pourquoi le bouger ? Je reviens donc encore une fois sur le fait d’expliquer à la personne les préconisations pour lui permettre de comprendre. L’aspect financier est aussi un motif de réticence face aux préconisations. Malgré une prise en charge possible par divers financeurs10, le reste à charge peut ne pas être possible par la personne car ses revenus sont insuffisants ou alors, la personne ne veut pas financer. C’est un autre aspect qu’il ne faut donc pas négliger lors de l’élaboration des préconisations. Il faut trouver le juste milieu entre le coût et le bénéfice de ses préconisations pour la personne, comme l’explique Mme F. Les assistants sociaux ont un rôle important. Ils participent à l’organisation du retour à domicile des personnes à la suite d’une hospitalisation 10 Protection sociale (de base et complémentaires), conseils généraux (Allocation Personnalisée d’Autonomie, Prestation de Compensation de Handicap et Fonds Départemental de Compensation), aides extralégales d’autres niveaux de collectivités en extralégal (Centres Communaux d’Actions Sociale, conseils régionaux), actions sociales des caisses primaires d’assurance maladie, Association de Gestion des Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées-Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique) 40 en recherchant des solutions adaptées aux situations des personnes et en lien avec les professionnels ayant participé à leur prise en charge. Le service social informe les patients sur leurs droits, sur les aides dont ils peuvent bénéficier pour faciliter leur maintien à domicile (aide ménagère, portage de repas, téléalarme,…). Il accompagne les personnes dans les démarches de demande d’aides financières. La collaboration avec le service social est, me semble-t-il, primordial lors de la visite à domicile et pour favoriser le retour à domicile de la personne. Comme nous le voyons, les ergothérapeutes peuvent être confrontés à des réticences ou à des refus face à leurs préconisations d’aménagement. Ma question de recherche vise à trouver les moyens permettant de faciliter l’acceptation des personnes âgées face à des préconisations d’aménagement de la part de l’ergothérapeute. J’ai donc émis l’hypothèse que la mise en situation au domicile de la personne est un moyen qui lui permet d’accepter les préconisations d’aménagement. Je pense que la façon d’aborder la mise en situation au domicile de la personne peut avoir un impact sur le mécanisme d’acceptation. Rappelons que lorsque l’ergothérapeute est au domicile de la personne, il est étranger. Il convient donc de laisser la personne reprendre son rôle de maitre de ses lieux en lui laissant prendre l’initiative de faire visiter son domicile. La personne doit rester actrice de sa prise en charge. L’ergothérapeute peut induire la visite en demandant à la personne de reprendre les activités qu’elle réalise dans une journée, du lever au coucher. Ainsi, l’ergothérapeute pourra observer et analyser les habitudes et le mode de vie de la personne. Cette méthodologie permet aussi de demander à la personne de se mettre en situation lorsque l’ergothérapeute pointe du doigt d’éventuelles difficultés ou insécurités. La personne saisit ainsi l’intérêt de la mise en situation car elle est replacée dans un contexte de vie quotidienne. La mise en situation au domicile permet d’être au plus proche de la réalité du quotidien de la personne. En effet, à son domicile, la personne a ses habitudes, ses automatismes qu’elle ne retrouve peut être pas à l’hôpital. Le domicile est un lieu fait de repères, avec les meubles, les objets, l’agencement des pièces,… Mettre en situation une personne dans un environnement qu’elle ne connait pas lui demande de s’adapter. Si elle n’en a pas la capacité, l’exercice sera donc faussé. Mme D soulève un point que je trouve très intéressant : la personne peut être indépendante et autonome en institution mais ne pas l’être une fois chez elle, et inversement. Je pense donc que la mise en situation au domicile est un moyen permettant à 41 l’ergothérapeute de se rendre compte de cela et si elle retrouve ses repères et ses automatismes. Aussi, la mise en situation au domicile de la personne permet à l’ergothérapeute d’ajuster ses objectifs de prise en charge. Si elle remarque des activités où la personne peut améliorer ses capacités, il s’agira de les retravailler en séance. La mise en situation de la personne à son domicile lui permet-elle de prendre conscience de ses difficultés ? En posant cette question, je suppose que si la personne prend conscience de ses difficultés, elle acceptera plus facilement les préconisations d’aménagement de son domicile. Les entretiens me montrent que cela est complexe. Même si la réponse à ma question est dans l’ensemble positive, les ergothérapeutes émettent des nuances. Le vieillissement est un processus inévitable. Des personnes peuvent ne pas accepter les changements opérés par ce processus et être dans le déni de leurs difficultés. Nous avons vu qu’en vieillissant, les personnes mettent en place des stratégies d’adaptation pour pallier à leurs déficiences. La mise en situation peut être une étape à cette prise de conscience. Je pense que lorsque la personne prend conscience de ses difficultés, elle aura besoin d’un temps pour analyser sa situation et pour y réfléchir. L’ergothérapeute pourra alors adopter une position d’écoute et d’accompagnement pour faire évoluer la situation. Aussi, les troubles cognitifs résultant de diverses pathologies peuvent empêcher cette prise de conscience. Validation de l’hypothèse Par l’analyse des entretiens, j’ai pu valider ou invalider mon hypothèse. Toutes les ergothérapeutes interrogées considèrent que la mise en situation au domicile de la personne est un moyen qui lui permet d’accepter plus facilement les préconisations d’aménagement de son domicile. Ce moyen peut aider la personne à prendre conscience de ses difficultés si elle ne les voit pas ou ne veut pas les voir. Ainsi, cette prise de conscience peut induire que la personne accepte les préconisations d’aménagement. C’est lors de la visite à domicile que l’ergothérapeute peut amener du matériel paramédical pour le faire essayer à la personne et pour juger de la pertinence de cette préconisation. Il pourra alors demander à la personne de se mettre en situation avec et sans le matériel pour comparer les deux situations. Par cela, la personne juge d’elle-même l’intérêt de ses préconisations. 42 Une des ergothérapeutes, Mme F, avance que ce peut être insuffisant d’utiliser la mise en situation au domicile de la personne pour faciliter son acceptation des préconisations. Si la personne est dans le déni total, en proposant diverses solutions et en les argumentant, elle ne les prendra pas en considération. En effet, elle peut accepter les préconisations pour être « tranquille » ou « faire plaisir » à l’ergothérapeute, mais une fois seule chez elle, c’est à elle seule qu’appartient le choix de mettre en applications les conseils et les propositions. L’analyse des entretiens et la synthèse des résultats me permettent de valider mon hypothèse. Aussi, cela m’a permis de me poser de nouvelles questions. Nouveaux questionnements Suite à l’analyse des données recueillies, il me vient de nouveaux questionnements. Comme le soulève très justement Mme F, si la personne est dans le déni total de ses difficultés et que la mise en situation à son domicile ne suffit pas à induire une prise de conscience et à accepter les préconisations, quels autres moyens peuvent l’aider en ce sens ? La famille peut-elle avoir un rôle sur le mécanisme de deuil des capacités de la personne âgée et ainsi sur le mécanisme d’acceptation des préconisations d’aménagement ? Souvent, l’entourage proche est convié à participer à la visite à domicile. Celui-ci peut aider l’ergothérapeute à faire comprendre les intérêts des aménagements et les bénéfices que la personne peut en tirer. Aussi, lorsque la personne rentre chez elle, comment s’assurer qu’elle met en œuvre les préconisations et les conseils de l’ergothérapeute ? Quel rôle l’ergothérapeute peut-il avoir à distance d’un retour à domicile pour permettre un maintien à domicile en toute sécurité et ainsi éviter une nouvelle hospitalisation ? Voici autant de questions que je me pose à la suite de mon enquête auprès d’ergothérapeutes. Je vais maintenant analyser et critiquer la méthode que j’ai employée afin de cerner les points que je pourrai améliorer pour réaliser une autre enquête. Critique de la méthode J’ai réalisé des entretiens auprès de six ergothérapeutes faisant partie de la même équipe et travaillant au sein de la même structure. J’ai ainsi pu recueillir de nombreuses données en lien avec ma problématique. Mais j’aurai pu interroger d’autres ergothérapeutes, travaillant dans le même type de structure, dans un autre établissement pour croiser les 43 pratiques. Je pense que chaque équipe à son mode de fonctionnement ainsi que chaque établissement. Du fait d’avoir réalisé les entretiens dans une seule structure, je n’ai pas pu en réaliser auprès de personnes âgées, ce qui était mon souhait de départ. En effet, toutes les personnes âgées séjournant dans le centre ne rentraient pas dans les critères que j’avais prédéfinis. J’ai adopté une position d’écoute lors des entretiens, ainsi j’ai pu recueillir de nombreuses données très intéressantes et exploitables mais après analyse, il me manque des précisions ce qui ne me permet pas d’approfondir certains points. Je ne souhaitais pas couper la parole des ergothérapeutes pour demander des précisions de peur de les couper dans leur discours et de passer à côté d’informations importantes. Aussi, la dernière question de mon entretien était une question qui interrogeait directement sur mon hypothèse. J’ai formulé cette question comme une question fermée ce qui impliquait que je devais demander aux ergothérapeutes de justifier leur réponse. Pour finir, les informations que j’ai recueillies m’ont permis de répondre à ma problématique et de me poser de nouveaux questionnements. 44 Conclusion Le souhait de nombreuses personnes âgées est de rester vivre le plus longtemps possible dans leur domicile ; « le maintien à domicile reste la solution préférée pour une majorité de français et devient ainsi un enjeu majeur pour l’avenir » (TROUVE, 2011, p 363) L’ergothérapeute, de part sa formation et ses connaissances, a un rôle important dans le maintien à domicile des personnes âgées. En effet, il peut être amené à adapter leur environnement, afin de favoriser leur participation dans leur milieu de vie, leur indépendance et leur autonomie. Cette adaptation peut passer par la préconisation d’aides techniques, humaines, animal, ainsi que par l’aménagement d’espace de vie. Malgré leur souhait de rester le plus longtemps possible chez elles, les personnes âgées peuvent être réticentes ou refuser les conseils et les préconisations d’aménagement de leur domicile de la part des ergothérapeutes. C’est par cette constatation que j’ai choisi de réaliser mon travail de recherche sur les personnes âgées et leur acceptation des aménagements du domicile. Je souhaitais trouver les moyens permettant de faciliter cette acceptation lors de l’exercice de la visite à domicile. Ce travail d’initiation à la recherche m’a permis d’approfondir mes connaissances sur les impacts du vieillissement chez une personne et, sur le domicile en tant qu’espace psychique. En faisant le lien entre ces deux apports théoriques, j’ai pu appréhender les raisons pour lesquelles les personnes âgées souhaitent vivre le plus longtemps possible dans leur domicile, ainsi que celles qui peuvent les pousser à ne pas accepter les modifications de leur environnement. La mise en situation écologique au domicile de la personne peut être un moyen permettant à la personne âgée d’accepter les préconisations d’aménagement de son domicile. Mais ce moyen peut se révéler être insuffisant lorsque la personne est dans le déni de ses difficultés. La façon d’aborder le projet de réaliser une visite à domicile peut avoir un impact sur cette notion d’acceptation. Il en est de même pour l’approche de la mise en situation au domicile. La construction d’une relation avec la personne permet d’adopter une approche en adéquation avec la personnalité de la personne et en lien avec ses attentes, ses demandes et ses besoins. 45 Dans ma future vie professionnelle, je tenterai de mettre en place les préconisations que j’ai énoncées tout au long de ce travail. Je pourrai ainsi juger, de part moi-même, de leur faisabilité. Il est pour moi essentiel de prendre en compte toute les dimensions que le domicile peut avoir pour la personne afin de répondre au plus juste aux objectifs ergothérapiques et à ceux de la personne. 46 Bibliographie Articles de périodiques : CHARRIER-CASADO A., MION M.-P., LYARD S., 2001. Visiter le domicile pour l’aménager. ErgOThérapies, n°1, pp. 33-35 BALARD F., SOMME D., 2011. Faire que l’habitat reste ordinaire, le maintient de l’autonomie des personnes âgées en situation complexe à domicile. Gérontologie et société, n°136, pp. 105-118 DJAOUI E., 2011. Approche de la « culture du domicile ».Gérontologie et société, n°136, pp. 77-90 DEFOSSE AGUT A., FONTAINE M., 2003. Aménagement du domicile du sujet âgé. La revue du praticien Médecine générale, n°631, tome 17, pp. 1497-1504 ENNUYER B., 2011. A quel âge est-on vieux ?... . Gérontologie et société, n° 138, pp. 127-142 RAVAINE N. et al., 2005. Les visites à domicile. 