Personnes âgées et acceptation des aménagements du domicile

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Personnes âgées et acceptation des aménagements du domicile
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
Personnes âgées et acceptation
des aménagements du
domicile
U.E. 5.4 : Initiation à la démarche de recherche
En vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute
Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l'auteur est illégale.
BONIN Céline
2013/2014
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
Personnes âgées et acceptation
des aménagements du
domicile
Sous la direction de Mr DURAND, directeur de mémoire
U.E. 5.4 : Initiation à la démarche de recherche
En vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute
BONIN Céline
2013/2014
Résumé
Le domicile est un lieu porteur de symboles et de représentations. En vieillissant, le
désir de nombreuses personnes est de vivre chez elle le plus longtemps possible.
L’ergothérapeute a un rôle majeur dans le maintien à domicile des personnes âgées. Il
intervient au domicile et peut préconiser des aménagements. Mais il se trouve parfois
confronté à des réticences ou à des refus de la part des personnes face aux
préconisations. Ce travail à pour but de cibler des moyens qui peuvent faciliter
l’acceptation de celles-ci. Un apport théorique parcours les représentations du domicile
pour les personnes âgées afin de comprendre ces réactions. L’analyse des entretiens
réalisés auprès d’ergothérapeutes montre que la mise en situation écologique au
domicile permet à la personne de prendre conscience de ses difficultés et facilite
l’acceptation des préconisations d’aménagements. Aussi, l’entourage prend une place
importante dans ce mécanisme d’acceptation. Les habitudes de vie de la personne
concernent aussi l’extérieur du domicile : faire ses courses, aller au club, voir des
amis… L’aménagement du domicile concerne l’intérieur comme l’extérieur afin de
maintenir les relations sociales.
Abstract
Home is place empty of symbols and representations. By aging, people wish to stay at
home as long as possible. Occupational therapists have a major role in maintaining the
elderly at home by intervening at home and recommending arrangements. But they can
face in reluctance or refusal of aged persons. This report attempts to find ways which
can facilitate the acceptance of the recommendations. Representations of home for aged
people were explored to understand these reactions. Some interviews showed that
occupational therapist use ecological situation scenario at home. This way can help aged
people to become aware of their incapacity and accept the recommendations of
arrangements. Occupational therapists interviewed also showed that family takes an
important place in this mechanism of acceptance. Person’s habits of life also concern the
outside of home with their different activities. Social relationships are important to
maintain.
Mots clés : Maintien à domicile - Personnes âgée - Acceptation - Aménagement Habitudes de vie
Keywords: Home maintenance - Aged people - Acceptance - Arrangement - Life habits
Je tiens à remercier sincèrement
Mr Durand qui a su me guider et me rassurer,
les ergothérapeutes ayant accepté de participer à mon enquête,
ma famille et mes amis pour leur soutien et leurs encouragements,
mes camarades de promotion pour ces trois années de solidarité et d’entraide.
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................ 1
Problématique............................................................................................................................. 2
Partie conceptuelle ..................................................................................................................... 6
I.
La personne âgée................................................................................................................. 6
A.
Vieillesse et vieillissement .......................................................................................... 6
B.
Impacts du vieillissement ............................................................................................ 8
II.
Le domicile .................................................................................................................... 10
A.
Le domicile : lieu d’identité....................................................................................... 10
B.
Le domicile comme un espace psychique ................................................................. 10
C.
Le maintien à domicile .............................................................................................. 12
III.
Ergothérapie et domicile ............................................................................................... 14
A.
L’ergothérapie ........................................................................................................... 14
B.
La visite à domicile.................................................................................................... 14
C.
Ergothérapie et aménagement ................................................................................... 16
Partie méthodologie.................................................................................................................. 19
I.
Démarche méthodologique ............................................................................................... 19
A.
II.
Choix de la méthode .................................................................................................. 19
Analyse des entretiens ................................................................................................... 22
A.
La visite à domicile.................................................................................................... 22
B.
Face aux propositions d’aménagement...................................................................... 26
C.
Mettre en situation la personne à son domicile ......................................................... 31
Discussion ................................................................................................................................ 38
Conclusion ................................................................................................................................ 45
Bibliographie ............................................................................................................................ 47
Introduction
Dans le cadre de la validation de l’Unité d’Enseignement 5.4 : initiation à la démarche
de recherche et en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’ergothérapeute, j’ai choisi
d’étudier l’aménagement du domicile des personnes âgées.
Le vieillissement de la génération baby-boom et l’augmentation de l’espérance de vie
entraine un vieillissement de la population française. L’INSEE 1 prévoit que le nombre des
personnes âgées de 60 ans augmente jusqu’en 2035. Cette augmentation significative de la
population des personnes âgées est un enjeu de société.
Au mois de mars 2013, le gouvernement a reçu un rapport consacré à l’adaptation de
la société française au vieillissement de sa population. L’une des cibles de ce rapport est
l’adaptation des lieux de vie des personnes âgées (logement, quartier, ville) en fonction de
leurs besoins.
Fin 2013, un rapport sur l’adaptation des logements à l’autonomie des personnes âgées
montre un retard en matière de modification des logements au vieillissement de la
population : seuls 6% des logements en France sont adaptés à la perte d’autonomie. Pour
l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) et la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse
(CNAV), les demandes d’aides pour adapter le logement sont faibles et cela tient au déni du
vieillissement chez les personnes, ainsi qu’au manque de lisibilité des dispositifs.
L’ergothérapeute à une approche globale de la personne et de son environnement dans
le but d’une augmentation de son indépendance et/ou de son autonomie. Il est l’un des
professionnels intervenant au domicile dans le cadre de l’adaptation du logement. Mais
l’adapter ne se limite pas aux aspects techniques et d’accompagnement. L’ergothérapeute doit
prendre en compte la symbolique du domicile pour la personne, ce qu’il y fait et qui sont les
utilisateurs de ce lieu. Par ce travail, je cherche à comprendre la complexité de l’intervention
de l’ergothérapeute au domicile des personnes âgées.
Cette étude débute par les prémices de mes questionnements qui m’ont menée à la
problématique. Ensuite, je vais développer trois notions : le vieillissement, le domicile et
l’intervention de l’ergothérapeute au domicile. Une enquête et son analyse me permettront de
répondre à mon hypothèse. Enfin, cette étude se termina par une discussion ouvrant sur de
nouveaux questionnements.
1
Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
1
Problématique
Au cours de la deuxième année d'étude en ergothérapie, nous devons réfléchir à un
thème de mémoire. Je souhaite orienter mon travail autour de la personne vieillissante car je
pense que l'ergothérapie a et aura un rôle important auprès de cette population.
Notre métier est basé sur le développement de la performance dans l'activité et il peut
répondre aux problèmes de la personne âgée et de son entourage. L’avancé en âge entraine
une diminution progressive des capacités physiques et cognitives. Un ralentissement
physiologique naturel s’opère et de ce fait, les performances de la personne vieillissante
baissent. Afin d’obtenir une adéquation entre la performance dans l’activité et le
vieillissement physiologique, l’ergothérapeute adopte une démarche qui peut être préventive
et réadaptative. Ainsi, il peut limiter les désadaptations et améliorer la qualité de vie sur le
lieu d'habitation de la personne. Par cette définition de l’ergothérapie auprès des personnes
âgées, je cible un autre point clé de mon thème de mémoire : le lieu de vie de la personne et
plus précisément le domicile.
Des visites à domicile permettent d’avoir une approche plus globale de la personne en
explorant son lieu de vie. Il peut lui être demandé de réaliser des actes élémentaires de la vie
courante pour avoir une vision plus juste de ses habitudes de vie.
Un autre point m’intéresse et m’interroge : le domicile, plus précisément la notion
d’espace psychique. Pour la personne âgée, le domicile est un repère et un refuge. Nous ne
pouvons pas apprécier l’importance de celui-ci dans la vie des personnes vieillissantes. Le
domicile est décrit comme un élément de continuité de l’identité par Bernadette VEYSSET en
1989, comme un lieu d’affectivité et constituant du bien vieillir, un repaire fait de repères.
Comment l’ergothérapeute peut-il intervenir dans le maintien à domicile des personnes
âgées en prenant en compte leurs habitudes de vie et en respectant les représentations qu’elles
se font de leur domicile ?
Situations de stage
 Mme P
Lors d’un stage en première année, j’ai participé à une visite à domicile chez une
dame. Elle suivait une rééducation en hôpital de jour suite à un Accident Vasculaire Cérébral
ayant pour conséquence des troubles de la marche, de la préhension et une légère
héminégligence gauche.
Ce qui m'a le plus marqué lors de cette visite, c’était le fait que Mr P avait aménagé le
salon-salle à manger en chambre à coucher. En effet, les chambres se situaient à l'étage et
Mme P ne pouvait pas emprunter les escaliers du fait de ses troubles de la marche. Malgré
2
cette organisation de l'espace, la patiente verbalisait régulièrement le souhait de pouvoir
retrouver sa chambre. Cela m’a interpelé et c’est au cours d’une discussion, pendant la visite,
qu’elle nous a parlé de sa famille. En effet, Mme P et son époux ont perdu un de ses fils il y a
quelques années et l’autre était artiste et les chambres de ses deux enfants se situaient à
l’étage et dans l’une d’elle se trouvait le piano de son fils. Je saisie donc l’importance pour
elle de retourner à l’étage.
E. DJAOUI (2011) décrit le domicile comme le lieu où se développe la « culture
familiale » et cette culture persiste dans le temps et ce, même si l’habitant se retrouve à vivre
seul suite aux changements affectant sa vie familiale et sociale. Je pense que Mme P
souhaitait se rapprocher de la chambre de ses enfants pour se sentir près d’eux, comme pour
mieux vivre sa pathologie.
Malgré la transformation du salon en chambre, le couple a conservé l’ensemble des
meubles. Ils ont essayé de recréer un espace permettant de rappeler qu’avant d’être une
« chambre », la pièce est un lieu où l’on reçoit des amis, la famille. Mais les deux lits
prenaient de la place et le couple ne souhaitait plus inviter de personnes. Le couple avait honte
de montrer ce qu’était devenue la pièce principale de la maison et avait peur d’être jugé. De
ce fait, ils perdent peu à peu la dynamique sociale qu’ils avaient construite.
Quelle est la place du domicile dans la vie sociale des personnes? Quels peuvent être
les impacts des aménagements du domicile sur leur identité?
Les semaines suivant la visite à domicile, Mme P s’est beaucoup investie dans ses
séances de rééducation (kinésithérapie et ergothérapie) pour parvenir à accéder à l’étage de
son domicile. Grâce à ses efforts, le couple a pu retrouver sa chambre et celles de leurs
enfants. Ils ont ainsi retrouvé un certain équilibre dans leur vie sociale en invitant de nouveau
leurs amis dans leur salon, riche en souvenirs.
Dans cette situation, l’acceptation des préconisations ergothérapiques, comme
l’installation d’une rampe dans les escaliers intérieurs, la fixation des tapis au sol, … ne posait
pas de problème. La demande de la patiente était de pouvoir retrouver sa chambre à l’étage et
de pouvoir inviter ses amis dans son salon. Les côtés familial et social du domicile sont là
bien représentés.
 Mme J
Les visites à domicile peuvent s’avérer déstabilisantes. D'un coté la personne souhaite
aménager son domicile pour pouvoir rester le plus longtemps possible chez elle, mais d'un
autre coté elle a peur d'être dépossédée de ce "chez soi".
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J'ai pu constater cela lors d'une visite à domicile chez Mme J, octogénaire. La visite
vise un retour et un maintien à domicile suite à un séjour dans un centre de rééducation. La
dame a subi une amputation tibiale suite à une chute dans les escaliers menant à son sous-sol.
Mme J se déplace en fauteuil roulant manuel et est dépendante pour les déplacements et les
transferts.
La maison de Mme J est sur étage et une volée de quinze marches extérieures permet
d’atteindre l’espace de vie. Devant les marches, Mme J réalise qu’elle ne pourra jamais les
emprunter seule. L'ergothérapeute lui explique qu'il sera possible d'aménager une rampe pour
qu'elle puisse atteindre son lieu de vie en fauteuil roulant. Mais la patiente ne voulait pas faire
de si grands travaux et ajoute qu'elle ne quittera plus sa maison une fois qu'elle sera rentrée.
Au premier étage, les espaces de circulation sont étroits et les pièces petites. Mme J est
d’accord pour déplacer certains meubles et certaines décorations mais ne veut pas les retirer.
Ces objets doivent avoir une valeur sentimentale importante. D’après E. DJAOUI (2008),
cette revendication correspond à une volonté de préserver un minimum d’emprise sur un
territoire.
Une des filles de Mme J, présente lors de la visite, nous expose son projet de
réaménagement de l’espace toilette/salle de bain. La patiente n’était pas au courant de ce
projet mais cela n’empêche qu’elle est pour cet aménagement et a ajouté que ce sera plus
facile pour elle.
Pour la chambre à coucher, l’ergothérapeute propose à Mme J de changer de chambre.
En effet, l’entrée de la sienne lui demande de réaliser de nombreuses manœuvres avec son
fauteuil roulant. La dame refuse car la chambre que l’ergothérapeute lui propose est celle de
son défunt mari. Mais sa fille insiste et la patiente se laisse emporter par les émotions. Elle me
confie qu'elle souhaite revenir dans sa maison pour y finir sa vie et qu'elle a peur d'aller dans
une maison de retraite. Mme J semble avoir peur de perdre le contrôle sur son environnement.
Trois semaines après cette visite à domicile, l'ergothérapeute apprend que Mme J ira
dans une maison de retraite à la fin de sa prise en charge au centre de rééducation.
L'ergothérapeute décide de s’entretenir avec elle pour comprendre ce changement de
situation. La patiente explique que ce sera plus facile pour tout le monde, que personne n'aura
à se déplacer pour l'aider au cours de la journée. Elle exprime des difficultés pour utiliser son
fauteuil roulant. En effet, au centre et à cause de sa faiblesse musculaire, Mme J est
accompagnée à ses séances par les brancardiers.
Dans le cas de Mme J, je m'interroge de nouveau. Pourquoi ce changement de décision
quelque temps avant la date du retour à domicile ? Est-ce le fait que sa fille prenne beaucoup
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d’initiatives sans l’en informer ? Est-ce le fait qu’elle se rende compte de ses capacités et de
ses incapacités ?
Question de recherche
Ces deux situations m'interrogent sur l'investissement psychique des personnes âgées
dans leur domicile. Les ergothérapeutes sont amenés à proposer des aménagements et des
aides techniques qui permettront aux personnes de rester chez elles le plus longtemps possible
et en toute sécurité. Mais ces préconisations peuvent représenter pour ces personnes ce
qu'elles refusent de devenir, à savoir des personnes en perte d’indépendance, et l'avenir vers
lequel elles se tournent. Les personnes âgées sont confrontées quotidiennement aux effets du
vieillissement et l’intervention de l’ergothérapeute peut les angoisser et peuvent ressentir une
perte de contrôle sur elles-mêmes. E. DJAOUI (2008) décrit le domicile comme une
extension du corps. Modifier l’environnement de ces personnes peut changer l’image qu’elles
se font de leurs corps ou leurs faire prendre conscience de leurs perte d’indépendance. Mais le
domicile peut être investi de bien d’autres manières par les personnes.
Des lectures sur le maintien à domicile, sur le domicile en tant qu’espace psychique,
sur la psychologie et la physiologie des personnes âgées m'ont permis de me rendre compte de
la symbolique de celui-ci. Aussi, je vais m’intéresser à la visite à domicile : l’organisation, le
déroulement, les suites d’une visite à domicile et les impacts qui peuvent être observés
(positifs ou négatifs).
Le domicile est un repère pour les personnes vieillissantes. La moindre petite
modification de l’habitat ou des habitudes de vie peut les déstabiliser. Les personnes âgées
souhaitent rester chez elles coûte que coûte mais ont, dans la plupart des cas, des difficultés à
accepter les aménagements qui leur sont proposés.
Quels moyens l’ergothérapeute peut-il utiliser, pour favoriser l’acceptation des
propositions d’aménagements par les personnes âgées, en vue d’un maintien à domicile ?
Je m’interroge donc sur la pratique professionnelle des ergothérapeutes. Les questions
autour du maintien à domicile des personnes âgées font partie des politiques publique
actuelles. Les ergothérapeutes sont des acteurs principaux de cette thématique.
J’émets l’hypothèse que la mise en situation au domicile est un moyen permettant aux
personnes âgées d’accepter plus facilement les préconisations d’aménagements faites par
l’ergothérapeute.
5
Partie conceptuelle
I.
La personne âgée
A. Vieillesse et vieillissement
1.
La vieillesse
Selon le dictionnaire « Larousse Médical », la vieillesse correspond à la « troisième
période de la vie, succédant à l’enfance et à l’âge adulte ». Le dictionnaire « Larousse », la
définit comme « la dernière période de la vie normale, caractérisée par un ralentissement des
fonctions ». Ce terme connait de nombreuses définitions, mais toutes mettent en avant un
affaiblissement naturel des fonctions physiologiques et psychiques lié à l’âge.
Mais à quel âge commence la vieillesse? Le Docteur MURRAT-CHARROUF,
médecin gériatre au Centre Hospitalier de Rennes, définit la personne âgée comme une
personne de plus de 75 ans ou comme une personne polypathologique de plus de 65 ans.
Socialement, l’âge de la personne âgée est défini par celui de cessation de l’activité
professionnelle, soit 55-60 ans. Il y a une différence entre l’âge de « l’état civil » et l’âge
« réel », c'est-à-dire physiologique.
Cet âge d’entrée dans la vieillesse évolue au fil du temps. C. TRIVALLE (2009) met
en avant cela : au XXème siècle, une personne entrait dans la vieillesse à 50 ans. Dans les
années 1930, cet âge passe de 50 à 60 ans et depuis les années 1960-70, le seuil de la
vieillesse est à 65 ans. Encore, pour certains, le vieillissement débute dès la vie fœtale, pour
d’autre à l’âge de 4 ans avec les premiers signes de vieillissement du cristallin.
De nombreux sondages existent et interrogent la population sur la question suivante :
« A partir de quel âge devient-on vieux ». Le sondage réalisé par l’IFOP en février 2011 fait
ressortir que les français répondent en moyenne 69 ans. Mais cette réponse varie aussi en
fonction de l’âge des personnes interrogées. La catégorie des moins de 25 ans estime qu’une
personne devient vieille à 61 ans et les personnes de plus de 65 ans évaluent cet âge à 77 ans.
Les conseils généraux attribuent l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) à
partir de 60 ans. L’âge de la vieillesse est donc une notion floue.
Avoir 65 ans ne signifie pas pour autant se sentir "vieux". Les jeunes retraités se
complaisent de ne plus avoir de responsabilités professionnelles et s’adonnent à d’autres
activités toutes aussi prenantes : activités sportives, clubs de seniors, bénévolat, etc. Avec
l’avancée en âge, les personnes adaptent leurs activités à leurs capacités physiques et
6
psychiques. "Etre vieux n'est pas lié à l'âge chronologique mais plutôt aux capacités des
personnes à
s'adapter ou non aux difficultés
liées
à l'avancée
dans
l'âge."
(GRANDEMANGE et al. 2010)
2.
Le vieillissement
Le vieillissement est un processus constant qui débute à la naissance et est propre à
chaque personne. H. KALFAT et H. SAUZEON (2008) précisent que « le vieillissement n’est
plus conçu comme un processus linéaire d’usure se déroulant uniformément, mais comme un
processus en « cascade », irrégulier et multiforme, provoquant des « chutes et des
« rebonds ».
Le vieillissement entraine de nombreuses modifications physiques plus ou moins
importantes en fonction des personnes et évoluant à des rythmes différents. Le vieillissement
est la somme d’un vieillissement physiologique et d’un vieillissement pathologique. Le
premier est lié au temps et « altère progressivement les capacités fonctionnelles des
organes. » (AGESSE C., et al 2006, p.12) Le deuxième est le résultat des agressions subies
par l’organisme. Le vieillissement physiologique explique qu’une personne âgée n’a pas les
mêmes capacités qu’une personne jeune. « Le vieillissement pathologique est, lui, moins
inéluctable, puisque l’on peut vieillir sans être obligatoirement malade ou handicapé. »
(AGESSE C., et al 2006, p.12)
Les changements physiologiques peuvent être observables : la peau devient fragile et
des rides apparaissent, la qualité et la couleur des cheveux se modifient, la taille et le poids
transforment la silhouette de la personne.
Les organes sensoriels subissent aussi les effets du temps qui passe et perdent peu à
peu leurs acuités : la vue baisse, les stimulations sonores sont moins bien interprétées, et
l’identification et la mémorisation des odeurs sont elles aussi altérées.
En plus de ces changements visibles s’opèrent des changements internes : fonte de la
masse musculaire, altération du système cardio-vasculaire, diminution de la masse osseuse et
fragilisation des os.
S’ajoute à cela le vieillissement cognitif qui est marqué par une perte de performance
de la mémoire de façon progressive et variable d’un individu à un autre. En effet, la mémoire
de travail, permettant de « gérer au quotidien ses prises de décision, de sélectionner et de
traiter les différents évènements auxquels nous sommes exposés » (MAINTIER C. 2009,
p.13), perd en efficacité. Ceci induit que les capacités de raisonnement et de résolution de
problèmes s’altèrent.
7
Ce phénomène biologique peut avoir des impacts psychologiques et sur les relations
sociale de la personne, ce que nous allons aborder dans le titre suivant.
B. Impacts du vieillissement
Vieillir peut angoisser et apeurer. Le vieillissement entraîne de multiples changements
que se soit au niveau physiologique qu’au niveau cognitif et, ces transformations sont souvent
perçues comme des régressions.
L’avancée en âge n’empêche pas d’acquérir de nouvelles connaissances. C’est bien la
preuve que le vieillissement n’est pas qu’une période négative. L’interaction avec l’entourage
et l’environnement permet à la personne de poursuivre la construction de son identité.
La vieillesse n’est pas qu’une accumulation de déficits, elle est aussi porteuse de
bénéfices, comme la sagesse. La sagesse est « perçue comme émanant des connaissances et
des expériences antérieures ». (MAINTIER C. 2009, p.14) L’appréciation et la relativité des
valeurs personnelles sont deux aspects fondamentaux de la sagesse. La personne âgée peut
maintenir un mode de vie porteur de sens et de satisfactions lorsqu’elle est aidée et
accompagnée.
L’entrée dans un processus de renoncement, de retrait et d’abandon se produit quand
les déficits deviennent majeurs et ne pouvant plus être compensés, et lorsque des déficits
relationnels s’ajoutent aux déficits physiologiques.
En vieillissant, la personne modifie son mode de vie. Elle renonce à un mode de vie
traditionnel pour s’engager dans des activités adaptées à ses capacités physiques et mentales.
Aussi, elle sélectionne ses relations sociales en fonction de celles qui répondent à ses besoins
socio-affectifs. Plus les années passent et plus la relation à l'autre vient à manquer.
" L’être humain est un être social, sa vie se construit et s'articule autour de ses
semblables. Il a besoin de leur présence, de leur existence pour se sécuriser, se protéger, se
donner tout simplement envie de vivre et de poursuivre sa vie." (MAINTIER C. 2010, p.12)
Tout au long de notre vie, nous nous construisons, nous progressons grâce aux autres.
L'enfant apprend de ses parents, l'adolescent devient un adulte en côtoyant d'autres jeunes et
les adultes affrontent le quotidien grâce à une compagne ou un compagnon. En vieillissant, la
personne souhaite avoir de l'importance pour autrui et donner de l'importance aux autres.
Selon Christine MAINTIER2 (2010), cela « constitue les carburants les plus efficaces pour
2
Docteur en psychologie, maitre de conférences
8
qu'un individu ait le désir et la force d'affronter les milles et une péripéties, servitudes et
tristesses rythmant toute vie humaine. »
Outre les effets physiques et cognitifs de l'avancée en âge, la vie sociale change. Le
point qui marque le plus ce changement est le moment de la retraite professionnelle. La perte
de l'identité professionnelle est une perte d'importance aux yeux de personnes côtoyées
pendant de nombreuses années et un fort sentiment d’exclusion apparait. C'est une brèche
dans l'identité sociale de la personne.
Nous avons vu que l’interaction de la personne avec son entourage et son
environnement lui permet de poursuivre la construction de son identité et de la maintenir, de
préserver un mode de vie qui est porteur de sens et de satisfaction. Avec l’avancée en âge, la
prévention médicale est fondamentale. Aussi, la prévention environnementale prend toute son
importance si nous considérons les précédents propos.
Nous allons nous intéresser à présent à l’environnement de la personne âgée et plus
particulièrement au domicile. Que représente-t-il pour elle ? Quelles significations dégage-til ? Pourquoi est-il si important à ses yeux ? Pourquoi souhaite-t-elle y rester à tout prix
« jusqu’au bout » ?
9
II.
Le domicile
Au sens littéraire, d’après le dictionnaire « Larousse », le domicile est le « lieu où
quelqu'un habite en permanence ou de façon habituelle ».
« Au-delà de sa dimension matérielle, la maison regroupe plusieurs fonctions
nécessaires à tout individu. Tout d’abord l’abri qui permet à la fois de garantir le confort, la
salubrité et l’intimité. Mais c’est aussi le lieu d’activités, le théâtre de la famille et de la
sociabilité. Enfin, le logement, par l’adresse, induit un ancrage dans un territoire. » (Isabelle
NONY, 2011, sociologue et formatrice à l’Ecole de Travail Social)
Selon B. ENNUYER (2006), le domicile est « à la fois un lieu collectif d’inscription
juridique, sociale, familiale, un lieu d’identité sociale, mais aussi un lieu de souveraineté et
d’identité personnelle et notamment un lieu d’identité psychique. »
Nous allons nous intéresser à une approche psychosociologique du domicile pour
comprendre ce qu’il peut signifier pour la personne, sa symbolique.
A. Le domicile : lieu d’identité
« La maison est le premier espace exploré par l’enfant et le dernier par le vieillard »
(GANNA 2008, p.175)
Les enfants dessinent des bonhommes puis leur maison avec plus ou moins de détails
en fonction de leur âge et de leurs représentations. Ces dessins donnent des indications sur le
Moi de l’enfant. Le dessin de la maison est celui qui est le plus spontané chez l’enfant.
A l’adolescence, le jeune explore les moindres recoins du logement. Le grenier et la
cave sont les lieux des premiers interdits, des secrets et du refoulé selon les psychanalystes.
L’adolescent est en quête d’indépendance : il désir quitter le toit familial pour avoir son
propre chez-soi qui lui procurera à la fois le sentiment de liberté et celui d’exister réellement.
Pour les adolescents attardés, ou les Tanguy, leur quête d’autonomie se manifeste par le
besoin d’avoir un espace à soi, interdits aux adultes.
B. Le domicile comme un espace psychique
E. DJAOUI (2006), définit le domicile comme un espace investi de significations, de
valeurs, de représentations, de symboles et de sentiments relevant de la subjectivité de chaque
personne.
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Le domicile peut être associé de façon inconsciente à des images du corps. Il peut
prendre l’image du « corps propre », c'est-à-dire le corps de la personne. En effet, le corps
possède une enveloppe qui sépare l’intérieur de l’extérieur. Le domicile est alors présenté
comme une extension du corps de son habitant. Dans le langage courant, nous employons les
termes de viol et de violation de domicile. Nous pouvons lier ces deux mots par le fait que
l’effraction du domicile entraine des répercutions sur le psychisme de la personne qui peuvent
se refléter sur son corps.
Le chez soi peut être assimilé au « corps maternel ». En effet, il joue un rôle d’espace
contenant comme les bras de la mère pour le nourrisson. L’habitant cherche à retrouver cette
espace de bien être, de sécurité dans lequel il peut satisfaire ses besoins sans frustration.
La dernière image pouvant être assimilée au domicile est celle du « corps familial ».
La famille représente le premier groupe dans lequel nous évoluons et celui-ci est primordial.
Aussi, elle peut être perçue comme une entité unique lorsqu’elle vit sous un même toit. Sous
cette image ressortent encore les sentiments de sécurité et de pérennité.
Le domicile doit satisfaire des besoins profonds de l’habitant. Nous pouvons mettre en
avant trois points qui peuvent mener à bien cette quête de contentement.
Tout d’abord, la recherche de sécurité. « Le domicile est un abri contre les dangers de
l’extérieur ». (ENNUYER et al. 2006, p.8) Il prend le rôle de refuge qui protège de l’extérieur
et c’est un lieu où la personne maitrise les flux entre le dedans et le dehors. Le domicile doit
permettre à son habitant de s’y sentir en sécurité tout au long de sa vie et surtout lors de
périodes de fragilité comme l’enfance, la maternité, la maladie, la vieillesse, … Il joue aussi le
rôle de protecteur des biens et des êtres auxquels nous tenons. L’individu est en perpétuelle
quête d’appropriation de son habitat. Ainsi, il souhaite « montrer qu’il possède un pouvoir sur
un espace particulier » (DJAOUI 2008, p.112), être maître chez lui.
Vient ensuite la protection de l’intimité. « L’intime est ce qui gît au plus profond de
l’individu, l’essence même de son intériorité, c'est-à-dire sa conscience. » (DJAOUI 2008,
p.114) Le domicile est le lieu où le corps peut manifester ses exigences, ses forces et ses
faiblesses ainsi que ses douleurs et ses plaisirs, loin du regard de monde extérieur et sans
jugement.
Enfin, le domicile permet le maintien de l’identité et une valorisation narcissique. Le
chez-soi est le reflet de l’identité de l’habitant. Il renvoie ce que la personne est mais aussi
l’image qu’elle souhaite renvoyer aux autres. Le domicile révèle l’identité sociale de
l’individu par l’appropriation et l’aménagement des espaces,… Il est aussi un symbole du
temps. Sa décoration renvoie à l’histoire de vie de l’habitant et celle de sa famille. « Cet
11
espace psychique » joue un rôle de « prothèse psychique » contre les fragilisations, les
conflits intrapsychiques.
L’habitant met en œuvre des mécanismes d’appropriation pour qu’il se constitue chez
lui. Le domicile devient donc un espace propre, c'est-à-dire la propriété de la personne et un
lieu adapté à ses besoins. Pour se l’approprier, l’habitant adapte, aménage, décore ce lieu mais
aussi fragmente les espaces pour en investir certains et pas d’autres, pour avoir des espaces
dans lesquels il se sent bien et d’autres non. Ces mécanismes d’appropriation varient d’une
personne à l’autre. En effet, chacun a sa propre personnalité, son fonctionnement psychique,
son histoire de vie et sa situation objective (problème de santé, peuplement du domicile, …)
« Le domicile comme espace psychique peut être considéré comme une zone
intermédiaire entre l’espace intérieur du sujet (désirs, demandes, interdits) et la réalité
extérieure (objective). La création de cette zone permet à tout un chacun de trouver un
équilibre entre ses aspirations profondes et les souffrances et frustrations imposées par la vie
en société. » (ENNUYER et al. 2006, p.11)
« La maison est bien le prolongement du corps, du Moi. Quand le Moi devient
vacillant avec l’âge, la personne s’attache plus particulièrement aux objets qui l’entourent,
qui font partie à la fois d’elle et de la maison. Tout changement est difficile à supporter
comme si toucher à l’environnement mettait en péril l’identité. » (GANNA 2008, p.177)
C. Le maintien à domicile
Nous pouvons définir le maintien à domicile comme un ensemble de moyens mis en
œuvre de façon personnalisée et, pour permettre à la personne âgée en perte d’autonomie et
d’indépendance, de continuer à vivre chez elle en sécurité et dans les meilleures conditions
possibles.
Selon B. ENNUYER (2006), le maintien à domicile est l’expression du désir et du
choix de la personne à se maintenir chez elle jusqu’au bout de sa vie. L’auteur ajoute que l’on
peut parler de maintien à domicile « que si la personne concernée en à vraiment exprimée le
souhait. »
La notion de maintien à domicile existait bien avant les premières politiques
publiques. A la fin du XVIIIème siècle, le regard sur les vieillards change et les premières
interventions au domicile apparaissent. C’est en 1905, avec la loi du 14 Juillet que l’assistance
aux personnes âgées devient obligatoire : «les vieillards, les infirmes, les incurables ayant le
domicile de secours communal ou départemental reçoivent l’assistance à domicile. Ceux qui
12
ne peuvent être utilement assistés à domicile sont placés, s’ils y consentent, soit dans un
hospice public, soit dans un établissement privé soit chez des particuliers ».3 Mais cette loi
n’empêchera pas la société d’avoir recours à l’institutionnalisation.
C’est en 1962 que le rapport Laroque pose la question de la place de la personne âgée
dans la société. Ce texte précise que sa place est parmi les autres générations et il affirme que
l’entrée en institution d’hébergement doit rester exceptionnelle. La finalité de ce rapport est
de permettre aux personnes âgées de conserver leur place dans la société.
Le rapport Laroque ouvre les portes à divers plans politiques en ce qui concerne le
maintien à domicile des personnes âgées.
En Février 2014, l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault dévoilait son projet de
loi sur l’autonomie des personnes âgée. Une des parties de ce projet réside dans
« l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie avec la priorité donnée au
maintien à domicile ».
4
Il souhaite une revalorisation des plafonds de l’Allocation
Personnalisé d’Autonomie, afin que le reste à charge pour les personnes soit baissé. Un
budget de 140 millions d’euros sera consacré à la prévention et à l’aménagement du domicile
afin d’améliorer l’accès aux aides techniques à domicile.
Comme nous l’avons vu, le domicile prend une place importante dans la construction
de l’identité de la personne. Il est rempli de significations pour elle. En tant que professionnel,
nous ne pouvons pas cerner tous les contours de la représentation du domicile pour la
personne.
Avec l’avancée en âge, la capacité d’adaptation est ralentie mais toujours présente. Les
modifications du domicile sont parfois compliquées. Le moindre déplacement d’objets peut
engendrer des réactions de défense de la part de la personne. Le risque est aussi que la
personne n’est plus le sentiment de maitriser son environnement, qu’elle ne s’y reconnaisse
plus.
Il faut donc que l’ergothérapeute accompagne la personne dans ce processus
d’adaptation pour l’aider à faire le deuil, à comprendre l’intérêt des modifications de son
environnement et à les accepter.
3
4
Loi du 14 Juillet 1905 sur l’assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, article 19
Explication de Mr Ayrault pour BFMTV.
13
III.
Ergothérapie et domicile
A. L’ergothérapie
D’après l’ANFE 5 , « l'ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa
pratique sur le lien entre l'activité humaine et la santé. »
L’ergothérapeute vise à maintenir, restaurer les activités humaines en prévenant,
réduisant ou supprimant les situations de handicap. Pour cela, il tient compte des habitudes de
vie de la personne et de son environnement.
L’ANFE précise que les activités d’une personne sont le reflet d’elle-même et qu’elles
donnent du sens à sa vie. Les activités sont aussi étroitement liées à la qualité de vie de la
personne et au sens donné à son existence.
L’ergothérapeute peut agir sur le milieu de vie de la personne pour favoriser sa
participation, en respectant la sécurité de la personne et en l’adaptant en fonction de ses
besoins. Pour cela, il peut préconiser des aides techniques, des aides humaines, des aides
animalières et des modifications matérielles.
Selon CAIRE et al. (2008, p.130), « l’ergothérapie s’adresse à des personnes atteintes
de maladies ou de déficiences de nature somatique, psychique ou intellectuelle, à des
personnes qui présentent des incapacités ou à des personnes en situation de handicap
temporaire ou définitive. »
L’intervention au domicile de l’ergothérapeute peut nécessiter de réaliser une visite au
domicile de la personne. Cette intervention permet au professionnel d’évaluer au plus juste les
aides dont la personne a besoin.
B. La visite à domicile
1.
Définition
Les visites à domicile peuvent se dérouler à la suite d’une demande de la personne ou
de sa famille, du médecin, de l’assistante sociale et également de l’ergothérapeute. Les visites
sont prescrites par un médecin en secteur hospitalier ou proposées à toute personne âgée qui
en a besoin hors secteur hospitalier.
Elles sont réalisées en présence de la personne concernée. Un ou plusieurs membres de
l'entourage peuvent être conviés à participer à la visite. En règle générale, deux intervenants
se déplacent au domicile de la personne : l'ergothérapeute et un autre professionnel prenant en
charge la personne (assistante sociale par exemple).
5
Association Nationale Française des Ergothérapeutes
14
La visite à domicile permet à l’ergothérapeute « d’évaluer les capacités d’autonomie
et d’indépendance de la personne dans son environnement.» (RAVAINE et al. 2005). Elle
peut être mise en place pour « évaluer les conditions concrètes de vie, la situation matérielle
et morale de la famille, mettre en place diverses formes de prise en charge ou
d’accompagnement au long cours de ces mêmes familles. » (DJAOUI 2008)
Pour cette évaluation, deux facteurs sont pris en compte :

