Les anges et les démons
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Les anges et les démons
144 METHODOLOGIE Notre méthode d’investigation a été relativement complexe, étant donné l’ampleur de notre sujet, assez difficile à délimiter. Notre choix a finalement été de présenter une étude comparative des anges et démons, préalable nécessaire à toute étude plus approfondie visant à nuancer la dichotomie entre les anges et les démons. Pour ce faire, nous avons eu recours à bon nombre de dictionnaires bibliques, inspirés de diverses traditions, qui nous ont permis d'obtenir des informations précises pour une réelle entrée en matière. Nous avons trouvé ces ouvrages dans la salle de recherche réservée au troisième cycle de la Bibliothèque Universitaire Centrale sur les quais. En effet, il est dommage de constater qu’aucun ouvrage relatif à la Bible ne peut s’obtenir facilement dans les bibliothèques universitaires ouvertes à tous, que ce soit sur les quais ou à Bron. En ce qui concerne l’élaboration même du dossier, nous avons déterminé différentes parties fondées sur la présentation des anges et des démons et leur rôle dans diverses traditions religieuses, car il nous a paru nécessaire de confronter les différents points de vue sur la dichotomie anges/démons. Nous avons orienté chacune nos recherches de façon personnelle, selon nos goûts, nos aspirations, et les sources dont nous disposions, ouvrages écrits ou connaissances préalablement établies. Enfin nous avons regroupé nos recherches dans le but d’organiser le plan du dossier. PLAN INTRODUCTION I. LES ANGES DANS LA BIBLE DEFINITIONS : A. LES SERAPHINS B. LES CHERUBINS C. LES ARCHANGES : MICHEL, RAPHAEL, GABRIEL II. LES DEMONS DANS LA BIBLE : SATAN ET SES MANIFESTATIONS A. ORIGINE DE SATAN B. ROLE DE SATAN C. ORIGINE ET ROLE DES DEMONS III. ANGES ET DEMONS DANS LES RELIGIONS DU LIVRE. A. DANS LE JUDAISME B. DANS LE CHRISTIANISME C. OUVERTURE SUR L’ISLAM CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE 145 INTRODUCTION La confrontation du Bien et du Mal apparaît dans la Bible dès les premiers chapitres de la Genèse : en effet, dès le chapitre III apparaît le serpent tentateur, dont l’intervention est à l’origine de la chute et de l’expulsion d’Adam et Eve hors du Paradis terrestre. Bien et Mal revêtent des formes multiples ; mais dès la Genèse apparaissent des créatures spirituelles, les anges, et plus tard leurs antagonistes les démons, que l’on retrouve ensuite dans toute la Bible. Créatures innombrables, leur origine demeure obscure. Les uns forment la cour céleste de Dieu et servent de messagers entre celui-ci et les hommes : ce sont les anges. Les autres sont des esprits impurs, malfaisants et tentateurs : les démons. Cependant, considérer que les anges symbolisent le Bien ou que les démons représentent le Mal serait donner une définition trop réductrice de ces deux groupes. En effet, les démons ne sont devenus mauvais que par leur faute, mais ont été créés bons. Ainsi, ils restent soumis à la toute-puissance de Dieu qui décide donc de leur survie : le Dieu créateur et bon, empli de désir de justice, permet à des êtres mauvais de subsister aux côtés des anges qui l'entourent. Comment expliquer ce paradoxe ? Pourquoi les anges et les démons, engendrés par le même créateur, sont-ils si différents ? S'opposent-ils, s'affrontentils seulement dans la Bible ou ont-ils en réalité besoin les uns des autres ? Nous tenterons de comprendre leur nature et leurs fonctions dans la Bible, puis nous étudierons leurs représentations dans les traditions issues de ce Livre, traditions juive, chrétienne et islamique. L’opposition fondamentale entre Bien et Mal est-elle la seule façon de rendre compte de leur existence ? 