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Comment abordez-vous la question de la visite à domicile avec les personnes âgées ? Je cherche à savoir comment les ergothérapeutes abordent la question de la visite à domicile : présentent-ils le déroulement de la visite à domicile ? Prennent-ils en compte l’aspect émotionnel de la visite et l’abordent-ils avec la personne ? Abordent-ils le but de la visite à domicile ? Expliquent-ils comment va se dérouler la visite à domicile ? Quelles sont les réactions des personnes face à la proposition d’aménagement de leur domicile ? Dans un premier temps, je m’intéresse à la réaction première des personnes face à l’annonce des préconisations de l’ergothérapeute. Ensuite, je souhaite savoir ce qui peut influencer ces réactions ? Aussi, je souhaite savoir si les ergothérapeutes ont déjà été confrontés à des refus de la part de la personne âgée et/ou de son entourage. Dans le cas d’un refus ou d’une résistance à la proposition d’aménagement, pouvez-vous me citer les raisons mises en avant par les personnes ? Je souhaite connaitre les éléments récurrents de qui entrainent un refus ou une résistance. Est-ce que les ergothérapeutes prennent en compte les réactions des personnes pour ajuster leur discours et trouver des solutions qui conviennent à la personne (et/ou son entourage) et aux professionnels (ergothérapeutes, service de soins infirmier à domicile,…) Lors de la visite à domicile, utilisez-vous la mise en situation de la personne dans son environnement ? Si oui, pouvez vous m’expliquez comment vous abordez la mise en situation. Toujours dans le but de savoir si les ergothérapeutes prennent en compte l’aspect psychologique de la visite à domicile, je souhaite savoir comment ils abordent la mise en situation, s’ils expliquent l’objectif de la démarche, s’ils se placent en tant que professionnel au domicile ou s’ils respectent le fait qu’ils ne soient pas chez eux mais chez la personne. Quels sont les intérêts, selon vous, de mettre en situation la personne dans son environnement ? Je souhaite comprendre pourquoi les ergothérapeutes utilisent la mise en situation et pas un autre moyen et surtout saisir l’importance de le faire au domicile et pas au sein de l’établissement où séjourne la personne avant son retour à domicile. Pensez-vous que la mise en situation permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés ? Je souhaite saisir les nuances qu’il peut y avoir autour de la mise en situation : est-il utile de réaliser des mises en situation si la personne ne voit pas l’intérêt de la démarche, si elle persiste en disant que tout va bien se passer une fois à la maison ? Pensez-vous que c’est un moyen de faire accepter à la personne les aménagements ? Avec cette dernière question, je souhaite approfondir la question de la mise en situation afin d’en comprendre encore mieux les intérêts. Annexe 3 : Grille d’entretien pour les personnes âgées Quelle a été votre réaction lorsque l’ergothérapeute vous a proposé une visite à domicile ? Je souhaite savoir comment les personnes ont réagi lorsque l’ergothérapeute leur à proposer de réaliser une visite à leur domicile : est ce qu’elles appréhendent ? Acceptent-elles puis refusent-elles pour telles ou telles raisons ? Et quelles sont les raisons ? Ont-elles peur de ce que l’ergothérapeute va faire à leur domicile ? J’observerai aussi les micro-expressions faciales et les expressions corporelles qui peuvent révéler plus d’information sur le ressenti que la parole. L’ergothérapeute vous a-t-il demandé de vous mettre en situation chez vous ? (/ex : faire la vaisselle, préparer du café, …) Si oui, comment avez-vous vécu ces moments ? Je souhaite savoir si la personne à compris l’intérêt de la mise en situation. Est-ce qu’elle a réalisé la tâche demandé pour faire répondre à la demande de l’ergothérapeute Aussi, je cherche à avoir leur interprétation de l’exercice : « On me demande de faire ça pour voir si je ne perd pas la tête, si je suis encore capable de le faire… » Comment avez-vous vécu la visite à domicile ? Je souhaite voir si les personnes vivent ce moment comme une intrusion ou non. SI mettent des freins ou non au déroulement de la visite ? Vivent-ils la visite comme un temps d’angoisse, de stress, de peur de ne pas retrouver un jour leur domicile ? Comment vous sentez vous dans votre domicile ? Par cette question, je souhaite comprendre pourquoi les personnes âgées sont tant attacher à leur domicile ? Que représente-t-il pour elles ? L’ergothérapeute vous a-t-il proposé des aménagements ? Comment vous a-t-il annoncé qu’il fallait réaliser des aménagements ? Comment avez-vous vécu cette proposition ? Ces deux questions me permettent d’appréhender la façon dont les ergothérapeutes abordent les préconisations d’aménagements et, comment cela est perçu et ressenti par les personnes. Annexe 4 : Retranscription des entretiens réalisés auprès d’ergothérapeutes Entretien A : Comment tu prépares la visite à domicile? Moi j’aime bien dire que la visite à domicile, c’est un peu comme un iceberg. Y a effectivement la partie visible qui va être la visite en elle-même mais y a effectivement toute la partie invisible, toute la préparation. Déjà la préparation, c’est déjà nous juger de la pertinence de la visite à domicile, donc de la proposition qu’on va faire. Le proposer à la personne, à la famille. Quand tout le monde est d’accord, et bin c’est convenir du... du bon rendez vous. Et puis après, à moi d’anticiper aussi si j’ai besoin d’emmener du matériel, si je vais prévoir des mises en situation à domicile. Ou aussi, certaines visites à domicile, est-ce que les équipes du service de soin à domicile auront besoin d’être présentes ? Donc y a toute cette organisation là qui ce fait avant. Voilà, ouai, j’crois que j’oublie rien. (Rires) Comment t’abordes la question de la visite à domicile avec la personne, avec le patient ? Tout dépend aussi un p’tit peu de la personnalité de la personne. Mais déjà j’l’aborde, euh.., en parlant de la question du retour, du retour vers la maison. Et aussi, euh…, en disant que, que c’est déjà une proposition et que c’est un accompagnement aussi, pour faciliter le retour à la maison, pour reprendre contact avec le logement quand ça fait longtemps qu’on ne l’a pas fait. Hum…, Ca c’est quand c’est… implicite et parfois c’est plus direct aussi avec certaines personnes qui comprennent aussi très vite la dynamique de la visite. Et on sait que ça va être soit pour des propositions d’aménagements ou pour des mises en situation, des fois c’est plus clair avec certaines personnes. Quelles sont les réactions des personnes face à d’éventuelles propositions d’aménagements de leur domicile ? Tout dépend du contexte justement avant, dans lequel on était. Est-ce qu’on a quelque part, euh.., induit d’avantage la visite à domicile ou est-ce que… Parce que parfois c’est un peut ça… Nous on sent que c’est hyper important, mais la personne freine un peu pour plein de raisons. Soit parce qu’elle est dans le déni, ou soit parce qu’elle n’a pas trop envie qu’on vienne faire intrusion. Parce que je trouve qu’une visite à domicile malgré tout, c’est toujours intrusif. Y a toujours plein de motifs et là…, les aménagements ils peuvent être un p’tit peu moins bien, moins bien accueillis, les propositions,… et parfois du coup c’est très bien, parfois certaines familles ont déjà pensé à plein de chose avant. Et je trouve que parfois le plus difficile, enfin moi je pars toujours sur un principe, c’est que, euh, c’est qu’on part sur des aménagements quand même à minima, on part jamais sur des grands travaux en règle générale parce que c’est beaucoup de stress quand même pour la personne, et ça voudrait dire aussi maintenir plus longtemps l’hospitalisation. Donc c’est essayer d’être le plus pertinent et le plus efficace possible sur les propositions et…, parfois c’que les personnes ont le plus de mal à accepter finalement, c’est le changement des habitudes. Soit le changement des habitudes dans le rythme de la journée ou aussi simplement enlever un meuble, alors parfois c’est va juste être une console ou un tapis, des fois c’est juste des trucs comme ça mais ça passe pas non plus. Ca passe… c’est… J’trouve c’est plus difficile d’enlever des choses que de proposer du matériel médical, ça passe souvent mieux de proposer que d’enlever. Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement quelles sont les raisons qui sont souvent mises en avant par les personnes ? Que t’as pu entendre ? Euh… (Blanc) Ca demande de se souvenir ! (Rires) De retrouver des situations… Alors parfois si, y a des aménagements ou des travaux, y a la question de qui va engager les travaux, ça, ça reste souvent hyper compliqué. Et je me souviens d’un monsieur qui est resté du coup deux mois de plus hospitalisé car en faite, le plombier faisait des devis exorbitants et c’était un copain, euh…, du fils de sa compagne, enfin un schmilblick pas possible. Y avait une histoire pas possible cachée la dessous. Et le plombier, mais… les devis qu’il a fait c’était énorme et on a fini par rayer des choses sur le devis pour le réajuster et pour diminuer le coût. Et ça finalement, au final, le monsieur il voulait plus rien entendre du devis, il voulait partir. Et ça je trouve que le fait, que moi j’ai à m’impliquer dans cette histoire de devis, ça j’trouve que ça a compliqué quand même les choses, mais sinon y avait personne d’autre. Y avait que le fils de la compagne, mais qui lui était partie prenante aussi du plombier. Donc y avait un peu arnaque… arnaque sur le devis en faite. Et qu’est-ce qu’est le plus difficile… Les motifs de refus… Si ça chamboule trop leurs habitudes… ou leur environnement. Ouai comme tu disais avec les tapis, par exemple pour enlever un tapis, qu’est qu’ils disent ? Bah ils disent que le tapis ne les a jamais fait tomber, donc pourquoi il les ferait tomber maintenant Classique comme réponse (rires) T’as pas eu d’autres raisons exorbitantes, qui sortaient de l’ordinaire ? Comme ça, à blanc… Non, parce que au final, j’trouve que le coût financier c’est pas tant… C’est pas une raison. C’est plus vraiment ces changements d’habitudes et qui va faire ? Dire que si… si on… C’est prendre la décision et passer à l’acte. C’est ça qu’est le plus difficile. C'est-à-dire que si on est plusieurs à la visite à domicile et pour aider à prendre la décision, euh, et que la personne au final, soit on force un petit peu plus la main si on sent que c’est vraiment scabreux, et si on sent qu’y a des résistances, bah des fois c’est vrai que ça vaut le coup de le faire aussitôt et comme ça après on essaie de retrouver, euh, enfin… une fois que c’est fait c’est fait. Du coup ça souvent c’est pas mal. Et sinon c’est essayer de retrouver aussi après une petite compensation, ou faire un compromis aussi sur…, bah si y a trois tapis à enlever et que vraiment la personne à des résistances, on essaie de voir pour…, soit pour en enlever un seul ou essayer de mettre un tapis anti dérapant sous l’autre ou… Qu’est ce qui va… parce que l’idée, l’idée c’est que de toute façon… euh… bin, on est force de proposition, on est là pour proposer, conseiller. C’est vrai qu’enlever directement le tapis, si faut enlever toute la table, en générale c’est pas nous qui le faisons. Et l’idée c’est que quand même, pour nous c’est de faire passer le message parce que, et que ce soit réellement fait. Si, si je me dis je préconise ça ça et ça et je vois bien qu’y a des résistances mais que j’me fiche des résistances et qu’au final j’aurai un beau compte rendu bien rempli mais que ce sera pas fait. Est-ce que ça vaut vraiment le coup ? Ou est ce que ça vaut le coup de comprendre la personne sur ce qu’est important et d’essayer de négocier un peu avec elle aussi. La négociation ça parait important. D’expliquer pourquoi, expliquer pourquoi nous on pense qu’il faut l’enlever et parfois c’est par une mise en situation, si je reprends l’exemple d’un tapis et d’une table basse qui va gêner sur un espace, et bah c’est vrai que c’est mettre en situation aussi la personne. Moi je trouve que c’est vraiment lors des mises en situation que la personne elle peut aussi se rendre compte. Si on fait que un état des lieux du logement, forcement nous y a des choses qui vont nous sauter aux yeux. Mais si on fait qu’un état des lieux et après on fait notre listing, là ça va pas passer. Et j’trouve aussi que la visite à domicile et les conseils donnés, à domicile, euh… y vont être d’autant plus attendus, euh… de euh… Entendus du moins, par rapport à tout ce qui se sera passé entre nous avant. C'est-à-dire que si la personne elle nous connait bien, qu’elle a confiance en nous, le message il va beaucoup mieux passer. Si, c’est quelqu’un qu’on a vu, euh, vraiment très ponctuellement ou on ne s’est pas rendu suffisamment disponible quand elle avait besoin, même pour des toutes petites choses, même un appel dans la chambre, et bah là notre message il aura beaucoup plus de mal a passer, et c’est vrai que par rapport à ça c’est souvent, enfin la visite à domicile elle arrive souvent vers la fin de la prise en soin et que vraiment souvent, c’est gar… enfin… le résultat et l’acceptation il est souvent en lien avec tout ce qui s’est passé aussi avant. La construction d’une relation de confiance ? Ouai je trouve que ça c’est quand même souvent révélé. C’est vrai que je trouve que la visite à domicile est rudement intrusive et que ici les patients finalement ils sont chez nous, c’est notre domaine ici l’hôpital. Ils s’adaptent tant bien que mal, pour certains, mais quand on arrive chez eux et bien on inverse les rôles, on est chez eux donc à nous de garder notre place d’étranger, en les laissant aussi ce réapproprier le logement. Parce que j’aime bien au début d’une visite à domicile, c’est de laisser les dix premières minutes sans rien. Et moi je vois un petit peu ce qu’il se passe. Si la personne elle… Elle retrouve, euh, ses repères, ou elle est entrain de râler parce que le courrier il est pas ranger là où il devrait être ou parce qu’elle a envie de chercher son pull ou son foulard ou je sais pas quoi… elle réinvesti son logement et ça je trouve que c’est un bon signe pour le retour à domicile, j’ai pas fait d’étude la dessus, sur la question. Alors que parfois y a des personnes qui vont être très vite attentistes et se placer derrière finalement nous en attendant ce qu’on va proposer et ça je trouve que c’est un signe, les personnes elles ne sont pas tout à fait prêtes à réinvestir leur logement et je me dis pour le retour à la maison, c’est pas… c’est pas tip-top souvent ouai, j’aime bien ces dix premières minutes. C’est vrai que je me suis jamais posée cette question. Pour laisser un peu … Laisser un peu le temps aux gens de rester chez eux, de reprendre contact avec leur vie C’est reprendre contact. Ca passe souvent par du linge à retrouver, le courrier, les plantes vertes ou les volets. Ca passe par ces petites choses là souvent. Et souvent ça passe (rires)… j’trouve c’est encore meilleur signe quand ils râlent (rires) Parce que souvent… surtout si la maison était vide, s’ils vivent tout seul, bin se sont des étrangers, enfin des étrangers, ou les enfants, et pas des gens qui y vivent habituellement, on n’a pas les mêmes habitudes de rangements… Et souvent, le fait de dire « non moi je mets ça la… » Ca je trouve que souvent c’est un bon signe. Et puis j’essais de faire attention aussi, quand on parlait de tout ce qui ce passe, la partie de l’iceberg, la relation antérieure à la visite à domicile, y a aussi un moment qu’est important, c’est le trajet aussi, c'est-à-dire aussi je fais hyper gaffe à la façon dont je conduis et souvent ici le premier stop il est assez terrible parce que la voiture… Tu reprends