21 juillet 1969, Le petit pas de Neil Armstrong

Transcription

21 juillet 1969, Le petit pas de Neil Armstrong
Printemps
1
21 juillet 1969,
Le petit pas de Neil Armstrong
vec le vol de Youri Gagarine, huit
'est un petit pas pour l'homme,
un bond de géant pour l'humani-
demi de curieux. Le décollage se
A
C
duquel s'étaient massés un million et
plus fort d'un demi-siècle de conquête
té." La voix est à peine audible, l'i-
passe sans encombre et, après les lar-
spatiale. Ce 21 juillet 1969, Neil
mage tremblote mais peu importe.
gages successifs des trois étages de la
Armstrong est le premier homme à
Cette nuit du 20 au 21 juillet 1969,
fusée, Apollo 11 se place en orbite
poser le pied sur la Lune. Au prix d'un
près de 600 millions de téléspecta-
lunaire le 19 juillet. La vie des astro-
effort gigantesque et de la mobilisa-
teurs sont rivés à leur petit écran, le
nautes durant le trajet Terre-Lune est
tion de moyens considérables, la Nasa
souffle coupé. Celui qui vient de pro-
filmée en direct. On peut même les
a su relever le défi de Kennedy. Une
noncer ces mots restés célèbres est
voir se livrer à un certain nombre de
démonstration indiscutable de puis-
l'astronaute américain Neil Armstrong.
facéties - Armstrong expliquant com-
sance et de maîtrise technique. Les
À 21 h 56, heure de Houston (soit 3
ment faire une tartine en apesanteur,
Russes, en dépit de leur savoir-faire,
h 56, heure française, le 21 juillet), il
ce qui témoigne de la confiance que
ont été contraints à l'abandon dans
descend l'échelle du module Eagle et
les trois hommes ont dans leur maté-
cette course à la Lune. Trente ans
pose un pied sur le sol de la Lune.
riel. Mais pour la dernière opération,
Dix-neuf minutes plus tard, Buzz
de loin la plus délicate, la tension est
Aldrin le rejoint et s'émerveille de la
à son comble. Le module lunaire
"magnifique désolation" du paysage
Eagle, avec Armstrong et Aldrin à son
qui s'offre à ses yeux. En orbite lunai-
bord, se sépare du module de com-
re, dans le module de commande
mande Columbia, et commence sa
Columbia, Michael Collins, avec sans
descente vers le point d'atterrissage. À
zaine d'hommes dont les noms
doute quelque amertume, veille au
1 000 m du sol, Neil Armstrong s'é-
sont pour la plupart oubliés.
bon déroulement des opérations. À
crit : "Alerte, alerte, nous avons un
384 000 km de là, au centre de
1202 !" Un code qui signifie que l'or-
contrôle de Houston, c'est l'explosion
dinateur de bord, saturé d'informa-
de joie. Le président Richard Nixon,
tions, déclare forfait. C'est donc en
mière puissance spatiale
en liaison téléphonique avec les deux
pilotage manuel qu'Armstrong, guidé
du monde. Une place
astronautes, déclare : "Les cieux font
par Aldrin, va diriger pendant
désormais partie du monde des hom-
quelques minutes un Eagle presque à
mes."
court de carburant. Enfin, c'est le
ans plus tôt, c'est l'événement le
plus tard, que reste-t-il des vols
Apollo ? Le souvenir d'une aventure
exceptionnelle, l'exploit humain,
des images inoubliables, et des
traces de bottes laissées dans la
poussière lunaire par une dou-
Mais surtout, cette épopée a
permis aux Etats-Unis de
s'imposer comme la pre-
que personne ne songerait aujourd'hui à
leur contester.
a mission Apollo 11 est un succès
L
soulagement lorsque les techniciens
sur toute la ligne et semble avoir
du centre de Houston entendent la
été menée avec une facilité déconcer-
voix d'Armstrong : "Ici, la base de la
tante. Au matin du 16 juillet (8 h 32,
Tranquillité. Eagle s'est posé."
heure de Houston), l'énorme fusée
Saturne 5 s'était arrachée du sol dans
une gerbe de feu, depuis le centre
spatial Kennedy à cap
Canaveral (Floride),
autour
urant leur court séjour sur la
D
Lune (2 h 32 min), les astronau-
tes vont planter le drapeau américain,
installer un sismographe et recueillir
21 kg d'échantillons de roches. Après
le décollage de la surface lunaire, ils
réussissent un amarrage parfait
à Columbia et
Printemps
2
reprennent le chemin de la Terre. La
analysés. D'autres programmes, tel
le premier être vivant à être mis sur
capsule amerrit dans l'océan Pacifique
celui de la navette spatiale américai-
orbite ; la sonde Luna 3 prendra les
le 24 juillet 1969. D'abord mis en
ne, vont mobiliser les énergies.
