EMS, lieu de vie. De jour comme de nuit

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EMS, lieu de vie. De jour comme de nuit
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l’antenne
novembre 2006
EMS, lieu de vie.
De jour comme de nuit
Que font les résidants le soir en EMS? Les personnes âgées dépendantes accueillies
en établissement médico-social sont souvent perçues comme des malades, qui se
couchent après le plateau-repas du soir, ou comme des vieillards que l’on imagine ne
vivre que de souvenirs et de sagesse. Heureusement, la réalité est autre. L’EMS est
un lieu de vie, où tout ne s’arrête pas dès la nuit tombée.
Le rôle des professionnels en EMS est notamment de permettre à chaque résidant de continuer à vivre selon son rythme et son mode de vie
antérieur, qu’il apprécie l’intimité de sa chambre
le soir venu, ou qu’il affectionne les veillées plus
tardives en société. Pour l’EMS, il ne s’agit pas de
créer de toutes pièces un environnement nocturne social et culturel idéalisé - avec le risque qu’il
ne convienne à personne - mais de répondre aux
besoins relationnels des résidants, de favoriser le
maintien de leur identité et de tenir en éveil leur
désir de «continuer à faire». Alors, sans transformer le salon en piste de danse ou la cafétéria en
bar à champagne, sans parades ni flonflons, les
soirées s’organisent en douceur tout au long de
l’année, indépendamment des fêtes saisonnières
traditionnelles, et s’articulent généralement entre
sorties au restaurant, veillées dans le jardin, lectures au coin du feu, concerts ou conférences...
La liste n’est pas exhaustive.
Sise en plein cœur du quartier très animé de la
Servette, la résidence Les Lauriers, qui accueille
60 personnes âgées, pratique une politique
d’ouverture et d’intégration avec la vie de la cité.
Outre le salon de thé - dont l’heure de fermeture
en fin de journée vient d’être repoussée - et le salon de coiffure accessibles au public, la résidence
met sa salle polyvalente à disposition de diverses
institutions et associations qui y organisent leurs
activités - cours de danse, spectacles divers,
conférences, consultations parents-enfants, etc.
L’EMS favorise ainsi la rencontre entre résidants
et habitants du quartier. «Nous essayons aussi
toujours d’utiliser au maximum les animations
organisées en soirée dans le quartier, comme la
fête des voisins par exemple», explique Eléonore
Mukuna, animatrice.
Une atmosphère propice aux confidences
Il y a également des activités qui se prêtent
mieux le soir, comme le groupe de parole «Oscar» - en référence au roman d’Eric-Emmanuel
Schmitt, Oscar et la dame rose - mis sur pied
aux Lauriers, où les résidants qui le souhaitent
peuvent s’exprimer autour des questions liées à
la mort. «Le soir permet d’avoir un moment social fort. Il n’y a plus de téléphones, plus de bruit,
le rythme est ralenti, l’atmosphère est différente.
Nous sommes aussi plus disponibles», insiste
l’animatrice.
Ce temps relationnel privilégié est donc aussi
propice aux veillées thématiques qu’Eléonore
Mukuna propose aux résidants, deux fois par
semaine, et qu’elle prend en charge à tour de
rôle avec ses collègues de l’animation. Même
si les thèmes ne sont pas définis longtemps à
l’avance, ces soirées ne s’improvisent pas. Il
s’agit d’inviter les résidants qui y participeront,
en fonction de leurs affinités et centres d’intérêt,
de coordonner les besoins avec les bénévoles,
et de ne pas empiéter sur les horaires de la cuisine et des soins en fin de journée, pour ne pas
perturber leur bon fonctionnement... Pour cette
professionnelle, «c’est une question de respect
du travail de chacun.»
L’organisation du travail, justement, entre les
différents secteurs d’activité de l’établissement,
allégée durant ces heures creuses, fait que les
animateurs sont généralement seuls à assumer
ces soirées, les obligeant par conséquent à restreindre le nombre des invités - mais ça tombe
bien puisque la tendance est de toute façon à
une individualisation croissante des activités!
«Comme nous ne voulons exclure personne,
nous invitons entre huit et dix résidants suffisamment autonomes pour se coucher seuls en fin
de soirée, ce qui nous permet d’accueillir également un résidant dont l’état de santé nécessite
plus d’attention de notre part.» Au besoin, les
veilleuses de nuit n’hésitent pas à s’assurer que
tout le monde est bien couché!
