Maîtriser - Le Centre Spatial Guyanais
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Maîtriser - Le Centre Spatial Guyanais
Travailler sur la base Maîtriser Dans l'air du temps, la maîtrise de l'énergie fait feu de tout bois. Depuis quatre ans, le CNES/CSG œuvre dans cette démarche, devenue directive nationale en 2012. A l'instar d'un iceberg, la partie émergée que l'on voit n'est qu'un aperçu de l'ampleur des opérations visant certes à maîtriser mais aussi à économiser l'énergie. Eclairages, isolation, climatisation, gestion de l'eau… Au final, nous découvrons une démarche économique, écologique et pratique, voire esthétique. Partons donc à la rencontre de cet iceberg énergétique que le service Infrastructures du CNES/CSG s'emploie à faire fondre, tout en espérant faire boule de neige en Guyane. Eclairage intérieur 9% Pompes de distribution 13% Ventilo-convecteurs (ventilateurs) 2% Eclairage extérieur 1% Auxiliaires / Onduleurs 1% Air comprimé 1% Bureautique (PC, Imprimantes, ...) 3% Informatique (baies, serveurs, ...) 9% Télécom 1% Centrales de traitement d’air (batteries) 4% Centrales de traitement d’air (ventilateurs) 6% Groupes de froid (moteurs) 40% Répartition des consommations d'énergie sur le Centre Technique avant interventions. 4 / LATITUDE 5 / N°103 / FEVRIER 2014 En tant qu'Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC), le CNES/CSG s'engage à mieux maîtriser ses énergies, en partenariat avec EDF qui a audité les grands systèmes sur trois points clés : éclairages, climatisation et isolation. Une démarche qui tombe à pic pour offrir une nouvelle jeunesse à des bâtiments de 25 ans et plus. Par Karol Barthelemy Et la lumière fut « Tous les matins, c'est pareil. Depuis quelques mois, quand je rentre dans mon bureau, j'ai l'impression de mettre un pied dans le futur : dès que je franchis le seuil, la lumière s'allume toute seule et s'autorégule toute la journée, jamais trop forte, jamais trop faible». Quand j'ai dit cela à Moïse Romero, l'expert Energie du CNES/CSG s'est penché en avant, coudes sur son bureau, ravi. «C'est un travail de longue haleine qui touche au but !» se réjouit-il. «Après quatre mois de tests sur nos collègues dans trois bâtiments témoins -et une vérification surprise de l'inspection du travail- nous avons décidé de changer tous les luminaires du Centre Technique (CT) et des sites éloignés, soit les zones dont le CNES/CSG est propriétaire». En clair, les bureaux ont troqué leurs luminaires de type T8 contre du T5 : chaque plaque de 4 néons de 18 Watts (W) en compte désormais 3 de 14 W, soit au moins 2 tubes économisés par bureau. «Nous sommes attentifs à tout ce qui relève de l'environnement : ces tubes contiennent moins de mercure, bénéficient d'un système d'allumage électronique plus économique, le tout pour une durée de vie de 16 000 heures contre 7 000 auparavant !» pointe Moïse. © G. BARBASTE 75 luminaires à LED éclairent désormais la route entre le giratoire de la Carapa et celui du CT, qui a lui-même vu fleurir 21 luminaires (un par drapeau) et 4 projecteurs à LED sur le globe. We've got the power ! Techniquement parlant, ces luminaires sont installés en couple dans chaque bureau : un luminaire maître et un élève, qui suit les actions du premier. Un détecteur de présence actif sur le maître permet de lancer l'éclairage d'une pièce dès que quiconque en franchit le seuil ; inversement, dix minutes sans mouvement et tout s'éteint. Couplé à cet équipement, le système DALI régule l'intensité lumineuse des plafonniers en fonction de la luminosité dégagée par les autres sources de lumière. Au final, au-delà de l'économie, c'est un vrai confort d'utilisation ! Le nouvel éclairage intérieur : 5 400 luminaires dans 33 bâtiments (dont 700 bureaux) Bureaux : 3 400 éclairages de type T5 de 14 W (dont un quart de luminaires maîtres) Locaux techniques : 800 luminaires étanches de 2 lampes de type T5 de 49 W chacun Couloirs : 450 spots à LED 32W Auvents et sanitaires : 680 spots à LED 24 W Bien. Mais quid des couloirs qui desservent et