ces jeunes diplômés qui s`intéressent à l`ess

Transcription

ces jeunes diplômés qui s`intéressent à l`ess
LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE
–CES JEUNES DIPLÔMÉS
QUI S’INTÉRESSENT
À L’ESS : ENJEUX ET
PERSPECTIVES–
N°
2016-45
OCTOBRE 2016
Partenariat de recherche entre
l’Apec et le Conservatoire National
des Arts et Métiers (Valérie CohenScali avec la collaboration de Naima
Adassen, Cécile de Calan, David
Mahut, Cnam-CRF et CRTD)
RECHERCHE QUALITATIVE AUPRÈS
DE JEUNES RÉCEMMENT DIPLÔMÉS
EN EMPLOI ET/OU EN RECHERCHE
D’EMPLOI
– LES ÉTUDES
DE L’EMPLOI CADRE
DE L’APEC–
Observatoire du marché de l’emploi cadre, l’Apec analyse et anticipe
les évolutions dans un programme annuel d’études et de veille :
grandes enquêtes annuelles (recrutements, salaires, métiers et mobilité
professionnelle des cadres, insertion professionnelle des jeunes diplômés…)
et études spécifiques sur des thématiques clés auprès des jeunes
de l’enseignement supérieur, des cadres et des entreprises.
Le département Études et Recherche de l’Apec et sa quarantaine
de collaborateurs animent cet observatoire.
Toutes les études de l’Apec sont disponibles gratuitement
sur le site www.cadres.apec.fr rubrique observatoire de l’emploi
© Apec, 2016
Cet ouvrage a été créé à l’initiative de l’Apec, Association
pour l’emploi des cadres, régie par la loi du 1er juillet 1901
et publié sous sa direction et en son nom. Il s’agit d’une œuvre
collective, l’Apec en a la qualité d’auteur.
L’Apec a été créée en 1966 et est administrée par les
partenaires sociaux (MEDEF, CGPME, UPA, CFDT Cadres,
CFE-CGC, FO-Cadres, CFTC Cadres, UGICT-CGT).
Toute reproduction totale ou partielle par quelque procédé
que ce soit, sans l’autorisation expresse et conjointe de l’Apec,
est strictement interdite et constituerait une contrefaçon
(article L122-4 et L335-2 du code de la Propriété intellectuelle).
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Présentation
Les partenariats de recherche de l’Apec
Le partenariat avec le Centre de Recherche sur la Formation (CRF)
–
LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
–
L’insertion des jeunes dans l’ESS
Les dimensions psychologiques impliquées dans la transition école-travail
Le rôle des valeurs dans les choix d’insertion dans l’ESS
Problématique et hypothèses
Méthodologie
–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
–
Le parcours antérieur
Les représentations du secteur de l’ESS
Les sources de l’intérêt porté à l’ESS
Les intérêts professionnels des jeunes et les rapports à l’ESS
L’insertion professionnelle dans l’ESS
L’avenir professionnel
Conclusion
–
ANNEXES
–
Références bibliographiques
Caractéristiques des jeunes diplômés rencontrés
Le guide d’entretien
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
1
–PRÉSENTATION–
–
LES PARTENARIATS DE RECHERCHE DE
L’APEC
–
En 2007, le département études et recherche de
l’Apec a lancé un premier appel à projets auprès des
laboratoires et centres de recherche. Cette démarche
désormais renouvelée chaque année vise à renforcer
les liens avec les milieux de la recherche en développant des partenariats sur des thématiques intéressant l’Apec, les partenaires sociaux et les clients de
l’Apec.
Chaque recherche porte sur des sujets différents et
l’apport de l’Apec varie selon les projets : apport financier pour optimiser des travaux en cours, appuis
techniques pour des enquêtes sur Internet, exploitation des données de gestion de l’Apec, soutien pour
l’accès à certaines populations de cadres…
L’objectif est de construire de véritables partenariats
dans des logiques de complémentarité des expertises : les chercheurs apportent leurs expertises pointues et spécialisées pour approfondir les sujets et
étudier des méthodologies spécifiques, le département études et recherche de l’Apec apportant, lui,
une connaissance approfondie de l’emploi cadre développée depuis plus de quarante ans.
–
LE PARTENARIAT AVEC LE CENTRE DE
RECHERCHE SUR LA FORMATION (CRF) ET
LE CENTRE DE RECHERCHE SUR LE TRAVAIL
ET LE DÉVELOPPEMENT
–
Identifier l’attractivité de l’économie sociale
et solidaire (ESS) pour les cadres : un enjeu
central pour l’Apec
1. Conseil National des Chambres
Régionales de l’Économie Sociale (CN
CRES)
2
Selon l’Observatoire National de l’Économie Sociale
et Solidaire porté par le Conseil National des
Chambres Régionales de l’Économie Sociale
(CNCRES), ce secteur rassemble plus de 222 900
établissements et 2,34 millions de salariés soit 14 %
des emplois du secteur privé. 13 % des cadres du
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
secteur privé exerceraient leur métier dans l’ESS,
majoritairement dans des associations.
En effet, depuis 2008, l’ESS regroupe les associations
(78 %), les coopératives (13 %), les mutuelles (6 %),
et les fondations (3 %). La loi du 24 juillet 2013 a
permis d’ouvrir ce secteur aux entreprises sociales :
ces organisations sont définies comme des groupements de personnes et non de capitaux, porteuses
d’un projet collectif, avec un ancrage territorial. Elles
sont censées mettre en œuvre des projets innovants
qui concilient intérêt collectif et activités économiques répondant aux besoins des populations. Les
organisations appartenant à l’ESS sont susceptibles
de fonctionner en s’appuyant sur des principes déclarés qui sont les suivants :
• La personne et l’objet social priment sur le capital ;
les femmes et les hommes sont au cœur de l’économie et en constituent la finalité.
• La gestion est collective et démocratique et participative : élection des dirigeants, principe « une personne = une voix », mise en place d’instances collectives de décision.
• La lucrativité est limitée.
• Les principes de solidarité et de responsabilité
guident la mise en place des actions.
L’Apec a publié en 2015 une étude portant sur l’analyse de 12 600 offres d’emploi cadre dans l’ESS. Cette
étude conclut qu’un grand nombre de recrutements
devraient avoir lieu dans l’ESS d’ici 2020, 600 000
postes devant être libérés par des départs en retraite
dans les 5 prochaines années (d’après l’Atlas de l’Economie Sociale et Solidaire 20141). Les postes à pourvoir concerneraient plus particulièrement les métiers
du social et de la santé et ces recrutements seraient
réalisés majoritairement par de grands établissements de plus de 250 salariés.
Dans ce contexte, identifier l’attractivité de l’ESS et
repérer la manière dont des cadres en cours de carrière s’engagent dans ce secteur doivent contribuer à
mieux les préparer à affronter et réussir leur réorientation.
Un premier rapport de recherche a été publié par
l’Apec en 2015. L’enquête présentée dans ce premier
rapport concerne la population des cadres en transition professionnelle vers le secteur de l’ESS. Ce pre-
mier volet de la recherche visait à cerner la manière
dont émergent l’intérêt pour ce secteur chez des
cadres, les éventuels évènements marquants qui ont
donné le départ du processus de réorientation et les
trajectoires suivies pour parvenir à intégrer ce secteur
professionnel.
Rappel du contexte et des objectifs
Dans le cadre d’un partenariat de recherche avec
l’Apec, le Centre de Recherche sur la Formation du
Cnam a proposé de réaliser une recherche visant à
cerner les processus de mobilités professionnelles des
cadres dans le secteur de l’Economie sociale et Solidaire (ESS).
Cette recherche comprend cinq volets. Les quatre
premiers volets de la recherche ont été conduits en
adoptant une méthodologie qualitative et visent à
réaliser un panorama des différents profils gravitant
autour du secteur de l’ESS, aspirants et expérimentés.
Le premier volet sur les attitudes et représentations
des cadres en transition professionnelle vers l’ESS.