A quelques kilomètres de là, dans un cadre
plus verdoyant, la résidence Le Mandement donne directement sur la place du village, profitant de
toute la richesse de la dynamique environnante.
Le rez-de-chaussée de l’établissement accueille
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autrement dans ces moments-là, entre les résidants, les professionnels, les familles... Elles
alimentent les échanges entre collègues, notamment des soins et de l’animation, et contribuent
ainsi à une meilleure compréhension du travail
des uns et des autres. Elles sont souvent le fruit
d’une réflexion interdisciplinaire indispensable
pour éviter la routine et les incohérences, et faire
évoluer leur contenu en fonction des besoins et
des capacités des personnes âgées.
«Les soirées que nous proposons doivent
naturellement avoir un sens, correspondre à la
philosophie de l’établissement, répondre aux attentes des résidants. Il faut aussi bien sûr qu’elles soient financièrement supportables. Mais le
principe des veillées n’est pas remis en cause.
L’animation est une prise en soin sociale et culturelle. Animer, c’est réanimer les intérêts. Et ce
n’est pas parce que la nuit tombe que tout doit
s’arrêter!», conclut Eléonore Mukuna.
expositions, concerts et autres manifestations
avec programmes en soirée. «Cette intégration
dans la vie du village et l’ouverture de l’EMS aux
invités et habitants nous permet de dire à nos 45
résidants qu’ils font bel et bien partie du monde
extérieur», affirme Sabine Udry, animatrice au
Mandement.
Démarche globale de prise en soins
Les pratiques et la philosophie en matière
d’animation socio-culturelle en soirée sont sensiblement les mêmes ici qu’aux Lauriers: on participe aux activités communales et régionales et
on propose des veillées thématiques. Les constats se rejoignent aussi: «En raison du très grand
âge de nos résidants et de leur état de santé
très inégal, nous ne pouvons plus faire d’animation de masse. Les soirées que nous organisons
réunissent donc entre 4 et 5 résidants, parfois
avec leurs familles.» Les événements qui ont les
faveurs des résidants sont avant tout ceux qui
tournent autour du repas ou de la musique - de
jour comme de nuit d’ailleurs. «Et souvent, nos
résidants n’en demandent pas plus». Pourquoi
dès lors déployer tant d’efforts à imaginer et organiser des soirées, à monopoliser des professionnels qui, à ces heures-là, ont généralement
terminé leur journée de travail?
«L’EMS est un lieu de vie, rappelle Sabine
Udry. S’il faut respecter les résidants qui ont simplement envie de ne rien faire, il est tout aussi
important d’accompagner ceux qui ont le désir
de continuer à faire des choses, à leur rythme,
selon leurs habitudes, et même si cela ne concerne que quelques personnes.» Les veillées
en EMS ne sont donc pas une fin en soi, mais
s’inscrivent dans une démarche plus globale de
la prise en soin des personnes âgées. Elles rejaillissent sur la qualité des liens qui se tissent,
amn
A la Maison de Vessy,
la vie continue après 18h00
A la demande des résidants qui avaient apprécié la convivialité des quelques soirées estivales organisées l’année dernière, le service
d’animation socioculturelle de la Maison de
Vessy a mis en place dix soirées à thème entre
début juillet et mi-août 2006, de 18h30 à 21h00.
Originales et variées, prétextes à la rencontre,
ces soirées - également ouvertes aux familles
- ont suscité un grand intérêt: par moins de
50 résidants, soit un quart de la population de
l’EMS, ont été accueillis à chacune de ces soirées. Au-delà de l’affluence qui confirme un réel
besoin, les groupes de résidants présents, qui
se sont appropriés ces authentiques moments
de vie partagée, connaissent une dynamique
nouvelle. Il y a une plus grande spontanéité et
une envie retrouvée pour le jeu, le rire et la fête,
comme si la rupture avec le rythme institutionnel donnait un goût plus suave et sucré à «la
liberté d’être soi», comme le veut le slogan de
la maison. Forts de ce succès, des activités en
soirée viendront enrichir le programme d’animation tout au long de l’année.
Catherine Courlet
animatrice socio-culturelle, Maison de Vessy

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