1 L`importance et le potentiel du design pour l`artisanat Africain

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1 L`importance et le potentiel du design pour l`artisanat Africain
L'importance et le potentiel du design pour l'artisanat Africain
Autrefois le travail de l'artisan s'inscrivait dans une logique dictée par deux impératifs
principaux: La réponse à des besoins utilitaires, avec la fabrication d'ustensiles ménagers,
d'outils, de vêtements, d'armes et la réponse à un besoin d'éléments de reconnaissance sociale,
pour chaque groupe ou chaque individu au sein du groupe. on ne gravait pas les mêmes motifs
pour la calebasse du chef du village que pour celle du forgeron. En répondant à ces deux besoins
principaux, l'artisan par son travail occupait une place indispensable au bon fonctionnement de la
société dans laquelle il évoluait. Sa production était le reflet de sa culture.
Avec l'arrivée de la puissante économie occidentale, la fragile économie artisanale
Africaine et par la même, la logique économique et sociale a laquelle répondait l'artisan, ont été
cannibalisé (et le mot n'est pas trop fort). La calebasse ou le tissage traditionnel deviennent moins
rentable et moins utilisé que la casserole émaillée (en provenance d'Europe ou d'Asie) ou que le
tissus "Africain" fabriqué en Hollande.
Parallèlement, avec la mondialisation des échanges économiques et culturels, les éléments
de reconnaissance sociale sont maintenant: la télévision, la Mercédès, le Coca Cola, etc. Face à
cette invasion de produits industriels, l'artisan à perdu sa place dans l'échelle sociale Africaine,
avec comme conséquence immédiate, un désintéressement des jeunes générations au profit de
"situations" plus valorisantes.
À ce jour tous les acteurs du développement s'accordent à penser que ce secteur artisanal
est encore un des rares secteurs à offrir des potentialités importantes pour assurer des emplois
durables.
En effet, peu d'investissements sont nécessaires et les fortes valeurs ajoutées possibles
sont les deux atouts majeurs pour relever ce défit. D'une manière générale, l'artisanat représente,
outre sa valeur historique et culturelle, un véritable potentiel économique (exploitation de la
matière locale, créations d'emplois, image du pays à l'export, etc).
Dans les pays occidentaux, les produits Africains ne correspondaient pas aux standards
des productions des pays industrialisés et se trouvaient ainsi écartés des marchés internationaux.
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Jean-François Astoury
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Les années soixante dix ont été l'apogée du produit industriel, souvent à la limite du gadget,
débordants de fonctions inutiles et exempts de toute charge culturelle. En Europe, les années
quatre vingt ont vues surgir des groupes qui créèrent eux mêmes leurs éléments de
reconnaissance sociale. Citons comme exemple les groupes punks, véritables tribus, qui
élaborèrent des "signes", vestimentaires, véritables éléments de reconnaissance vis à vis de la
société dont ils combattaient les valeurs. De nombreuses tribus se créent, quelques soient leurs
motivations, qu'il s'agisse d'un club de supporters, d'une équipe de foot, d'un fan club d'un groupe
de rock ou des adeptes d'un gourou, toutes ces tribus arborent des signes.
Ce besoin d'éléments de reconnaissance que l'on retrouve aussi dans le "Cocooning" cher
à mis Popcorn ou l'on assiste à un repris au sein de l'habitat. En effet, grâce aux échanges
internationaux, on peut aisément, "voyager, communiquer" sans se déplacer, manger sa soupe
chinoise dans une "authentique porcelaine" sans quitter son faubourg, porter une veste Bogolan
sans savoir ou se trouve le Mali. On satisfait ses besoins de connaissance de l'autre à travers
l'acquisition de produits, tant faut-il que ces derniers soient porteurs d'une charge culturelle.
Forte de son identité culturelle, l'Afrique s'exporte depuis quelques années, dans des
domaines aussi prestigieux que la musique ou la danse et ces deux "produits d'exportation" sont à
juste titre le reflet précis d'une réelle identité Africaine contemporaine. Cet engouement pour
l'Afrique commence maintenant à toucher la production artisanale avec notamment les produits
de décoration intérieure.