Le deuxième volet est centré sur l’analyse de la situation des jeunes diplômés qui souhaitent intégrer l’ESS
(l’objet de ce rapport).
Le troisième volet a trait aux cadres qui se sont réorientés dans l’ESS après avoir travaillé dans le secteur
de « l’économie classique ».
Le quatrième volet expose les situations de cadres
expérimentés dans l’ESS.
Enfin, la cinquième étude est réalisée selon une méthodologie quantitative et porte sur les représentations sociales de l’ESS des cadres et leurs intentions
professionnelles. Elle permettra notamment de comparer les profils des cadres se déclarant intéressés par
le secteur de l’ESS et des cadres qui ne souhaitent
pas s’orienter vers ce secteur.
Il s’agit, avec ces différentes études, d’explorer la
mobilité dans un champ professionnel en constitution et de repérer son attractivité pour les cadres. Il
s’agit également de mieux comprendre les processus
de transition et de réorientation des professionnels
qui souhaitent rompre avec les entreprises du « secteur marchand ».
Dans ce rapport est présentée l’étude réalisée auprès
de 14 jeunes diplômés qui souhaitent travailler dans
l’économie sociale et solidaire.
Dans cette étude, l’objectif était de repérer les aspirations et les attentes de jeunes diplômés qui se sont
formés, pour un certain nombre d’entre eux, à l’ESS
ou souhaitent intégrer une formation de ce secteur
pour d’autres.
Ce volet de l’étude doit permettre d’identifier les trajectoires professionnelles anticipées et la manière
dont les jeunes conçoivent leur progression professionnelle dans l’ESS.
Il s’agit d’identifier les principaux déterminants de
l’intérêt pour l’ESS comme secteur d’insertion professionnelle pour les jeunes. En effet, on peut se demander pourquoi ces jeunes diplômés s’intéressent d’emblée à l’ESS et conçoivent de construire leur carrière
dans ce secteur. Quelles sont leurs principales motivations et comment conçoivent-ils leur intégration ?
Un autre objectif est de repérer les représentations
qu’ils ont de l’ESS, les activités qu’ils associent à ce
secteur, et les compétences professionnelles qui leur
paraissent nécessaires.
Enfin, nous avons voulu interroger les attentes à
l’égard de l’ESS, les projets et les souhaits pour le
futur. •
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–LE CADRE
THÉORIQUE ET
MÉTHODOLOGIQUE–
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L’insertion des jeunes dans l’ESS
Les dimensions psychologiques impliquées dans la transition école-travail
Le rôle des valeurs dans les choix d’insertion dans l’ESS
Problématique et hypothèses
Méthodologie
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LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
–L’INSERTION DES JEUNES DANS L’ESS–
L’Economie Sociale et Solidaire regroupe un ensemble
d’organisations spécifiques : des associations, mutuelles, des fondations, des coopératives et des entreprises sociales. Il s’agit de structures qui se définissent
comme des groupements de personnes et non de
capitaux. Elles relèvent du secteur privé. Elles reposent sur des valeurs communes, telles que la lucrativité limitée, des fonds propres impartageables et
une faible part d’excédents distribuables (Apec,
2012). Si l’ESS rassemble 13 % de l’emploi cadre du
secteur privé en France, les jeunes ne représentent
que 8 % des salariés de ce secteur (Petot & Braley,
2012) tandis que les salariés de plus de 50 ans représentent 27 % des salariés de l’ESS. Ainsi, 335 000
salariés de l’ESS devraient prendre leur retraite, dont
55 000 cadres entre 2008 et 2018. Cette enquête
du DALR-CNCRES de 2012 (Petot & Braley, 2012) a
mis au jour que 79 % des employeurs interrogés
envisagent de recruter du personnel pour faire face
à ces départs. Les renouvellements concerneront les
responsables de structures, des cadres, des employés.
Rares seraient les employeurs qui envisagent néanmoins de recruter des jeunes de moins de 25 ans pour
combler ces départs. Les organisations qui emploient
le plus grand nombre de personnes dans l’ESS sont
celles de l’action sociale (39 %), l’enseignement
(14,8 %), la banque et les assurances (11 %), la santé
(7,5 %) (Apec, 2014). Potentiellement, ce secteur
pourrait donc être assimilé à un secteur « en tension »
susceptible d’offrir de l’emploi à des personnes de
plus de 25 ans.
Par ailleurs, une enquête réalisée par Petot et Braley
(2012) sur près de 300 jeunes sortant d’une des 72
filières répertoriées de formation supérieure qualifiante de l’ESS permet de repérer la perception que
les jeunes diplômés ont des employeurs du secteur.
Au moment de l’enquête, 80 % de ces jeunes étaient
en emploi dont 78 % dans une structure de l’ESS.
91 % travaillaient dans une association et 6 % dans
une coopérative. 33,5 % étaient dans le secteur de
l’action sociale, 9 % dans le soutien aux entreprises,
7,1 % dans l’enseignement. 70 % des diplômés de
2008, et 29 % de ceux de 2011, étaient en CDI en
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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
2011. Les intitulés des emplois occupés sont principalement chargé de mission (19,8 %), directeur/trice
(14,2 %), assistant, secrétaire (9,9 %) et chargé de
projet (9,4 %). 48,6 % des jeunes diplômés travaillaient sur une fonction « projet ». 46,7 % des
jeunes récemment insérés disent avoir un poste où ils
sont « très polyvalents et plutôt polyvalents »
(29,2 %). Ainsi, 94 % des jeunes estiment que leur
poste est polyvalent. 9 personnes se déclarent satisfaites de leur emploi actuel et 15 % des jeunes considèrent que leur emploi ne correspond pas à leurs
attentes. Même si leur situation professionnelle leur
parait globalement satisfaisante, la plupart des
jeunes ne pensent pas rester longtemps dans leur
poste actuel. 39,6 % pensent n’y rester qu’entre 1 et
3 ans. Cette tendance à vouloir changer rapidement
d’emploi est particulièrement vraie pour les jeunes
les plus récemment insérés. Elle pourrait être interprétée par le fait qu’ils veulent se faire une première
expérience avant de chercher un autre emploi correspondant mieux à leurs attentes, à leur niveau d’étude
ou à leurs qualifications. Les premiers postes occupés
à l’entrée dans la vie active pourraient donc être
considérés comme des tremplins afin de se constituer
une première expérience, ainsi qu’un réseau facilitant
les embauches. Selon les jeunes diplômés, certaines
compétences seraient plus particulièrement attendues par les employeurs de l’ESS : les compétences
éthiques, managériales, gestionnaires, éducatives,
politiques et techniques. Seuls 54 % de ces jeunes
estiment que le diplôme ou la qualification joue un
rôle important dans le processus de recrutement.
Parmi les 295 jeunes diplômés étudiés, 34 % se sont
insérés en répondant à une offre d’emploi et 18,6 %
grâce au réseau professionnel, 17,4 % ont trouvé leur
emploi grâce à des contacts crées en formation et
6,7 % ont créé leur propre emploi. Selon une étude
de l’Apec (2014), l’ESS est un secteur qui attire les
jeunes diplômés. Toutefois, les offres d’emploi ouvertes aux jeunes diplômés sont moins fréquentes
que dans l’ensemble des offres du privé (Apec,
2015). •
–LES DIMENSIONS PSYCHOLOGIQUES IMPLIQUÉES
DANS LA TRANSITION ÉCOLE-TRAVAIL –
De nombreux travaux ont été entrepris dès les années
90 pour cerner la manière dont les jeunes s’engagent
dans la période qui va de la fin de la scolarité initiale
au premier emploi durable (Méhaut, Rose, Monaco,
et al., 1987). Il est observé une diversification des
itinéraires d’accès au premier emploi et l’importance
des acteurs impliqués dans l’accompagnement de
cette transition (Rose, 1996 ; Banks et al., 1992).