146 I.LES ANGES DANS LA BIBLE DEFINITION Lorsque le peuple d'Israël reconnut Yahvé comme Dieu unique, il fallut nécessairement évincer les autres divinités célébrées par des cultes polythéistes. Mais le changement de religion n'est jamais radical et c'est pour cela que les dieux dérivés des cultes polythéistes ont souvent été transposés dans la religion du peuple d’Israël avec le statut d'anges de Yahvé. La tradition rabbinique est consciente des influences étrangères sur les croyances d'Israël et indique que les noms des anges furent rapportés par les juifs exilés à Babylone. L'existence des anges, créatures intermédiaires entre le divin et l’humain, est nécessaire pour les juifs, car elle atténue le caractère choquant de la rencontre entre Dieu et l'homme. Le mot ange vient, via le latin angelus, du grec ajvggelo", c'est-à-dire messager, envoyé. Le terme biblique hébreu, maleâk (ûalm) désigne la même réalité : tout être messager de Dieu — il a la même racine, ûlm, que mèlèk, terme qui désigne le roi mais aussi Dieu, Dieu éternel, souverain ou maître du monde. Sa signification et ses emplois sont assez larges : tout maleâk n'est pas forcément un ange proprement dit, c'est-à-dire un être supranaturel ; tout messager de Dieu n'est pas forcément un ange si l'on prend pour exemple les prophètes, désignés eux aussi dans la Bible hébraïque par le substantif maleâk ( Ag 1,13 ; Is 42,19). Mais les anges sont désignés par ce terme générique. On peut distinguer deux sortes d’anges : les anges qui constituent les membres de la cour céleste et entourent Dieu, tels les séraphins et les chérubins, et ceux qui accomplissent une mission divine, tels les archanges ou anges de la face. 147 A.LES SERAPHINS Le terme vient de l’hébreu seraphim, pluriel de saraph (¹rc), c’est-à-dire brûlant. Ce sont des êtres célestes, décrits par Isaïe dans l'une de ses visions ( Is 6,2-6), passage dit de la vocation d’Isaïe. 1 L'année de la mort du roi Ozias, je vis le seigneur Yahvé assis sur un trône élevé. Sa traîne remplissait le sanctuaire ; 2des Séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. 3 Et ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : « Saint, saint, saint est Yahvé Sabaot. Sa gloire remplit toute la terre. » 4 Les gonds du seuil vibraient à la voix de celui qui criait et le Temple se remplissait de fumée. 5 Je dis : « Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au sein d'un peuple aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, Yahvé Sabaot. » 6 L’un des séraphins vola vers moi, tenant en main une braise qu’il avait prise avec des pinces sur l’autel. 7Il m’en toucha la bouche et dit : « Vois donc, ceci a touché tes lèvres, ta faute est effacée, ton péché est effacé, ton iniquité est expiée. » (Traduction P. Auvray) Nous pouvons étudier à partir de ce texte la place qu’occupent les séraphins : ils se situent au-dessus du trône de Yahvé, duquel ils semblent destinés à prononcer les louanges. Le rythme ternaire « saint, saint, saint » montre bien que les séraphins exaltent la gloire divine. L’évocation de la fumée fait référence à l’aspect flamboyant et brûlant des séraphins. Nous pourrions également observer la symbolique des ailes : deux qui recouvrent la face, par peur de voir Yahvé, le puissant qui rayonne ; le substantif « pieds » semble être un euphémisme pour désigner le sexe, par respect pour la gloire divine. Quant au verbe « voler », il fait référence au moyen de déplacement des séraphins et au fait que ces anges sont voués à entourer Yahvé. Leur autre fonction est la purification par le feu, c’est-à-dire qu’ici la braise est sainte car 148 l’autel a été sanctifié par Yahvé. Le feu, évoqué par l'emploi du substantif "braise", confère aux rapports existant entre les séraphins et le prophète une certaine violence. En effet, elle s'exprime symboliquement par la douleur physique, la brûlure. Le