contact avec le frein ! Ah ouai, je fais gaffe à la voiture, et les collègues disent ça aussi. Et après je fais très attention à la façon dont je conduis. Parce que pour certaines personnes aussi, y a toute la symbolique que ça peut aussi vouloir dire d’aller à l’extérieur et de retourner chez elle. Parfois, les personnes elles reprennent contact avec le milieu extérieur qu’au moment de la visite à domicile après plusieurs mois. Donc retrouver la circulation, retrouver plein de choses, c’est nouveau, plus le stress de retourner à la maison, plus parfois l’enjeu qu’il peut y avoir, d’un retour ou de dire « bah le retour va pas être possible » et ça en générale ils le sentent qu’il y a cet enjeux là. Donc des fois dans la voiture c’est laisser place à la parole ou au silence. C’est essayer de questionner ou laisser place au silence qui peut être légitime pour cette période un peu de stress aussi. Et puis c’est dans la voiture qu’on apprend que la personne conduit et a envie de reconduire (Rires) Et là tu dis oups ! Faut qu’on mette les choses au clair en arrivant J’me souviens d’un monsieur amputé tibial qui habitait dans la campagne donc on avait du trajet. On avait bien trois quarts d’heure de route. Il habitait dans une petite commune aussi à la campagne. Et là j’ai appris dans la voiture qu’il conduisait une voiture sans permis. Donc amputé tibial… Et j’ai commencé à dire dans la voiture que ce s’rait pas possible et arrivé chez lui il m’a montré le trajet qu’il faisait. Il y avait quand même des carrefours importants. J’me suis dis c’est pas possible et quand j’ai vu la voiturette, c’était une voiture sans permis… Vert, vert pomme (Rires) j’ai dis c’est tout bonnement pas possible et quand j’ai dis que ce s’rai pas possible de reconduire, il ne m’a plus adressé la parole du reste du séjour (Rires) Il était pas content ! Donc tu m’as dit que tu utilisais des mises en situation au domicile, comment t’abordes ça avec la personne ? Par exemple tu lui demandes de faire un café, comment t’abordes ça ? Déjà d’entrée de jeu, moi mes visites à domicile pour être sûre de… de passer un petit peu partout et… et qu’ça puisse avoir un peu un sens, d’entrée de jeu je dis à la personne qu’on va reprendre les activités importantes d’une journée sur 24 heure. Donc du coup on commence par la chambre. On essaie le lever le coucher. Après on passe par les toilettes, la salle de bain. Et puis après la cuisine, et là on propose… Parfois je propose effectivement la préparation du café… Du café ou juste chauffer de l’eau. Ou parfois je peux faire un peu du vécu pendant ce temps là aussi. Et… et après bin je vois si la personne, enfin si y a un salon, si y a une véranda, si y a un jardin. On essai de voir un peu tous ces lieux qui peuvent être importants. Quels sont les intérêts selon toi de mettre en situation une personne dans son environnement ? Bah c’est déjà la reprise du contact et qui peut... Réassurer, souvent la plupart du temps la personne et qui peut moi aussi, me permettre de… de replanifier après la suite de ma prise en charge. L’exemple avec Mr J., c’est que, c’est quelqu’un qui cuisine chez lui et qui utilise son four et son four est à hauteur comme ici mais la porte s’ouvre comme ça. Et donc vu ses troubles lui aussi au niveau des membres sup, c’est comment lui permettre de continuer à réutiliser son four sans se brûler, sans se blesser ? Donc on avait fait une première mise en situation assez rapide, juste me montrer les plats qu’il utilisait et comment il faisait et du coup on l’a retravaillé ici. Là du coup j’ai compris ces habitudes et du coup c’est moins scabreux que c’que j’pensais. Et c’est vrai des fois les mises en situation elles sont un petit peu…, elles sont plus ou moins complètes parfois à la maison, parce qu’on n’a pas toujours tous les éléments mais ca permet aussi de reprendre après ce travail ici. Mais la mise en situation, à la fois elle est… enfin c’est l’essence même de notre travail et ça correspond vraiment aussi aux besoins des personnes. Parce que si on est juste là pour inspecter le logement. Alors si y a une super douche mais qu’elle est jamais utilisée… Ca sert pas… Ca sert à rien. Ou si euh, si on revoit des obstacles, par exemple un escalier qu’a l’air hyper pentu ou pas très bien équipé, pas de rampes tout ça, mais si la personne elle ne l’utilise pas, ça va pas poser de problème non plus. C’est vraiment repartir des besoins de la personne et des activités qu’elle souhaite refaire. Ca c’est important. Et est ce que tu penses que de mettre en situation la personne ça peut lui permettre de prendre conscience de ses difficultés ? Aussi oui… Hum. Alors là ça… Quand on… Souvent on sent quand il va y avoir des difficultés, il faut l’aborder aussi de façon judicieuse enfin pas trop abrupte parce que souvent à la visite à domicile y a souvent un membre de la famille, donc c’est essayer de l’aborder quand même un peu avant ici ou après d’y aller en douceur. L’idée c’est de faire constater à la personne et parfois l’entourage aussi, les difficultés de la personne mais… tout en limitant quand même au maximum l’impact émotionnel que ça peut avoir ou d’la mise en échec. Mais parfois effectivement c’est quand même… Y a cette, cette… cette prise de conscience. J’me souviens d’un… D’un monsieur assez jeune, il avait 73 ans, amputé fémoral, qui vivait aussi en pleine campagne avec son frère de 83 ans. Une maison en pierre toute en hauteur Et en faite eux ils vivaient un peu au deuxième étage. Fin, ouai ça donnait… Y avait un escalier en pierre à grimper. Après on arrivait sur une espèce de plateau où y avait l’jardin aussi. J’sais pas trop comment c’était conçu après parce que j’ai pas tout vu. Mais c’est bizarre. Ils avaient un autre escalier en pierre donc y avait pas une marche de la même hauteur, certaines étaient lissées. Et en arrivant à la maison là haut, donc on était au mois de novembre, la porte était entre ouverte parce qu’ils se chauffaient à la cheminée qui n’arrêtait pas de fumer, l’eau potable, elle était en bas. Y avait un piètre robinet en haut mais c’était pas de l’eau potable. Donc pas de sanitaires. Ils partageaient la même chambre avec le même pot de chambre pour la nuit. Y avait juste l’électricité. Y avait la télé et le micro-onde. Quand j’ai vu le micro-onde… (Rires) Oh ils mangent ! Et là j’me suis dit tout bonnement, autant c’était quelqu’un qui avait son indépendance ici en institution et là j’me suis dit c’est vraiment pas possible. Son frère avait des séquelles d’AVC et descendait l’escalier à reculons. C’est tout bonnement pas possible. Donc ils étaient deux frères célibataires. Donc y avait les neveux, euh, un couple qui était là mais qui était là pour aider, sans vouloir forcer mais ils se rendaient bien compte aussi qu’ils étaient démunis et là moi je découvrais les choses p’tit à p’tit. Pas d’eau courante, la ch’minée, le parquet à moitié défoncé, le pot de chambre… là au niveau de la mise en sécurité pour une personne amputé, j’me dis… C’est pas possible comment... Comment on fait ? et au final, j’pense que du fait justement de la bonne relation avant, euh… j’dis mais comment vous envisagez pouvoir vous lever sur le lit qu’est très haut, d’aller aux toilettes dans la journée ? Comment vous envisagez, vous, les choses ? Moi j’vois pas de solution. Faudra vraiment qu’vous ayez… Alors au début j’ai pensé justement à la fratrie. J’me suis dit, dans ma tête ma priorité c’est qu’ils restent vivre ensemble tous les deux. J’suis partie sur la route, d’un logement adapté dans le bourg. Sauf que le frère il a dit niet. Et comme j’avais moi aucune relation avec le frère, il a dit zéro à tout et lui il a dit « moi je resterais ici ». Et au final, donc avec son frère… On s’est dit dans le bourg ça semblait aussi difficile donc peut être que la seule solution c’était la résidence, l’EHPAD. Et l’monsieur s’exprimait pas beaucoup mais il était pas contre non plus. Et donc on est parti sur ce projet d’EHPAD et sur le trajet du retour, Trois quarts d’heure de route, moi j’ai fait mon ch’min dans ma tête et j’ai été en vérité avec lui, j’lui dis, « pour moi, de la génération que je suis, c’est inconcevable qu’y est encore des maisons sans au courante, je découvre, sans eau courante, sans téléphone, pas d’moyen d’alerter. » Y’avait quand même plein de choses… donc dans ma tête j’m’étais fait mon film, où ils allaient… Donc j’lui ai dit « si y’a une chute, si vous chutez …» On était au mois de novembre, y avait du brouillard, l’escalier en pierre était hyper humide, y avait un risque de chute aussi par rapport à ça. Donc j’ai exprimé ce risque de chute. Et le frère plus âgé me dit « bah j’l’aiderai à se relever. » Moi dans ma tête j’ai vu les deux qui tombaient en même temps et j’me suis dit ils sont capables de rester le reste de la nuit, parce que les voisins étaient quand même assez éloignés, le reste de la nuit dehors sans pouvoir alerter. Et là j’voyais l’gros titre des journaux… Non assistance à personnes en danger… On n’a rien fait pour eux. Et on a compris que le frère n’voulait rien faire. Donc on a laissé ça et on est parti sur une inscription en EHPAD pour le monsieur qu’était hospitalisé ici. Dans la voiture on a discuté et j’lui dis « moi ça m’est inconcevable, mais vous, si on prend à l’inverse, vous comment vous vivez d’être à l’hôpital, d’avoir les sanitaires, l’eau courante à portée de main et pouvoir téléphoner ? Est-ce que ça n’a pas changé… Changé aussi un peu votre vie ? » Et là il a reconnu que oui c’était quand même mieux. Donc il est allé en EHPAD et son frère l’a rejoint 6 mois après. (Sourire) C’est saugrenu comme histoire Oui c’est atypique ! Et est ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter à la personne les aménagements ? Oui. Oui, des aménagements sans mise en situation, c’est pas possible. Ouai. Sauf si la personne elle a déjà ça dans son idée. C’est pas souvent le cas quand même. Où si elle a été préparé par son entourage Aménagements ou aides techniques Oui faut quand même passer par la mise en situation. Pour moi c’est indispensable la mise en situation. Après sinon, ça veut dire qu’on n’a pas…. Si on prévoit que des aménagements… Euh aménagements ou aides techniques où c’est déjà hyper bien accepter… Tout ça… à c’moment là, la visite à domicile n’est pas forcement nécessaire. On peut voir les choses, pas sur plan, mais à partir d’un schéma… Et… Là, la visite à domicile elle s’impose pas. Pour moi vraiment visite à domicile et mise en situation en même temps Ouai parce que sinon, on peut voir ça ici. C’est beaucoup d’énergie aussi pour nous une visite à domicile (Rires). Quand on nous dit, les collègues, « bonne balade »… pas vraiment non. Parfois y a ce coté agréable, on va se retrouver dans la famille, peut y avoir le petit goûter qui est préparer. On perçoit aussi tout l’entourage proche, quand les voisins sonnent à la porte et viennent dire bonjour. Là on se dit, voila y a un contact, y a un réseau qu’est là… Ca c’est bien Et même ca au niveau relationnel, ca peut rapprocher encore plus de la personne Oui J’lai vu avec une patiente, on avait fait une visite à domicile, donc elle était toute seule, elle avait pas de famille, personne d’autre. Et ça nous a encore plus soudé à elle, on avait vraiment vu, qui elle était vraiment en fait, dans sa maison Oui On a vraiment vu sa personnalité, même si elle était brute de décoffrage… ‘Fin… Ouai Elle était au naturelle en permanence mais chez elle c’était vraiment elle, dans son environnement on voyait bien son identité au travers de la maison, au travers tout. Ca c’est l’importance de la visite à domicile. Parce que du coup tout ce qu’on faisait en séance avec elle, elle le faisait nickel chrome bien et ma tutrice elle m’a quand même posé la question « est-ce que ça vaut le coup qu’on fasse une visite chez elle ? » J’fais moi franchement ça me rassurerait d’en faire une chez elle parce que, c’est une dame très honnête, euh, je sais qu’elle prendra des risques chez elle et effectivement pendant la visite on a failli la ramasser 4 fois par terre. Et, elle me dit « bah heureusement que tu m’as dit de faire une visite parce que moi j’lui faisais totalement confiance. » On peut avoir confiance en la personne mais entre l’hospitalisation et la maison, c’est deux mondes totalement différents. Les gens ils ont des automatismes à la maison qu’ils n’ont pas à l’hôpital Et ce milieu là, où l’hôpital on est chez nous… Et l’inversement des rôles Je trouve que ça c’est hyper flagrant. Souvent on le perçoit quand… Moi j’ai pas trop perçue avec cette dame parce que vraiment elle était en attente de nous « bon bah alors qu’est ce qu’on fait maintenant ? Qu’est ce que je vous montre ? » Tu vois c’était tout le temps ça Ah oui elle était quand même dans l’attente Elle était dans l’attente, elle voulait rentrer chez elle. Mais c’était nous qui faisions la visite de chez elle, c’était pas elle qui faisait la visite de chez elle. Bon après son tempérament était comme ça Après ça quand on connait les gens on sait aussi si c’est ce qu’on connait d’eux ou des choses qu’on surprend aussi. J’me souviens d’une dame qu’habitait dans un manoir. Oh le nombre de pièces qu’y avait (Rires) et alors on a fait une visite du jardin parce qu’elle passait son temps dans son jardin Ouai, ça on pense pas souvent aux activités extérieures Oui Parce que je me dis c’est bien d’aménager l’intérieur, de tout mettre en place pour qu’elle soit bien chez elle, mais si on n’ouvre pas vers l’extérieur, elle va rester enfermée chez elle. Oui Donc si la dame est à 100 m de chez son kiné, pourquoi pas l’accompagner chez le kiné pour voir comment ça se passe sur le trajet Mme M. ce qu’on a fait, on est resté, euh… en tout j’pense un quart d’heure dans sa maison. Enfin, deux fois 10 minutes en gros. Juste en arrivant pour voir un petit peu. Voilà donc elle arrive, c’est de plein pied sur une véranda, y a 5 marches dans la véranda. Donc pas de risque d’humidité, juste mettre une rampe mais ça la famille avait déjà vu et après tout est de plein pied. La douche est aménagée, enfin tout nickel. Et par contre ce qu’on a fait, c’est qu’on est allées dans son quartier, donc dans le bourg avec le rollator, euh… pour voir si elle était capable de retourner faire ses courses. Si elle avait la distance justement… Comme elle a de gros problèmes cardio. Est-ce qu’elle avait la distance ? Et comme là, valait mieux y aller avec le rollator que sans rollator, du coup c’était l’image qu’elle pouvait donner aussi avec le rollator, et la gestion aussi de l’environnement, enfin ses déplacements avec un rollator, c’est aussi différent de