2010 - Les nouveaux visages de l`Insuffisance rénale chronique

Transcription

2010 - Les nouveaux visages de l`Insuffisance rénale chronique
16 et 17 septembre 2010
31 Symposium
e
VERSAILLES - 16 et 17 septembre 2010
La Grande Motte, 24-26 septembre 1981
Les Abords vasculaires en hémodialyse
Paris, 18-19 juin 1982
Informatique et Dialyse
Saint-Etienne, 14-15 septembre 1995
Rein, cœur et vaisseaux
Paris, 19-20 septembre 1996
Rein et Diabète
Reims, 18-19 septembre 1997
Bordeaux, 3-4 juin 1983
Rein et Grossesse
Aluminium et Insuffisance Rénale
Paris, 25-26 mai 1984
Poitiers, 17-18 septembre 1998
Hémodialyse et Hémostase
Paris, 27 septembre 1985
La survie à long terme de l’insuffisant rénal
Chronique. Dialyse et Transplantation
Néphrologie et Santé Publique
Grenoble, 16-17 septembre 1999
Télématique, Informatique et Néphrologie
Brest, 14-15 septembre 2000
Rein et Tube Digestif
Lyon, 14-15 novembre 1986
Troyes, 13-14 septembre 2001
Arthropathies des dialysés et Amylose B2-M
Rein et Système Nerveux Central
Paris, 23-24 janvier 1987
Limoges, 19-20 septembre 2002
La pression artérielle chez l’urémique
Nutrition en néphrologie : théorie et pratiques
Marseille, 23-24 septembre 1988
Lyon, 18-19 septembre 2003
Peau et insuffisance rénale
Journées annuelles de Néphrologie
Rein et Cancer
La Villette-Paris, 18-20 octobre 1989
L’infection chez le dialysé
Nancy, 28-29 septembre 1990
Hématologie et Maladies Rénales
La Baule, 20-21 septembre 1991
Caen, 14-15 octobre 2004
Rein, Artères et Cœur
Strasbourg, 15-16 septembre 2005
Rein et Virus
Tours, 14-15 septembre 2006
Imagerie en Néphrologie
Conséquences métaboliques nutritionnelles
et endocriniennes de l’insuffisance rénale chronique
Bordeaux, 11-12 octobre 2007
Bordeaux, 2-3 octobre 1992
Marseille, 18-19 septembre 2008
Progression de l’insuffisance rénale
Amiens, 2-3 juillet 1993
Insuffisance rénale, dialyse et transplantation
dans les maladies rénales héréditaires
Versailles, 16-17 septembre 1994
VERSAILLES
Symposium sur l’Hémofiltration
Infection à virus de l’hépatite C (VHC) en néphrologie,
dialyse et transplantation
Le sujet âgé en Néphrologie
Rein et Hématologie
Lille, 10-11 septembre 2009
Les nouveaux visages de l’insuffisance rénale chronique
Versailles, 16-17 septembre 2010
Les nouveaux visages de l’insuffisance rénale chronique
Poissy, 31 octobre-1er novembre 1980
A CAP ital - 01 47 50 41 85
Cardiocirculatory Function in renal Failure
31 Symposium
e
Les nouveaux visages
de l’insuffisance
rénale chronique
VERSAILLES
16 et 17 septembre 2010
Edité par GAMBRO SAS 1-3 bd Charles de Gaulle 92707 Colombes Cedex
Dépôt légal : 3e trimestre 2010
9014 COUVERTURE GENERIQUE.indd 1
3/06/10 14:18:36
LES NOUVEAUX VISAGES
DE L’INSUFFISANCE Rénale chronique
Versailles
16 - 17 septembre 2010
comité Scientifique
T. PETITCLERC
L. MERCADAL
F. MIGNON
P. RONCO
M. TOUAM
B. VIRON
--
Jeudi 16 SEPTEMBRE 2010 – après-midi
13 h 45
Introduction T. PETITCLERC & M. MORENO
Session 1 - Maladie rénale chronique : de la recherche à la clinique
Modérateurs : P. DETEIX - P. RONCO
14h00 - 14h30
Programmation foetale de la maladie
rénale chronique : de l’enfant à l’adulte
R. Salomon, Paris
14h30 - 15h00
Rôle des facteurs génétiques
dans la progression de l’IRC D. Joly, Paris
15h00 - 15h30
Stades des MRC (classification KDIGO)
et risque de progression de l’IRC
B. Stengel, Villejuif
15h30 - 16h00
La néphroprotection revisitée Th. Hannedouche, Strasbourg
16h00 - 16h30 Pause
Session 2 - Education thérapeutique Modérateurs : X. Belenfant - C. Michel
16h30 - 17h00
Quels bénéfices peut-on attendre
de l’éducation thérapeutique chez
le sujet transplanté ?
17h00 - 17h30
L’éducation thérapeutique chez le sujet âgé :
un défi à relever
S. Legrain, Paris
17h30 - 18h00
L’éducation thérapeutique :
une démarche partagée --
D. Marra, Paris
A. Grimaldi, Paris
Vendredi 17 septembre 2010 – Matin
Session 3 - Innovations en dialyse
Modérateurs : B. BRANGER - C. FUMERON
08h30 - 09h00
Quel acide dans le concentré
pour hémodialyse ? F. Le Roy, Rouen
09h00 - 09h30
Intérêt des nouvelles solutions
de dialyse péritonéale
J.Ph. Ryckelynck, Caen
09h30 - 10h00
Innovations technologiques
en hémodialyse
B. Canaud, Montpellier
Session 4 - Actualités sur les alternatives à l’hémodialyse
conventionnelle
Modérateurs : A. Caillette-beaudouin, M. Touam
10h30-11h00
HDF : Quelles évidences ? I. Ledebo, Suède
11h00-11h30
L’hémodialyse nocturne G. Jean, Tassin
11h30-12h00
L’hémodialyse à domicile :
Quelles conditions pour sa survie ?
N. Raynal, Montpellier
12h00 - 13h30 Déjeuner
Vendredi 17 septembre 2010 – Après-midi
Session 5 - Transplantation : Nouveaux patients,
nouveaux défis
Modérateurs : M. Buchler - B. Viron
13h30-14h00
Transplantation rénale
chez les sujets vih
14h00-14h30
La prise en charge par le néphrologue
du patient greffé cardiaque ou hépatique D. Ribes, Toulouse
14h30-15h00
Retour en dialyse du patient transplanté rénal
15h00 Conclusions
--
L. Mercadal, Paris
Ph. Rémy, Créteil
SOMMAIRE
programmation FOETALE de la maladie renale chronique : de l’enfant à l’adulte
Rémi Salomon
p. 7
ROLE DES FACTEURS GENETIQUES DANS p. 13
LA PROGRESSION DE L’IRC
Dominique Joly
STADES DE LA MALADIE RENALE CHRONIQUE p. 23
(CLASSIFICATION KDIGO) ET RISQUE DE PROGRESSION
DE L’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE
Bénédicte Stengel MISE A JOUR EN NEPHROPROTECTION p. 29
Thierry Krummel, Anne-Laure Faller, Thierry Hannedouche
QUELS BENEFICES PEUT-ON ATTENDRE DE L’EDUCATION THERAPEUTIQUE CHEZ LE SUJET TRANSPLANTE ?
Donata Marra, Lucile Mercadal
p. 37
L’EDUCATION THERAPEUTIQUE CHEZ LE SUJET AGE : UN DEFI A RELEVER
Dominique Bonnet, Sylvie Legrain
p. 43
L’EDUCATION THERAPEUTIQUE : UNE DEMARCHE PARTAGEE André Grimaldi
p. 51
QUEL ACIDE DANS LE CONCENTRE POUR HEMODIALYSE ?
Frank Le Roy, Mélanie Hanoy
p. 57
INTERET DES NOUVELLES SOLUTIONS DE DIALYSE PERITONEALE
Jean-Philippe Ryckelynck, Angélique Thuillier-Lecouf,
Maxence Ficheux, Thierry Lobbedez
p. 63 --
INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES EN HEMODIALYSE
Bernard Canaud, Leila Chenine, Hélène Leray-Moraguès,
Annie Rodriguez, Annie Gontiers-Picard, Marion Morena
p. 71
HEMOFILTRATION – WHAT EVIDENCE DO WE HAVE ?
Ingrid Ledebo
L’HEMODIALYSE NOCTURNE
Guillaume Jean
L’HEMODIALYSE A DOMICILE : QUELLES CONDITIONS POUR SA SURVIE ? Nathalie Raynal
p. 81
p 85
p. 97
TRANSPLANTATION RENALE CHEZ LES PATIENTS VIH
Lucile Mercadal, Claudine Duvivier, Karim Fehri, Nadia Arzouk,
Marc-Antoine Valantin, Saida Ourahma, Benoit Barrou
p. 107
LA PRISE EN CHARGE PAR LE NEPHROLOGUE DU PATIENT GREFFE CARDIAQUE ET HEPATIQUE
David Ribes
p. 115
retour en dialyse des patients en échec de Transplantation rénale ou chronique
d’une mort nephronique annoncée ...
Ph. Rémy, Ph. Grimberg, V. Audart, M.matignon, D. Dahmane,
B. Beutarnt, D; Sahali, Ph. Lang
p. 123
--
Programmation fœtale de la maladie
rénale chronique : de l’enfant à l’adulte
Rémi Salomon
Service de Néphrologie Pédiatrique,
Centre de référence des Maladies Rénales Héréditaires de l’Enfant et de l’Adulte (MARHEA),
Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
La plupart des maladies ont une origine à la fois génétique et environnementale : il
en est ainsi de l’hypertension artérielle, de la maladie athéromateuse ou du diabète
par exemple. Des études épidémiologiques ont montré que le risque de développer
ces maladies pouvait être influencé par l’environnement au cours de la vie fœtale.
Le petit poids de naissance (PPN) augmente le risque de voir apparaître au cours
de la vie une hypertension artérielle, un diabète de type 2, de l’athérome ou une
insuffisance rénale. Barker introduit en 1989 le concept de « fetal programming »
pour décrire ces observations (Barker et al. 1989). Le PPN résulte d’un retard de
croissance intra-utérin et/ou d’une naissance prématurée. L’incidence du PPN est en
augmentation constante dans le monde du fait du plus grand nombre de naissances
prématurées dans les pays développés ou de la malnutrition chronique dans les pays
en voie de développement. Les conséquences à long terme du PPN représentent
donc un véritable problème de santé publique pour l’avenir.
Nous proposons d’exposer les observations épidémiologiques qui ont été faites
durant ces 30 dernières années, de présenter quelques travaux expérimentaux et les
conclusions que l’on peut en tirer pour expliquer ces phénomènes. Les implications
pour la prise en charge des sujets concernés seront envisagées.
La détermination précoce des maladies de l’adulte :
le succès de l’épidémiologie
Un lien clair a été établi entre un petit poids à la naissance (PPN) et les états qui
précèdent la maladie athéromateuse telle l’épaisseur de l’intima-média (Skilton et al,
2005). Le syndrome métabolique (SM) défini par l’obésité, la résistance à l’insuline,
l’hypertension artérielle et la dyslipidémie est également lié au poids de naissance.
Ainsi, des facteurs de risque de développer une insuffisance rénale chronique à
l’âge adulte pourraient être déterminés par l’environnement fœtal. Plusieurs études
épidémiologiques montrent que le risque d’insuffisance rénale chronique lui-même
est directement lié au PPN. Dès le début des années 1990 plusieurs études démontraient le lien entre un PPN
et l’hypertension artérielle. Ainsi, sur 1231 personnes âgées de 59 à 71 ans, le fait
d’avoir un poids de naissance inférieur à 3180g était-il lié à une augmentation de
--
la pression artérielle de 4 à 8 mmHg par rapport aux personnes ayant un poids de
naissance supérieur à cette limite (Law et al, 1993). Une méta-analyse récente sur
les dix dernières années recense 57 études portant sur le PPN, une croissance de
rattrapage durant les deux premières années de la vie et la survenue d’un syndrome
métabolique. La plupart de ces études indiquent que la résistance à l’insuline serait
le prélude aux autres éléments du SM (Nobili et al, 2008). La Bogalusa Heart Study
a pour objectif d’analyser sur le long terme les facteurs de risque cardio-vasculaires
sur l’ensemble de la population d’une petite ville semi-rurale de Louisiane (USA).
Cette cohorte comporte 11 976 participants, des enfants de 3 à 20 ans et des jeunes
adultes de 20 à 37 ans. Sur un sous-groupe de 1176 sujets, les éléments du SM
ont été analysés entre les âges de 5 et 17 ans et huit années plus tard (Bao et al,
1994). Cette étude démontre très clairement que les différents facteurs de risque
cardio-vasculaires étudiés qui constituent le SM ou qui y sont étroitement associés
(HTA, HDL-cholestérol, insulinémie) sont associés à l’âge pédiatrique et que cette
association persiste huit ans après. Il est vraisemblable que des altérations du
métabolisme glucidique et lipidique apparaissent très tôt au cours de la vie, bien
avant l’association avérée d’une HTA à une intolérance glucidique et à une obésité.
Sur cette même cohorte l’épaisseur de l’intima-média au niveau de la carotide a
été mesurée chez 486 adultes entre 25 et 37 ans (Li et al, 2003). Il a été montré
qu’il existe une corrélation entre l’épaisseur de l’intima-média carotidienne chez
l’adulte jeune et les valeurs du LDL-cholestérol et de l’index de masse corporelle à
l’âge pédiatrique. Cet indice est considéré comme un stade précoce de la maladie
athéromateuse.
Les mêmes observations ont été faites en considérant l’insuffisance rénale quelle
qu’en soit la cause (Lackland 2000, Vikse 2006). Une étude norvégienne portant sur
le registre des naissances de plus de deux millions d’enfants nés entre 1967 et 2004
permet d’identifier 526 personnes en insuffisance rénale terminale (IRT). Comparés
aux individus dont le PN est compris entre le 10ème et le 90ème percentile, ceux
dont le PN est inférieur au 10ème percentile ont un facteur de risque relatif de 1.7
d’avoir une IRT. Cette association persiste lorsque sont intégrés dans l’analyse les
malformations congénitales, les naissances multiples ou la pré-éclampsie maternelle.
Cette étude dont le recul maximum est de 38 ans est l’une des rares de cette ampleur.
L’analyse de certaines populations dans lesquelles le retard de croissance intrautérin est nettement plus fréquent, comme les aborigènes d’Australie ou les indiens
Pima en Amérique du Sud, démontre également une augmentation considérable
de la prévalence de l’IRT dans ces populations, jusqu’à 2 700 par million chez les
aborigènes.
--
Etudes expérimentales du rôle de l’environnement fœtal dans le
déterminisme des maladies de l’adulte : quels sont les mécanismes
mis en jeu ?
L’administration d’une diète pauvre en protéines chez la rate gestante provoque
un retard de croissance intra-utérin (RCIU). Ce modèle permet de reproduire les
effets du RCIU sur la survenue d’états pathologiques observés chez l’homme tels
l’HTA, la résistance à l’insuline ou une réduction du débit de filtration glomérulaire.
Les mécanismes impliqués ont été analysés sur ce modèle animal : une réduction
de la néphrogénèse est observée chez les rats ayant un RCIU ainsi induit (MerletBenichou et al 1999). De façon intéressante une alimentation riche en protéines après
la naissance augmente le risque de voir apparaître une insuffisance rénale chez ces
rats avec un PPN (Boubred et al 2007). Cette observation a été faite également chez
l’homme, les enfants avec un PPN et qui deviennent obèses ont un risque accru
d’avoir une insuffisance rénale.
La néphrogénèse est influencée par l’environnement fœtal :
implications pour l’avenir
La néphrogénèse débute chez l’homme à partir de la 9ème semaine du développement
pour se terminer peu de temps avant le terme vers la 34-36ème semaine. Une relation
inverse entre le poids de naissance et le nombre de néphrons a été démontrée
(Hughson et al, 2003). Brenner émet l’hypothèse qu’une réduction du nombre de
néphrons jouerait un rôle déterminant dans l’apparition d’une hypertension artérielle
et de lésions glomérulaires de type hyalinose segmentaire et focale. Ainsi les individus
naissant avec un PPN auraient-ils un capital néphronique réduit et de ce fait seraient
susceptibles de développer plus facilement une insuffisance rénale au cours de
leur vie si d’autres facteurs de risque viennent s’ajouter au déficit néphronique. De
nombreuses études ont confirmé ces résultats depuis : pour plus d’informations sur
le sujet, nous invitons le lecteur à se reporter à la revue publiée récemment par
Brenner (Luyckx et Brenner, 2010).
Une théorie de l’évolution (thrifty phenotype), la plasticité
développementale
L’hypothèse la plus souvent citée pour expliquer le déterminisme anténatal de ces
maladies s’appuie sur l’idée que l’environnement maternel au cours de la grossesse
induit chez le fœtus et l’enfant des modifications lui permettant de s’adapter à des
conditions similaires au cours de sa vie. Ainsi une alimentation pauvre en calories
et en protéines chez la mère déterminerait-elle des adaptations métaboliques en
conséquence à l’âge pédiatrique mais également tout au long de la vie (Gluckman et
al, 2008). Lorsque, à la génération suivante, l’alimentation devient plus riche, il peut
apparaître une inadéquation entre les adaptations déterminées très précocement
--
et l’environnement dont certains pensent qu’elle explique au moins en partie les
pathologies observées, notamment la résistance à l’insuline et les autres éléments
du SM.
Conclusion Le déterminisme d’un certain nombre de maladies de l’adulte dès la vie fœtale et
probablement pendant les premières années de la vie est un élément connu depuis
une vingtaine d’années dont nous prenons conscience progressivement. Les
mécanismes de ce « programming fœtal » sont encore mal connus, des facteurs
environnementaux semblent jouer un rôle important. Des modifications de l’expression
de certains gènes pourraient être impliquées ; l’épigénétique (modifications de l’ADN
qui ne changent pas la séquence nucléotidique) pourrait être un des mécanismes du
programming fœtal expliquant l’effet de l’environnement sur l’expression de certains
gènes (Godfrey et al, 2007).
Pour le clinicien, la connaissance de ces phénomènes est importante dans la mesure
où le petit poids de naissance constitue en soi un facteur de risque de ces maladies
agrégées autour du syndrome métabolique. Le cardiologue, le diabétologue et le
néphrologue devraient considérer le poids de naissance de leurs patients. Un suivi
plus rigoureux des enfants nés avec PPN devrait probablement être institué tout
au long de leur vie. Ceci suppose une bonne coopération entre le néonatologue, le
pédiatre et le médecin qui suivra cette personne tout au long de sa vie.
- 10 -
Références
Bao W, Srinivasan SR, Wattigney WA, Berenson GS. Persistence of multiple
cardiovascular risk clustering related to syndrome X from childhood to young
adulthood. The Bogalusa Heart Study. Arch Intern Med. 1994;154:1842-1847.
Barker DJ, Winter PD, Osmond C, Margetts B, Simmonds SJ. Weight in infancy
and death from ischemic heart disease. Lancet 1989;2 :577-580.
Boubred F, Buffat C, Feuerstein JM, Daniel L, Tsimaratos M, Oliver C, LelièvrePégorier M, Simeoni U. Effects of early postnatal hypernutrition on nephron
number and long-term renal function and structure in rats. Am J Physiol Renal
Physiol. 2007;293:F1944-9.
Glukman PD, Hanson MA, Phil D, Cooper C, Thornburg KL. Effect of in utero and
early li-life conditions on adult health and disease. N Engl J Med 2008;359 :6173.
Godfrey KM, Lillycrop KA, Burdge GC, Glukman PD, Hanson MA. Epigenetic
mechanisms and the mismatch concept of the developmental origins of health
and disease. Pediatr Res 2007;615R-75R
Hughson M, Farris AB, Douglas-Denton R, Hoy WE, Betram JF. Glomerular
number and size in autopsy kidneys : the Relationship to birth weight. Kidney Int
2003;63 :2113-2122.
Lackland DT, Bendall HE, Osmond C, Egan BM, Barker DJ. Low birth weight
contribute to high rates of early-onset chronic rénal failure in the Southeastern
United States. Arch intern Med 2000;160 :1472-1476.
Law CM, de Swiet M, Osmond C, Fayers PM, Barker DJ, Cruddas AM, Fall
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1993;306 :24-27.
Li S, ChenW, Srinivasan SR, Bond MG, Tang R, Urbina EM, Berenson GS.
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Luyckx VA, Brenner BM. The clinical importance of nephron mass. JASN 2010,
sous presse
Merlet-Benichou C. Influence of fetal environnment on kidney development. Int J
Dev Biol 1999; 43 : 453-456.
- 11 -
Nobili V, Alisi A, Panera N, Agostini C. Low birth weight and catch-up growth
associated with metabolic syndrome : a ten year systematic review. Pediatr
Endocrinol Rev 2008;6 :241-247.
Skilton MR, Evans, N, Griffiths KA, Harner JA, Celermajer DS. Aortic wall thickness
in newborns with intrauterine growth restriction. Lancet 2005;365 :1484-1486.
Vikse BE, Irgens LM, Leivestad T, Hallan S, Iversen BM. Low birth weight
increases risk for end-stage rénal disease. J Am Soc Nephrol 2006;17 :837-845.
•
- 12 -
Rôle des facteurs génétiques
dans la progression de l’IRC
DOMINIQUE JOLY
Service de Néphrologie,
Hôpital Necker
Dans une vaste étude de population Nord Américaine, environ 20% des dialysés
avaient un apparenté du premier ou du second degré atteint d’insuffisance rénale
terminale. Cette forte agrégation des cas familiaux d’IRCT dépassait largement
le cadre des maladies monogéniques clairement identifiées comme héréditaires ;
elle était plus marquée chez les patients les plus jeunes ; enfin, elle persistait
indépendamment des cas de diabète ou d’hypertension artérielle (1). Ces données,
confirmées par d’autres équipes, suggèrent que des facteurs familiaux encore
inconnus favorisent les maladies rénales chroniques et/ou leur évolution vers le
stade terminal (2) (3). Il faut toutefois noter que ces observations ne permettent pas
de déterminer les contributions relatives des facteurs génétiques et des facteurs
environnementaux.
Le rôle des facteurs génétiques dans la progression de l’IRC peut en théorie être
appréhendée de deux façons : transcriptomique et brièvement évoquée ci-dessous)
ou génomique et à laquelle nous consacrerons l’essentiel de cette revue.
Transcriptomique de la MRC
Les stratégies comparant les profils d’expression génique (mRNA, protéines) de reins
pathologiques et de reins normaux permettent d’identifier un profil transcriptomique
associé aux maladies rénales chroniques (MRC) et à leur progression (4). Ce type
d’analyse a récemment permis à une équipe d’établir pour un modèle murin de MRC
un profil transcriptomique bien corrélé à la sévérité de la progression de l’insuffisance
rénale ; dans un second temps, le profil prédictif d’une MRC progressive a été
transposé avec succès chez l’homme, grâce à une analyse des transcrits de gènes
orthologues humains effectuée sur biopsie rénale (5). Ces études de transcriptome
tissulaire sont déjà utilisées dans certains cas en oncologie et permettent de préciser
le pronostic et de guider la thérapeutique. Leur utilisation en néphrologie est plus
incertaine car la composition du tissu rénal est potentiellement hétérogène (zones
fibreuses, zones inflammatoires), aboutissant à des erreurs d’échantillonnage ; de
plus la majorité des patients atteints d’IRC ne bénéficient pas d’une biopsie rénale,
ce qui invite à considérer plus avant dans les années à venir la transcriptomique
urinaire.
- 13 -
Génomique de la MRC
L’avantage des facteurs génétiques est leur stabilité : hérités à la conception de
l’individu, ils ne sont pas modifiés ultérieurement. La contribution de la génomique
d’un individu à la progression des maladies rénales chroniques est bien entendu
variable. Les maladies rénales peuvent être classifiées dans trois catégories selon
l’implication ou non de facteurs génétiques ; schématiquement, les maladies
monogéniques sont causées par la mutation d’un gène (mutation du gène PKD1 ou
du gène PKD2 dans la polykystose rénale par exemple). Par opposition, les maladies
non génétiques sont le fait exclusif de facteurs environnementaux et surviennent de
façon accidentelle (par exemple intoxication, traumatisme). Enfin, la grande majorité
des maladies rénales peut être considérée comme multifactorielle ; leur apparition
et leur progression sont liées à l’interaction de multiples facteurs génétiques et de
facteurs environnementaux.
Polymorphismes génétiques
Les facteurs génétiques que nous évoquons ici ne sont habituellement pas des
mutations d’un seul gène, mais le plus souvent des polymorphismes de multiples
gènes. Les polymorphismes sont habituellement définis comme présents dans > 1% de la population, c’est à dire relativement fréquents. Ils peuvent se trouver dans
les régions codantes ou non codantes du gène. Le type de polymorphisme le plus
fréquent est le changement d’un seul nucléotide (paire de bases) dans la séquence
d’ADN, appelé SNP (single nucléotide polymorphism). Les projets HapMap et le
séquençage du génome ont permis d’identifier de très nombreux SNP et d’estimer
leur nombre total dans le génome humain à plus de 11 millions (6). D’autres
polymorphismes existent : insertions ou délétions de nucléotides, répétitions de
séquences nucléotidiques (doublets, triplets), larges délétions d’ADN…. Certains
polymorphismes affectent la quantité et/ou la fonction de la protéine native du gène
et sont appelés « polymorphismes fonctionnels ». Chacun des polymorphismes a
isolément un effet limité sur le phénotype ; le gène incriminé dont il dérive est appelé
« gène de susceptibilité ».
Détection des gènes impliqués dans la progression des MRC
Pour identifier les gènes de susceptibilité impliqués dans les MRC, plusieurs choix
doivent être faits : phénotype, population, approche génétique.
•
A quel phénotype confronter le profil génomique d’un individu ? Les traits
phénotypiques dans les MRC sont soit dichotomiques (individu atteint
versus individu non atteint), soit continus (évolution du DFG ou degré
d’albuminurie).
- 14 -
•
Quelle population étudier ? Les facteurs qui initient la MRC ne sont pas
nécessairement les mêmes que ceux qui favorisent sa progression. Les
facteurs initiateurs sont difficiles à identifier, car il faut en théorie faire
l’étude avant l’apparition de la pathologie. Les facteurs de progression sont
plus aisés à étudier car la maladie à été identifiée et on peut rapporter les
éléments génétiques à divers paramètres (PA, protéinurie, déclin du DFG).
•
Quels gènes rechercher ? L’approche « gène candidat » détermine
l’association entre un marqueur polymorphe contenu dans ou proche d’un
gène d’intérêt (marqueur intra- ou juxta-génique) et le phénotype étudié.
L’approche pangénomique (« genome wide ») a le potentiel de localiser des
gènes préalablement inconnus et/ou insoupçonnés : plusieurs centaines
voire milliers de SNP, véritables marqueurs microsatellites hautement
polymorphes couvrent l’ensemble du génome et sont confrontés au
phénotype étudié.
Validité des résultats
L’interprétation des résultats d’association entre un gène et une maladie doit être
prudente. Il existe en effet un risque d’erreur de type 1 si de très nombreux tests
statistiques ont été effectués, amenant à détecter « par chance » une association
qui n’existe pas (par exemple sur 1000 SNP testés au seuil de p < 0.05, on peut
s’attendre à ce qu’environ 50 SNP soient positivement associés à la maladie de
façon erronée). L’erreur de type 2 consiste à méconnaître une association existante
du fait d’un échantillon de taille trop limitée ; ce phénomène est d’autant plus net que,
dans le cas des maladies polygéniques, la contribution d’un seul gène au phénotype
est limitée, avec des odds ratio habituellement compris entre 1.2 et 1.6 (7). Pour
éviter les erreurs de types 1 et 2 dans ces études d’association, la participation de
plusieurs milliers de patients et contrôles et un seuil de significativité de l’ordre de
p < 10-6 sont considérés actuellement comme indispensables (8).
D’autres facteurs confondants et biais sont fréquents. Si un variant génétique est plus
fréquemment retrouvé en association avec le phénotype, une association causale
est possible, mais pas absolument certaine : en effet un déséquilibre de liaison avec
un autre gène très proche et lui même réellement causal est possible ; dans ce
cas, la proximité entre le marqueur et le fautif est un facteur confondant. D’autre
part, il faut idéalement valider le résultat obtenu au sein de la population d’étude
à l’aide d’une seconde population indépendante ayant les mêmes caractéristiques
phénotypiques : cette étape de « cross-validation » manque hélas dans la majorité
des études de corrélation génotype-phénotype (9).