Les risques intrinsèques comme les troubles de la vision, les troubles de l’équilibre,
les troubles cognitifs ;

Les risques extrinsèques comme l’environnement matériel et architectural.
2.
Organisation et déroulement de la visite à domicile
En amont de la visite, il semble important de prendre des informations pour cibler les
points clés à aborder lors de la visite. Un entretien avec le patient peut permettre de recueillir
un maximum d'informations sur le domicile ainsi que sur ses habitudes de vie. Des bilans
d'autonomie et d'indépendance permettent de voir quelles sont les capacités et incapacités du
patient au moment de la visite. De plus, il s'agit de fixer un rendez-vous pour réaliser la visite.
Lors de la visite, chaque pièce du domicile est analysée. Des mises en situation
écologiques peuvent être proposées à la personne. Cela peut permettre de redéfinir les
objectifs de prise en charge en rééducation, de mettre en évidence les progrès réalisés et ceux
qu'il reste à faire afin que le maintien à domicile puisse se faire le plus longtemps possible et
en toute sécurité.
Après la visite, un compte rendu est réalisé par les professionnels présents. Celui-ci
permet de mettre en avant la situation sociale de la personne, son état fonctionnel, le but de la
visite, les préconisations d'aménagement et/ou d'aides techniques. Peuvent apparaitre des
plans et des schémas du domicile avec les modifications qui pourraient être apportées.
3.
Le rôle de l’ergothérapeute
L’objectif principal de la visite à domicile auprès de la population des personnes âgées
est de préserver leur indépendance et leur autonomie.
Selon Stéphanie HEDDEBAUT 6 (2009), et dans le cadre de la préservation de
l’autonomie de la personne âgée à son domicile, « le métier d’ergothérapeute consiste à
évaluer les aides nécessaires, à les confronter aux attentes et aux besoins de la personne puis
à proposer des aménagements ou des aides techniques, voire technologiques. »
6
Formatrice en ergothérapie
15
Afin que les activités réalisées au domicile soient effectuées en toute sécurité,
l’ergothérapeute évalue les facteurs personnels (systèmes organiques et aptitudes), les facteurs
environnementaux (facilitateurs ou obstacles), les habitudes de vie (participation sociale et
situations de handicap)7 et l’interaction entre tous ces facteurs.
Ces évaluations se font en fonction :

Des capacités de transferts et de déambulation de la personne,

Des activités élémentaires de la vie quotidienne (toilette, habillage, prise des repas,
élimination, …),

Des activités qui sont perturbées par les déficiences visuelles et auditives.
Suite à ces évaluations, l’ergothérapeute peut proposer des aides techniques et/ou des
aménagements du domicile sans les imposer. La personne doit être envisagée dans sa
globalité et c’est à elle seule que revient la décision finale d’accepter ou non les
préconisations des professionnels.
L’ergothérapeute a un rôle important dans l’accompagnement de la personne dans ses
prises de décision. En effet, l’appropriation des aides proposées « signifie que la personne a
accepté sa déficience ou son incapacité, qu’elle a cheminé dans son travail de deuil de ses
capacités antérieures, de son état de parfaite santé. » (HEDDEBAUT 2009, p.53)
C. Ergothérapie et aménagement
Le nombre de personnes susceptibles d’avoir besoin d’une aide technique ou
d’aménagement de leur logement va augmenter pour plusieurs raisons :
 Facteur sociologique : notre société nous protège mais elle valorise en même temps
« la prise de risque en produisant une idéologie de la compétition à tous les niveaux et dans
tous les domaines de la vie sociale. » (DJAOUI 2008, p.69) Par cela, l’auteur met en avant les
exemples suivants : les comportements de santé « à risques » comme la consommation de
produits addictifs, les conduites autoroutières dangereuses, le refus de respecter les consignes
de sécurités au travail. Aussi, les voyages touristiques de plus en plus lointains et les activités
sportives et de loisirs de plus en plus violentes,
 Augmentation de la longévité : un grand nombre de personnes bénéficie d’une
meilleure santé lorsqu’elles arrivent au très grand âge. A contrario, de plus en plus de
personnes très âgées, ayant des problèmes de santé, ont recours aux aides techniques et aux
aménagements car, elles ne trouvent pas obligatoirement de place en institution,
7
Selon le Processus de Production du Handicap (PPH), cf schéma Annexe 1
16
 Hygiène de vie : elle a un impact sur la santé dont certains facteurs peuvent être
néfastes,
 Progrès de la recherche médical : ce progrès permet l’augmentation de l’espérance de
vie de personne en situation de handicap.
Cette augmentation du nombre de personnes affectées à divers degrés de déficiences
et/ou souffrant de handicaps, explique l’émergence de nouvelles pratiques médico-sociales au
domicile. C’est le cas pour l’ergothérapie qui participe au projet de retour et de maintien à
domicile de personnes âgées ou handicapées après une hospitalisation.
Les aides techniques sont des accessoires et des matériels qui facilitent les activités de
la vie quotidienne. Ces aides vont des soins personnels jusqu'à la gestion des traitements, la
communication, etc.
« Les aménagements concernent des dispositifs (monte-charge, rampes, élévateurs
d’escaliers) ou les différents mobiliers ou espaces adaptés (W.C., tables, baignoires, etc.) »
(DJAOUI 2008, p.70)
L’aménagement doit répondre aux attentes de l’habitant et celles-ci ne sont pas
forcément les mêmes que celles des professionnels. L’accord de la personne est primordial
pour toutes interventions ainsi que celui de l’entourage conjugal et familial. Même si la
personne est en accord avec le professionnel pour réaliser des aménagements, le risque est
qu’elle ait le sentiment de ne plus maitriser son environnement, son territoire et qu’elle ne s’y
reconnaisse plus. « Le notion de domicile adapté relève du registre psychosociologique. »
(DJAOUI 2008, p.71)
L’aménagement du domicile doit alors respecter l’identité de la personne et pour cela
il doit :

Permettre le maintien d’une image de soi valorisante. Les aides techniques ne doivent
pas refléter ce que la personne ne veut pas voir, c'est-à-dire la perte de ses capacités.

Permettre de garder le contrôle sur son espace. Les aides qui permettent de conserver
son indépendance dans les actes élémentaires de la vie quotidienne sont plus
facilement acceptées.

Permettre de préserver le réseau de sociabilité et ne pas l’entraver.
17
Les visites à domicile ne se passent pas toujours comme dans la littérature. Il peut
arriver que la personne âgée accepte dans un premier temps la visite à domicile puis la refuse.
Mais pourquoi ce changement de décision ? Lorsque la personne est hospitalisée depuis un
long moment, elle s’est adaptée à ce nouvel environnement, a trouvé de nouveaux repères et a
pris de nouvelles habitudes. Une nouvelle routine s’est mise en place, rythmée par celle des
différents professionnels de l’établissement. Souvent, la visite à domicile est le premier temps
où la personne reprend contact avec le « monde extérieur » et cela peut l’angoisser. Elle peut
aussi avoir peur que l’ergothérapeute estime que le retour à domicile ne soit pas possible. Ou
tout simplement, la personne refuse que des étrangers entrent chez elle.
De la théorie à la pratique, il y a souvent un grand pas. Le point qui me parait le plus
important est l’acceptation. C’est à la personne seule que revient la décision finale de suivre
ou non les recommandations des professionnels. Prenons l’exemple le plus fréquemment cité
par les ergothérapeutes : le retrait des tapis. Afin de prévenir et de diminuer le risque de chute,
les ergothérapeutes préconisent aux personnes âgées de retirer les tapis. Bien souvent, ils sont
confrontés à un refus catégorique. Les personnes ne comprennent pas pourquoi elles devraient
enlever le tapis qui est en place depuis plus de 30 ans et qui ne leur à jamais posé de
problème.
Les personnes âgées sont fortement attachées à leur domicile et à tout ce qu’il
contient. Il est le symbole d’une vie, riche en souvenirs. Chaque objet, chaque meuble a une
place précise et représentent des moments de vie auxquels la personne ne veut pas se séparer.
Comment faire pour que les personnes comprennent et acceptent plus facilement les
préconisations d’aménagement de leur domicile ?
Mon hypothèse est la suivante : la mise en situation au domicile est un moyen qui
facilite l’acceptation des préconisations d’aménagement par les personnes âgées. En effet, la
mise en situation permet, à mon sens, de mettre la personne face à une ou des situations
problématiques de son quotidien, et ainsi de la confronter à ses capacités et à ses incapacités.
Mais est-ce un moyen de lui faire prendre conscience de ses difficultés ? Est-il plus pertinent
de réaliser des mises en situation au domicile de la personne ou au sein de l’établissement où
elle séjourne ? Sur le terrain, la mise en situation permet-elle de favoriser l’acceptation des
préconisations faites par les ergothérapeutes ? Ce sont autant de questions que j’ai jugé
intéressantes à poser à des professionnels afin de répondre à mon questionnement.
18
Partie méthodologie
I.
Démarche méthodologique
A. Choix de la méthode
1.
Choix de l’outil
J’ai choisi d’utiliser l’entretien semi-directif pour recueillir des données car, il est
centré sur des thèmes et des points clés formulés. J’ai répertorié les questions que je
souhaitais poser dans une grille. Afin d’avoir une enquête de qualité, je propose des questions
fermées, dont la compréhension, l’expression et l’exploitation sont facilitées au risque d’avoir
une expression limitée et influencée, et des questions ouvertes permettant une réponse libre en
utilisant des formulations précises par rapport à la question centrale de l’enquête.
Lors des différentes entrevues, je souhaitais adopter une attitude d’écoute pour ne pas
interrompre et/ou influencer le discours de la personne. Si des points venaient à ne pas être
abordés ou développés, ce type d’entretien me permettait d’approfondir des réponses en
revenant dessus.
J’ai choisi cet outil afin d’approcher au plus près la réalité sur le terrain. En effet, il me
permettait d’être en contact direct avec la personne et d’avoir ainsi une réelle discussion et des
réponses spontanées autour de divers thèmes que j’ai choisi d’aborder. Etre en face de la
personne me permettait d’observer ses attitudes qui, sont souvent révélatrices de pensées. Je
pouvais aussi approfondir des points comme le vécu, les ressentis et les impressions que je
n’aurais pas pu avoir en réalisant un questionnaire. La réalisation d’entretiens demande de
trouver un équilibre entre la ligne directrice de l’entretien et la nécessité de collecter des
informations, tout en suivant le fil de la pensée de la personne interrogée.
2.
Populations ciblées
Au départ, je souhaitais interroger deux populations : des personnes âgées ayant
bénéficiées d’une visite à domicile, ainsi que des ergothérapeutes travaillant en gériatrie et
réalisant des visites à domicile. Je désirais enquêter auprès des personnes âgées afin de tenter
de comprendre pourquoi elles sont tant attachées à leur maison et les raisons qui les poussent
à vouloir vivre chez elles jusqu’au bout. En ce qui concerne les ergothérapeutes, je souhaitais
les interroger pour analyser leur pratique lors de la visite à domicile auprès de la population
des personnes âgées.
19
J’ai fait le choix de réaliser mon dernier stage de troisième année d’étude en
ergothérapie dans un centre gériatrique afin de disposer de tous les éléments dont j’avais
besoin pour réaliser mon enquête et pour appréhender les différents aspects du vieillissement.
Ainsi, je pouvais tenter de comprendre la relation que les personnes âgées ont avec leur
domicile et aborder avec elles cette notion.
Voici un tableau récapitulatif des quelques critères que j’ai défini pour cibler les deux
populations afin de répondre à mon questionnement :
 Ergothérapeutes :
Critères d’inclusion
Critères d’exclusion
 Des ergothérapeutes exerçant auprès de

personnes âgées
Des ergothérapeutes n’ayant jamais
réalisé de visite à domicile
 Des ergothérapeutes travaillant en

gériatrie
Des ergothérapeutes n’ayant jamais
travaillé auprès de la population des
personnes âgées
J’ai pu interroger six ergothérapeutes :
Diplômée
depuis :
Travaille
en gériatrie
depuis :
Mme A
1998
Mme B
1978
Mme C
2005
Mme D
1978
Mme E
2009
Mme F
1997
15 ans
36 ans
Moins de 1
an
36 ans
2 ans
16 ans
 Personnes âgées :
Critères d’inclusion