premières photographies de la face
quarantaine (pour éviter tout risque de
Surtout, avec Apollo 11, les améri-
cachée de la Lune le 7 octobre 1959.
contamination par d'éventuels organis-
cains ont gagné la bataille de l'espa-
Lorsque le 12 avril 1961, l'Union
mes lunaires), les trois hommes sont
ce. Car il s'agissait bien de l'aboutis-
soviétique lance Vostok 1 avec, à son
accueillis en héros lors d'une gigan-
sement d'une vraie guerre. L'ennemi ?
bord, Youri Gagarine, le premier
tesque parade dans les rues de New
L'URSS et ses alliés. Faute de pouvoir
homme de l'espace, la coupe est plei-
York le 12 août 1969. Les program-
s'affronter directement, au risque
ne pour les États-Unis. Le 5 mai
mes lunaires suivants, d'Apollo 12 à
d'une apocalypse nucléaire, les deux
1961, Alan Shepard, à bord de la
17, confirment la maîtrise américaine.
superpuissances se sont mesurées sur
capsule Mercury, inaugure enfin les
Dix autres hommes marcheront sur la
le champ de bataille de l'espace.
vols habités américains. Mais les
Lune. Seuls les astronautes d'Apollo
13 friseront la catastrophe, lorsqu'une explosion d'un réservoir d'oxygène
Ma conviction est que notre nation
Soviétiques ont une longueur d'avan-
doit s'engager à atteindre, avant la
ce.
"
fin de la décennie, l'objectif de poser
ans le développement de la tech-
un homme sur la Lune et de le rame-
D
ner sur Terre en toute sécurité. Aucun
Unis disposent pourtant depuis 1945
autre projet spatial sur cette période
d'un atout de taille en la personne de
ne sera plus impressionnant pour l'hu-
Wernher von Braun, l'ingénieur créa-
ais les vols vers la Lune
manité ou plus important pour l'ex-
teur des fusées V2 de l'Allemagne
vont s'arrêter avant terme
ploitation à long terme de l'espace. Et
nazie. Le vice-président Johnson, ami
aucun ne sera plus difficile ou plus
de von Braun, est acquis aux program-
coûteux." Ces mots, le président John
mes spatiaux. C'est lui qui va pousser
Fitzgerald Kennedy les prononce lors
Kennedy. Le président des États-Unis
de son discours sur l'état de l'Union
veut avant tout un symbole fort pour
échantillons de roches
devant le Congrès américain le 25
restaurer la suprématie américaine.
supplémentaires ? -
mai 1961. C'est clairement un défi
Johnson lui répond sans ambiguïté :
lancé aux Soviétiques. La guerre froi-
la conquête de la Lune est possible,
de est alors à son paroxysme. Les
moyennant un "gros effort".
du module de commande les
contraindra à se réfugier dans le
module lunaire et à rentrer sur
Terre sans plus attendre.
M
(il était prévu d'aller jusqu'à
Apollo 20). Ils n'ont en effet
plus de justification.
Pourquoi aller chercher des
aujourd'hui, seuls 15
% des 383 kg
recueillis ont été
États-Unis viennent d'essuyer un
nologie des lanceurs, les États-
a mort des trois hommes d'Apollo
échec cuisant à Cuba avec l'opération
L
avortée de la baie des Cochons. Et
programme lunaire.Ce sera bien
dans l'espace, les Soviétiques cumu-
davantage : une priorité nationale,
lent les premières : Spoutnik 1, pre-
une véritable mobilisation de tout le
mier satellite artificiel jamais lancé,
pays, un effort de guerre. De 1960 à
fait entendre son fameux "bip-bip"
le 4 octobre 1957 ; peu
après, la chienne
Laïka est
1 manque de compromettre le
1966, les effectifs de la Nasa passent
de 10 000 à 36 000 employés, ceux
de l'industrie spatiale de 36 500 à
376 000 ; 20 000 sociétés sont
impliquées, ainsi que 200 universités. Au
Printemps
3
total, ce sont 10 millions de person-
oxygène liquide et kérosène, il délivre
élevés qui lui sont consacrés. Alors,
nes qui travaillent de près ou de loin
près de 3 500 tonnes de poussée. Le
des têtes tombent, et le programme
au programme Apollo. Quant au budg-
F1 restera le moteur-fusée le plus
Apollo va être complètement révisé,
et, il est probablement le plus impor-
puissant jusqu'à 1984.