Pour la grande majorité de la production artisanale actuelle la demande est initiée par la
clientèle locale qui souhaite consommer des produits utilitaires au design venu d'Europe,
continent encore envié et copié. Cette demande est si forte que le catalogue que l'on propose au
client est souvent le catalogue d'un fabricant européen, que ce soit le catalogue de vente par
correspondance Maty pour la bijouterie ou les pages de magazines de décoration pour le mobilier
ou des articles divers. Cet artisanat "utilitaire" subit indirectement une influence venant de
l'extérieur, de la même manière que l'artisanat "traditionnel ou typique" a satisfait les besoins
touristiques, provenant d'une volonté exogène au continent Africain.
La production artisanale utilitaire n'est plus qu'un pâle reflet de la réelle identité culturelle
Africaine et la production touristique ne correspond plus à un mode de consommation populaire.
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Si dans l'appui au développement du secteur artisanal Africain, l'action du désigner
européen se justifie par sa connaissance du marché ciblé, il est indispensable que les résultats de
ces actions, c'est à dire les produits, soient le reflet précis d'une identité Africaine contemporaine.
Tout comme les architectes, la profession de désigner engendre des responsabilités qui vont bien
au delà de la forme des produits. Les erreurs d'une urbanisation mal pensée dans les années 1960,
avec la construction de citées nouvelles, de banlieues dortoirs et autres cages à lapins ont
générées en France, vingt ans plus tard, des problèmes sociaux importants. Et tout ceci pour tout
simplement répondre au besoin d'un marché, à l'époque, le besoin grandissant de logements
sociaux.
En Afrique, c'est en "vertu" d'une simple adaptation au marché touristique que l'on a
assisté à la dégradation d'une production de qualité pour arriver à ce que l'on appelle maintenant
l'artisanat d'aéroport. Quand le mercantile l'emporte sur l‘échange esthétique, le produit artisanal
se dénature et devient une marchandise commerciale sans apport culturel qui se trouvera à court
terme en concurrence avec des productions mieux structurées et plus compétitives.
On le voit à travers ces deux exemples, en Europe et en Afrique que tout sacrifier à
l'adaptation aux marchés peut se révéler une catastrophe et aboutir à moyen terme à une situation
inverse à celle désirée.
Néanmoins, tous nos efforts doivent se porter pour créer des liens entre les économies des
Pays en voie de développement et l'économie mondiale. L'adaptation des productions Africaines
aux marchés occidentaux est donc indispensable, mais cette dernière ne devra se faire pas
simplement dans le respect de l'identité culturelle des pays avec une "vision européenne de
l'Afrique", mais il est essentiel que ces actions de design sur la production artisanale soient
menées dans une collaboration étroite avec l'artisan. Ceci afin d‘assurer l'appropriation de cette
action par les bénéficiaires et de se préserver des dérives à moyen terme.
En effet, si l'on admet que l'objet est un témoin et un support de l'identité culturelle d'un
groupe ou d'un pays, on doit s'interroger sur la légitimité d'une intervention extérieure sur le plan
design.
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Le désigner en homme de synthèse intégrant des paramètres sociaux, culturels,
commerciaux et techniques doit être à même d'amener l'artisan à retrouver des repères qui lui
sont propres pour que l'artisanat soit à nouveau porteur de signes dans lesquels l'Afrique se
reconnaisse.
"Souvent perçu comme un phénomène de mode marginal produisant des objets éphémères, le
design va pourtant bien au delà d'un souci esthétique ou d'une simple recherche d'élégance (D
Quarante).
Le chant improvisé des femmes Shipibo, ethnie Indienne de l'Amazonie est significatif de cet état
d'esprit que nous devons insuffler aux artisans. Ces paroles sont chantées par ces femmes potières pendant
qu'elles façonnent, cuisent et décorent les poteries qui seront vendues en Europe.
"Jeunes, voici notre travail, contemplez le,
C'est l'histoire de notre peuple,
C'est notre plus profonde création,
Pour un autre peuple, Qui jamais ne nous avait connus.
Nous les femmes nous traçons le sentier
Que demain suivrons nos filles.
Notre art atteindra ces autres pays
Que nous n'avions jamais connus." (1).
(Guillot (ph.), Art Shipibo, Janvier 1979).
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