Personnes âgées ayant bénéficié d’une
Critères d’exclusion

visite à domicile au cours d’une
hospitalisation

Personnes de plus de 60 ans

Personnes retraitées
Personnes âgées porteuses d’une
démence

Personnes âgées ayant des troubles
cognitifs

Personnes âgées locataires de leur
logement
Au regard de ce tableau, je n’ai pas pu réaliser d’entretien auprès de cette population.
20
3.
Elaboration de la grille d’entretien
Afin de m’aider à réaliser les entretiens, j’ai réalisé deux grilles 8 dans lesquelles
apparaissent différentes questions. Celles-ci ont été rédigées en fonction de mon hypothèse
afin de la valider ou de l’invalider. Pour les entretiens avec les personnes âgées, je souhaitais
aborder leur relation à leur domicile et appréhender leurs ressentis lorsque l’ergothérapeute
leur proposait de réaliser une visite à domicile et lors des mises en situations écologiques.
Pour les entretiens avec les ergothérapeutes, c’est la pratique professionnelle que je visais :
comment abordent-ils la visite à domicile et les mises en situation écologiques au domicile
avec la personne âgée ?
4.
Passation des entretiens
Pour passer les entretiens avec les ergothérapeutes, je prenais rendez-vous avec eux en
fonction de nos plannings respectifs. Je préférais prendre un temps plus large que celui
initialement prévu pour la passation car, avec des entretiens semi-directifs, la personne
interrogée peut aborder divers sujets en plus de ceux que nous visons au départ. De plus, je ne
voulais pas que la personne se presse de répondre pour être dans les temps et vaquer à ses
occupations.
Avec les personnes âgées, j’enquêtais auprès de l’équipe d’ergothérapeutes pour
savoir quels patients ont bénéficié d’une visite à domicile, en donnant les critères d’inclusion
et d’exclusion.
Je prenais soin d’expliquer pourquoi je réalisais des entretiens et leur procédure. Je
demandais si je pouvais enregistrer les conversations et les retranscrire ensuite anonymement
pour pouvoir les analyser. Je n’ai eu aucun refus et je m’en suis donc tenu à mes grilles
d’entretien.
5.
Procédure d’analyse des entretiens
Pour analyser les entretiens, je les ai tout d’abord retranscrits9 pour pouvoir mieux les
lire. Ensuite, j’ai réalisé un tableau d’analyse pour pouvoir trier et dégager des données qui
me paraissaient les plus pertinentes au regard de ma question de recherche et de mon
hypothèse.
8
Annexes 2 : Grille d’entretien pour les ergothérapeutes et Annexe 3 : Grille d’entretien pour les personnes
âgées
9
Annexe 4 : Retranscriptions des entretiens avec les ergothérapeutes
21
II.
Analyse des entretiens
Lorsque je ferai référence à des citations tirées d’entretiens, je noterai de la façon
suivante : (Entretien A), ceux-ci sont répertoriés en annexe et dans l’ordre alphabétique.
A. La visite à domicile
1.
Définition de la visite à domicile
« Moi j’aime bien dire que la visite à domicile, c’est un peu comme un iceberg. Y a
effectivement la partie visible qui va être la visite en elle-même mais y a effectivement toute la
partie invisible, toute la préparation. » (Entretien A)
2.
Sa préparation
 Connaitre la personne et appréhender son logement
« Déjà en amont il faut que j’ai absolument tous les renseignements nécessaires […]
des habitudes de vie antérieures. » (Entretien D)
« Je la prépare en prenant un…, bon déjà en échangeant avec le patient, d’une part,
en prenant un rendez vous avec la famille, en essayant de bien cerner les problèmes qui… que
les gens, enfin que moi j’ai pu ressentir au niveau des échanges avec le patient, les problèmes
rencontrés par la famille » (Entretien B)
« La garantie souvent d’un retour et d’un maintien à domicile, ça se fait justement en
préparant en amont et en essayant de voir avec le patient, comment dire, de sérier tous les
obstacles qui pourraient survenir à domicile » (Entretien D).
« On va déjà vérifier comment est le domicile au niveau du document connaissance de
la personne pour faire un état des lieux. Si la personne n’est pas en capacité de répondre,
bien évidemment on va essayé de voir avec un tiers, l’entourage pour vérifier déjà comment il
se débrouillait à la maison et en fonction de son handicap actuel, si il se retrouve en fauteuil
roulant alors qu’il se déplaçait sans aide technique avant, […] l’objectif se sera de vérifier si
il peut rentrer en état aujourd’hui. » (Entretien F)
Il est mis en avant par plusieurs ergothérapeutes que la connaissance de la personne est
un point essentiel pour la préparation de la visite à domicile. Cette connaissance de la
personne peut passer par la réalisation d’entretien avec elle et aussi avec sa famille si cela est
possible. Au cours de ces entretiens, les habitudes de vie de la personne vont être recueillies,
22
les difficultés qui sont et qui pourront être rencontrées au domicile sont sériées et la
description de ce dernier pourra être demandée.
 Elaborer des objectifs de visite
Cette connaissance de la personne et de son environnement « ça m’aide effectivement
à bâtir mes objectifs de visite […] qui sont toujours en lien, de toute façon direct, avec les
objectifs propres de la personne âgée, moi je ne fais que de caler les miens sur les siens. »
(Entretien D) Et aussi, « Si y a des supports papiers, pouvoir éditer le support pour savoir un
petit peu sur quoi on va s’interroger pour quand on va aller à la visite à domicile. »
(Entretien C)
La connaissance de la personne permet à l’ergothérapeute d’élaborer des objectifs de
visite à domicile en fonction de ce qu’il a pu relever comme difficultés au niveau des
habitudes de vie de la personne et au niveau de son domicile. Ces objectifs ergothérapiques
seront mis en lien avec ceux de la personne afin d’avoir une adéquation entre ses demandes
ainsi que ses besoins, et les préconisations de l’ergothérapeute.
 Pertinence de la visite à domicile
« La préparation, c’est déjà nous juger de la pertinence de la visite à domicile, donc
de la proposition qu’on va faire » (Entretien A)
Afin de juger de la pertinence du projet, « on fait des petits bilans […] écologiques
déjà pour évaluer si c’est vraiment nécessaire » (Entretien E).
Une visite à domicile peut être proposée par l’équipe pluridisciplinaire ou bien
demandé par l’assistante sociale ou la famille. Il convient à l’ergothérapeute de juger de la
pertinence de la visite à domicile. Celle-ci peut être appréciée en prenant connaissance avec la
personne, ce que nous avons relevé dans les deux points précédents. Aussi, des bilans
écologiques peuvent être réalisés pour évaluer l’indépendance de la personne à un moment
donné.
 Anticiper la visite
« Et puis après, à moi d’anticiper aussi si j’ai besoin d’emmener du matériel, si je vais
prévoir des mises en situation à domicile. Ou aussi, certaines visites à domicile, est-ce que les
équipes du service de soin à domicile auront besoin d’être présentes ? » (Entretien A)
23
Lors de la préparation de la visite à domicile, cette ergothérapeute l’anticipe en ce
posant la question de quel matériel elle aura besoin d’amener pour faire des essais avec la
personne afin de préconiser au mieux des aménagements. Si les équipes du service de soin à
domicile sont présentes cela peut permettre à l’ergothérapeute d’avoir un avis sur ses
préconisations, car les aménagements proposés influenceront aussi le travail de ces équipes.
3.
L’annonce de la visite à domicile
 Influence de la personnalité de la personne
« Tout dépend aussi un p’tit peu de la personnalité de la personne » (Entretien A)
Ici, l’ergothérapeute met en avant le fait que la personnalité de la personne peut
influencer la façon dont elle va aborder et annoncer la visite à domicile.
 La visite à domicile, un temps d’intrusion
«°J’ai tout à fait conscience qu’une visite à domicile pour moi, de toute façon, reste
une intrusion dans la mesure où je m’introduis vraiment au domicile de quelqu’un et donc
même en tant que soignant, même avec les meilleures raisons de monde, j’ai bien conscience
qu’il faut effectivement que la personne adhère complètement et totalement à l’idée. »
(Entretien D)
Dans la façon d’aborder la visite à domicile avec la personne, cette ergothérapeute
prend en considération le fait que la visite à domicile peut être ressentie comme une intrusion
dans l’intimité de la personne.
 Une proposition et un accompagnement
« C’est déjà une proposition et que c’est un accompagnement aussi, pour faciliter le
retour à la maison, pour reprendre contact avec le logement quand ça fait longtemps qu’on
ne l’a pas fait » (Entretien A)
« Je leur dis toujours, je leur dis que c’est une proposition, c’est une possibilité d’aller
avec eux à domicile pour voir si y a pas des problèmes, quand ils ont pas énoncé de
problèmes eux mais que moi je crains, à travers la connaissance de la personne, qu’on en
rencontre mais qu’c’est en rien une obligation » (Entretien B)
La visite à domicile n’est en rien une obligation, la personne est dans son droit de ne
pas l’accepter. Il convient donc de signifier que la visite à domicile est une proposition et un
accompagnement pour faciliter le retour et le maintien à domicile.
24
 Expliquer le but de la visite
« Souvent c’est en vu d’un retour à domicile, «qu’est ce qu’on peut vous proposer
pour que le retour à domicile se passe le mieux possible, dans les meilleures conditions, que
vous gardiez un maximum d’autonomie… » (Entretien C).
« c’est une aide qu’on peut leur apporter, qu’on est là pour leur donner des conseils,
leur donner des pistes, parce que parfois ça permet aussi de déboucher sur des aides
humaines, bien souvent. » (Entretien B)
« J’essai d’expliquer le pourquoi du comment » (Entretien D).
« Une fois qu’on a envisagé avec le médecin, la famille… On part avec le patient et
bon, on lui explique un petit peu la démarche, dans quel but on va faire ça, que ce soit au
niveau de l’environnement, au niveau écologique, au nouveau des fonctions instrumentales,
on va tester un p’tit peu des choses à la maison, on lui explique un p’tit peu avant qu’est ce
qu’on va faire. » (Entretien E).
Il parait nécessaire d’expliquer le but de la visite à domicile lors de son annonce pour
que la personne puisse comprendre son intérêt et ainsi adhérer au projet.
 La visite à domicile, une prescription médicale
« Je précise bien sûre qu’à chaque fois c’est sur prescription médicale. […] C’est une
arme avec laquelle entre guillemets, bon je vais m’en servir beaucoup plus rapidement si je
sens qu’il y a une résistance de la part de la personne. […] Je me couvre en disant que la
visite à domicile c’est sur une prescription médicale. » (Entretien D).
La visite à domicile est une prescription médicale. Cette ergothérapeute le précise
lorsqu’elle sent que la personne va avoir de la réticence pour faire une visite à domicile.
 Une décision prise en équipe
« Alors souvent, on va leur présenter en disant, si ça pas, parce que des fois c’est
présenté, au préalable, par le médecin, lors des entretiens, des visites, donc si ça pas déjà été
évoqué, on dit « Voila, on a discuté en réunion d’équipe d’une sortie prochaine, on aimerait
vérifier que tout va bien pour la sortie, si l’accessibilité va bien ou si c’est un problème
d’accessibilité, mettre en situation chez vous. » (Entretien F).
Ici, l’ergothérapeute aborde la visite à domicile en disant que c’est une décision
d’équipe et explique le but de la visite à domicile.
25
 Anticiper l’annonce de la visite
« C’est quelque chose qu’on va un p’tit peu anticiper en amont avant d’aller vraiment
discuter de la chose avec lui, […] si on pense qu’y a quand même des chances que ça va
fonctionner avant de lui dire, « bon on va aller chez vous pour évaluer la situation », faut
quand même anticiper les risques et ne pas trop lui mettre d’espoir en tête si on voit que ça
risque d’être compliqué. » (Entretien E)
Selon cette ergothérapeute, il conviendrait d’évaluer la situation de la personne avant
d’aborder avec lui la visite à domicile, car si les évaluations mettent en avant de grosses
difficultés, la personne ne pourra peut être pas retourner chez elle. Il ne s’agit donc plus
d’annoncer une visite à domicile mais d’aborder un tout autre projet comme une entrée dans
une institution.
B. Face aux propositions d’aménagement
1.
Les réactions des personnes
« C’est vraiment divers et varié » (Entretien C),
Trois ergothérapeutes mettent en avant la variabilité des réactions : « Alors elles sont
très variables : ou […] ils veulent absolument rentrer à domicile et ils sont près à toutes les
propositions, ou bien ils veulent rien changer et ils refusent tout » (Entretien B),
« On peut passer d’une extrême à l’autre. Mme X, pour ne pas la citer, elle n’a pas
hésité à se faire construire un élévateur, qu’a quand même coûté 18 000 €. Mais parce
qu’elle, elle a vu que le, l’objectif majeur pour elle c’était de rester à domicile et c’était
surtout de ne pas déménager, parce que ça fait plus de 50 ans qu’ils habitent là tout les
deux. » (Entretien D).
Nous voyons là que les réactions sont catégoriques : soit la personne accepte, soit elle
refuse, en exprimant ou non diverses raisons que nous aborderons dans le prochain titre.
Un ergothérapeute explique ces variabilités de réactions par le contexte de la
situation : « Tout dépend du contexte justement avant, dans lequel on était. Est-ce qu’on a
quelque part, euh.., induit d’avantage la visite à domicile ou est ce que… Parce que parfois
c’est un peut ça… Nous on sent que c’est hyper important, mais la personne freine un peu
pour plein de raisons » (Entretien A).
26
Ici, l’ergothérapeute explique qu’il faut que ses idées soient en accord avec celles de la
personne pour ne pas entrainer d’incompréhension de sa part et pour limiter la réticence.
« Certains ne voient pas l’intérêt, si tu montres toi par A+B que ça a un intérêt pour
eux, eux ne vont pas le voir dans l’immédiat. » (Entretien F).
« Tout ce qui est salle de bain souvent c’est plus facile. […] Ils acceptent mieux, ils
comprennent mieux pourquoi on change les choses. » (Entretien C).
L’intérêt de la proposition d’aménagement peut ne pas être saisi par la personne même
si l’ergothérapeute argumente ses propositions. Elle aurait besoin d’un temps pour assimiler
les informations et capter l’intérêt des préconisations. Aussi, il semble que certains
aménagements soient plus facilement compris et acceptés.
« Et puis après c’est parce que les gens ont leur idée, ce sont déjà fait toute une idée et
que t’as beau apporter les arguments… Ils voient pas du tout… C’était ce qu’ils avaient
décidé qui passait. » (Entretien C)
La personne peut se faire une idée des aménagements qu’elle devrait faire. Mais une
fois cette idée est confrontée aux préconisations de l’ergothérapeute, elle peut ne pas
comprendre pourquoi ce qu’elle pensait ne convient pas. Il semble judicieux de trouver un
compromis entre l’idée de la personne et les préconisations de l’ergothérapeute.
Les réactions évoquées par les ergothérapeutes montrent qu’ils peuvent faire face à des
réticences ou à des refus de la part des personnes âgées. Ma question de recherche est, je
pense, en adéquation avec ce qu’il se passe sur le terrain.
27
2.
Les causes d’une réticence ou d’un refus
Afin d’avoir une lecture facilitée, voici un histogramme représentant les raisons mises
en avant, lors d’un refus, par les personnes âgées face à des préconisations d’aménagement de
leur domicile et la fréquence de ses réponses dans les discours des ergothérapeutes
interrogées.
Histogramme des raisons mises en avant par
les personnes âgées et fréquence de citation
Fréquence de citation
6
5
4
3
2
Réponses proposées par les
ergothérapeutes
1
0
Raisons citées lors d'un refus
Cet histogramme nous permet de visualiser la diversité des raisons émises par les
personnes âgées lorsqu’elles refusent les propositions d’aménagement de leur domicile.
Des personnes peuvent refuser catégoriquement, sans amener de raisons, ou bien ils ne
voient pas l’intérêt des préconisations d’aménagement ou encore, elles ne veulent rien
changer à leur domicile.
 La peur du changement des habitudes de vie
Nous observons que la raison qui est la plus perçue par les ergothérapeutes est le
changement des habitudes de vie. « Chez beaucoup de personnes âgées, les habitudes aident
à vivre et finissent par construire leur vieillesse en fonction des habitudes de vie. […] Ils sont
28
rebelles aux changements, parce que leur vie est ritualisée, parce que depuis 50 ans ils font
comme ça. » (Entretien D),
« […] faire des travaux dans le domicile, c’est souvent... Ça leur fait peur… le
changement ça les…, ça les inquiète un petit peu» (Entretien E).
« […] parfois c’que les personnes ont le plus de mal à accepter finalement, c’est le
changement des habitudes. Soit le changement des habitudes dans le rythme de la journée ou
aussi simplement enlever un meuble, alors parfois c’est va juste être une console ou un tapis,
des fois c’est juste des trucs comme ça mais ça passe pas non plus » (Entretien A)
Ces ergothérapeutes mettent en avant l’importance des habitudes dans le mode de vie
de la personne âgée. Elles l’aident à construire sa vie. La prise en compte des habitudes de la
personne lors de la proposition des aménagements est donc importante.
Le domicile est un espace sacré auquel les personnes âgées sont très attachées. Elles
ont appris à y vivre et ainsi, des habitudes et des rituels se sont instaurés. Les modifications
dans le domicile peuvent avoir un impact direct sur ces habitudes, ce qui peut effrayer la
personne.
 Un coût à ne pas négliger
« Alors j’ai eu ça comme refus… […] y’a aussi le coût parfois parce que y a une
partie qu’est prise en charge et pas tout. Y avait ça aussi qu’était mis en avant… » (Entretien
C)
« […] si faut faire des aménagements, des gros travaux, financièrement c’est pas
possible… y a ça aussi beaucoup » (Entretien E)
« Alors pour les aménagements après au domicile, c’est sûre que si financièrement ils
ont pas les moyens financiers°» (Entretien F).
L’aspect financier revient dans le discours des ergothérapeutes. Malgré une prise en
charge possible, le reste à charge peut être une raison de refus. La prise en compte des moyens
financiers de la personne n’est pas à négliger. Il semblerait utile de proposer des
aménagements à moindre coût dans la mesure du possible et se limiter aux aménagements
nécessaires, en fonctions des besoins de la personne.
29
 Ne pas être vu comme « un handicapé »
Vient ensuite la stigmatisation. Les patients ne veulent pas « que ça fasse trop
handicapé pour eux » (Entretien F), « que ça montre à tout le monde qu’il est handicapé,
qu’il a perdu de ses capacités » (Entretien E).
 L’engagement des travaux
« Alors parfois si, y a des aménagements ou des travaux, y a la question de qui va
engager les travaux ? Ca, ça reste souvent hyper compliqué. » (Entretien A). Cette
ergothérapeute relate une expérience complexe de réalisation de travaux où le patient s’est fait
arnaqué par l’artisan qu’il avait contacté pour réaliser les aménagements.
« Faire des travaux dans le domicile, c’est souvent... Ça leur fait peur… le
changement ça les […] inquiète un petit peu, les travaux, toute l’organisation autour de ça,
ça peut parfois leur faire un petit peur, donc il faut quand même introduire la famille ou des
aides extérieures pour essayer d’aider un petit peu dans les démarches. » (Entretien E).
Ici, l’ergothérapeute explique que l’organisation des travaux peut effrayer les
personnes et peut demander l’inclusion de la famille ou d’aides extérieures pour les aider dans
les démarches. Généralement, les travaux sont réalisés pendant que la personne est
hospitalisée pour lui permettre un retour à domicile dans de bonnes conditions. Il parait
difficile de gérer ce genre d’affaire en étant loin de chez soi
 L’esthétisme des préconisations
L’esthétisme du matériel proposé peut être une raison de refus. « […] ils vont trouver
par exemple qu’un rehausseur ou… C’est pas joli et qu’ils vont voir l’esthétique avant le
fonctionnel. » (Entretien B)
 Le domicile, espace emplit de sentiments
L’aspect sentimental du domicile entre en ligne de compte dans les raisons avancées
par les personnes. « Alors comme je te disais, les raisons sentimentales […] Alors c’était pas
vraiment la personne en elle-même c’était le conjoint, à chaque proposition c’était « ah bah
non c’est pas possible, c’est quelque chose qu’on a fait ensemble… » Enfin c’était très
sentimental, chaque aménagement que eux même avaient fait dans la maison, était très
sentimental et du coup chaque changement était compliqué » (Entretien C).
30
Ici l’ergothérapeute évoque une situation où c’est le conjoint qui ne souhaite pas les
modifications du domicile en mettant en avant le fait que les aménagements ont été réalisés
par les deux membres du couple. Lorsque la personne concernée par la visite à domicile ne vit
pas seule, il faut prendre en compte la présence d’autres personnes. Celles-ci pourront être
affectées par les changements.
C. Mettre en situation la personne à son domicile
Toutes les ergothérapeutes interrogées utilisent la mise en situation lors de la visite à
domicile.
« On fait que ça ! » (Entretien F).
« La mise en situation, à la fois elle est… enfin c’est l’essence même de notre travail et
ça correspond vraiment aussi aux besoins des personnes […] C’est vraiment repartir des
besoins de la personne et des activités qu’elle souhaite refaire. Ca c’est important »
(Entretien A)
1. Aborder la mise en situation avec la personne âgée
« Souvent on sent quand il va y avoir des difficultés, il faut l’aborder aussi de façon
judicieuse, enfin pas trop abrupte, parce que souvent à la visite à domicile, y a souvent un
membre de la famille » (Entretien A)
 Se placer en tant qu’étranger au domicile de la personne
« Je me considère là moi comme une invitée, donc je demande à la personne de me
faire la visite des lieux, donc c’est elle qui va en principe de pièce en pièce » (Entretien D)
« C’est vrai que je trouve que la visite à domicile est rudement intrusive et que ici les
patients finalement ils sont chez nous, c’est notre domaine ici l’hôpital. Ils s’adaptent tant
bien que mal, pour certain, mais quand on arrive chez eux et bien on inverse les rôles, on est
chez eux donc à nous de garder notre place d’étranger, en les laissant aussi se réapproprier
le logement. Parce que j’aime bien, au début d’une visite à domicile, c’est de laisser les dix
premières minutes sans rien. » (Entretien A)
Au domicile de la personne, les professionnels sont des invités : c’est parce que la
personne a accepté de faire une visite à domicile que l’ergothérapeute peut entrer chez elle.
Avant d’aborder une mise en situation, il semble bénéfique pour la personne de lui laisser un
31
temps de réappropriation de son logement, qui peut être révélateur d’une reprise des
automatismes et des habitudes de vie antérieures à l’hospitalisation.
 Exposer son point de vue sur la situation de la personne
« Ah bah tout simplement, j’leur dis bah voyez là je pense que pour vous, ce serait
bien d’avoir un rehausseur, par exemple je vais prendre un exemple simple, de toilette parce
que vos toilettes me semblent basses. Ils me disent « ah non non non tout va très bien » bon,
bah écoutez montrez moi, asseyez vous sur les toilettes et relevez vous. » (Entretien B)
« D’expliquer pourquoi, expliquer pourquoi nous on pense qu’il faut l’enlever »
(Entretien A)
Avant de demander à la personne de se mettre en situation, ces ergothérapeutes
donnent leur point de vue sur les aménagements qu’il serait bon de réaliser. Ainsi, elles
obtiennent une réaction de la part de la personne et la saisissent pour proposer une mise en
situation afin de confronter la personne à ses dires.
 Reprendre le cours d’une journée
« Déjà d’entrée de jeux, moi mes visites à domicile pour être sûre de passer un petit
peu partout et qu’ça puisse avoir un peu un sens, d’entrée de jeu je dis à la personne qu’on va
reprendre les activités importantes d’une journée sur 24 heure. » (Entretien A)
« Donc je leur demande aussi, assez souvent, euh, de me décrire comment se déroule
la journée chez eux : à quelle heure ils se lèvent ? Le petit déjeuner où est ce qu’ils le
prennent ? Est ce que c’est eux qui préparent le petit déjeuner ? Est ce que c’est le conjoint
qui les aide ? En faite voilà, je leur demande de me décrire une journée type et à chaque fois
que je vois, que je pointe du doigt, ce qui pourrait, pour moi, être un obstacle, je demande
une mise en situation. » (Entretien D)
« Je vais essayer de pas forcement l’introduire en tant qu’évaluation, essayer de le
remettre dans le contexte d’une situation quotidienne » (Entretien E)
Avoir une méthodologie dans le déroulement de la visite à domicile peut permettre à
l’ergothérapeute de comprendre le mode de vie et les habitudes de la personne. Aussi, la
personne peut saisir l’intérêt de la mise en situation lorsqu’elle est remise dans le contexte de
la vie quotidienne, et ne pas la prendre comme une évaluation.
32
 Expliquer le but de la mise en situation
« J’explique que je veux être sûre que ce qu’elle va faire comme geste c’est fait en
sécurité. Donc, j’explique qu’est ce que… Enfin voilà je dis « est ce que vous voulez bien
montrer comment vous faites telle ou telle activité chez vous pour voir si vous ne vous mettez
pas en danger, si éventuellement je vous proposai une aide pour que ce soit fait d’une
manière plus sécuritaire. » (Entretien C)
La personne à besoin de comprendre pourquoi elle est mise en situation, sinon elle
peut interpréter les événements ou tout simplement refuser de faire ce qui lui est demandé.
 Etre direct
« Ah moi d’emblée je dis « allez y montrez moi comment vous faites d’habitude. »
(Entretien F)
Chaque ergothérapeute aborde la mise en situation de manières différentes en fonction
de sa vision de la visite à domicile. La personnalité du patient peut influencer le discours :
certains auront besoin d’explications, d’autres d’être rassurer.
2.
Les intérêts de la mise en situation au domicile
 Etre au plus proche de la réalité de la personne
« C’est ce qui approche le plus de la réalité de la personne dans son environnement.
C’est là qu’elle va prendre vraiment la mesure de ses capacités, de ses incapacités, de ses
limites aussi. » (Entretien D)
« Le mettre dans son quotidien ça parait plus logique que de le mettre en situation au
sein de l’hôpital. » (Entretien E)
« La mettre en situation dans un endroit qu’elle ne connait pas, euh… J’vais pas dire
que ça n’a pas d’intérêt, ça en a, mais ça en a moins qu’à domicile. Parce que là c’est