Pour Laflamme (1993), cette transition correspondrait à un temps de structuration-déstructuration où
les jeunes se confrontent à des rapports sociaux nouveaux. L’adaptation à cette transition nécessite la
mise en œuvre de certaines compétences : adaptabilité, connaissance de l’environnement, gestion du
stress, planification, identification de ses points forts
et faibles, etc…
Selon Philips, Blustein et al., (2002) qui ont analysé
les parcours de 17 jeunes en situations de transition
vers le travail, il apparait que ceux qui s’adaptent le
mieux à cette période de changement sont ceux qui
ont des compétences généralistes, un plan clair et
réaliste de la transition dans laquelle ils s’engagent,
font preuve d’une certaine résilience pour affronter
les obstacles, et d’un certain optimisme. Mais d’autres
éléments jouent selon cette recherche : le fait de pouvoir apprendre dans les situations de travail favorise
l’adaptation, le fait d’être entouré d’adultes qui apportent un soutien et le fait de s’engager activement
vers le monde adulte. Cette « proactivité accompagnée » apparait déterminante pour réussir à se stabiliser dans un emploi.
Pour Heinz, la transition de l’école au travail s’apparente à une « socialisation de soi » (Self socialization)
(Heinz, 2002). Combiner la notion d’agentivité avec
celle de socialisation de soi permet de porter attention aux conséquences biographiques des actions et
de considérer le jeune comme un individu qui réfléchit à ses intentions et aux options disponibles pour
les actions futures. La biographie est pour Heinz un
« arrangement réflexif » d’une personne avec les circonstances, les contingences de la vie socialement
structurées par les opportunités et les contraintes.
Dans son étude empirique, Heinz identifie 6 modalités d’intégration biographique de la transition écoletravail:
1/ L’identification à l’entreprise : l’entreprise est
vue comme une sorte de domicile et les relations interpersonnelles au travail, sont très valorisées. Ces
jeunes attendent du soutien social et de la reconnaissance en échange de leur confiance et de leur loyauté
à l’égard de l’employeur. Dans cette configuration,
les ruptures au cours de la transition bloquent les
anticipations professionnelles.
2/ L’habitus du « travailleur à la tâche » : l’emploi est perçu comme une nécessité, et les jeunes
valorisent surtout la sécurité au travail et la continuité de l’emploi. Certaines jeunes femmes sortent
de cette situation par des périodes de maternité précoces, qui ne font que repousser les difficultés.
3/ L’orientation vers la carrière : les carrières
dans une entreprise et la promotion sont favorisées
parmi les alternatives professionnelles et du temps
est consacré à l’enseignement supérieur.
4/ L’optimisation des chances : il s’agit d’accumuler, autant que possible, de qualifications supplémentaires pour conserver un maximum de possibilités de développement et d’avancements, de chances
de réussir. Ces jeunes utilisent la discontinuité de la
transition comme des opportunités pour se former ou
développer de nouvelles expériences.
5/ La croissance personnelle : le métier est choisi
comme un espace pour assouvir les intérêts personnels. Les conditions de travail et les promotions sont
évaluées en se centrant sur l’autonomie octroyée et
les possibilités d’auto-direction. Egalement, ces
jeunes utilisent la discontinuité de la transition
comme des opportunités, permettant de voyager, de
se relaxer etc….
6/ L’habitus d’auto-emploi : la liberté dans les
activités économiques est valorisée, de même que les
risques pris pour devenir un acteur indépendant.
Cette approche montre que la confrontation à l’entreprise au cours de la transition suscite des interprétations diverses qui favorisent plus ou moins les perspectives futures.
La théorie de la construction de Savickas (2005) souligne également l’importance de l’adaptabilité, de
l’identité et de la confrontation à une variété d’expériences au cours de la transition. Le développement
de carrière se réaliserait en effet, par une adaptation
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
7
–1–
LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
successive à une série d’emplois, de postes visant une
certaine connaissance et maitrise de l’environnement. L’adaptabilité serait ainsi une compétence clef
permettant de s’organiser pendant les transitions et
d’élaborer des scenarios professionnels. Le concept
d’Adaptabilité de carrière réfère au fait de faire face
à des tâches pour se préparer à un rôle au travail et
avec des ajustements peu prévisibles, ponctués de
changements concernant le travail et les conditions
de travail. L’adaptabilité permettrait de planifier son
futur, d’anticiper les difficultés, de se fixer des buts
réalistes. Ce processus psychologique comprendrait
cinq dimensions psychologiques :
- Disposer d’une certaine curiosité à l’égard de son
environnement,
- Se sentir concerné par son orientation professionnelle,
- Avoir le sentiment d’avoir un certain contrôle sur son
environnement,
- Avoir conscience de ses capacités, compétences,
savoirs,
- Avoir confiance en soi, dans ses aptitudes à faire
face à la situation
Avoir des scores élevés dans ces différents domaines
de compétences provoquerait un sentiment de satisfaction dans la vie, induirait une carrière plus réussie
et plus satisfaisante, un bien être subjectif élevé, une
plus grande efficacité dans la recherche d’emploi,
ainsi qu’une intégration plus rapide et l’obtention
d’un emploi de meilleure qualité (Monteiro & Almeida, 2015).
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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Chez les étudiants, l’adaptabilité de carrière prédit
de façon significative la situation après l’obtention
du diplôme (Yanjun Guan, Hong Deng et al., 2013).
Deux dimensions de l’adaptabilité de carrière apparaissent être particulièrement prédictives de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés : le fait de
se sentir concerné par son orientation et celui d’avoir
le sentiment de pouvoir contrôler son environnement.
Les étudiants qui ont un niveau élevé en Contrôle
sont plus consciencieux et peuvent prendre des décisions de carrière importantes. Ils obtiennent plus facilement un emploi en accord avec leurs valeurs et
leurs capacités. Une autre recherche auprès de 406
jeunes diplômés (Monteiro & Almeida, 2015) montre
que ceux qui travaillent pendant leurs études ont des
scores plus élevés sur les dimensions de Contrôle de
son environnement et de Curiosité. En revanche, les
activités de loisirs extra scolaires n’ont, dans cette
recherche, aucun lien avec le niveau d’adaptabilité.
L’expérience de travail pourrait donc être un déterminant de certaines dimensions de l’adaptabilité de
carrière. Travailler en faisant des études (que ce soit
sous la forme de formations en alternance, de stages
ou de petits boulots) est apparu dans plusieurs recherches comme un facteur de modification des représentations de soi, des attitudes à l’égard du travail
et des perceptions du futur (Cohen-Scali, 2000). Plus
particulièrement, la qualité des expériences de travail
est un élément essentiel pour mobiliser les ressources
psychologiques importantes dans l’insertion professionnelle (Cohen-Scali, 2010). •
–LE RÔLE DES VALEURS DANS LES CHOIX D’INSERTION
DANS L’ESS–
Etudiant le développement du jugement moral chez
l’enfant, Piaget (1985) souligne qu’il est associé à
l’importance du respect des règles : « toute morale
consiste en un système de règles et l’essence de toute
moralité est à chercher dans le respect que l’individu
acquiert pour les règles » (p.1). Les travaux de Kohlberg (1981) portent également sur le développement
du jugement moral chez l’enfant et l’adolescent. Il
observe l’existence de différents types de jugement
moral qui sont définis comme une cognition de nature prescriptive, et se réfère à ce qui est obligatoire,
juste, bien. Ceux-ci sont prescriptifs et normatifs et
renvoient à ce qui devrait être, à des droits, des responsabilités et non à des gouts ou des préférences.