sans rollator, faut anticiper sa trajectoire, où est-ce que je vais monter, bien traverser, où est-ce que je peux trouver un lieu où je vais m’assoir. Y avait plein de choses donc la visite à domicile ça était ça, le lien vraiment sur l’extérieur. Et d’autre aussi, on fait sur l’extérieur. Des fois on peut pas parler de visite à domicile, y a des gens pour qui on va reprendre des trajets, qui leur sont communs Ouai c’est des mises en situations, euh… Oui c’est pas tout à fait la visite à domicile quand même. Est-ce qu’il y en a d’autre ? L’autre dame c’était… Très particulier aussi. On était parti sur pas de retour à domicile nous et comme ici elle entendait rien d’autre… Ca faisait 6 mois qu’elle était là, et puis elle était auto… Fin dépendante pour tout même les… Euh, même les transferts, elle n’avait pas repris la marche et c’était rentrer à la maison, rentrer à la maison, on savait qu’elle avait des problèmes sociaux, qu’elle habitait en pleine campagne. Le logement est pas hyper adapté et ici elle entendait rien d’autre que rentrer rentrer rentrer. Et avec Pétunia on s’est dit « on va aller à la maison », mais on va aussi être avec la responsable du service de soins et puis la conseillère en géronto et ensemble on pourra lui prouver que le retour n’est pas possible. On est arrivé à la maison… Insalubre… Insalubrité. Ca on le savait déjà un petit peu et j’ai dit à Valérie moi j’ai horreur des souris… Donc ça je suis capable de hurler, de courir jusqu’à la route et elle m’a dit « ok je rentrerais la première dans la maison. » D’accord ! On est arrivée, le logement était insalubre, ça faisait 6 mois qu’elle était partie, les aliments qu’était sur la table au moment de son départ était toujours sur la table, dans un état de décomposition avancé… Ah la maison elle était hyper habitée ! Le nombre d’insectes et les traces de rongeurs qu’y avaient, c’était… C’était quelque chose. Donc on n’a pas bougé de l’espace… On a occupé 50cm² de terrain. On n’a pas bougé… Le lit, j’ai pas fait faire de transferts sur le lit, c’était pas possible parce qu’y avait tellement d’insectes, c’était tellement crado. Donc pareille pas de sanitaires, c’était une espèce de pot de chambre qui tenait debout parce que c’était la mode. Ca devait être l’ancêtre du montauban : un cadre avec un pot dessus… La conseillère en géronto a commencé son… son truc. La responsable du service de soin c’est simple elle n’a pas ouvert la bouche. La conseillère en géronto elle a fait le point sur son indépendance. Et entre temps est arrivée une infirmière du conseil général qui remplaçait en faite le médecin. Et elle, elle est arrivée en retard et c’est elle qui a pris les rênes de la visite. Et elle a demandé l’avis de la dame… Qui elle ne parlait que de retour. Et aussitôt elle a dit « de toute façon on peut empêcher personne de rentrer. » Et nous on a dit « Mais… Enfin y a un risque de chute qui est majeur, chez nous elle a pas du tout remarché » Donc la conseillère en géronto quand elle a fait le point sur son indépendance « faites votre toilette toute seule, tout ça » « bah non » et là elle m’a regardé elle m’a dit « y a du travail à faire ! » et là j’l’ai r’gardé « vous croyez qu’on a fait quoi depuis trois mois ? » on a essayé mais c’est impossible. Et la dame là, tellement, têtue, elle a marché avec ses deux cannes anglaises dans la maison. Et ici elle n’avait pas fait trois pas avec un rollator avec les appuis antébrachiaux… Donc l’infirmière elle dit « on part sur un retour » l’infirmière du service de soins n’a pas moufté, alors que pour l’équipe… Moi j’pourrais jamais travailler dans des conditions comme ça…. Quand on est sortie de la maison, elles se sont toutes barrées, avec Pétunia on s’est retrouvées avec la p’tite dame qui était à peine rentrée dans la voiture elle dit « j’veux pisser » pardon ?! « Si j’veux pisser ! » elle me poussait pour sortir alors qu’elle tenait pas debout et dans le milieu de la cour elle a commencé à lever sa jupe pour pisser par terre… Hop talala… C’est pas vrai !! J’aime pas dire ça mais là elle avait une protection, on avait prévu au cas ou… Valérie elle dit je vais vite chercher le montauban… Elle a pas eu le temps… Elle a tout fait debout et moi j’étais à côté… oh lalalala… pas qu’elle tombe ! Donc cette dame là elle est effectivement rentrée chez et ça faisait pas 3 heures qu’elle était chez elle qu’elle est tombée et elle est restée toute la nuit par terre et le lendemain elle est revenue hospitalisée et elle est pas rentrée. Oui on n’a pas le droit d’empêcher les gens mais éthiquement c’est non assistance à personne en danger Sachant que sa fille habitait à 100m de chez elle mais elle ne se parlait plus depuis des années. Et là avec Valérie… Bah déjà juste après la visite on était déjà mal. Parce que finalement on n’avait pas entendu… L’équipe du conseil général n’avait pas entendu ce qu’on avait à dire. Et là j’étais juste contente de, malgré tout, de pas avoir fait prescrire de lit médicalisé, ni de matelas, j’me suis dit bah du coup ça aurait été même si j’pensais aux gens qui l’aurait installé mais aussi pour le matelas, ça f’sait ça de moins de dépensé pour la sécu… C’est bête mais… Bah moi j’en ai fini avec toutes mes questions ! J’te remercie ! Entretien B : Comment prépares-tu la visite à domicile ? Alors la visite à domicile je la prépare en prenant un, bon déjà en échangeant avec le patient, d’une part, en prenant un rendez vous avec la famille, en essayant de bien cerner les problèmes qui… que les gens, enfin que moi j’ai pu ressentir aux niveaux des échanges avec le patient, les problèmes rencontrés par la famille, et puis après et bien on va domicile et là on voit. Alors les problèmes parfois, finalement y a pas de problème c’est plus réassurer les gens et parfois il y a les problèmes qui sont tout autre que ceux qui étaient apparus, enfin qui semblaient apparaitre au cours de l’échange. Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec le patient ? Alors je leur… Je leur dis toujours, je leur dis que c’est une proposition, c’est une possibilité d’aller avec eux à domicile pour voir si y a pas des problèmes, quand ils ont pas énoncé de problèmes eux mais que moi je crains, à travers la connaissance de la personne, qu’on en rencontre mais qu’c’est en rien un obligation, hein, que c’est une aide qu’on peut leur apporter, qu’on est là pour leur donner des conseils, leur donner des pistes, parce que parfois ça permet aussi de déboucher sur des aides humaines, bien souvent. Quand il y a des aides humaines, parfois ça nous… Alors parfois la visite aussi elle nous est… Si tu veux suggé… la suggestion vient de l’assistante sociale qui a rencontrée une famille, hein… C’est le cas de… bah d’une qu’on fait la semaine prochaine. C’est la fami… L’assistante sociale avait rencontré la famille, y avait plein de questions, donc nous on les a rencontré enfin moi je les ai rencontré, c’était avec Violette, à la suite de ça et au décours des questions que la famille se posait, je m’suis dit une visite ça serait bien. Je l’ai proposé. Très souvent, je dis bien très souvent, les gens sont preneurs parce que… bah c’est vrai que tant qu’t’as pas vu, les gens expliquent pas toujours de façon claire comment c’est chez eux et puis y a des choses où ils voient pas qu’ça va poser problème et y en a d’autres qui pensent qu’y va pas y avoir des problèmes mais quand c’est sur place bah on leur prouve qu’y a problèmes et on leur propose des solutions. Quelles sont les réactions des patients face à des propositions d’aménagements ou d’aides techniques à domicile ? Alors elles sont très variables : ou ils sont… ils veulent absolument rentrer à domicile et ils sont près à toutes les propositions, ou bien ils veulent rien changer et ils refusent tout. Toute façon nous on est là pour proposer, on n’est pas là pour imposer. Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement ou de matériel, est ce que tu peux me citer les raisons qui sont souvent mises en avant par les personnes ? Ils veulent pas changer leur… Alors si c’est des choses importantes, des gros aménagements, bah ils veulent pas changer leur lieu de vie. Bien souvent, moi maintenant, moi j’ai vu des gros travaux par exemple des gens qu’avaient pas de sanitaire, fallait en faire, souvent ça passait très bien. Alors quand ça passe pas, c’est des gens qu’on pas envie de voir les choses en face. J’dirais que c’est des gens qui refusent, et je peux concevoir, le handicap. Et le fait de leur faire des propositions, ça les met devant le fait accompli, que ils peuvent plus faire comme avant et ça leur rappelle. Alors bon bah après, si ils veulent pas, nous on peut pas leur imposer des aménagements mais c’est souvent le cas, c’est parce que c’est de gens, ou alors des gens qui sont vraiment butés, et ça on en a dans tous les cas. Et qui veulent pas de modifications ou ils vont trouver par exemple qu’un rehausseur ou… C’est pas joli et qu’ils vont voir l’esthétique avant le fonctionnel. Alors c’est vrai qu’on essaie d’allier les deux… C’est pas forcément facile maintenant y a quand même des choses qui sont dans le commerce et qui permettent de, je dirais, d’aménager et de rester dans… dans l’esthétique hein. Après moi j’pars du principe que les gens sont chez eux, qu’on fait des propositions, et qu’après les propositions bah ils acceptent ou ils les refusent. On essai de les mettre… L’intérêt de la visite à domicile c’est de les mettre en situation… Vous faites… On va faire un transfert toilette, parce qu’ils vont me dire chez moi ça se passe bien, entrer dans la baignoire ça se passe bien… Pendant la visite à domicile, tu viens de me dire que tu utilises la mise en situation avec la personne, est ce que tu peux m’expliquer comment tu abordes cette mise en situation ? Ah bah tout simplement, j’leur dis bah voyez là je pense que pour vous, ce serait bien d’avoir un rehausseur, par exemple je vais prendre un exemple simple, de toilette parce que vos toilettes me semblent basses. Ils me disent « ah non non non tout va très bien » bon, bah écoutez, montrez moi, asseyez vous sur les toilettes et relevez vous. Bon parfois, c’est… « Ah bah oui, j’pensais qu’j’y arriverai » ah bah voyez vous avez des difficultés, à vous de réfléchir : ou vous pouvez avoir un rehausseur, hein et ce sera moins difficile, ou vous n’en voulez pas mais voyez les difficultés qu’vous avez. Alors après ça chemine, j’aime bien aussi que la famille soit présente parce que c’est important, la famille peut aussi nous aider dans ce sens. Hein. Après je n’impose rien, je fais des propositions, je fais le compte rendu, j’en donne une copie au patient, une copie à la famille, une copie au médecin qu’est censé en envoyé une au médecin traitant et nous on garde, parce que si jamais par la suite y avait des soucis, on a la preuve, et on a surtout que si les gens reviennent bah la collègue qui prend la suite si c’est pas… Si c’est pas nous selon les services, on a déjà des éléments. Quel sont les intérêts selon toi de mettre en situation une personne dans son environnement ? Bah c’est le lieu de vie. La mettre en situation dans un endroit quelle ne connait pas, euh… J’vais pas dire que ça n’a pas d’intérêt, ça en a, mais ça en a moins qu’à domicile. Parce que là c’est vraiment le lieu où elle va vivre, exactement dans la situation qu’elle rencontrera tous les jours et c’est surtout que, t’as des gens, j’dirais entre guillemets qui sont de mauvaise foi, j’exagère un petit peu, parce que c’est inconscient, c’est pas de la mauvaise foi consciente, mais qui te dise, « ah mais chez moi vous savez ça ira. » D’accord. Mais moi je suis comme saint Thomas : je crois ce que je vois. Donc la… la réalité, la mise en situation sur le lieu de vie bah c’est de dire, bah voila vous êtes là, maintenant montrez moi que tout va bien, que vous arrivez. Moi j’demande qu’à croire. Si y a pas besoin parfois ça peut, mais au travers ce qu’il t’avait dit, tu… là va y avoir un souci et puis arrivé à domicile bah finalement c’est pas tout à fait comme il me l’avait décrit et ça se passe bien. Bien souvent y a besoin de petits aménagements, c’est pas méchant, ça va être une barre d’appui, ça va être… et puis… Souvent j’dirais que quand même dans l’ensemble, ils acceptent. Surtout quand ils se rendent compte que ça va être pour leur bien, et si en plus y a la famille qui est là… Où on a le plus de souci c’est quand on parle d’enlever les tapis, sur les chutes. Là ça tique. Alors quand je vois vraiment que ça va pas passer, que ça… que c’est important pour eux, bah je coupe la poire en deux. J’dis vraiment si c’est important, si voulez pas, mettez un adhésif pour limiter et faites bien attention. Parce que… C’est vrai que faut ce dire que si… Si quelqu’un arrive chez toi et change tout ton aménagement, pas sûre qu’on va accepter hein. Donc il faut, il faut bien… faut y aller progressivement et surtout pas arriver chez les gens en terrain conquis en disant faut faire ceci, ceci, cela. Non. Moi… Et après quand il y a des aménagements, je vais toujours à minima. Hein. C'est-à-dire je vais au moins en me disant on est quand même en gériatrie, on ne sait pas pour combien de temps les gens, et j’évite de faire de grosses transformations, mais en y allant comme ça, parfois y a les enfants qui sont là et qui me disent « mais vous pensez pas… » Ah bah j’dis si, ça c’est possible c’est bien. Maintenant ça va être un autre budget mais ce s’ra encore mieux, votre proposition je suis tout à fait d’accord, ce s’ra mieux. Parce que y a des enfants aussi qui veulent que leurs parents bah… terminent… estiment que si y a un peu de sous c’est à eux et que c’est pour qui… vivent le mieux possible… la fin de leur vie. Hein, mais je vais pas d’emblée… si j’peux faire autrement je propose petit. Et préfère que la proposition vienne d’eux. Ca passe mieux. Est-ce que tu penses que la mise en situation permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés. Ah oui. A la fois de ses difficultés et à la fois de ses possibilité. Ah ça j’en suis persuadée. Et je suis persuadée que ça c’est vraiment une chose importante en ergothérapie et que quand y a pas d’ergothérapeutes, bah c’est quelque chose qui ne se fait et c’est d’autant plus important en gériatrie. C’est important dans tous les domaines mais en gériatrie, c’est encore plus important. Est-ce que tu penses que c’est un moyen, de faire accepter à la personne, les aménagements, les matériels, la mise en situation ? Ah oui.. Ca j’en suis persuadée. Y a des gens qui malgré ça refuseront mais dans l’ensemble… Ca aide. Parce que là ils peuvent pas dire « chez moi ça se passera