vraiment le lieu où elle va vivre, exactement dans la situation qu’elle rencontrera tous les
jours » (Entretien B)
La mise en situation au domicile permet aux ergothérapeutes d’être au plus proche de
la réalité du quotidien de la personne. Les activités de vie quotidienne seront réalisées,
observées et analysées de façon concrète tant pour l’ergothérapeute que pour la personne.
33
 Le domicile : lieu connu, siège des habitudes et des automatismes
« Quand on fait par exemple ici, faut qu’il s’adapte à un nouvel environnement, qu’il
cherche un petit peu, qu’il retrouve ses marques » (Entretien E)
Demander à la personne de réaliser des activités de vie quotidienne en fonction de ses
habitudes dans un lieu qu’elle ne connait pas lui demande de s’adapter à ce nouvel
environnement. Les repères et les automatismes qu’elle peut avoir à son domicile peuvent ne
pas être retrouvés.
« L’hôpital ça reste quelque chose, c’est un lieu étranger. Et c’est pas parce qu’ils
sont, on va dire, autonomes ou indépendants en institution qu’ils vont forcement l’être chez
eux. Mais a contrario, on a vu aussi des tas de fois où les gens ici ne sont pas indépendants,
ne sont pas autonomes parce qu’ils sont justement dans une institution et un lieu qui leur est
étranger. Et bizarrement ils rentrent chez eux et on est très surpris, agréablement, de voir
que, à la maison ça va le faire. Ils retrouvent leurs repères, ils retrouvent leurs automatismes
qui sont perdues ici » (Entretien D)
« […] c’est déjà la reprise du contact et qui peut... Réassurer, souvent la plupart du
temps la personne » (Entretien A)
Etre indépendant et autonome en institution ne veut pas forcément dire que la
personne le sera à son domicile. En effet, à l’hôpital, les espaces sont aménagés de telle sorte
que les personnes puissent être indépendantes. Ce qui n’est pas forcément le cas au domicile.
La mise en situation au domicile permettra d’évaluer le niveau d’indépendance de la
personne.
Aussi, il peut se produire le contraire, la personne n’est pas indépendante dans des
actes de la vie quotidienne en institution. En effet, à son domicile, la personne âgée retrouve
ses repères et ses automatismes et cela peut la rassurer.
« On va vraiment voir si elle retrouve par exemple ses habitudes, les gestes, parce que
des fois quand on n’est pas dans son environnement on peut être un peu perdu par […] les
mobiliers qu’on connait pas, les rangements qu’on connait pas, les outils qu’on connait pas.
Alors que dans son environnement souvent les habitudes… y a des automatismes qui sont là
depuis longtemps et qui reviennent. C’est pour être sûre que ces automatismes sont toujours
présents » (Entretien C)
Mettre en situation la personne à son domicile permet aussi d’observer si elle retrouve
ou non ses repères, ses habitudes.
34
« […] qui peut moi aussi, me permettre de… de replanifier après la suite de ma prise
en charge » (Entretien A)
La mise en situation au domicile de la personne permet à l’ergothérapeute de se rendre
compte des habitudes de vie de la personne et de son environnement. Il peut ainsi réajuster ses
objectifs de prise en charge en fonction de ce qu’il a pu observer lors des mises en situations.
3.
Mise en situation au domicile et prise de conscience de la
personne
« C’est compliqué, certaines fois c’est compliqué de leur faire comprendre que bah,
une fois qu’on les met en situation, bah vous voyez bien, c’est pas facile hein ! » (Entretien F)
Pour l’ensemble des ergothérapeutes interrogées, la mise en situation permet à la
personne de prendre conscience de ses difficultés.
 Confronter la personne à ses capacités et à ses incapacités
« L’idée c’est de faire constater à la personne et, parfois l’entourage aussi, les
difficultés de la personne mais… tout en limitant quand même au maximum l’impact
émotionnel que ça peut avoir ou d’la mise en échec. Mais parfois effectivement c’est quand
même… Y a cette, cette… cette prise de conscience. » (Entretien A)
« A la fois de ses difficultés et à la fois de ses possibilité. » (Entretien B)
Les personnes ne sont pas forcément conscientes de leurs incapacités mais aussi de
leurs capacités. La mise en situation peut aider à cette prise de conscience.
 L’impact des troubles cognitifs
« Tout dépend si la personne à des troubles cognitifs. Si la personne à des troubles
cognitifs, la mettre en échec ne va… va avoir, je pense aucune… aucun impact. Euh… ça va
être pire je pense de la mettre en échec face à ses difficultés. Par contre si la personne à pas
de troubles cognitifs, là oui je trouve que c’est intéressant de mettre en avant ses difficultés.
Voilà, qu’on discute et qu’on fasse avancer les choses et qu’elle prenne conscience de ça. »
(Entretien C)
« Soit, aussi, y a des troubles cognitifs qui font que, voilà, y a pas de prise de
conscience parce que les troubles cognitifs prennent toute la place. » (Entretien D)
35
La mise en échec d’une personne ayant des troubles cognitifs peut avoir ou non un
impact sur sa prise de conscience de ses difficultés au quotidien. En revanche, pour une
personne qui n’en a pas, la confronter à ses difficultés peut permettre de discuter avec elle
pour l’aider à en prendre conscience.
 Le déni des troubles
« Si malgré tout y a pas de prise de conscience c’est que : un, l’échec est, doit être
digéré, euh… et la personne peut être dans le déni, justement, parce que justement il faut lui
laisser le temps de faire ce deuil, parce que si elle est pas bête elle s’aperçoit à ce moment là
de ses limites ce jour là, soit elle a la capacité à l’accepter, soit elle n’en a pas la capacité°»
(Entretien D)
Si la personne est dans le déni de ses troubles, cela peut être du au fait qu’elle n’a pas
fait le deuil de ses capacités. Si la personne n’a pas la capacité de comprendre son échec, il
semblerait judicieux de lui laisser le temps et revenir dessus ensuite pour faire évoluer la
situation. En revanche, si elle en a la capacité, elle peut prendre conscience de ses difficultés.
4.
Mise en situation : moyen de faire accepter les
préconisations d’aménagement ?
Pour l’ensemble des ergothérapeutes, la réponse est clairement oui.
« Ah oui, ah oui tout à fait. Je pense que d’avoir par exemple à disposition différents
matériels lors d’une visite à domicile pour mettre la personne en situation, c’est là qu’elle
peut se rendre vraiment compte si ça va lui convenir ou pas, et inversement, parfois on peut
avoir des surprises, nous on pense que le matériel qu’on propose ça va être le meilleur qui va
le plus la rassurer ou elle va se sentir le plus en sécurité, finalement non mais du coup le fait
d’avoir pu faire les essais à la maison va pouvoir permettre.. Bah au moins de faire cheminer
la personne par rapport à ça. » (Entretien C)
« Oui bah ça va démontrer à la personne, que ça va… Que les aménagements qu’on
propose, si on lui fait pas essayer, il va pas forcément comprendre pourquoi on lui propose ce
genre de chose, il faut qu’il essaye, il faut qu’il comprenne comment ça fonctionne, quel est
l’intérêt pour lui, il faut travailler un petit peu, en lui montrant chez lui et en retravaillant si
nécessaire à l’hôpital » (Entretien E)
« Ça peut être un moyen mais c’est parfois insuffisant. […] ceux qui sont dans le déni
total de leurs incapacités, tu vas leur proposer toute une liste de… t’aura beau leur proposer
36
une liste d’aides techniques, de moyens ou d’aides humaines ils vont te dire « Mais n’importe
quoi, t’façon une fois qu’j’serais rentré chez moi… » Bah oui mais là on y est chez vous « Oui
oui mais quand je s’rais rentré tout va marcher comme avant » Ouai d’accord, bah toi t’es
pas convaincu. » (Entretien F)
La mise en situation et l’essai de matériel permet de faire comprendre à la personne
l’intérêt des aménagements. De plus, cela lui permet de se rendre compte de ce qu’il va lui
convenir ou non. Ce moyen met la personne devant ses capacités et ses incapacités et ainsi
elle peut cheminer face à sa situation et accepter ou non les propositions d’aménagement.
La mise en situation peut s’avérer insuffisante si la personne est dans le déni total de
ses troubles.
37
Discussion
Synthèse des résultats
En menant cette étude, je souhaitais analyser la pratique professionnelle des
ergothérapeutes dans l’exercice de la visite à domicile auprès de la population des personnes
âgées, de sa préparation à son annonce. Ensuite, je voulais constater si la mise en situation au
domicile est un moyen utilisé par les ergothérapeutes et la façon dont il est abordé. Enfin, je
souhaitais savoir si la mise en situation permet à la personne de prendre conscience de ses
difficultés et si cela facilite son acceptation des préconisations d’aménagement.
A la suite de mes recherches théoriques, j’ai émis l’hypothèse que la mise en situation
au domicile est un moyen qui permet de faciliter l’acceptation des aménagements du domicile
par les personnes âgées.
La synthèse des résultats obtenus par l’analyse des entretiens et leur confrontation
avec la théorie me permettront de juger de la pertinence de mon hypothèse.
La visite à domicile est un exercice commun aux ergothérapeutes. Nous avons vu en
théorie sa définition et son organisation. En amont de la visite, des informations doivent être
recueillies afin d’optimiser le temps lors de la visite et de définir des objectifs, c'est-à-dire les
points clés à aborder au domicile de la personne. Ces informations sont généralement
récoltées auprès du patient ou d’un tiers, s’il n’est pas en capacité de répondre. Elles
regroupent la connaissance de la personne : son mode de vie, ses habitudes, ses activités, et
une description de son domicile. Des ergothérapeutes utilisent une méthodologie particulière
pour cibler les informations. Au cours de différents stages, j’ai pu observer des documents qui
permettent de cibler et de synthétiser ces informations.
La question de la pertinence de la visite à domicile a été soulevée par une des
ergothérapeutes interrogées. Afin d’évaluer cela, il est intéressant de réaliser, au préalable, des
évaluations écologiques, pour faire un point sur l’indépendance et l’autonomie de la personne.
Sérier les obstacles et les difficultés que la personne âgées rencontrait et qui pourront être
rencontrés à son domicile, permet d’approfondir la nécessité de réaliser ou non une visite à
domicile. Mais comme le disait Mme D ; « c’est pas parce qu’ils sont, on va dire, autonomes
ou indépendants en institution qu’ils vont forcement l’être chez eux. »
Je pense que même si la personne est autonome et indépendante à l’hôpital, la visite
à domicile pourra être un temps de réassurance quant à la faisabilité d’un retour et d’un
maintien à domicile en sécurité, tant pour le professionnel que pour la personne. L’hôpital est
38
un lieu où les patients sont protégés, les équipes sont présentent pour tenter de répondre à
leurs demandes et à leurs besoins. Mais à domicile, si la personne vit seule, il faudra mettre en
place des aides matérielles et/ou humaines pour qu’elle puisse vivre en toute sécurité, encore
faut-il que ces aides soient accepter.
La visite à domicile est un temps pouvant être perçu comme intrusif par la
personne. En effet, à l’hôpital, nous pouvons dire que les professionnels sont « chez eux »,
que c’est leur territoire. Les patients s’adaptent tant bien que mal à l’environnement, aux
rythmes de la journée imposés par ceux des différentes équipes. Mais lorsqu’il s’agit d’aller
chez la personne, le professionnel prend une place d’étranger. Pour diverses raisons, elle peut
ne pas accepter la visite à domicile. Il s’agit donc de préparer la façon d’aborder le projet de
visite à domicile. Chaque ergothérapeute a là aussi, sa façon d’annoncer le sujet à la personne.
Cette dernière est en droit de refuser une visite à domicile, ils convient donc de signifier que
c’est une proposition et un accompagnement pour faciliter son retour et son maintien à
domicile. Aussi, je pense que la relation construite avec la personne influence la façon
d’aborder la question de réaliser une visite à domicile.
Mme F m’a fait justement remarquer que l’annonce de la visite à domicile peut
avoir un impact psychologique sur la personne : « on annonce la visite et qu’est ce qui se
passe la veille de la visite, y a des gens ils vont pas dormir de la nuit, ils sont complètement
stressés. Y a des gens moi j’ai retrouvé chuté […] Y a une espèce de stresse on va dire, on me
met en situation, ils vont vérifier tout… » Cela me confirme que l’annonce de la visite à
domicile peut avoir un impact sur la personne et sur la façon dont elle va se dérouler. Afin de
limiter cet impact, je pense que d’expliquer le but de la visite à domicile, ce qu’il va s’y
passer, quelle est son organisation, permet d’apaiser certaines craintes. Il faut être rassurant
envers la personne et ne pas se placer en tant qu’évaluateur. Aussi, je pense que de rester
disponible pour répondre aux questions de la personne aura une influence.
La visite à domicile permet à l’ergothérapeute de faire des préconisations
d’aménagement. Je m’interroge donc sur la façon d’aborder ces préconisations avec la
personne. L’analyse des entretiens me montre la complexité des réactions des personnes face
à ces préconisations. Ces réponses sont variables d’un individu à un autre : soit il accepte sans
soucis car il a compris l’intérêt de ces propositions, soit il est réticent voir refuse pour
diverses raisons.
39
L’abord de la visite à domicile peut avec un impact direct sur ces réactions. En
effet, si la personne interprète la visite à domicile comme une évaluation, elle peut s’opposer à
toutes propositions de la part de l’ergothérapeute.
Nous avons vu que le domicile est un lieu remplit de symboles et de
représentations. Il est le reflet de l’identité et de la personnalité de la personne. Cette dernière
met en œuvre des mécanismes d’appropriation pour qu’elle se constitue chez elle en décorant,
en exposant des souvenirs ou en les cachant, en investissant certains espaces plus que d’autres
de son domicile, … Des habitudes et des rituels se créent au fur et à mesure du temps et en
fonction des aménagements du domicile.
Une des premières raisons de refus des préconisations d’aménagement, mise en
avant par les ergothérapeutes, est la peur du changement des habitudes. Le métier
d’ergothérapeute vise à maintenir, restaurer les activités humaines en prévenant, réduisant ou
supprimant les situations de handicap. Au vue de cette définition la prise en compte des
habitudes de vie de la personne est l’essence de ce métier. Et dans le cas de préconisations
d’aménagement de domicile, il me semble important d’en tenir compte afin d’être en
adéquation avec les aspirations de la personne.
Il existe un fort attachement de la personne à son domicile. Les personnes âgées de
plus de 60 ans peuvent habiter le domicile où elles sont nées, qu’elles ont partagé avec leurs
parents et leurs enfants. Ou bien, c’est elles qui l’ont construit, pierre après pierre avec leur
conjoint. Des modifications, même minimes, de leur habitat peuvent ne pas être acceptées. Si
cela fait 50 ans que le meuble est à cette place, pourquoi le bouger ? Je reviens donc encore
une fois sur le fait d’expliquer à la personne les préconisations pour lui permettre de
comprendre.
L’aspect financier est aussi un motif de réticence face aux préconisations. Malgré
une prise en charge possible par divers financeurs10, le reste à charge peut ne pas être possible
par la personne car ses revenus sont insuffisants ou alors, la personne ne veut pas financer.
C’est un autre aspect qu’il ne faut donc pas négliger lors de l’élaboration des préconisations.
Il faut trouver le juste milieu entre le coût et le bénéfice de ses préconisations pour la
personne, comme l’explique Mme F. Les assistants sociaux ont un rôle important. Ils
participent à l’organisation du retour à domicile des personnes à la suite d’une hospitalisation
10
Protection sociale (de base et complémentaires), conseils généraux (Allocation Personnalisée d’Autonomie,
Prestation de Compensation de Handicap et Fonds Départemental de Compensation), aides extralégales d’autres
niveaux de collectivités en extralégal (Centres Communaux d’Actions Sociale, conseils régionaux), actions
sociales des caisses primaires d’assurance maladie, Association de Gestion des Fonds pour l’Insertion des
Personnes Handicapées-Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique)
40
en recherchant des solutions adaptées aux situations des personnes et en lien avec les
professionnels ayant participé à leur prise en charge. Le service social informe les patients sur
leurs droits, sur les aides dont ils peuvent bénéficier pour faciliter leur maintien à domicile
(aide ménagère, portage de repas, téléalarme,…). Il accompagne les personnes dans les
démarches de demande d’aides financières. La collaboration avec le service social est, me
semble-t-il, primordial lors de la visite à domicile et pour favoriser le retour à domicile de la
personne.
Comme nous le voyons, les ergothérapeutes peuvent être confrontés à des
réticences ou à des refus face à leurs préconisations d’aménagement. Ma question de
recherche vise à trouver les moyens permettant de faciliter l’acceptation des personnes âgées
face à des préconisations d’aménagement de la part de l’ergothérapeute. J’ai donc émis
l’hypothèse que la mise en situation au domicile de la personne est un moyen qui lui permet
d’accepter les préconisations d’aménagement.
Je pense que la façon d’aborder la mise en situation au domicile de la personne peut
avoir un impact sur le mécanisme d’acceptation. Rappelons que lorsque l’ergothérapeute est
au domicile de la personne, il est étranger. Il convient donc de laisser la personne reprendre
son rôle de maitre de ses lieux en lui laissant prendre l’initiative de faire visiter son domicile.
La personne doit rester actrice de sa prise en charge.
L’ergothérapeute peut induire la visite en demandant à la personne de reprendre les
activités qu’elle réalise dans une journée, du lever au coucher. Ainsi, l’ergothérapeute pourra
observer et analyser les habitudes et le mode de vie de la personne. Cette méthodologie
permet aussi de demander à la personne de se mettre en situation lorsque l’ergothérapeute
pointe du doigt d’éventuelles difficultés ou insécurités. La personne saisit ainsi l’intérêt de la
mise en situation car elle est replacée dans un contexte de vie quotidienne.
La mise en situation au domicile permet d’être au plus proche de la réalité du
quotidien de la personne. En effet, à son domicile, la personne a ses habitudes, ses
automatismes qu’elle ne retrouve peut être pas à l’hôpital. Le domicile est un lieu fait de
repères, avec les meubles, les objets, l’agencement des pièces,… Mettre en situation une
personne dans un environnement qu’elle ne connait pas lui demande de s’adapter. Si elle n’en
a pas la capacité, l’exercice sera donc faussé.
Mme D soulève un point que je trouve très intéressant : la personne peut être
indépendante et autonome en institution mais ne pas l’être une fois chez elle, et inversement.
Je pense donc que la mise en situation au domicile est un moyen permettant à
41
l’ergothérapeute de se rendre compte de cela et si elle retrouve ses repères et ses
automatismes.
Aussi, la mise en situation au domicile de la personne permet à l’ergothérapeute
d’ajuster ses objectifs de prise en charge. Si elle remarque des activités où la personne peut
améliorer ses capacités, il s’agira de les retravailler en séance.
La mise en situation de la personne à son domicile lui permet-elle de prendre
conscience de ses difficultés ? En posant cette question, je suppose que si la personne prend
conscience de ses difficultés, elle acceptera plus facilement les préconisations d’aménagement
de son domicile. Les entretiens me montrent que cela est complexe. Même si la réponse à ma
question est dans l’ensemble positive, les ergothérapeutes émettent des nuances.
Le vieillissement est un processus inévitable. Des personnes peuvent ne pas
accepter les changements opérés par ce processus et être dans le déni de leurs difficultés.
Nous avons vu qu’en vieillissant, les personnes mettent en place des stratégies d’adaptation
pour pallier à leurs déficiences. La mise en situation peut être une étape à cette prise de
conscience. Je pense que lorsque la personne prend conscience de ses difficultés, elle aura
besoin d’un temps pour analyser sa situation et pour y réfléchir. L’ergothérapeute pourra alors
adopter une position d’écoute et d’accompagnement pour faire évoluer la situation. Aussi, les
troubles cognitifs résultant de diverses pathologies peuvent empêcher cette prise de
conscience.
Validation de l’hypothèse
Par l’analyse des entretiens, j’ai pu valider ou invalider mon hypothèse. Toutes les
ergothérapeutes interrogées considèrent que la mise en situation au domicile de la personne
est un moyen qui lui permet d’accepter plus facilement les préconisations d’aménagement de
son domicile.
Ce moyen peut aider la personne à prendre conscience de ses difficultés si elle ne les
voit pas ou ne veut pas les voir. Ainsi, cette prise de conscience peut induire que la personne
accepte les préconisations d’aménagement.
C’est lors de la visite à domicile que l’ergothérapeute peut amener du matériel
paramédical pour le faire essayer à la personne et pour juger de la pertinence de cette
préconisation. Il pourra alors demander à la personne de se mettre en situation avec et sans le
matériel pour comparer les deux situations. Par cela, la personne juge d’elle-même l’intérêt de
ses préconisations.
42
Une des ergothérapeutes, Mme F, avance que ce peut être insuffisant d’utiliser la mise
en situation au domicile de la personne pour faciliter son acceptation des préconisations. Si la
personne est dans le déni total, en proposant diverses solutions et en les argumentant, elle ne
les prendra pas en considération. En effet, elle peut accepter les préconisations pour être
« tranquille » ou « faire plaisir » à l’ergothérapeute, mais une fois seule chez elle, c’est à elle
seule qu’appartient le choix de mettre en applications les conseils et les propositions.
L’analyse des entretiens et la synthèse des résultats me permettent de valider mon
hypothèse. Aussi, cela m’a permis de me poser de nouvelles questions.
Nouveaux questionnements
Suite à l’analyse des données recueillies, il me vient de nouveaux questionnements.
Comme le soulève très justement Mme F, si la personne est dans le déni total de ses
difficultés et que la mise en situation à son domicile ne suffit pas à induire une prise de
conscience et à accepter les préconisations, quels autres moyens peuvent l’aider en ce sens ?
La famille peut-elle avoir un rôle sur le mécanisme de deuil des capacités de la
personne âgée et ainsi sur le mécanisme d’acceptation des préconisations d’aménagement ?
Souvent, l’entourage proche est convié à participer à la visite à domicile. Celui-ci peut aider
l’ergothérapeute à faire comprendre les intérêts des aménagements et les bénéfices que la
personne peut en tirer.
Aussi, lorsque la personne rentre chez elle, comment s’assurer qu’elle met en œuvre
les préconisations et les conseils de l’ergothérapeute ? Quel rôle l’ergothérapeute peut-il avoir
à distance d’un retour à domicile pour permettre un maintien à domicile en toute sécurité et
ainsi éviter une nouvelle hospitalisation ?
Voici autant de questions que je me pose à la suite de mon enquête auprès
d’ergothérapeutes. Je vais maintenant analyser et critiquer la méthode que j’ai employée afin
de cerner les points que je pourrai améliorer pour réaliser une autre enquête.
Critique de la méthode
J’ai réalisé des entretiens auprès de six ergothérapeutes faisant partie de la même
équipe et travaillant au sein de la même structure. J’ai ainsi pu recueillir de nombreuses
données en lien avec ma problématique. Mais j’aurai pu interroger d’autres ergothérapeutes,
travaillant dans le même type de structure, dans un autre établissement pour croiser les
43
pratiques. Je pense que chaque équipe à son mode de fonctionnement ainsi que chaque
établissement.
Du fait d’avoir réalisé les entretiens dans une seule structure, je n’ai pas pu en réaliser
auprès de personnes âgées, ce qui était mon souhait de départ. En effet, toutes les personnes
âgées séjournant dans le centre ne rentraient pas dans les critères que j’avais prédéfinis.
J’ai adopté une position d’écoute lors des entretiens, ainsi j’ai pu recueillir de
nombreuses données très intéressantes et exploitables mais après analyse, il me manque des
précisions ce qui ne me permet pas d’approfondir certains points. Je ne souhaitais pas couper
la parole des ergothérapeutes pour demander des précisions de peur de les couper dans leur
discours et de passer à côté d’informations importantes.
Aussi, la dernière question de mon entretien était une question qui interrogeait
directement sur mon hypothèse. J’ai formulé cette question comme une question fermée ce
qui impliquait que je devais demander aux ergothérapeutes de justifier leur réponse.
Pour finir, les informations que j’ai recueillies m’ont permis de répondre à ma
problématique et de me poser de nouveaux questionnements.
44
Conclusion
Le souhait de nombreuses personnes âgées est de rester vivre le plus longtemps
possible dans leur domicile ; « le maintien à domicile reste la solution préférée pour une
majorité de français et devient ainsi un enjeu majeur pour l’avenir » (TROUVE, 2011, p 363)
L’ergothérapeute, de part sa formation et ses connaissances, a un rôle important dans
le maintien à domicile des personnes âgées. En effet, il peut être amené à adapter leur
environnement, afin de favoriser leur participation dans leur milieu de vie, leur indépendance
et leur autonomie. Cette adaptation peut passer par la préconisation d’aides techniques,
humaines, animal, ainsi que par l’aménagement d’espace de vie.
Malgré leur souhait de rester le plus longtemps possible chez elles, les personnes âgées
peuvent être réticentes ou refuser les conseils et les préconisations d’aménagement de leur
domicile de la part des ergothérapeutes.
C’est par cette constatation que j’ai choisi de réaliser mon travail de recherche sur les
personnes âgées et leur acceptation des aménagements du domicile. Je souhaitais trouver les
moyens permettant de faciliter cette acceptation lors de l’exercice de la visite à domicile.
Ce travail d’initiation à la recherche m’a permis d’approfondir mes connaissances sur
les impacts du vieillissement chez une personne et, sur le domicile en tant qu’espace