Kohlberg a mis au jour l’existence de 6 stades de
développement du jugement moral. Selon Kohlberg
les principes moraux déterminent les actions. Or, diverses recherches (par exemple celles de Milgram sur
la soumission à l’autorité) ont montré que les principes moraux n’influencent que rarement les
conduites. Les individus sont capables de changer de
principes moraux selon les circonstances et les
contextes. Ainsi, les principes moraux formulés par
les individus ne seraient pas nécessairement assortis
d’actions réalisées conformément à ces principes. De
même, ces principes apparaissent fortement associés
à la culture et donc aux principes moraux et de comportement qui règlent la vie des communautés dans
une certaine société (Tostain, 1999). A la différence
de ces principes moraux personnels, les valeurs apparaissent comme davantage trans-situationnelles, et
seraient assimilables, selon Rokeach et Schwartz (Helkama, 1999) à des buts généraux désirables, qui
orientent les actions et les appréciations dans un
grand nombre de situations de la vie. Les valeurs
seraient donc plus partagées et les principes moraux
plus personnels et relativement intimes. Schwartz
explique « on utilise les valeurs pour caractériser les
individus ou les sociétés, pour suivre le changement
au cours du temps, pour expliquer les motivations de
base qui sous-tendent les attitudes et les comportements » (2006, p. 930). Selon cet auteur, il existerait
dix valeurs de base communes à toutes les cultures,
comme des motivations fondamentales. Certaines
valeurs seraient compatibles, d’autres s’opposeraient.
Les individus et les groupes se distinguent quant à
l’importance qu’ils attribuent à ces différentes va-
leurs. Pour Schwartz, les valeurs ont certaines caractéristiques :
- Il s’agit de croyances associées aux affects.
- Elles renvoient à des objectifs désirables qui motivent l’action
- Elles transcendent les actions et les situations spécifiques
- Elles servent des critères pour évaluer les actions
- Elles sont classées par ordre d’importance les unes
par rapport aux autres
- L’importance relative des multiples valeurs guide
l’action
Les dix valeurs identifiées par Schwartz comme étant
universelles sont :
1. L’autonomie, la centration sur soi (recherche d’indépendance)
2. La stimulation (enthousiasme pour la nouveauté)
3. L’hédonisme (recherche de plaisir)
4. L’accomplissement (recherche de succès personnel
obtenu grâce à la reconnaissance de compétences
reconnues)
5. Le pouvoir (recherche de contrôle, de prestige)
6. La sécurité (recherche de sureté, de stabilité)
7. La conformité (recherche de la modération des
gouts)
8. La tradition (recherche de respect des coutumes,
des idées soutenues par la culture ou la religion)
9. La bienveillance (recherche de préservation et amélioration du bien-être des personnes)
10. L’universalisme (recherche de protection du bienêtre de tous et de la nature)
Les jeunes ont-ils des valeurs différentes des adultes ?
Une étude portant sur les jeunes en France de 18 à
30 ans (Bigot, 2007) met au jour des différences
importantes entre ces populations notamment sur le
plan de l’optimisme à l’égard de la situation économique. Les adultes portent un regard plus défaitiste
sur l’évolution future de leur niveau de vie, les jeunes
croient en un avenir meilleur et sont plus favorables
à la mondialisation que les adultes. Ils sont plus sensibles que les adultes à des questions de société telles
que les problèmes du chômage, de la pauvreté dans
le monde, de l’environnement, de violence et ceux
associés aux tensions internationales. En revanche,
ils sont moins nombreux à penser que la société devrait être réformée (82 % contre 87 % des adultes).
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
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LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
Par ailleurs, certaines valeurs liées au travail semblent
jouer un rôle non négligeable dans l’adaptation à un
emploi (Sortheix, Chow & Salmela-Aro, 2015). Sortheix et al. (2015) distinguent les valeurs intrinsèques
de travail (mobilisant la motivation intrinsèque : utiliser ses compétences, l’auto-direction, le plaisir au
travail…) et les valeurs extrinsèques de travail (mobilisant la motivation intrinsèque : avoir de bons revenus, la sécurité, un emploi stable). La recherche
conduite selon un mode longitudinal auprès de
jeunes adultes, montre qu’avoir des valeurs intrinsèques de travail à 21 ans prédit un sentiment de
meilleure adéquation avec son travail à l’âge de 23
ans. Avoir plutôt des valeurs extrinsèques au travail
à 21 ans est relié positivement au fait d’être au chômage deux ans plus tard. Ainsi, la nature des valeurs
au travail selon qu’elles mobilisent la motivation intrinsèque ou la motivation extrinsèque constitueraient un des soubassements de la réussite de la
transition vers l’emploi. Différentes valeurs guidant
les choix de carrière à l’âge de 21 ans sont liées à
certaines situations deux ans plus tard. Les valeurs
intrinsèques semblent contribuer, selon ces auteurs,
à trouver un emploi qui convienne mieux. Ceci peut
être lié au fait que ces personnes qui ont plutôt des
valeurs intrinsèques s’attacheraient à faire évoluer
leur poste en accord avec leurs valeurs et leurs intérêts. Les auteurs concluent en soulignant que le fait
de parvenir à décrocher un job qui convient serait
sans doute un peu moins lié aux capacités cognitives
et au diplôme obtenu qu’aux valeurs intrinsèques de
travail des jeunes.
Ces différentes approches montrent que la période
de transition est importante pour structurer le rapport au travail des jeunes. Différents processus psychosociaux comme l’identité, les représentations et
les valeurs prennent une place centrale au cours de
cette période notamment parce qu’elle est l’occasion
de se confronter à des situations de travail réel, d’intégrer le monde du travail et de mettre en œuvre des
compétences. Ces situations peuvent imposer des
choix, des prises de décisions qui se basent de plus
en plus sur des critères que les jeunes se construisent
au fil du temps (se basant notamment sur ce qui leur
apparait comme particulièrement crucial dans la société) plutôt que sur des catégories prédéfinies. •
–PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES–
L’ESS est généralement présentée comme un secteur
en tension car les départs à la retraite seront importants au cours des 10 prochaines années. Des jeunes
diplômés pourraient donc y être davantage employés.
Ce secteur s’attache à développer la communication
autour de ses principes et de ses actions. Par exemple,
en Ile de France, le centre de ressources de l’ESS,
l’Atelier, développe des actions visant à favoriser le
développement et la promotion du secteur. L’Atelier
organise des sessions d’échanges de pratiques, sensibilise et guide pour la création de projets et propose
des formations. Il organise également des évènements centrés sur l’information et des forums sur les
emplois dans l’ESS. Dans le contexte économique
actuel plutôt morose, l’ESS se présente comme une
alternative proposant le développement de projets et
d’activités apportant des plus-values sur le plan social
et environnemental, ce qui est potentiellement attractif pour des jeunes en situation d’insertion. Les travaux réalisés sur les transitions de l’école au travail
ont montré que cette période consacrée à l’insertion
est très importante pour la construction de la carrière
10
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
future. Les expériences, les évènements rencontrés,
notamment ceux en lien avec le travail, peuvent
modifier le rapport au travail et induire de nouvelles
perspectives (Heinz, 2002). Les compétences mises
en œuvre, les anticipations qui se dessinent, le fait
de faire preuve ou non d’une certaine proactivité
jouent également sur l’issue de cette transition écoletravail (Philps et al. 2002). Les valeurs et le rapport
au travail, ainsi que la motivation intrinsèque ou extrinsèque pour le travail apparaissent également
comme des déterminants importants pour l’intégration professionnelle et la constitution du soi professionnel (Sortheix, et al. 2015).
Cette recherche constitue une contribution à la compréhension des processus psychosociaux de transition
de jeunes diplômés. L’hypothèse principale est que
ces jeunes souhaitent construire leur vie professionnelle en s’appuyant sur des valeurs qu’on peut qualifier avec Schwartz (2006) de bienveillance et d’universalisme. Une partie de la jeunesse diplômée
pourrait donc définir elle-même ses propres normes
d’insertion professionnelle et refuserait de s’engager
sur des voies toutes tracées. Ces jeunes construisent
leur place dans la société en développant une réflexion approfondie sur eux-mêmes, sur leur environnement et sur le monde en général. Travailler n’est
pas seulement un moyen de gagner sa vie. Il s’agit
de l’expression d’un rapport au monde qui fait prévaloir les valeurs. La transition serait, pour les jeunes,
une période d’affirmation des valeurs, de détermination de sa place dans la société et du rôle qu’ils
veulent jouer à l’avenir. Ainsi, il s’agit d’une part, de
penser que les jeunes élaborent, à partir de leurs
expériences de formation, personnelles, familiales et
professionnelles, une représentation qui s’apparente
à un modèle de vie (Savickas, 2005, Levinson, 1978)
sur lequel prennent appui certaines anticipations de
soi comme citoyen, professionnel, ou tout simplement
jeune adulte en devenir. D’autre part, ils rattachent
cette représentation à un ensemble de valeurs et à
une idéologie humaniste qui sont également en cours
de formation et qui servent peu à peu de guides pour
la mise en œuvre du modèle de vie.