relient tous ces bureaux ? «Là, nous avons opté pour des spots à LED (diode électroluminescente) de 32 W, avec une durée de vie de 50 000 heures. Au-delà, ils continuent à fonctionner à 70% de leur rendement. De même, nous avons équipé auvents et sanitaires de spots à LED de 24 W» détaille Moïse. A terme, mesure aussi économique qu'hygiénique, des détecteurs de présence prendront place dans les sanitaires. Et dehors nous direz-vous ? « Grâce au retour d'expérience des lampadaires photovoltaïques installés depuis trois ans à l'entrée du CT, la stratégie extérieure est bien définie à présent. Si le photovoltaïque a un retour sur investissement très long, il est en revanche parfait pour les lieux où nous n'avons pas de réseau électrique, comme les parkings de l'EPCU S1 (Ensemble de Préparation des Charges Utiles) et du magasin général, que nous allons ainsi équiper. Pour le reste, la technologie LED est la plus adaptée. Donc, nous remplaçons progressivement les 1500 lanternes des lampadaires existants par des lanternes LED de 84 W à la durée de vie de 50 000 h, soit environ 14 ans. Cela devrait diviser la consommation de ces lampes par deux ou par trois, l'avenir nous le dira !» s'enthousiasme Moïse. LATITUDE 5 / N°103 / FEVRIER 2014 / 5 © JM. GUILLON Car l'ingénieur a encore de belles surprises dans sa lumineuse besace, comme un aménagement spécifique pour le musée et son parking. «C'est l'image même du Centre Spatial qui est en jeu ! » conclut Moïse. Fraicheur tropicale Si l'on cherche généralement une réconfortante chaleur dans la lumière, l'on apprécie tout autant la fraîcheur de la climatisation, qui représente à elle seule 65% de la consommation d'énergie du CNES/CSG. Les préconisations d'EDF tombant à pic avec des impératifs opérationnels, le service Infrastructures a installé un cinquième groupe froid 1 avec récupérateur d'eau chaude pour la centrale de climatisation qui alimente le CT et l'EPCU S1. Dernier cri de la technologie clim, ce groupe devrait se révéler particulièrement performant. Bardage en bois composite, isolation performante, ventelles... Le nouveau bâtiment Centaure témoigne des nouvelles technologies visant à mieux maîtriser l'énergie. Autre grand projet, « nous allons remplacer les 40 ventiloconvecteurs du bâtiment Mars qui seront pilotés par une GTC (Gestion Technique Centralisée). Ce système permettra de réaliser des mesures, des essais, et de valider l'efficacité des différents modes de fonctionnement. Nous ajouterons un variateur de vitesse sur le moteur pour réguler le débit du caisson d'air neuf -changé il y a trois ans et qui sera raccordé à la GTC- en fonction du volume d'activité par exemple. Bref, Mars sera le bâtiment témoin avant de reprendre les installations clim de tous les autres bâtiments » explique Jérôme Yvanez, Chef du Service Infrastructures du CNES/CSG et expert Climatisation. Egalement en cours d'étude, cette fois par la Sous-direction des Développements Sol (CNES/SDS) : le débit variable et l'équilibrage des réseaux d'eau glacée. «Quatre réseaux desservent le CT et l'EPCU S1 mais les zones ont évolué, créant un déséquilibre de la distribution d'eau glacée. Ce projet vise à améliorer l'efficacité énergétique de nos groupes froids en optimisant la répartition de la circulation de l'eau. Ce sera l'une des plus grosses économies» souligne Jérôme. 1 Machine thermo-frigorifique qui utilise de l'électricité pour faire du froid. En abaissant sa température, elle prive l'eau glacée -qui sert à climatiser les bureaux- de sa chaleur, dont une partie est évacuée dans l'air, le reste contribuant à tempérer les bureaux. Des bâtiments isolés Rencontrons à présent Cédric Nagera, expert Infrastructures. Pour lui, pas de secret, « le seul biais pour réaliser des économies conséquentes est d'isoler, d'envelopper les bâtiments pour les rendre le plus étanches possible et ainsi limiter les échanges thermiques». 