psychique. En faisant le lien entre ces deux apports théoriques, j’ai pu appréhender les raisons
pour lesquelles les personnes âgées souhaitent vivre le plus longtemps possible dans leur
domicile, ainsi que celles qui peuvent les pousser à ne pas accepter les modifications de leur
environnement.
La mise en situation écologique au domicile de la personne peut être un moyen
permettant à la personne âgée d’accepter les préconisations d’aménagement de son domicile.
Mais ce moyen peut se révéler être insuffisant lorsque la personne est dans le déni de ses
difficultés.
La façon d’aborder le projet de réaliser une visite à domicile peut avoir un impact sur
cette notion d’acceptation. Il en est de même pour l’approche de la mise en situation au
domicile. La construction d’une relation avec la personne permet d’adopter une approche en
adéquation avec la personnalité de la personne et en lien avec ses attentes, ses demandes et ses
besoins.
45
Dans ma future vie professionnelle, je tenterai de mettre en place les préconisations
que j’ai énoncées tout au long de ce travail. Je pourrai ainsi juger, de part moi-même, de leur
faisabilité. Il est pour moi essentiel de prendre en compte toute les dimensions que le domicile
peut avoir pour la personne afin de répondre au plus juste aux objectifs ergothérapiques et à
ceux de la personne.
46
Bibliographie
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[En ligne] Disponible sur internet. <http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/vieillissement-population-enjeusociete-20130312.html> (Consulté le 23 Mai 2014)
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Annexes
Annexe 1 : Schéma du Processus de Production du Handicap
Annexe 2 : Grille d’entretien pour les ergothérapeutes
Annexe 3 : Grille d’entretien pour les personnes âgées
Annexe 4 : Retranscription des entretiens réalisés auprès d’ergothérapeutes
Annexe 1 : Schéma du Processus de Production du Handicap
Annexe 2 : Grille d’entretien pour les ergothérapeutes
Comment préparez-vous la visite à domicile ?
Par cette question, je m’intéresse à la pratique professionnelle de chaque ergothérapeute interrogé.
Aussi, je souhaite voir si l’ergothérapeute focalise sa préparation sur l’aspect matériel de la visite à
domicile, sur l’aspect psychologique, c'est-à-dire la préparation psychique de la visite à domicile avec
la personne chez laquelle a lieu la visite, ou bien encore sur les deux aspects.
Comment abordez-vous la question de la visite à domicile avec les personnes âgées ?
Je cherche à savoir comment les ergothérapeutes abordent la question de la visite à domicile :
présentent-ils le déroulement de la visite à domicile ? Prennent-ils en compte l’aspect émotionnel de la
visite et l’abordent-ils avec la personne ? Abordent-ils le but de la visite à domicile ? Expliquent-ils
comment va se dérouler la visite à domicile ?
Quelles sont les réactions des personnes face à la proposition d’aménagement de leur domicile ?
Dans un premier temps, je m’intéresse à la réaction première des personnes face à l’annonce des
préconisations de l’ergothérapeute. Ensuite, je souhaite savoir ce qui peut influencer ces réactions ?
Aussi, je souhaite savoir si les ergothérapeutes ont déjà été confrontés à des refus de la part de la
personne âgée et/ou de son entourage.
Dans le cas d’un refus ou d’une résistance à la proposition d’aménagement, pouvez-vous me
citer les raisons mises en avant par les personnes ?
Je souhaite connaitre les éléments récurrents de qui entrainent un refus ou une résistance. Est-ce que
les ergothérapeutes prennent en compte les réactions des personnes pour ajuster leur discours et
trouver des solutions qui conviennent à la personne (et/ou son entourage) et aux professionnels
(ergothérapeutes, service de soins infirmier à domicile,…)
Lors de la visite à domicile, utilisez-vous la mise en situation de la personne dans son
environnement ?
Si oui, pouvez vous m’expliquez comment vous abordez la mise en situation.
Toujours dans le but de savoir si les ergothérapeutes prennent en compte l’aspect psychologique de la
visite à domicile, je souhaite savoir comment ils abordent la mise en situation, s’ils expliquent
l’objectif de la démarche, s’ils se placent en tant que professionnel au domicile ou s’ils respectent le
fait qu’ils ne soient pas chez eux mais chez la personne.
Quels sont les intérêts, selon vous, de mettre en situation la personne dans son environnement ?
Je souhaite comprendre pourquoi les ergothérapeutes utilisent la mise en situation et pas un autre
moyen et surtout saisir l’importance de le faire au domicile et pas au sein de l’établissement où
séjourne la personne avant son retour à domicile.
Pensez-vous que la mise en situation permet à la personne de prendre conscience de ses
difficultés ?
Je souhaite saisir les nuances qu’il peut y avoir autour de la mise en situation : est-il utile de réaliser
des mises en situation si la personne ne voit pas l’intérêt de la démarche, si elle persiste en disant que
tout va bien se passer une fois à la maison ?
Pensez-vous que c’est un moyen de faire accepter à la personne les aménagements ?
Avec cette dernière question, je souhaite approfondir la question de la mise en situation afin d’en
comprendre encore mieux les intérêts.
Annexe 3 : Grille d’entretien pour les personnes âgées
Quelle a été votre réaction lorsque l’ergothérapeute vous a proposé une visite à domicile ?
Je souhaite savoir comment les personnes ont réagi lorsque l’ergothérapeute leur à proposer de réaliser
une visite à leur domicile : est ce qu’elles appréhendent ? Acceptent-elles puis refusent-elles pour
telles ou telles raisons ? Et quelles sont les raisons ? Ont-elles peur de ce que l’ergothérapeute va faire
à leur domicile ?
J’observerai aussi les micro-expressions faciales et les expressions corporelles qui peuvent révéler plus
d’information sur le ressenti que la parole.
L’ergothérapeute vous a-t-il demandé de vous mettre en situation chez vous ? (/ex : faire la
vaisselle, préparer du café, …)
Si oui, comment avez-vous vécu ces moments ?
Je souhaite savoir si la personne à compris l’intérêt de la mise en situation. Est-ce qu’elle a réalisé la
tâche demandé pour faire répondre à la demande de l’ergothérapeute
Aussi, je cherche à avoir leur interprétation de l’exercice : « On me demande de faire ça pour voir si je
ne perd pas la tête, si je suis encore capable de le faire… »
Comment avez-vous vécu la visite à domicile ?
Je souhaite voir si les personnes vivent ce moment comme une intrusion ou non. SI mettent des freins
ou non au déroulement de la visite ? Vivent-ils la visite comme un temps d’angoisse, de stress, de peur
de ne pas retrouver un jour leur domicile ?
Comment vous sentez vous dans votre domicile ?
Par cette question, je souhaite comprendre pourquoi les personnes âgées sont tant attacher à leur
domicile ? Que représente-t-il pour elles ?
L’ergothérapeute vous a-t-il proposé des aménagements ?
Comment vous a-t-il annoncé qu’il fallait réaliser des aménagements ?
Comment avez-vous vécu cette proposition ?
Ces deux questions me permettent d’appréhender la façon dont les ergothérapeutes abordent les
préconisations d’aménagements et, comment cela est perçu et ressenti par les personnes.
Annexe 4 : Retranscription des entretiens réalisés auprès d’ergothérapeutes
Entretien A :
Comment tu prépares la visite à domicile?
Moi j’aime bien dire que la visite à domicile, c’est un peu comme un iceberg. Y a effectivement la
partie visible qui va être la visite en elle-même mais y a effectivement toute la partie invisible, toute la
préparation. Déjà la préparation, c’est déjà nous juger de la pertinence de la visite à domicile, donc de
la proposition qu’on va faire. Le proposer à la personne, à la famille. Quand tout le monde est
d’accord, et bin c’est convenir du... du bon rendez vous. Et puis après, à moi d’anticiper aussi si j’ai
besoin d’emmener du matériel, si je vais prévoir des mises en situation à domicile. Ou aussi, certaines
visites à domicile, est-ce que les équipes du service de soin à domicile auront besoin d’être présentes ?
Donc y a toute cette organisation là qui ce fait avant. Voilà, ouai, j’crois que j’oublie rien. (Rires)
Comment t’abordes la question de la visite à domicile avec la personne, avec le patient ?
Tout dépend aussi un p’tit peu de la personnalité de la personne. Mais déjà j’l’aborde, euh.., en parlant
de la question du retour, du retour vers la maison. Et aussi, euh…, en disant que, que c’est déjà une
proposition et que c’est un accompagnement aussi, pour faciliter le retour à la maison, pour reprendre
contact avec le logement quand ça fait longtemps qu’on ne l’a pas fait. Hum…, Ca c’est quand c’est…
implicite et parfois c’est plus direct aussi avec certaines personnes qui comprennent aussi très vite la
dynamique de la visite. Et on sait que ça va être soit pour des propositions d’aménagements ou pour
des mises en situation, des fois c’est plus clair avec certaines personnes.
Quelles sont les réactions des personnes face à d’éventuelles propositions d’aménagements de
leur domicile ?
Tout dépend du contexte justement avant, dans lequel on était. Est-ce qu’on a quelque part, euh..,
induit d’avantage la visite à domicile ou est-ce que… Parce que parfois c’est un peut ça… Nous on
sent que c’est hyper important, mais la personne freine un peu pour plein de raisons. Soit parce qu’elle
est dans le déni, ou soit parce qu’elle n’a pas trop envie qu’on vienne faire intrusion. Parce que je
trouve qu’une visite à domicile malgré tout, c’est toujours intrusif. Y a toujours plein de motifs et là…,
les aménagements ils peuvent être un p’tit peu moins bien, moins bien accueillis, les propositions,… et
parfois du coup c’est très bien, parfois certaines familles ont déjà pensé à plein de chose avant. Et je
trouve que parfois le plus difficile, enfin moi je pars toujours sur un principe, c’est que, euh, c’est
qu’on part sur des aménagements quand même à minima, on part jamais sur des grands travaux en
règle générale parce que c’est beaucoup de stress quand même pour la personne, et ça voudrait dire
aussi maintenir plus longtemps l’hospitalisation. Donc c’est essayer d’être le plus pertinent et le plus
efficace possible sur les propositions et…, parfois c’que les personnes ont le plus de mal à accepter
finalement, c’est le changement des habitudes. Soit le changement des habitudes dans le rythme de la
journée ou aussi simplement enlever un meuble, alors parfois c’est va juste être une console ou un
tapis, des fois c’est juste des trucs comme ça mais ça passe pas non plus. Ca passe… c’est… J’trouve
c’est plus difficile d’enlever des choses que de proposer du matériel médical, ça passe souvent mieux
de proposer que d’enlever.
Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement quelles sont les
raisons qui sont souvent mises en avant par les personnes ? Que t’as pu entendre ?
Euh… (Blanc)
Ca demande de se souvenir ! (Rires)
De retrouver des situations… Alors parfois si, y a des aménagements ou des travaux, y a la question de
qui va engager les travaux, ça, ça reste souvent hyper compliqué. Et je me souviens d’un monsieur qui
est resté du coup deux mois de plus hospitalisé car en faite, le plombier faisait des devis exorbitants et
c’était un copain, euh…, du fils de sa compagne, enfin un schmilblick pas possible. Y avait une
histoire pas possible cachée la dessous. Et le plombier, mais… les devis qu’il a fait c’était énorme et
on a fini par rayer des choses sur le devis pour le réajuster et pour diminuer le coût. Et ça finalement,
au final, le monsieur il voulait plus rien entendre du devis, il voulait partir. Et ça je trouve que le fait,
que moi j’ai à m’impliquer dans cette histoire de devis, ça j’trouve que ça a compliqué quand même
les choses, mais sinon y avait personne d’autre. Y avait que le fils de la compagne, mais qui lui était
partie prenante aussi du plombier. Donc y avait un peu arnaque… arnaque sur le devis en faite.
Et qu’est-ce qu’est le plus difficile… Les motifs de refus… Si ça chamboule trop leurs habitudes… ou
leur environnement.
Ouai comme tu disais avec les tapis, par exemple pour enlever un tapis, qu’est qu’ils disent ?
Bah ils disent que le tapis ne les a jamais fait tomber, donc pourquoi il les ferait tomber maintenant
Classique comme réponse (rires)
T’as pas eu d’autres raisons exorbitantes, qui sortaient de l’ordinaire ? Comme ça, à blanc…
Non, parce que au final, j’trouve que le coût financier c’est pas tant… C’est pas une raison. C’est plus
vraiment ces changements d’habitudes et qui va faire ? Dire que si… si on… C’est prendre la décision
et passer à l’acte. C’est ça qu’est le plus difficile. C'est-à-dire que si on est plusieurs à la visite à
domicile et pour aider à prendre la décision, euh, et que la personne au final, soit on force un petit peu
plus la main si on sent que c’est vraiment scabreux, et si on sent qu’y a des résistances, bah des fois
c’est vrai que ça vaut le coup de le faire aussitôt et comme ça après on essaie de retrouver, euh,
enfin… une fois que c’est fait c’est fait. Du coup ça souvent c’est pas mal. Et sinon c’est essayer de
retrouver aussi après une petite compensation, ou faire un compromis aussi sur…, bah si y a trois tapis
à enlever et que vraiment la personne à des résistances, on essaie de voir pour…, soit pour en enlever
un seul ou essayer de mettre un tapis anti dérapant sous l’autre ou… Qu’est ce qui va… parce que
l’idée, l’idée c’est que de toute façon… euh… bin, on est force de proposition, on est là pour proposer,
conseiller. C’est vrai qu’enlever directement le tapis, si faut enlever toute la table, en générale c’est
pas nous qui le faisons. Et l’idée c’est que quand même, pour nous c’est de faire passer le message
parce que, et que ce soit réellement fait. Si, si je me dis je préconise ça ça et ça et je vois bien qu’y a
des résistances mais que j’me fiche des résistances et qu’au final j’aurai un beau compte rendu bien
rempli mais que ce sera pas fait. Est-ce que ça vaut vraiment le coup ? Ou est ce que ça vaut le coup de
comprendre la personne sur ce qu’est important et d’essayer de négocier un peu avec elle aussi.
La négociation ça parait important.
D’expliquer pourquoi, expliquer pourquoi nous on pense qu’il faut l’enlever et parfois c’est par une
mise en situation, si je reprends l’exemple d’un tapis et d’une table basse qui va gêner sur un espace,
et bah c’est vrai que c’est mettre en situation aussi la personne. Moi je trouve que c’est vraiment lors
des mises en situation que la personne elle peut aussi se rendre compte. Si on fait que un état des lieux
du logement, forcement nous y a des choses qui vont nous sauter aux yeux. Mais si on fait qu’un état
des lieux et après on fait notre listing, là ça va pas passer. Et j’trouve aussi que la visite à domicile et
les conseils donnés, à domicile, euh… y vont être d’autant plus attendus, euh… de euh… Entendus du
moins, par rapport à tout ce qui se sera passé entre nous avant. C'est-à-dire que si la personne elle nous
connait bien, qu’elle a confiance en nous, le message il va beaucoup mieux passer. Si, c’est quelqu’un
qu’on a vu, euh, vraiment très ponctuellement ou on ne s’est pas rendu suffisamment disponible quand
elle avait besoin, même pour des toutes petites choses, même un appel dans la chambre, et bah là notre
message il aura beaucoup plus de mal a passer, et c’est vrai que par rapport à ça c’est souvent, enfin la
visite à domicile elle arrive souvent vers la fin de la prise en soin et que vraiment souvent, c’est gar…
enfin… le résultat et l’acceptation il est souvent en lien avec tout ce qui s’est passé aussi avant.
La construction d’une relation de confiance ?
Ouai je trouve que ça c’est quand même souvent révélé. C’est vrai que je trouve que la visite à
domicile est rudement intrusive et que ici les patients finalement ils sont chez nous, c’est notre
domaine ici l’hôpital. Ils s’adaptent tant bien que mal, pour certains, mais quand on arrive chez eux et
bien on inverse les rôles, on est chez eux donc à nous de garder notre place d’étranger, en les laissant
aussi ce réapproprier le logement. Parce que j’aime bien au début d’une visite à domicile, c’est de
laisser les dix premières minutes sans rien. Et moi je vois un petit peu ce qu’il se passe. Si la personne
elle… Elle retrouve, euh, ses repères, ou elle est entrain de râler parce que le courrier il est pas ranger
là où il devrait être ou parce qu’elle a envie de chercher son pull ou son foulard ou je sais pas quoi…
elle réinvesti son logement et ça je trouve que c’est un bon signe pour le retour à domicile, j’ai pas fait
d’étude la dessus, sur la question. Alors que parfois y a des personnes qui vont être très vite attentistes
et se placer derrière finalement nous en attendant ce qu’on va proposer et ça je trouve que c’est un
signe, les personnes elles ne sont pas tout à fait prêtes à réinvestir leur logement et je me dis pour le
retour à la maison, c’est pas… c’est pas tip-top souvent ouai, j’aime bien ces dix premières minutes.
C’est vrai que je me suis jamais posée cette question.
Pour laisser un peu …
Laisser un peu le temps aux gens de rester chez eux, de reprendre contact avec leur vie
C’est reprendre contact. Ca passe souvent par du linge à retrouver, le courrier, les plantes vertes ou les
volets. Ca passe par ces petites choses là souvent. Et souvent ça passe (rires)… j’trouve c’est encore
meilleur signe quand ils râlent (rires) Parce que souvent… surtout si la maison était vide, s’ils vivent
tout seul, bin se sont des étrangers, enfin des étrangers, ou les enfants, et pas des gens qui y vivent
habituellement, on n’a pas les mêmes habitudes de rangements… Et souvent, le fait de dire « non moi
je mets ça la… » Ca je trouve que souvent c’est un bon signe. Et puis j’essais de faire attention aussi,
quand on parlait de tout ce qui ce passe, la partie de l’iceberg, la relation antérieure à la visite à
domicile, y a aussi un moment qu’est important, c’est le trajet aussi, c'est-à-dire aussi je fais hyper
gaffe à la façon dont je conduis et souvent ici le premier stop il est assez terrible parce que la voiture…
Tu reprends contact avec le frein !
Ah ouai, je fais gaffe à la voiture, et les collègues disent ça aussi. Et après je fais très attention à la
façon dont je conduis. Parce que pour certaines personnes aussi, y a toute la symbolique que ça peut
aussi vouloir dire d’aller à l’extérieur et de retourner chez elle. Parfois, les personnes elles reprennent
contact avec le milieu extérieur qu’au moment de la visite à domicile après plusieurs mois. Donc
retrouver la circulation, retrouver plein de choses, c’est nouveau, plus le stress de retourner à la
maison, plus parfois l’enjeu qu’il peut y avoir, d’un retour ou de dire « bah le retour va pas être
possible » et ça en générale ils le sentent qu’il y a cet enjeux là. Donc des fois dans la voiture c’est
laisser place à la parole ou au silence. C’est essayer de questionner ou laisser place au silence qui peut
être légitime pour cette période un peu de stress aussi. Et puis c’est dans la voiture qu’on apprend que
la personne conduit et a envie de reconduire (Rires) Et là tu dis oups !
Faut qu’on mette les choses au clair en arrivant
J’me souviens d’un monsieur amputé tibial qui habitait dans la campagne donc on avait du trajet. On
avait bien trois quarts d’heure de route. Il habitait dans une petite commune aussi à la campagne. Et là
j’ai appris dans la voiture qu’il conduisait une voiture sans permis. Donc amputé tibial… Et j’ai
commencé à dire dans la voiture que ce s’rait pas possible et arrivé chez lui il m’a montré le trajet
qu’il faisait. Il y avait quand même des carrefours importants. J’me suis dis c’est pas possible et quand
j’ai vu la voiturette, c’était une voiture sans permis… Vert, vert pomme (Rires) j’ai dis c’est tout
bonnement pas possible et quand j’ai dis que ce s’rai pas possible de reconduire, il ne m’a plus adressé
la parole du reste du séjour (Rires) Il était pas content !
Donc tu m’as dit que tu utilisais des mises en situation au domicile, comment t’abordes ça avec
la personne ? Par exemple tu lui demandes de faire un café, comment t’abordes ça ?
Déjà d’entrée de jeu, moi mes visites à domicile pour être sûre de… de passer un petit peu partout et…
et qu’ça puisse avoir un peu un sens, d’entrée de jeu je dis à la personne qu’on va reprendre les
activités importantes d’une journée sur 24 heure. Donc du coup on commence par la chambre. On
essaie le lever le coucher. Après on passe par les toilettes, la salle de bain. Et puis après la cuisine, et
là on propose… Parfois je propose effectivement la préparation du café… Du café ou juste chauffer de
l’eau. Ou parfois je peux faire un peu du vécu pendant ce temps là aussi. Et… et après bin je vois si la
personne, enfin si y a un salon, si y a une véranda, si y a un jardin. On essai de voir un peu tous ces
lieux qui peuvent être importants.
Quels sont les intérêts selon toi de mettre en situation une personne dans son environnement ?
Bah c’est déjà la reprise du contact et qui peut... Réassurer, souvent la plupart du temps la personne et
qui peut moi aussi, me permettre de… de replanifier après la suite de ma prise en charge. L’exemple
avec Mr J., c’est que, c’est quelqu’un qui cuisine chez lui et qui utilise son four et son four est à
hauteur comme ici mais la porte s’ouvre comme ça. Et donc vu ses troubles lui aussi au niveau des
membres sup, c’est comment lui permettre de continuer à réutiliser son four sans se brûler, sans se
blesser ? Donc on avait fait une première mise en situation assez rapide, juste me montrer les plats
qu’il utilisait et comment il faisait et du coup on l’a retravaillé ici. Là du coup j’ai compris ces
habitudes et du coup c’est moins scabreux que c’que j’pensais. Et c’est vrai des fois les mises en
situation elles sont un petit peu…, elles sont plus ou moins complètes parfois à la maison, parce qu’on
n’a pas toujours tous les éléments mais ca permet aussi de reprendre après ce travail ici.
Mais la mise en situation, à la fois elle est… enfin c’est l’essence même de notre travail et ça
correspond vraiment aussi aux besoins des personnes. Parce que si on est juste là pour inspecter le
logement. Alors si y a une super douche mais qu’elle est jamais utilisée… Ca sert pas… Ca sert à rien.
Ou si euh, si on revoit des obstacles, par exemple un escalier qu’a l’air hyper pentu ou pas très bien
équipé, pas de rampes tout ça, mais si la personne elle ne l’utilise pas, ça va pas poser de problème
non plus. C’est vraiment repartir des besoins de la personne et des activités qu’elle souhaite refaire. Ca
c’est important.
Et est ce que tu penses que de mettre en situation la personne ça peut lui permettre de prendre
conscience de ses difficultés ?
Aussi oui… Hum. Alors là ça… Quand on… Souvent on sent quand il va y avoir des difficultés, il faut
l’aborder aussi de façon judicieuse enfin pas trop abrupte parce que souvent à la visite à domicile y a
souvent un membre de la famille, donc c’est essayer de l’aborder quand même un peu avant ici ou
après d’y aller en douceur. L’idée c’est de faire constater à la personne et parfois l’entourage aussi, les
difficultés de la personne mais… tout en limitant quand même au maximum l’impact émotionnel que
ça peut avoir ou d’la mise en échec. Mais parfois effectivement c’est quand même… Y a cette, cette…
cette prise de conscience. J’me souviens d’un… D’un monsieur assez jeune, il avait 73 ans, amputé
fémoral, qui vivait aussi en pleine campagne avec son frère de 83 ans. Une maison en pierre toute en
hauteur
Et en faite eux ils vivaient un peu au deuxième étage. Fin, ouai ça donnait… Y avait un escalier en
pierre à grimper. Après on arrivait sur une espèce de plateau où y avait l’jardin aussi. J’sais pas trop
comment c’était conçu après parce que j’ai pas tout vu. Mais c’est bizarre. Ils avaient un autre escalier
en pierre donc y avait pas une marche de la même hauteur, certaines étaient lissées. Et en arrivant à la
maison là haut, donc on était au mois de novembre, la porte était entre ouverte parce qu’ils se
chauffaient à la cheminée qui n’arrêtait pas de fumer, l’eau potable, elle était en bas. Y avait un piètre
robinet en haut mais c’était pas de l’eau potable. Donc pas de sanitaires. Ils partageaient la même
chambre avec le même pot de chambre pour la nuit. Y avait juste l’électricité. Y avait la télé et le
micro-onde. Quand j’ai vu le micro-onde… (Rires) Oh ils mangent ! Et là j’me suis dit tout
bonnement, autant c’était quelqu’un qui avait son indépendance ici en institution et là j’me suis dit
c’est vraiment pas possible. Son frère avait des séquelles d’AVC et descendait l’escalier à reculons.
C’est tout bonnement pas possible. Donc ils étaient deux frères célibataires. Donc y avait les neveux,
euh, un couple qui était là mais qui était là pour aider, sans vouloir forcer mais ils se rendaient bien
compte aussi qu’ils étaient démunis et là moi je découvrais les choses p’tit à p’tit. Pas d’eau courante,
la ch’minée, le parquet à moitié défoncé, le pot de chambre… là au niveau de la mise en sécurité pour
une personne amputé, j’me dis… C’est pas possible comment... Comment on fait ? et au final, j’pense
que du fait justement de la bonne relation avant, euh… j’dis mais comment vous envisagez pouvoir
vous lever sur le lit qu’est très haut, d’aller aux toilettes dans la journée ? Comment vous envisagez,
vous, les choses ? Moi j’vois pas de solution. Faudra vraiment qu’vous ayez… Alors au début j’ai
pensé justement à la fratrie. J’me suis dit, dans ma tête ma priorité c’est qu’ils restent vivre ensemble
tous les deux. J’suis partie sur la route, d’un logement adapté dans le bourg. Sauf que le frère il a dit
niet. Et comme j’avais moi aucune relation avec le frère, il a dit zéro à tout et lui il a dit « moi je
resterais ici ». Et au final, donc avec son frère… On s’est dit dans le bourg ça semblait aussi difficile
donc peut être que la seule solution c’était la résidence, l’EHPAD. Et l’monsieur s’exprimait pas
beaucoup mais il était pas contre non plus. Et donc on est parti sur ce projet d’EHPAD et sur le trajet
du retour, Trois quarts d’heure de route, moi j’ai fait mon ch’min dans ma tête et j’ai été en vérité avec
lui, j’lui dis, « pour moi, de la génération que je suis, c’est inconcevable qu’y est encore des maisons
sans au courante, je découvre, sans eau courante, sans téléphone, pas d’moyen d’alerter. » Y’avait