Une autre hypothèse consiste à penser que les expériences professionnelles peuvent notamment
conduire à des modifications des souhaits d’insertion
initiaux (Cohen-Scali, 2010) Les expériences valorisantes et positives dans l’ESS pourront conduire à un
renforcement de la détermination à vouloir s’intégrer
dans ce secteur ou à préciser les modalités. Les expériences dans l’ESS peuvent alors jouer un rôle confirmant ou infirmant les premières pistes qui ont été
dessinées.
Il s’agit donc de cerner ce qui, dans les expériences
variées des jeunes, les conduisent à déterminer un
certain modèle de vie où les idéologies et les valeurs
prennent une place et permettent d’élaborer certaines projections d’avenir. •
–MÉTHODOLOGIE–
Une étude qualitative a été réalisée auprès de 14
jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et souhaitant d’intégrer dans l’ESS.
L’étude par entretiens semi-directifs
Pour construire le guide d’entretien, plusieurs sources
d’informations ont été utilisées. D’une part, certains
thèmes ont été repris de l’étude réalisée auprès des
personnes en transition vers l’ESS. Nous sommes en
effet, dans ces deux cas confrontés à des situations
de personnes qui veulent s’engager dans un secteur
professionnel, l’ESS, avec des niveaux d’information
et de connaissance différents. D’autre part, plusieurs
enquêtes ont été réalisées par notre équipe par le
passé, sur des populations de jeunes en insertion et
nous avons également pris en compte cette expérience passée pour interroger ces jeunes.
Ainsi, le guide utilisé pour réaliser les entretiens comportait les thèmes suivants abordés au cours des
entretiens semi-directifs:
- Le parcours de formation, les expériences de bénévolat et d’emploi ;
- Les représentations du secteur de l’ESS et les motifs
de choix d’insertion dans ce secteur ;
- Les circonstances qui ont conduit à s’engager dans
ce secteur ;
- Les activités et la trajectoire professionnelle future
attendues/espérées.
Les entretiens ont été retranscrits et analysés en utilisant l’analyse de contenu thématique. Au cours de
ce processus, l’ensemble des entretiens ont été réorganisés par thème.
Les participants
Les interviewés ont été recrutés de plusieurs manières
en contactant :
- Des centres de formation et universités qui proposent des formations supérieures en ESS (l’Université de Marne la Vallée, le Cnam, l’Université d’Evry)
ou des stages à thèmes financés par la région (par
exemple « Devenir entrepreneur dans l’ESS » qui s’est
tenu en région Poitou Charentes ).
- Les responsables de l’Atelier2 qui ont accepté que
nous participions à des évènements susceptibles de
rassembler des jeunes à la recherche d’un emploi
dans l’ESS.
- L’Apec qui pouvait nous mettre en contact avec des
jeunes diplômés en recherche d’emploi
Les personnes rencontrées ont 25 ans en moyenne.
Elles sont toutes un diplôme supérieur de niveau
Bac +3 (une seule) à Bac +5, voire davantage pour
certains.
2. Centre de ressources régionales
(Ile de France) de l’ESS, à but non
lucratif.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
11
–1–
LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
L’échantillon rassemble neuf femmes et cinq hommes.
Le principal critère était qu’il s’agisse de jeunes qui
déclarent chercher à s’intégrer professionnellement
dans l’Economie Sociale et Solidaire. Les jeunes
connaissaient le terme mais parfois nous mentionnions la définition du secteur (les organisations le
constituant et les principes revendiqués).
Les entretiens ont eu une durée de 1h30 en moyenne
et se sont déroulés dans des lieux variés : domicile
des interviewés, locaux du Cnam ou cafés. Ils ont été
enregistrés et intégralement retranscrits.
Les profils des personnes interrogées
Au moment de l’enquête, les interviewés sont dans
une variété de situations :
• 4 sont employés dans le secteur de l’ESS
• 3 suivent une formation supérieure en alternance
dans l’ESS
• 1 est employé hors de l’ESS
• 1 est dans une formation en alternance hors ESS
• 5 sont en recherche d’emploi et ne travaillent pas
• 8 personnes travaillent dont 6 sont en recherche
d’emploi.
La moitié des personnes ont fait un Bac ES. La population est donc composée d’un grand nombre de
personnes sensibilisées aux questions économiques.
La plupart des personnes interrogées ont un parcours
jusqu’en Licence dans le même domaine et ont ensuite changé d’orientation.
Les diplômes de licence 3 ont été obtenus dans les
filières suivantes :
12
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
- Le commerce (3), la gestion (2), le droit (2), l’économie, la communication, les lettres, la géographie, la
sociologie et les sciences politiques.
Ensuite les masters réalisés ou en cours concernent :
- Le management des projets dans l’Economie Sociale
et Solidaire (5), le marketing (2), l’administration des
territoires, la finance, les sciences politiques, le commerce, les politiques culturelles, l’ingénierie. Une
personne n’a pas de master.
On observe deux grands ensembles de types de projets d’insertion : 7 jeunes ont un projet de création
de structures ou d’entreprises dans l’ESS, à moyen
terme et 7 envisagent de travailler comme salariés.
Le traitement des données
Les trois entretiens les plus longs ont été utilisés pour
identifier les thèmes principaux, les sous- thèmes évoqués par la population. La grille d’analyse thématique élaborée est présentée en annexe. Ensuite tous
les entretiens ont été analysés à partir de cette trame.
Dans un deuxième temps, nous avons procédé à
l’analyse transversale des entretiens sur laquelle sont
basés les résultats présentés dans ce document. Enfin, une analyse individuelle, des profils a été réalisée
et a permis d’aboutir à une typologie.
Les résultats sont présentés de manière chronologique en 6 points : le parcours passé, les représentations de l’ESS, les sources de l’intérêt pour l’ESS, les
types d’intérêts professionnels pour l’ESS, l’insertion
professionnelle envisagée et les projets et conceptions de l’engagement futur dans l’ESS. •
–LES PRINCIPAUX
RÉSULTATS –
–2–
14
17
20
24
28
30
40
Le parcours antérieur
Les représentations du secteur de l’ESS
Les sources de l’intérêt porté à l’ESS
Les intérêts professionnels des jeunes et les rapports à l’ESS
L’insertion professionnelle dans l’ESS
L’avenir professionnel
Conclusion
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
13
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
–LE PARCOURS ANTÉRIEUR–
Les jeunes interrogés ont acquis une formation dans
l’enseignement supérieur. Ils ont suivi des filières
variées. Ils n’ont pas nécessairement de formation
dans le secteur de l’ESS. Nombre d’entre eux sont
passés par l’économie, les relations internationales
ou les sciences politiques qui sont des filières proposant parfois des enseignements pouvant être associés
à l’ESS. Leur parcours passé comprend des expériences nombreuses et variées dont certaines à
l’étranger.
–
DES FORMATIONS SUPÉRIEURES, UN GOUT
POUR LE SAVOIR, UNE FORTE IMPLICATION
–
Toutes les personnes interrogées ont un master 2,
sauf une jeune femme qui a une licence.
Les spécialités jusqu’au master 2 sont le commerce
(3 personnes en école de commerce), la gestion/
management (3 personnes), les relations internationales (1 personne), les sciences politiques (2 personnes), les lettres et langues (2 personnes), 2 suivent
un master ESS. Une personne a suivi une licence
droit/gestion. Par ailleurs, dans l’ensemble, 7 personnes ont suivi ou suivent une formation dans le
domaine de l’ESS (premier ou second master ou formation continue).