subissant des milliers de modifications.
tant jamais consacré à ce jour par un
pays à une seule entreprise : 25
a construction des énormes infras-
milliards de dollars de 1967, soit
L
environ 650 milliards de francs
donne lieu à une débauche d'ingénie-
L
actuels. Seule la future station spatia-
rie. À cap Canaveral, on construit le
mois après la catastrophe. Apollo 7
le internationale (ISS), à laquelle plu-
VAB, un bâtiment de 160 m de haut
emmène Walter Schirra, Don Eisele et
sieurs nations contribuent financière-
où l'on peut assembler simultanément
Walter Cunnigham pour un vol d'essai,
ment, peut se rapprocher de ce chiff-
trois fusées Saturne 5. Quant au
destiné à tester le module de com-
re.
Crawler, un monstre de 3 000 tonnes
mande d'Apollo. Le succès est total.
ur le plan technologique, la maî-
S
monté sur quatre bogies à chenilles, il
Cette fois, la Lune est à portée de
trise de la propulsion est une
est capable de déplacer la plate-forme
main. Quelques semaines plus tard,
condition sine qua non au projet. Pour
de lancement, la tour et le lanceur,
Borman, Lovell et Anders, embarqués
envoyer un équipage sur la Lune, il
soit 8 000 tonnes, du VAB au pas de
sur Apollo 8, vont se mettre en orbite
faut un lanceur puissant. Les indus-
tir, en conservant la fusée en position
autour de la Lune. Ils seront les pre-
verticale à 1° près…
miers hommes à voir, à l'horizon, se
triels américains et la Nasa lancent
le programme de fusées Saturne,
tructures nécessaires aux essais
e premier vol habité n'aura lieu
que le 11 octobre 1968, vingt
a course à la Lune va débuter tra-
L
lever… la Terre. Terre qu'ils rejoin-
giquement. Le premier vol habité
dront sans encombre après dix tours
américain est programmé pour le 21
de Lune le jour de Noël 1968. Apollo
février 1967. La mission Apollo 1 doit
9 sera une répétition, en orbite terres-
conduire dans l'espace Gus Grissom,
tre, du largage du module lunaire. Les
Edward White et Roger Chaffee. Le 27
astronomes d'Apollo 10 seront sans
premiers à fonctionner à l'hy-
janvier, enfermés dans le module de
doute les plus frustrés. Cette fois, le
drogène et à l'oxygène liqui-
commande servant de simulateur au
vaisseau se place en orbite autour de
sol, les astronautes effectuent des
la Lune et le module lunaire se déta-
contrôles. Mais un incendie se décla-
che… pour aller s'arrêter à 14 km de
re, propagé par l'oxygène pur qui
la surface de l'astre. Après cette répé-
un moteur à kérosène.
constitue l'atmosphère de la cabine.
tition générale, tout est prêt pour l'a-
Quant au premier
Malgré l'intervention des secours, les
pothéose d'Apollo 11.
qui connaîtra son apogée avec
Saturne 5, une géante de 111 m
de haut et 2 900 tonnes. Les
moteurs des deuxième et troisième étages de la fusée sont les
des, délivrant une poussée
de 100 tonnes au lieu des
6 tonnes obtenues avec
étage, avec ses cinq
moteurs F1 à
u même moment, du côté des
C'est un traumatisme national. Un
A
nombre invraisemblable de manque-
débâcle. Leur énorme lanceur N1-L3
ments et d'incohérences autour de la
explose sur le pas de tir du cosmodro-
réalisation d'Apollo 1 sont mis en évi-
me de Baïkonour, compromettant les
dence. Trop complexe, Apollo 1 n'est
chances d'un vol habité. Peu de
pas viable. Le programme lunaire
temps après, la petite sonde Luna 15
trois hommes meurent asphyxiés.