quand même plein de choses… donc dans ma tête j’m’étais fait mon film, où ils allaient… Donc j’lui
ai dit « si y’a une chute, si vous chutez …» On était au mois de novembre, y avait du brouillard,
l’escalier en pierre était hyper humide, y avait un risque de chute aussi par rapport à ça. Donc j’ai
exprimé ce risque de chute. Et le frère plus âgé me dit « bah j’l’aiderai à se relever. » Moi dans ma
tête j’ai vu les deux qui tombaient en même temps et j’me suis dit ils sont capables de rester le reste de
la nuit, parce que les voisins étaient quand même assez éloignés, le reste de la nuit dehors sans pouvoir
alerter. Et là j’voyais l’gros titre des journaux… Non assistance à personnes en danger… On n’a rien
fait pour eux. Et on a compris que le frère n’voulait rien faire. Donc on a laissé ça et on est parti sur
une inscription en EHPAD pour le monsieur qu’était hospitalisé ici. Dans la voiture on a discuté et
j’lui dis « moi ça m’est inconcevable, mais vous, si on prend à l’inverse, vous comment vous vivez
d’être à l’hôpital, d’avoir les sanitaires, l’eau courante à portée de main et pouvoir téléphoner ? Est-ce
que ça n’a pas changé… Changé aussi un peu votre vie ? » Et là il a reconnu que oui c’était quand
même mieux. Donc il est allé en EHPAD et son frère l’a rejoint 6 mois après. (Sourire)
C’est saugrenu comme histoire
Oui c’est atypique !
Et est ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter à la personne les
aménagements ?
Oui. Oui, des aménagements sans mise en situation, c’est pas possible. Ouai. Sauf si la personne elle a
déjà ça dans son idée. C’est pas souvent le cas quand même. Où si elle a été préparé par son entourage
Aménagements ou aides techniques
Oui faut quand même passer par la mise en situation. Pour moi c’est indispensable la mise en
situation. Après sinon, ça veut dire qu’on n’a pas…. Si on prévoit que des aménagements… Euh
aménagements ou aides techniques où c’est déjà hyper bien accepter… Tout ça… à c’moment là, la
visite à domicile n’est pas forcement nécessaire. On peut voir les choses, pas sur plan, mais à partir
d’un schéma… Et… Là, la visite à domicile elle s’impose pas.
Pour moi vraiment visite à domicile et mise en situation en même temps
Ouai parce que sinon, on peut voir ça ici. C’est beaucoup d’énergie aussi pour nous une visite à
domicile (Rires). Quand on nous dit, les collègues, « bonne balade »… pas vraiment non. Parfois y a
ce coté agréable, on va se retrouver dans la famille, peut y avoir le petit goûter qui est préparer. On
perçoit aussi tout l’entourage proche, quand les voisins sonnent à la porte et viennent dire bonjour. Là
on se dit, voila y a un contact, y a un réseau qu’est là… Ca c’est bien
Et même ca au niveau relationnel, ca peut rapprocher encore plus de la personne
Oui
J’lai vu avec une patiente, on avait fait une visite à domicile, donc elle était toute seule, elle avait
pas de famille, personne d’autre. Et ça nous a encore plus soudé à elle, on avait vraiment vu, qui
elle était vraiment en fait, dans sa maison
Oui
On a vraiment vu sa personnalité, même si elle était brute de décoffrage… ‘Fin…
Ouai
Elle était au naturelle en permanence mais chez elle c’était vraiment elle, dans son
environnement on voyait bien son identité au travers de la maison, au travers tout.
Ca c’est l’importance de la visite à domicile.
Parce que du coup tout ce qu’on faisait en séance avec elle, elle le faisait nickel chrome bien et
ma tutrice elle m’a quand même posé la question « est-ce que ça vaut le coup qu’on fasse une
visite chez elle ? » J’fais moi franchement ça me rassurerait d’en faire une chez elle parce que,
c’est une dame très honnête, euh, je sais qu’elle prendra des risques chez elle et effectivement
pendant la visite on a failli la ramasser 4 fois par terre. Et, elle me dit « bah heureusement que
tu m’as dit de faire une visite parce que moi j’lui faisais totalement confiance. » On peut avoir
confiance en la personne mais entre l’hospitalisation et la maison, c’est deux mondes totalement
différents. Les gens ils ont des automatismes à la maison qu’ils n’ont pas à l’hôpital
Et ce milieu là, où l’hôpital on est chez nous…
Et l’inversement des rôles
Je trouve que ça c’est hyper flagrant. Souvent on le perçoit quand…
Moi j’ai pas trop perçue avec cette dame parce que vraiment elle était en attente de nous « bon
bah alors qu’est ce qu’on fait maintenant ? Qu’est ce que je vous montre ? » Tu vois c’était tout
le temps ça
Ah oui elle était quand même dans l’attente
Elle était dans l’attente, elle voulait rentrer chez elle. Mais c’était nous qui faisions la visite de
chez elle, c’était pas elle qui faisait la visite de chez elle. Bon après son tempérament était comme
ça
Après ça quand on connait les gens on sait aussi si c’est ce qu’on connait d’eux ou des choses qu’on
surprend aussi. J’me souviens d’une dame qu’habitait dans un manoir. Oh le nombre de pièces qu’y
avait (Rires) et alors on a fait une visite du jardin parce qu’elle passait son temps dans son jardin
Ouai, ça on pense pas souvent aux activités extérieures
Oui
Parce que je me dis c’est bien d’aménager l’intérieur, de tout mettre en place pour qu’elle soit
bien chez elle, mais si on n’ouvre pas vers l’extérieur, elle va rester enfermée chez elle.
Oui
Donc si la dame est à 100 m de chez son kiné, pourquoi pas l’accompagner chez le kiné pour voir
comment ça se passe sur le trajet
Mme M. ce qu’on a fait, on est resté, euh… en tout j’pense un quart d’heure dans sa maison. Enfin,
deux fois 10 minutes en gros. Juste en arrivant pour voir un petit peu. Voilà donc elle arrive, c’est de
plein pied sur une véranda, y a 5 marches dans la véranda. Donc pas de risque d’humidité, juste mettre
une rampe mais ça la famille avait déjà vu et après tout est de plein pied. La douche est aménagée,
enfin tout nickel. Et par contre ce qu’on a fait, c’est qu’on est allées dans son quartier, donc dans le
bourg avec le rollator, euh… pour voir si elle était capable de retourner faire ses courses. Si elle avait
la distance justement… Comme elle a de gros problèmes cardio. Est-ce qu’elle avait la distance ? Et
comme là, valait mieux y aller avec le rollator que sans rollator, du coup c’était l’image qu’elle
pouvait donner aussi avec le rollator, et la gestion aussi de l’environnement, enfin ses déplacements
avec un rollator, c’est aussi différent de sans rollator, faut anticiper sa trajectoire, où est-ce que je vais
monter, bien traverser, où est-ce que je peux trouver un lieu où je vais m’assoir. Y avait plein de
choses donc la visite à domicile ça était ça, le lien vraiment sur l’extérieur. Et d’autre aussi, on fait sur
l’extérieur. Des fois on peut pas parler de visite à domicile, y a des gens pour qui on va reprendre des
trajets, qui leur sont communs
Ouai c’est des mises en situations, euh…
Oui c’est pas tout à fait la visite à domicile quand même. Est-ce qu’il y en a d’autre ? L’autre dame
c’était… Très particulier aussi. On était parti sur pas de retour à domicile nous et comme ici elle
entendait rien d’autre… Ca faisait 6 mois qu’elle était là, et puis elle était auto… Fin dépendante pour
tout même les… Euh, même les transferts, elle n’avait pas repris la marche et c’était rentrer à la
maison, rentrer à la maison, on savait qu’elle avait des problèmes sociaux, qu’elle habitait en pleine
campagne. Le logement est pas hyper adapté et ici elle entendait rien d’autre que rentrer rentrer
rentrer. Et avec Pétunia on s’est dit « on va aller à la maison », mais on va aussi être avec la
responsable du service de soins et puis la conseillère en géronto et ensemble on pourra lui prouver que
le retour n’est pas possible. On est arrivé à la maison… Insalubre… Insalubrité. Ca on le savait déjà un
petit peu et j’ai dit à Valérie moi j’ai horreur des souris… Donc ça je suis capable de hurler, de courir
jusqu’à la route et elle m’a dit « ok je rentrerais la première dans la maison. » D’accord ! On est
arrivée, le logement était insalubre, ça faisait 6 mois qu’elle était partie, les aliments qu’était sur la
table au moment de son départ était toujours sur la table, dans un état de décomposition avancé… Ah
la maison elle était hyper habitée ! Le nombre d’insectes et les traces de rongeurs qu’y avaient,
c’était… C’était quelque chose. Donc on n’a pas bougé de l’espace… On a occupé 50cm² de terrain.
On n’a pas bougé… Le lit, j’ai pas fait faire de transferts sur le lit, c’était pas possible parce qu’y avait
tellement d’insectes, c’était tellement crado. Donc pareille pas de sanitaires, c’était une espèce de pot
de chambre qui tenait debout parce que c’était la mode. Ca devait être l’ancêtre du montauban : un
cadre avec un pot dessus… La conseillère en géronto a commencé son… son truc. La responsable du
service de soin c’est simple elle n’a pas ouvert la bouche. La conseillère en géronto elle a fait le point
sur son indépendance. Et entre temps est arrivée une infirmière du conseil général qui remplaçait en
faite le médecin. Et elle, elle est arrivée en retard et c’est elle qui a pris les rênes de la visite. Et elle a
demandé l’avis de la dame… Qui elle ne parlait que de retour. Et aussitôt elle a dit « de toute façon on
peut empêcher personne de rentrer. » Et nous on a dit « Mais… Enfin y a un risque de chute qui est
majeur, chez nous elle a pas du tout remarché » Donc la conseillère en géronto quand elle a fait le
point sur son indépendance « faites votre toilette toute seule, tout ça » « bah non » et là elle m’a
regardé elle m’a dit « y a du travail à faire ! » et là j’l’ai r’gardé « vous croyez qu’on a fait quoi depuis
trois mois ? » on a essayé mais c’est impossible. Et la dame là, tellement, têtue, elle a marché avec ses
deux cannes anglaises dans la maison. Et ici elle n’avait pas fait trois pas avec un rollator avec les
appuis antébrachiaux… Donc l’infirmière elle dit « on part sur un retour » l’infirmière du service de
soins n’a pas moufté, alors que pour l’équipe… Moi j’pourrais jamais travailler dans des conditions
comme ça…. Quand on est sortie de la maison, elles se sont toutes barrées, avec Pétunia on s’est
retrouvées avec la p’tite dame qui était à peine rentrée dans la voiture elle dit « j’veux pisser »
pardon ?! « Si j’veux pisser ! » elle me poussait pour sortir alors qu’elle tenait pas debout et dans le
milieu de la cour elle a commencé à lever sa jupe pour pisser par terre… Hop talala… C’est pas vrai !!
J’aime pas dire ça mais là elle avait une protection, on avait prévu au cas ou… Valérie elle dit je vais
vite chercher le montauban… Elle a pas eu le temps… Elle a tout fait debout et moi j’étais à côté… oh
lalalala… pas qu’elle tombe ! Donc cette dame là elle est effectivement rentrée chez et ça faisait pas 3
heures qu’elle était chez elle qu’elle est tombée et elle est restée toute la nuit par terre et le lendemain
elle est revenue hospitalisée et elle est pas rentrée.
Oui on n’a pas le droit d’empêcher les gens mais éthiquement c’est non assistance à personne en
danger
Sachant que sa fille habitait à 100m de chez elle mais elle ne se parlait plus depuis des années. Et là
avec Valérie… Bah déjà juste après la visite on était déjà mal. Parce que finalement on n’avait pas
entendu… L’équipe du conseil général n’avait pas entendu ce qu’on avait à dire. Et là j’étais juste
contente de, malgré tout, de pas avoir fait prescrire de lit médicalisé, ni de matelas, j’me suis dit bah
du coup ça aurait été même si j’pensais aux gens qui l’aurait installé mais aussi pour le matelas, ça
f’sait ça de moins de dépensé pour la sécu… C’est bête mais…
Bah moi j’en ai fini avec toutes mes questions !
J’te remercie !
Entretien B :
Comment prépares-tu la visite à domicile ?
Alors la visite à domicile je la prépare en prenant un, bon déjà en échangeant avec le patient, d’une
part, en prenant un rendez vous avec la famille, en essayant de bien cerner les problèmes qui… que les
gens, enfin que moi j’ai pu ressentir aux niveaux des échanges avec le patient, les problèmes
rencontrés par la famille, et puis après et bien on va domicile et là on voit. Alors les problèmes parfois,
finalement y a pas de problème c’est plus réassurer les gens et parfois il y a les problèmes qui sont tout
autre que ceux qui étaient apparus, enfin qui semblaient apparaitre au cours de l’échange.
Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec le patient ?
Alors je leur… Je leur dis toujours, je leur dis que c’est une proposition, c’est une possibilité d’aller
avec eux à domicile pour voir si y a pas des problèmes, quand ils ont pas énoncé de problèmes eux
mais que moi je crains, à travers la connaissance de la personne, qu’on en rencontre mais qu’c’est en
rien un obligation, hein, que c’est une aide qu’on peut leur apporter, qu’on est là pour leur donner des
conseils, leur donner des pistes, parce que parfois ça permet aussi de déboucher sur des aides
humaines, bien souvent. Quand il y a des aides humaines, parfois ça nous… Alors parfois la visite
aussi elle nous est… Si tu veux suggé… la suggestion vient de l’assistante sociale qui a rencontrée une
famille, hein… C’est le cas de… bah d’une qu’on fait la semaine prochaine. C’est la fami…
L’assistante sociale avait rencontré la famille, y avait plein de questions, donc nous on les a rencontré
enfin moi je les ai rencontré, c’était avec Violette, à la suite de ça et au décours des questions que la
famille se posait, je m’suis dit une visite ça serait bien. Je l’ai proposé. Très souvent, je dis bien très
souvent, les gens sont preneurs parce que… bah c’est vrai que tant qu’t’as pas vu, les gens expliquent
pas toujours de façon claire comment c’est chez eux et puis y a des choses où ils voient pas qu’ça va
poser problème et y en a d’autres qui pensent qu’y va pas y avoir des problèmes mais quand c’est sur
place bah on leur prouve qu’y a problèmes et on leur propose des solutions.
Quelles sont les réactions des patients face à des propositions d’aménagements ou d’aides
techniques à domicile ?
Alors elles sont très variables : ou ils sont… ils veulent absolument rentrer à domicile et ils sont près à
toutes les propositions, ou bien ils veulent rien changer et ils refusent tout. Toute façon nous on est là
pour proposer, on n’est pas là pour imposer.
Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement ou de matériel,
est ce que tu peux me citer les raisons qui sont souvent mises en avant par les personnes ?
Ils veulent pas changer leur… Alors si c’est des choses importantes, des gros aménagements, bah ils
veulent pas changer leur lieu de vie. Bien souvent, moi maintenant, moi j’ai vu des gros travaux par
exemple des gens qu’avaient pas de sanitaire, fallait en faire, souvent ça passait très bien. Alors quand
ça passe pas, c’est des gens qu’on pas envie de voir les choses en face. J’dirais que c’est des gens qui
refusent, et je peux concevoir, le handicap. Et le fait de leur faire des propositions, ça les met devant le
fait accompli, que ils peuvent plus faire comme avant et ça leur rappelle. Alors bon bah après, si ils
veulent pas, nous on peut pas leur imposer des aménagements mais c’est souvent le cas, c’est parce
que c’est de gens, ou alors des gens qui sont vraiment butés, et ça on en a dans tous les cas. Et qui
veulent pas de modifications ou ils vont trouver par exemple qu’un rehausseur ou… C’est pas joli et
qu’ils vont voir l’esthétique avant le fonctionnel. Alors c’est vrai qu’on essaie d’allier les deux… C’est
pas forcément facile maintenant y a quand même des choses qui sont dans le commerce et qui
permettent de, je dirais, d’aménager et de rester dans… dans l’esthétique hein. Après moi j’pars du
principe que les gens sont chez eux, qu’on fait des propositions, et qu’après les propositions bah ils
acceptent ou ils les refusent. On essai de les mettre… L’intérêt de la visite à domicile c’est de les
mettre en situation… Vous faites… On va faire un transfert toilette, parce qu’ils vont me dire chez moi
ça se passe bien, entrer dans la baignoire ça se passe bien…
Pendant la visite à domicile, tu viens de me dire que tu utilises la mise en situation avec la
personne, est ce que tu peux m’expliquer comment tu abordes cette mise en situation ?
Ah bah tout simplement, j’leur dis bah voyez là je pense que pour vous, ce serait bien d’avoir un
rehausseur, par exemple je vais prendre un exemple simple, de toilette parce que vos toilettes me
semblent basses. Ils me disent « ah non non non tout va très bien » bon, bah écoutez, montrez moi,
asseyez vous sur les toilettes et relevez vous. Bon parfois, c’est… « Ah bah oui, j’pensais qu’j’y
arriverai » ah bah voyez vous avez des difficultés, à vous de réfléchir : ou vous pouvez avoir un
rehausseur, hein et ce sera moins difficile, ou vous n’en voulez pas mais voyez les difficultés qu’vous
avez. Alors après ça chemine, j’aime bien aussi que la famille soit présente parce que c’est important,
la famille peut aussi nous aider dans ce sens. Hein. Après je n’impose rien, je fais des propositions, je
fais le compte rendu, j’en donne une copie au patient, une copie à la famille, une copie au médecin
qu’est censé en envoyé une au médecin traitant et nous on garde, parce que si jamais par la suite y
avait des soucis, on a la preuve, et on a surtout que si les gens reviennent bah la collègue qui prend la
suite si c’est pas… Si c’est pas nous selon les services, on a déjà des éléments.
Quel sont les intérêts selon toi de mettre en situation une personne dans son environnement ?
Bah c’est le lieu de vie. La mettre en situation dans un endroit quelle ne connait pas, euh… J’vais pas
dire que ça n’a pas d’intérêt, ça en a, mais ça en a moins qu’à domicile. Parce que là c’est vraiment le
lieu où elle va vivre, exactement dans la situation qu’elle rencontrera tous les jours et c’est surtout que,
t’as des gens, j’dirais entre guillemets qui sont de mauvaise foi, j’exagère un petit peu, parce que c’est
inconscient, c’est pas de la mauvaise foi consciente, mais qui te dise, « ah mais chez moi vous savez
ça ira. » D’accord. Mais moi je suis comme saint Thomas : je crois ce que je vois. Donc la… la réalité,
la mise en situation sur le lieu de vie bah c’est de dire, bah voila vous êtes là, maintenant montrez moi
que tout va bien, que vous arrivez. Moi j’demande qu’à croire. Si y a pas besoin parfois ça peut, mais
au travers ce qu’il t’avait dit, tu… là va y avoir un souci et puis arrivé à domicile bah finalement c’est
pas tout à fait comme il me l’avait décrit et ça se passe bien. Bien souvent y a besoin de petits
aménagements, c’est pas méchant, ça va être une barre d’appui, ça va être… et puis… Souvent j’dirais
que quand même dans l’ensemble, ils acceptent. Surtout quand ils se rendent compte que ça va être
pour leur bien, et si en plus y a la famille qui est là… Où on a le plus de souci c’est quand on parle
d’enlever les tapis, sur les chutes. Là ça tique. Alors quand je vois vraiment que ça va pas passer, que
ça… que c’est important pour eux, bah je coupe la poire en deux. J’dis vraiment si c’est important, si
voulez pas, mettez un adhésif pour limiter et faites bien attention. Parce que… C’est vrai que faut ce
dire que si… Si quelqu’un arrive chez toi et change tout ton aménagement, pas sûre qu’on va accepter
hein. Donc il faut, il faut bien… faut y aller progressivement et surtout pas arriver chez les gens en
terrain conquis en disant faut faire ceci, ceci, cela. Non. Moi… Et après quand il y a des
aménagements, je vais toujours à minima. Hein. C'est-à-dire je vais au moins en me disant on est
quand même en gériatrie, on ne sait pas pour combien de temps les gens, et j’évite de faire de grosses
transformations, mais en y allant comme ça, parfois y a les enfants qui sont là et qui me disent « mais
vous pensez pas… » Ah bah j’dis si, ça c’est possible c’est bien. Maintenant ça va être un autre budget
mais ce s’ra encore mieux, votre proposition je suis tout à fait d’accord, ce s’ra mieux. Parce que y a
des enfants aussi qui veulent que leurs parents bah… terminent… estiment que si y a un peu de sous
c’est à eux et que c’est pour qui… vivent le mieux possible… la fin de leur vie. Hein, mais je vais pas
d’emblée… si j’peux faire autrement je propose petit. Et préfère que la proposition vienne d’eux. Ca
passe mieux.
Est-ce que tu penses que la mise en situation permet à la personne de prendre conscience de ses
difficultés.
Ah oui. A la fois de ses difficultés et à la fois de ses possibilité. Ah ça j’en suis persuadée. Et je suis
persuadée que ça c’est vraiment une chose importante en ergothérapie et que quand y a pas
d’ergothérapeutes, bah c’est quelque chose qui ne se fait et c’est d’autant plus important en gériatrie.
C’est important dans tous les domaines mais en gériatrie, c’est encore plus important.
Est-ce que tu penses que c’est un moyen, de faire accepter à la personne, les aménagements, les
matériels, la mise en situation ?
Ah oui.. Ca j’en suis persuadée. Y a des gens qui malgré ça refuseront mais dans l’ensemble… Ca
aide. Parce que là ils peuvent pas dire « chez moi ça se passera bien » Là ils y sont, ils sont chez eux,
on fait le test… Bah si ça se passe bien, très bien, si y a difficultés…
Ils ont le nez devant le fait accompli
Oui ils ont le nez dedans comme on peut dire. Là j’en suis persuadée.
Bon bah j’en ai fini
Je te remercie !
Entretien C :
Comment prépares-tu la visite à domicile ?
Euh… Bah déjà par un interrogatoire, enfin un entretien avec la personne sur comment est son
domicile. Un entretien sur quelles sont ses habitudes à son domicile et puis… après… Ca dépend des
services, si y a des supports papiers, pouvoir éditer le support pour savoir un petit peu sur quoi on va
s’interroger pour quand on va aller à la visite à domicile. .. Voilà, l’environnement…
Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec le patient ?
Euh…
Par patient j’entends bien personnes âgées.
D’accord bah souvent c’est en vu d’un retour à domicile, «qu’est ce qu’on peut vous proposer pour
que le retour à domicile se passe le mieux possible, dans les meilleures conditions, que vous gardiez
un maximum d’autonomie… » Voilà. Et par contre pour les dossiers MDPH là c’était différent
puisque les gens étaient déjà à domicile et ça pouvait être des personnes âgées aussi. Donc là c’était en
vue d’un financement d’aides… enfin d’aménagement de domicile. « Nous sommes amener à
intervenir auprès de vous, donc voilà comment on abordait avec ces personnes là. »
Quelles sont les réactions des personnes face à des propositions d’aménagement ou d’aides
techniques à leur domicile ?
C’est vraiment divers et varié (Rires) Euh… Moi je sais qu’y a des personnes… Dernièrement quand
j’ai eu des conseils d’aménagements de domicile pour des personnes âgées… Euh… en fait à chaque
proposition… Alors c’était pas vraiment la personne en elle-même c’était le conjoint, à chaque
proposition c’était « ah bah non c’est pas possible, c’est quelque chose qu’on a fait ensemble… »
Enfin c’était très sentimental, chaque aménagement que eux même avaient fait dans la maison, était
très sentimental et du coup chaque changement était compliqué. Alors y avait des choses oui mais
alors fallait négocier et y avait des choses c’était impossible. Tout ce qui est salle de bain souvent c’est
plus facile. C’est… Ils acceptent mieux, ils comprennent mieux pourquoi on change les choses. Tout
le reste de la maison c’est plus compliqué. Comme l’accès à la maison à l’extérieur ou… enfin voilà
l’extérieur devant la maison, l’extérieur derrière la maison en fonction des besoins… L’accès…
L’aménagement des… des accès… escaliers, enfin changement de niveau ça parfois c’est compliqué
aussi.
Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagements ou d’aides
techniques, est-ce que tu peux me citer les raisons qui sont mises en avant ?
Alors comme je te disais, les raisons sentimentales, d’esthétismes… euh… de… d’habitudes… des
choses parfois… euh… vraiment j’avais pas d’arguments, c’était pas cohérent pour moi les arguments
donc… Par exemple une personne, pour une descente d’escaliers, qui préférait la rampe côté tournant
d’escaliers plutôt que coté plus grand on va dire… J’avais beau argumenter, mais même je voyais
pas… Non pour elle logiquement il fallait que ça soit là alors que … dans la logique non ça serait du
côté
Oui pour que les marches soient plus larges.
Alors j’ai eu ça comme refus… Euh… y’a aussi le coût parfois parce que y a une partie qu’est pris en
charge et pas tout. Y avait ça aussi qu’était mis en avant… Et puis, après… c’est vrai que moi en
équipe spécialisée Alzheimer, disons que quand on me demandait d’intervenir plus pour un conseil en
aménagement de domicile, c’est que les gens étaient vraiment prêts aussi. Donc là j’ai eu moins de
difficultés. Et puis après c’est parce que les gens ont leur idée, ce sont déjà fait toute une idée et que
t’as beau apporter les arguments… Ils voient pas du tout… C’était ce qu’ils avaient décidé qui passait.
Lors d’une visite à domicile, est-ce que tu utilises la mise en situation de la personne dans son
environnement ?
Oui
Est-ce que tu peux expliquer comment tu abordes la mise en situation ?
Et bah j’explique que je veux être sûre que ce qu’elle va faire comme gestes c’est fait en sécurité.
Donc, j’explique qu’est-ce que… Enfin voilà je dis « est ce que vous voulez bien montrer comment
vous faites telle ou telle activité chez vous pour voir si vous ne vous mettez pas en danger, si
éventuellement je vous proposai une aide pour que ce soit fait d’une manière plus sécuritaire. En
générale ils acceptent plutôt bien les mises en situation.
Quels sont les intérêts de mettre, selon toi, en situation la personne dans son environnement ?
On va vraiment voir si elle retrouve par exemple ses habitudes, les gestes, parce que des fois quand on
n’est pas dans son environnement on peut être un peu perdu par … par ce… enfin vraiment les
mobiliers qu’on connait, les rangements qu’on connait, les outils qu’on connait pas. Alors que dans
son environnement souvent les habitudes… y a des automatismes qui sont là depuis longtemps et qui
reviennent. C’est pour être sûre que ces automatismes sont toujours présents. Donc c’est pour ça que je
trouve ça plus intéressant dans l’environnement de la personne.
Est-ce que tu penses que la mise en situation ça peut permettre à la personne de prendre
conscience de ses difficultés ?
Euh… tout dépend si la personne à des troubles cognitifs. Si la personne à des troubles cognitifs, la
mettre en échec ne va… va avoir, je pense aucune… aucun impact. Euh… ça va être pire je pense de
la mettre en échec face à ses difficultés. Par contre si la personne à pas de troubles cognitifs, là oui je