Les personnes interrogées ont le sentiment d’avoir été
de bons élèves, relativement sérieux et plutôt
brillants. Elles rapportent leur bon niveau scolaire, un
goût pour le savoir, une curiosité du monde qui les
entoure, ou des interrogations auxquelles elles essaient de répondre en poursuivant des études.
« J’étais bonne élève et je voulais faire un métier qui
me permettrait de voyager, puis j’ai une sensibilité à
tout ce qui est solidarité depuis que je suis assez petite
en fait ! » Line
« Moi j’étais très bonne élève donc on m’a logiquement
orientée ou poussée vers une Prépa. Dans cette Prépa,
je suis allée en école de commerce parce que c’était la
voie royale. » Charlotte
« Je passe un bac théâtre, je fais deux ans en hypokhâgne et khâgne pour avoir une culture générale et
une compréhension plus rapide des enjeux actuels, et
j’intègre des écoles de théâtre. » Bella
14
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Les jeunes interviewés ont fait des études, le plus
souvent par intérêt pour leur contenu et moins avec
une perspective d’insertion et de professionnalisation.
Certains recherchent une stimulation intellectuelle :
« En fait, j’ai vraiment un besoin d’être stimulé en
permanence et la Prépa est un endroit où je pourrais
me stimuler, me faire plaisir, en terme d’ouverture
culturelle, d’apprentissage, d’intensité, la densité des
choses à apprendre, c’est plutôt intéressant quoi. »
Moktar
D’autres cherchent à comprendre le monde qui les
entoure sans perspective professionnelle claire.
« En m’engouffrant dans les sciences politiques, j’avais
juste un peu soif de connaissance ou d’autres choses,
d’analyse, de faire des dissertations et tout… Mais pas
de métier précis quoi… J’ai toujours eu la fonction
publique en tête, mais sur le plan de la sécurité que
ça pouvait offrir, même si c’est de moins en moins le
cas… Et puis ça pouvait être aussi stimulant sur le
plan intellectuel de participer aux politiques publiques. » Solal
Les études peuvent aussi contribuer à développer la
culture générale. Cet intérêt profond pour les activités culturelles est présent par exemple chez Clara.
« En lettres, c’était juste des études de goût plus
qu’autre chose. Moi, j’aime la littérature, le cinéma
tout ça. Et puis je me suis dit que je trouverai quelque
chose mais… Je n’ai pas du tout réfléchi en terme
d’emploi. C’est épouvantable ! Enfin c’est complètement aberrant, c’est vrai quand j’étais dans les études,
j’étais super investie, j’adorais ça. Jusque-là j’avais des
bonnes notes mais finalement ! Je ne sais pas trop
quoi, parce que j’aimais bien ! Mais j’ai besoin du
concret ! » Clara
Les jeunes de l’échantillon interrogé ont un rapport
singulier aux études : ils ont, d’une façon générale,
plutôt assez bien réussi leurs études secondaires et
supérieures et cherchaient à se cultiver, à apprendre
avant tout. La question de la professionnalisation, de
l’insertion professionnelle n’est apparue que dans un
second temps, pour la plupart d’entre eux.
Certains, comme Solal, ont même choisi de privilégier
leur vie personnelle et sociale plutôt que de s’orienter
dans des filières prestigieuses
« Le conseil de classe me conseillait d’aller en prépa :
soit Sciences Po, soit… Khâgne et tout ça… Et je voulais pas faire de prépa. Parce que je m’étais renseigné
un peu et faire du 40h de cours, bosser comme un
malade dans une chambre et tout, jamais pouvoir
faire la fête avec les copains, c’était hors de question. »
Solal
En plus de leur scolarité plutôt réussie, ces jeunes ont
cherché à vivre des expériences à l’étranger.
–
SE FORMER À L’ÉTRANGER : UNE
STRATÉGIE LARGEMENT PARTAGÉE
–
Parmi les 14 jeunes interrogés, 11 ont fait une partie
de leur formation à l’étranger. Il peut s’agir d’une
formation intégrée dans le cursus, d’échanges Erasmus, d’expériences de petits boulots en vue d’apprendre des langues. Ces formations ont eu des durées assez longues, 6 mois en moyenne, parfois une
année.
Il est possible de rassembler ces expériences en trois
grands ensembles :
Les expériences de développement de projets dans des pays en développement (6
jeunes)
Les jeunes qui ont fait une école de commerce ou
Sciences Po ont effectué des missions dans des pays
en développement comme l’Afrique du Sud, l’Inde, le
Sénégal. Il s’agissait pour eux de travailler dans des
ONG, pour le développement de missions. Cela a été
le cas des expériences rencontrées par Louise et Charlotte.
« J’arrive par un tour de force, encore une fois, à faire
une césure. Je dis : je pars six mois en Inde en ONG.
C’est ce que je veux. Je veux partir en Inde, je veux
faire un projet qui a du sens pour moi. Je monnaie un
peu tout ça, six mois en Inde en volontariat contre six
mois chez Dior ! Rien à voir mais pour l’école de commerce, ils sont contents, mes parents ils sont contents,
voilà ! Mais Il a fallu forcer. » Louise
« Donc en fait mes stages ils ont été surtout dans le
culturel ou la coopération internationale notamment
une année de césure au Sénégal, où j’ai travaillé pour
l’Institut français. Je ne sais pas si vous voyez qu’est-ce
que c’est, c’est l’équivalence d’un centre culturel et
d’un centre de formation à l’étranger, à Dakar; et puis
pour l’UNICEF, donc c’est là où je me suis posée les
premières questions. » Charlotte
Les formations visant le perfectionnement
linguistique (5 jeunes)
Plusieurs jeunes ont eu l’opportunité de rejoindre des
programmes Erasmus ou des programmes d’échanges
existant dans leur université ;
Jeanne a ainsi pu aller une année en Australie suivre
une licence de gestion et droit
« On était quand même inscrit en fac en France, on
est à l’université de Chambéry. Donc si on validait
tout à l’étranger, on obtenait la licence française.
Après, en fonction des accords avec les universités
étrangères, on obtenait ou pas de diplôme à l’étranger, moi je suis partie en Australie, j’ai tout eu. »
Jeanne
Anne a vécu une année aux Etats Unis comme fille
au pair.
Joris a passé 7 mois au Mexique : « J’ai choisi le
Mexique parce que je voulais un pays hispanophone
mais pas l’Espagne. Je voulais voir si j’étais capable
de partir un peu plus loin, me tester un petit peu, voir
si j’étais capable de tenir le coup en partant une
bonne durée, loin de la France, loin de mes amis, et …
Me refaire une vie. Ça a marché. » Joris
Clara s’est rendue en Irlande afin d’allier le développement de ses compétences linguistiques et son gout
pour la musique irlandaise. Elle a travaillé dans des
bars et pour des festivals de musique.
« Ensuite je suis partie à étranger, je suis partie en
Irlande pour six mois, pour partir, pour apprendre
l’anglais. J’aime bien bouger, donc Dublin ce n’est pas
très loin et ça fait du bien. J’ai validé mon Master. Je
suis partie comme ça donc je travaillais en tant que
serveuse dans des bars, comme ça.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
15
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
Ce que font les français là-bas ? Ils servent dans les
bars. Là aussi je ne voulais pas lâcher le milieu musical donc je me suis rapprochée de l’Alliance française
pour travailler sur le festival de « Let´s french », la
musique française à Dublin, voilà donc toujours en
tant que bénévole. Donc je suis restée six mois, après,
j’ai voulu rechanger donc je suis partie sur l’île de la
Réunion. » Clara
Séjour à l’étranger en vue de se former (2
personnes)
Sofia et Bernard originaires de pays africains ont,
tous deux, été sélectionnés pour effectuer des formations courtes en France dans le secteur de l’ESS dans
le cadre d’un programme soutenu par l’association
pour la francophonie. Ces formations leur ont permis
de développer un réseau relationnel étendu à un
ensemble de participants francophones issus de nombreux pays.