- 15 -
Quelques exemples issus des stratégies « gène-candidat »
On dit volontiers qu’un faible nombre de patients atteints de MRC progressent
vers le stade terminal, et que les causes de MRC ont un impact moins grand sur la
progression que la protéinurie ou le niveau de pression artérielle. Ces assertions
laissent penser qu’une « voie effectrice commune » pourrait être le déterminant
majeur de la progression des MRC. Comme on le voit dans le tableau 1, les acteurs
du SRAA (système rénine-angiotensine-aldostérone), les cytokines et les médiateurs
vasoactifs ont fait l’objet de la majorité des publications dans le domaine :
•
•
•
•
•
•
Le polymorphisme insertion/délétion (I/D) de l’ACE (enzyme de conversion
de l’angiotensine) détermine la concentration d’ACE dans le sérum et les
tissus. Le génotype DD est associé à des concentrations plus élevées d’ACE
et a été associé dans différentes études à (i) un risque accru d’apparition
d’une néphropathie diabétique (10) (11), (ii) une progression plus rapide de
l’IRC liée à une néphropathie diabétique ou non diabétique (12, 13) 14).
Le polymorphisme de AGT-6 A/A, situé dans la région promotrice de
l’angiotensinogène, a pour sa part été associé à un risque accru de
progression de la MRC dans une vaste population Afro-américaine (15).
Les polymorphismes du récepteur à l’angiotensine AT1R C/C et A/C ont
été associés à un risque accru de progression vers l’IRCT dans une vaste
population d’adultes européens (16).
L’équilibre entre cytokines pro- inflammatoires (IL-1) et anti-inflammatoires
(IL1-ra) est probablement important dans le déterminisme de la sévérité
des lésions rénales prolifératives et fibreuses. Le polymorphisme IL-1RN2 est associé à une production réduite d’IL1-ra et à une progression plus
rapide des glomérulonéphrites et des néphropathies diabétiques ainsi qu’à
un risque accru d’IRCT (17).
La cytokine TGF-β a un rôle clé dans le développement des anomalies
structurales rénales telles que l’hypertrophie et l’accumulation de matrice
extracellulaire dans le diabète. Deux polymorphismes distincts ont été
associés à un phénotype sévère de néphropathie à IgA (protéinurie,
prolifération mésangiale) (18) et à une morbimortalité cardiovasculaire accrue
chez les dialysés (19). L’association de ces polymorphismes au phénotype de
progression n’est toutefois pas précisément déterminée. On sait cependant
de longue date qu’une expression rénale accrue de TGF-β est corrélée à
une dégradation plus rapide de la fonction rénale (20).
Les allèles epsilon-2 et epsilon-4 de l’apolipoprotéine E sont associé
à des profils respectivement néfastes et bénéfiques de cholestérol
et de triglycérides. Dans une analyse secondaire de la cohorte ARIC
(Atherosclerosis Risk in Communities Study, 14 500 patients suivis 14 ans
en médiane), l’allèle epsilon-4 (fréquence 0.3) est associé à une réduction
du risque de progression des MRC de 15% (21).
- 16 -
Exemples issus d’une stratégie pangénomique
Le consortium CHARGE (Cohorts for Heart and Aging Research in Genetic
Epidemiology) a récemment rapporté une étude pangénomique associant des
marqueurs polymorphes nucléotidiques (SNP) à l’existence, à la sévérité ou à
l’apparition d’une maladie rénale chronique. La population étudiée comprenait
19 877 sujets issus de 4 cohortes prospectives, et comprenait 2 000 cas de maladie
rénale chronique, dont certaines « incidentes », c’est-à-dire survenues durant le
suivi prospectif. Les résultats du consortium CHARGE sont d’autant plus robustes
que les association identifiées ont été validées dans un échantillon de population
indépendant (22).
Un des résultats les plus intéressants du consortium CHARGE concerne le gène
UMOD. Jusqu’à présent, UMOD était connu pour coder pour l’uromoduline (ou
protéine de Thamm-Horsfall) et on savait que les mutations de cette protéine
tubulaire expliquent les rares cas de néphropathies tubulo-intersitielles chroniques
familiales autosomiques dominantes (néphropathie hyperuricémique familiale,
maladie kystique de la médullaire de type 2). Le consortium CHARGE a montré qu’un
variant génétique au sein du gène UMOD (rs4293393, allèle mineur de fréquence
0.18) est associé au phénotype « maladie rénale chronique » et à une partie de
la variance du DFG (moins de 1%) dans cette vaste population (22). Les auteurs
ont ultérieurement montré que l’allèle rs4293393 d’UMOD modulait la concentration
urinaire d’uromoduline, et que des taux élevés d’uromoduline urinaire précédaient
la survenue d’une maladie rénale chronique (définie par un DFG estimé devenant < 60 ml/mn/1.73m2), grâce à un suivi prospectif prolongé des cohortes Framingham
et ARIC (23).
D’autres gènes aux fonctions encore inconnues (SHROOM3, STC1, SPATA5L1)
ont été dans la même étude associés à la fonction rénale et mériteront des études
additionnelles (22).
Perspectives
La MRC est un modèle particulièrement complexe de maladie multifactorielle.
Certains gènes de susceptibilité déjà connus influencent les réponses immunitaire et
inflammatoire, l’apparition de la fibrose et le développement de lésions vasculaires
ou ischémiques. D’autres gènes inattendus ou encore inconnus permettront
peut-être de mieux comprendre les mécanismes d’initiation et de progression des
MRC. Cependant, malgré une somme assez conséquente de résultats, aucun
polymorphisme génétique n’est actuellement utilisé en pratique courante en tant
qu’outil diagnostique ou thérapeutique (24).
- 17 -
Le premier défi est de pouvoir, à partir de multiples polymorphismes dont l’effet est
individuellement modeste, parvenir à établir un « profil génétique » suffisamment
précis pour être utilisable à l’échelon d’un individu atteint de MRC. Ce profil pourrait
signaler un risque particulier et/ou motiver une stratégie thérapeutique mieux adaptée.
Le second défi est de comprendre comment les facteurs environnementaux modulent
les effets des prédispositions génétiques aux maladies rénales chroniques.
Relever ces défis suppose de larges effectifs de patients, un vaste effort collaboratif
multidisciplinaire et une analyse informatique puissante.
- 18 -
Tableau 1.
Principaux gènes ayant un ou plusieurs polymorphismes associés à un phénotype rénal (apparition d’une néphropathie, sévérité, progression, mortalité)
Système rénine-angiotensine :
•
•
•
ACE (enzyme de conversion de l’angiotensine)
AGT (angiotensinogène)
ATR1 (récepteur de l’angiotensine de type 1)
Facteurs de croissance et cytokines :
•
•
•
•
•
•
•
•
TGF-β (transforming growth factor β)
TNF-α (tumor necrosis factor α)
VEGF (vascular endothelial growth factor)
IL-1, IL2, IL4, IL6, IL10 (interleukines)
IL-1ra (interleukine-1 réceptor antagonise)
RANTES (Regulated on Activation Normal T Expressed and Secreted,
également appelé CCL5).
PPAR gamma et PPAR gamma 2 (peroxysome proliferator activated
receptor)
CCR2 et CCR5 (chemokine receptor 2 et 5)
Médiateurs vasoactifs :
•
•
•
•
NOS (oxyde nitrique synthétase)
EDN (endothéline)
MTHFR (methylène-tetra-hydro-folate réductase)
Apolipoprotéine E
Divers :
•
•
•
MYH9 (chaîne lourde de type A de la myosine non-musculaire)
UMOD (uromoduline)
Hémoglobine
- 19 -
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•
- 22 -
Stades de la maladie rénale chronique
(classification KDIGO) et risque de
progression de l’insuffisance rénale
chronique
Bénédicte STENGEL
Centre de Recherche en Epidémiologie et Santé des Populations
CESP Inserm UMRS 1018, Villejuif, F-94807 France
Equipe 10 de Recherche en Epidémiologie du Diabète, de l’Obésité et des Maladies Rénales
Université Paris-Sud, Villejuif, F-94807 France
Le concept de maladie rénale chronique (MRC), développé en 2002 par la National
Kidney Foundation, Kidney Disease Outcomes Quality Initiative (K/DOQI)1, et révisé
sous les auspices du groupe KDIGO (Kidney disease : Improving Global Outcomes)2
a été largement adopté à l’échelon international, notamment par la Haute Autorité
de Santé en France. Il repose sur une définition de la MRC indépendante de la
néphropathie sous-jacente et une classification en 5 stades de sévérité croissante
évaluée sur le niveau de débit de filtration glomérulaire (DFG), associée à un plan
d’action clinique spécifique à chaque stade. Ce concept a pour but de faciliter une
approche de santé publique jusque-là peu développée dans ce domaine, visant à
prévenir l’apparition, la progression et les complications de la MRC3. Il a permis un
véritable essor de l’épidémiologie rénale, notamment dans le domaine de l’évaluation
des risques associés à la MRC. Fin 2009, KDIGO a pris la tête d’un « Chronic Kidney
Disease (CKD) Prognosis Consortium », constitué des investigateurs de 45 cohortes
portant sur la MRC dans le monde. Il a mené une méta-analyse de ces cohortes afin
d’évaluer les effets indépendants et combinés du niveau de DFG et de protéinurie
(albuminurie) sur les risques de mortalité générale et cardiovasculaire4, de progression
de l’insuffisance rénale, de défaillance rénale, et d’insuffisance rénale aiguë, dans
trois types de population : générale, à risque rénal, ou de patients atteints de MRC.
Dans ce contexte rapidement évolutif des connaissances, nous nous focaliserons
ici sur les études disponibles pour décrire la progression de l’insuffisance rénale
chronique selon le stade de MRC.
Méthodes d’évaluation de la progression de l’insuffisance rénale
chronique
L’insuffisance rénale terminale définie par un DFG inférieur à 15 mL/min/1.73m2 ou
l’initiation de la dialyse ou une greffe pré-emptive est un critère classique d’évaluation
de la progression dans les études cliniques, mais il nécessite un suivi de longue
durée et de nombreux patients risquent de décéder avant d’atteindre le stade terminal
(risque compétitif). Des critères de substitution sont donc souvent étudiés, tels que
la pente du DFG, sa réduction par deux ou le doublement de la créatinine sérique,
- 23 -
par deux ou le doublement de la créatinine sérique, le DFG pouvant être mesuré par une
méthode de référence ou estimé par équation (DFGe)5. La pente du DFG peut être évaluée
quantitativement en mL/min/1.73m2 et par an ou qualitativement en définissant un seuil de
« progression rapide ». Le seuil proposé par les KDOQI est de 4 mL/min/1.73m2/an, sur la
le DFG pouvant être mesuré par une méthode de référence ou estimé par équation
base d’une5 progression anticipée d’un DFG < 60 mL/min/1.73m2 vers le stade terminal
(DFGe) . La pente du DFG peut être évaluée quantitativement en mL/min/1.73m2 et
par an ou qualitativement en définissant un seuil de « progression rapide ». Le seuil
(DFG < 15) en moins de 10 ans1,5, mais d’autres seuils
ont été proposés, notamment par les
proposé par les KDOQI est de 4 mL/min/1.73m2/an, sur la base d’une progression
en moins
anticipée d’un DFG < 602 mL/min/1.73m2 vers le stade 2terminal (DFG < 15)
anglais, à 5 mL/min/1.73m
en un an ou 2 mL/min/1.73m par an sur 10 ans6. Dans l’étude
de 10 ans1,5, mais d’autres seuils ont été proposés, notamment par les anglais, à 5 mL/min/1.73m2 en un an ou 2 mL/min/1.73m2 par an sur 10 ans6. Dans l’étude
des Trois Cités menée dans la population française âgée de 65 ans et plus7, différents
des Trois Cités menée dans la population française âgée de 65 ans et plus7,
différents indicateurs ont été utilisés pour estimer le déclin annuel du DFGe observé
indicateurs ont été utilisés pour estimer le déclin annuel du DFGe observé sur une période de
sur une période de 4 ans selon le niveau moyen de DFGe au cours de la période (Tableau 1). Ils montrent la fréquence élevée d’un déclin annuel supérieur à 4 ans selon le niveau
moyen de DFGe au cours de la période (Tableau 1). Ils montrent la
2 mL/min/1.73m2 par an dans cette tranche d’âge, et l’intérêt de combiner niveau et
pente annuelle
de DFGe
identifier
lesà personnes
à haut
2 risque de progresser
fréquence
élevée d’un
déclin pour
annuel
supérieur
2 mL/min/1.73m
par an dans cette tranche
vers l’insuffisance rénale terminale nécessitant la dialyse dans les dix ans, cette
estimation
a priori
ne tenant
pas etcompte
du risque
de décèsles
avant
ce
d’âge,
et l’intérêt
de combiner
niveau
pente annuelle
de concurrent
DFGe pour identifier
personnes
stade.
à haut risque de progresser vers l’insuffisance rénale terminale nécessitant la dialyse dans les
1 du risque concurrent de décès avant ce
dix ans, cette estimation a priori ne tenantTableau
pas compte
stade.
Estimation du déclin du DFGe et probabilité de recourir à la dialyse dans
les 10 ans selon le niveau de DFGe chez 1298 personnes âgées de 65 ans
et plus participant à l’étude des 3 cités
Tableau 1- Estimation du déclin du DFGe et probabilité de recourir à la dialyse dans les 10 ans selon le
niveau de DFGe chez 1298 personnes âgées de 65 ans et plus participant à l’étude des 3 cités
DFGe moyen en
N
mL/min/1.73 m2
Ů75
709
[60-75[
397
[45-60[
161
<45
31
Déclin brut du DFGe
mL/min/ 1.73m²/an
%
% moyenne
>5
>2
(SD)
2.8
28.3
1.25
(1.72)
12.1 44.3
1.78
(2.83)
14.9 48.4
2.02
(3.01)
9.7
48.4
1.86
(3.13)
Déclin ajusté du DFGe*
mL/min/1.73m²/an
moyenne
p
(IC à 95%)
1.24
< 0.0001
(1.07-1.41)
1.83
(1.61-2.06)
2.02
(1.66-2.38)
1.59
% à risque de recourir à la
dialyse dans les 10 ans†
%
0.1
7.1
18.0
38.7
(0.77-2.42)
* ajusté sur l’âge, le sexe, la présence d’un diabète, d’une hypertension et sur le DFGe moyen individuel
†risque potentiel de recourir à la dialyse dans les dix ans compte tenu du DFGe moyen et de la pente de DFG individuels sur
* Ajusté sur l’âge, le sexe, la présence d’un diabète, d’une hypertension et sur le DFGe moyen individuel
4 ans, en faisant l’hypothèse d’un début de la dialyse à 10 mL/min/1.73 m2 de DFGe, soit la moyenne française des > 65 ans
7 dix ans compte tenu du DFGe moyen et de la pente de
† Risque
potentiel
de recourir
à (Etude
la dialyse
Stengel
B, Froissart
M, Helmer
C et al
des 3dans
cités)les
DFG individuels sur 4 ans, en faisant l’hypothèse d’un début de la dialyse à 10 mL/min/1.73 m2 de DFGe, soit la
moyenne française des > 65 ans
Stengel B, Froissart M, Helmer C et al (Etude des 3 cités)7
- 24 -
3
Risque de progression selon le stade de la maladie rénale chronique
Deux larges études en population générale ont évalué le risque d’évoluer vers
l’insuffisance rénale terminale nécessitant un traitement de suppléance selon les niveaux
combinés de DFGe et d’albuminurie : Hunt II en Norvège8 et Alberta au Canada9. Les risques
progression
selondele
relatifsRisque
associés àde
chaque
niveau de combinaison
cesstade
deux facteurs sont très comparables
de la maladie rénale chronique
entre les deux études. Dans la cohorte canadienne qui a suivi plus de 100 000 personnes
Deux larges études en population générale ont évalué le risque d’évoluer vers
l’insuffisance
rénale
terminale
nécessitant
un traitement
de suppléance
pendant
4 ans, le taux
d’incidence
ajusté
d’insuffisance
rénale traitée
est de 0.06 selon
pour 1les
000
niveaux combinés de DFGe et d’albuminurie : Hunt II en Norvège8 et Alberta au
Canada9. Les
risques
associés àetchaque
niveau
de combinaison
de ou
cesabaissée
deux
personne-années
chez
celles relatifs
sans albuminurie
avec une
fonction
rénale normale
facteurs sont très comparables entre les deux études. Dans la cohorte canadienne
qui a suivi plus de 100 000 personnes pendant 4 ans, le taux d’incidence ajusté
de façon
minime. Il augmente avec la baisse du DFGe dans chacune des classes de niveau
d’insuffisance rénale traitée est de 0.06 pour 1 000 personne-années chez celles
sans albuminurie et avec une fonction rénale normale ou abaissée de façon
d’albuminurie, mais le risque est multiplié par un facteur 4 à 50 selon le niveau
minime. Il augmente avec la baisse du DFGe dans chacune des classes de niveau
d’albuminurie, mais le risque est multiplié par un facteur 4 à 50 selon le niveau
d’albuminurie, avec un taux atteignant près de 10% chez les personnes avec un DFGe
d’albuminurie, avec un taux atteignant près de 10% chez les personnes avec un
2
DFGe inférieur à 30 mL/min/1.73m
associé à une macroalbuminurie (Tableau 2).
2
associé à une dans
macroalbuminurie
interaction
inférieur
à 30interaction
mL/min/1.73m
Cette
avec l’albuminurie
l’évaluation (Tableau
du risque2).deCette
progression
associé au niveau de DFGe est un des éléments qui conduit actuellement à proposer
avec l’albuminurie
dans
dudans
risque
progressionde
associé
au àniveau
de stades,
DFGe est
de tenir compte
del’évaluation
l’albuminurie
la de
classification
la MRC
tous les
et pas seulement dans les deux premiers.
un des éléments qui conduit actuellement à proposer de tenir compte de l’albuminurie dans la
classification de la MRC à tous les stades, etTableau
pas seulement
dans les deux premiers.
2
Taux ajustés* pour 1000 personne-années d’insuffisance rénale terminale
traitée selon le niveau de débit de filtration glomérulaire et du ratio
albumine/créatinine
urinaire
Tableau
2 - Taux ajustés* pour
1000 personne-années d’insuffisance rénale terminale traitée
selon le niveau de débit de filtration glomérulaire et du ratio albumine/créatinine urinaire
Débit de filtration glomérulaire en mL/min/1.73m2
Ratio albumine/créatinine en mg/g
Ů60
45-59
30-44
15-29
Normal
0.06
(0.03-0.10)
0.3
(0.17-0.64)
1.7
(0.8-3.2)
9.0
(4.4-18.5)
Microalbuminurie
0.09
(0.04-0.23)
0.9
(0.49-1.82)
4.8
(3.1-7.5)
27.6
(18.7-40.4)
Macroalbuminurie
2.45
(1.70-3.59)
8.3
(5.9-11.9)
27.3
(20.9-35.8)
97.3
(75-127)
* Taux ajustés (intervalle de confiance à 95%) pour 1 000 personne-années
D’après Hemmelgarn et al9
* Taux ajustés (intervalle de confiance à 95%) pour 1 000 personne-années
D’après Hemmelgarn et al9
4
- 25 -
Dans cette cohorte en population générale, âgée en moyenne de 57 ans, le risque de
mortalité toutes causes était supérieur à celui de l’insuffisance rénale terminale dans toutes les
Dans cette cohorte en population générale, âgée en moyenne de 57 ans, le risque
asses du tableau
2 exceptées celles définies par un DFGe inférieur à 45 mL/min/1.73m2 et
de mortalité toutes causes était supérieur à celui de l’insuffisance rénale terminale
dans toutes les classes du tableau 2 exceptées celles définies par un DFGe inférieur
2
ne macroalbuminurie,
témoignant
la compétition entre
les deux
à chaque
à 45 mL/min/1.73m
et unedemacroalbuminurie,
témoignant
de larisques
compétition
entre stade de
les deux risques à chaque stade de la MRC. Ce risque compétitif varie avec l’âge,
le
seuil compétitif
de DFGe envarie
dessous
vers l’insuffisance
MRC. Ce risque
avecduquel
l’âge,lelerisque
seuil de
de progresser
DFGe en dessous
duquel le risque
rénale terminale excéderait celui de décéder passant de 45 mL/min/1.73 m2 chez les 18-44 ans à moins de 15 au-delà de 75 ans dans une cohorte de plus de 200 000
e progresser
vers l’insuffisance
terminale
celui
de décéder passant de
.
vétérans
américains avecrénale
une MRC
stades 3 àexcéderait
5 (Figure 1)10
5 mL/min/1.73 m2 chez les 18-44 ans à moins de 15 au-delà de 75 ans dans une cohorte de
Figure 1
Seuil de américains
DFGe estimé avec
en dessous
duquel
le risque
progression
.
lus de 200 000 vétérans
une MRC
stades
3 àde
5 (Figure
1)10vers
l’insuffisance rénale terminale excède le risque de décès par groupe d’âge.
O’Hare et al10
Figure 1- Seuil de DFGe estimé en dessous duquel le risque
de progression vers l’insuffisance rénale terminale excède
Par contraste avec les études en population, le risque10 de progresser vers
le risque de décès par groupe d’âge. O’Hare et al
l’insuffisance rénale terminale est généralement supérieur à celui de décéder à
chaque stade de la MRC dans les cohortes de patients11, 12. Ceci est bien illustré par
la Figure 2 ci-après issue de l’étude Modification of Diet in Renal Disease (MDRD)12. Par contraste avec les études en population, le risque de progresser vers l’insuffisance
énale terminale est généralement supérieur à celui de décéder à chaque stade de la MRC dans
- 26 -
s cohortes de patients11, 12. Ceci est bien illustré par la Figure 2 ci-après issue de l’étude
12
nsuffisance rénale est toujours plus élevé que le pourcentage de décès, mais aux niveaux
Les pourcentages d’insuffisance rénale et de décès sont d’autant plus élevés que le plus hautsFGe
deà DFGe,
les décès surviennent plus souvent avant le stade terminal de
l’entrée dans l’étude est bas.
pourcentage d’insuffisance rénale est toujours plus élevé que le pourcentage
nsuffisance Le
rénale,
tandis qu’aux plus bas, ils surviennent en majorité après.
de décès, mais aux niveaux les plus hauts de DFGe, les décès surviennent plus
souvent avant le stade terminal de l’insuffisance rénale, tandis qu’aux plus bas, ils
surviennent en majorité après.
Figure
2
Figure 2 - Insuffisance rénale
terminale
(%) et mortalité
(%)
(décès
avant
et
après
insuffisance
rénale
terminale)
par
Insuffisance rénale terminale (%) et mortalité (%) (décès
avant
et après
déciles
de
DFGe
mesuré
à
l’entrée
dans
l’étude
MDRD.
insuffisance rénale
terminale)
par
déciles
de
DFGe
mesuré
à
l’entrée
dans
Menon
et al 12
l’étude
MDRD.
Menon et al 12
En conclusion, le risque de progression vers l’insuffisance rénale terminale associé
aux stades de MRC varie sensiblement selon qu’il est estimé dans des cohortes
En conclusion,
de progression
vers l’insuffisance
rénale terminale
de patients le
ourisque
en population
générale. L’utilisation,
dans les secondes,
d’un seuil associé
d’albuminurie à 30 mg/g créatinine pour définir les stades 1 et 2 de la MRC et de la
DFG (< 60 mL/min/1.73m
les stades 3 et
pluscohortes
conduit à de
classer
x stades de seule
MRCvaleur
variedusensiblement
selon qu’il2) pour
est estimé
dans des
patients ou
comme malades un grand nombre de personnes pour lesquelles ces anomalies
restent peu évolutives. Le risque est donc dilué par rapport à celui évalué
populationisolées
générale.
L’utilisation, dans les secondes, d’un seuil d’albuminurie à 30 mg/g
dans les cohortes de patients, sélectionnés sur un plus grand nombre de critères
d’inclusion. A chaque stade de MRC, le risque de progresser vers l’insuffisance
atinine pour
définir
les est
stades
1 et 2 avec
de la
et de
la seule valeur
du DFG
rénale
terminale
en compétition
celuiMRC
du décès,
ce phénomène
variant de
façon substantielle selon l’âge des individus et le type de population étudiée.
60 mL/min/1.73m2) pour les stades 3 et plus conduit à classer comme malades un grand
mbre de personnes pour lesquelles ces anomalies
- 27 - isolées restent peu évolutives. Le risque
donc dilué par rapport à celui évalué dans les cohortes de patients, sélectionnés sur un plus
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•
- 28 -
Mise à jour en Néphroprotection
Thierry Krummel, Anne-Laure Faller,
Thierry Hannedouche
Service de Néphrologie
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
1, place de l’Hôpital, 67792 Strasbourg cedex
et
Faculté de Médecine de Strasbourg
1, rue Kirschleger
67000 Strasbourg
La maladie rénale chronique (MRC) ainsi que l’insuffisance rénale chronique IRC) ont été récemment définies dans des recommandations américaines 2003 (K/DOQI 2002) (1), reprises plus récemment par les KDIGO en 2005 (2).
L’insuffisance rénale chronique est définie par un seul critère : la réduction du débit de
filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 60 ml/min pour 1,73 m2, persistant pendant 3 mois ou plus. Une classification de la MRC en 5 stades de gravité est ainsi proposée
selon le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe).
Cependant des critiques ont été formulées vis-à-vis du diagnostic et de la classification
de la MRC reposant sur un seul critère biologique (3,4):
- Le seuil de 60 ml/min est quelque peu arbitraire.
- L’équation de MDRD et probablement le nouvelle équation CKD-EPI ne sont
pas encore assez discriminantes au seuil de 60 ml/min.
- Le dosage de la créatinine plasmatique inclus dans toutes les formules est
encore mal standardisé et source d’importantes variations interlaboratoires.
- Un DFGe abaissé isolément pourrait ne pas toujours être synonyme de CKD
(en particulier dans les populations d’individus à faible apport protidique ou
chez les sujets âgés si l’on admet un vieillissement normal du rein).
1. Facteurs de risque de progression des maladies rénales.
Au niveau de la population générale, les facteurs prédictifs de survenue d’une
insuffisance rénale terminale ont été étudiés dans la cohorte Kaiser Permanente (5). Dans cette étude, 177 570 individus ont été examinés et l’apparition d’une IRT a
été colligée sur une période de 35 ans (842 cas). Cette étude confirme l’importance
des facteurs de risque établis : sexe masculin, âge avancé, protéinurie, diabète,
hypertension artérielle, index de masse corporelle élevé, créatinine plasmatique
basale élevée, ethnie afro-américaine, niveau éducatif bas. Les deux facteurs
- 29 -
les plus importants sont la protéinurie et l’excès pondéral avec une relation doseeffet. Plusieurs facteurs indépendants plus originaux sont mis en évidence dans
cette étude : hémoglobinémie basse, hyperuricémie, symptomatologie de nycturie,
antécédents familiaux de maladie rénale.
Dans les dernières années et depuis les recommandations HAS 2004, plusieurs
mesures thérapeutiques ont fait l’objet de discussion et seront donc analysées dans
ce texte.
2. Quelles pressions pour quels malades ?
L’ensemble des société savantes internationales recommandent actuellement des
cibles tensionnelles < 140/90 mmHg chez les individus hypertendus à faible risque
et une cible tensionnelle plus basse < 130/80 mmHg chez les patients diabétiques,
les patients avec une néphropathie (JNC7 2003, KDOQI 2004, BHS 2004, HAS
2004 et 2005, ESH 2007, ADA 2008)(6-12), voire chez tous les patients à risque élevé
(antécédent coronarien ou équivalent), ou ayant un risque calculé selon Framingham
> 10% à 10 ans (AHA 2007 Guidelines for the Treatment of Hypertension in the
Prevention and Management of Ischemic Heart Disease)(13).
Ces recommandations reposent essentiellement sur des analyses observationnelles,
des analyses post hoc et enfin sur les conclusions de la méta-analyse BPLTTC 2003 (14) qui avait comparé un traitement antihypertenseur intensif versus un traitement
moins intensif. Cette méta-analyse avait montré une réduction de l’incidence des
AVC, des événements cardiovasculaires majeurs mais pas de la mortalité totale ou
cardiovasculaire, des évènements coronariens ou de l’insuffisance cardiaque chez
les patients traités « intensivement ». Cependant les résultats positifs de cette métaanalyse sont largement influencés par ceux de l’UKPDS 38 chez des diabétiques de
type 2 qui comparait une cible tensionnelle « traditionnelle » de 180/85 mmHg à une
cible « basse » de 150/85 mmHg (15).