trouve que c’est intéressant de mettre en avant ses difficultés. Voilà, qu’on discute et qu’on fasse
avancer les choses et qu’elle prenne conscience de ça.
Penses-tu que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter les propositions
d’aménagements ou d’aides techniques ?
Ah oui, ah oui tout à fait. Je pense que d’avoir par exemple à disposition différents matériels lors
d’une visite à domicile pour mettre la personne en situation, c’est là qu’elle peut se rendre vraiment
compte si ça va lui convenir ou pas, et inversement, parfois on peut avoir des surprises, nous on pense
que le matériel qu’on propose ça va être le meilleure qui va le plus la rassurer ou elle va se sentir le
plus en sécurité, finalement non mais du coup le fait d’avoir pu faire les essais à la maison va pouvoir
permettre… Bah au moins de faire cheminer la personne par rapport à ça.
Je te remercie.
Entretien D :
Comment prépares-tu la visite à domicile ?
Comment je prépare la visite à domicile ? Déjà en amont il faut que j’ai absolument tous les
renseignements nécessaires du… euh comment dire… Comment on appelle ça ? Des habitudes de vie
antérieures. Ca en général, dans les 48 à 72 heures de l’arrivée de la personne ici et ça m’aide
effectivement à bâtir mes objectifs
De visite
De visite, avec… Qui sont toujours en lien de toute façon direct avec les objectifs propres de la
personne âgée, moi je ne fais que de caler les miens sur les siens. S’ils sont adéquates tant mieux, s’ils
le sont pas. C’est de toute façon la personne qui a le dernier mot.
Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec la personne âgée ?
Bonne question. Euh… j’ai tout à fait conscience qu’une visite à domicile pour moi, de toute façon,
reste une intrusion dans la mesure où je m’introduis vraiment au domicile de quelqu’un et donc même
en tant que soignant, même avec les meilleures raisons de monde, j’ai bien conscience qu’il faut
effectivement que la personne adhère complètement et totalement à l’idée. Donc, quand je sens qu’il
n’y a aucune réticence et au contraire de la, de la, de comment, de la volonté vraiment que je vienne à
domicile, c’est… ça ne pose absolument aucun soucis. Euh… Je précise bien sûre qu’à chaque fois
c’est sur prescription médicale. Mais je vais surt… C’est une arme avec laquelle entre guillemets, bon
je vais m’en servir beaucoup plus rapidement si je sens qu’il y a une résistance de la part de la
personne. Je me… Comment dire ? Je me couvre en disant que le visite à domicile c’est sur une
prescription médicale. C’est donc que le médecin pense que un retour à domicile, et surtout un
maintien, c’est pas tant le retour, à chaque fois je dis le retour, ça pose aucun problème vous pouvez
aller passez un weekend chez vous ou même y rester une nuit. Ce qu’est important c’est pas le retour,
c’est le maintien. Donc c’est… J’essai d’expliquer le pourquoi du comment. C’est la garanti pour moi
d’un, la garantie souvent d’un retour et d’un maintien à domicile, ça se fait justement en préparant en
amont et en essayant de voir avec le patient, comment dire, de sérier tous les obstacles qui pourraient
survenir à domicile, voilà, avec des mises en situations concrètes.
Quelles sont les réactions des patients face à des propositions d’aménagements ou d’aides
techniques de leur domicile ?
Bonne question là encore. Tout dépend en faite de la, du caractère de la personne. Si ce sont des gens
qui sont très très, euh… habitués, qui sont perclus, on va dire, d’habitudes, c’est plus difficile. Et puis
après, y a aussi une question budget. Si c’est des… Mais euh… comment dire… (Blanc) On peut
passer d’un extrême à l’autre. Mme X, pour ne pas la citer, elle n’a pas hésité à se faire construire un
élévateur, qu’a quand même coûté 18 000 €. Mais parce qu’elle, elle a vu que le, l’objectif majeur
pour elle c’était de rester à domicile et c’était surtout de ne pas déménager, parce que ça fait plus de 50
ans qu’ils habitent là tous les deux. Et, il faut bien reconnaitre, y a des capacités financières, c’est gens
là… voilà. Même si ça a été un sacrifice pour eux, ils avaient les moyens de le faire. Quand c’est pas
possible, bah… il faut, de toute façon faut pas mentir, faut dire aux gens voilà, y a trop d’obst…, y a
beaucoup d’obstacles, y en a jamais trop, beaucoup d’obstacles chez vous, donc soit vous retournez à
domicile, vous ne faites pas d’aménagement et vous aurez forcément un périmètre limité à la chambre
ou à l’intérieur de la maison mais vous ne pourrez pas sortir. Ou alors, y a des solutions que je peux
apporter. Voilà, c’est un deal.
Et dans le cas d’un refus ou d’une résistance à tes propositions, est-ce que tu peux me citer les
raisons qui sont souvent mises en avant ?
Et bien bizarrement souvent, y a pas de raison. C’est un non catégorique parce que les gens en faite,
c’est ce que je te disais toute à l’heure, ne veulent rien changer, ne veulent pas changer quoi que ce
soit. Parce que je pense que chez beaucoup de personnes âgées, les habitudes aident à vivre et finissent
par construire leur vieillesse en fonction des habitudes de vie. Et y a, le, le…Ils sont rebelles aux
changements, parce que leur vie est ritualisée, parce que depuis 50 ans ils font comme ça. Et que…
Qui je suis moi, euh… pour leur dire demain que, ce qu’ils faisaient depuis 50 ans bah non,
maintenant il va falloir faire autrement. Y en a certains qui sont capables de faire autrement, y en a
d’autre non.
Alors tu m’as dit que tu utilisais la mise en situation à domicile, quand tu fais des visites, est-ce
que tu peux m’expliquer comment tu abordes la mise en situation ?
Comment j’aborde la mise en situation bah déjà en… Concrètement quand j’y suis ?
Oui, quand tu y es là bas.
Bah c’est pas compliqué, en général de toute façon moi je m’efface derrière la personne puisque je
n’oublie jamais à aucun moment que je suis chez elle. Donc je me considère là moi comme une invité,
donc je demande à la personne de me faire la visite des lieux, donc c’est elle qui va en principe de
pièce en pièce. Puis après, si moi il me vient à l’idée, justement, des choses qui pourraient faire
obstacle au retour ou au maintien, si je vois des difficultés, je vais demander des choses très simples.
Si la personne me dit « ah mais ça posera aucun problème pour me lever, pour me coucher, tout ça. »
Ah bon, bah très bien, mais venez me montrer. Donc je leur demande aussi, assez souvent, euh, de me
décrire comment se déroule la journée chez eux : à quelle heure ils se lèvent ? Le petit déjeuner où estce qu’ils le prennent ? Est-ce que c’est eux qui préparent le petit déjeuner ? Est ce que c’est le conjoint
qui les aide ? En fait voilà, je leur demande de me décrire une journée type et à chaque fois que je
vois, que je pointe du doigt, ce qui pourrait pour moi être un obstacle, je demande une mise en
situation.
Quels sont les intérêts selon toi de mettre en situation une personne dans son environnement ?
Bah pour moi c’est la… C’est ce qui approche le plus de la réalité, de la personne dans son
environnement. C’est là qu’elle va prendre vraiment la mesure de ses capacités, de ses incapacités, de
ses limites aussi. Et après ça aide justement à voir…Parce qu’en fait l’hospit… L’hôpital ça reste
quelque chose, c’est un lieu étranger. Et c’est pas parce qu’ils sont, on va dire, autonomes ou
indépendants en institution qu’ils vont forcement l’être chez eux. Mais a contrario, on a vu aussi des
tas de fois où les gens ici ne sont pas indépendants, ne sont pas autonomes parce qu’ils sont justement
dans une institution et un lieu qui leur est étranger. Et bizarrement ils rentrent chez eux et on est très
surpris, agréablement, de voir que, à la maison ça va le faire. Ils retrouvent leurs repères, ils retrouvent
leurs automatismes qui sont perdues ici.
Est-ce que tu penses que la mise en situation, tu m’as à peu près répondu, permet à la personne
de prendre conscience de ses difficultés ?
Pour moi oui. Si malgré tout y a pas de prise de conscience c’est que : un, l’échec est, doit être digéré,
euh… et la personne peut être dans le déni, justement, parce que justement il faut lui laissé le temps de
faire ce deuil, parce que si elle est pas bête elle s’aperçoit à ce moment là de ses limites ce jour là, soit
elle a la capacité à l’accepter, soit elle n’en a pas la capacité, soit, aussi, y a des troubles cognitifs qui
font que, voilà, y a pas de prise de conscience parce que les troubles cognitifs prennent toute la place.
Dernière question, est-ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter
les propositions d’aménagement ou de matériel.
Oui.
Je te remercie.
Entretien E :
Comment est-ce que tu prépares la visite à domicile ?
Euh… je rencontre, le patient, la famille, euh… Faut que je détaille beaucoup ou pas ? Faut que je dise
ce que je veux ?
Oui !
Euh… donc on a ici une méthodologie particulière. Donc on pré-rempli parfois le dossier, avec les
informations nécessaires, on fait des p’tits bilans avant… écologiques déjà pour évaluer si c’est
vraiment nécessaire la visite à domicile. Euh… (Blanc) Voila ! (Rires)
Comment t’abordes la question de la visite à domicile avec le patient ?
(Blanc) Vas y répète !
Comment tu abordes la question de la visite à domicile avec le patient ?
Bah tout d’abord il faut qu’il soit en accord avec le projet. Euh… C’est quelque chose qu’on va un
p’tit peu anticiper en amont avant d’aller vraiment discuter de la chose avec lui, si c’est, si on pense
qu’y a quand même des chances que ça va fonctionner avant de lui dire, « bon on va aller chez vous
pour évaluer la situation », faut quand même anticiper les risques et ne pas trop lui mettre d’espoirs en
tête si on voit que ça risque d’être compliqué. Euh… (Blanc) Répète encore une fois ! (Rires)
Comment abordes-tu la question de la visite à domicile?
Donc une fois qu’on a envisagé avec le médecin, la famille… On part avec le patient et bon on lui
explique un petit peu la démarche, dans quel but on va faire ça, que ce soit au niveau de
l’environnement, au niveau écologique, au nouveau des fonctions instrumentales, on va tester un p’tit
peu des choses à la maison, on lui explique un p’tit peu avant qu’est ce qu’on va faire.
Ca va t’inquiète !
(Rires)
Quelles sont les réactions des personnes face à une proposition d’aménagement ou d’aide
technique à leur domicile ?
Bah c’est fluctuant ! (Rires) Selon…. L’acceptation ou non du handicap déjà. Si y a un p’tit problème
d’anosognosie c’est parfois un p’tit peu compliqué d’introduire des choses, mais bon il faut essayer de
faire passer le message du… Si on veut que le maintien à domicile se fasse le plus longtemps possible,
il faut essayer d’accepter certaines choses, de démontrer que ça va leur servir, d’essayer avec eux à
domicile, même ici en amont et… au simulateur de logement éventuellement… C’était quoi la
question ! (Rires)
Quelles sont les réactions des personnes face à une proposition…
Ah oui c’est ça ! Euh… ça dépend un peu des pathologies. Mais bon dans l’ensemble, ça se passe
relativement bien, il faut pas, faut pas imposer, faut pas y aller trop violemment, faut essayer
d’introduire les choses de manière concrète pour lui et lui démontrer que, ouai, ça peut l’aider.
Dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement ou d’aide
technique, est-ce que tu peux me citer les raisons qui sont souvent mises en avant par les
patients ?
Parfois pour les aides techniques de marche plus c’est parce que c’est stigmatisant, c’est parce que ça
montre à tout le monde que il est handicapé, qu’il a perdu des capacités, c’est un peu… la
stigmatisation du handicap vue par les personnes extérieures ou… C’est quoi déjà ? (Rires)
Les raisons qui sont mises en avant dans le cas d’un refus ou d’une résistance.
Euh… si … des fois si faut faire des aménagements, des gros travaux, financièrement c’est pas
possible… y a ça aussi beaucoup. Euh… changer de domicile, c’est… ouai, faire des travaux dans le
domicile, c’est souvent... Ça leur fait peur… le changement ça les…, ça les inquiète un petit peu, les
travaux, toute l’organisation autour de ça, ça peut parfois leur faire un petit peur, donc il faut quand
même introduire la famille ou des aides extérieurs pour essayer d’aider un petit peu dans les
démarches.
Est-ce que tu utilises les mises en situation au domicile ?
Ca peut.
Est-ce que tu peux m’expliquer comment t’abordes la mise en situation ?
A domicile ?
Oui
Comment j’explique ?
Comment tu expliques à la personne, comment tu va aborder la question, par exemple, vous me
faites un café…
Ouai, bah déjà… je vais essayer de pas forcement l’introduire en tant qu’évaluation, essayer de le
remettre dans le contexte d’une situation quotidienne, qui pourrait ce passer avec le voisin. Pas générer
d’anxiété, selon comment est le patient. Euh…redis-moi.
Est-ce que tu peux m’expliquer comment t’abordes la mise en situation avec le patient au
domicile ? (Blanc)
T’explique ?
Oui
Quels sont les intérêts selon toi de mettre en situation la personne dans son environnement ?
Bah on parle souvent que… d’un patient qui, quand on fait par exemple ici, faut qu’il s’adapte à un
nouvel environnement, qu’il cherche un petit peu, qu’il retrouve ses marques, donc c’est pas
forcément concret de faire ça et au domicile normalement il va, il doit retrouver ses anciennes
habitudes. Le mettre dans son quotidien ça parait plus logique que de le mettre en situation au sein de
l’hôpital.
Qu’est ce que t’entend par plus logique ?
Plus écologique, plus pragmatique, plus… (Rires)
Est-ce que tu penses que la mise en situation ça permet à la personne de prendre conscience de
ses difficultés ?
Oui. Parfois oui, parfois non. Selon la pathologie aussi. Si… c’est quelqu’un qu’est anosognosique
toujours, il va pas forcément se rendre compte qu’il est en échec ou il va mal accepter et refuser de
faire. Faut faire attention un peu à comment, comment on va le mettre en situation pour pas non plus
créer trop d’échec. J’ai envie de dire, c’est pas toujours… ça le met pas toujours… Il prend pas
forcément conscience de ses difficultés selon c’qu’il a. Parfois oui, parfois non.
Est-ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter les
aménagements ?
Oui c’est vrai, je pense à chaque fois à la cuisine, je m’étais mis en tête une chose… Oui bah ça va
démontrer à la personne, que ça va… Que les aménagements qu’on propose, si on lui fait pas essayer,
il va pas forcément comprendre pourquoi on lui propose ce genre de chose, il faut qu’il essaye, il faut
qu’il comprenne comment ça fonctionne, quel est l’intérêt pour lui, il faut travailler un petit peu, en lui
montrant et chez lui et en retravaillant si nécessaire à l’hôpital.
Je te remercie !
Entretien F :
Comment prépares-tu la visite à domicile ?
Alors comment on la prépare ? Et y a pas de question pourquoi on fait une visite à domicile ? Non ?
Non !
Comment on prépare ? Bah au préalable déjà généralement, les personnes sont déjà là, on les connait
dans la plus part des cas, sauf en médecine où ça peut ce faire comme ça. On va déjà vérifier comment
est le domicile au niveau du document connaissance de la personne pour faire un état des lieux. Si la
personne n’est pas en capacité de répondre, bien évidemment on va essayer de voir avec un tiers,
l’entourage pour vérifier déjà comment il se débrouillait à la maison et en fonction de son handicap
actuel, si il se retrouve en fauteuil roulant alors qu’il se déplaçait sans aide technique avant, vérifier,
enfin l’objectif se s’ra de vérifier si il peut rentrer en état aujourd’hui. Avec la personne, si possible
avec le patient, c’est pas toujours possible mais dans 90% des cas, je vais dire, vaut mieux avec le
patient. Et donc pour l’accessibilité, ça peut être, oui l’objectif ça peut être pour vraiment pure
accessibilité, mais aussi vérifier les troubles cognitifs au domicile, notamment, si y a préparation repas
au moins un petit déjeuner ou un, voila, préparer, faire sur le domicile, parce qu’ici, dès qu’on les
amène ici, de toute façon, ils vont dire qu’on les met pas dans les réalités du quotidien, et on va les
mettre en échec. Donc on met en échec si on évalue ici. Donc ça c’est pertinent d’aller voir à domicile
parce que si tu vois que déjà chez eux y a de gros tr… difficultés, le retour p’t’être va être compliqué,
sans aides humaines. Donc à la fois, problématique accessibilité et voir la faisabilité du retour, y a ça
aussi. Un des objectifs c’est des fois aussi de mettre la personne, comment dire, en difficultés,
puisqu’on sait que, enfin nous en voyant la personne ici, on sait que ça va être compliqué au domicile
et qu’elle évolue dans son projet, ça peut être ça aussi la visite, pourquoi on la fait. Et ça va être bien
sure différent si y a un, si la personne vit seule ou pas au domicile.
Différent en quoi ?
Bah, l’accessibilité, si c’est purement accessible et qu’ils ont les moyens de faire les travaux ça ira
mais si c’est une personne qu’a des troubles cognitifs, si elle vit seule, le fait qu’y ait pas d’entourage
au domicile, ça va compliquer notre projet. Le projet y va être… parfois il tient le coup parce qu’il y a
un aidant principal à peu près en bonne santé. Et si c’est pas le cas, le retour ne sera pas possible.
Imaginons quelqu’un, un monsieur amputé qui habite un, je sais pas moi, un troisième étage sans
ascenseur, accessibilité réduite au domicile… bah cette personne là, a priori, le projet va être
complètement différent, on va proposer un autre logement ou une entrée en EHPAD. S’il a en plus des
troubles cognitifs, qu’il vit seul, bah d’emblée on va peut être partir sur une entrée en institution, tu
vois. Si le domicile n’est pas du tout accessible, s’il est pas capable de se gérer lui-même… voila, ça
permet, enfin, nous ça permet de voir si la faisabilité du retour est possible en l’état ou pas et de
vérifier avec la personne aussi ses capacités chez elle.
Comment abordes-tu la question de la visite à domicile avec la personne ?
Alors souvent, on va leur présenter en disant, si ça pas, parce que des fois c’est présenté, au préalable,
par le médecin, lors des entretiens, des visites, donc si ça pas déjà été évoqué, on dit « Voila, on a
discuté en réunion d’équipe d’une sortie prochaine, on aimerait vérifier que tout va bien pour la sortie,
si l’accessibilité va bien ou si c’est un problème d’accessibilité, mettre en situation chez vous. » Donc
ça se fait soit aussi en lien avec le service social ou pas. Moi j’fais beaucoup, enfin, je pense que je
suis une des ergo qui fait le plus de visite à domicile avec le service social, parce que quand la famille
est présente, ça permet de faire un point en commun à un moment T, tout le monde entend la même
chose et c’est dit la même chose à ce moment là. Et l’assistante sociale se permet aussi de récupérer
des documents administratifs qu’elle n’a pas pour faire avancer le projet d’aide à domicile.
Et quelles sont les réactions des personnes face à une proposition d’aménagement ou de matériel
médical à leur domicile ?
Ah y a des gens très réticents, déjà dans l’accessibilité même, si tu demandes aux gens d’enlever les
tapis, de déplacer des meubles, y a des gens ils vont pas vouloir. C’est, c’est… c’est comment diraisje, rentrer trop dans leur intimité à vouloir changer c’qu’ils ont depuis 50 ans c’est comme ça, donc on
va pas… il va falloir travailler, les mettre en situation en leur prouvant par A+B s’ils ont pas ça c’est
plus facile mais certain, on n’y arrive pas même en conseillant.
C’est trop de changements pour eux ?
Trop de changements, certains ne voient pas l’intérêt, si tu montres toi par A+B que ça a un intérêt
pour eux, eux ne vont pas le voir dans l’immédiat. Donc après ils ont besoin de cheminer, certains lors
de la visite, tu vois tu les mets en situation et c’est après au retour qu’ils vont ce dire « Ah ouai peut
être vaudrait mieux faire comme ci comme ça » ou certains bah, comme on disait qui vont dire, ils
étaient à fond dans le retour à domicile, ils vont dire « Bah non finalement je me sens pas capable,
finalement je me sens pas capable de rentrer à la maison » pour des problèmes architecturaux, ou
environnementaux, se retrouver tout seul ça peut devenir insécurisant. Ici ils ont du personnel 24h/24,
il suffit qu’ils soient restés des mois et des mois, se retrouver seul du jour au lendemain ça peut être
angoissant. J’ai eu le cas, la dame elle a voulu absolument sortir, elle a même fait des choses qu’elle
avait pas besoin de faire à domicile. Si tu veux monter à l’étage, l’escalier c’était, tout était au rez-dechaussée ce dont elle avait besoin au quotidien. Et le jour de la visi… de la sortie, puisqu’elle voulait
sortir et bah finalement elle a dit « Non je suis pas capable de rester là cette nuit » Faut qu’on trouve
une solution d’urgence ! Sauf que dans ces cas là c’est un peu plus complexe que ça en à l’air si t’as
pas travaillé au préalable pour avoir une solution intermédiaire. Bon ça c’est un cas, ça c’est produit
qu’une seule fois depuis que je suis là. Pour montrer que, ouai, y a des gens qui se rendent compte,
peut être un peu tard, que c’est pas, que leur choix de vie c’est plus ça.
Dans le cas d’un refus ou d’une résistance à une proposition d’aménagement ou de matériel,
est-ce que tu peux me citer les raisons qui sont souvent mises en avant ?
Pourquoi ils refusent du matériel ?
Oui
Moi je dirais un des premiers trucs, ça va être que ça fait handicapé
Ou des aménagements.
Ouai, le fait que ça fasse trop handicapé pour eux, ils ont pas envie « Vous vous rendez compte »
imaginons un rollator 4 roues pour sortir, du coup ils vont plus vouloir aller dans le quartier parce que
« Ouai personne n’a ça dans le coin, j’ai pas envie ». On nous met en avant aussi souvent le coût de
l’aide technique alors que… c’est pas… la plus part du temps on propose des choses basiques qui sont
remboursées intégralement par la sécu. Donc dans ces cas là c’est vraiment… qu’ils n’ont pas vu
l’intérêt non plus de, de, de l’outil, de l’aide technique, qu’est ce que ça peut leur apporter au quotidien
comme le bénéfice. C’est toujours l’histoire bénéfice/coût. C’est le cas… Tes deux colonnes, qu’est ce
que… en quoi ça m’aide et en quoi qu’est ce que ça me coûte moi d’avoir cette chose là. Alors pour
les aménagements après au domicile, c’est sûre que si financièrement ils ont pas les moyens
financiers, faut monter un dossier peut être PACT’ARIM, s’ils rentrent dans les cases PACT’ARIM et
du coup là les travaux ils vont pas être faits dans les délais qu’on va vouloir aussi. Là on a une dame
au soin de suite, les travaux s’ront faits, on a fait une demande en février, les travaux seront fait en
décembre. Ouai y a un problème de parquet au domicile qui a gondolé parce que elle doit pas chauffer
son domicile, qui est complètement gondolé avec un risque de chute et en plus maintenant elle marche
avec un rollator 4 roues. Donc là on est coincé, financ… enfin, c’est une dame qui a peu de moyen,
faudrait presque… moi j’ai dit « Pourquoi on la fait pas changer de logement » après
psychologiquement elle est pas prête à partir, sauf que là, si on attend le délai, elle va être un an
hospitalisée. Entre la vie où je suis protégé et puis se retrouver chez soi au bout d’un an, c’est pas très
adapté non plus par rapport au projet de vie. Alors j’ai coupé, du coup je voulais dire autre chose sur
les coûts. Et au niveau des aménagements financiers, j’ai été faire une visite à domicile juste à côté-là !
Quelqu’un qui est en neurologie, ils avaient déjà fait appel à la MDPH, y avait déjà une ergo qu’était
passée faire une visite à domicile et tout c’est pas là, c’est pas le monsieur qui me disait non, il était
pas venu à la visite, c’était la famille qui refusait de réaménager parce que justement ça faisait trop
handicapé et qu’ils voulaient pas de ça chez eux, même si c’était bénéfique pour le monsieur si tu
veux. L’ergo avait déjà proposé pas de choses. C’était un refus, niet. Donc il pouvait pas prendre de
douche, c’était une baignoire pas adaptée, il pouvait pas…, au niveau accessibilité c’était pas du tout
possible pour lui en fauteuil enfin voila. Du coup il se retrouve à faire une toilette au lit. Mais c’était
pas le choix du monsieur, puisqu’on en n’a pas discuté ensemble, mais la famille était totalement
contre. Et puis on avait enlevé le carrelage machin, et ceci, cela. Non ça faisait trop de bouleversement
pour eux, ils étaient pas près à… entre guillemets « sacrifier » ce qui était là pour l’adapter pour avoir
un bénéfice pour le coup, pour le monsieur.
La maison appartenait à la famille ?
Au couple mais y avait le fils qui habitait la.
Donc quelque part c’est eux qui ont pas accepté le handicap ?
Non ils acceptaient pas la situation. Après ils avaient peut être projet que le monsieur reste pas très
longtemps au domicile, qu’il parte en institution, je sais pas. Mais, y avait aussi le coût et ils étaient de
souvenir, je pense qu’ils avaient trop de, trop de revenus pour, tu vois, pour profiter d’aides financières
donc après eux ils trouvaient que…, c’était un cas particulier, parce que le fils était sans travail depuis
des années et ils l’aidaient financièrement. S’ils mettaient de l’argent dans les travaux, du coup ils
pouvaient plus aider le fils. Donc voila.
Fallait choisir
Fallait choisir entre le deux. Ils ont pas choisi a priori. Y a quand même eu deux visites à domicile
pour faire avancer un projet qui au final n’a surement pas abouti. C’est un peu dommage. On a
l’avantage en plus ici d’utiliser le simulateur de logement pour mettre en situation, faire l’état des
lieux actuel en disant « Voila actuellement c’est comme ça, vous voyez » enfin en mettant la personne
en situation et la famille « Vous voyez les difficultés que vous rencontrez. Si on aménageait de telle
manière, on fait une deuxième photo, voila les avantages que vous auriez » C’est quand même un outil
qui peut nous permettre d’avancer sur le projet. Faire des plans et tout ça.
Et ça tu l’as fait avec cette famille là ?
Non pas avec cette famille. Non, ils étaient dans le refus pour tout ce qu’on proposait : fauteuil…
Marguerite était montée parce que, le monsieur c’était un parkinsonien de mémoire, il avait des gros
problèmes de déglutition et tout ça, il avait une cyphose, elle voulait partir sur un fauteuil, tu vois,
coquille. Et même ça, c’était niet. C’était « Pas de ça chez nous » donc du coup on n’a pas insisté. Ils
sont pas prêts quoi. Mais y a des patients qui sont pas prêts, quand on leur propose tout ce qu’on va