Ces expériences à l’étranger ont été perçues comme
particulièrement formatrices, souvent intéressantes.
Elles ont constitué des mises à l’épreuve, des tentatives « pour voir si on est capable » et ont permis des
rencontres avec des cultures éloignées de la leur.
–
DES PARCOURS DE RUPTURE AVEC LES
ATTENTES DE L’ENVIRONNEMENT
–
L’analyse des parcours de formation permet de mettre
au jour une caractéristique assez commune : leur forte
détermination à construire par eux-mêmes leur vie et
leur carrière. Cela apparait dans les choix de formation
ou dans la volonté exprimée parfois de faire ses
propres expériences pour se faire son idée.
Les quatre portraits suivants illustrent des parcours
assez variés mais qui se caractérisent par un rejet de
tout engagement précoce dans un modèle ou une trajectoire toute tracée. Cette tendance se retrouve de
manière assez systématique et à des degrés divers chez
les personnes interrogées.
Bernard : saisir les opportunités de formation pour développer un projet
Bernard est né en Afrique de l’Ouest. Son père est gendarme et sa mère a ouvert sa boulangerie. Après des
études supérieures en comptabilité, il est sélectionné
pour participer à un programme de formation « Campus coopératif » dans la région du Poitou dans le domaine de l’entreprenariat social, le sensibilisant à l’ESS.
Son père est opposé à ses projets de s’impliquer dans
16
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
le monde associatif et à son départ en France pour
suivre la formation. Bernard s’estime en rupture avec
ses parents. En rentrant de France, il crée une association pour les jeunes, dont le but est de sensibiliser les
jeunes au développement d’activités sociales et plus
particulièrement à l’entrepreneuriat social. Il retourne
ensuite dans le nord-est de la France pour entreprendre
un master en ingénierie de l’ESS. Il veut désormais
trouver des financements pour développer son association afin qu’elle soit solide et puisse l’employer comme
salarié.
Bella : le théâtre à tout prix
Depuis l’âge de 8 ans, Bella sait qu’elle veut être comédienne. Elle fait un Bac théâtre, étudie le russe pour «
pouvoir lire les dramaturges russes dans le texte ».
Après avoir suivi les classes préparatoires littéraires,
elle enchaine sur des études de théâtre. Après avoir
joué dans différentes troupes comme amateur, elle
obtient son premier emploi comme comédienne en
2009. Elle décide ensuite de monter sa compagnie.
Mais elle rencontre des difficultés importantes pour
vivre de son art. Elle estime avoir rencontré beaucoup
de problèmes relationnels dans le théâtre, des déceptions, des problèmes d’argent, de la souffrance. Elle est
au RSA tout en gérant son association de théâtre. C’est
pour continuer à faire fonctionner son association
qu’elle entreprend une formation dans le domaine de
la gestion des associations. A cette occasion, elle découvre ce qu’est l’ESS. Son projet est de créer une coopérative pour mutualiser la gestion des compagnies de
théâtre.
Moktar : pas question de travailler dans des
entreprises classiques
Après un Bac ES, Moktar entre en prépa et fait une
école de commerce. Il estime avoir fait ce choix par
défaut car il a toujours été intéressé par l’action sociale. Il choisit le parcours finance. Pendant son année
de césure, il fait des stages dans le domaine de la fusion-acquisition, le contrôle de gestion international et
le conseil en croissance externe aux entreprises. Mais
cela ne correspond pas du tout à ses intérêts profonds.
Il obtient un CDD dans ce secteur. Les rémunérations
sont élevées. A la fin de son CDD, l’entreprise lui propose un CDI mais il le refuse car il veut engager une
rupture, changer d’orientation et utiliser ses connaissances en gestion financière plutôt dans le domaine
de la finance solidaire. Il cherche alors un emploi et se
rend compte qu’il n’est pas si facile d’en trouver un
dans un secteur, l’ESS, dans lequel il estime qu’il est
difficile d’accéder aux offres d’emploi.
Plusieurs jeunes expriment une certaine méfiance à
l’égard de l’entreprise marchande, qu’ils perçoivent
comme parfois davantage préoccupée par le profit financier des actionnaires que par le bien être de la
population et de la société.
Cathy : ne pas être prof
Cathy entreprend des études de Lettres Modernes
après un Bac scientifique. Lors de la première année
de master, elle a l’occasion de partir en Angleterre
avec le programme Erasmus pendant 6 mois. A son
retour, elle suit un master 2 LEA intitulé gestion de
projet et développement durable. Après son master,
elle fait un stage dans une collectivité territoriale de
province, puis est employée en CDD de trois mois sur
la gestion de réseaux dans le développement durable,
puis elle obtient un contrat dans une entreprise de
conseil en gestion de déchets en province. Sans emploi, après ce contrat, elle contacte Pôle emploi qui
lui propose un poste de professeure de lycée en français et latin. Cette option n’a jamais été envisagée
car elle n’a jamais voulu s’engager dans l’enseignement même si sa formation l’y oriente. Elle se voit
néanmoins contrainte d’accepter ce poste pour avoir
un salaire. Après 2 ans de travail comme enseignante
de français et latin en lycée, un nouveau contrat de
travail comme enseignante lui est proposé mais elle
ne donne pas suite. Elle ne veut pas s’engager davantage dans un métier qui ne lui plait pas. Elle déménage alors pour Paris avec l’espoir de trouver un
emploi dans l’ESS et pour être avec son compagnon.
Malgré ses difficultés financières, elle essaie de résister aux appels de l’Education nationale.
Ces exemples nous semblent montrer que les jeunes
perçoivent le travail avant tout comme source d’épanouissement, de réalisation de soi ayant une finalité
sociale. Ils privilégient les chemins plus difficiles de
la construction de soi plutôt que d’accepter des solutions certes plus confortables mais aussi plus éloignées de leur motivation essentielle. La période de
fin de formation est aussi celle des essais et erreurs,
des tests de ses intérêts et de ses projets, associés
éventuellement à des conflits avec leur environnement familial.
Les parcours de formation semblent avoir été guidés
par une volonté d’apprendre et de comprendre son
environnement et la société avant tout. Les jeunes
témoignent d’un gout pour le savoir et une forte
curiosité intellectuelle. Ils ont acquis une formation
de niveau élevé, avec parfois une certaine polyvalence. L’intérêt pour se former dans l’ESS n’est pas
toujours venu d’emblée mais s’est construit au fil des
expériences et se manifeste parfois par un second
master ou une spécialisation. Une partie de ces
jeunes se sont formés à l’étranger, ce qui témoigne
de leur ouverture culturelle et souvent de leur maitrise de plusieurs langues vivantes. Par ailleurs, au
cours de leur parcours, ces jeunes ont souvent exprimé des choix différents de ceux qui étaient attendus d’eux et les ont assumés, même si ces attitudes
ont induit des conflits familiaux. •
–LES REPRÉSENTATIONS DU SECTEUR DE L’ESS–
Cinq grands thèmes apparaissent chez les personnes
interrogées quand on leur demande ce qu’est l’ESS.
–
LE DÉVELOPPEMENT D’ACTIVITÉS
D’INTÉRÊT GÉNÉRAL (7 PERSONNES)
–
Ce thème général est assez globalement partagé.
L’idée est que l’ESS regroupe des activités et des structures visant l’intérêt commun.
Pour Solal, son implication dans l’ESS compense
l’absence de perspectives associée aux partis politiques. Pour lui, l’ESS représente un projet de société
qui peut faire évoluer la société, à l’heure où les partis politiques s’avèrent incapables de proposer un
projet mobilisateur.