La Cochrane Database of Systematic Review a repris cette méta-analyse (16) en
excluant UKPDS 38 et en incluant les essais prospectifs de cibles tensionnelles
suivants : Modification of the Diet in Renal Disease (MDRD), Hypertension Optimal
Treatment (HOT), BP Control in Diabetes (ABCD) H et N, African American Study of
Kidney Disease and Hypertension (AASK), et Renoprotection in Patients with non
Diabetic Chronic Renal Disease (REIN-2) (17-22).
Dans ces essais, une baisse tensionnelle moyenne supplémentaire de – 4/3 mmHg
obtenue dans le groupe « cible tensionnelle basse » ne modifie l’incidence d’aucun
des critères suivants : mortalité totale, infarctus du myocarde, AVC, insuffisance
cardiaque, événements CV majeurs, insuffisance rénale terminale. Cette étude, si
elle ne retrouve pas de bénéfice, ne montre pas non plus d’aggravation du risque
pour des cibles tensionnelles plus basses.
- 30 -
Concernant spécifiquement les populations diabétiques et les patients en insuffisance
rénale, l’analyse ne retrouve pas de bénéfice pour des cibles tensionnelles < 135/85 mmHg mais dans ces 2 cas, les arguments pour l’absence de bénéfice
sont moins robustes. Des études additionnelles sont nécessaires pour conclure
définitivement sur la PA cible optimale et les résultats de l’étude ACCORD actuellement
menée chez des patients diabétiques sont donc attendus avec beaucoup d’intérêt
(23).
Dans l’étude IDNT chez 1590 patients avec une néphropathie diabétique avérée, la cible tensionnelle préconisée sous traitement antihypertenseur était < ou = à 135/85 mmHg. Les analyses post hoc de IDNT montrent une relation linéaire entre la
PAS systolique obtenue sous traitement et l’incidence de la mortalité cardiovasculaire,
et de l’insuffisance cardiaque (mais pas des événements coronariens) et aussi avec
la vitesse de progression de la néphropathie (24). Cette relation persiste jusqu’à une
PA systolique de 120 mmHg. En dessous de ce seuil, le risque de mortalité globale
augmente et le bénéfice rénal devient marginal. Les conclusions des auteurs de ce
travail sont de viser une cible tensionnelle de 120-130 mmHg en conjonction avec le
blocage du système rénine-angiotensine.
On peut donc conclure que la PA cible « optimale » est < 135/85 mmHg lorsque la PA
est mesurée en consultation. Un traitement à base de 2 ou plus antihypertenseurs
est habituellement nécessaire pour obtenir cette cible tensionnelle. Il est souhaitable
de ne pas abaisser la PA systolique en dessous de 120 mmHg, en particulier chez
les patients à haut risque coronaire et vasculaire.
3. IEC + ARA2 : une association de plus en plus Controversée
La combinaison d’IEC et d’ARA2 a été proposée pour renforcer le blocage du SRA
et la néphroprotection. L’effet additif de ces combinaisons sur la protéinurie (-35%
supplémentaire par rapport à la monothérapie IEC ou ARA2) a été confirmé dans 2 méta-analyses, dont une dans la néphropathie diabétique (25, 26).
Chez des patients avec une néphropathie protéinurique non diabétique, l’étude
japonaise COOPERATE a montré le bénéfice de la combinaison (losartan 100 mg/j
+ trandolapril 3 mg/j) sur la réduction de protéinurie et la réduction de l’incidence
d’IRT (-50%) par rapport à la monothérapie de ces 2 produits à la même dose
(27). Les résultats de cette étude sont à l’origine des recommandations HAS 2004
proposant l’utilisation des combinaisons en cas de protéinurie persistante (>0,5 g/j)
sous monothérapie maximale, avec un grade B. Depuis cette publication en 2004,
des doutes méthodologiques sérieux ont été soulevés à propos de cette étude
monocentrique qui a fait récemment l’objet d’une rétraction.
- 31 -
L’étude ONTARGET chez des patients à haut risque vasculaire (37% de diabétiques,
32% de normotendus) a récemment montré l’absence de bénéfice sur la mortalité et
les événements cardiovasculaires d’une combinaison ramipril 10 mg/j + telmisartan 80 mg/j par rapport à la monothérapie de chacun de ces médicaments. La
combinaison est même responsable d’un léger excès d’épisodes d’IRA (fonctionnelles
et réversibles) par rapport aux monothérapies (28). Ces résultats ont récemment fait
prendre des positions extrêmes (29) qui ne semblent pas justifiées dans le cadre
des néphropathies progressives protéinuriques. Trois grands essais multicentriques
sont actuellement en cours pour tester l’efficacité des combinaisons ARA2 + IEC ou
IDR (inhibiteur direct de la rénine) sur la progression de la néphropathie diabétique
de type 2 (VA NEPHRON D, VALID, ALTITUDE). En attendant les résultats de ces
études il paraît prématuré de prendre une position dogmatique interdisant ces
combinaisons.
Si ces combinaisons sont utilisées, leur indication, leur instauration et leur suivi ne
devrait être assuré qu’en milieu spécialisé néphrologique.
4. Acidose métabolique et progression, « the new kid in the block »
L’IRC est associée à une acidose métabolique (AM) dont la principale expression
biologique est une diminution modérée des bicarbonates plasmatiques entre 16 et
22 mmol/L. Dans l’insuffisance rénale chronique modérée, l’acidose métabolique,
liée à la diminution de l’excrétion urinaire d’ammoniac et d’acides titrables, est une
acidose métabolique hyperchlorémique à trou anionique normal. A un stade plus
tardif, la rétention d’anions (anions organiques et minéraux tels que phosphates et
sulfates) s’accompagne d’une augmentation du trou anionique sanguin. L’acidose
métabolique est plus marquée au cours des néphropathies interstitielles chroniques
et chez les patients ayant une alimentation riche en protéines soufrées d’origine
animale (30).
L’acidose métabolique chronique est associée à de nombreuses complications
cliniques comme le ralentissement de la croissance chez l’enfant, la perte de
masse osseuse et musculaire, une balance azotée négative, facteur aggravant de
dénutrition. Des travaux expérimentaux ont montré que l’acidose métabolique joue
un rôle aggravant dans la progression même de l’IRC en stimulant l’inflammation et
la fibrose interstitielle via la stimulation de l’ammoniogénèse et la production accrue
de C3 amidé (31).
- 32 -
Une supplémentation empirique de bicarbonate de sodium est parfois proposée
chez les patients en IRC mais souvent limitée, par crainte d’une surcharge sodée
avec aggravation de l’HTA et des oedèmes.
Au stade de pré-dialyse, le traitement repose sur l’administration de sels alcalins
et sur un régime favorisant les protéines végétales. Le bicarbonate de sodium est
efficace dans la correction de l’acidose mais l’apport de sel associé doit être pris en
compte en cas d’œdèmes ou d’HTA sévère. Le citrate est également proposé (KDOQI
– CARI) sous réserve de ne pas utiliser concomitamment des sels d’aluminium dont
il augmente la toxicité. Les sels de calcium (acétate ou carbonate) utilisés comme
chélateurs de phosphate, permettent la correction de l’acidose métabolique pour
des doses de 3 à 6 g/j mais leur utilisation à fortes doses est restreinte en cas
d’hypercalcémie (KDIGO 2009).
Une revue Cochrane de 2009 pointe l’absence d’essai contrôlé démontrant le
bénéfice de la correction de l’AM chez les patients en IRC (32). Cette lacune a été
comblée par un essai récent chez 134 patients adultes avec une IRC de stade 4, randomisés pour une supplémentation en bicarbonate (3 tablettes orales de 600 mg/j) ou son placebo pendant 2 ans (33). La supplémentation en bicarbonate a ralenti la progression de la MRC et réduit très significativement l’incidence d’IRT
(RR 0.13, p<0.001). Le traitement par bicarbonate a également amélioré plusieurs
indices nutritionnels (apport protidique, nPNA, albuminémie) et morphologique
(circonférence musculaire du bras) sans majorer l’hypertension ou l’incidence
d’œdème.
Cette étude bien réalisée, bien que la seule de son genre, milite très fortement pour
la généralisation de la correction de l’acidose métabolique par une supplémentation
orale en bicarbonate chez les patients en IRC.
Par consensus, au stade 3 et 4 de l’insuffisance rénale, la plupart des sociétés
savantes recommandent la correction de l’acidose métabolique par l’administration
de bicarbonate de sodium ou citrate pour obtenir une bicarbonatémie > 22 mmol/l
(CARI, KDIGO, KDOQI).
- 33 -
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supplementation slows progression of CKD and improves nutritional status.
Clin J Am Soc Nephrol 2009, epub doi 10.1681
•
- 36 -
Quels bénéfices peut-on attendre de
l’éducation thérapeutique
chez le sujet transplanté?
D Marra1, L Mercadal2
1
Service de psychiatrie adultes
GHU Pitié-Salpêtrière
47-85 bd de l’Hôpital - 75013 Paris
[email protected]
2
Service de néphrologie
GHU Pitié-Salpêtrière
47-85 bd de l’Hôpital
75013 Paris
[email protected]
« L’éducation thérapeutique a pour objet de former le malade pour qu’il puisse
acquérir un savoir faire adéquat, afin d’arriver à un équilibre entre sa vie et le contrôle
optimal de sa maladie. L’éducation thérapeutique du patient est un processus continu
qui fait partie intégrante des soins médicaux. L’éducation thérapeutique du patient
comprend la sensibilisation, l’information, l’apprentissage, le support psychosocial,
tous liés à la maladie et au traitement. La formation doit aussi permettre au malade
et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants».
A partir de cette définition de l’OMS, quels bénéfices peut-on attendre de l’éducation
thérapeutique chez les patients transplantés ?
Les bénéfices attendus
Les bénéfices attendus sur le plan individuel s’articulent autour de deux axes
principaux : l’amélioration de l’adhérence aux traitements et une meilleure qualité de
vie pour le patient.
La non-adhérence aux traitements des patients transplantés est un problème majeur
aux conséquences graves ; elle comprend l’ensemble des comportements qui ne
correspondent pas à ce qui a été prescrit au patient par les soignants : non-prise
d’un traitement, prise d’une dose moindre ou à des heures non adaptées, absence
du suivi des règles hygiéno-diététiques ou des consultations de suivi ... Il s’agit d’un
problème commun aux maladies chroniques et à leurs traitements (hypertension,
diabète ou asthme ..) qui représente chez les patients transplantés un facteur de
risque important de rejet et de perte de greffon voire de mortalité.
Tous types de greffes confondus, la prévalence de non-adhérence aux traitements
est proche de celle retrouvée dans les maladies chroniques et peut concerner en
- 37 -
fonction des études, des critères de définition et d’évaluation de l’adhérence plus
de 50 % des patients. Aux conséquences sur le plan individuel s’ajoutent des
retombées économiques en termes de coût engendré par la perte d’un greffon ou
par les hospitalisations et les arrêts de travail qui peuvent en résulter.
Les causes de non-adhérence sont multiples : « simples » oublis, problèmes de
transmissions par les équipes soignantes, mauvaise compréhension du patient,
rythme de vie inconciliable, etc … Parfois les raisons restent incompréhensibles
au premier abord ou résultent de circonstances particulières de la vie ou d’un état
psychologique aboutissant à négliger une partie ou la totalité des contraintes liées
à la greffe.
L’éducation thérapeutique, par la sensibilisation et les connaissances apportées sur
la greffe et les traitements (diététique, place des activités physiques et sportives,
connaissance des interactions médicamenteuses, des effets indésirables, des
symptômes de rejet, des risques de carcinogénèse et de leur prévention…), devrait
participer au maintien, voire à une amélioration de l’adhérence aux traitements en
post-transplantation.
Sur le plan psychologique, l’éducation thérapeutique aide le patient à se réapproprier
les contraintes inhérentes à la greffe afin de pouvoir les intégrer dans son propre
mode de vie. Partager avec d’autres patients ses préoccupations et l’organisation du
quotidien en post-transplantation ou aborder ces sujets lors d’entretiens individuels
participe à une diminution des angoisses, que ces angoisses soient conscientes ou
non.
L’entourage du patient est également concerné par les bienfaits attendus de
l’éducation thérapeutique : échanges d’expériences dans les groupes et explications
apportées par les soignants améliorent les relations patient-famille-soignants.
Les bénéfices parfois inattendus
Aux classiques bénéfices attendus pour le patient et sa famille, à ceux plus généraux
concernant la santé publique, s’ajoutent d’autres bénéfices moins attendus et tout
aussi importants, comme ceux concernant les équipes soignantes.
Mettre en place des actions d’éducation thérapeutique implique non seulement
une réelle participation de l’ensemble de l’équipe soignante mais également celle
des soignants d’autres équipes participant aux interventions pluridisciplinaires.
Nécessité d’harmoniser les messages et les réponses aux questions des patients,
renforcement de la communication au sein des équipes et entre équipes font partie
des retombées positives des programmes d’éducation thérapeutique lorsqu’ils sont
réellement partie intégrante des soins médicaux. Les relations soignants-soignés
mais également soignants-soignants s’en trouvent renforcées avec une meilleure
- 38 -
connaissance par les soignants du vécu de la transplantation et de ses contraintes
et finalement de la psychologie des patients.
Les « inconvénients » de l’éducation thérapeutique
Entre la théorie et la pratique, il peut y avoir parfois, à défaut d’un fossé, une
certaine distance. Comment pourrait-il y avoir des inconvénients à l’éducation
thérapeutique ?
Après des décennies où seuls de rares services précurseurs proposaient une
éducation thérapeutique aux patients, il existe à l’heure actuelle un foisonnement
de littérature, de communications et de recommandations sur la mise en place
d’activités d’éducation thérapeutique. Toutefois cette multiplicité de propositions n’est
pas garante de la qualité des formations proposées qui peuvent ne pas répondre à la
définition proposée par l’OMS ou qui sont mises en place de manière « mécanique »
sans tenir compte d’une réalité réellement soignante. Les communications, colloques
et autres sont tous très optimistes sur l’efficacité de l’éducation thérapeutique chez
les patients transplantés. Pourtant, peu de littérature existe à l’heure actuelle
démontrant cette efficacité.
« Former le malade pour qu’il puisse acquérir un savoir faire adéquat » nécessite
l’implication du patient. L’éducation thérapeutique ne peut être une obligation et
acquérir un savoir faire n’est, comme chacun sait, pas si simple. Lorsqu’il est précisé
par exemple que le patient devrait connaitre les interactions médicamenteuses, il lui
est demandé d’acquérir des connaissances que parfois des soignants ne possèdent
pas. Certains patients en sont parfaitement capables et souhaitent acquérir ces
connaissances. Pour d’autres, ce ne sera pas le cas, ou bien ils ne pourront pas
atteindre cet objectif.
L’éducation thérapeutique ne peut être ni imposée, ni pensée de manière uniciste,
chaque patient étant singulier et dans un état psychologique différent en fonction
des moments de sa vie. Il peut ne pas vouloir ou pouvoir participer à des séances
de groupes ou ne pas souhaiter confier ses angoisses lors d’un entretien individuel
d’éducation thérapeutique. Il peut vouloir être son propre médecin comme ne pas le
vouloir, ou l’être à certains moments de sa vie et ne plus pouvoir ou vouloir l’être à
d’autres moments. Mettre en place une éducation thérapeutique est aussi complexe
que d’enseigner à des étudiants dont la motivation, le niveau de connaissances
antérieures et l’âge seraient très variés. Les méthodes employées doivent être
multiples tout en restant au plus près des patients dans toute leur diversité.
L’éducation thérapeutique ne dédouane ni du colloque singulier entre médecin et
patient, ni des soins continus que l’équipe soignante doit apporter aux patients tout
au long de leur vie. Il nous faut être vigilant à ne pas trop attendre de l’éducation
- 39 -
thérapeutique, jusqu’à parfois en oublier l’essentiel: la mise en place d’une réelle et
durable alliance thérapeutique entre soignants et soignés.
Conclusion
L’efficacité des interventions de type éducatif chez les patients transplantés n’a
été pour le moment que trop peu démontrée. Sur le terrain, ces interventions sont
généralement très appréciées et leur mise en place est une nécessité indiscutable.
Les patients tout comme les soignants peuvent grandement bénéficier des échanges
qui se mettent en place autour de l’éducation thérapeutique, et les bénéfices en sont
plus étendus qu’il n’y paraît, notamment dans les relations soignants-patient-famille
mais aussi soignants-soignants.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la plupart de ces interventions sont proposées
en pré ou post-transplantation précoce, alors que le risque de rejet en cas de nonadhérence, sur lequel ces interventions sont sensées agir, existe dès les 3 premiers
mois mais augmente nettement en fin de première année de greffe, période où peu
de patients se rendent accessibles à une formation.
- 40 -
Références
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•
- 41 -
- 42 -
L’éducation thérapeutique
chez le sujet âgé : un défi à relever
Dominique Bonnet 1 - Sylvie Legrain 2
1
2
PHC - URC Groupe hospitalier Bichat - Claude Bernard - Paris PU-PH - Faculté Paris Diderot - Hôpital Bretonneau - Paris
A- Les sujets âgés : des besoins éducatifs accrus ...
mais des obstacles potentiels
L’éducation thérapeutique du patient est « un processus continu, dont le but est
d’aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour
gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique »1. Les programmes en ETP,
qu’ils soient seuls 2,3,4 ou intégrés dans une intervention multifacette 5,6, ont démontré
leur efficacité clinique chez les personnes souffrant d’une maladie chronique.
Le vieillissement s’accompagne d’une prévalence plus élevée de maladies
chroniques et donc de polypathologie. En France, 93% des personnes de plus de
70 ans souffrent de polypathologie, la moitié de ces personnes déclarant au moins 6
maladies (3% ne déclarent aucune maladie, 4% n’en déclarent qu’une seule) 7. Cette
polypathologie est associée à une polymédication, à une moindre qualité de vie,
une moindre autonomie avec un risque accru d’accidents iatrogènes, de problèmes
d’observance, de recours aux soins et finalement de mortalité 8, 9,10.
L’évolution d’une maladie chronique, la survenue de complications liées à celle-ci
tout comme la survenue d’accidents iatrogènes ou de problèmes d’observance sont
en partie liées au degré d’implication du patient dans sa prise en charge. Le besoin
d’éducation thérapeutique est ainsi théoriquement très élevé chez les patients
polypathologiques et donc chez les sujets âgés.
Pourquoi alors parler de « défi » ?
Plusieurs questions se posent lorsqu’on évoque l’éducation thérapeutique du patient âgé.
1) Les patients âgés sont-ils demandeurs d’être partenaires actifs dans
leurs soins ?
Les études indiquent que, plus grand est l’accord concernant les problèmes de santé
et le traitement entre le médecin et son patient, plus hautes sont l’observance et la
satisfaction du patient. Qu’expriment les sujets âgés de leur état de santé et de leur
implication dans les soins ?
- 43 -
1-1 Seuls les patients âgés eux-mêmes savent évaluer la « valeur »
de leur santé
Les patients, même très âgés, sont capables d’exprimer leur opinion sur la
valeur de leur santé. Une étude longitudinale prospective multicentrique auprès
de 414 patients octogénaires hospitalisés a montré qu’ils seraient peu enclins à
« échanger » une durée de vie importante dans leur état actuel de santé contre
une durée de vie plus courte en excellente santé ; cette position persistait et même
se majorait chez les survivants pouvant répondre à nouveau au questionnaire un
an plus tard 11. Le plus important, c’est qu’aucun élément n’était vraiment prédictif
de la réponse du patient et que notamment l’avis de sa personne de confiance
n’était que faiblement corrélé avec l’avis du patient. Cette étude montre que les
octogénaires ont bien une opinion sur leurs priorités en santé et que la manière la
plus fiable de les appréhender est un entretien avec le patient lui-même.
1-2 Il existe un désir fort chez les sujets âgés d’être impliqués dans les
décisions de soins
Une étude dans trois unités de gériatrie en France, a mis en évidence que les patients
âgés hospitalisés, en état stable de santé, étaient fréquemment demandeurs d’être
impliqués dans leurs soins 12. En effet, 46.7% des patients interrogés estimaient
que les médecins devaient les informer et recueillir leur consentement pour toute
procédure invasive ; 32.6% estimaient que cela devait être réalisé quelle que soit
la procédure diagnostique ou thérapeutique envisagée. Ainsi, même si un âge jeune est souvent prédictif d’une volonté plus grande
d’implication dans les soins 13, un âge plus élevé en revanche ne présage en rien
d’une volonté d’être passif. En effet, une étude chez des vétérans âgés atteints
d’insuffisance cardiaque suggère que c’est plutôt la perception du patient de son
implication dans les soins que l’âge lui-même qui est corrélé au souhait d’un
rôle plus passif dans les soins14. Enfin, la notion de « rôle actif » peut recouvrir
différents concepts : choisir, décider et/ou participer15 : le plus important pour un
patient n’est pas forcément tant de « faire les choix » que d’« avoir le choix »,
comme le souligne la définition de la participation du patient suivante : ‘... an
interaction, or series of interactions ... in which the patient is active in providing
information to aid diagnosis and problem-solving, sharing his/her preferences
and priorities for treatment or management, asking questions and/or contributing
to the identification of management approaches that best meet his/her needs,
preferences or priorities’ 16.
- 44 -
2) Les patients âgés sont-ils capables d’être partenaires actifs dans leurs
soins ? Existe-t-il un ou (des) programme(s) éducatif(s) pertinent(s) et qui a
(ont) démontré leur efficacité chez les patients âgés ?
A l’origine, les programmes éducatifs développés spécifiquement en gériatrie se sont
adressés aux aidants des patients atteints de troubles cognitifs sans implication des
patients eux-mêmes. Les programmes éducatifs avec pour cible le patient lui-même
ont émergé après que l’on a pris conscience du désir des sujets âgés, d’une part que
l’on considère leurs priorités, d’autre part d’être actifs dans leurs soins.
Une revue récente a identifié trois essais d’intervention dont le but était d’augmenter
l’implication des sujets âgés en ville dans leurs soins. Ces trois études montrent que
l’implication des sujets âgés peut être majorée, mais malheureusement la qualité de
ces études n’est pas optimale : aucune n’a de suivi à long terme et surtout aucune
n’a cherché à en mesurer l’impact sur le statut de santé, le bien-être du patient ou la
morbi-mortalité 17. Certains programmes éducatifs promouvant le rôle actif du patient dans ses soins,
intégrés dans une intervention multi-facette et centrés sur une maladie, ont montré
leur efficacité en terme de morbidité chez des sujets âgés 5. Malheureusement,
ce type de programme « centré sur la maladie » n’est pas adapté pour un sujet
polypathologique. En effet, en cas de maladies chroniques multiples, l’intégration
de plusieurs programmes « centrés sur une maladie » amène à une accumulation
inappropriée de « guidelines » d’où dérivent des prescriptions inappropriées et même
dangereuses, des messages éducatifs contradictoires et finalement une mauvaise
qualité de soin 18,19
Des programmes éducatifs seuls, combinés avec un suivi ou encore combinés à une
révision des traitements, ont été mis en place pour tenter d’améliorer l’observance
des sujets âgés. Néanmoins, les revues de la littérature sur ces programmes mettent
en évidence que les résultats de ces études ne sont pas suffisamment robustes
(échantillons trop petits, manque de données sur l’efficacité de l’intervention
à distance de son arrêt, mise en place de programmes éloignés de la pratique
habituelle…) et surtout l’impact clinique d’une amélioration de l’observance n’est que
très rarement évalué 20,21.
Enfin, un petit nombre d’interventions « centrées sur le patient » ont intégré une
éducation dont l’objectif était de promouvoir le sujet âgé actif dans son suivi. Elles ont
démontré une efficacité en termes de morbidité « objective », en pratique en termes
de réhospitalisations 22,23,24. Néanmoins le caractère unicentrique de ces études
et le fait que les patients aient été très sélectionnés empêchent d’envisager une
reproductibilité de ces interventions à plus large échelle. De plus, les programmes
éducatifs proposés ne permettaient pas l’intégration des préférences ou des valeurs
du patient dans la conception du plan de soin.
- 45 -
B- L’expérience de l’essai OMAGE : l’éducation Thérapeutique du
patient âgé polypathologique est possible et efficace et elle
doit être combinée avec une action sur la prescription
et la coordination
Contexte : en pratique clinique comme dans la littérature, une grande partie des
réhospitalisations des sujets âgés apparaissent évitables. Les principaux facteurs
modifiables de risque de réhospitalisation chez les sujets âgés sont : les problèmes liés aux
médicaments (iatrogénie, observance, « underuse » ou sous-prescription), la dépression
et la dénutrition. Dans ces trois domaines, l’ETP est un moyen d’optimisation.
L’idée : créer une intervention innovante centrée sur le patient et intégrant de l’ETP pour
diminuer les réhospitalisations indues en gériatrie Création du programme OMAGE : La finalité de ce programme éducatif était de répondre
aux besoins éducatifs spécifiques des sujets âgés polypathologiques. Il a été conçu
en collaboration avec le département d’éducation thérapeutique du patient de Genève
(A. Lasserre Moutet). Une analyse des besoins de ces patients a été effectuée à l’aide
d’interviews semi-structurées de patients âgés lucides hospitalisés en gériatrie aiguë. Ces
entretiens ont permis de mettre en évidence que :
•L’hospitalisation en urgence est une cassure, mais que la santé s’est souvent
dégradée avant et que cette dégradation a été sous-estimée par le patient ;
•Les sujets ne connaissent pas bien leurs maladies et leurs traitements, mais qu’ils
sont demandeurs d’en savoir plus ;
•Les sujets font confiance à leur médecin traitant, mais ne se sentent pas toujours
légitimes pour y faire appel ;
•Les sujets sont souvent dépressifs et ont un sentiment d’inutilité ;
•Les sujets réfléchissent à l’entrée en maison de retraite du fait d’un besoin de
socialisation et d’un besoin d’être secouru en cas de problème.
En résumé, les sujets âgés avaient le sentiment d’être souvent un objet de soins et
souhaitaient devenir plus actifs dans leurs soins.
Le programme éducatif OMAGE a été conçu avec plusieurs priorités : être centré sur le
patient ; être formalisé ; être porteur d’information ; être capable de mettre en mouvement
le patient (rôle motivationnel). Il comprenait 4 séquences formalisées et 1 séquence
facultative (cf tableau ci-après). Chaque séquence répondait à un objectif spécifique
pour le patient et pour l’éducateur. Un outil a été spécifiquement conçu pour chaque
séquence.
- 46 -
L’essai OMAGE (Optimisation des Médicaments chez les sujets AGEs), financé par le
PHRC national, a été mené en Ile de France d’avril 2007 à mai 2009. Il avait pour objectif
de démontrer, chez des sujets âgés hospitalisés en unité gériatrique aiguë, l’efficacité sur
les réhospitalisations dans les 6 mois suivant la sortie d’une intervention multi-facette
centrée sur le patient. Cet essai d’intervention était pragmatique, randomisé, contrôlé
et a impliqué 6 UGA d’Ile de France et 4 gériatres interventionnels. L’intervention
était innovante car (1) elle ne se focalisait pas uniquement sur les problèmes liés aux
médicaments (iatrogénie, insuffisance de prescription et observance) mais aussi sur
la dépression et la dénutrition et (2) elle a utilisé un nouveau programme d’éducation
thérapeutique dédié pour la première fois aux sujets âgés polypathologiques. Le
patient et/ou son aidant (en cas d’incapacité du patient) participaient à ce programme.
Celui-ci était combiné à une optimisation de la prescription et à une coordination
précoce, renforcée et simplifiée avec les professionnels de ville. Ont été inclus dans
l’étude et suivis après leur sortie pendant 6 mois 665 patients consécutifs (348
dans le groupe soins usuels, 317 dans le groupe intervention). Ces patients avaient
un âge moyen de 86 ans et en moyenne 6.8 traitements chroniques prescrits. La
durée moyenne de l’intervention était de 3h30 par patient. L’intervention a permis
- 47 -
une diminution relative de 28.9% du nombre de patients réadmis en urgence à 3 mois (p = 0.0134) et de 14.9% à 6 mois (p = 0.12), alors même que l’essai manque
de puissance (800 patients étaient théoriquement nécessaires pour démontrer un
effet) et que l’intervention n’avait lieu que pendant le séjour hospitalier. De plus,
l’intervention a permis d’économiser 519 euros par patient. Enfin, l’intervention a été
efficace quels que soient le lieu et le gériatre interventionnel, ce qui laisse présager
une bonne reproductibilité des résultats à plus grande échelle.
