EMS, lieu de vie. De jour comme de nuit
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EMS, lieu de vie. De jour comme de nuit
13 l’antenne novembre 2006 EMS, lieu de vie. De jour comme de nuit Que font les résidants le soir en EMS? Les personnes âgées dépendantes accueillies en établissement médico-social sont souvent perçues comme des malades, qui se couchent après le plateau-repas du soir, ou comme des vieillards que l’on imagine ne vivre que de souvenirs et de sagesse. Heureusement, la réalité est autre. L’EMS est un lieu de vie, où tout ne s’arrête pas dès la nuit tombée. Le rôle des professionnels en EMS est notamment de permettre à chaque résidant de continuer à vivre selon son rythme et son mode de vie antérieur, qu’il apprécie l’intimité de sa chambre le soir venu, ou qu’il affectionne les veillées plus tardives en société. Pour l’EMS, il ne s’agit pas de créer de toutes pièces un environnement nocturne social et culturel idéalisé - avec le risque qu’il ne convienne à personne - mais de répondre aux besoins relationnels des résidants, de favoriser le maintien de leur identité et de tenir en éveil leur désir de «continuer à faire». Alors, sans transformer le salon en piste de danse ou la cafétéria en bar à champagne, sans parades ni flonflons, les soirées s’organisent en douceur tout au long de l’année, indépendamment des fêtes saisonnières traditionnelles, et s’articulent généralement entre sorties au restaurant, veillées dans le jardin, lectures au coin du feu, concerts ou conférences... La liste n’est pas exhaustive. Sise en plein cœur du quartier très animé de la Servette, la résidence Les Lauriers, qui accueille 60 personnes âgées, pratique une politique d’ouverture et d’intégration avec la vie de la cité. Outre le salon de thé - dont l’heure de fermeture en fin de journée vient d’être repoussée - et le salon de coiffure accessibles au public, la résidence met sa salle polyvalente à disposition de diverses institutions et associations qui y organisent leurs activités - cours de danse, spectacles divers, conférences, consultations parents-enfants, etc. L’EMS favorise ainsi la rencontre entre résidants et habitants du quartier. «Nous essayons aussi toujours d’utiliser au maximum les animations organisées en soirée dans le quartier, comme la fête des voisins par exemple», explique Eléonore Mukuna, animatrice. Une atmosphère propice aux confidences Il y a également des activités qui se prêtent mieux le soir, comme le groupe de parole «Oscar» - en référence au roman d’Eric-Emmanuel Schmitt, Oscar et la dame rose - mis sur pied aux Lauriers, où les résidants qui le souhaitent peuvent s’exprimer autour des questions liées à la mort. «Le soir permet d’avoir un moment social fort. Il n’y a plus de téléphones, plus de bruit, le rythme est ralenti, l’atmosphère est différente. Nous sommes aussi plus disponibles», insiste l’animatrice. Ce temps relationnel privilégié est donc aussi propice aux veillées thématiques qu’Eléonore Mukuna propose aux résidants, deux fois par semaine, et qu’elle prend en charge à tour de rôle avec ses collègues de l’animation. Même si les thèmes ne sont pas définis longtemps à l’avance, ces soirées ne s’improvisent pas. Il s’agit d’inviter les résidants qui y participeront, en fonction de leurs affinités et centres d’intérêt, de coordonner les besoins avec les bénévoles, et de ne pas empiéter sur les horaires de la cuisine et des soins en fin de journée, pour ne pas perturber leur bon fonctionnement... Pour cette professionnelle, «c’est une question de respect du travail de chacun.» L’organisation du travail, justement, entre les différents secteurs d’activité de l’établissement, allégée durant ces heures creuses, fait que les animateurs sont généralement seuls à assumer ces soirées, les obligeant par conséquent à restreindre le nombre des invités - mais ça tombe bien puisque la tendance est de toute façon à une individualisation croissante des activités! «Comme nous ne voulons exclure personne, nous invitons entre huit et dix résidants suffisamment autonomes pour se coucher seuls en fin de soirée, ce qui nous permet d’accueillir également un résidant dont l’état de santé nécessite plus d’attention de notre