bien » Là ils y sont, ils sont chez eux, on fait le test… Bah si ça se passe bien, très bien, si y a difficultés… Ils ont le nez devant le fait accompli Oui ils ont le nez dedans comme on peut dire. Là j’en suis persuadée. Bon bah j’en ai fini Je te remercie ! Entretien C : Comment prépares-tu la visite à domicile ? Euh… Bah déjà par un interrogatoire, enfin un entretien avec la personne sur comment est son domicile. Un entretien sur quelles sont ses habitudes à son domicile et puis… après… Ca dépend des services, si y a des supports papiers, pouvoir éditer le support pour savoir un petit peu sur quoi on va s’interroger pour quand on va aller à la visite à domicile. .. Voilà, l’environnement… Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec le patient ? Euh… Par patient j’entends bien personnes âgées. D’accord bah souvent c’est en vu d’un retour à domicile, «qu’est ce qu’on peut vous proposer pour que le retour à domicile se passe le mieux possible, dans les meilleures conditions, que vous gardiez un maximum d’autonomie… » Voilà. Et par contre pour les dossiers MDPH là c’était différent puisque les gens étaient déjà à domicile et ça pouvait être des personnes âgées aussi. Donc là c’était en vue d’un financement d’aides… enfin d’aménagement de domicile. « Nous sommes amener à intervenir auprès de vous, donc voilà comment on abordait avec ces personnes là. » Quelles sont les réactions des personnes face à des propositions d’aménagement ou d’aides techniques à leur domicile ? C’est vraiment divers et varié (Rires) Euh… Moi je sais qu’y a des personnes… Dernièrement quand j’ai eu des conseils d’aménagements de domicile pour des personnes âgées… Euh… en fait à chaque proposition… Alors c’était pas vraiment la personne en elle-même c’était le conjoint, à chaque proposition c’était « ah bah non c’est pas possible, c’est quelque chose qu’on a fait ensemble… » Enfin c’était très sentimental, chaque aménagement que eux même avaient fait dans la maison, était très sentimental et du coup chaque changement était compliqué. Alors y avait des choses oui mais alors fallait négocier et y avait des choses c’était impossible. Tout ce qui est salle de bain souvent c’est plus facile. C’est… Ils acceptent mieux, ils comprennent mieux pourquoi on change les choses. Tout le reste de la maison c’est plus compliqué. Comme l’accès à la maison à l’extérieur ou… enfin voilà l’extérieur devant la maison, l’extérieur derrière la maison en fonction des besoins… L’accès… L’aménagement des… des accès… escaliers, enfin changement de niveau ça parfois c’est compliqué aussi. Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagements ou d’aides techniques, est-ce que tu peux me citer les raisons qui sont mises en avant ? Alors comme je te disais, les raisons sentimentales, d’esthétismes… euh… de… d’habitudes… des choses parfois… euh… vraiment j’avais pas d’arguments, c’était pas cohérent pour moi les arguments donc… Par exemple une personne, pour une descente d’escaliers, qui préférait la rampe côté tournant d’escaliers plutôt que coté plus grand on va dire… J’avais beau argumenter, mais même je voyais pas… Non pour elle logiquement il fallait que ça soit là alors que … dans la logique non ça serait du côté Oui pour que les marches soient plus larges. Alors j’ai eu ça comme refus… Euh… y’a aussi le coût parfois parce que y a une partie qu’est pris en charge et pas tout. Y avait ça aussi qu’était mis en avant… Et puis, après… c’est vrai que moi en équipe spécialisée Alzheimer, disons que quand on me demandait d’intervenir plus pour un conseil en aménagement de domicile, c’est que les gens étaient vraiment prêts aussi. Donc là j’ai eu moins de difficultés. Et puis après c’est parce que les gens ont leur idée, ce sont déjà fait toute une idée et que t’as beau apporter les arguments… Ils voient pas du tout… C’était ce qu’ils avaient décidé qui passait. Lors d’une visite à domicile, est-ce que tu utilises la mise en situation de la personne dans son environnement ? Oui Est-ce que tu peux expliquer comment tu abordes la mise en situation ? Et bah j’explique que je veux être sûre que ce qu’elle va faire comme gestes c’est fait en sécurité. Donc, j’explique qu’est-ce que… Enfin voilà je dis « est ce que vous voulez bien montrer comment vous faites telle ou telle activité chez vous pour voir si vous ne vous mettez pas en danger, si éventuellement je vous proposai une aide pour que ce soit fait d’une manière plus sécuritaire. En générale ils acceptent plutôt bien les mises en situation. Quels sont les intérêts de mettre, selon toi, en situation la personne dans son environnement ? On va vraiment voir si elle retrouve par exemple ses habitudes, les gestes, parce que des fois quand on n’est pas dans son environnement on peut être un peu perdu par … par ce… enfin vraiment les mobiliers qu’on connait, les rangements qu’on connait, les outils qu’on connait pas. Alors que dans son environnement souvent les habitudes… y a des automatismes qui sont là depuis longtemps et qui reviennent. C’est pour être sûre que ces automatismes sont toujours présents. Donc c’est pour ça que je trouve ça plus intéressant dans l’environnement de la personne. Est-ce que tu penses que la mise en situation ça peut permettre à la personne de prendre conscience de ses difficultés ? Euh… tout dépend si la personne à des troubles cognitifs. Si la personne à des troubles cognitifs, la mettre en échec ne va… va avoir, je pense aucune… aucun impact. Euh… ça va être pire je pense de la mettre en échec face à ses difficultés. Par contre si la personne à pas de troubles cognitifs, là oui je trouve que c’est intéressant de mettre en avant ses difficultés. Voilà, qu’on discute et qu’on fasse avancer les choses et qu’elle prenne conscience de ça. Penses-tu que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter les propositions d’aménagements ou d’aides techniques ? Ah oui, ah oui tout à fait. Je pense que d’avoir par exemple à disposition différents matériels lors d’une visite à domicile pour mettre la personne en situation, c’est là qu’elle peut se rendre vraiment compte si ça va lui convenir ou pas, et inversement, parfois on peut avoir des surprises, nous on pense que le matériel qu’on propose ça va être le meilleure qui va le plus la rassurer ou elle va se sentir le plus en sécurité, finalement non mais du coup le fait d’avoir pu faire les essais à la maison va pouvoir permettre… Bah au moins de faire cheminer la personne par rapport à ça. Je te remercie. Entretien D : Comment prépares-tu la visite à domicile ? Comment je prépare la visite à domicile ? Déjà en amont il faut que j’ai absolument tous les renseignements nécessaires du… euh comment dire… Comment on appelle ça ? Des habitudes de vie antérieures. Ca en général, dans les 48 à 72 heures de l’arrivée de la personne ici et ça m’aide effectivement à bâtir mes objectifs De visite De visite, avec… Qui sont toujours en lien de toute façon direct avec les objectifs propres de la personne âgée, moi je ne fais que de caler les miens sur les siens. S’ils sont adéquates tant mieux, s’ils le sont pas. C’est de toute façon la personne qui a le dernier mot. Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec la personne âgée ? Bonne question. Euh… j’ai tout à fait conscience qu’une visite à domicile pour moi, de toute façon, reste une intrusion dans la mesure où je m’introduis vraiment au domicile de quelqu’un et donc même en tant que soignant, même avec les meilleures raisons de monde, j’ai bien conscience qu’il faut effectivement que la personne adhère complètement et totalement à l’idée. Donc, quand je sens qu’il n’y a aucune réticence et au contraire de la, de la, de comment, de la volonté vraiment que je vienne à domicile, c’est… ça ne pose absolument aucun soucis. Euh… Je précise bien sûre qu’à chaque fois c’est sur prescription médicale. Mais je vais surt… C’est une arme avec laquelle entre guillemets, bon je vais m’en servir beaucoup plus rapidement si je sens qu’il y a une résistance de la part de la personne. Je me… Comment dire ? Je me couvre en disant que le visite à domicile c’est sur une prescription médicale. C’est donc que le médecin pense que un retour à domicile, et surtout un maintien, c’est pas tant le retour, à chaque fois je dis le retour, ça pose aucun problème vous pouvez aller passez un weekend chez vous ou même y rester une nuit. Ce qu’est important c’est pas le retour, c’est le maintien. Donc c’est… J’essai d’expliquer le pourquoi du comment. C’est la garanti pour moi d’un, la garantie souvent d’un retour et d’un maintien à domicile, ça se fait justement en préparant en amont et en essayant de voir avec le patient, comment dire, de sérier tous les obstacles qui pourraient survenir à domicile, voilà, avec des mises en situations concrètes. Quelles sont les réactions des patients face à des propositions d’aménagements ou d’aides techniques de leur domicile ? Bonne question là encore. Tout dépend en faite de la, du caractère de la personne. Si ce sont des gens qui sont très très, euh… habitués, qui sont perclus, on va dire, d’habitudes, c’est plus difficile. Et puis après, y a aussi une question budget. Si c’est des… Mais euh… comment dire… (Blanc) On peut passer d’un extrême à l’autre. Mme X, pour ne pas la citer, elle n’a pas hésité à se faire construire un élévateur, qu’a quand même coûté 18 000 €. Mais parce qu’elle, elle a vu que le, l’objectif majeur pour elle c’était de rester à domicile et c’était surtout de ne pas déménager, parce que ça fait plus de 50 ans qu’ils habitent là tous les deux. Et, il faut bien reconnaitre, y a des capacités financières, c’est gens là… voilà. Même si ça a été un sacrifice pour eux, ils avaient les moyens de le faire. Quand c’est pas possible, bah… il faut, de toute façon faut pas mentir, faut dire aux gens voilà, y a trop d’obst…, y a beaucoup d’obstacles, y en a jamais trop, beaucoup d’obstacles chez vous, donc soit vous retournez à domicile, vous ne faites pas d’aménagement et vous aurez forcément un périmètre limité à la chambre ou à l’intérieur de la maison mais vous ne pourrez pas sortir. Ou alors, y a des solutions que je peux apporter. Voilà, c’est un deal. Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à tes propositions, est-ce que tu peux me citer les raisons qui sont souvent mises en avant ? Et bien bizarrement souvent, y a pas de raison. C’est un non catégorique parce que les gens en faite, c’est ce que je te disais toute à l’heure, ne veulent rien changer, ne veulent pas changer quoi que ce soit. Parce que je pense que chez beaucoup de personnes âgées, les habitudes aident à vivre et finissent par construire leur vieillesse en fonction des habitudes de vie. Et y a, le, le…Ils sont rebelles aux changements, parce que leur vie est ritualisée, parce que depuis 50 ans ils font comme ça. Et que… Qui je suis moi, euh… pour leur dire demain que, ce qu’ils faisaient depuis 50 ans bah non, maintenant il va falloir faire autrement. Y en a certains qui sont capables de faire autrement, y en a d’autre non. Alors tu m’as dit que tu utilisais la mise en situation à domicile, quand tu fais des visites, est-ce que tu peux m’expliquer comment tu abordes la mise en situation ? Comment j’aborde la mise en situation bah déjà en… Concrètement quand j’y suis ? Oui, quand tu y es là bas. Bah c’est pas compliqué, en général de toute façon moi je m’efface derrière la personne puisque je n’oublie jamais à aucun moment que je suis chez elle. Donc je me considère là moi comme une invité, donc je demande à la personne de me faire la visite des lieux, donc c’est elle qui va en principe de pièce en pièce. Puis après, si moi il me vient à l’idée, justement, des choses qui pourraient faire obstacle au retour ou au maintien, si je vois des difficultés, je vais demander des choses très simples. Si la personne me dit « ah mais ça posera aucun problème pour me lever, pour me coucher, tout ça. » Ah bon, bah très bien, mais venez me montrer. Donc je leur demande aussi, assez souvent, euh, de me décrire comment se déroule la journée chez eux : à quelle heure ils se lèvent ? Le petit déjeuner où estce qu’ils le prennent ? Est-ce que c’est eux qui préparent le petit déjeuner ? Est ce que c’est le conjoint qui les aide ? En fait voilà, je leur demande de me décrire une journée type et à chaque fois que je vois, que je pointe du doigt, ce qui pourrait pour moi être un obstacle, je demande une mise en situation. Quels sont les intérêts selon toi de mettre en situation une personne dans son environnement ? Bah pour moi c’est la… C’est ce qui approche le plus de la réalité, de la personne dans son environnement. C’est là qu’elle va prendre vraiment la mesure de ses capacités, de ses incapacités, de ses limites aussi. Et après ça aide justement à voir…Parce qu’en fait l’hospit… L’hôpital ça reste quelque chose, c’est un lieu étranger. Et c’est pas parce qu’ils sont, on va dire, autonomes ou indépendants en institution qu’ils vont forcement l’être chez eux. Mais a contrario, on a vu aussi des tas de fois où les gens ici ne sont pas indépendants, ne sont pas autonomes parce qu’ils sont justement dans une institution et un lieu qui leur est étranger. Et bizarrement ils rentrent chez eux et on est très surpris, agréablement, de voir que, à la maison ça va le faire. Ils retrouvent leurs repères, ils retrouvent leurs automatismes qui sont perdues ici. Est-ce que tu penses que la mise en situation, tu m’as à peu près répondu, permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés ? Pour moi oui. Si malgré tout y a pas de prise de conscience c’est que : un, l’échec est, doit être digéré, euh… et la personne peut être dans le déni, justement, parce que justement il faut lui laissé le temps de faire ce deuil, parce que si elle est pas bête elle s’aperçoit à ce moment là de ses limites ce jour là, soit elle a la capacité à l’accepter, soit elle n’en a pas la capacité, soit, aussi, y a des troubles cognitifs qui font que, voilà, y a pas de prise de conscience parce que les troubles cognitifs prennent toute la place. Dernière question, est-ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter les propositions d’aménagement ou de matériel. Oui. Je te remercie. Entretien E : Comment est-ce que tu prépares la visite à domicile ? Euh… je rencontre, le patient, la famille, euh… Faut que je détaille beaucoup ou pas ? Faut que je dise ce que je veux ? Oui ! Euh… donc on a ici une méthodologie particulière. Donc on pré-rempli parfois le dossier, avec les informations nécessaires, on fait des p’tits bilans avant… écologiques déjà pour évaluer si c’est vraiment nécessaire la visite