En conclusion :
- l’ETP est réalisable chez des sujets très âgés hospitalisés et peut dans la
majeure partie des cas s’adresser au patient (65% des programmes éducatifs
dans OMAGE avaient pour cible le patient)
- l’ETP permet de remettre le patient âgé au cœur du soin. Via le programme
OMAGE, les patients ont participé à l’élaboration de leurs plans de soin par la
mise en valeur de leurs priorités et ils ont été des acteurs actifs de leurs suivis.
- si on associe le programme ETP OMAGE à une action sur la prescription et la
coordination, l’ETP diminue les réhospitalisations de sujets très âgés fragiles.
Ce point est essentiel, car ce critère de jugement a une triple pertinence :
critère de qualité de vie pour le patient, critère de qualité des soins, mais aussi
critère économique, les réhospitalisations en urgence engendrant un surcoût
considérable, ce qui ne peut être négligé dans le contexte actuel de croissance
des dépenses de santé.
- 48 -
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•
- 50 -
L’EDUCATION THERAPEUTIQUE :
UNE DEMARCHE PARTAGEE
Andre GRIMALDI
Service de Diabétologie – Métabolisme
Groupe Hospitalier PITIE – SALPETRIERE
83 Boulevard de l’Hôpital - 75651 PARIS cedex 13
L’éducation thérapeutique a fait son entrée dans la loi. Cette consécration ne peut
que réjouir les pionniers de l’éducation du patient. En même temps, elle ne manque
pas de les inquiéter, d’abord parce que son financement n’est pas assuré, ensuite
parce qu’on tend à qualifier d’éducation thérapeutique tout ce qui ne relève pas
directement de la médecine prescriptive. Dans ce bric à brac, chacun cherche à
trouver sa place et son intérêt : industriels de la santé, sociétés de formation et de
communication, associations de patients, mais aussi assureurs (Sécurité Sociale,
mutuelles et assurances privées) qui souhaitent développer des programmes dits
d’accompagnement (« disease management » à la française). On en viendrait à
oublier que l’éducation thérapeutique est thérapeutique et qu’elle implique donc
forcément les soignants.
Pour que l’éducation thérapeutique soit une démarche partagée, il faut d’abord
s’entendre sur ce que l’on appelle éducation thérapeutique. Au-delà des définitions
institutionnelles plus ou moins longues et sophistiquées, l’éducation thérapeutique
suppose un préalable et comporte deux éléments indissociables. Le préalable
est d’ordre thérapeutique. Il ne peut pas y avoir d’éducation thérapeutique, si la
thérapeutique elle-même est erronée ou inadaptée aux patients. Au moins 1/3 des
patients adressés dans l’Unité d’Education Thérapeutique du service ont un traitement
inapproprié et 3/4 sortent de l’unité avec des modifications de leur traitement
d’entrée. L’éducation thérapeutique ne peut pas être dissociée du traitement. Au delà,
l’éducation thérapeutique vise d’une part à transférer des savoirs et des savoirs faire
grâce un apprentissage et d’autre part à aider aux changements de comportement
pour atteindre des objectifs personnalisés négociés. Ce n’est pas l’un sans l’autre. Le
savoir est indispensable, mais il n’est jamais suffisant, comme le démontre l’exemple
des professionnels de santé parfaitement compétents et se soignant pourtant fort
mal eux-mêmes lorsqu’ils sont atteints de la maladie dont ils sont spécialistes. Ils
savent et savent faire, mais ne font pas. C’est que le changement de comportement
suppose que le rapport bénéfice / coût émotionnel ne soit pas négatif. Or, l’apparition
d’une maladie chronique soumet le patient à une double épreuve angoissante :
- d’une part un travail d’acceptation de la maladie. Cela ne sera jamais plus
comme avant et c’est pour toujours. Ce « jamais plus » et ce « pour toujours »
évoquent la mort et suscitent un travail d’acceptation assimilé à un travail de
deuil. Le patient atteint d’une maladie chronique n’échappe donc pas aux lois
du deuil. Tout nouveau deuil ravive tous les deuils antérieurs. Tout deuil non fait
interdit tout nouveau deuil.
- 51 -
- d’autre part, un travail d’aménagement du rapport aux autres. Je ne suis ni ce
que j’ai, ni ce que je parais, mais l’image que les autres ont de moi dépend de ce
que j’ai (mes injections, mes hypos, mes kilos en trop …) et cette image qu’ils me
renvoient vient perturber l’image que j’ai de moi au risque d’une dévalorisation.
Pour éviter ces épreuves dépressogènes, il est tentant pour le patient d’opter pour le
déni ou la dénégation, la clandestinité ou le déguisement, voire l’auto-exclusion.
C’est que l’homme est une trinité comportant trois instances du moi, régies par des
lois visant à l’homéostasie. C’est d’abord un moi animal, régi par la loi d’homéostasie
biologique et la satisfaction impérieuse de besoins primaires. C’est ensuite un moi
rationnel, tendant à l’universel, régi par des normes et des règles. C’est enfin un moi
« sujet », à l’irréductible singularité, régi par la loi d’homéostasie thymique, c’està-dire par la recherche de l’optimisation du bien-être, en tout cas l’évitement de la
souffrance
La motivation par la norme est puissante, car sortir de la norme suscite la peur de
l’anormalité et donc de l’exclusion. Or, « l’evidence based medicine » se traduit en
recommandations qui produisent de la norme. La norme est un puissant régulateur
comportemental, mais ne pas être observant c’est aussi une manière d’être comme
les autres, les non malades, et d’éviter le risque de l’exclusion. De plus, le moi sujet
identitaire ne supporte pas d’être réduit à la norme. Chacun veut bien être différent,
mais pas anormal.
C’est que se soigner relève d’une motivation extrinsèque. La motivation est dite
« extrinsèquement motivée » lorsque le but de l’action n’est pas l’action elle-même
mais ses conséquences, qu’il s’agisse d’une conséquence positive ou de l’évitement
d’une conséquence négative. A l’inverse, une motivation est dite « intrinsèquement
motivée » lorsqu’elle est pratiquée pour elle-même, pour son contenu. Elle suscite
l’intérêt ou le plaisir, alors que la motivation dite extrinsèque procure plutôt de la
satisfaction ou du soulagement. Se soigner relève à l’évidence d’une motivation
extrinsèque. Chercher à « motiver le patient » asymptomatique en augmentant son
angoisse risque au contraire de renforcer la politique de l’autruche. En réalité, on ne
peut pas motiver un patient, on peut seulement l’aider à se motiver. Aider un patient à
se motiver revient à l’aider à intérioriser peu ou prou une motivation extrinsèque. Le
plus souvent, cette intériorisation se limite à transformer la contrainte du traitement
nécessitant un effort de volonté, en une simple routine dont le coût psychique se limite
au temps qu’elle nécessite. Parfois, cette intériorisation est plus importante, le patient
arrivant à trouver des avantages et pas seulement des inconvénients à sa maladie
et à son traitement. Exceptionnellement, elle va jusqu’à une véritable identification,
le patient estimant que la maladie, par l’épreuve même qu’elle constitue, l’a aidé à
réaliser l’expression profonde de son identité.
- 52 -
Finalement, l’éducation thérapeutique vise à répondre aux trois besoins psychologiques fondamentaux que sont l’autonomie, c’est-à-dire l’aptitude à décider pour soi,
ce qui ne veut pas dire décider seul, la compétence c’est-à-dire le sentiment d’efficacité et son environnement, et enfin l’affiliation c’est-à-dire le sentiment d’appartenance et de reconnaissance, à l’opposé du sentiment d’exclusion.
Cette conception partagée de l’éducation thérapeutique, suppose donc une
triple compétence de l’équipe d’éducation thérapeutique comportant médecins et
paramédicaux. La première compétence est biomédicale et tout particulièrement
thérapeutique, à la fois théorique et pratique. Cette compétence, fruit de la
connaissance mais aussi de l’expérience, doit en permanence être actualisée. Sans
elle, répétons le, l’éducation thérapeutique ne saurait être vraiment thérapeutique. La
deuxième compétence est d’ordre pédagogique. La pédagogie requise par l’éducation
thérapeutique est de type pratique et constructiviste. Elle vise non pas à montrer mais
à faire faire, à mobiliser les connaissances et les affects des patients pour apprendre
à résoudre des problèmes thérapeutiques personnels. C’est pourquoi elle se fait
de manière optimale en groupes. Ces groupes, pour être efficaces, ne peuvent pas
dépasser le nombre de 8 personnes. L’éducation en groupe n’a pas pour fonction
de permettre un face à face entre maître et élèves, mais de favoriser une dialectique
entre les apprenants où chacun se confronte aux autres pour réévaluer ses savoirs
et en acquérir de nouveaux. L’enseignant n’est alors pour l’essentiel qu’un animateur
avant d’être un référent. Le but de cette pédagogie est en réalité la conquête de
l’autonomie du patient grâce à l’acquisition de compétences personnalisées (savoir
faire, savoir mesurer, savoir analyser, savoir décider, savoir évaluer, savoir prévenir,
savoir gérer sa maladie dans sa vie, savoir rechercher de l’aide …). La troisième
compétence est d’ordre psychologique, visant à aider le patient à changer de
comportement grâce à l’intériorisation d’une motivation extrinsèque. Il convient donc
de favoriser l’expression du moi identitaire du patient à travers le conte de sa vie.
S’il est important de rechercher à connaître ce moi identitaire, c’est d’abord pour y
adapter son style relationnel et comprendre ce qui est facile ou au contraire difficile
voire insupportable pour le patient, de façon momentanée ou plus durable ou même
structurelle. Il s’agit d’aider le patient à trouver le compromis optimal entre son « moi
rationnel » et son « moi identitaire ». Le contrat qui scelle l’alliance thérapeutique
n’est pas un contrat entre le malade et le médecin, mais un contrat entre les deux
instances du moi du patient, le médecin devant se faire l’avocat des deux parties
sans oublier de se faire l’avocat du diable. Ce faisant, il s’agit d’aider le patient à se
connaître lui-même, c’est-à-dire favoriser sa métacognition.
Cette triple compétence est une compétence d’équipe, qui suppose un partage
des rôles entre les différents acteurs (aides soignantes, infirmières, diététiciennes,
éducateurs physiques, psychologues, médecins, pharmaciens, …). Chacun a une
tâche spécifique, mais connaît l’activité de l’ensemble des membres de l’équipe dont
il partage les objectifs. Il s’agit en quelque sorte de former un orchestre de chambre
dont chaque membre joue sa partition, mais connaît celle des autres pour produire
- 53 -
une seule et même musique accordée au patient. Il faut donc que les membres de
l’équipe d’éducation thérapeutique aient des réunions de synthèse où ils partagent
informations et objectifs.
La place des uns et des autres n’est néanmoins pas figée. Elle dépend des objectifs,
fonction de la complexité thérapeutique, de la gravité de la maladie, et des besoins
variables dans le temps des patients.
On peut grossièrement définir deux niveaux d’éducation thérapeutique :
- une éducation de niveau 1, visant à transmettre au patient le savoir et le savoir
faire pour atteindre des objectifs fixés par le médecin en accord avec le patient.
Cette éducation devrait être réalisée essentiellement par les paramédicaux, à la
condition d’une concertation avant et après avec le médecin prescripteur.
- une éducation thérapeutique de niveau 2, en cas d’échec, lorsque les objectifs
ne sont pas atteints ou que le patient n’est pas satisfait de son traitement. Il
est pour nous essentiel que l’équipe d’éducation thérapeutique comprenne
alors un médecin spécialisé formé à l’éducation thérapeutique, participant aux
ateliers avec les paramédicaux, ayant la possibilité de proposer aux patients des
modifications de traitement. Les centres d’éducation thérapeutique de niveau 2 devraient être en même temps des lieux de formation à l’éducation thérapeutique
pour les étudiants en médecine et en soins infirmiers, pour les soignants euxmêmes, en particulier ceux assurant une éducation thérapeutique de niveau 1,
et pour l’ensemble des médecins correspondants qui adressent les patients en
éducation thérapeutique et doivent en assurer le suivi au long cours.
L’éducation thérapeutique suppose une relation de partenariat avec le patient,
mais le patient partenaire peut-il partager à ce point les compétences d’éducation
thérapeutique, qu’il devienne lui-même éducateur d’autres patients ? En la matière,
il y a pas mal de confusion. Il convient selon nous de distinguer :
- l’expertise collective que peuvent acquérir des associations de patients disposant
fréquemment de comités scientifiques ou d’évaluation le plus souvent mixtes,
comportant patients et professionnels de santé capables d’offrir une contreexpertise.
- les « patients ressources » choisis par les équipes d’éducation thérapeutique en
raison de leur singularité, de leur expérience particulière, de leurs compétences
diverses et de leur personnalité. La participation aux équipes d’éducation
thérapeutique de « patients ressources » enrichissante pour tous, se fait sous la
responsabilité de l’équipe soignante
- les « patients éducateurs experts », ayant des compétences variables en soins
infirmiers, en psychologie, en communication tels que le propose l’Association
Française des Diabétiques. Ces compétences s’acquièrent par une formation
et nécessitent d’être validées, puis régulièrement évaluées. Il s’agit en quelque
- 54 -
sorte de définir un nouveau métier d’éducateur. On voit mal pourquoi ce nouveau
métier serait réservé aux seuls patients. Remarquons qu’on peut être un parfait
professionnel de santé, médecin ou infirmière, et être soi-même un assez mauvais
malade, y compris quand on est expert de la maladie dont on est atteint.
L’éducation thérapeutique est donc spécialisée. En même temps, elle doit être
centrée sur les patients. Or les patients, notamment les patients âgés, ont souvent
des polypathologies relevant de plusieurs spécialités. On peut bien sûr concevoir
des séances d’éducation thérapeutique successives, l’une centrée sur le diabète,
l’autre sur l’insuffisance cardiaque, la troisième sur l’insuffisance rénale, etc .... L’idéal
cependant est une éducation thérapeutique intégrée où les différents spécialistes,
médicaux et paramédicaux, interviennent de concert sous des formes à définir
ensemble pour que le malade puisse comprendre l’ensemble de ses traitements,
les mettre en œuvre, et si nécessaire et si possible les hiérarchiser. Le quatuor
initial se transforme alors en quintet ou en sextuor voire en octet. Plus il s’élargit,
plus il a besoin d’un chef d’orchestre, car il s’agit toujours de jouer une musique
harmonieuse pour le patient (objectifs partagés, méthodes pédagogiques partagées,
relation soignant / soigné partagée.)
Reste la question majeure posée par le partage de la « culture » de l’éducation
thérapeutique. En effet, pour que l’éducation thérapeutique soit efficace, il faut que
sa philosophie soit partagée par le médecin traitant prescripteur, celui qui rédige les
ordonnances et qui suit régulièrement le patient en consultation. En effet, au-delà
d’être une activité spécifique, l’éducation thérapeutique suppose un mode de prise
en charge du malade chronique, reposant sur une relation de partenariat à l’opposé
de la relation d’autorité infantilisante ou de la relation objectivante transformant le
patient en porteur d’organes et le médecin en simple prestataire. On ne peut pas
avoir d’un côté une relation de partenariat, et de l’autre une relation d’infantilisation
ou d’objectivation, information et négociation d’un côté, prescription de l’autre,
exigence d’observance et aide à l’auto-observance, quête de la norme et recherche
du compromis optimal. L’éducation thérapeutique ne peut pas être efficace si elle
n’est pas relayée par le médecin traitant. Il s’agit de marcher avec le patient, à son
rythme, vers un objectif défini en commun, dans le but de lui permettre de conquérir
progressivement une autonomie optimale. En n’oubliant pas qu’il n’est pas sûr que
si nous étions à sa place, nous ferions beaucoup mieux que lui.
- 55 -
Références Bibliographiques
Alain GOLAY, Grégoire LAGGER, André GIORDAN
Comment motiver le patient à changer ?
Collection Education du patient, Edit. MALOINE, PARIS 2010
Personnalité et maladies. Stress, coping et ajustement
Sous la direction de Marilou BRUCHON-SCHWEITZER et Bruno QUINTARD,
DUNOD, PARIS, 2001
Jean BEAUTE
Courants de la pédagogie - Pédagogie Formation. L’essentiel, 6ème édition,
Chronique Sociale, LYON 2008
Dominique SIMON, Pierre Yves TRAYNARD, François BOURDILLON, Rémi
GAGNAYRE, André GRIMALDI
Education thérapeutique. Prévention des maladies chroniques
Abrégés, 2ème édition, Edit. ELSEVIER MASSON, PARIS 2009
Anne LACROIX, Jean-Philippe ASSAL
L’éducation thérapeutique des patients. Nouvelles approches de la maladie
chronique.
Collection Education du patient, Edit. VIGOT, PARIS, 1998
Traité de psychologie de la motivation
Sous la direction de Philippe CARRE et Fabien FENOUILLET
Edit. DUNOD, PARIS, 2009
André GIORDAN
Apprendre !
Collection Débats – Editions BELIN, PARIS 1998
Stephen ROLLNICK, William R. MILLER, Christopher C. BUTLER
Pratique de l’entretien motivationnel
Communiquer avec le patient en consultation
Inter Editions - Dunod, PARIS, 2009
•
- 56 -
Quel acide dans le concentré
pour hémodialyse ?
Frank Le Roy, Mélanie Hanoy
Service de Néphrologie
CHU de Rouen
En hémodialyse conventionnelle, le transfert des toxines urémiques du sang
vers le dialysat est réalisé à travers une membrane filtrante. Le dialysat, de
composition voisine du liquide extracellulaire, assure l’épuration des déchets et
la régulation électrolytique de l’organisme. Il est fabriqué de façon extemporanée
par le générateur de dialyse à partir d’eau ultra-pure permettant la dilution d’un
ou de plusieurs concentrés contenant les électrolytes. Moins bruyantes que
certaines mais non moins significatives, des innovations dans la composition
du dialysat sont survenues ces trente dernières années.
A) L’ère de l’hémodialyse à l’acétate
La correction de l’acidose métabolique est un point clé de la prise en charge du patient
dialysé. Historiquement, l’alcalinisation était réalisée par un seul concentré contenant
les électrolytes et l’ion acétate. L’acétate est transformé en ion bicarbonate par un
métabolisme hépatique. Les néphrologues ont été très vite confrontés à l’intolérance
des patients à l’acétate, se traduisant pendant les séances par des nausées, des
vomissements et une instabilité hémodynamique. L’utilisation de dialysat avec 35 mmol/l d’acétate entraine un transfert considérable de cet ion chez le patient (1).
Le rôle du monoxyde d’azote (NO) fut très vite suspecté. L’acétate, après son transfert
du dialysat vers le sang, est transformé en acétyl-CoA. Cette réaction nécessite
la transformation d’ATP en AMP et AMP cyclique. L’AMP induit une vasodilatation.
L’AMPc stimule la NO synthase permettant la transformation de L-arginine en L-citrulline et NO, ce dernier entraînant une relaxation des cellules musculaires lisses
et un effet dépresseur myocardique avec pour corollaire une baisse de la pression
artérielle. Amore démontre in vitro que l’incubation de cellules endothéliales avec un
dialysat contenant 38 mmol/l d’acétate augmentait l’activité de la NO synthétase (via
la production d’interleukine 1β et de TNFα) de façon significative comparativement à
un dialysat au bicarbonate avec 4 mmol/l d’acétate (2).
La dialyse à 35-40 mmol/l d’acétate fut donc progressivement abandonnée à la fin
des années 80 au profit de la dialyse au bicarbonate.
- 57 -
B) Hémodialyse au bicarbonate avec acide
1) Hémodialyse au bicarbonate avec de l’acide acétique
La dialyse au bicarbonate nécessite deux concentrés : le premier contenant les
électrolytes et le second l’ion bicarbonate. En effet, la présence simultanée de
bicarbonate et d’ion calcium génère la précipitation de carbonate de calcium insoluble.
L’ajout d’un acide dans le premier concentré (dit concentré « acide ») est nécessaire
afin d’acidifier le dialysat et d’éviter ainsi les précipitations. L’acide acétique est le plus couramment utilisé. Dans le dialysat, il se produit alors la réaction suivante, CH3COOH + HCO3- → CH3COO- + CO2 + H2O entraînant la formation de
3 mmol/l d’acétate. L’amélioration du confort du patient pendant les séances fut immédiate. Cependant
malgré une faible concentration d’acétate de 3 mmol/l, les concentrations plasmatiques
d’acétate augmentent après 4 heures de dialyse chez 78% des patients (3). Cette
hyperacétatémie pourrait expliquer chez certains patients la survenue de céphalées,
nausées, douleurs abdominales, chutes tensionelles et asthénie post-dialytique. La
dialyse au bicarbonate avec un concentré à faible concentration d’acide acétique
reste actuellement la plus répandue.
2) L’hémodialyse au bicarbonate avec de l’acide chlorhydrique
Le remplacement de l’acide acétique par de l’acide chlorhydrique a été étudié par
une équipe française (3). En hémodialyse conventionnelle, l’utilisation de ce dialysat
comportant 3 mmol/l d’acide chlorhydrique sans acétate permet de maintenir
les acétatémies dans des valeurs physiologiques chez 88% des patients. Les
acétatémies pré-dialytiques élevées chez certains patients (alcoolisme, pathologie
hépatique) diminuent après une séance de dialyse de 4 heures utilisant un dialysat
à l’acide chlorhydrique.
3) L’hémodialyse au bicarbonate avec de l’acide citrique
Depuis 7 ans, un concentré acidifié par de l’acide citrique est disponible. La sécurité
d’emploi est assurée grâce à une faible concentration (0.8 mmol/l) affectant peu la
concentration de calcium ionisé. Le citrate est rapidement métabolisé en bicarbonate
par le foie et les muscles.
Ce concentré innovant semble avoir trois intérêts :
• Une amélioration de l’épuration
Kossmann compare la dose de dialyse, les concentrations pré-dialytiques de solutés
de faible poids moléculaire et de la béta2microglobuline chez 142 patients traités
pendant 6 mois sur dialysat à l’acétate (4 mmol/l) puis transférés sur dialysat au
- 58 -
citrate (2.4 mmol/l) (4). Le KT/V équilibré augmente de façon significative de 1.51 à 1.57 lors du passage sur dialysat au citrate. Les concentrations pré-dialytiques
d’urée, de créatinine, de phosphore et de béta2microglobuline diminuent de façon
significative. Le passage continu per-dialytique de citrate à travers la membrane
permettrait le maintien de sa perméabilité en réalisant une anticoagulation locale
avec moindre colmatage des pores.
• Une meilleure stabilité hémodynamique en séance
Gabutti montre que la dialyse au citrate permet une meilleure stabilité hémodynamique
des patients lorsqu’ils sont épurés avec un dialysat contenant 0.3 mmol/l de citrate
comparativement avec un bain à 3 mmol/l d’acétate (5). Par ailleurs le phénomène
d’hypertension perdialytique observé chez certains patients disparait sur dialysat
au citrate. Cependant les patients dialysés avec un bain à 1.25 mmol/l de calcium
sont hypocalcémiques en fin de séance.
• La possibilité de dialyse sans héparine
Après 2 mois de dialyse à l’acide citrique, Kossmann peut réduire la posologie
d’héparine de 55% chez 31 patients auparavant dialysés sur concentré à l’acide
acétique à 3 mmol/l (6). L’équipe de néphrologie de Caen observe que 91%
des séances sur dialysat citraté atteignent la durée de 4 heures sans aucune
héparinisation.
C) La dialyse au bicarbonate sans acide
L’acidification du dialysat au bicarbonate, nécessaire pour éviter la précipitation
des carbonates de calcium et de magnésium, entraîne la formation de CO2 à une
concentration supérieure à celle du plasma. Il en résulte que, dans le dialyseur, le
sang tend à s’alcaliniser en raison de la correction de l’acidose métabolique par
l’apport de bicarbonate, mais également à s’acidifier en raison de l’apport de CO2
provoquant une acidose respiratoire. Comme cette dernière l’emporte, il en résulte
que le sang s’acidifie lors de son passage dans le dialyseur (le pH sanguin est plus
acide à la sortie du dialyseur qu’à l’entrée).
Cet apport n’a aucune conséquence, du moins chez le sujet non insuffisant respiratoire,
car l’excès de CO2 est très rapidement éliminé par les poumons, corrigeant ainsi
l’acidose respiratoire. Il ne persiste alors que la correction de l’acidose métabolique
par l’apport de bicarbonate, comme en témoigne le fait que le pH sanguin du patient
(mesuré à l’entrée du dialyseur) soit plus alcalin en fin de séance qu’au début de celleci. Cependant l’acidification du sang dans le dialyseur est susceptible de provoquer
chez certains patients une activation de la phase contact de la coagulation avec
certaines membranes de dialyse en tout début de séance et d’entraîner une réaction
d’ordre allergique qui peut être symptomatique.
Certaines techniques particulières d’hémodialyse au bicarbonate, en évitant la
nécessité d’un acide, ne présentent pas cet inconvénient. On notera cependant
qu’en faisant appel à un dialysat qui ne contient pas tous les électrolytes essentiels
- 59 -
(cf tableau), ces techniques provoquent dans le dialyseur un déséquilibre qui doit
être compensé en sortie du dialyseur par la réinjection en quantité contrôlée d’une
solution spécifique.
1) La biofiltration sans acétate (AFB)
Il s’agit d’une technique d’hémodiafiltration utilisant un dialysat sans bicarbonate ni
aucune substance tampon. L’alcalinisation est réalisée par la réinjection en postdilution d’une solution stérile de bicarbonate à 1.4% à un débit de 1.5 à 2 litres par
heure.
Initialement décrite par Zucchelli, cette technique s’affranchit donc de l’utilisation
d’acétate et de bicarbonate dans le dialysat (7).
Movilli observe une réduction de 22% de l’incidence de l’hypotension intra dialytique
comparativement à la dialyse au bicarbonate et une meilleure correction de l’acidose
(8). Cependant la généralisation de l’AFB fut freinée par le coût des poches de
bicarbonate et des difficultés logistiques de stockage.
2) L’hémodialyse sans acétate
Duranti propose une variante de l’AFB, avec réinjection de 2 litres sur 4 heures d’une
solution de bicarbonate de sodium fortement concentrée. La teneur en sodium du
dialysat doit alors être fortement diminuée (9).
Martens décrit une méthode de dialyse au bicarbonate utilisant un seul concentré
composé de chlorure de sodium et de bicarbonate de sodium (10). Le calcium, le
magnésium et le potassium sont absents du dialysat mais administrés en perfusion
continue intraveineuse sur la ligne veineuse.
Enfin, L. Mercadal propose la Duocart Biofiltration. Le dialysat est préparé à partir
de deux concentrés en poudre, le premier de chlorure de sodium et le second de
bicarbonate de sodium (11). Le complément ionique est réinjecté en post-dilution. Le
débit de réinjection de ces électrolytes est asservi aux mesures séquentielles de la
dialysance ionique.
- 60 -
Duranti propose une variante de l’AFB, avec réinjection de 2 litres sur 4 heures d’une solution
de bicarbonate de sodium fortement concentrée. La teneur en sodium du dialysat doit alors
être fortement diminuée (9).
Martens décrit une méthode de dialyse au bicarbonate utilisant un seul concentré composé de
chlorure de sodium et de bicarbonate de sodium (10). Le calcium, le magnésium et le
potassium sont absents du dialysat mais administrés en perfusion continue intraveineuse sur la
ligne veineuse.