séraphin purifie le prophète : cette purification est une étape vers la délivrance du péché. La relation entre les séraphins et le prophète est donc bénéfique et positive. Les séraphins ainsi nommés ne sont pas mentionnés autre part dans la Bible. La racine de seraphim permet de former d'autres mots qui leur servent également de nomination. Mais ils ne sont pas cités directement avec l'appellation qui leur est propre. On ne peut donc que supposer leur existence à travers certaines évocations. Prenons pour exemple ce verset extrait des Nombres ( Nb 21,6 ), de tradition yahviste : 6Les serpents brûlants, dont la morsure fit périr beaucoup de monde en Israël (trad. H. Cazelles). Ces êtres sont envoyés par Dieu pour punir le peuple d'Israël au désert parce qu’il doute de l'existence d'un Dieu unique. De même que dans la relation entre le prophète Isaïe et le séraphin, ces serpents brûlants ont une fonction purificatrice mais violente, puisqu'ils donnent la mort aux infidèles. Ils permettent également à ceux qui doutent de prendre conscience de l'existence d'un Dieu unique. Leur fonction est donc relativement ambiguë, d’autant plus que c’est l’image de bronze d’un serpent qui est source de guérison (Nb, 21, 8) : pourquoi Dieu engendre-t-il des créatures aussi monstrueuses qui donnent la mort, pour faire ensuite de leur image une source de vie? Cet épisode nous montre bien que la mort, le Mal peuvent être engendrés par le Bien, luimême incarné par des créatures diaboliques de par leur forme, des serpents, qui ne sont pas sans rappeler le serpent tentateur de l'Eden. Finalement, la justice de Dieu semble parfois cruelle, puisqu'elle peut entraîner la mort. 149 B.LES CHERUBINS Ce sont des êtres célestes portant des ailes. Leur nom correspond à celui des kâribu babyloniens, génies à forme mi-humaine, mianimale, qui veillaient à la porte des temples et des palais. En hébreu, chérubin se dit kerouvim, terme suggérant l’idée de nombre ( ?). L’appellation grecque est la transcription littérale de l’hébreu : ceroubim. Une seconde étymologie nous paraît intéressante : elle provient de l’accadien karoubou ou kouribou, signifiant « intercesseur », celui qui apporte la lumière devant les dieux. Ils sont nommés pour la première fois dans la Genèse (Gn 3,24) : après qu’Adam et Eve avaient été chassés du paradis, Yahvé plaça des chérubins à l’Est du jardin d’Eden, « pour garder la route de l’arbre de vie ».Ils ont donc ici des fonctions de gardiens et de protecteurs. Ils apparaissent pour la seconde fois dans le livre de l’Exode où ils sont représentés comme des figures ornementales : ce passage de l’Ancien Testament est une description d’origine sacerdotale du temple, extraite du Premier Livre Des Rois. Nous nous intéresserons au chapitre 6, 23-28, où nous est livrée une description des chérubins. 23 Dans le Debir, il fit deux chérubins en bois d’olivier sauvage (…) Il avait dix coudées1 de haut. 24 Une aile du chérubin avait cinq coudées et la seconde du chérubin avait cinq coudées, soit dix coudées d’une extrémité à l’autre de ses ailes. 25Le second chérubin avait aussi dix coudées : même dimension et même facture pour les deux chérubins. 26La hauteur d’un chérubin était de dix coudées, et de même l’autre. 27Il plaça les chérubins au milieu de la chambre intérieure ; ils déployaient leurs ailes, en sorte que l’aile de l’un touchait au mur, que l’aile de l’autre touchait à l’autre mur et que leurs ailes se touchaient au milieu de la chambre, aile contre aile. 28 Et il revêtit d’or les chérubins. (trad. R De Vaux) Deux chérubins en bois recouverts d’or, les ailes déployées, sont 1 environ 5 mètres. 