à domicile. Euh… (Blanc) Voila ! (Rires) Comment t’abordes la question de la visite à domicile avec le patient ? (Blanc) Vas y répète ! Comment tu abordes la question de la visite à domicile avec le patient ? Bah tout d’abord il faut qu’il soit en accord avec le projet. Euh… C’est quelque chose qu’on va un p’tit peu anticiper en amont avant d’aller vraiment discuter de la chose avec lui, si c’est, si on pense qu’y a quand même des chances que ça va fonctionner avant de lui dire, « bon on va aller chez vous pour évaluer la situation », faut quand même anticiper les risques et ne pas trop lui mettre d’espoirs en tête si on voit que ça risque d’être compliqué. Euh… (Blanc) Répète encore une fois ! (Rires) Comment abordes-tu la question de la visite à domicile? Donc une fois qu’on a envisagé avec le médecin, la famille… On part avec le patient et bon on lui explique un petit peu la démarche, dans quel but on va faire ça, que ce soit au niveau de l’environnement, au niveau écologique, au nouveau des fonctions instrumentales, on va tester un p’tit peu des choses à la maison, on lui explique un p’tit peu avant qu’est ce qu’on va faire. Ca va t’inquiète ! (Rires) Quelles sont les réactions des personnes face à une proposition d’aménagement ou d’aide technique à leur domicile ? Bah c’est fluctuant ! (Rires) Selon…. L’acceptation ou non du handicap déjà. Si y a un p’tit problème d’anosognosie c’est parfois un p’tit peu compliqué d’introduire des choses, mais bon il faut essayer de faire passer le message du… Si on veut que le maintien à domicile se fasse le plus longtemps possible, il faut essayer d’accepter certaines choses, de démontrer que ça va leur servir, d’essayer avec eux à domicile, même ici en amont et… au simulateur de logement éventuellement… C’était quoi la question ! (Rires) Quelles sont les réactions des personnes face à une proposition… Ah oui c’est ça ! Euh… ça dépend un peu des pathologies. Mais bon dans l’ensemble, ça se passe relativement bien, il faut pas, faut pas imposer, faut pas y aller trop violemment, faut essayer d’introduire les choses de manière concrète pour lui et lui démontrer que, ouai, ça peut l’aider. Dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement ou d’aide technique, est-ce que tu peux me citer les raisons qui sont souvent mises en avant par les patients ? Parfois pour les aides techniques de marche plus c’est parce que c’est stigmatisant, c’est parce que ça montre à tout le monde que il est handicapé, qu’il a perdu des capacités, c’est un peu… la stigmatisation du handicap vue par les personnes extérieures ou… C’est quoi déjà ? (Rires) Les raisons qui sont mises en avant dans le cas d’un refus ou d’une résistance. Euh… si … des fois si faut faire des aménagements, des gros travaux, financièrement c’est pas possible… y a ça aussi beaucoup. Euh… changer de domicile, c’est… ouai, faire des travaux dans le domicile, c’est souvent... Ça leur fait peur… le changement ça les…, ça les inquiète un petit peu, les travaux, toute l’organisation autour de ça, ça peut parfois leur faire un petit peur, donc il faut quand même introduire la famille ou des aides extérieurs pour essayer d’aider un petit peu dans les démarches. Est-ce que tu utilises les mises en situation au domicile ? Ca peut. Est-ce que tu peux m’expliquer comment t’abordes la mise en situation ? A domicile ? Oui Comment j’explique ? Comment tu expliques à la personne, comment tu va aborder la question, par exemple, vous me faites un café… Ouai, bah déjà… je vais essayer de pas forcement l’introduire en tant qu’évaluation, essayer de le remettre dans le contexte d’une situation quotidienne, qui pourrait ce passer avec le voisin. Pas générer d’anxiété, selon comment est le patient. Euh…redis-moi. Est-ce que tu peux m’expliquer comment t’abordes la mise en situation avec le patient au domicile ? (Blanc) T’explique ? Oui Quels sont les intérêts selon toi de mettre en situation la personne dans son environnement ? Bah on parle souvent que… d’un patient qui, quand on fait par exemple ici, faut qu’il s’adapte à un nouvel environnement, qu’il cherche un petit peu, qu’il retrouve ses marques, donc c’est pas forcément concret de faire ça et au domicile normalement il va, il doit retrouver ses anciennes habitudes. Le mettre dans son quotidien ça parait plus logique que de le mettre en situation au sein de l’hôpital. Qu’est ce que t’entend par plus logique ? Plus écologique, plus pragmatique, plus… (Rires) Est-ce que tu penses que la mise en situation ça permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés ? Oui. Parfois oui, parfois non. Selon la pathologie aussi. Si… c’est quelqu’un qu’est anosognosique toujours, il va pas forcément se rendre compte qu’il est en échec ou il va mal accepter et refuser de faire. Faut faire attention un peu à comment, comment on va le mettre en situation pour pas non plus créer trop d’échec. J’ai envie de dire, c’est pas toujours… ça le met pas toujours… Il prend pas forcément conscience de ses difficultés selon c’qu’il a. Parfois oui, parfois non. Est-ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter les aménagements ? Oui c’est vrai, je pense à chaque fois à la cuisine, je m’étais mis en tête une chose… Oui bah ça va démontrer à la personne, que ça va… Que les aménagements qu’on propose, si on lui fait pas essayer, il va pas forcément comprendre pourquoi on lui propose ce genre de chose, il faut qu’il essaye, il faut qu’il comprenne comment ça fonctionne, quel est l’intérêt pour lui, il faut travailler un petit peu, en lui montrant et chez lui et en retravaillant si nécessaire à l’hôpital. Je te remercie ! Entretien F : Comment prépares-tu la visite à domicile ? Alors comment on la prépare ? Et y a pas de question pourquoi on fait une visite à domicile ? Non ? Non ! Comment on prépare ? Bah au préalable déjà généralement, les personnes sont déjà là, on les connait dans la plus part des cas, sauf en médecine où ça peut ce faire comme ça. On va déjà vérifier comment est le domicile au niveau du document connaissance de la personne pour faire un état des lieux. Si la personne n’est pas en capacité de répondre, bien évidemment on va essayer de voir avec un tiers, l’entourage pour vérifier déjà comment il se débrouillait à la maison et en fonction de son handicap actuel, si il se retrouve en fauteuil roulant alors qu’il se déplaçait sans aide technique avant, vérifier, enfin l’objectif se s’ra de vérifier si il peut rentrer en état aujourd’hui. Avec la personne, si possible avec le patient, c’est pas toujours possible mais dans 90% des cas, je vais dire, vaut mieux avec le patient. Et donc pour l’accessibilité, ça peut être, oui l’objectif ça peut être pour vraiment pure accessibilité, mais aussi vérifier les troubles cognitifs au domicile, notamment, si y a préparation repas au moins un petit déjeuner ou un, voila, préparer, faire sur le domicile, parce qu’ici, dès qu’on les amène ici, de toute façon, ils vont dire qu’on les met pas dans les réalités du quotidien, et on va les mettre en échec. Donc on met en échec si on évalue ici. Donc ça c’est pertinent d’aller voir à domicile parce que si tu vois que déjà chez eux y a de gros tr… difficultés, le retour p’t’être va être compliqué, sans aides humaines. Donc à la fois, problématique accessibilité et voir la faisabilité du retour, y a ça aussi. Un des objectifs c’est des fois aussi de mettre la personne, comment dire, en difficultés, puisqu’on sait que, enfin nous en voyant la personne ici, on sait que ça va être compliqué au domicile et qu’elle évolue dans son projet, ça peut être ça aussi la visite, pourquoi on la fait. Et ça va être bien sure différent si y a un, si la personne vit seule ou pas au domicile. Différent en quoi ? Bah, l’accessibilité, si c’est purement accessible et qu’ils ont les moyens de faire les travaux ça ira mais si c’est une personne qu’a des troubles cognitifs, si elle vit seule, le fait qu’y ait pas d’entourage au domicile, ça va compliquer notre projet. Le projet y va être… parfois il tient le coup parce qu’il y a un aidant principal à peu près en bonne santé. Et si c’est pas le cas, le retour ne sera pas possible. Imaginons quelqu’un, un monsieur amputé qui habite un, je sais pas moi, un troisième étage sans ascenseur, accessibilité réduite au domicile… bah cette personne là, a priori, le projet va être complètement différent, on va proposer un autre logement ou une entrée en EHPAD. S’il a en plus des troubles cognitifs, qu’il vit seul, bah d’emblée on va peut être partir sur une entrée en institution, tu vois. Si le domicile n’est pas du tout accessible, s’il est pas capable de se gérer lui-même… voila, ça permet, enfin, nous ça permet de voir si la faisabilité du retour est possible en l’état ou pas et de vérifier avec la personne aussi ses capacités chez elle. Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec la personne ? Alors souvent, on va leur présenter en disant, si ça pas, parce que des fois c’est présenté, au préalable, par le médecin, lors des entretiens, des visites, donc si ça pas déjà été évoqué, on dit « Voila, on a discuté en réunion d’équipe d’une sortie prochaine, on aimerait vérifier que tout va bien pour la sortie, si l’accessibilité va bien ou si c’est un problème d’accessibilité, mettre en situation chez vous. » Donc ça se fait soit aussi en lien avec le service social ou pas. Moi j’fais beaucoup, enfin, je pense que je suis une des ergo qui fait le plus de visite à domicile avec le service social, parce que quand la famille est présente, ça permet de faire un point en commun à un moment T, tout le monde entend la même chose et c’est dit la même chose à ce moment là. Et l’assistante sociale se permet aussi de récupérer des documents administratifs qu’elle n’a pas pour faire avancer le projet d’aide à domicile. Et quelles sont les réactions des personnes face à une proposition d’aménagement ou de matériel médical à leur domicile ? Ah y a des gens très réticents, déjà dans l’accessibilité même, si tu demandes aux gens d’enlever les tapis, de déplacer des meubles, y a des gens ils vont pas vouloir. C’est, c’est… c’est comment diraisje, rentrer trop dans leur intimité à vouloir changer c’qu’ils ont depuis 50 ans c’est comme ça, donc on va pas… il va falloir travailler, les mettre en situation en leur prouvant par A+B s’ils ont pas ça c’est plus facile mais certain, on n’y arrive pas même en conseillant. C’est trop de changements pour eux ? Trop de changements, certains ne voient pas l’intérêt, si tu montres toi par A+B que ça a un intérêt pour eux, eux ne vont pas le voir dans l’immédiat. Donc après ils ont besoin de cheminer, certains lors de la visite, tu vois tu les mets en situation et c’est après au retour qu’ils vont ce dire « Ah ouai peut être vaudrait mieux faire comme ci comme ça » ou certains bah, comme on disait qui vont dire, ils étaient à fond dans le retour à domicile, ils vont dire « Bah non finalement je me sens pas capable, finalement je me sens pas capable de rentrer à la maison » pour des problèmes architecturaux, ou environnementaux, se retrouver tout seul ça peut devenir insécurisant. Ici ils ont du personnel 24h/24, il suffit qu’ils soient restés des mois et des mois, se retrouver seul du jour au lendemain ça peut être angoissant. J’ai eu le cas, la dame elle a voulu absolument sortir, elle a même fait des choses qu’elle avait pas besoin de faire à domicile. Si tu veux monter à l’étage, l’escalier c’était, tout était au rez-dechaussée ce dont elle avait besoin au quotidien. Et le jour de la visi… de la sortie, puisqu’elle voulait sortir et bah finalement elle a dit « Non je suis pas capable de rester là cette nuit » Faut qu’on trouve une solution d’urgence ! Sauf que dans ces cas là c’est un peu plus complexe que ça en à l’air si t’as pas travaillé au préalable pour avoir une solution intermédiaire. Bon ça c’est un cas, ça c’est produit qu’une seule fois depuis que je suis là. Pour montrer que, ouai, y a des gens qui se rendent compte, peut être un peu tard, que c’est pas, que leur choix de vie c’est plus ça. Dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement ou de matériel, est-ce que tu peux me citer les raisons qui sont souvent mises en avant ? Pourquoi ils refusent du matériel ? Oui Moi je dirais un des premiers trucs, ça va être que ça fait handicapé Ou des aménagements. Ouai, le fait que ça fasse trop handicapé pour eux, ils ont pas envie « Vous vous rendez compte » imaginons un rollator 4 roues pour sortir, du coup ils vont plus vouloir aller dans le quartier parce que « Ouai personne n’a ça dans le coin, j’ai pas envie ». On nous met en avant aussi souvent le coût de l’aide technique alors que… c’est pas… la plus part du temps on propose des choses basiques qui sont remboursées intégralement par la sécu. Donc dans ces cas là c’est vraiment… qu’ils n’ont pas vu l’intérêt non plus de, de, de l’outil, de l’aide technique, qu’est ce que ça peut leur apporter au quotidien comme le bénéfice. C’est toujours l’histoire bénéfice/coût. C’est le cas… Tes deux colonnes, qu’est ce que… en quoi ça m’aide et en quoi qu’est ce que ça me coûte moi d’avoir cette chose là. Alors pour les aménagements après au domicile, c’est sûre que si financièrement ils ont pas les moyens financiers, faut monter un dossier peut être PACT’ARIM, s’ils rentrent dans les cases PACT’ARIM et du coup là les travaux ils vont pas être faits dans les délais qu’on va vouloir aussi. Là on a une dame au soin de suite, les travaux s’ront faits, on a fait une demande en février, les travaux seront fait en décembre. Ouai y a un problème de parquet au domicile qui a gondolé parce que elle doit pas chauffer son domicile, qui est complètement gondolé avec un risque de chute et en plus maintenant elle marche avec un rollator 4 roues. Donc là on est coincé, financ… enfin, c’est une dame qui a peu de moyen, faudrait presque… moi j’ai dit « Pourquoi on la fait pas changer de logement » après psychologiquement elle est pas prête à partir, sauf que là, si on attend le délai, elle va être un an hospitalisée. Entre la vie où je suis protégé et puis se retrouver chez soi au bout d’un an, c’est pas très adapté non plus par rapport au projet de vie. Alors j’ai coupé, du coup je voulais dire autre chose sur les coûts. Et au niveau des aménagements financiers, j’ai été faire une visite à domicile juste à côté-là ! Quelqu’un qui est en neurologie, ils avaient déjà fait appel à la MDPH, y avait déjà une ergo qu’était passée faire une visite à domicile et tout c’est pas là, c’est pas le monsieur qui me disait non, il était pas venu à la visite, c’était la famille qui refusait de