Enfin, L. Mercadal propose la Duocart Biofiltration. Le dialysat est préparé à partir de deux
concentrés en poudre, le premier de chlorure de sodium et le second de bicarbonate de sodium
(11). Le complément ionique est réinjecté en post-dilution. Le débit de réinjection de ces
Tableau récapitulatif de la composition des dialysats
électrolytes est asservi aux mesures séquentielles de la dialysance ionique.
en fonction des techniques
Tableau récapitulatif de la composition des dialysats en fonction des techniques
Acétate
Na
K
Ca
Mg
Cl
Acétate
Bicarbonate
Citrate
CO2
Glucose
Réinjection
140
2
1.5
0.5
111
35
0
0
0
0
non
Dialyse bicarbonate avec acide
acétique citrique chlorhydrique
140
2
1.5
0.5
108
3
35
0
3
5.55
non
140
2
1.5
0.5
108
0.3
35
0.8
3
5.55
non
140
2
1.5
0.5
111
0
35
0
3
5.55
non
Dialyse bicarbonate sans acide
HD
Duocart
sans acétate
biofiltration
140
120
140
2
2
0
1.5
1.75
0
0.5
0.5
0
146
126
105
0
0
0
0
0
35
0
0
0
0
0
0
5.55
5.55
0
Bicarbonate Na Bicarbonate Na
Ca, K, Mg
(167mmol/l)
(595mmol/l)
glucose
1.5 à 2 litres/h
0.5 litre/h
AFB
D) L’hémodiafiltration
D) L’hémodiafiltration
En hémodiafiltration pré et post-dilution, le liquide de substitution est fabriqué en
hémodiafiltration
pré et post-dilution,
le liquide
de substitution
est fabriqué
ligne
ligne àEn
partir
du dialysat. Pizarelli
observe une
élévation
des acétatémies
à 5en
fois
lesà
partir
du
dialysat.
Pizarelli
observe
une
élévation
des
acétatémies
à
5
fois
les
valeurs
normales
valeurs normales en paired hémodiafiltration chez des patients épurés sur dialysat
en paired hémodiafiltration chez des patients épurés sur dialysat standard avec 3 mmol/l
standard avec 3 mmol/l d’acétate (12). Les acétatémies se corrigent 2 heures après
d’acétate (12). Les acétatémies se corrigent 2 heures après la fin de la séance. Au contraire,
la fin de la séance. Au contraire, lors de l’utilisation d’un dialysat contenant 3 mmol/l
lors de l’utilisation d’un dialysat contenant 3 mmol/l d’acide chlorhydrique, les acétatémies
d’acide chlorhydrique, les acétatémies n’augmentent pas et restent comprises dans
n’augmentent pas et restent comprises dans des valeurs physiologiques.
des valeurs physiologiques.
Conclusion
Conclusion
Des progrès
considérables
ont réalisés
été réalisés
rendre
le dialysat
plus
biocompatible
Des progrès
considérables
ont été
pourpour
rendre
le dialysat
plus
biocompatible
permettant
de proposer
patientune
unedialyse
dialyse plus
Beaucoup
d’efforts
ont été
permettant
de proposer
au au
patient
plusphysiologique.
physiologique.
Beaucoup
d’efforts
pour
s’affranchir
de l’utilisation
de l’acétate
dans le dialysat.
L’impact
desL’impact nouvelles
ont étéréalisés
réalisés
pour
s’affranchir
de l’utilisation
de l’acétate
dans le
dialysat.
techniquestechniques
et des nouveaux
concentrés
sur laconcentrés
morbimortalité
être étudié.
des nouvelles
et des
nouveaux
surdoit
la morbimortalité
doit être
étudié.
4
- 61 -
Bibliographie
1. Tolchin N et al. Metabolic consequences of high mass-transfer hemodialysis.
Kidney Int 1977; 11:366-378
2. Amore A et al. Acetate intolerance is mediated by enhanced synthesis of nitric
oxide by endothelial cells. J Am Soc Nephrol 1997; 8: 1431-1436
3. Fournier G et al. Substitution of acetic acid for hydrochloric acid in the bicarbonate
buffered dialysate. Artif Organs 1998; 22:608-6139.
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- 62 -
INTERET DES NOUVELLES SOLUTIONS
DE DIALYSE PERITONEALE
Jean-Philippe RYCKELYNCK, Angélique THUILLIER-LECOUF,
Maxence FICHEUX, Thierry LOBBEDEZ
Service de Néphrologie – Dialyse – Transplantation rénale
CHU Clémenceau, Caen
La membrane péritonéale est au contact d’environ 3000 à 4000 litres de
dialysat par an. Pendant de nombreuses années, les solutions proposées
se caractérisaient par un pH acide, une concentration élevée en produits de
dégradation du glucose (PDG) toxiques pour le péritoine et source d’effets
systémiques et locaux délétères au long cours (1,2).
La solution idéale doit avoir un pH physiologique, permettre une épuration et une
ultrafiltration adéquates, être dépourvue de toxicité locale et générale, contenir
une substance osmotique peu ou pas absorbée, n’induisant pas de troubles
métaboliques et être d’un coût accessible.
Depuis quelques années de nouvelles solutions sont disponibles mais
probablement insuffisamment utilisées. Le pH est compris entre 7,0 et 7,4
la teneur en GDP est faible minimisant le risque de formation de produits de
glycation, source d’altérations morphologiques et fonctionnelles de la membrane
péritonéale (3). Le tampon est soit un mélange de bicarbonate-lactate (B/L), soit
du lactate (L), soit du bicarbonate (B).
1 – Préservation de la membrane péritonéale
Le CA 125 est un marqueur de la viabilité cellulaire mésothéliale que l’on peut doser
dans l’effluent péritonéal (4). Jones et coll. étudient la concentration en CA 125 du
dialysat drainé chez des patients recevant une solution conventionnelle (pH à 5,5)
avec ceux traités à l’aide d’une solution physiologique (B/L) . Au cours d’un suivi de 6
mois, il est constaté une augmentation significative du CA 125 dans le groupe B/L (5). Szeto et coll. comparent deux groupes de 25 patients recevant soit une solution
conventionnelle (C) soit une solution physiologique (P) à pH neutre, à faible teneur
en PDG et un tampon lactate. A l’issue d’un suivi d’un an, les patients recevant la solution P ont une teneur en CA 125 dans l’effluent péritonéal plus élevée (14,30 ± 2,17 vs 7,36 ± 2,23 U/ml ; p = 0,007) et un taux plasmatique de CRP plus
bas (1,77 ± 0,42 vs 7,73 ± 2,42 mg/l ; p = 0,026) que dans le groupe C (6). Dans
cette même étude, les résultats concernant la teneur en acide hyaluronique dans le
- 63 -
dialysat drainé, caractérisant la régénération cellulaire mésothéliale, sont également
en faveur de la solution physiologique. Enfin l’étude de Théodoridis et coll. confirme
les résultats précédents lors de l’utilisation d’une solution physiologique à tampon
bicarbonate (7). Le taux de CA 125 augmente de façon significative après 6 mois
d’utilisation de la solution P de 15,07 ± 5,72 à 111,97 ± 66,21 U/ml qui rediminue
à 22,72 ± 16,06 U/ml après 6 mois d’utilisation de la solution C. Ainsi de telles
constatations ont été faites avec les solutions Gambrosol trio®, Physioneal®,
Balance® et Bicavera® (4).
Une baisse progressive de la teneur en CA 125 dans le dialysat est observée au
cours des années précédant l’apparition d’une péritonite sclérosante et encapsulante
(PES). Cette cinétique du taux de CA 125 pourrait être un marqueur précoce de
la PSE (8). Pour Augustine et coll., le pH acide et la concentration élevée en PDG
constituent des facteurs pouvant initier puis accélérer le processus de sclérose
péritonéale (9). La question se pose donc de savoir si les solutions physiologiques
sont capables de réduire la fréquence des PSE. Aucune preuve n’existe à ce jour.
Néanmoins, les données du registre d’Australie et de Nouvelle-Zélande montrent
une diminution de la fréquence des PSE avec aucun cas déclaré chez des patients
incidents au cours de la période 2004-2007 (10). Par ailleurs, il a été montré que
l’utilisation d’une solution bicarbonate pure permet d’améliorer le taux de CA 125
dans l’effluent péritonéal (11).
2 – Le maintien de la fonction rénale résiduelle (FRR)
L’importance du maintien de la FRR n’est plus à démontrer en termes d’élimination
des moyennes molécules et des toxines urémiques, de maintien de l’équilibre
hydrosodé avec un impact favorable sur la survie des patients et sur leur qualité
de vie (12,13). Lysaght et coll. ont montré, il y a de nombreuses années, que le déclin
de la FRR était plus rapide en hémodialyse qu’en Dialyse Péritonéale Continue
Ambulatoire (DPCA) sur une péritode de suivi de 48 mois (14). Il ne semble pas y avoir
d’impact de la modalité de dialyse péritonéale (DPCA vs DPA).
Les solutions physiologiques présentent-elles un avantage concernant le
maintien de la FRR ?
Dans une étude menée par Choi et coll., il n’a été constaté aucune différence entre
une solution C au lactate et une solution P au lactate avec faible teneur en PDG en
ce qui concerne le rapport D/P créatinine, le niveau d’ultrafiltration et celui de la FRR
après un suivi de 12 mois (15). De même Fan et coll. ont évalué la FFR après 12 mois
de suivi chez 57 patients recevant soit une solution C au lactate (61 patients) soit
une solution P (B/L ou L). La réduction de la FRR et du volume urinaire est identique
dans les deux groupes (16).
- 64 -
A l’opposé, dans une étude multicentrique, ouverte, prospective et randomisée,
ne prenant en compte que des patients incidents, l’analyse en intention de traiter
montre de façon significative une moindre baisse de la FRR en faveur de la solution
biocompatible (p = 0,048) (17). Plus récemment, au cours de l’étude DIUREST, le déclin
mensuel de la FRR est significativement plus faible avec une solution biocompatible
au lactate que celui constaté avec une solution C lors d’un suivi de 18 mois (1,5%
vs 4,3% ; p = 0,04) (18). Une étude est disponible à propos de l’utilisation d’une
solution bicarbonate pure (19). Celle-ci est observationnelle, ouverte, non randomisée,
prospective, au cours de laquelle les patients sont répartis en deux groupes, l’un
recevant une solution C et l’autre la solution P au bicarbonate. La FRR passe de
7,07 à 2,29 ml/mn dans le groupe C et de 7,05 à 4,13 ml/mn dans le groupe P (p
= 0,004). Elle confirme les données antérieures d’une étude réalisée avec un plus
faible effectif (11).
Les études les plus convaincantes sont celles où les patients sont incidents en
DP et chez qui la FRR n’est pas négligeable. Elles excluent les patients transférés
d’hémodialyse chez qui la FRR est faible voire nulle. En effet, quand la FRR est
déjà très faible, il est plus qu’improbable qu’une solution de DP puisse préserver ou
restaurer des lésions avancées de sclérose rénale (20).
3 – Solutions physiologiques et ultrafiltratION péritonéale (UFP)
Les résultats sont très discordants dans ce domaine. A partir de neuf études de la
littérature, Davies rapporte que l’UFP est inchangée à trois reprises, s’améliore une
fois et diminue quatre fois (21). Pour Pajek et coll., une étude réalisée chez 21 patients
montre une moindre UFP avec une solution B/L qu’avec une solution C (22). L’auteur
compare ses résultats à ceux de cinq autres études confirmant la discordance des
résultats. Le rôle des solutions sur la FRR et les apports hydrosodés quotidiens des patients peuvent interférer avec l’UFP. Pour Fan et coll., il n’existe pas de
différence significative de l’UFP sur une période de 4 heures entre une solution P et
une solution C (16).
4 – Solutions physiologiques et infections péritonéales
Au cours des études cliniques initiales concernant la solution B/L en DPA, il n’a
pas été montré de différence significative en terme d’infections péritonéales (IP) en
faveur de cette solution (23). De même la fréquence des IP est faible et identique si on
utilise une solution lactate P ou C à savoir 0,29 épisode par an (1 épisode tous les
41 mois) avec la solution C vs 0,26 épisode par an (1 épisode tous les 46 mois) avec
la solution P (p = 0,48) (24). La probabilité d’être indemne d’IP à 1 an est de 87,5%
et de 75,3% respectivement pour les patients du groupe P et ceux du groupe C (6).
- 65 -
Seule l’étude de Montenegro et coll. a montré une incidence moindre des IP avec la
solution P au bicarbonate, soit un épisode tous les 35,5 mois-patient vs un épisode
tous les 20,4 mois-patient avec la solution C (p = 0,017) (19).
5 – Solutions physiologiques : survie des patients et de la Technique
Les premiers résultats disponibles ont été rapportés par Lee et coll. (25). En effet,
pour la première fois il est suggéré qu’une solution physiologique plus biocompatible
puisse conférer une meilleure survie des patients après un suivi de 28 mois. La
cohorte comporte 611 patients traités avec une solution P et 551 avec une solution C, la survie étant de 74% et 62% respectivement (p = 0,0032). En étude multivariée
selon un modèle de Cox prenant en compte l’âge, le diabète et le sexe, la différence
persiste (p = 0,0465). Il n’y a pas de différence au niveau de la survie de la technique,
ce qui est confirmé par une autre étude (16).
Dans l’étude de Montenegro, prospective sur 3 ans, mais non randomisée, le nombre
de décès est moindre avec la solution bicarbonate pure (19).
Plus récemment, une étude observationnelle réalisée en Corée du sud a recensé
2163 patients venant de 54 centres sur une période allant de juillet 2003 à décembre
2006 (26). L’objectif primaire est la survie des patients et de la technique. Deux groupes
de 542 patients appariés selon l’âge, le diabète, les comorbidités cardiovasculaires,
le statut socio-économique, l’utilisation d’icodextrine et l’expérience du centre ont
été constitués l’un recevant une solution P (B/L), l’autre une solution C au lactate.
Les décès de causes toutes confondues sont de 9,6% et 18,9% respectivement (p = 0,04). L’utilisation d’icodextrine est associée de façon significative à une
réduction du risque de décès. Un échec de la technique est recensé chez 6,1% des
patients du groupe P et 8,9% chez ceux du groupe C, sans différence significative.
Il s’agit toutefois d’une étude rétrospective avec une utilisation plus fréquente de
l’icodextrine dans le groupe P.
6 – Autres
D’autres paramètres ont été étudiés. Il n’existe pas d’impact des solutions
physiologiques sur les transferts péritonéaux. Il ne semble pas y avoir d’effets
bénéfiques réellement démontrés sur l’état inflammatoire chronique. Même si l’emploi
d’une solution P (B/L) semble réduire le taux d’interleukine 6 dans l’effluent péritonéal
alors que le taux augmente avec une solution C, l’administration d’une solution P
chez des patients recevant de l’icodextrine et des acides aminés ne prévient pas une
augmentation du taux d’interleukine 6 dans le dialysat (27). Une nouvelle fois, seule
l’étude de Montenegro a montré une amélioration du taux plasmatique de la CRP en
utilisant une solution bicarbonate pure.
- 66 -
Enfin, les solutions à pH neutre permettent une meilleure correction de l’acidose
en DPA et DPCA, réduisent la fréquence des douleurs à l’infusion de même que
l’inconfort abdominal (28).
Au total, les solutions physiologiques disponibles ont apporté des améliorations
incontestables. Leur rôle bénéfique dans le maintien de la fonction rénale résiduelle
est plus que probable. Les données concernant l’amélioration de la survie des
patients demandent à être confirmées. Les solutions physiologiques n’ont pas
d’impact favorable sur la survie de la technique ni sur la fréquence des infections
péritonéales. Elles semblent préserver la membrane péritonéale et doivent donc
être proposées chez les sujets jeunes et chez les patients susceptibles d’être traités
longtemps en dialyse péritonéale. C’est peut-être la façon de réduire la fréquence de
survenue d’une péritonite sclérosante et encapsulante.
- 67 -
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- 70 -
Innovations technologiques
en hémodialyse
Bernard Canaud, Leila Chenine, Hélène Leray-Moraguès,
Annie Rodriguez, Annie Gontiers-Picard, Marion Morena
Néphrologie, Dialyse et Soins Intensifs
Institut de Recherche et Formation en Dialyse & Aider
Montpellier – France
Introduction
L’hémodialyse est reconnue comme le traitement conventionnel de l’insuffisance
rénale chronique ultime. En moins d’un demi-siècle la suppléance rénale a atteint sa
phase de pleine maturité au point d’être totalement banalisée. La dialyse est perçue
par le public comme un traitement équivalent à celui de l’hypertension ou du diabète
dont elle se différencie finalement que par une contrainte technique supplémentaire.
Cela traduit bien le fait que les aspects techniques de la méthode sont totalement
maitrisés, l’efficacité et la sécurité sont désormais acquis. Soulignons que ce niveau
de développement et d’acceptation a été obtenu sans qu’aucune étude randomisée
n’ait été réalisée. L’hémodialyse est la seule méthode suppléance artificielle capable
de suppléer de façon chronique et virtuellement illimitée la défaillance de fonctions
vitales d’un individu.
Ce défi médico-technique s’est construit progressivement autour d’un concept simple
qui était celui de restaurer périodiquement le milieu intérieur de patients insuffisants
rénaux par une méthode extracorporelle. Dans les premières décennies, le but était
simple et se résumait à faire survivre des patients condamnés par l’urémie. Au cours
des décennies suivantes les objectifs se sont progressivement raffinés. Rapidement,
il est apparu nécessaire d’améliorer la qualité de vie, de réduire la morbi-mortalité,
puis de prévenir et corriger les complications métaboliques de la maladie rénale
et des pathologies associées. Cette évolution des besoins, née d’une meilleure
compréhension de la physiopathologie de l’urémie et d’une plus grande appréhension
des limites de l’hémodialyse, a conduit tout naturellement à une évolution technique
du matériel de dialyse et à une substitution de fonctions métaboliques non couvertes
par la dialyse. Ce dernier aspect ne sera pas abordé ici mais a contribué de façon
indéniable à l’amélioration de la prise en charge des urémiques. Nous ne ferons
qu’évoquer la correction de l’anémie par les agents stimulants l’érythropoïèse (ASE)
ou celle des désordres du métabolisme minéralo-osseux par des médicaments
spécifiques (vitamine D et ses analogues, calcimimétiques…).
Seule l’aspect technique de l’hémodialyse sera évoqué dans ce chapitre.
Naturellement, cette évolution technologique s’est faite progressivement par
touches successives et a permis d’enrichir les fonctionnalités des appareils de
dialyse 1. Il nous est apparu intéressant de faire le point sur les innovations et
progrès qui permettent à l’heure actuelle de traiter quotidiennement et de façon très
- 71 -
efficace en toute sécurité des patients âgés, fragiles et le plus souvent porteurs
de polypathologies. Ces innovations technologiques ont été développées en
réponse aux besoins des patients et à la demande des médecins et des soignants 2. C’est finalement de cette interaction permanente entre le monde médical et les
industriels de la dialyse qu’est née l’hémodialyse moderne. Cela permet de souligner
au passage qu’il n’y a pas de collusion économique entre le monde médical et le
monde industriel, mais un véritable partenariat en termes de recherche innovante et
appliquée au profit des patients. L’innovation technologique en dialyse n’a de sens
que si elle répond à des besoins spécifiques du patient et des acteurs du traitement
(médecin, infirmier, technicien, pharmacien, administrateur). Cela dit, les besoins
exprimés par ces différents acteurs différent dans leurs préférences mais sont
finalement communs. C’est dans cet esprit que nous avons choisis de présenter les
innovations technologiques en hémodialyse.
Sécurité du matériel de dialyse
Les appareils modernes de dialyse sont un mélange complexe de composants
hydraulique, électrique, mécanique et électronique qui peuvent mettre en jeu à chaque
instant la vie du patient qui est branché. En matière de sécurité les appareils de dialyse
répondent à des normes techniques strictes (électrique, hydraulique…) établies par
des laboratoires experts et vérifiées par des organismes notifiés de certification
(LNE/GMed France; TÜV Allemagne ; FDA, Etats Unis). Cette labellisation protège
a priori le patient et l’utilisateur de tous risques inhérents à l’utilisation de ce matériel.
L’appareillage de dialyse ainsi que le traitement d’eau bénéficient à l’heure actuelle
d’un marquage CE qui garantit les performances et la sécurité de l’ensemble du
matériel dans la mesure son utilisation respecte les recommandations du fabricant.
La fiabilité au long cours des composants est également éprouvée par des tests et
essais de simulation en laboratoire. Un principe de redondance est appliqué aux
composants clés de l’appareillage afin de garantir fiabilité et sécurité à l’ensemble
du matériel.
La monitorisation de la circulation sanguine extracorporelle est extrêmement sensible
et fait l’objet d’une attention toute particulière. Les débits sanguins élevés (300 à 400
ml/min) n’autorisent en effet aucune erreur. La surveillance des pressions artérielles
et veineuses assurent le contrôle et l’intégrité du circuit sanguin extracorporel.
Des fourchettes d’alarme resserrées et précises sur les circuits artériel et veineux
permettent de détecter toute variation imprévue et d’interrompre si nécessaire
instantanément la circulation sanguine. Cette monitorisation des pressions est
essentielle, elle permet de détecter, soit une augmentation de pression (en rapport
avec un obstacle, thrombose, plicature…) comportant un risque d’hémolyse, soit
une baisse de pression (en rapport avec une ouverture de circuit et une hémorragie)
comportant un risque hémorragique. De même, la détection d’air dans le circuit
- 72 -
veineux est indispensable pour éviter toute embolie gazeuse en cas de microouverture ou déconnection accidentelle du circuit. Des progrès considérables ont été
faits dans la détection de microbulles d’air à partir de détecteur ultrasonique sensible
qui complètent les classiques détecteurs de niveau. Ces dispositifs représentent la
sécurité la plus élémentaire pour le patient et ne doivent jamais être court-circuités
par le personnel. Un nouveau dispositif visant à détecter la déconnection accidentelle
d’une aiguille (ou d’un cathéter) est utilisé dans à certaines conditions (dialyse à
domicile) afin d’éviter une hémorragie massive brutale que les capteurs usuels de
pression sanguine ne sont pas en mesure de détecter instantanément.
La production de dialysat électrolytique à composition fixe, à température contrôlée
et dégazé est également un aspect sensible pour la sécurité du patient dialysé.
En effet une composition électrolytique inadéquate conduit inéluctablement à des
complications graves et potentiellement mortelles (hyper ou hyponatrémie, hypo
ou hyperkaliémie…). La composition du dialysat frais produit par le générateur
est continuellement surveillée par mesure de résistivité du dialysat. Cette mesure
extrêmement précise évalue principalement la teneur sodique du dialysat en
considérant que les autres électrolytes respectent la même proportion de dilution.
La mesure du pH dialysat a été ajoutée sur les générateurs produisant un
dialysat tamponné au bicarbonate de sodium afin d’éviter la dérive des pompes
proportionnantes visant à compenser le défaut de l’une ou l’autre des pompes à
concentrés (acides et bicarbonates). La fiabilité de la composition électrolytique
des bains de dialyse est excellente mais nécessite une vigilance régulière et une
maintenance des générateurs dans la mesure où une dérive est toujours possible.
La stérilisation en ligne du dialysat produit s’est progressivement imposée comme
un nouveau standard de l’hémodialyse moderne. Cela est obtenu par stérilisation à
froid extemporanée à partir d’ultrafiltres insérés sur le circuit dialysat. Ces ultrafiltres
font désormais partie du générateur et sont stérilisés à chaque cycle de désinfection
(chimique ou thermique). L’intégrité de ces filtres est testée de façon automatique
et en ligne par un test de pression équivalent à celui du point de bulle établi en
laboratoire. Cette fonction permet ainsi de garantir la sécurité microbiologique du
dialysat.
La production régulière de dialysat stérile et non pyrogène donne accès à de
nouvelles options thérapeutiques. L’hémodiafiltration en ligne haute efficacité utilisant
de grands volumes de substitution (25 à 50 litres par séance) a été ainsi développée
et utilisée de façon routinière en pratique clinique. L’automatisation des procédures
de rinçage, d’amorçage et de restitution est également possible par cette méthode
de production. Cela réduit le temps, le coût et les contraintes de manutention des
solutions de rinçage en poche. De plus cela est la condition sine qua none permettant
d’envisager un rétrocontrôle automatisé des chutes de pression artérielle liées à une
hypovolémie en cours de séance 3. Ces dispositifs sont de nature à améliorer la
tolérance des séances et faciliter la dialyse autonome à domicile notamment 4.
- 73 -
La technologie moderne a apporté une dimension nouvelle dans les fonctions et la
sécurité des appareils de dialyse. De nos jours, les incidents et accidents de dialyse
rapportés à la matériovigilance sont devenus exceptionnels. Les appareils de dialyse
sont d’une fiabilité et d’une sécurité qui frôlent l’absolu. Cela dit, tout utilisateur d’un
appareil de dialyse doit demeurer conscient que le risque zéro n’existe pas, et que
les dispositifs de sécurité et d’alarme installés par le fabricant ne doivent en aucun
cas être court-circuités. Un parallélisme peut être fait avec l’aéronautique. Dans les
accidents de dialyse rapportés, l’erreur humaine (erreur de manipulation, erreur
d’interprétation, défaut de surveillance…) est toujours beaucoup plus fréquente
que celle liée à la défaillance mécanique ou technique d’un des composants de
l’appareillage.
Efficacité du traitement de suppléance
L’efficacité du traitement de suppléance est un critère essentiel pour réduire la morbimortalité des patients dialysés. Sans vouloir reprendre ici les critères qui permettent
de juger la bonne efficacité d’une séance de dialyse, il est intéressant de souligner
que le matériel de dialyse aide le clinicien au quotidien en facilitant son évaluation.
Les performances des hémodialyseurs se sont considérablement accrues au
cours de ces dernières années. Les membranes à haute perméabilité qui équipent
actuellement les dialyseurs capillaires offrent des capacités d’épuration sur l’ensemble
du spectre moléculaire des toxines urémiques qui ont été multipliées par un facteur
de deux pour les petites molécules (urée, créatinine...) et par un facteur de cinq
à dix pour les moyennes molécules (béta2-microglobuline). Cela est naturellement
obtenu grâce à des débits optimisés notamment du débit sanguin (300 à 400 ml/min)
et du débit dialysat (500 à 700 ml/min). Le renforcement du débit d’ultrafiltration
(exemple, hémodiafiltration) permet de majorer de façon notable la part convective
de l’épuration et les clairances des toxines de hauts poids moléculaire élevés. Dans
ce cas, le facteur limitant l’épuration n’est plus le dialyseur, mais le patient lui-même
qui offre une résistance interne élevée et présente ainsi une clairance corporelle
inférieure à celle du dialyseur. Seule l’augmentation de la durée des séances (séances
prolongées ou fréquence accrue) est en mesure de surmonter ces résistances aux
transferts de solutés à cinétique corporelle réduite 5.
La mesure extemporanée des performances des séances de dialyse est désormais
possible et proposée sur la majorité des machines de dialyse modernes. Elle repose
habituellement sur la mesure de la dialysance ionique, équivalente à la clairance de
l’urée, réalisée en ligne et automatiquement par le moniteur de dialyse 6 7. D’autres
biosenseurs plus spécifiques existent, certains ont été validés et d’autres sont en
cours d’évaluation, ils évaluent de façon directe ou indirecte la concentration de l’urée
(uréase, absorptiométrie…), dans le dialysat ou l’eau plasmatique (ultrafiltrat) 8 9.
Ces derniers permettent d’évaluer la masse d’urée soustraite au cours d’une séance
et d’en déduire la quantité équivalente de protéines catabolisée dans l’intervalle
- 74 -
interdialytique. Les outils de quantification directe sont très utiles au contrôle de
qualité routinier des dialysés. Ils permettent de vérifier que la dose de dialyse prévue
a bien été administrée et que l’apport de protéines est respecté. D’autres outils de
quantification sont également embarqués sur les appareils de dialyse, nous ne ferons
qu’évoquer ceux qui évaluent le volume de sang épuré, le taux de recirculation de
l’accès vasculaire ou même le débit de l’accès vasculaire 10. Certains moniteurs de
dialyse sont capables d’évaluer la masse de sodium soustraite au cours de la séance
de dialyse et renseignent sur le régime sodé des patients 11,12. Il est actuellement
possible sur certains appareils de dialyse de cibler en plus une natrémie de fin de
dialyse (dialyse isonatrique) réduisant l’impact des variations osmotiques chez le
patient urémique. Ces différents outils s’inscrivent dans un contrôle de qualité du
traitement et permettent de vérifier le bon fonctionnement de l’accès vasculaire,
d’affirmer que la dose de dialyse a été administrée et de conforter le clinicien dans
sa quête permanente à l’amélioration de la qualité de dialyse. Ces outils ne sont pas
des gadgets 13. Ils représentent un progrès considérable dans le contrôle non invasif
des performances de la dialyse, mais ne peuvent pas se substituer aux critères
usuels de dialyse efficace.