150 donc placés à chaque extrémité du propitiatoire pour monter la garde au-dessus de l’arche, dans le Saint des Saints. Cette configuration du sanctuaire au désert représente le trône divin, au centre duquel Yahvé s’exprime. Le phénomène de répétition rendu par le substantif « coudée » semble conférer un rôle sacré aux chérubins auprès de Yahvé, rôle symbolisé par leur place même et leur fonction, mais aussi par l’évocation de l’or, métal précieux et brillant. Par la suite, Dieu lui-même est représenté à plusieurs reprises dans la Bible comme « le Seigneur des armées qui siège sur les chérubins » (Psaumes 80,2 ; 99,3 etc…) Pour en revenir à leur origine mythologique, on peut aussi constater que la vision des chérubins du char d’Ezéchiel (Ez 1,10) est différente de celle que nous avons observée précédemment : 10Quant à leur aspect, ils avaient une face d'homme, et tous les quatre avaient une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d'aigle (traduction P. Auvray). Les chérubins ont deux paires d'ailes et quatre faces : le visage d'un homme pour signifier l'intelligence, l'entendement ; la face d'un lion symbolisant la royauté, la souveraineté ; celle d'un aigle représentant la légèreté, la subtilité ; et celle d'un taureau, incarnant la force, la puissance. On retrouve la même symbolique dans l'Apocalypse (Ap 4,6) : 6Au milieu, du trône, autour de lui, se tiennent quatre Vivants, constellés d'yeux par devant et par derrière. 7Le premier Vivant est comme un lion ; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau ; le troisième Vivant est comme un visage d'homme ; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol. Les quatre "Vivants" cités dans ce texte sont identiques aux quatre animaux décrits par Ezéchiel, (Ez 1,10) : le lion incarne la noblesse et la supériorité ; le taureau, la force ; l'homme la sagesse ; l'aigle, l'agilité. Ces quatre figures divines et cosmiques incarnent la 151 perfection de la création de par leur symbolique, qui représente en fait les quatre qualités principales qui font du monde divin un monde vertueux, bon et juste. Les chérubins, à la forme mi-humaine mianimale, ont bien une origine mythologique qui transparaît à travers leur apparence. Même si l'on peut les considérer comme des symboles païens, d'origine babylonienne, ils sont dans le contexte biblique au service de Yahvé. Adapter en quelque sorte une figure emblématique de la tradition religieuse babylonienne à la tradition chrétienne facilite le passage d'une religion monothéiste à une religion polythéiste, ce qui explique l'usage de ces figures mythologiques dans la tradition biblique. C. LES ARCHANGES Les archanges, au même titre que les anges, sont des créatures spirituelles qui ont un rôle de messagers entre Dieu et les hommes. Ils sont au nombre de sept et occupent la plus haute place dans la hiérarchie des anges : ils dominent les chérubins et les séraphins et sont "les sept anges qui se tiennent devant la face de Dieu" (Ap, 8, 2), c'est pourquoi ils sont également appelés "anges de la face" et accomplissent les missions les plus importantes confiées par Yahvé. Dans la Bible, seulement trois des sept archanges sont nommés : Mikaël (ou Michel), Raphaël et Gabriel, mais il y a aussi Uriel, Jehudiel, Barachiel et Seatiel, nommés seulement dans l'apocryphe d'Hénoch. 1.MIKAEL OU MICHEL - En hébreu, mika’el signifie : « qui est comme Dieu ». Mikael est le chef de la milice céleste et le prince des armées du ciel. Dans la tradition judéo-chrétienne, il est l’ange qui marche devant le peuple hébreu pendant l’exode : « L’ange de Dieu qui marchait en avant du camp d’Israël » (Ex 14, 19, trad. B. Couroyer) ; et il apparaît à Josué près de Jéricho : « Je suis le chef de l’armée de Yahvé et maintenant je suis venu » (Jos 5, 14 ; trad. Abel) .Il est aussi psychopompe, c’est-à-dire qu’il conduit les morts et pèse les âmes le jour du Jugement dernier. Il a aussi un rôle de protecteur du peuple israëlite :