réaménager parce que justement ça faisait trop handicapé et qu’ils voulaient pas de ça chez eux, même si c’était bénéfique pour le monsieur si tu veux. L’ergo avait déjà proposé pas de choses. C’était un refus, niet. Donc il pouvait pas prendre de douche, c’était une baignoire pas adaptée, il pouvait pas…, au niveau accessibilité c’était pas du tout possible pour lui en fauteuil enfin voila. Du coup il se retrouve à faire une toilette au lit. Mais c’était pas le choix du monsieur, puisqu’on en n’a pas discuté ensemble, mais la famille était totalement contre. Et puis on avait enlevé le carrelage machin, et ceci, cela. Non ça faisait trop de bouleversement pour eux, ils étaient pas près à… entre guillemets « sacrifier » ce qui était là pour l’adapter pour avoir un bénéfice pour le coup, pour le monsieur. La maison appartenait à la famille ? Au couple mais y avait le fils qui habitait la. Donc quelque part c’est eux qui ont pas accepté le handicap ? Non ils acceptaient pas la situation. Après ils avaient peut être projet que le monsieur reste pas très longtemps au domicile, qu’il parte en institution, je sais pas. Mais, y avait aussi le coût et ils étaient de souvenir, je pense qu’ils avaient trop de, trop de revenus pour, tu vois, pour profiter d’aides financières donc après eux ils trouvaient que…, c’était un cas particulier, parce que le fils était sans travail depuis des années et ils l’aidaient financièrement. S’ils mettaient de l’argent dans les travaux, du coup ils pouvaient plus aider le fils. Donc voila. Fallait choisir Fallait choisir entre le deux. Ils ont pas choisi a priori. Y a quand même eu deux visites à domicile pour faire avancer un projet qui au final n’a surement pas abouti. C’est un peu dommage. On a l’avantage en plus ici d’utiliser le simulateur de logement pour mettre en situation, faire l’état des lieux actuel en disant « Voila actuellement c’est comme ça, vous voyez » enfin en mettant la personne en situation et la famille « Vous voyez les difficultés que vous rencontrez. Si on aménageait de telle manière, on fait une deuxième photo, voila les avantages que vous auriez » C’est quand même un outil qui peut nous permettre d’avancer sur le projet. Faire des plans et tout ça. Et ça tu l’as fait avec cette famille là ? Non pas avec cette famille. Non, ils étaient dans le refus pour tout ce qu’on proposait : fauteuil… Marguerite était montée parce que, le monsieur c’était un parkinsonien de mémoire, il avait des gros problèmes de déglutition et tout ça, il avait une cyphose, elle voulait partir sur un fauteuil, tu vois, coquille. Et même ça, c’était niet. C’était « Pas de ça chez nous » donc du coup on n’a pas insisté. Ils sont pas prêts quoi. Mais y a des patients qui sont pas prêts, quand on leur propose tout ce qu’on va proposer, le listing « Voila tout ce que vous avez besoin ! Pour rentrer à la maison on pense que vous auriez besoin de tout ça. » Y a des gens ils disent « Ca va pas la tête ! Je vais plus avoir mon lit », tu vois le lit médicalisé, ne serait ce que mettre le lit médicalisé, que peut être les aides humaines vont réclamer si c’est une toilette intime au lit. Tu vois. Elles vont pas intervenir si… Bon ça, ça permet d’argumenter des fois en disant, « Le service de soins ne va pas venir chez vous parce que ils estiment que s’ils ont pas un lit médicalisé, ils peuvent pas travailler dans de bonnes conditions » Mais y a des gens ils vont dire « c’est mon lit de mariage, vous vous rendez compte vous, bah non, j’ai pas envie » ou ils dorment encore à deux et se retrouver un en lit médicalisé et l’autre avec un… un lit simple à côté, la pièce est pas extensible non plus. Donc y a des contraintes qui s’opèrent, donc c’est… c’est un cheminement. Après c’est est-ce qu’on fait tout pour rester à la maison ? Est-ce qu’on se donne les moyens pour faire un bon maintien à domicile ou on fait… j’allais dire du bricabroque… qu’on fait des montages un peu scabreux pour que ça tienne la route tu vois. Donc voila. C’est quoi leur choix de vie ? C’est vraiment rentrer, ce donner les moyens d’y rester le plus longtemps possible. C’est pour ça les travaux moi je dis toujours, vous voulez faire tel aménagement. Hier on m’a rappelé une famille des soins de suite que j’ai vue avant de partir en vacances. La dame a du mal à monter à l’étage donc ils proposaient soit d’aménager le rez-de-chaussée mais au niveau légal, tu sais, dans certaines communes, tu ne peux pas aménager ton garage en pièce de vie. Puisqu’ils estiment à Rennes au niveau urbanisme, c’est, c’est le cas dans la plupart des quartiers, parce que y pas de stationnement extérieur, donc ils estiment quand t’as une habitation, une voiture, tu puisses garer ta voiture. Donc là a priori les personnes habitent sur une commune à côté, on leur a refusé d’aménager leur garage en chambre et sanitaires. Puisque les sanitaires sont également… C’est un pavillon en fait la cuisine, salle à manger sont au rez-de-chaussée et les chambres et les sanitaires sont à l’étage. Donc soit y avait là, cette possibilité d’aménager le rez-de-chaussée, soit d’installer un… un siège… Un stanha ? Ouai voilà siège électrique pour monter à l’étage. Mais la problématique de ces choses là, c’est que si t’as une pathologie qui évolue ou si demain t’as plus de difficultés à te mouvoir, à sortir d’un fauteuil pour te remettre sur autre chose, ton système, t’auras déboursé j’sais pas 7000€ et au final ton domicile s’ra pas adapté. Donc dernière solution c’était de mettre éventuellement un ascenseur. Après ils m’ont rappelé pour me demander qu’est ce que j’en pensais. Mais faut faire des devis. Moi au niveau technique c’est pas moi qui vais savoir si c’est plus adapté de l’installer dans telle ou telle ou telle pièce. L’ascenseur, est-ce qu’ils veulent vraiment partir sur un siège ? Moi j’ai donné mes arguments pourquoi je trouvais que c’était… si ils faisaient des aménagements, le coût va être important, alors est-ce qu’ils préfèrent débourser 7000 € pour quelque chose qui va être temporaire, peut être pas, j’en sais rien, suivant leur état de santé ou débourser 15000€, enfin 7000 ouai 8000€ p’t’être de plus pour avoir quelque chose de plus adapté en sachant qu’il faut mettre un ascenseur dans lequel on puisse rentrer avec un fauteuil. Ca c’est pas toujours le cas. J’ai fait des visites à domicile aussi où y avait bien un ascenseur mais fallait être debout… Enfin tu vois… faut, faut, moi j’dis qu’si on fait des aménagements coûteux, il faut voir au long cours. Tu vas faire une douche à l’italienne parce que peut être demain, malheureusement tu vas te retrouver en fauteuil roulant, on l’espère pas, mais tu vas pas aller débourser... .Remplacer ta baignoire pour mettre une douche avec un receveur de douche de 30cm comme ils font souvent dans les HLM du reste. Pour peut être pas, demain, pas pouvoir lever les jambes correctement pour rentrer dedans. Enfin ça me parait complètement… aberrant de faire ça. Moi j’leur dis, vous voulez faire des travaux, certes, mais vous voulez aussi rester le plus longtemps possible chez vous. Donc on fait… on se donne les moyens de faire des travaux pour que ça perdure dans le temps. Voila. Ou alors, ou alors dernière solution pour cette famille là, changer de domicile. Bon c’est pas l’option… ils m’avaient dit oui et après ils m’ont dit non. Donc c’est pas l’option qu’ils ont choisi. Parce qu’en fait ces gens là, ils ont fait donation de la maison à leur fille. Donc je n’sais pas je devais rappeler, au niveau notarial parce que qui fait les travaux ? Tu vois, le coût des travaux il est à qui ? Ça je sais pas, j’ai pas revu ça cette problématique là. Après nous on a un rôle de conseil, on peu donner plein d’infos, on peut tout casser. Moi quand je faisais des cours à l’école d’ergo, je donnais des cas cliniques, souvent les étudiants ils me cassaient tout, même quand le projet de vie était à court terme était d’aller en structure. Faut être logique quoi. Si quelqu’un part, attend une place en EHPAD, on va pas tout casser dans la maison, voilà. On fait en fonction du projet de vie, est-ce qu’ils veulent rester là ou pas ? Et on adapte aussi nos conseils en fonction de ça. Enfin je sais pas ce que t’en penses ? Regarde, Mr M il est jeune, c’est un jeune… une jeune personne âgée ici, y a des gens qui pourraient être ses parents, ici hospitalisés qui ont 95 ans. Ce monsieur là, peut être que sur le plan cognitif, s’il avait moins de difficultés on aurait pu se dire, votre domicile n’est pas adapté, je sais plus hein, est pas adapté, on envisage peut être soit une entrée, maintenant y a des résidences services, soit peut être un domicile un peu plus adapté pour vous en fauteuil, avec… ouai faut bien penser si y a, bon là il aide, mais s’il avait pas récupéré au niveau des transferts, y aurait p’t’être fallu un lève personne ou un verticalisateur électrique donc faut quand même de l’espace pour manipuler ce genre de matériel. Des fois à domicile, bah nous on préconise ça mais c’est pas possible de les utiliser, tu vois la problématique. Donc on va p’t’etre dire bah non il va pas pouvoir dormir dans telle pièce, bah oui quand on dit, bah ouai la chambre à l’étage il peut pas y aller, bah si on aménageait la salle à manger en pièce de vie mais si ça un coût tu vois ils vont dire « Ca va pas la tête ! Mais vous vous rendez pas compte, où est ce qu’on va recevoir les gens ? » Donc on est toujours dans ces histoire de bénéfice/coût, qu’est-ce qu’on est prêt à faire, à mettre en jeu pour que ça se passe bien. C’est… les gens ils se rendent pas toujours comptent des difficultés que une fois qu’ils sont, bah, ils sont mis en situa…, enfin ils sont dedans et… peut être ils ont envie de faire des efforts pour que ça se passe mieux. Mais des fois y a des conjoints qui veulent rien faire. Qui se mettent en difficultés parce qu’ils veulent (rires) laisser le domicile tel qu’il est sans changement. Donc ça… bah après faut travailler, faut travailler là-dessus mais… des fois ça marche pas comme nous on aimerait, enfin, on aimerait apporter plus et… Moi j’ai même fait les visites à domicile, ils avaient déjà fait les travaux et c’était pas forcement, ce qu’ils prévoyaient, tu vois, ce qu’il avait prévu. Le monsieur était amputé. Un monsieur amputé qui est venu en soin de suite qui avait des gros problèmes cardio, après je crois est passé par la rééduc… Mais… j’avais fait la visite en urgence, parce qu’ils avaient commencé à appeler les artisans, en disant « Non vous rendez compte, si on met ça comme ca » on avait utilisé… tu vois là pour le coup on avait utilisé le simulateur en disant « Voyez les difficultés que vous allez rencontrer ? » ils voulaient absolument mettre des pares douche, tu vois, mais on pense pas aux tiers ! Le tiers qui vient aider, d’accord, on pensait aux éclaboussures et tout ça, projections d’eau quand on va faire sa toilette, mais la personne qui va venir vous frotter le dos et tout ça qui va être obligée de se mettre en quatre tu vois, certain… certaines fermetures de douche mais la personne elle peut pas aider, elle peut rien faire. Et puis bah non, c’est… ça vous plait peut être pas mais moi dans un premier temps, essayez sans pare douche. On peut pas toujours mettre un part douche en plus, j’me rappelle on pouvait pas mettre un pare douche, qui pouvait, tu sais s’ouvrir, une porte vraiment s’ouvrir pour, suivant qui utilisait la douche aussi… Mais… voila, il faut, faut être confronté aux choses, faut, faut parler des tiers qui peuvent venir un jour t’aider aussi et y penser, enfin… c’est pas une solution, enfin, moi personnellement, je sais pas si les collègues on dit ça, je parle sur du long terme. C’est pour les travaux ça c’est sûre. On va pas dire aujourd’hui il a tel problème après, ah mince, bah j’y avais pas pensé, maintenant il a ça, il peut plus utiliser… Donc… vient de là aussi notre compétence sur les aménagements, enfin tu vois, on est quand même formé pour adapter des domiciles pour des personnes à mobilité réduite. Après qu’ils fassent pas, parc’que moi ça m’est arrivée aussi d’aller à domicile, ils avaient déjà eu des visite à domicile, tu te dis, c’est bizarre, pourquoi elle a proposé ça ??? Bah ça me parait bizarre, le fauteuil tout étriqué, la personne est pas bien dedans… Ah bah oui mais fallait que ça passe les portes… Oui mais il passe pas ça journée à passer des portes et le reste de la journée il est complètement coincé dans son fauteuil… et une fois qu’t’as ça bah ouai l’ergo elle a pas, elle a pas eu le choix quoi… enfin... eux leur souhait c’était que ça passe les portes… et ils ont pas préféré, ou c’était p’t’être pas chez eux, ouvrir p’t’etre les huisseries pour que se soit plus aisé. Chez Mr G, tu vois qui c’est Mr G ? Oui, oui Le monsieur amputé là. C’est pour ça que j’ai marqué, j’en ai pas reparlé à Rose dans ma synthèse de la semaine dernière, c’est que lui me dit que dans son domicile actuel, le fauteuil passe dans les couloirs mais vu l’étroitesse des couloirs, il ne pourra pas tourner avec un fauteuil dans les pièces qu’il dessert. Donc… en discutant avec lui, moi j’lui ai dit, bah faudra p’t’etre, je sais qu’il a encore d’autres problèmes médicaux, il faudra p’t’etre avancer la visite à domicile, aller voir comment c’est vraiment et… comme il est locataire, peut être changer de domicile, avoir quelque chose de plus adapté, et là, enfin, dans la discussion toujours, il était pas défavorable à cette idée là, mais après j’pense qu’il va vouloir dans le quartier, ceci cela, donc tu vois c’est compliqué hein. Et y a même des familles qui m’ont dit, le monsieur avait plus de 90 ans, c’était dans la [nom de ville], en faite t’as des immeubles ou t’as les ascenseurs qui s’arrêtent aux impairs, tu vois. Ouai aux demi-paliers Voila, donc eux pas de chance, ils habitaient au 14ème, l’ascenseur s’arrêtait au 13ème… donc la famille voulait un rapprochement au centre ville là où ils habitaient eux… Et… (Rire) enfin voila… Le couple qui avait un super grand appartement, certes, pour deux personnes, ils voulaient qu’on fasse un courrier aux HLM pour qu’il y ait un rapprochement de famille, donc un domicile plus adapté mais à côté d’eux, c’est super complexe, enfin… Et moi on m’a rappelé deux ans après, mon courrier, « Allo ?! » j’me dis qui c’est qu’ça, les HLM de chez plus… enfin quel organisme, bref… « J’vous appelle au sujet du dossier… » Le Mr était pt’être décédé entre temps, enfin deux ans après. Ils voulaient mon avis pour adapter, ils construisaient, qu’on adapte, mais alors eux ils adaptaient que en rapport à cette personne là ! Enfin j’sais pas moi si tu fais des travaux