Tolérance des séances de dialyse
En dépit des progrès technologiques apportés aux appareils de dialyse permettant de
contrôler la perte de poids notamment, la tolérance des séances de dialyse demeure
un problème d’actualité. La prévalence des épisodes d’hypotensions symptomatiques
concerne encore 10 à 20% des séances 14. Les autres manifestations, crampes,
céphalées, nausées et/ou vomissements ou parfois plus sévères touchent de 2 à
5% des séances. La technologie moderne des appareils de dialyse fournit des outils
spécifiques capables d’améliorer la tolérance des séances. Le dialysat tamponné au bicarbonate, nouveau standard de la dialyse moderne, a
fait disparaître la majorité des signes cliniques de mal tolérance des séances de
dialyse. La généralisation des maitriseurs d’ultrafiltration sur les appareils de dialyse
a permis d’obtenir une perte linéaire et programmable répondant à des profils
personnalisés et susceptible d’améliorer la tolérance globale. Cela a apporté un
confort indiscutable aux patients dialysés. La suppression totale de l’acétate résiduel
est à l’heure actuelle un nouveau défi qui devrait permettre d’améliorer encore la
tolérance hémodynamique en particulier pour les méthodes à hauts débits.
La surveillance continue de la variation relative de volémie en cours de séance permet
d’aller plus loin dans l’amélioration de la tolérance hémodynamique des séances
et d’obtenir un contrôle optimal de la pression artérielle 15. Le contrôle continu de
la volémie circulante basée sur la mesure de l’hémoglobine (ou de l’hématocrite)
permet de définir le seuil critique individuel de contraction volémique au-delà duquel
la chute de tension artérielle est fortement probable. Le niveau critique du seuil de
- 75 -
chute tensionnelle reflète la capacité de recharge volémique individuelle. Il traduit le
point de rupture de l’équilibre physiologique du remplissage volémique par rapport à
la déplétion due à l’ultrafiltration. Ce niveau critique est obtenu par titration individuelle
et correspond aux limites d’adaptation volémique individuelle.
La recharge volémique peut être également modulée grâce à d’autres fonctionnalités
des générateurs comme les profils spécifiques de l’ultrafiltration horaire et/ou ceux
de la concentration sodique du dialysat 16 17. Si ces différentes options s’avèrent
insuffisantes à réduire l’incidence des hypotensions, une action complémentaire
peut être apportée par ajustement de la balance thermique. Les séances de
dialyse hypothermiques sont bénéfiques. L’action vasoconstrictive veineuse et
artérielle induite par l’hypothermie relative facilite la recharge volémique, renforce
les résistances vasculaires systémiques et contribue au maintien de la pression
artérielle.
L’ensemble de ces fonctionnalités fait maintenant partie des options techniques
embarquées sur la majorité des appareils de dialyse. Soulignons que l’hémodiafiltration
est une modalité thérapeutique qui améliore la tolérance hémodynamique par
des actions mixtes (thermique, osmotique ou spécifique) et permet d’apporter un
complément utile dans ce domaine aux besoins des patients les plus fragiles 18.
Communicabilité et convivialité des appareils de dialyse.
Les progrès globaux de l’électronique ont fait franchir un nouveau pas aux appareils
de dialyse. Ils en sont encore à leurs balbutiements. Nous ne ferons qu’évoquer ici,
certains aspects qui apportent à l’appareillage de dialyse plus de fiabilité, plus de
communicabilité et surtout plus de convivialité.
L’appareil de dialyse doit être actuellement conçu comme un appareil électronique
sur lequel des fonctionnalités spécifiques à la dialyse ont été adaptées plutôt que son
inverse. Que celles-ci concernent les fonctions dévolues au dialysat (composition,
dégazage, chauffage…), à la perte de poids, au monitorage du circuit sanguin, au
monitorage des paramètres vitaux du patient ou à celles dévolues à la sécurité de
la méthode, toutes ces fonctions sont asservies à des microprocesseurs eux-mêmes
soumis au contrôle d’un microprocesseur central intégrateur assurant des boucles de
rétrocontrôle définies par des algorithmes adaptatifs. Cette architecture électronique
se rapproche beaucoup de celle de l’aéronautique et apporte une extrême fiabilité
et une très grande sécurité aux appareils de dialyse moderne. De plus, l’acquisition
permanente et le stockage continu des données offre une traçabilité totale des
conditions de réalisation de la séance et le cas échéant permet une analyse a
postériori des événements survenus en cours de traitement.
- 76 -
L’électronique a contribué également à rendre totalement communicant les
appareils de dialyse. Cette communication peut être établie de deux façons : sur
le poste de dialyse grâce à un lecteur de carte à puce électronique installé sur le
générateur (différé) ; à distance par un réseau de communication (temps réel) 19.
L’utilisation d’une carte à puce électronique personnalisée permet de programmer
le moniteur-générateur de dialyse et récupérer les données en fin de séance. La
programmation de l’appareil de dialyse répond au programme de dialyse fixé par
le néphrologue référent et permet une présélection automatique des paramètres
de prescription du patient (durée de séance, débits dialysat, dialyseur, composition
électrolytique, modalité de dialyse, profils…). En fin de séance, les données acquises
par le générateur sont récupérées sur la carte à puce personnelle et peuvent être
transférées dans le dossier médical du patient. Une communication automatisée en
temps réel peut être réalisée par communication filaire (Internet ; e-SATA) ou ondes
hertziennes (WiFi, Bluetooth) du générateur de dialyse avec le réseau de soins de
l’unité de dialyse et permet d’alimenter directement le dossier médical du patient. Ce
système permet également une surveillance à distance en temps réel. Dans le même
ordre d’idée, la télésurveillance et la téléassistance, sont dés à présent envisageable
selon le même schéma de communication avec un réseau électronique à haut débit
et un serveur distant du centre de dialyse 20. Les expériences pilotes réalisées dans
certaines unités de dialyse distantes ont largement prouvées la faisabilité et la fiabilité
de tels systèmes. Ces outils apparaissent essentiels à l’amélioration de la qualité de
la dialyse délivrée de façon routinière et permettent d’envisager une réduction de la
morbi-mortalité des patients dialysés. D’autres fonctionnalités sont envisageables
à très court terme par des connections spécifiques notamment avec la pharmacie
d’établissement ou l’administration : gestion simplifiée en temps réel des produits
pharmaceutiques utilisés en dialyse ; facturation automatique des actes de dialyse.
L’interface de l’appareil de dialyse avec l’utilisateur (patient, soignant) a été nettement
améliorée par l’électronique et ses annexes, tels les écrans digitaux. Les fonctions de
commande des appareils de dialyse sont rassemblées actuellement sur des écrans
digitaux tactiles. Les boutons mécaniques ont pratiquement disparus. Les fonctions
peuvent être sélectionnées à la demande par l’opérateur et les fourchettes d’alarme
peuvent être personnalisées. Les paramètres de surveillance sont regroupés par
groupe de parenté fonctionnelle et apparaissent sur des écrans spécifiques. Des
fonctions graphiques sont ajoutées et permettent une surveillance visuelle simplifiée
qui s’apparent à celles d’un tableau de bord de voiture. Des codes graphiques colorés
et des symboles simplifiés facilitent encore la lecture et l’analyse instantanée de ces
différents écrans. L’introduction de nouveaux systèmes d’affichage et d’interfaçage
s’apparentant aux nouvelles technologies électroniques du type tablette électronique
(smartphone ou iPad) permettraient de faire progresser la convivialité de ces
appareils. L’implémentation de logiciels spécifiques et didacticiels éducatifs est en
mesure aussi de faciliter l’éducation des patients ou du personnel soignant. Ces
outils éducatifs facilitent indiscutablement l’utilisation des appareils de dialyse et
devraient permettre à terme une éducation et une autonomisation plus rapide des
patients qui envisagent une dialyse autonome. De plus, la convivialité et la facilité
- 77 -
d’utilisation de ces nouveaux appareils de dialyse sont en mesure de susciter un
regain d’intérêt pour la dialyse à domicile. En dernier lieu, les écrans tactiles ou les
tablettes électroniques mobiles de ces appareils pourraient être également utilisés
comme support de communication facilitant la relation des utilisateurs (patients ou
personnel) avec l’équipe médicale du centre de référence.
Conclusions
L’apport technologique a été essentiel au développement et aux progrès de
l’hémodialyse moderne même si certains ont encore des doutes sur ses bienfaits 21. Cela répond aux besoins médicaux spécifiquement liés à la gestion de sujets
urémiques à très hauts risques cardiovasculaires. Cela permet de sécuriser la dialyse
et d’en améliorer la qualité au quotidien. Cela offre des perspectives thérapeutiques
nouvelles, permet le développement de modalités plus efficaces et physiologiques
(hémodiafiltration, rétrocontrôle physiologique…). Enfin, cela permettra de relancer
l’hémodialyse autonome et en particulier à domicile facilitant le développement de la
dialyse quotidienne ou nocturne.
- 78 -
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•
- 80 -
Hemodiafiltration
what evidence do we have ?
Ingrid Ledebo
Gambro R&D
Lund, Sweden
Progress without evidence
Evidence-based medicine requires results from randomized controlled trials (RCT),
ideally more than one, showing significant beneficial effect on mortality of a welldefined intervention in order for this mode of therapy to be considered superior
and qualify for inclusion in clinical guidelines and reimbursement regulations. In the
dialysis world, few RCT have provided clinical evidence for the three-times-weekly
four-hour hemodialysis (HD) sessions with high-flux, biocompatible membranes and
bicarbonate-containing, ultrapure dialysis fluid used by the majority today. Still, most
steps on the development path have been perceived as going in the right direction,
improving the quality of dialysis for the patients, and when technology has provided
a cost-effective way forward, they have been implemented without the support of
RCT. In retrospect, nobody would change back and everybody agrees that making
dialysis more physiological is a logical development towards renal function, although
with still a long way to go.
Benefits of HDF
The HEMO study provided support for HD with high-flux membranes only in subgroup and secondary analyses, while the MPO study showed improved
survival for high-flux HD treated patients with albumin levels ≤ 40 g/l as a primary
outcome (1, 2). Based on this evidence, the European Renal Best Practice Advisory
Board is now recommendating high-flux membranes for all HD patients (3). The same
high-flux membranes are used in hemodiafiltration (HDF) which is characterized by
larger convective removal compared to high-flux HD. But what evidence is available
to support the use of HDF? Numerous studies confirm the improved clearance of
solutes in the middle and large molecular weight range that can be anticipated from
increased convective transport through an open membrane (4). This is particularly
noteworthy for solutes such as phosphate, ß2-microglobulin (ß2m) and factor D
for which reduced levels are directly associated with improved outcome in dialysis
patients (reviewed in 5). Other studies show improved management of anemia, mineral
metabolism and nutrition, less inflammation and better hemodynamic stability (5). Outcome data with significantly improved survival for patients treated with HDF are
available from observational studies. Analyses of large databases show that patients
treated with on-line HDF have superior survival compared to those treated with HD,
after compensating for demographic and co-morbidity-related differences between
- 81 -
the groups (6, 7, 8). Presently, several prospective, controlled trials are documenting
various outcome parameters for patients randomized to on-line HDF or HD and
within a year or two, more results should hopefully be available (Table 1) (5). Dose of convection
In comparison with HD, HDF is characterized by ultrafiltration volumes exceeding
the necessary weight loss, the difference being replaced by a substitution solution.
Different forms of HDF can be defined depending on how the substitution solution is
generated and added. Most commonly used is on-line HDF in which the substitution
solution is prepared in a controlled and validated process and added before or after
the filter (4). The substitution fluid can also be generated and added inside the filter,
e.g. in push-pull HDF (9), a process which takes place also in high-flux HD, although
uncontrolled and to less extent. High-flux HD can therefore be considered as a lowefficiency form of HDF (4). Using the volume of convection as a measure of dose, the
difference between high-flux HD and HDF becomes a matter of a low-dose version
compared to a high-dose version of the same therapy. Looking for studies indicating
that a difference in convection dose might be related to a difference in outcome takes
us back to the HEMO study. Secondary analysis showed that mortality correlated
directly with predialysis levels of ß2m, the lower the better. Every 10 mg/L increase
in mean predialysis ß2m levels increased the risk of all-cause-mortality by 11% and
of infectious mortality by 21% (10, 11). However, the lowest ß2m levels achieved among
the HEMO patients were modest but corresponded to what can be expected in HD
mode with reused filters. Patients treated with a higher dose of convection, such as
in on-line HDF, achieve signficantly lower predialysis plasma levels of ß2m than the
patients in the HEMO study and further benefits could be hypothesized from this fact (12). Another indication of the impact of convection dose on outcome can be found among
DOPPS patients treated with different modes of HDF (7). The survival benefit of HDF
over HD was significant only for patients treated with the higher dose of convection,
in this case 15-25 L of substitution solution.
Conclusion
Hemodiafiltration can provide the largest removal of solutes over the widest range
of sizes among all modes of dialysis. Clinical benefits associated with the enhanced
blood purification have been documented in numerous studies. Outcome data
showing improved survival is available from observational studies. Extrapolation of
outcome data for high-flux dialysis, which is a low-dose version of HDF, can also be
used to hypothesize about such benefits. In anticipation of result from ongoing RCTs,
HDF should be considered the future direction of dialysis. Frequent application of
HDF constitutes the most physiological form of dialysis therapy available today (13).
- 82 -
Références
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Table 1
Ongoing randomized controlled trials with hemodiafiltration
Table 1: Ongoing randomized controlled trials with hemodiafiltration
n
time
Italian
246
Dutch
CONTRAST
Turkish
700
750
Spanish
ESHOL
French
900
Australian
FINESSE
200
600
2
yrs
control
therapy
low-flux
HD
convective
therapy
HDF/HF
predil
3
yrs
2
yrs
3
yrs
2
yrs
4
yrs
low-flux
HD
high-flux
HD
high-flux
HD
high-flux
HD
high-flux
HD
HDF
postdil
HDF
postdil
HDF
postdil
HDF
postdil
HDF
•
- 84 -
primary
endpoint
hemodyn.
stability &
BP
mortality
comment
CV events
end 2010
mortality
running
intradial.
morbidity
neuropathy
enrolling
finished
end 2010
enrolling
L’hémodialyse nocturne
Guillaume JEAN
Centre de Rein Artificiel, Nephrocare,
Tassin la Demi-lune, France.
Introduction
Sous le vocable « hémodialyse nocturne » se cache un autre concept que celui
d’un horaire particulièrement tardif des séances de dialyse. En effet, l’hémodialyse
nocturne (HDN) est le plus souvent associée à une stratégie particulière qui comporte
un allongement de la durée et/ou une augmentation de la fréquence des séances de
dialyse afin d’en améliorer la tolérance et l’efficacité. Il est donc difficile de séparer les
deux concepts et nous consacrerons une grande part de notre exposé à ces dialyses
particulières, parfois appelées « alternatives ». À partir d’une perspective historique,
nous développerons les arguments pour le maintien et même le développement de
cette HDN. Nous rapporterons notre longue expérience de l’hémodialyse nocturne
longue (HDNL) avec les nombreux avantages, mais aussi les quelques inconvénients
que procure ce traitement particulier.
Historique
Le fonctionnement rénal normal de l’homme étant de 168 h/semaine, l’organisation
des séances d’épuration extrarénale a toujours cherché le meilleur compromis
entre cette épuration continue physiologique et une contrainte acceptable pour les
patients et la société. La durée des séances avait été fixée de manière empirique
à 3 x 8 heures à la fin des années soixante [1], à une époque où près de la moitié
des patients étaient en dialyse à domicile (B. Scribner en 1960). Dès les années 70,
des expériences de dialyses plus fréquentes ont été réalisées permettant d’obtenir
une dialyse plus « physiologique ». Le besoin de dialyser des patients toujours plus
nombreux d’une part, et la rareté, le coût et les progrès des équipements d’autre
part, ont conduit à raccourcir la durée des séances jusqu’à un compromis largement
accepté de 3 x 4 heures comme dialyse dite « conventionnelle » (HDC) [2], bien
qu’éminemment non-physiologique.
Cependant, la communauté néphrologique est consciente des insuffisances de cette
stratégie dans un certain nombre de cas. La surmortalité des patients hémodialysés
(10 à 20% par an) comparée à la population générale [3] a conduit à imaginer des
stratégies alternatives pour améliorer la survie et la qualité de vie des patients.
On distingue l’hémodialyse quotidienne (HDQ), l’hémodialyse longue (HDL) et
l’hémodialyse nocturne (HDN). L’HDN pouvant être longue (HDNL) ou quotidienne
(HDNQ) ou les 2 à la fois (HDNLQ).
- 85 -
Cette HDNLQ représentait moins de 0,4% des patients dialysés aux USA en 2003 dans moins de 15 centres, l’hémodialyse à domicile représentant moins de 1% des
patients. Le programme d’HDNLQ a surtout été développé au Canada et en Australie
et le plus souvent à domicile.
En France, à part le centre de Tassin où les séances en centre et à domicile
sont restées longues depuis les années 60, d’autres équipes ont développé plus
récemment des programmes de dialyses longues, fréquentes et plus volontiers
nocturnes, souvent à domicile, mais également sur des programmes particuliers en
centre ou en autodialyse.
Les données actuelles de la littérature
La dialyse adéquate ?
La première étude prospective de la National Coopérative Dialysis Study (NCDS)
au début des années 80 [4] avait montré, sur la base du Kt/V, que la durée des
séances n’était pas associée significativement à la survie (p= 0,056). Les formules
de Kt/V sont depuis devenues très populaires jusqu’à devenir le critère principal
de la quantité, voire de la qualité de la dialyse. Cependant, il est évident que le K
(clairance de l’urée) et le t (durée de séance) ne sont pas équivalents et que l’on ne
peut faire baisser le temps indéfiniment en augmentant la clairance. La surmortalité
des patients aux USA dans les années 80 a conduit à augmenter les durées de
séances au milieu des années 90.
Les cibles de Kt/V, établies pour des dialyses conventionnelles, ne sont pas utilisables
pour des dialyses fréquentes (notion de TAC-Urée). Car, même si la clairance est
censée rester stable au cours d’une séance conventionnelle, le transfert de masse est
plus important en début de séance (gradient de concentration) expliquant l’efficacité
supérieure de la dialyse quotidienne.
Par ailleurs, le terme de dialyse adéquate devrait non seulement assurer un Kt/V
hebdomadaire supérieur à 3,6, mais aussi une vie normale sans symptômes liés à
la dialyse, une situation hémodynamique et métabolique stable, une qualité de vie et
surtout une espérance de vie proches de celles assurées par la transplantation. Ceci
est loin d’être le cas avec une dialyse conventionnelle.
Les bénéfices cardiovasculaires des dialyses longues et/ou fréquentes
Ces bénéfices ont été largement démontrés à partir d’études observationnelles et
de petites séries non-contrôlées. L’étude DOPPS, registre prospectif international,
a montré qu’une ultrafiltration supérieure à 10 ml/kg/h était associée à une
- 86 -
surmortalité et à une augmentation de 30% des chutes de pression artérielles [5],
ces chutes de tension conduisant souvent à une surcharge volémique en raison
des difficultés à atteindre le poids sec [6]. Cette surcharge hydrosodée favorise à
son tour l’hypertension artérielle (HTA), l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG)
et l’insuffisance cardiaque [7]. Il a été montré que l’augmentation de la durée des
séances de dialyse améliorait la tolérance des sessions [5, 8, 9], et que la dialyse
quotidienne diminuait aussi la fréquence des hypotensions artérielles [10].
Dans une étude récente, la survie des patients en HDNLQ est rapportée très proche
de celle des patients transplantés[11]. L’étude DOPPS a aussi montré que la survie
des patients dialysés était influencée par la durée des séances de dialyse [5].
Augmenter la fréquence et la durée des séances est donc associé à la correction
de l’HTA [12], de l’HVG [13], de la fraction d’éjection du VG [14] et à la diminution
des résistances périphériques [15]. Une amélioration des apnées du sommeil a
également été rapportée [16].
Les bénéfices métaboliques des dialyses longues et/ou fréquentes
L’ HDNL (3 x 8 hr) est pratiquée depuis plusieurs années, notamment dans quelques
centres en Italie. Les résultats semblent probants avec une amélioration de l’anémie,
de l’état nutritionnel, de l’hyperphosphatémie et de l’HTA [17-19]. L’amélioration
de l’anémie et de la résistance aux agents stimulant l’érythropoïèse (ASE) est
probablement en rapport avec l’existence d’inhibiteurs circulants de l’hématopoïèse
mieux épurés par cette dialyse longue. Cependant, des dialyses plus fréquentes
peuvent être responsables d’une augmentation de la perte en fer.
L’épuration des phosphates en dialyse est dépendante de la durée de la séance
[20, 21]. L’HDQ courte apparait donc moins performante pour l’épuration du
phosphore [22], d’autant plus que les apports en protéines augmentent souvent et
que l’état nutritionnel s’améliore [23], l’augmentation de l’appétit pouvant être due
à une meilleure épuration de certaines toxines anorexigènes. Par ailleurs, l’étude
DOPPS a montré que l’appétit était dépendant de la durée des séances[24]. Cet
effet pourrait être expliqué par un effet anti-inflammatoire. En HDNLQ, l’épuration
des phosphates est tellement importante qu’il est souvent nécessaire d’introduire
du phosphore dans le dialysat [25]. La diminution de la phosphatémie et de la dose
nécessaire de chélateurs calciques s’accompagne souvent d’une augmentation de
la PTH [19] qui devra être compensée par un apport de vitamine D ou par une
augmentation du calcium du dialysat [22]. L’amélioration du produit phosphocalcique
peut être responsable, au moins en partie, de la stabilisation ou de l’amélioration des
calcifications vasculaires [26].
- 87 -
Les problèmes économiques
Le surcoût de ces dialyses alternatives reste un frein très important à leur
développement. Cependant, une étude australienne a montré qu’une HDN à
domicile était moins chère qu’une HDC en centre [27]. La dialyse quotidienne à
domicile aurait un coût équivalent à la dialyse péritonéale assistée. Le problème est
donc essentiellement celui de la dialyse en centre. L’HDL (3 x 8 h) pourrait être une alternative à la HDNLQ en réduisant ses coûts [18].
Actuellement, une hémodialyse plus fréquente est plutôt favorable ou neutre sur le plan
économique pour les structures de dialyse, puisque chaque séance est facturée sur
une base de 4 heures. Le surcoût est par contre majeur pour l’assurance maladie qui
prend en charge le remboursement des séances et des transports supplémentaires.
Par contre, une dialyse plus longue ne coûte rien de plus à l’assurance maladie, le
surcoût (eau + concentrés + personnel) étant compris dans le forfait et reste à la
charge du centre de dialyse ce qui reste pénalisant.
La qualité de vie
La qualité de vie liée à ces stratégies alternatives est réputée être améliorée, mais
les études ont été le plus souvent réalisées chez des patients en dialyse à domicile.
Une étude a montré une qualité de vie équivalente des patients en HDN à domicile
et en dialyse péritonéale [28]. L’HDNQ et/ou longue semble augmenter les capacités
physiques à l’effort [29].
La plupart des études observationnelles rapportent que ces dialyses alternatives
améliorent plusieurs symptômes urémiques tels le prurit, les céphalées, les crampes,
l’asthénie, l’insomnie, les fonctions sexuelles et cognitives ainsi que les scores de
dépression.
Problèmes divers
Les ponctions plus fréquentes en HDQ peuvent avoir des conséquences sur les
abords artério-veineux (sténoses, anévrysmes), mais cela reste théorique, car
aucune étude n’a rapporté de différences bien nettes. La technique du « button
hole » répond en partie à cette problématique.
Une héparinisation plus fréquente ou plus longue pourrait aussi avoir des effets
délétères (saignements, alopécie, ostéoporose…).
- 88 -
L’expérience de Tassin en hémodialyse longue nocturne
Le centre de Rein artificiel de Tassin a été fondé en 1969 par le Dr G. Laurent.
La dialyse longue était la seule stratégie utilisée à cette époque où la dialyse était
essentiellement réalisée à domicile et la nuit. Depuis les années 80, un nombre
croissant de patients a vu diminuer la durée des séances en centre, sauf en dialyse
de nuit qui reste le domaine de la dialyse longue par excellence.
L’hémodialyse longue (HDL) de Tassin est connue pour apporter un excellent
contrôle tensionnel avec une restriction sodée et un sodium du dialysat à 138
mmol/l en moyenne [30]. Nous avons montré que l’HDL permettait également un
meilleur contrôle des phosphates (< 10% d’hyperphosphatémie) avec moins de
40% de patients nécessitant la prescription d’un chélateur [31], tout en assurant un
apport protéique de 1,2 g/kg/jour en moyenne. Une stratégie individualisée permet
d’atteindre les cibles de KDOQI du métabolisme minéral dans un grand nombre
de cas [32]. Sur le plan nutritionnel, notre équipe a montré que les patients ayant
augmenté le temps de séance de 3 x 5 à 3 x 8 h ont amélioré leur état nutritionnel
et leur HTA, à l’inverse de ce qui a été observé en cas de réduction de la durée des
séances [33].
Actuellement (2009)
Cinquante-neuf patients sont en dialyse de nuit d’une durée supérieure à 5 heures
dont 8 patients en autodialyse.L’autonomie pour la ponction de l’abord vasculaire
et pour la gestion du générateur n’est pas demandée en centre. Les patients
doivent avoir un minimum de problèmes médicaux et notamment pas de problèmes
récurrents d’abord vasculaire. Il doit s’agir de patients calmes et valides.
L’HDNL se déroule dans deux salles de 15 postes. Les branchements ont lieu entre
17h et 22h30, un repas est servi vers 19h. Les débranchements ont lieu entre 23h et
5h30. Un petit déjeuner est proposé avant le retour à domicile des patients.
Le personnel de nuit comporte 3 infirmières, 1 aide soignante et 1 néphrologue
de garde. Chaque patient dispose d’un lit électrique équipé d’une télévision et d’un
casque audio.
Le matériel comporte des filtres Fresenius© FX 80 ou FX100, des générateurs
5008. Il n’y a pas d’hémodialfiltration pour ces séances longues et 95% des abords
vasculaires sont des fistules artérioveineuses natives avec la technique du « button
hole ». La concentration du sodium dans le dialysat est en moyenne de 138 mmol/l, celle du calcium entre 1,25 et 1,75 mmol/l (moyenne 1,5 mmol/l), les débits du
dialysat sont de 500 ml/min et les débits sanguins compris entre 220 et 360 ml/min.
- 89 -
Les résultats de l’HDNL
Moins de 1% des séances s’accompagnent de chute de pression artérielle, moins
de 3% de crampes. Aucun patient ne prend de traitement antihypertenseur. Moins
de 30% des patients ont besoin de chélateurs du phosphore. Le Kt/V moyen par
séance est de 2,2.
Pourquoi la nuit ?
Résultats de l’enquête réalisée en 2008 chez les patients en HDNL à Tassin :
-37/59 ont répondu à l’enquête : 26 hommes et 11 femmes : 62% ont plus de
60 ans et 14% moins de 40 ans.
-17/37 ont moins de 5 ans d’ancienneté en dialyse.
- 73% ont choisi de venir à Tassin pour le programme de nuit.
- 65% ont une expérience de dialyse conventionnelle préalable.
- 75% apprécient la longueur de leur séance, 25% souhaiteraient faire une
heure de moins, aucun ne souhaite un retour en dialyse conventionnelle.
- 89% apprécient ce traitement, 98% ne souhaitent pas dialyser la journée.
- Les raisons du choix de cette stratégie:
● 21% pour travailler à plein temps,
● 73% pour avoir des activités sociales et familiales,
● 70% pour la qualité du traitement,
● 73% pour combiner sommeil et dialyse.
- Le sommeil :
● 86% dorment au moins 4 heures pendant la dialyse,
● 24% jugent leur sommeil insatisfaisant et prennent un somnifère en
dialyse et à la maison,
● 30% restent finir leur nuit après leur débranchement,
● 81% se rendorment en rentrant chez eux (sauf ceux qui travaillent).
La dialyse nocturne longue (3 x 6 à 3 x 8 h) répond à une demande des patients et
leur degré de satisfaction reste important. Les bénéfices (Tableau 1) sont d’ordre
médical, mais concernent également la qualité de vie physique et socioprofessionnelle.
Malheureusement, la prise en charge de cette HDNL reste déficitaire pour la structure
avec les contraintes actuelles en matériels et en personnels qui ont évolué et qui ne
sont plus couvertes par le forfait des séances basé sur la dialyse conventionnelle.
Ceci explique qu’il est pratiquement impossible pour des structures privées de mettre
- 90 -
en place ce genre de stratégie de dialyse. A Tassin, la survie de cette stratégie reste
basée sur la conviction des néphrologues et sur le maintien d’une demande qui reste
forte.