6 / LATITUDE 5 / N°103 / FEVRIER 2014 «Nous avons quasiment fini deux bâtiments témoins de nouvelles technologies » déclare Cédric. « Celui de la Météo (600 m²), réhabilité, et le nouveau bâtiment Centaure (350 m²), entièrement créé. A présent, nous nous attaquons à Mars ; suivront rapidement Mercure, Galliot et Jupiter 1. Nous avons privilégié les bâtiments opérationnels, prioritaires au CSG, qui plus est vétustes avec des problèmes d'étanchéité à l'eau». Et c'est bien ce qui a déclenché la réhabilitation du bâtiment Météo dont le plancher du bunker souffrait d'infiltrations d'eau. Un bunker qu'il a fallu déshabiller pour l'étanchéifier avant de reconstituer la butte ! Un revêtement en bois composite en façade a également été expérimenté. Signalons le test du Végécol sur le parking Météo, une résine à base de liant végétal et non plus bitumeux. « C'est tout aussi performant mais avec un impact écologique nul. Nous l'avons mis en place uniquement à titre expérimental car c'est un produit très onéreux» déplore l’expert. Pour ce bâtiment et tous les autres à réhabiliter, une étude par infrarouge l'an dernier a permis d'établir leur photographie thermique (société Ingeko), suivie de préconisations isolantes. Pour les sols revêtus d'une couche d'isolant bitumeux ou d'un plancher, Cédric a fait ajouter une couche d'isolant thermique, type laine de roche ou polystyrène expansé. Les vitrages ont cédé la place à des doubles vitrages emplis de gaz Argon, plus isolant que l'air. Par ailleurs, tous ces bâtiments présentant des terrasses planes, il est prévu une sur-toiture qui, non seulement améliorera l'étanchéité, mais créera également une ventilation rafraîchissant les combles. Reste l’isolation des façades. Choix fut fait pour Uranus d'un bardage métallique qui absorbe le rayonnement solaire et ses apports thermiques, agrémenté d'une lame d'air pour compléter l'isolation. Dans le futur, les autres bâtiments cités jouiront de brise-soleil à double lame en aluminium extrudé. © JM. GUILLON © JM. GUILLON Pour Centaure en revanche, entièrement créé, les équipes ont testé un bardage en bois composite (Trespa) complété de polystyrène, une solution très résistante dans le temps et en prime tout à fait esthétique. Des panneaux sandwich équipent la toiture et l'isolation de la façade a pu se faire de l'intérieur. Des ventelles en bois limitent l'impact du rayonnement sur les façades, complétées, selon les préconisations d’INGEKO, d'une barrière végétale côté Ouest pour limiter les apports de chaleur. La Météo, l'un des premiers bâtiments du CSG, a bénéficié d'une importante remise à neuf de son isolation sous l'oeil vigilant de Cédric Nagera (à droite) et Steven Jean-Louis (à gauche). entreprendre ce type d'actions. C'est en chœur, et avec cœur, que les deux hommes se disent prêts à accompagner ceux qui les solliciteront. 4 © ERICK LOITIÈRE L'isolation est donc un chantier d'ampleur pour lequel il faut penser à tout, ce qui, finalement, convient bien à Cédric Nagera, un touche à tout des projets. « Il faut certes une bonne organisation, mais le plus dur reste de conjuguer tout cela avec les opérations !» conclut l'ingénieur. Reste l'eau Un diagnostic du réseau d'eau du CNES/CSG en 2011 a révélé un mauvais rendement. Fort de ce constat, le CNES/CSG a lancé une instrumentation de ce réseau pour mesurer en temps réel débits et consommations. « Ces mesures nous ont permis de modéliser le réseau et notre consommation d'eau » commente Cédric Nagera. « Des compteurs de sectorisation télé-relevables récemment installés permettront à présent d'identifier les points de fuite et, couplés à un logiciel d'analyse, d’optimiser notre consommation d'eau». Gros chantiers donc en perspective. Un rôle d'expert renforcé Qu'il s'agisse d’éclairage, d'isolation des bâtiments ou encore de réseau d'eau, le CNES/CSG aura été à nouveau précurseur en Guyane sur des chantiers équivalant à une petite commune. En prenant en charge ces projets, des hommes comme Moïse Romero et Cédric Nagera ont acquis une expérience précieuse pour les collectivités guyanaises qui devront tôt ou tard Moïse Romero, expert énergie et luminaires ! LATITUDE 5 / N°103 / FEVRIER 2014 / 7