c’est, d’adapté pour la grande majorité, enfin des personnes qui risquent d’habiter dedans, tu fais une douche à l’italienne d’emblée, enfin que ce soit… enfin je sais pas moi, je me poserai pas la question si je devais adapter un truc. J’ferais pour ceux qui s’retrouvent en fauteuil roulant, qui ont besoin de faire un transfert, qui ont besoin de place. Donc là bah… la solution on l’a pas trouvé pile poil quand ils l’ont voulu. Lors d’une visite à domicile, est-ce que tu utilises les mises en situation ? Ah bah on fait que ça. Tu fais que ça ? On fait que ça, c’est à faire pour les transferts on fait des mises en situation, pour les sanitaires, pour voir s’ils ont besoin des points d’appui, ici ils ont des points d’appui directs dans les chambres, donc des rehausseurs intégrés, est-ce qu’ils y a besoin de ce genre de chose ? Est-ce qu’ils sont toujours en capacité d’utiliser la baignoire ou pas ? Ou s’il faut une aide technique, donc des fois quand on sait que c’est une baignoire, on va amener soit une planche de bain ou alors un… une siège… pivotant. Et comment t’abordes la mise en situation avec la personne ? Ah moi d’emblée je dis « allez y montrez moi comment vous faites d’habitude. » Généralement ils refusent pas, les transferts, ouverture des volets, tu vois, s’ils sont toujours en capacité d’ouvrir, c’est une problématique aussi, le matin comment je fais pour ouvrir mes volets ? Si c’est possible ou pas… ouai ouai, on… on leur dit « Voila on va chez vous, on aimerait voir comment vous vous débrouillez au quotidien » sachant que c’est évidemment une évaluation à un moment T et que c’est pas la réalité… vraiment. On vérifie des capacités du sujet à ce moment là, s’il est toujours en capacité de le faire. Quels sont les intérêts selon toi de mettre la personne en situation dans son environnement ? Bah l’avantage, déjà, on parlait, si on le fait ici, si on met en situation ici, euh… on modifie…, ils vont pas voir une hauteur de lit, tu vois faut vérifier si la hauteur de lit est la même qu’ici, l’avantage du lit médicalisé, où ici ils vont utiliser quotidiennement le relève buste et tu leur dis « Mais chez vous vous faites comment ? » « Ah bah j’en ai pas » « Bah vous allez faire comment alors ? » Tu vois ce genre de chose. J’ai posé la question ce matin a une dame aux soins de suite, elle est dans un lit AVC, le seul qu’y ait au soin de suite, et y a la poignée intégrée, donc elle me dit « Regardez, j’utilise telle fonction et machin… » Bah oui sauf que le lit médicalisé que vous allez voir, y aura pas forcément la poignée intégrée « Ah ouai, ah bah j’y avais pas pensé » Ouai sauf que bah si y a besoin de ça va falloir pt ‘être ajouter une barre latérale de redressement au domicile Mais le domicile on est au plus juste du quotidien, on les confronte à leurs problématiques qu’ils vont avoir tous les jours. Dans…, comment dirais-je, dans leur lieu de vie, où ils sont attachés, l’affect peut rentrer en ligne de compte, donc des fois le domicile on a, on peut avoir du mal à mettre en situation. Y a des gens ils vont pleurer et pas vouloir… rien faire. Parce qu’ils ont peur d’être en échec et de se rendre compte qu’ils sont pas… Non parce qu’ils se rendent compte, ça fait des mois par exemple qu’ils sont pas rentrés chez eux, et ils sont pas en capacité émotionnellement de faire quoi que ce soit. Ils se disent, « J’suis pt ‘être plus capable de rentrer. » Tu vois ? Et du coup on peut même pas vérifier que… oui mais… on leur explique qu’on vient voir comment vous vous débrouillez chez vous pour pouvoir justement préparer le retour avec des aides humaines, avec peut être du matériel… donc... tout dépend aussi comment on a préparé la visite. La difficulté en service de court séjour c’est que, du jour au lendemain on te dit bah voila dans temps de jour la personne sort donc tu prépares précipitamment une visite chez quelqu’un que tu connais pas bien alors que si tu suis quelqu’un pendant des mois en rééducation, que tu connais très bien, t’as pas la même approche des choses et t’auras pu déjà au préalable au fur et à mesure des prises en charge déjà parler du domicile, comment on sait que ça va être alors que là bah de but en blanc, allé hop je vous emmène chez vous, vous sortez telle date hein… tu vois y en a ils sont pas prêt, ils sont pas prêts à ça. Bon après l’intrusion des fois, t’as peut être pas demandé, mais on peut avoir des refus de domicile, des familles des fois, enfin les familles, les patients des fois refusent… alors souvent, s’il y a un problème d’incurie, qu’ils ont pas envie qu’on aille s’immiscer dans leur lieu de vie, ou qu’ils voient pas du tout, certains voient pas du tout l’intérêt de notre, de notre action. Parce que… c’était quoi la question ? Quels sont les intérêts de la mise en situation ? Ah ouai… Mais c’est bien tu reprends d’autres questions avant ! Oui, surtout pour, tu vois, les mises en situations réelles telle que la confection d’un repas, au moins tu vas vérifier les hauteurs des placards. Bon là ici, pour quelqu’un qui n’a pas de troubles cognitifs, ça on peut le faire ici, tu peux même varier les hauteurs, mais quelqu’un qu’a des troubles cognitifs, c’est… ça… pour moi ça n’a pas de sens de le faire ici. La mise en situation ici n’aura pas de sens, il va te dire pendant tout le repas, pendant toute la préparation « Où sont les affaires ? Oui c’est pas comme ça chez moi » en plus ici maintenant y a plus de gaz et y en a encore pas mal qui sont au gaz à la maison et ça pour quelqu’un qu’a des troubles cognitifs c’est quand même important de savoir s’il gère bien le gaz ou pas. Euh parce qu’ici faut faire un apprentissage presque pour certains au niveau visuel c’est pas top et ils vont te dire « Je sais pas faire ça, je sais pas l’utiliser » même si tu dis bah les bouton c’est exactement pareil que chez vous, ça correspond à une plaque, dans le principe c’est la même chose mais du coup ils vont dire « Non non non ça je sais pas faire » la cafetière électrique, tu fais faire un café, bah Iris je sais pas si t’as vu avec Iris, pour te dire « Ouai ma cafetière elle est pas comme ça » ah bon ! Y a pas un compartiment pour l’eau y a pas un compartiment pour le café « Non c’est pas la même, elle est pas comme ça » ah bon, bah comment vous allez me faire ça du coup ? Tu vois, c’est perturbant et en plus ils savent qu’ils sont en situation d’évaluation, qu’il y a quelqu’un derrière tout le long pour vérifier… Oui et y a même une dame, qui c’est qui m’a dit ça avant de partir en vacances… quelqu’un m’a dit « Ah oui ils font ça, ils ont fait ça pour vérifier si je suis capable de rentrer chez moi » je sais plus qui m’a dit ça enfin bref. Une patiente « ils ont fait ça… oui oui je sais pourquoi… » Ah si c’est une patiente à moi, elle est venue avec Iris, Mme Z Oui oui ! Oui j’étais là. Elle vient la semaine prochaine avec moi, moi je la connais des soins de suite, elle a fait de [nom de l’atelier] avec moi.et j’ai rappelé au téléphone je sais plus pourquoi et elle m’a dit ça « Ouai j’ai bien senti que c’était pour savoir si j’étais encore capable de faire tout ça hein… » (Rires) Si elle perdait pas la tête quoi, enfin elle a pas dit ça comme ça, c’était sous entendu « Elle pense que je perds la tête et que je suis pas capable de rester chez moi. » Est-ce que tu penses que la mise en situation ça permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés ? Bah si elle arrive rien à faire, enfin je pense à moins d’être dans le déni total de ses troubles, euh oui. Oui. Bah j’te dis certains on les met en échec d’emblée on va aussi, enfin certaines visites c’était, ouai faut qu’on aille lui dire ça nous semble... Mais y en a qui sont dans le déni. Là le Mr qui part en USLD, au mois de Décembre je suis allée à domicile avec lui il avait un discours pas du tout adapté pour quelqu’un qui se retrouvait en fauteuil roulant tu vois, il pensait partir en voyage, avec une pathologie un jour ça va, le lendemain ça va pas… Ca nous avait paru totalement incohérent, enfin… ce Mr voulait solliciter une de ses filles qui habite [Nom de ville] tout le temps, elle a une vie de famille. Voila, si à la rigueur la fille nous dit d’emblée « Je suis d’accord d’être 24h/24 avec mon père pour que le maintien à domicile se fasse » mais si c’est pas le cas, voilà on fait comment ? Quelqu’un qui ici dès qu’il a besoin tac tac je sonne, « Oui oui j’ai besoin de vous » même pour dire, là on parlait de quelqu’un en… dans les lits du [nom service] hier en staff qui appelle, elle a appelé, l’aide soignante qu’elle a appelé, elle demandait la sonnette…. Oui mais vous avez fait comment ?! (Rires) Tu vois ! Je voudrais avoir la sonnette, et l’aide soignante elle dit mais vous avez fait comment pour m’appeler ? Y’a des gens qui ont besoin de présence régulièrement quand même. Donc confrontés à un domicile où il va y avoir des passages dans la journée, certes quotidiens mais espacés de d’heures entières où y aura personne, c’est ça aussi les gens, on leur dit vous rentrez chez vous mais vous aller avoir peut être des repas à préparés, faire un peu de ménage alors qu’ici, bah la belle vie je sais pas mais ils ont rien à faire quoi, donc tu passes d’un truc super protégé où on te fait presque tout, à te retrouver chez toi tout seul, certains ils ont du mal avec la solitude aussi à la maison… donc voilà, c’est… c’est compliqué, certaines fois c’est compliqué de leur faire comprendre que bah, une fois qu’on les met en situation, bah vous voyez bien, c’est pas facile hein ! (Rires) je pense à Mr W. le transfert sur les WC il a pas voulu que je l’aide mais c’était au risque de tomber par terre. « Vous voyez bien que j’ai réussi ! » Oui mais avec quelles difficultés ? Ouai c’est pas simple. Mais surtout là le déni total de ses capacités le monsieur avec des troubles cognitifs qui ont été vérifiés depuis. Non non parce que le corps médical à l’époque disait « Non non ce monsieur est en capacité de décider pour lui, le projet de vie c’est un retour, nanani » Bon il avait certes des problèmes médicaux qu’il fallait résoudre, à chaque fois qu’on a parlé de sortie il a décompensé quand même, ça c’est pas anodin. Ca arrive aussi, t’as pas posé cette question là, la visite à domicile, on annonce la visite et qu’est ce qui se passe la veille de la visite, y a des gens ils vont pas dormir de la nuit, ils sont complètement stressés. Y a des gens moi j’ai retrouvé chutés, cassé le bras… Ah ! Ça tombe mal, on devait aller à la visite à domicile aujourd’hui ! (rires) Y a une espèce de stress on va dire, on me met en situation, ils vont vérifier tout… bon c’est vrai maintenant dans nos comptes-rendus on fait des photos, bon on demande aux gens si ils veulent bien qu’on ait… comment dirais-je, qu’on puisse étayer nos propos avec des photos pour des personnes qui sont pas venues, c’est vrai c’est plus simple. Ca fait, pour certaines personnes ça fait trop d’intrusion, trop… dans leur choix de vie ouai… ouai. C’est… Ca dépend des gens hein. Et y a des gens qui vont t’accueillir à bras ouverts, qui vont te faire le café, le gâteau a été amené par je sais pas qui. Ou des gens qui vont même pas te proposer de t’assoir pour que tu prennes des notes… C’est…C’est perçu… ouai et t’es perçu… Et d’autre au contraire, non allez y allez voir sans moi ! Bah j’dis non ça n’a pas grand intérêt faut qu’vous me montriez justement comment vous faites ! J’peux faire le tour de la maison mais ce s’ra pas concret si j’vous vois pas en situation. Tu vois la situation ils l’a perçoivent pas de la même façon que nous non plus. La mise en situation, l’intérêt. Est ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter à la personne les propositions d’aménagement ? Ça peut être un moyen mais c’est parfois insuffisant. Qu’est ce que tu rajouterais pour que ce soit suffisant ? Bah tu vois ceux qui sont dans le déni total de leurs incapacités, tu vas leur proposer toute une liste de… t’aura beau leur proposer une liste d’aides techniques de moyens ou d’aides humaines ils vont te dire « Mais n’importe quoi, t’façon une fois qu’j’serais rentré chez moi… » Bah oui mais là on y est chez vous « Oui oui mais quand je s’rais rentré tout va marcher comme avant » Ouai d’accord, bah toi t’es pas convaincu. Mais… Ces gens là t’aura du mal… et puis au risque, enfin ça c’est des gens généralement qui ont des troubles cognitifs. Là j’pense à une autre dame chez qui j’suis allée au début de l’année avec l’assistante sociale en présence de la fille, qui a des troubles cognitifs, qui fait des crises d’épilepsie, qu’a une patho… qu’a des problèmes cardio, enfin, une pathologie assez lourde. Et qui étais dans le déni de ses problèmes, on avait dit, on va mettre, on a mis des aides. Sauf que elle après pour ouvrir la porte c’était niet. « Ah bah non pas besoin de vous » Tu vois ? Donc c’est… c’est ça qui est difficile aussi, faut qu’ils puissent, faut que les aides puissent avoir accès sans… quand on les envoie, pas paitre… mais… Si y a pas de passage d’aides humaines c’est pas possible. Donc si les gens sont dans le refus que les aides rentrent chez elles, on est dans la mouise. Cette dame là en plus on l’a retrouvé dans la rue égarée, elle retrouvait plus son chemin. Bon, on aide parfois comme on dit, parce que y a des familles qui sont réticentes au retour aussi, puisqu’elles adhèrent pas du tout à ce projet là, on leur explique « malheureusement, si la personne est en capacité de décider, bien évidemment pour elle, de passer par cette étape pour cheminer et p’t’être entrer en institution. Enfin on peut pas d’emblée… ça c’est dur. J’ai fait des visites aussi où les gens c’était la dernière fois qu’ils venaient chez eux. Mais bon d’un autre coté heureusement qu’on avait fait cette visite… Ouai y a des gens c’est… il faut que ça murisse, qu’ils s’rendent compte par eux même que vraiment là… y a une p’tite dame qu’était v’nue l’année dernière, elle était tombée, elle a refait quelques… un mois plus tard, elle a du rechuter, retomber dans le cycle et là à la fin elle dit « Bah non c’est plus possible quoi » donc elle avait une téléalarme qu’était pas sur elle le jour de la chute. Elle est restée allongée… elle nous a expliqué qu’elle criait heureusement que quelqu’un était passé et qui l’a entendu pour appeler les pompiers mais… quand t’es tout seul… c’est… c’est compliqué hein. C’est vrai que le retour à domicile ou le maintien à domicile est plus facile quand y a un tiers. Quand y a quelqu’un d’autre que quand la personne est toute seule. Voila j’sais plus c’que j’racontais… ça doit être fini, c’est quoi la prochaine. C’est fini ! Ah c’est fini ?! Je te remercie !