Conclusion
La dialyse longue de nuit permet une meilleure réadaptation socioprofessionnelle
par la libération de la période diurne et par une meilleure tolérance et efficacité des
séances (tableau 1). Cette stratégie répond à une demande des patients aussi bien
par les horaires proposés que par la qualité du traitement. Sur le plan médical, et
comme c’est trop souvent le cas pour les données de morbi-mortalité en dialyse,
les prises de position en faveur des dialyses longues et/ou fréquentes n’ont que la
possibilité de s’appuyer sur des études observationnelles. Nous attendons donc des
résultats d’études randomisées comparant ces différentes stratégies à la dialyse
conventionnelle. Ces dialyses alternatives nocturnes restent très marginales, car
peu de structures peuvent les proposer. En effet, même si elles peuvent convaincre
les néphrologues et les patients de leurs bénéfices, ces stratégies se heurtent à
d’importants obstacles, surtout d’ordre économique et organisationnel.
- 91 -
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- 95 -
Table 1
Avantages et inconvénients de l’hémodialyse nocturne.
Table 1 : avantages et inconvénients de l’hémodialyse nocturne.
Inconvénients
Avantages
Cardiovasculaires
Métaboliques
Qualité de vie
Économiques
Moins d’HTA
Moins d’HVG
Moins d’insuffisance cardiaque
Moins d’apnées du sommeil
Meilleure survie
Moins d’hyperphosphatémie
Meilleur Kt/V
Moins d’anémie
Meilleure nutrition
Meilleure tolérance des séances
Moins de médications
Moins de restriction alimentaire
Possibilités de réadaptation
socioprofessionnelle
La longueur des séances est mieux
supportée la nuit
Moins d’hospitalisation
Moins de médicaments et de soins
Troubles du sommeil en dialyse
Moins de soirées en famille
Contrainte de la durée ou de la
fréquence des séances
Surcoût en personnel
Mobilisation des ressources
Plus de transports pour l’HDQ
•
- 96 -
10
L’hémodialyse à domicile : quelles
conditions pour sa survie ?
Nathalie RAYNAL
AIDER – Secteur Education
Hôpital Lapeyronie
191 avenue du Doyen G. Giraud
34000 MONTPELLIER
[email protected]
1. Les données des différents registres montrent depuis plusieurs
années une réduction progressive du nombre de patients
traités par hémodialyse à domicile :
L’hémodialyse à domicile (HDD) a constitué dans les années 60 une méthode de
choix qui répondait à plusieurs justifications :
- faire face à la limitation du nombre de structures disponibles proposées par
l’offre de soins de l’époque,
- réduire les coûts très élevés des traitements conduits dans des structures de
soins spécialisées,
- favoriser l’autonomie des patients dans la conduite du traitement de leur
maladie chronique.
Le nombre de patients traités selon cette modalité n’a cependant pas cessé de
diminuer au fil des années et actuellement moins de 1% des patients hémodialysés
le sont à domicile avec des variabilités selon les pays et les régions (1, 2). En France,
le dernier rapport REIN recense au 31/12/2008, 0,8% de patients traités par HDD,
soit 230 patients sur 28 675 patients hémodialysés (3). Les chiffres américains sont
comparables avec 0,88% de patients traités par HDD selon le rapport 2009 (portant
sur les résultats de 2007), soit près de 3 000 patients au total (4). D’après le registre
européen, ce pourcentage est compris selon les différents pays concernés entre 0 et
1,3% pour les patients incidents et entre 0 et 2,6% pour les patients prévalents pour
l’année 2007 (5).
2. Les facteurs ayant pu contribuer au déclin de l’HDD observé
depuis les années 80 sont les suivants :
- Tout d’abord, le développement de l’offre de soins avec la création des unités
d’auto-dialyse en 1982 puis des unités de dialyse médicalisée (en 1988 pour les
UDSA avant la création officielle des UDM en 2002) qui a permis d’une part, de
réduire les temps de trajets vers les centres de dialyse et surtout d’autre part,
d’augmenter le nombre de postes d’hémodialyse disponibles.
- 97 -
- ensuite, l’augmentation de l’âge et des comorbidités des patients incidents (2). En 2008, l’âge médian à la prise en charge en dialyse est en France de 70 ans.
A l’initiation en dialyse, plus d’un malade sur deux (55,2%) présente au moins
une comorbidité cardio-vasculaire et plus de 40% un diabète sucré. Par ailleurs,
parmi ces patients, 18,7% ne sont pas autonomes pour la marche, 4,9% ont une
incapacité totale et 13,8% ont recours à l’aide d’une tierce personne (3).
- il existe également des « traditions culturelles » avec un effet-centre net. Aux
Etats-Unis, plus de la moitié des patients traités à domicile le sont dans les états
de l’Illinois et de la Floride (55,7% dont 29,4% et 26,3% respectivement) et en
France, il existe en 2008 une prévalence plus importante dans certaines régions
(Languedoc-Roussillon avec 3,5%, Lorraine avec 1,6% ou Nord-Pas de Calais
avec 1,2% de patients traités en HDD) (2, 3, 4).
- certains problèmes se sont majorés au cours des années : les modifications
des rapports socio-familiaux ont pu entraîner un « éclatement » de la cellule
familiale et une moindre disponibilité des aidants ou accompagnants familiaux.
Les problèmes de logement avec l’étroitesse des logements actuels peuvent
être une limite à l’installation à domicile du matériel indispensable.
- un temps de formation « incompressible » de plusieurs mois conditionné
par la complexité des générateurs actuels est indispensable. La durée de
ce stage d’éducation est un facteur limitant pour les patients habitant loin du
centre formateur ou en activité professionnelle. Pour information, ce temps de
formation est évalué à 50 séances à l’AURA-Paris (soit 4 mois de traitement) et
dans notre expérience à 38 séances en moyenne (soit 3,2 mois) (6).
- d’autres obstacles ont été identifiés : le manque d’information sur le hors-centre
lors de la phase de pré-dialyse ou au moment de la prise en charge en dialyse,
le manque de ressources spécifiquement dédiées au développement de
l’hémodialyse à domicile et les politiques de remboursement de certains
pays (7, 8, 9).
La dialyse péritonéale a pu être considérée comme une technique concurrentielle visà-vis de l’HDD, devenant la « technique de choix » du domicile. Cependant les études
faites sur ce point retrouvent en fait une corrélation positive entre les 2 techniques (2).
En France en 2008, 11,5% de patients sont traités par dialyse péritonéale parmi les
patients incidents et 4,1% parmi les patients prévalents (3).
Le développement de la transplantation pour les sujets jeunes, potentiellement
autonomes n’a pas modifié la prévalence de l’HDD. Il n’y a pas non plus de relation
avec la faible densité de population d’un pays ou d’une région (2).
- 98 -
3. Est-il justifié de promouvoir l’HDD et cette modalité de traitement
apporte-t-elle des bénéfices au Patient ?
Les avantages de l’HDD par rapport à l’HD en centre sont clairement démontrés par
la littérature :
- sur la survie des patients en s’affranchissant d’un éventuel biais de sélection
des patients (risque relatif de mortalité après ajustement de 0,58 pour les patients
à domicile comparativement aux patients en centre). Le bénéfice de la dialyse
à domicile peut être expliqué par une plus grande autonomie des patients, une
meilleure connaissance de leur traitement et de ses complications (10, 11, 12).
- sur la réduction des complications et des hospitalisations comme cela a pu
être démontré dans d’autres pathologies chroniques via l’éducation du patient,
sa participation active à son traitement et son autonomisation (13).
- sur l’amélioration de la qualité de vie et de la satisfaction des patients :
parmi les patients dialysés, la qualité de vie est meilleure chez les patients traités
à domicile et devient comparable à celle des patients transplantés (14, 15).
- sur le plan financier et économique. Il existe un gain net en termes financiers à
privilégier l’HDD (économies sur le coût des personnels soignants, des trajets et
de certains traitements). Le coût annuel moyen était estimé en France pour 2005
à 49 911 € pour une prise en charge en HDD contre 81 449 € pour une prise en
charge en centre ambulatoire (6).
Il faut donc promouvoir l’HDD, mais sa forme actuelle ne convient qu’à un nombre
limité de patients sélectionnés. En pratique actuellement le profil-type du patient
incident traité par hémodialyse à domicile est le suivant : patient jeune, motivé,
bien entouré sur le plan socio-familial, n’ayant pas ou peu de comorbidités, dont la
fistule artério-veineuse ne pose pas de problème, ayant pu suivre une formation de
longue durée et dont le logement a permis une installation. Ce patient est par ailleurs
le plus souvent inscrit sur une liste d’attente de transplantation rénale et a conservé
une activité professionnelle.
4. Quelles sont les expériences et les solutions des autres pays
pour relancer l’HDD ?
Malgré la chute de la prévalence de l’HDD, certains pays ont réussi grâce à différentes mesures à augmenter au cours des dernières années le nombre de patients
traités selon cette modalité. C’est le cas notamment de la Finlande, de l’Australie et
de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas et des Etats-Unis (2).
- 99 -
En Finlande, un programme spécifique a débuté en 1998 et a permis de porter en
2007 le nombre de patients traités par HDD à 163 (soit 4% des patients dialysés). Le
programme, initié par l’hôpital universitaire d’Helsinki, est basé sur un travail en réseau
entre le centre universitaire et des centres de dialyse périphériques, notamment pour
l’éducation des patients. Une politique du « home first » a été également appliquée
en pré-dialyse par une équipe multidisciplinaire formée et motivée (2, 16). En Australie et en Nouvelle-Zélande, la proportion de patients dialysés à domicile
est respectivement de 12% et 24% d’après le registre ANZDATA (17). Le nombre absolu
de patients traités par HDD a augmenté depuis 2001 grâce au développement de la
dialyse nocturne qui concerne actuellement plus de 30% des patients à domicile (18). En Australie, un remboursement spécifique est versé depuis novembre 2005 aux
néphrologues assurant le suivi des patients du domicile (2).
Aux Pays-Bas, les mesures prises combinent celles des deux exemples précédents
avec le développement d’un programme performant d’hémodialyse quotidienne
(HDQ) longue nocturne à domicile sous l’impulsion du groupe Dianet à Utrecht.
Environ 80 patients ont été traités entre 2001 et 2008. Le réseau de soins impliqué
comporte 1 centre logistique, 4 centres d’entraînement et 35 centres de traitement
et de suivi des patients (2, 19).
Aux Etats-Unis, le renouveau actuel est lié au développement de l’HDQ courte diurne liée à l’utilisation depuis 2005 d’un nouvel appareil adapté à l’HDQ (= NxStage system One®). Près de 2 500 patients sont ainsi traités à domicile avec
ce système (20, 21).
5. Que peut-on proposer pour relancer l’HDD en France ?
Les solutions qui peuvent être proposées sont nombreuses et non exclusives. Il faut
en effet optimiser chacune des facettes du traitement à domicile.
- En premier lieu, l’hémodialyse à domicile est l’opportunité de pouvoir améliorer la
qualité du traitement pour un nombre plus important de patients. Il est maintenant
établi que la stratégie conventionnelle actuelle limitant la fréquence des séances
à 3 par semaine et leur durée à 4 heures en moyenne a des limites en terme
d’efficacité et de tolérance (1, 19). Les techniques « d’hémodialyse intensive »
qui permettent d’accroître la fréquence et/ou la durée des séances (HDQ et HD
nocturne) apparaissent actuellement comme des techniques de choix pour corriger
les complications persistant chez les patients en hémodialyse conventionnelle.
De nombreux avantages et bénéfices ont été décrits notamment pour l’HDQ :
amélioration de la tolérance des séances avec quasi-disparition des symptômes
post-dialytiques, régression de l’HTA et de l’HVG, diminution des taux de phosphates
et réduction de la consommation des chélateurs des phosphates, amélioration du
statut nutritionnel, amélioration des taux de β2-microglobuline et de la maladie
- 100 -
amyloïde, meilleur contrôle de l’anémie…(22). L’augmentation de la fréquence des séances permettrait également une réduction du nombre d’hospitalisations et
de la mortalité globale ainsi qu’une amélioration de certains paramètres de qualité
de vie (22, 23).
La pratique de l’HDQ pose des problèmes organisationnels en centre ou en unité
d’autodialyse et le domicile est le lieu privilégié pour la proposer au plus grand
nombre.
De la même façon, il est plus facile de proposer l’HD nocturne et l’HDQ longue
nocturne à domicile qu’en centre.
Il est ainsi préférable de ne plus parler d’HDD, mais plutôt des différents modes
d’HDD : HDD conventionnelle, HDD quotidienne courte diurne, HDD nocturne
conventionnelle, HDD quotidienne longue nocturne et HDD « un jour non l’autre »,
ou encore association de séances quotidiennes courtes diurnes et de 1 à 2 séances
par semaine d’HD nocturne. L’HDD est ainsi le seul mode de traitement permettant
d’offrir aux néphrologues et aux patients une grande flexibilité et la possibilité de
personnaliser le traitement à chaque situation clinique.
- Il est nécessaire d’améliorer l’information des patients sur le hors-centre.
Plusieurs études ont montré l’impact que pouvait avoir un programme d’éducation
en pré-dialyse sur le choix du hors-centre par les patients (7, 8, 24). La mise en
place de tels programmes (comportant des livrets ou vidéos d’information ainsi
que des ateliers de groupes) proposés par des équipes multidisciplinaires
permet d’augmenter nettement le pourcentage de patients optant pour un mode
de traitement autonome (hémodialyse à domicile ou en autodialyse et dialyse
péritonéale). Cette information permet de lever certains des obstacles perçus par
les patients tels que la peur des ponctions de l’abord vasculaire, des complications
et de la charge familiale. L’option pour le mode de traitement choisi se maintient
avec le temps. C’est une des solutions choisie par les Finlandais pour relancer
l’HDD (16).
- Proposer le hors-centre à un nombre plus important de patients implique une
indispensable simplification des générateurs d’hémodialyse. Le matériel doit
nécessairement évoluer pour limiter la durée des temps de montage, de rinçage
et de désinfection surtout dans le cas de l’HDQ. La simplification des matériels
permettrait également une réduction drastique du temps de formation.
Les générateurs actuels sont de plus en plus complexes et sophistiqués et les progrès
actuels sont surtout destinés à corriger les complications survenant dans la seconde
partie d’une séance conventionnelle de 4 heures. Ces avancées technologiques
deviennent inutiles pour une séance d’HDQ courte ou longue, presque toujours bien
tolérée (1, 25).
Des générateurs plus compacts et adaptés notamment à des séances quotidiennes
sont disponibles aux Etats-Unis, mais ne disposent pas actuellement du marquage
CE. C’était le cas de l’AKSys Personal HemoDialysis System (système PHD)
développé aux USA par la socitété AKSys Ltd (approbation de la FDA en 2001) qui,
- 101 -
en utilisant la désinfection à la chaleur, permettait la réutilisation des dialyseurs et
des lignes, mais dont la commercialisation s’est interrompue début 2007 (1, 26). C’est
le cas actuellement du System One de NxStage®, homologué en juin 2005. Il s’agit
d’un système portable d’environ 30 kg ne nécessitant pas d’installation de plomberie
et fonctionnant avec des cartouches avec dialyseur pré-connecté et des poches de
dialysat (environ 25 litres par séance de traitement avec utilisation d’un débit de
dialysat lent permettant une saturation plus importante du dialysat). Ce système peut
également être utilisé avec un traitement d’eau (21).
On peut envisager d’autres adaptations techniques :
- développement de l’hémofiltration quotidienne avec réinjection de liquide de
substitution stérile et apyrogène fourni en poches (1, 27),
- simplification du traitement de l’eau avec la technique de régénération du dialysat
et l’utilisation de cartouches permettant la production de dialysat pour plusieurs
heures de dialyse à partir de quelques litres d’eau (système Renal Solutions
Allient® Sorbent Hemodialysis System machine)…
- le renouveau de l’HDD doit également passer par une valorisation des actes
infirmiers de ponction de l’abord vasculaire à domicile et de surveillance de
la séance. L’acte d’hémodialyse hors-centre n’est pas inscrit dans la nomenclature
générale des actes professionnels et est de fait pris en charge financièrement par
les associations de dialyse.
Si on veut pouvoir installer à domicile des patients plus nombreux nécessitant une
intervention infirmière (pour la ponction de la fistule ou pour la totalité de la séance),
il faudrait pouvoir obtenir des pouvoirs publics la cotation de ces actes sur le même
principe que pour la dialyse péritonéale. De la même façon, il serait utile de créer un
statut spécifique juridiquement encadré d’accompagnant ou de personne-ressource
pour la surveillance des séances à domicile. Il est parfois nécessaire de former des
accompagnants extra-familiaux (hors personnel soignant) pour cette tâche. Pouvoir
disposer d’un pool d’accompagnants formés peut permettre également de prévenir
un éventuel burning-out des accompagnants familiaux ou d’installer des patients en
institution ou maison de retraite par exemple.
Le recours aux structures d’hospitalisation à domicile peut également être une
solution.
- Si le regain de l’HDD passe par le développement de l’HDQ, les taux de
remboursement doivent évoluer. On peut envisager un forfait hebdomadaire
comme en dialyse péritonéale, intégrant le surcoût du consommable. Les pouvoirs
publics doivent faciliter et assurer la promotion de cette technique en raison des
bénéfices nets qu’elle apporte au patient et de son intérêt économique par rapport
à la dialyse en centre.
- 102 -
- Parmi les autres mesures utiles et complémentaires, on peut citer :
- le développement des moyens de surveillance à distance (télésurveillance et
téléassistance) notamment en cas de séances nocturnes, comme utilisés aux
Pays-Bas dans le groupe Dianet par exemple (19, 28),
- l’éventuelle réhabilitation de la technique du button-hole pour faciliter la ponction
de la fistule à domicile (29),
- l’utilisation de dispositifs dépistant les fuites de sang en cas de déconnexion de
l’aiguille veineuse (dispositif Redsense®, commercialisé par Nephrotek) ou de
moniteurs d’énurésie (19)…
La portée des différentes mesures précédentes sera renforcée si elles s’intègrent
dans une politique de développement de l’HDD avec des moyens spécifiques
et une implication forte de la communauté néphrologique et de l’ensemble
des soignants (IDE et techniciens de dialyse, assistantes sociales, diététiciennes,
psychologues …). La mutualisation des moyens (logistiques, d’assistance et de
surveillance à distance ou pour la phase d’éducation) et une collaboration entre
équipes paraissent indispensables.
6. Conclusion :
L’HDD parait actuellement le seul mode de traitement permettant d’offrir au patient
suffisamment de flexibilité pour adapter au mieux la fréquence et la durée des séances
à son mode de vie et à sa situation clinique. Les conditions de sa survie pourraient se
confondre avec le développement d’alternatives au traitement conventionnel (HDQ
courte diurne, HDQ longue nocturne ou HD longue conventionnelle) qui ont fait la
preuve de bénéfices notables chez les patients en termes de qualité de vie, mais
également de morbidité et de mortalité (30). Son expansion nécessite une implication
forte des néphrologues et des réseaux de soins, une participation des industriels et
une sollicitation des autorités de tutelle pour faciliter son développement.
- 103 -
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- 106 -
Transplantation rénale chez les patients VIH
Lucile Mercadal1, Claudine Duvivier2,,3, Karim Fehri4, Nadia Arzouk4,
Marc-Antoine Valantin5, Saida Ourahma4, Benoit Barrou4
Service de néphrologie et transplantation rénale, Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, Paris.
Université Descartes-Paris5 et AP-HP, Hôpital Necker-Enfants malades, Service de Maladies
Infectieuses et Tropicales, Centre d’Infectiologie Necker-Pasteur, Paris.
3
Institut Pasteur, Centre Médical de l’Institut Pasteur; Centre d’Infectiologie Necker-Pasteur,
Département Infection et Epidémiologie, Paris.
4
Service d’urologie et transplantation rénale, Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, Paris.
5
Service de maladies infectieuses, Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, Paris.
1
2
La prévalence de la maladie rénale chronique (MRC) chez les patients VIH atteint
17% aux Etats Unis1. La MRC est jugée responsable de 10% des décès des patients
VIH. Elle est associée à un âge plus élevé, une infection VIH plus avancée, un
syndrome métabolique, la présence de localisations athéromateuses et l’utilisation
de molécules à potentiel néphrotoxique tel que le foscavir, l’adefovir, le ténofovir
et l’indinavir. Le traitement antirétroviral permet cependant d’améliorer la fonction
rénale des patients non contrôlés2 . Mais la pathologie vasculaire rénale au sein
d’une population plus exposée aux facteurs de risque cardio-vasculaire comme
l’HTA et le diabète émerge depuis ces dernières années. Elle explique entre autre la
progression des patients à présent contrôlés sur le plan viral.
En France au sein des patients dialysés, la prévalence du HIV était de 0,29% en
1997 3, et 0,67% entre 1997 et 2002 4, soit en très nette progression. Ce dernier
recensement comptait 190 patients. Or dans le registre REIN sur la seule année
2007, 53 nouveaux patients HIV avaient débuté la dialyse avec une incidence de
0,73%. Cette incidence est comparable à celle d’une sérologie hépatite B positive
et inférieure à celle d’une sérologie hépatite C positive chez les patients incidents
en dialyse (1,4%). Les patients VIH dialysés ne sont pas uniformément distribués
sur le territoire avec 61% présents en Ile de France et 10% aux Antilles et Guyane.
La moyenne d’âge est jeune comparée à celle des patients non VIH incidents
en dialyse (44 ans versus 69 ans). La co-infection par le virus des hépatites C
(VHC) est importante (25%). Elle impose une évaluation hépatique approfondie et
recommande tant que faire se peut le contrôle virologique et la guérison suite à
l’instauration d’un traitement anti-VHC en pré-greffe. La charge virale était contrôlée
dans 58% des cas dans la cohorte de 1997-2002. Sachant que ce critère est
impératif à l’inscription sur liste de transplantation, environ 60% des patients VIH en
dialyse seraient donc actuellement candidats à la greffe sans considérer l’ensemble
des critères nécessaires à l’inscription sur liste de transplantation. La survie de ces
patients dialysés est comparable à celle de patients dialysés appariés en âge et
comorbidités de la cohorte DOPPS 5. La survie à 1 an est de 93% et à 2 ans de
89%. La survie est affectée par le taux de CD4, la charge virale, les antécédents
d’infection opportuniste et l’absence de trithérapie.
- 107 -
L’ère des «Highly Active Antiretroviral Therapy» (HAART), le contrôle de la charge
virale et l’amélioration de la survie vont ouvrir un débat éthique sur la possibilité
d’engager ces patients sur la voie de la transplantation d’organes solides. L’accès à
la greffe pour les patients infectés par le VIH est d’autant plus légitime que leur durée
de vie sous couvert d’un bon contrôle immuno-virologique rejoint la durée de vie de
la population générale 6 et est par conséquent supérieure à celle d’un greffon. Un
éditorial volontiers provocateur du New England Journal of Medecine poussera les
détracteurs de la transplantation chez les sujets VIH dans leur retranchement 7. La problématique du risque lié au traitement immunosuppresseur a longtemps
été évoquée. Les anti-rejets allaient ils promouvoir la réplication virale ? Quelques
découvertes vont démontrer que certains immunosuppresseurs peuvent avoir
des effets antirétroviraux. L’expérience clinique viendra confirmer la possibilité de
maintenir un bon contrôle viral en transplantation. La ciclosporine via la cyclophiline
interagit avec le cycle de réplication virale. Le mycophenolate mofetil (MMF) a une
activité antivirale in vitro et une synergie avec l’abacavir et le didanosine. Il est par
contre antagoniste de la stavudine et de la zidovudine. Le MMF testé chez les patients
VIH multi-résistants n’a cependant eu que peu d’effets favorables. Le sirolimus
inhibe la réplication du VIH à un niveau transcriptionnel, diminue le récepteur CCr5
et augmente les chemokines anti-VIH. Enfin, une étude randomisée sur l’utilisation
des corticoïdes seuls chez les VIH a montré l’absence d’augmentation de la charge
virale sous corticoïdes 8.
La transplantation à l’ère de la « HAART » s’adresse à tous les patients contrôlés
par le traitement. Les critères de transplantation spécifiques aux patients VIH sont
similaires dans les études et regroupent des CD4+ > 200/mm3, une charge virale
indétectable avec les nouvelles techniques d’évaluation depuis au moins 6 mois,
un traitement antirétroviral stable depuis au moins 3 mois, une évaluation hépatique
en cas de co-infection par le VHC et un traitement par interféron/ribavirine chez
les patients virémiques avec fibrose quels que soient le stade de la maladie et le
génotype viral C. Les antécédents d’infections opportunistes sont souvent discutés
au cas par cas, suivant le type, la date de survenue et le contrôle du VIH.
Les premières greffes ont eu lieu prudemment sans traitement d’induction et se sont
exposées à un taux élevé de rejet aigu 9. Les inhibiteurs du récepteur de l’IL2 sont
apparus comme une bonne alternative d’induction par rapport aux thymoglobulines
(ATG) très lymphopéniantes. Les séries ultérieures avec induction par basiliximab
bénéficieront d’un moindre taux de rejet aigu 10 11 12 13 14 15. Les données de l’USRDS
publiées en 2004 et regroupant 47 patients ne notent pas de différence de survie
avec les patients non VIH avec un taux de 97% à 1 an et de 95% à 3 ans. Une métaanalyse de 12 séries publiées regroupant 254 patients fait état en 2010, d’une survie
à 1 an de 93% (intervalle de confiance à 95% : 90% - 96%) et d’un taux de rejet aigu
de 36% (intervalle de confiance à 95% : 25% – 49%) 16. Les études publiées sont
hétérogènes en termes de pourcentage de rejet aigu du fait de l’hétérogénéité du
traitement immunosuppresseur. Ce taux élevé de rejet plaide pour l’utilisation d’un
- 108 -
traitement d’induction et d’une triple immunosuppression. L’évaluation des résultats
en transplantation doit être poursuivie. Une étude multicentrique regroupant 20
centres est actuellement en cours aux USA (http://www.hivtransplant.com/).
Les réactivations des virus herpes sont particulièrement fréquentes en cas d’induction
par l’ATG ce qui ne diffère pas de la population transplantée non VIH. Quatre-vingts
pour cent d’une série traitée par ATG avaient une réactivation EBV 17. Dans cette
même série, 42% des patients ayant reçu de l’ATG avaient une réactivation CMV
contre 11% dans le groupe sans ATG. Les lymphocytes T spécifiques sont présents
mais non fonctionnels. La réponse des lymphocytes CD8+ spécifiques du VIH
diminue chez les patients traités par ATG.
Le contrôle de la charge virale reste remarquable dans l’ensemble des études
publiées. Dans la plus grande série publiée à ce jour, 3 patients sur 40 auront une
élévation de la charge virale due à l’émergence de mutants résistants et contrôlée
après modification thérapeutique.
Le taux d’infection est évalué à 29% (intervalle de confiance à 95% : 17% – 43%) dans
la méta-analyse récente 16. Il s’agit d’infections urinaires, pulmonaires, cutanées à
bactéries communes, de candidoses œsophagiennes, de grippes et de réactivations
virales CMV et EBV. Ces infections semblent ne pas différer, en ce qui concerne leur
localisation et les germes en présence, de ce qui est observé en transplantation chez
des patients non VIH.
Le recul est probablement trop court pour évaluer la fréquence des néoplasies. Le
cancer anal secondaire au papilloma-virus est plus particulièrement à surveiller. Une
série signale la réactivation en post-greffe du papilloma-virus et son lien avec la
progression vers le cancer anal d’un grand nombre de patient HPV+.
Dix patients VIH ont été greffés à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière depuis décembre
2004. Nous avons rapporté notre expérience chez 7 patients 18. Un patient greffé
rein-cœur est décédé à J10. L’âge médian était de 46 ans (extrêmes : 38 - 50
ans). La durée d’attente en dialyse variait de 1 à 11 ans (médiane 4 ans) et la
médiane d’infection VIH de 15 ans (extrêmes : 6 – 20 ans). Le traitement inducteur
comprenait un anti-récepteur de l’IL2 et le traitement de maintenance a associé
corticoïdes, MMF et tacrolimus. Les patients en attente de greffe devaient avoir
une charge virale indétectable et dans la mesure du possible sans antiprotéase,
ce qui a été possible chez tous les patients. Le suivi médian était de 21 mois
(extrêmes : 6 – 58 mois). La médiane de CD4 était de 408/mm3. La créatininémie
au nadir post-greffe était de 114 µmol/l et de 106 µmol/l à M12. Un rejet cellulaire
grade 1A a été traité par corticothérapie. Un patient a fait un rebond virologique à
S12 conduisant à un changement de ses médicaments antirétroviraux suivi d’une
négativation. Les infections regroupaient 2 réactivations CMV symptomatiques, 1 réactivation herpétique génitale, 1 cryptosporidiose, 1 infection urinaire à klebsielle,
1 pneumopathie à haemophilus et 1 aspergillose pulmonaire.