part.» Au besoin, les veilleuses de nuit n’hésitent pas à s’assurer que tout le monde est bien couché! A quelques kilomètres de là, dans un cadre plus verdoyant, la résidence Le Mandement donne directement sur la place du village, profitant de toute la richesse de la dynamique environnante. Le rez-de-chaussée de l’établissement accueille 14 l’antenne novembre 2006 autrement dans ces moments-là, entre les résidants, les professionnels, les familles... Elles alimentent les échanges entre collègues, notamment des soins et de l’animation, et contribuent ainsi à une meilleure compréhension du travail des uns et des autres. Elles sont souvent le fruit d’une réflexion interdisciplinaire indispensable pour éviter la routine et les incohérences, et faire évoluer leur contenu en fonction des besoins et des capacités des personnes âgées. «Les soirées que nous proposons doivent naturellement avoir un sens, correspondre à la philosophie de l’établissement, répondre aux attentes des résidants. Il faut aussi bien sûr qu’elles soient financièrement supportables. Mais le principe des veillées n’est pas remis en cause. L’animation est une prise en soin sociale et culturelle. Animer, c’est réanimer les intérêts. Et ce n’est pas parce que la nuit tombe que tout doit s’arrêter!», conclut Eléonore Mukuna. expositions, concerts et autres manifestations avec programmes en soirée. «Cette intégration dans la vie du village et l’ouverture de l’EMS aux invités et habitants nous permet de dire à nos 45 résidants qu’ils font bel et bien partie du monde extérieur», affirme Sabine Udry, animatrice au Mandement. Démarche globale de prise en soins Les pratiques et la philosophie en matière d’animation socio-culturelle en soirée sont sensiblement les mêmes ici qu’aux Lauriers: on participe aux activités communales et régionales et on propose des veillées thématiques. Les constats se rejoignent aussi: «En raison du très grand âge de nos résidants et de leur état de santé très inégal, nous ne pouvons plus faire d’animation de masse. Les soirées que nous organisons réunissent donc entre 4 et 5 résidants, parfois avec leurs familles.» Les événements qui ont les faveurs des résidants sont avant tout ceux qui tournent autour du repas ou de la musique - de jour comme de nuit d’ailleurs. «Et souvent, nos résidants n’en demandent pas plus». Pourquoi dès lors déployer tant d’efforts à imaginer et organiser des soirées, à monopoliser des professionnels qui, à ces heures-là, ont généralement terminé leur journée de travail? «L’EMS est un lieu de vie, rappelle Sabine Udry. S’il faut respecter les résidants qui ont simplement envie de ne rien faire, il est tout aussi important d’accompagner ceux qui ont le désir de continuer à faire des choses, à leur rythme, selon leurs habitudes, et même si cela ne concerne que quelques personnes.» Les veillées en EMS ne sont donc pas une fin en soi, mais s’inscrivent dans une démarche plus globale de la prise en soin des personnes âgées. Elles rejaillissent sur la qualité des liens qui se tissent, amn A la Maison de Vessy, la vie continue après 18h00 A la demande des résidants qui avaient apprécié la convivialité des quelques soirées estivales organisées l’année dernière, le service d’animation socioculturelle de la Maison de Vessy a mis en place dix soirées à thème entre début juillet et mi-août 2006, de 18h30 à 21h00. Originales et variées, prétextes à la rencontre, ces soirées - également ouvertes aux familles - ont suscité un grand intérêt: par moins de 50 résidants, soit un quart de la population de l’EMS, ont été accueillis à chacune de ces soirées. Au-delà de l’affluence qui confirme un réel besoin, les groupes de résidants présents, qui se sont appropriés ces authentiques moments de vie partagée, connaissent une dynamique nouvelle. Il y a une plus grande spontanéité et une envie retrouvée pour le jeu, le rire et la fête, comme si la rupture avec le rythme institutionnel donnait un goût plus suave et sucré à «la liberté d’être soi», comme le veut le slogan de la maison. Forts de ce succès, des activités en soirée viendront enrichir le programme d’animation tout au long de l’année. Catherine Courlet animatrice socio-culturelle, Maison de Vessy