commence à être critiqué. En pleine guerre du Vietnam, il
faut justifier les
crédits
soviétiques, c'est une véritable
s'écrase sur le sol sélène au moment
où le module Eagle entame sa descente historique. Malgré les succès du
début, les soviétiques ne pourront
jamais rivaliser avec les américains sur le
Printemps
4
plan technologique. Des luttes poli-
Missions Appolo
tiques, des rivalités d'hommes, un
manque de cohérence dans les choix
Apollo 11
stratégiques (il y avait non pas un,
16-24 juillet 1969. Au soir du 20 juillet, Neil Armstrong pose le module Eagle dans la
mer de la Tranquillité. Six heures plus tard, il descend l'échelle… Bientôt rejoint par
"Buzz" Aldrin, il passera deux heures et demie sur le sol lunaire. Michael Collins, lui, est
resté 112 km plus haut, à bord de Columbia. Cette mission historique aura duré 8 jours,
3 heures et 18 minutes, et a permis de rapporter 21 kg d'échantillons.
mais deux programmes lunaires) compromettront davantage leurs chances.
Avec le triomphe de la mission Apollo
11, l'Union soviétique perd la course
à la Lune.
Apollo 12
14-24 novembre 1969. Le 20 novembre, Conrad pose le module Intrepid à l'aveugle,
C
dans l'océan des Tempêtes, à 170 m de la sonde Surveyor 3, qui avait aluni là deux ans
et demi plus tôt. Lui et Bean passeront plus de 4 h à la surface sélène, rapportant 34 kg
de roches et des fragments de Surveyor 3 pour analyse. À bord de Yankee Clipper,
Gordon sera chargé de repérer les sites d'alunissage d'Apollo 14 et 15.
poignée de main dans l'espace entre
Apollo 13
le Soviétique Alexei Leonov et
Partie le 11 avril 1970, après une série de défaillances lors des préparatifs de vol, la
mission aurait dû trouver son point d'orgue avec l'alunissage de Haise et Lovell dans le
cratère Fra Mauro. Mais elle fut avortée le 13 avril, après l'explosion d'un des réservoirs
à oxygène du module de service, à 322 000 km de la Terre. Quatre jours et un tour de
Lune plus tard, après avoir frôlé la catastrophe, l'équipage revenait sain et sauf.
hacun des deux pays mènera désormais sa propre politique. Et la
l'Américain Thomas Stafford, le 17
juillet 1975, après un amarrage réussi
entre les vaisseaux Apollo CSM111 et
Soyouz 19, inaugurera même une
nouvelle ère : celle de la coopération
spatiale internationale.
Apollo 14
31 janvier-9 février 1971. Alan Shepard (disparu en 1998) a été l'un des sept du projet
Mercury et le premier Américain dans l'espace avant de passer plus de 33 heures et
demie sur la Lune. Avec Mitchell, il collectera 45 kg de roches. Il s'offrira même deux
swings de golf avant de regrimper dans le LEM Antarès, posé dans le cratère Fra Mauro,
et de rejoindre Roosa, en orbite à bord du module de commande Kitty Hawk.
Apollo 15
26 juillet-7 août 1971. C'est dans la plaine de Hadley, près des monts Apennins, que se
pose le 29 juillet le module Falcon, avec à son bord Irwin (disparu en 1991) et Scott.
Grâce à leur Jeep électrique, ceux-ci parcourront une dizaine de kilomètres sur le sol
sélène. Resté tout ce temps en orbite à bord d'Endeavour, Worden s'offrira, lors du trajet
de retour, 38 minutes de sortie extravéhiculaire, à quelque 320 000 km de la Terre.
Apollo 16
16-27 avril 1972. Mattingly aurait dû à l'origine piloter le module de commande
d'Apollo 13. Un risque de rubéole l'en a empêché. C'est donc aux commandes de Caspar
qu'il suivra la lente descente du LEM Orion - retardée de 6 heures pour cause de dysfonctionnement d'un élément du moteur principal - dans le cratère Descartes. Young et
Duke collecteront 96 kg de roches et parcourront plus de 25 km à bord de leur Jeep.
Apollo 17
7-19 décembre 1972. La dernière mission lunaire sera celle de tous les records. Cernan
et Schmitt rapporteront 110 kg de roches, 2 000 photos du sol et parcourront 36 km à
bord de leur Jeep, s'aventurant jusqu'à plus de 7 km du module Challenger, posé dans la
région de Taurus-Littrow. Sur les 12 jours, 13 h et51 min de la mission, Evans (mort en
1990), le pilote du module America, effectuera 1 h de sortie dans l'espace.
L’intégrale des missions Appolo sur le site de la NASA:
http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/frame.html

Documents pareils