La prise en charge thérapeutique se heurte aux interactions thérapeutiques entre
les antirétroviraux et les immunosuppresseurs mais s’avère communément gérable.
Les antiprotéases sont des inhibiteurs puissants du cytochrome P450, 3A4, et
- 109 -
inhibent la P-glycoprotéine, régulatrice inhibitrice de leur transport et du transport
des anticalcineurines 19 20 21. L’administration d’antiprotéases et d’anticalcineurines
aboutit à une augmentation de l’absorption et un allongement de la demi-vie des
anticalcineurines. Les antiprotéases boostées par le ritonavir majorent l’AUC des
anticalcineurines de façon encore plus importante 22. L’utilisation d’un régime
antirétroviral comportant une IP boosté par du ritonavir nécessite par conséquent
un monitoring pharmacologique et des ajustements de doses. La dose moyenne de
ciclosporine sous antiprotéases était de 65 ± 40 mg /jour dans une série 12. A l’inverse
les analogues non nucléosidiques sont inducteurs enzymatiques du cytochrome
P450 et exposent à un sous dosage des anticalcineurines. La dose moyenne de
ciclosporine sous analogues non nucléosidiques était de 313 ± 208 mg /jour dans
une série12. Sous efavirenz, un taux infra-thérapeutique d’anticalcineurines est
à craindre exposant les patients au risque de rejet aigu 12. Sous une association
antiprotéases et analogues non nucléosidiques type nevirapine-nelfinavir, la dose de
cicloporine rapportée était de 50mg/jour. Les antiprotéases interagissent également
avec le sirolimus, imposant une réduction des doses à 1 à 2 mg/semaine de
sirolimus. A l’inverse, les anticalcineurines n’augmentent que transitoirement l’AUC
des antiprotéases et n’a pas d’influence sur les analogues non nucléosidiques.
L’enfuvirtide (administration en sous-cutané 2 fois par jour) et le raltégravir n’exposent
pas aux interactions et présentent des avantages en administration au long cours 23.
En conclusion, la transplantation rénale chez le sujet VIH doit à présent être discutée
chez les patients bien contrôlés. L’évaluation des résultats doit se poursuivre. La
survie patient à 1 et 3 ans est proche de celle des patients non VIH. Le taux de rejet
aigu est élevé, imposant l’utilisation d’une induction au mieux par antiCD25 pour
éviter l’effet très lymphopéniant de l’ATG et un traitement de maintenance par une
triple immunosuppression. - 110 -
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- 113 -
- 114 -
La prise en charge par le Néphrologue du
patient greffé cardiaque et hépatique
David Ribes
Service de Néphrologie, Dialyse, Transplantation - Pr Rostaing
CHU Rangueil - Toulouse.
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est une complication fréquente après
transplantation hépatique et cardiaque. Sa survenue a un impact délétère sur le
pronostic.
La prévalence de l’IRC dans ces populations est difficile à connaître avec précision
si l’on considère la variabilité des critères de définition et des méthodes de mesure
utilisées. L’analyse du registre américain SRTR (Scientific Registry of Transplant
Recipients) permet de l’estimer dans une population de plus de 50 000 transplantés
cardiaques et hépatiques (1). Après un suivi de 5 ans, l’incidence cumulée de l’IRC
sévère définie par un DFG < 30 ml/mn était de 18,1 % après greffe hépatique et 10,9 % après greffe cardiaque. L’incidence cumulée de l’insuffisance rénale terminale était
de 4,7 %. Dans la population générale, l’insuffisance rénale chronique est un facteur de risque
de décès liée à la survenue d’événements cardio-vasculaires (2). Ce risque relatif est
retrouvé dans la population des transplantés d’organes. Ce risque est multiplié par
4,55 lorsque le DFG est < 30 ml/min (1).
Ces premières données soulignent l’importance de la prise en charge néphrologique
de l’activité de transplantation cardiaque et hépatique à différentes phases de leur
évolution.
Greffe hépatique
Evaluation avant l’inscription sur liste d’attente :
Le risque de développer une insuffisance rénale chronique évolutive après
transplantation hépatique est corrélé avec le niveau de la filtration glomérulaire
avant la greffe (1) : le risque d’IRC après la greffe est multiplié par 1.5, 2.5, 3.8
lorsque le DFG avant la greffe est respectivement < 90, 60 et 30 ml/min. L’évaluation
précise de la fonction rénale est donc nécessaire avant l’inscription sur liste d’attente
dans un contexte où le rein est fréquemment impliqué au cours de l’évolution des
hépatopathies cirrhogènes.
► Néphropathies glomérulaires :
L’infection chronique par le virus de l’hépatite C (VHC) est la deuxième cause de
transplantation hépatique en France après l’intoxication alcoolique chronique. Dans
cette situation, la prévalence des cryoglobulinémies mixtes est élevée avec pour
conséquence le risque de développer une forme plus ou moins sévère de rein
- 115 -
cryoglobulinémique : McGuire et al. (3) ont analysé les biopsies rénales réalisées
au cours de la greffe de 30 patients porteurs d’une cirrhose secondaire au VHC.
25 d’entre eux présentaient des signes histologiques de néphropathie glomérulaire
à dépôts de complexes immuns, essentiellement des néphropathies mésangiaux
prolifératives à dépôts d’IgA ou dépôts d’IgG et d’IgM.
Par ailleurs, les cirrhoses alcooliques s’accompagnent d’une augmentation de la
prévalence des néphropathies à dépôts mésangiaux d’IgA.
La présence d’un syndrome glomérulaire chez un candidat à une greffe hépatique,
l’indication d’une ponction biopsie rénale (PBR) doit être discutée. Au-delà de son
intérêt diagnostique, l’examen histologique peut permettre de définir des lésions
accessibles à un traitement immunosuppresseur ou de définir d’éventuelles lésions
fibreuses irréversibles (glomérulosclérose ou fibrose tubulo-interstitielles). En cas
d’altération du débit de filtration glomérulaire, un examen histologique a un intérêt
particulier dans la discussion de la stratégie thérapeutique pour discuter notamment
l’indication d’une double greffe foie/rein.
L’indication de la biopsie doit tenir compte d’un risque hémorragique particulièrement
significatif dans cette population. Le risque peut être maîtrisé en réalisant la biopsie
percutanée après correction des troubles de l’hémostase ou en réalisant une biopsie
par voie transjugulaire ou chirurgicale. L’évaluation histologique est l’un des critères
retenu dans le cadre de l’indication d’une double greffe foie/rein (4).
► Syndrome hépato-rénal :
Les cirrhoses avec hypertension portale sont accompagnées une hypovolémie efficace avec diminution du DFG réversible après remplissage vasculaire. L’absence
de réversibilité après correction de l’hypovolémie définit le syndrome hépato-rénal
(SHR). Dans cette situation, l’altération du DFG a longtemps été attribuée aux modifications hémodynamiques intra-rénales induites et donc potentiellement réversible
après transplantation hépatique. En fait, les modifications de l’hémodynamique intrarénale du SHR ont pour conséquence une ischémie chronique et le développement
de lésions fibreuses irréversibles. Ainsi, le SHR apparaît comme facteur de risque
indépendant d’IRC après greffe hépatique (5).
► Evaluation du DFG chez le cirrhotique :
Chez le cirrhotique, la surcharge hydrosodée, la dénutrition protidique, la faible
masse musculaire sont des facteurs de difficulté pour utiliser les méthodes usuelles
d’évaluation du DFG notamment le dosage de la créatininémie, la mesure de la
clairance de la créatinine ou l’estimation du DFG par des formules traditionnelles.
Gonwa et al. (6) ont étudié le DFG chez près de 1500 cirrhotiques candidats à une
transplantation hépatique : les différentes formules d’estimation du DFG ont été
comparées à la clairance de l’Iothalamate. La formule de calcul la mieux corrélée était
la formule MDRD complète à 6 paramètres. Cependant, le coefficient de corrélation
- 116 -
à la mesure de référence était inférieur à celui observé dans la population générale.
L’utilisation de nouveaux marqueurs, notamment la cystatine C ou le développement
de formules spécifiques aux cirrhotiques, pourrait permettre d’améliorer cette
évaluation. A cet égard, le score MELD qui conditionne l’attribution des greffons
hépatiques, intègre comme marqueurs de fonction rénale la seule créatininémie.
Cette donnée méthodologique mériterait d’être reconsidérée.
Ainsi, l’évaluation néphrologique précise est indispensable avant transplantation
hépatique. Cette évaluation est toutefois difficile dés lors que les « outils » habituels
sont peu performants ou s’accompagnent d’un risque plus élevé. Cependant, cette
évaluation est dans de nombreux cas décisive : elle peut justifier l’indication d’un
traitement spécifique (traitement immunosuppresseur d’un rein cryoglobulinémique,
traitement vasoconstricteur d’un syndrome hépatorénal). Elle peut contribuer à
définir une stratégie de greffe différente : double greffe ou modification de protocole
immunosuppresseur.
IRC et évolution ultérieure :
Les études ayant analysé l’évolution de la fonction rénale après greffe hépatique
ont pu montrer une diminution du DFG moyen au cours des premiers mois après la
greffe, suivie d’une stabilisation ultérieure (6-7).
La période postopératoire immédiate est particulièrement concernée par un
risque majeur de nécrose tubulaire chez les patients greffés à un stade avancé de
l’insuffisance hépatique ; la nécrose tubulaire est le plus souvent secondaire à une
instabilité hémodynamique et à l’utilisation précoce de molécules néphrotoxiques
notamment les antibiotiques et surtout les anti-calcineurines.
La toxicité des anti-calcineurines est bien connue. Au-delà de leur effet hémodynamique, elles entraînent notamment à la phase aiguë des lésions tubulaires qui peuvent régresser mais aussi évoluer vers l’atrophie tubulaire et le développement
d’une fibrose interstitielle. Leur toxicité est aussi vasculaire avec notamment hyalinisation des parois vasculaires, ischémie glomérulaire et baisse progressive du DFG.
En l’absence de molécules cytoprotectrices efficaces pour les cellules tubulaires
rénales, la réduction de la néphrotoxicité des anti-calcineurines s’est focalisée sur
l’optimisation des protocoles d’immunosuppression notamment à la phase initiale de
la greffe.
- L’essai ReSpECT (8) a évalué l’intérêt d’une introduction retardée du tacrolimus
sous couvert d’une induction par monoclonaux spécifiques : dans cet essai, le
daclizumab associé au mycophénolate mofetil et aux corticoïdes permettait
une introduction retardée à J5 du tacrolimus prescrit à des doses réduites. A
un an, la baisse du DFG était significativement plus faible dans cette stratégie
thérapeutique : -13.6 ml/mn vs -23.6 ml/mn dans le groupe témoin. L’étude à long
terme de ce protocole est en attente.
- 117 -
- Une deuxième alternative consiste à remplacer précocement l’anti-calcineurine par
un inhibiteur de mTOR : sirolimus ou everolimus. La difficulté d’un tel protocole est
de définir la date d’introduction de l’inhibiteur de mTOR susceptible d’aggraver une
nécrose tubulaire en raison de leur effet anti-prolifératif. Dans un essai récent (9),
l’everolimus a été introduit à J10 après induction par un anti-récepteur de l’Il2. La
ciclosporine prescrite initialement était diminuée puis arrêtée à J30. Au cours de la
première année, la mesure itérative du DFG montrait une amélioration d’environ
20 ml/mn par rapport au groupe contrôle.
- De nouvelles classes d’immunosuppresseurs sont en cours d’étude : le belatacept
est une protéine de fusion couplant le fragment Fc d’une immunoglobuline humaine
à la portion extracellulaire du CTLA-4. Il bloque ainsi le deuxième signal nécessaire
à la co-stimulation du lymphocyte-T. Le belatacept est à-priori non-néphrotoxique.
Il a été utilisé dans un essai de phase III en transplantation rénale (10). Il était
associé à une induction par anti-récepteur de l’Il2, MMF et corticoïdes sans anticalcineurines. Dans cet essai, la fonction rénale était significativement supérieure
par rapport au groupe témoin comportant la prescription de cyclosporine. Un essai
comparable est actuellement en cours après transplantation hépatique.
Ainsi apparaissent plusieurs possibilités d’adapter le protocole d’immunosuppression
initial chez le transplanté hépatique en fonction du contexte individuel des patients.
Comme chez le transplanté rénal, les différents protocoles permettant la réduction
de la néphrotoxicité des anti-calcineurines doivent être associés aux mesures de
néphroprotection habituelles, à la lutte contre les facteurs de risque cardio-vasculaire,
à la prévention des complications chroniques de l’insuffisance rénale chronique
lorsqu’elle est installée.
Greffe cardiaque
Evaluation initiale :
Le rein « cardiaque » est l’une des composantes de l’insuffisance cardiaque
avancée. Il se traduit par une altération aiguë ou chronique du DFG, conséquence
hémodynamique intra-rénale de la baisse du débit cardiaque et des effets
indésirables des traitements cardio-protecteurs. L’ischémie chronique est l’élément
physiopathologique essentiel avec pour conséquence une fibrose progressive. Ces
lésions sont aggravées par le retentissement rénal de nombreuses comorbidités
comme l’hypertension artérielle, le tabac, les dyslipémies, le diabète, particulièrement
fréquentes en cas de cardiopathie ischémique.
Dans ce contexte, les difficultés d’une mesure fiable du débit de filtration glomérulaire
sont identiques à celles rencontrées chez les cirrhotiques. En cas d’insuffisance
rénale installée et significative, l’indication d’une PBR peut être discutée pour évaluer
le degré de fibrose et apporter un élément objectif pour discuter l’indication d’une
éventuelle double greffe cœur-rein.
- 118 -
A ce stade, l’implication du néphrologue peut concerner la mise en route de
techniques de dialyse spécifiques : - prise en charge transitoire ou définitive en
dialyse en cas d’insuffisance rénale terminale. A cet égard, la dialyse péritonéale
est souvent privilégiée chez des patients instables au plan hémodynamique ; - ou
techniques d’hémofiltration pour les syndromes œdémateux réfractaires.
Des dispositifs d’assistance circulatoire du ventricule gauche comme le système
Heartmate II ont été récemment développés afin de favoriser l’accès à la greffe des
insuffisants cardiaques dépassés. Ces dispositifs permettent dans de nombreux cas
une amélioration de la fonction rénale susceptible de se pérenniser après la greffe (11). Evolution après la greffe :
Les risques d’accident d’insuffisance rénale aiguë secondaire à une nécrose
tubulaire sont particulièrement élevés : le clampage aortique, une reprise retardée
de la fonction du transplant, des épisodes de tamponnade ou d’hémopéricarde, sont
des facteurs d’instabilité hémodynamique particulièrement fréquents.
La néphrotoxicité des anti-calcineurines est un facteur primordial dans l’altération
de la fonction rénale à court et à long terme chez le transplanté cardiaque. Il est
intéressant de noter que la toxicité de la cyclosporine a été décrite pour la première
fois en 1984 dans une population de transplantés cardiaques (12). Les protocoles
d’immunosuppression chez le transplanté cardiaque comportent des taux cibles
d’anti-calcineurines particulièrement élevés. En effet, chez ces patients, le risque
d’une sous-immunodépression est particulier avec à court terme l’éventualité de
rejet aigu sévère ou résistant et à long terme le développement d’une vasculopathie
chronique.
Ces données expliquent les difficultés pour définir des stratégies d’immunosuppression
permettant l’épargne en anti-calcineurines.
► L’intérêt de l’utilisation de l’everolimus a été démontré en 2003 (13) dans un essai
qui démontrait la supériorité de l’association cyclosporine à faible dose / everolimus
sur l’association cyclosporine-azathioprine dans la prévention de la vasculopathie
du greffon. Cependant, l’association inhibiteurs mTOR/anti-calcineurines se révèle
potentiellement néphrotoxique. Les inhibteurs mTOR inhibent en effet l’excrétion
tubulaire de la cyclosporine par compétition avec la P-glycoprotéine potentialisant
ainsi sa toxicité.
► Des études ultérieures tendent à montrer que le remplacement d’une anticalcineurine par un inhibiteur de mTOR est possible sans effets délétères sur
la vasculopathie. Le résultat de ces études pilotes (14-15) mérite d’être confirmé
notamment en termes de protection rénale.
Chez le transplanté cardiaque, la prévention des risques vasculaires doit être
particulièrement attentive. Elle recoupe les mesures de néphroprotection. A cet
égard, l’utilisation de statines est systématique chez le transplanté cardiaque.
- 119 -
Ainsi, le néphrologue est amené à intervenir à tous les stades de la transplantation
cardiaque et hépatique. En amont de la greffe, l’évaluation du risque d’insuffisance
rénale chronique conditionne dans certains cas les modalités de la greffe et le protocole
immunosuppresseur initial. L’émergence de nouvelles classes thérapeutiques et de
nouveaux protocoles d’immunosuppression doit permettre de proposer aux patients
une immunosuppression « à la carte » adaptée aux risques individuels notamment
en cas d’altération de la fonction rénale. La modulation de l’immunosuppression doit être systématiquement complétée par
une prise en charge du risque cardio-vasculaire et des mesures de néphroprotection
qui devraient pouvoir ralentir l’évolution vers une insuffisance rénale terminale. Enfin,
la prise en charge par la dialyse ou la transplantation rénale de cette population de
patients pose des problèmes spécifiques qu’il convient d’appréhender, ce d’autant
que le nombre de transplantés cardiaques et hépatiques pris en charge dans les
unités d’hémodialyse devrait croître de façon progressive.
- 120 -
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•
- 122 -
Retour en dialyse des patients en échec de
transplantation rénale ou chronique
d’une mort néphronique annoncée...
Ph. Remy, Ph. Grimberg ,V. Audart, M. Matignon,
D. Dahmane, B.Bentarrit, D. Sahali, Ph. Lang
Service de Néphrologie Dialyse et Transplantation
Henri Mondor - Créteil
L’amélioration de la prise en charge thérapeutique durant ces 10 dernières années
a permis d’excellents résultats en terme de survie de la transplantation rénale à
un an, mais sans amélioration nette à long terme (1, 2). Les récentes données des
registres américains rapportent invariablement 4 % de taux d’échec de greffe annuel.
Compte-tenu de l’augmentation du nombre de patients transplantés, ces échecs de
greffe accroissent la liste d’attente pour une éventuelle retransplantation et par là
même la cohorte de patients réentrant dans un programme de dialyse .Cependant,
il y a peu de données sur le devenir de ces patients et leur prise en charge, et
encore moins de recommandations, qu’elles soient américaines ou européennes.
Nous nous proposons donc de faire un état des lieux sur cette transition délicate et
difficile de la prise en charge en dialyse des patients en échec de greffe et sur leur
survie après perte de leur greffon.
Incidence et cause des pertes de greffe
La survie rénale à un an dans les différents registres est de l’ordre de 90 % ;
cependant, après 5 ans de suivi, environ 30 % des patients transplantés sont en
situation d’échec ou sont décédés avec un rein fonctionnel (3, 4). La majorité des
causes aiguës de perte de greffon, c’est-à-dire dans les 6 premiers mois postopératoires, est dominée par les rejets aigus, des problèmes techniques vasculaires
ou urologiques ou un rein non viable. Après la première année, 2 à 4 % par an des
patients transplantés détériorent leur fonction rénale et retournent en dialyse. Les
pertes tardives sont, la plupart du temps, dues au décès du patient avec un rein
fonctionnel ou secondaires à une « néphropathie chronique d’allogreffe ». C’est ainsi
que le nombre de patients retournant en dialyse après échec de greffe en Europe
était en 1995 de 3 140, soit 4 % des nouveaux patients dialysés, alors que des
données américaines plus récentes indiquent 4.8 % en 2004, soit 5 156 patients.
Environ 20 à 40 % des patients en attente de greffe ont eu une perte de greffon et
vont donc accroître la liste d’attente, diminuant ainsi l’accès à la greffe de l’ensemble
des patients.
- 123 -
Prise en charge en dialyse des patients en échec de greffe
Parce qu’ils ont vécu l’expérience d’une meilleure qualité de vie durant leur statut de
transplanté comparée à leur période de dialysé, les patients en échec de greffe restent
réticents à l’idée d’un retour en dialyse, ce qui augmente les risques de morbidité
secondaire à l’insuffisance rénale elle-même et des effets des immunosuppresseurs
au long cours. Ne disposant pas de recommandations spécifiques en ce qui
concerne les modalités de retour en dialyse chez ces patients en échec de greffe,
les recommendations classiques pour l’initiation de la dialyse de façon générale sont
appliquées, soit une clairance rénale autour de 8 à 10 ml/mn pour 1,73 m2 (3, 5).
Cependant, certaines études monocentriques et certains registres ont montré que
cette prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale en situation d’échec
de greffe était sous-optimale, avec en particulier des marqueurs biologiques loin
des recommandations européennes ou des K/DOQI, sans qu’il y ait de raisons très
précises à cet état de fait. Par ailleurs, aucune recommandation n’a été validée en ce
qui concerne la modalité préférentielle de dialyse (dialyse péritonéale ou hémodialyse)
dans ce cas de figure. Plusieurs études (6-8) ont tenté de répondre à cette question
(dialyse péritonéale vs hémodialyse, dialyse péritonéale chez les patients greffés
vs dialyse péritonéale chez les patients qui n’ont jamais été transplantés …) ; elles ne montrent pas de différence significative en terme de survie, mais le niveau de preuve est faible du fait de nombreux biais (étude rétrospective, biais de
sélection, nombre de patients, défaut d’information sur le maintien du traitement
immunosuppresseur …). En pratique, les deux techniques semblent actuellement
pouvoir être proposées en fonction de l’expérience des équipes et des désirs du
patient.
Que faire du traitement immunosuppresseur ?
Il s’agit encore à l’heure actuelle d’un sujet de controverse. Certains prônent le
maintien de l’immunosuppression afin de préserver la fonction rénale résiduelle,
de prévenir le rejet d’allogreffe et d’éviter une résurgence d’anticorps anti-HLA qui
peuvent réapparaître après l’arrêt de toute thérapeutique immunosuppressive sans
transplantectomie. Pour d’autres, le maintien d’une telle immunosuppression expose
le patient à un risque infectieux inacceptable, à une augmentation des pathologies
tumorales et des facteurs de risque cardio-vasculaires, sans compter l’impact
négatif sur le métabolisme osseux. Là encore, il n’y a pas de recommandations
précises préconisant une stratégie plutôt qu’une autre en ce qui concerne l’arrêt
des immunosuppresseurs. Cependant, comme beaucoup d’équipes, nous avons
tendance à arrêter les drogues antiprolifératives (azathioprine, mycophénolate) et
diminuer de moitié la posologie des anticalcineurines, qui seront maintenues 6 à 8
semaines en fonction du profil immunologique du patient. Dans un deuxième temps,
les stéroïdes seront stoppés progressivement en les diminuant de 2.5 mg chaque
mois.
- 124 -
Quelle est la place de la transplantectomie ?
La discussion reste, là aussi, ouverte et très controversée. Autant certaines indications
de néphrectomie ne souffrent aucune discussion, en particulier en post-opératoire
immédiat (non reprise de fonction primaire, problème technique, thrombose des
artères ou des veines rénales, rejet hyperaigu …), autant d’autres sont plus relatives,
comme les patients retournant en dialyse atteints d’une hépatite C réplicante
nécessitant un traitement par Interféron avec un risque de rejet aigu du rein greffé.
Restent les autres indications, les plus problématiques et non symptomatiques. Ceux
qui militent pour une conservation du greffon arguent du fait qu’il y a une production
supplémentaire d’Erythropoïétine, une hydroxylation du Calcitriol, le maintien
d’une diurèse résiduelle avec un risque plus bas de sensibilisation (anti-HLA et
Anticorps-antidonneur spécifiques) (14) qui varie de 8.3% à 97 % en fonction des
séries après néphrectomie du greffon (11-13). A l’inverse, certains, se basant sur des
études relativement contradictoires avec un niveau de preuve limité, suggèrent que
le fait de laisser le greffon majore la malnutrition et les marqueurs inflammatoires,
l’état inflammatoire pouvant être délétère tant sur la résistance à l’EPO que sur la
pathologie cardio-vasculaire à long terme (15). Il y a donc la place à tout un champ
d’investigations prospectives, bien que la faisabilité risque d’être difficile en raison
de nombreux facteurs confondants ; cependant, compte-tenu des conséquences
en terme de morbi-mortalité, voire même du devenir de la retransplantation, une
réponse à cette question paraît fondamentale.
Que deviennent ces patients ?
Il a bien été montré, depuis plusieurs années, que le taux de décès des patients
transplantés en échec de greffe était supérieur à celui des patients ayant un greffon
fonctionnel et que les causes de décès sont similaires dans les 2 groupes (17). Les
données américaines, les plus accessibles et les plus complètes, semblent suggérer
que la survie des patients après perte du greffon est extrêmement péjorative, avec
moins de 40 % de survie à 10 ans comparé à plus de 75 % pour les patients avec
un rein greffé fonctionnel (18). De plus, le taux de mortalité après perte de greffon est
3 fois plus important que le taux de mortalité durant la greffe. Cette surmortalité est
attribuée à un taux de complications cardiovasculaires 7 fois plus important après
échec de greffe comparé aux incidents cardiovasculaires durant la transplantation
et un taux de mortalité par problèmes infectieux pour 100 patients-année de 16.3 pour les patients en échec versus 3.7 pour les transplantés (16). Le taux de sepsis
observé dans les 6 premiers mois après échec de greffe pourrait être lié, dans
certaines études, à l’âge, l’obésité, les pathologies cardiovasculaires, l’hémodialyse ;
malheureusement, l’effet de l’immunosuppression n’a pas été évalué. D’autres
paramètres de surmortalité ont été évoqués : l’âge à l’époque de l’échec de greffe,
le diabète, le matching du HLA, le temps de dialyse, l’ethnie, l’âge du receveur, les
épisodes de rejet, les évènements vasculaires (thrombose). La question qui reste en
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suspens est de savoir si ce risque de surmortalité des patients en échec de greffe
est plus important que s’ils n’avaient jamais été greffés… Plusieurs études dont la
méthodologie est critiquable sont contradictoires. Actuellement, il existe un certain
consensus pour admettre que la surmortalité cardiovasculaire serait la conséquence
des facteurs de risque traditionnels, aggravés par l’immunosuppression, les effets
délétères de l’insuffisance rénale chronique et l’état inflammatoire secondaire au
rejet du greffon ; cependant, tous ces aspects n’ont jamais été étudiés en faisant
appel à des essais cliniques rigoureux au plan méthodologique... et mériteraient de
l’être…
Conclusion
Les patients en échec de greffe représentent un challenge clinique important pour la
communauté néphrologique, de nombreuses questions restant sans réponse précise
ni consensus ou recommandation internationale. Cette transition difficile entre échec
de greffe et dialyse semble faire rentrer le patient dans une forme de « no mans’
land » ou aucun des protagonistes médicaux impliqués ne semble avoir la primeur
de la prise en charge, laissant la place à une certaine « improvisation ». En attendant
et dans l’espoir de futures recommandations, une prise en charge plus précoce entre
l’équipe de dialyse et de transplantation devrait être préconisée, en l’adaptant en
fonction de la typologie de chaque patient (conditions cliniques, âge, type et intensité
de l’immunosuppression, cause d’échec du greffon …), avec une optimisation des
marqueurs de l’insuffisance rénale chronique .
Enfin et surtout, compte-tenu du manque de données cruelles dans la littérature,
il est grand temps de proposer et de mettre en place des études cliniques pour
répondre à certaines questions cruciales : quelle est la meilleure modalité de reprise
en dialyse ? Quelle stratégie de la baisse de l’immunosuppression ? Quelle indication
de la néphrectomie du greffon ? … En ce sens, différents protocoles nationaux,
pilotés par la Société Française de Néphrologie, sont en cours de finalisation et
devraient débuter à court terme.
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