proposer, le listing « Voila tout ce que vous avez besoin ! Pour rentrer à la maison on pense que vous
auriez besoin de tout ça. » Y a des gens ils disent « Ca va pas la tête ! Je vais plus avoir mon lit », tu
vois le lit médicalisé, ne serait ce que mettre le lit médicalisé, que peut être les aides humaines vont
réclamer si c’est une toilette intime au lit. Tu vois. Elles vont pas intervenir si… Bon ça, ça permet
d’argumenter des fois en disant, « Le service de soins ne va pas venir chez vous parce que ils estiment
que s’ils ont pas un lit médicalisé, ils peuvent pas travailler dans de bonnes conditions » Mais y a des
gens ils vont dire « c’est mon lit de mariage, vous vous rendez compte vous, bah non, j’ai pas envie »
ou ils dorment encore à deux et se retrouver un en lit médicalisé et l’autre avec un… un lit simple à
côté, la pièce est pas extensible non plus. Donc y a des contraintes qui s’opèrent, donc c’est… c’est un
cheminement. Après c’est est-ce qu’on fait tout pour rester à la maison ? Est-ce qu’on se donne les
moyens pour faire un bon maintien à domicile ou on fait… j’allais dire du bricabroque… qu’on fait
des montages un peu scabreux pour que ça tienne la route tu vois. Donc voila. C’est quoi leur choix de
vie ? C’est vraiment rentrer, ce donner les moyens d’y rester le plus longtemps possible. C’est pour ça
les travaux moi je dis toujours, vous voulez faire tel aménagement. Hier on m’a rappelé une famille
des soins de suite que j’ai vue avant de partir en vacances. La dame a du mal à monter à l’étage donc
ils proposaient soit d’aménager le rez-de-chaussée mais au niveau légal, tu sais, dans certaines
communes, tu ne peux pas aménager ton garage en pièce de vie. Puisqu’ils estiment à Rennes au
niveau urbanisme, c’est, c’est le cas dans la plupart des quartiers, parce que y pas de stationnement
extérieur, donc ils estiment quand t’as une habitation, une voiture, tu puisses garer ta voiture. Donc là
a priori les personnes habitent sur une commune à côté, on leur a refusé d’aménager leur garage en
chambre et sanitaires. Puisque les sanitaires sont également… C’est un pavillon en fait la cuisine, salle
à manger sont au rez-de-chaussée et les chambres et les sanitaires sont à l’étage. Donc soit y avait là,
cette possibilité d’aménager le rez-de-chaussée, soit d’installer un… un siège…
Un stanha ?
Ouai voilà siège électrique pour monter à l’étage. Mais la problématique de ces choses là, c’est que si
t’as une pathologie qui évolue ou si demain t’as plus de difficultés à te mouvoir, à sortir d’un fauteuil
pour te remettre sur autre chose, ton système, t’auras déboursé j’sais pas 7000€ et au final ton domicile
s’ra pas adapté. Donc dernière solution c’était de mettre éventuellement un ascenseur. Après ils m’ont
rappelé pour me demander qu’est ce que j’en pensais. Mais faut faire des devis. Moi au niveau
technique c’est pas moi qui vais savoir si c’est plus adapté de l’installer dans telle ou telle ou telle
pièce. L’ascenseur, est-ce qu’ils veulent vraiment partir sur un siège ? Moi j’ai donné mes arguments
pourquoi je trouvais que c’était… si ils faisaient des aménagements, le coût va être important, alors
est-ce qu’ils préfèrent débourser 7000 € pour quelque chose qui va être temporaire, peut être pas, j’en
sais rien, suivant leur état de santé ou débourser 15000€, enfin 7000 ouai 8000€ p’t’être de plus pour
avoir quelque chose de plus adapté en sachant qu’il faut mettre un ascenseur dans lequel on puisse
rentrer avec un fauteuil. Ca c’est pas toujours le cas. J’ai fait des visites à domicile aussi où y avait
bien un ascenseur mais fallait être debout… Enfin tu vois… faut, faut, moi j’dis qu’si on fait des
aménagements coûteux, il faut voir au long cours. Tu vas faire une douche à l’italienne parce que peut
être demain, malheureusement tu vas te retrouver en fauteuil roulant, on l’espère pas, mais tu vas pas
aller débourser... .Remplacer ta baignoire pour mettre une douche avec un receveur de douche de
30cm comme ils font souvent dans les HLM du reste. Pour peut être pas, demain, pas pouvoir lever les
jambes correctement pour rentrer dedans. Enfin ça me parait complètement… aberrant de faire ça. Moi
j’leur dis, vous voulez faire des travaux, certes, mais vous voulez aussi rester le plus longtemps
possible chez vous. Donc on fait… on se donne les moyens de faire des travaux pour que ça perdure
dans le temps. Voila. Ou alors, ou alors dernière solution pour cette famille là, changer de domicile.
Bon c’est pas l’option… ils m’avaient dit oui et après ils m’ont dit non. Donc c’est pas l’option qu’ils
ont choisi. Parce qu’en fait ces gens là, ils ont fait donation de la maison à leur fille. Donc je n’sais pas
je devais rappeler, au niveau notarial parce que qui fait les travaux ? Tu vois, le coût des travaux il est
à qui ? Ça je sais pas, j’ai pas revu ça cette problématique là. Après nous on a un rôle de conseil, on
peu donner plein d’infos, on peut tout casser. Moi quand je faisais des cours à l’école d’ergo, je
donnais des cas cliniques, souvent les étudiants ils me cassaient tout, même quand le projet de vie était
à court terme était d’aller en structure. Faut être logique quoi. Si quelqu’un part, attend une place en
EHPAD, on va pas tout casser dans la maison, voilà. On fait en fonction du projet de vie, est-ce qu’ils
veulent rester là ou pas ? Et on adapte aussi nos conseils en fonction de ça. Enfin je sais pas ce que
t’en penses ? Regarde, Mr M il est jeune, c’est un jeune… une jeune personne âgée ici, y a des gens
qui pourraient être ses parents, ici hospitalisés qui ont 95 ans. Ce monsieur là, peut être que sur le plan
cognitif, s’il avait moins de difficultés on aurait pu se dire, votre domicile n’est pas adapté, je sais plus
hein, est pas adapté, on envisage peut être soit une entrée, maintenant y a des résidences services, soit
peut être un domicile un peu plus adapté pour vous en fauteuil, avec… ouai faut bien penser si y a, bon
là il aide, mais s’il avait pas récupéré au niveau des transferts, y aurait p’t’être fallu un lève personne
ou un verticalisateur électrique donc faut quand même de l’espace pour manipuler ce genre de
matériel. Des fois à domicile, bah nous on préconise ça mais c’est pas possible de les utiliser, tu vois la
problématique. Donc on va p’t’etre dire bah non il va pas pouvoir dormir dans telle pièce, bah oui
quand on dit, bah ouai la chambre à l’étage il peut pas y aller, bah si on aménageait la salle à manger
en pièce de vie mais si ça un coût tu vois ils vont dire « Ca va pas la tête ! Mais vous vous rendez pas
compte, où est ce qu’on va recevoir les gens ? » Donc on est toujours dans ces histoire de
bénéfice/coût, qu’est-ce qu’on est prêt à faire, à mettre en jeu pour que ça se passe bien. C’est… les
gens ils se rendent pas toujours comptent des difficultés que une fois qu’ils sont, bah, ils sont mis en
situa…, enfin ils sont dedans et… peut être ils ont envie de faire des efforts pour que ça se passe
mieux. Mais des fois y a des conjoints qui veulent rien faire. Qui se mettent en difficultés parce qu’ils
veulent (rires) laisser le domicile tel qu’il est sans changement. Donc ça… bah après faut travailler,
faut travailler là-dessus mais… des fois ça marche pas comme nous on aimerait, enfin, on aimerait
apporter plus et… Moi j’ai même fait les visites à domicile, ils avaient déjà fait les travaux et c’était
pas forcement, ce qu’ils prévoyaient, tu vois, ce qu’il avait prévu. Le monsieur était amputé. Un
monsieur amputé qui est venu en soin de suite qui avait des gros problèmes cardio, après je crois est
passé par la rééduc… Mais… j’avais fait la visite en urgence, parce qu’ils avaient commencé à appeler
les artisans, en disant « Non vous rendez compte, si on met ça comme ca » on avait utilisé… tu vois là
pour le coup on avait utilisé le simulateur en disant « Voyez les difficultés que vous allez
rencontrer ? » ils voulaient absolument mettre des pares douche, tu vois, mais on pense pas aux tiers !
Le tiers qui vient aider, d’accord, on pensait aux éclaboussures et tout ça, projections d’eau quand on
va faire sa toilette, mais la personne qui va venir vous frotter le dos et tout ça qui va être obligée de se
mettre en quatre tu vois, certain… certaines fermetures de douche mais la personne elle peut pas aider,
elle peut rien faire. Et puis bah non, c’est… ça vous plait peut être pas mais moi dans un premier
temps, essayez sans pare douche. On peut pas toujours mettre un part douche en plus, j’me rappelle on
pouvait pas mettre un pare douche, qui pouvait, tu sais s’ouvrir, une porte vraiment s’ouvrir pour,
suivant qui utilisait la douche aussi… Mais… voila, il faut, faut être confronté aux choses, faut, faut
parler des tiers qui peuvent venir un jour t’aider aussi et y penser, enfin… c’est pas une solution, enfin,
moi personnellement, je sais pas si les collègues on dit ça, je parle sur du long terme. C’est pour les
travaux ça c’est sûre. On va pas dire aujourd’hui il a tel problème après, ah mince, bah j’y avais pas
pensé, maintenant il a ça, il peut plus utiliser… Donc… vient de là aussi notre compétence sur les
aménagements, enfin tu vois, on est quand même formé pour adapter des domiciles pour des
personnes à mobilité réduite. Après qu’ils fassent pas, parc’que moi ça m’est arrivée aussi d’aller à
domicile, ils avaient déjà eu des visite à domicile, tu te dis, c’est bizarre, pourquoi elle a proposé
ça ??? Bah ça me parait bizarre, le fauteuil tout étriqué, la personne est pas bien dedans… Ah bah oui
mais fallait que ça passe les portes… Oui mais il passe pas ça journée à passer des portes et le reste de
la journée il est complètement coincé dans son fauteuil… et une fois qu’t’as ça bah ouai l’ergo elle a
pas, elle a pas eu le choix quoi… enfin... eux leur souhait c’était que ça passe les portes… et ils ont
pas préféré, ou c’était p’t’être pas chez eux, ouvrir p’t’etre les huisseries pour que se soit plus aisé.
Chez Mr G, tu vois qui c’est Mr G ?
Oui, oui
Le monsieur amputé là. C’est pour ça que j’ai marqué, j’en ai pas reparlé à Rose dans ma synthèse de
la semaine dernière, c’est que lui me dit que dans son domicile actuel, le fauteuil passe dans les
couloirs mais vu l’étroitesse des couloirs, il ne pourra pas tourner avec un fauteuil dans les pièces qu’il
dessert. Donc… en discutant avec lui, moi j’lui ai dit, bah faudra p’t’etre, je sais qu’il a encore
d’autres problèmes médicaux, il faudra p’t’etre avancer la visite à domicile, aller voir comment c’est
vraiment et… comme il est locataire, peut être changer de domicile, avoir quelque chose de plus
adapté, et là, enfin, dans la discussion toujours, il était pas défavorable à cette idée là, mais après
j’pense qu’il va vouloir dans le quartier, ceci cela, donc tu vois c’est compliqué hein. Et y a même des
familles qui m’ont dit, le monsieur avait plus de 90 ans, c’était dans la [nom de ville], en faite t’as des
immeubles ou t’as les ascenseurs qui s’arrêtent aux impairs, tu vois.
Ouai aux demi-paliers
Voila, donc eux pas de chance, ils habitaient au 14ème, l’ascenseur s’arrêtait au 13ème… donc la famille
voulait un rapprochement au centre ville là où ils habitaient eux… Et… (Rire) enfin voila… Le couple
qui avait un super grand appartement, certes, pour deux personnes, ils voulaient qu’on fasse un
courrier aux HLM pour qu’il y ait un rapprochement de famille, donc un domicile plus adapté mais à
côté d’eux, c’est super complexe, enfin… Et moi on m’a rappelé deux ans après, mon courrier,
« Allo ?! » j’me dis qui c’est qu’ça, les HLM de chez plus… enfin quel organisme, bref… « J’vous
appelle au sujet du dossier… » Le Mr était pt’être décédé entre temps, enfin deux ans après. Ils
voulaient mon avis pour adapter, ils construisaient, qu’on adapte, mais alors eux ils adaptaient que en
rapport à cette personne là ! Enfin j’sais pas moi si tu fais des travaux c’est, d’adapté pour la grande
majorité, enfin des personnes qui risquent d’habiter dedans, tu fais une douche à l’italienne d’emblée,
enfin que ce soit… enfin je sais pas moi, je me poserai pas la question si je devais adapter un truc.
J’ferais pour ceux qui s’retrouvent en fauteuil roulant, qui ont besoin de faire un transfert, qui ont
besoin de place. Donc là bah… la solution on l’a pas trouvé pile poil quand ils l’ont voulu.
Lors d’une visite à domicile, est-ce que tu utilises les mises en situation ?
Ah bah on fait que ça.
Tu fais que ça ?
On fait que ça, c’est à faire pour les transferts on fait des mises en situation, pour les sanitaires, pour
voir s’ils ont besoin des points d’appui, ici ils ont des points d’appui directs dans les chambres, donc
des rehausseurs intégrés, est-ce qu’ils y a besoin de ce genre de chose ? Est-ce qu’ils sont toujours en
capacité d’utiliser la baignoire ou pas ? Ou s’il faut une aide technique, donc des fois quand on sait
que c’est une baignoire, on va amener soit une planche de bain ou alors un… une siège… pivotant.
Et comment t’abordes la mise en situation avec la personne ?
Ah moi d’emblée je dis « allez y montrez moi comment vous faites d’habitude. » Généralement ils
refusent pas, les transferts, ouverture des volets, tu vois, s’ils sont toujours en capacité d’ouvrir, c’est
une problématique aussi, le matin comment je fais pour ouvrir mes volets ? Si c’est possible ou pas…
ouai ouai, on… on leur dit « Voila on va chez vous, on aimerait voir comment vous vous débrouillez
au quotidien » sachant que c’est évidemment une évaluation à un moment T et que c’est pas la
réalité… vraiment. On vérifie des capacités du sujet à ce moment là, s’il est toujours en capacité de le
faire.
Quels sont les intérêts selon toi de mettre la personne en situation dans son environnement ?
Bah l’avantage, déjà, on parlait, si on le fait ici, si on met en situation ici, euh… on modifie…, ils vont
pas voir une hauteur de lit, tu vois faut vérifier si la hauteur de lit est la même qu’ici, l’avantage du lit
médicalisé, où ici ils vont utiliser quotidiennement le relève buste et tu leur dis « Mais chez vous vous
faites comment ? » « Ah bah j’en ai pas » « Bah vous allez faire comment alors ? » Tu vois ce genre
de chose. J’ai posé la question ce matin a une dame aux soins de suite, elle est dans un lit AVC, le seul
qu’y ait au soin de suite, et y a la poignée intégrée, donc elle me dit « Regardez, j’utilise telle fonction
et machin… » Bah oui sauf que le lit médicalisé que vous allez voir, y aura pas forcément la poignée
intégrée « Ah ouai, ah bah j’y avais pas pensé » Ouai sauf que bah si y a besoin de ça va falloir pt ‘être
ajouter une barre latérale de redressement au domicile Mais le domicile on est au plus juste du
quotidien, on les confronte à leurs problématiques qu’ils vont avoir tous les jours. Dans…, comment
dirais-je, dans leur lieu de vie, où ils sont attachés, l’affect peut rentrer en ligne de compte, donc des
fois le domicile on a, on peut avoir du mal à mettre en situation. Y a des gens ils vont pleurer et pas
vouloir… rien faire.
Parce qu’ils ont peur d’être en échec et de se rendre compte qu’ils sont pas…
Non parce qu’ils se rendent compte, ça fait des mois par exemple qu’ils sont pas rentrés chez eux, et
ils sont pas en capacité émotionnellement de faire quoi que ce soit. Ils se disent, « J’suis pt ‘être plus
capable de rentrer. » Tu vois ? Et du coup on peut même pas vérifier que… oui mais… on leur
explique qu’on vient voir comment vous vous débrouillez chez vous pour pouvoir justement préparer
le retour avec des aides humaines, avec peut être du matériel… donc... tout dépend aussi comment on
a préparé la visite. La difficulté en service de court séjour c’est que, du jour au lendemain on te dit bah
voila dans temps de jour la personne sort donc tu prépares précipitamment une visite chez quelqu’un
que tu connais pas bien alors que si tu suis quelqu’un pendant des mois en rééducation, que tu connais
très bien, t’as pas la même approche des choses et t’auras pu déjà au préalable au fur et à mesure des
prises en charge déjà parler du domicile, comment on sait que ça va être alors que là bah de but en
blanc, allé hop je vous emmène chez vous, vous sortez telle date hein… tu vois y en a ils sont pas prêt,
ils sont pas prêts à ça. Bon après l’intrusion des fois, t’as peut être pas demandé, mais on peut avoir
des refus de domicile, des familles des fois, enfin les familles, les patients des fois refusent… alors
souvent, s’il y a un problème d’incurie, qu’ils ont pas envie qu’on aille s’immiscer dans leur lieu de
vie, ou qu’ils voient pas du tout, certains voient pas du tout l’intérêt de notre, de notre action. Parce
que… c’était quoi la question ?
Quels sont les intérêts de la mise en situation ?
Ah ouai…
Mais c’est bien tu reprends d’autres questions avant !
Oui, surtout pour, tu vois, les mises en situations réelles telle que la confection d’un repas, au moins tu
vas vérifier les hauteurs des placards. Bon là ici, pour quelqu’un qui n’a pas de troubles cognitifs, ça
on peut le faire ici, tu peux même varier les hauteurs, mais quelqu’un qu’a des troubles cognitifs,
c’est… ça… pour moi ça n’a pas de sens de le faire ici. La mise en situation ici n’aura pas de sens, il
va te dire pendant tout le repas, pendant toute la préparation « Où sont les affaires ? Oui c’est pas
comme ça chez moi » en plus ici maintenant y a plus de gaz et y en a encore pas mal qui sont au gaz à
la maison et ça pour quelqu’un qu’a des troubles cognitifs c’est quand même important de savoir s’il
gère bien le gaz ou pas. Euh parce qu’ici faut faire un apprentissage presque pour certains au niveau
visuel c’est pas top et ils vont te dire « Je sais pas faire ça, je sais pas l’utiliser » même si tu dis bah les
bouton c’est exactement pareil que chez vous, ça correspond à une plaque, dans le principe c’est la
même chose mais du coup ils vont dire « Non non non ça je sais pas faire » la cafetière électrique, tu
fais faire un café, bah Iris je sais pas si t’as vu avec Iris, pour te dire « Ouai ma cafetière elle est pas
comme ça » ah bon ! Y a pas un compartiment pour l’eau y a pas un compartiment pour le café « Non
c’est pas la même, elle est pas comme ça » ah bon, bah comment vous allez me faire ça du coup ? Tu
vois, c’est perturbant et en plus ils savent qu’ils sont en situation d’évaluation, qu’il y a quelqu’un
derrière tout le long pour vérifier… Oui et y a même une dame, qui c’est qui m’a dit ça avant de partir
en vacances… quelqu’un m’a dit « Ah oui ils font ça, ils ont fait ça pour vérifier si je suis capable de
rentrer chez moi » je sais plus qui m’a dit ça enfin bref. Une patiente « ils ont fait ça… oui oui je sais
pourquoi… » Ah si c’est une patiente à moi, elle est venue avec Iris, Mme Z
Oui oui ! Oui j’étais là.
Elle vient la semaine prochaine avec moi, moi je la connais des soins de suite, elle a fait de [nom de
l’atelier] avec moi.et j’ai rappelé au téléphone je sais plus pourquoi et elle m’a dit ça « Ouai j’ai bien
senti que c’était pour savoir si j’étais encore capable de faire tout ça hein… » (Rires) Si elle perdait
pas la tête quoi, enfin elle a pas dit ça comme ça, c’était sous entendu « Elle pense que je perds la tête
et que je suis pas capable de rester chez moi. »
Est-ce que tu penses que la mise en situation ça permet à la personne de prendre conscience de
ses difficultés ?
Bah si elle arrive rien à faire, enfin je pense à moins d’être dans le déni total de ses troubles, euh oui.
Oui. Bah j’te dis certains on les met en échec d’emblée on va aussi, enfin certaines visites c’était, ouai
faut qu’on aille lui dire ça nous semble... Mais y en a qui sont dans le déni. Là le Mr qui part en
USLD, au mois de Décembre je suis allée à domicile avec lui il avait un discours pas du tout adapté
pour quelqu’un qui se retrouvait en fauteuil roulant tu vois, il pensait partir en voyage, avec une
pathologie un jour ça va, le lendemain ça va pas… Ca nous avait paru totalement incohérent, enfin…
ce Mr voulait solliciter une de ses filles qui habite [Nom de ville] tout le temps, elle a une vie de
famille. Voila, si à la rigueur la fille nous dit d’emblée « Je suis d’accord d’être 24h/24 avec mon père
pour que le maintien à domicile se fasse » mais si c’est pas le cas, voilà on fait comment ? Quelqu’un
qui ici dès qu’il a besoin tac tac je sonne, « Oui oui j’ai besoin de vous » même pour dire, là on parlait
de quelqu’un en… dans les lits du [nom service] hier en staff qui appelle, elle a appelé, l’aide
soignante qu’elle a appelé, elle demandait la sonnette…. Oui mais vous avez fait comment ?! (Rires)
Tu vois ! Je voudrais avoir la sonnette, et l’aide soignante elle dit mais vous avez fait comment pour
m’appeler ? Y’a des gens qui ont besoin de présence régulièrement quand même. Donc confrontés à
un domicile où il va y avoir des passages dans la journée, certes quotidiens mais espacés de d’heures
entières où y aura personne, c’est ça aussi les gens, on leur dit vous rentrez chez vous mais vous aller
avoir peut être des repas à préparés, faire un peu de ménage alors qu’ici, bah la belle vie je sais pas
mais ils ont rien à faire quoi, donc tu passes d’un truc super protégé où on te fait presque tout, à te
retrouver chez toi tout seul, certains ils ont du mal avec la solitude aussi à la maison… donc voilà,
c’est… c’est compliqué, certaines fois c’est compliqué de leur faire comprendre que bah, une fois
qu’on les met en situation, bah vous voyez bien, c’est pas facile hein ! (Rires) je pense à Mr W. le
transfert sur les WC il a pas voulu que je l’aide mais c’était au risque de tomber par terre. « Vous
voyez bien que j’ai réussi ! » Oui mais avec quelles difficultés ? Ouai c’est pas simple. Mais surtout là
le déni total de ses capacités le monsieur avec des troubles cognitifs qui ont été vérifiés depuis. Non
non parce que le corps médical à l’époque disait « Non non ce monsieur est en capacité de décider
pour lui, le projet de vie c’est un retour, nanani » Bon il avait certes des problèmes médicaux qu’il
fallait résoudre, à chaque fois qu’on a parlé de sortie il a décompensé quand même, ça c’est pas
anodin. Ca arrive aussi, t’as pas posé cette question là, la visite à domicile, on annonce la visite et
qu’est ce qui se passe la veille de la visite, y a des gens ils vont pas dormir de la nuit, ils sont
complètement stressés. Y a des gens moi j’ai retrouvé chutés, cassé le bras… Ah ! Ça tombe mal, on
devait aller à la visite à domicile aujourd’hui ! (rires) Y a une espèce de stress on va dire, on me met
en situation, ils vont vérifier tout… bon c’est vrai maintenant dans nos comptes-rendus on fait des
photos, bon on demande aux gens si ils veulent bien qu’on ait… comment dirais-je, qu’on puisse
étayer nos propos avec des photos pour des personnes qui sont pas venues, c’est vrai c’est plus simple.
Ca fait, pour certaines personnes ça fait trop d’intrusion, trop… dans leur choix de vie ouai… ouai.
C’est… Ca dépend des gens hein. Et y a des gens qui vont t’accueillir à bras ouverts, qui vont te faire
le café, le gâteau a été amené par je sais pas qui. Ou des gens qui vont même pas te proposer de
t’assoir pour que tu prennes des notes… C’est…C’est perçu… ouai et t’es perçu… Et d’autre au
contraire, non allez y allez voir sans moi ! Bah j’dis non ça n’a pas grand intérêt faut qu’vous me
montriez justement comment vous faites ! J’peux faire le tour de la maison mais ce s’ra pas concret si
j’vous vois pas en situation. Tu vois la situation ils l’a perçoivent pas de la même façon que nous non
plus. La mise en situation, l’intérêt.
Est ce que tu penses que la mise en situation c’est un moyen de faire accepter à la personne les
propositions d’aménagement ?
Ça peut être un moyen mais c’est parfois insuffisant.
Qu’est ce que tu rajouterais pour que ce soit suffisant ?
Bah tu vois ceux qui sont dans le déni total de leurs incapacités, tu vas leur proposer toute une liste
de… t’aura beau leur proposer une liste d’aides techniques de moyens ou d’aides humaines ils vont te
dire « Mais n’importe quoi, t’façon une fois qu’j’serais rentré chez moi… » Bah oui mais là on y est
chez vous « Oui oui mais quand je s’rais rentré tout va marcher comme avant » Ouai d’accord, bah toi
t’es pas convaincu. Mais… Ces gens là t’aura du mal… et puis au risque, enfin ça c’est des gens
généralement qui ont des troubles cognitifs. Là j’pense à une autre dame chez qui j’suis allée au début
de l’année avec l’assistante sociale en présence de la fille, qui a des troubles cognitifs, qui fait des
crises d’épilepsie, qu’a une patho… qu’a des problèmes cardio, enfin, une pathologie assez lourde. Et
qui étais dans le déni de ses problèmes, on avait dit, on va mettre, on a mis des aides. Sauf que elle
après pour ouvrir la porte c’était niet. « Ah bah non pas besoin de vous » Tu vois ? Donc c’est… c’est
ça qui est difficile aussi, faut qu’ils puissent, faut que les aides puissent avoir accès sans… quand on
les envoie, pas paitre… mais… Si y a pas de passage d’aides humaines c’est pas possible. Donc si les
gens sont dans le refus que les aides rentrent chez elles, on est dans la mouise. Cette dame là en plus
on l’a retrouvé dans la rue égarée, elle retrouvait plus son chemin. Bon, on aide parfois comme on dit,
parce que y a des familles qui sont réticentes au retour aussi, puisqu’elles adhèrent pas du tout à ce
projet là, on leur explique « malheureusement, si la personne est en capacité de décider, bien
évidemment pour elle, de passer par cette étape pour cheminer et p’t’être entrer en institution. Enfin on
peut pas d’emblée… ça c’est dur. J’ai fait des visites aussi où les gens c’était la dernière fois qu’ils
venaient chez eux. Mais bon d’un autre coté heureusement qu’on avait fait cette visite… Ouai y a des
gens c’est… il faut que ça murisse, qu’ils s’rendent compte par eux même que vraiment là… y a une
p’tite dame qu’était v’nue l’année dernière, elle était tombée, elle a refait quelques… un mois plus
tard, elle a du rechuter, retomber dans le cycle et là à la fin elle dit « Bah non c’est plus possible quoi »
donc elle avait une téléalarme qu’était pas sur elle le jour de la chute. Elle est restée allongée… elle
nous a expliqué qu’elle criait heureusement que quelqu’un était passé et qui l’a entendu pour appeler
les pompiers mais… quand t’es tout seul… c’est… c’est compliqué hein. C’est vrai que le retour à
domicile ou le maintien à domicile est plus facile quand y a un tiers. Quand y a quelqu’un d’autre que
quand la personne est toute seule. Voila j’sais plus c’que j’racontais… ça doit être fini, c’est quoi la
prochaine.
C’est fini !
Ah c’est fini ?!
Je te remercie !