« Mais les partis politiques me gênent énormément en
fait parce qu’ils sont un petit peu dans l’impasse au
niveau de l’action et ils ont du mal à résoudre les
problèmes. Ils sont éloignés des gens, etc. Donc je
crois plutôt en la société civile. Et ça rejoint le secteur
de l’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire des gens
qui se prennent en main, qui décident de s’associer,
qui sont mis en relation, et qui construisent leur intérêt commun quoi, voilà… Et de manière alternative si
possible. C’est comme ça que je vois l’ESS. » Stéphane
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
17
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
Pour Clara, l’activité d’une structure est plus importante que son statut pour dire qu’elle appartient ou
non à l’ESS. Le plus déterminant est l’objet de la structure.
« Et l’économie solidaire, pour moi c’est les structures
dont l’objet est l’intérêt général, pas forcément l’ESS.
Enfin, les deux ne sont pas forcément compatibles en
fait. S’il y a les deux, par exemple, si c’est une association et je ne sais pas quoi comme population, qui crée
la musique pour tous. Là ça fait partie de l’ESS. Ensuite, l’exemple type des associations, ce sont des
clubs privés, de je ne sais quelle entreprise, d’accord
ils sont sous le statut associatif mais leur objet n’a
rien à voir avec l’intérêt général. » Clara
Pour Line qui a une certaine expérience des activités
et structures de l’ESS, ce qui compte avant tout c’est
que l’activité concerne le plus grand nombre de personnes et vise à améliorer le bien-être sans nuire à
quiconque.
« Je vais vous décrire mon ESS idéale et ce n’est pas
comme ça que ça se passe. Moi vraiment, j’inclus dans
le secteur de l’ESS tout ce qui participe à la transformation de la société, vers une société où le maximum
de gens soient concernés, où pour faire notre bien à
nous ce n’est pas faire le mal à l’autre quoi. Alors ce
n’est pas du tout précis comme définition mais en tout
cas on va sur des gains collectifs plus grands. » Line
–
LE SOIN À AUTRUI, LES ACTIONS
SOLIDAIRES (4 PERSONNES)
–
D’autres personnes précisent davantage la nature
des activités qui peuvent se prévaloir d’être dans
l’ESS. Ces activités sont centrées sur le soin à autrui
et le développement de l’entraide.
« Après, si on élargit au monde de l’associatif, au
milieu associatif en général, je trouve que c’est une
très bonne chose que ça existe. C’est indispensable
qu’il y ait des personnes qui donnent de leur temps et
de leur argent pour prendre soin de ceux qui a priori
sont les plus démunis ou, en tout cas, plus défavorisés… ou moins avantagés que la moyenne d’une société. C’est vraiment le point de base. » Joris
18
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Relier les individus entre eux, reconstruire des liens
sociaux, l’ESS est surtout conçue de par sa finalité
sociale, comme pour Moktar par exemple.
« Pour moi, je définis beaucoup par le dernier mot
«solidaire» plus qu’avec le mot social. En plus ce mot
pour moi c’est un mouvement qui remet le lien entre
les gens. N’oubliez pas en fait, que la valeur principale
quand même c’est l’humain et de recréer des liens
entre les gens, c’est vraiment ça que je perçois. Donc
il y a cet aspect-là dans cette perspective là c’est la
proximité avec les gens mais aussi le territoire. Je
pense que les choses se développent aussi dans le
territoire, dans un espace donné. C’est vraiment important de le prendre en compte. Oui c’est aussi une valeur quelque part. C’est un peu quelque chose où je
me retrouve et c’est l’union, on fait passer le solidaire
avant les intérêts propres, personnels même si c’est ça
qui stimule les choses. Mais la valeur ici c’est la solidarité pour moi et créer les liens. Ce n’est pas une
définition exacte de ce qu’est l’ESS mais c’est ce que
je perçois. » Moktar
–
LA PRODUCTION D’ACTIVITÉS QUI NE
SOIENT PAS PRIORITAIREMENT CENTRÉES
SUR LE PROFIT FINANCIER (4 PERSONNES)
–
Un certain nombre de personnes considèrent comme
une caractéristique essentielle de l’ESS le fait que les
activités ne visent pas l’accroissement du profit économique, à l’image de Patrick ou de Louise.
« Je pense que pour être dans l’ESS, il faut briser l’espèce de pacte capitaliste qui veut en fait que le rôle
de l’entreprise est de faire des résultats en vue de repartir des bénéfices entre les actionnaires. Je crois que
c’est ça qui est le nerf de la guerre. » Patrick
Louise souligne l’importance de consacrer du temps
aux activités.
« Ce que je trouve dans l’ESS aussi c’est qu’il n’y a pas
que l’argent, il y a le temps et pour moi le temps c’est
la valeur qui me parle. Voilà, j’y mets beaucoup plus
de valeur. » Louise
Pour Bella, une organisation de l’ESS ne vise pas à
enrichir ses membres.
« Les valeurs que je mettrais dans l’ESS… Il y en a
plusieurs, mais celles qui, à mon avis regroupent les
trois: associations, coopératives, mutuelles, c’est plutôt
la non-lucrativité. C’est à dire que les trois organisations ne vont pas chercher un enrichissement de ses
membres, mais toujours à être au service, soit de l’intérêt général, soit de l’intérêt de ses membres mais en
tous cas ont une utilité sociale, et dans les trois structures, l’argent va être là au service du projet, et non
jamais... le projet ne sera jamais là pour enrichir le
capital. Donc on peut voir la différence entre une coopérative, qui est une SARL, et une SARL classique.
Pour moi, c’est ça qui va faire la ligne de frontière.
L’association de fait, dans ses statuts, ce sont des
bénévoles à la base, donc il n’y a pas d’enrichissement
forcément, mais ce qui ne veut pas dire que l’activité
qu’ils vont développer se sera pas une activité rentable, ne sera pas une activité qui peut dégager des
chiffres d’affaire astronomiques. Ce n’est pas ça...
Mais c’est que l’objectif à l’intérieur ne sera jamais
l’enrichissement des membres. » Bella
Concernant la question de la lucrativité des activités
du secteur, tous s’entendent pour affirmer que cette
dimension n’est pas prioritaire. Toutefois certains
jeunes pensent que le profit doit être totalement
absent et d’autres estiment que les activités de l’ESS
doivent générer des bénéfices pour être durables.
« Il y a quand même quelque chose qui a trait aux
valeurs j’ai l’impression qu’on le retrouve plus dans
l’ESS, voilà, que dans les entreprises traditionnelles,
sans être complètement idéaliste non plus, parce que
la rentabilité fait aussi partie aussi de l’ESS, ce n’est
pas le pré carré de l’économie traditionnelle. » Clara
Pour Charlotte, le principe de non lucrativité ne signifie pas que les activités ne sont pas rentables.
« On ne prend plus en compte seulement l’efficacité
économique qui est nécessaire à mon avis, et qui est
à la base de tout. Mais on va aussi prendre en compte
tout ce qui se passe autour. Et moi je crois personnellement et profondément, contrairement à beaucoup
de gens aujourd’hui dans l’ESS, que l’ESS peut être
faire gagner de l’argent ! Bon! Je ne vous dis ça qu’à
vous mais ... Et il y a mes études en école de commerce
qui me permettent de voir les choses comme cela
aussi. » Charlotte
–
LA RÉALISATION D’ACTIVITÉS DANS UN
CADRE DÉMOCRATIQUE (3 PERSONNES)
–
Le management et l’organisation des prises de décisions des structures de l’ESS doivent, pour les personnes interrogées, se conformer aux principes de
démocratie affichés par le secteur. Il est attendu que
les organisations s’appliquent à elles-mêmes un fonctionnement participatif, respectueux des points de
vue individuels, des rythmes et des modes de vie de
chacun des salariés.
« Et puis l’idée que les gens qui font partie des entreprises de l’ESS, font partie de la gouvernance. Ce qui
n’est pas autant le cas dans les entreprises d’économie
traditionnelle. C’est ça aussi, il y a un côté un peu...,
«je suis encore moi». Je suis quand même moi-même
quand je suis au travail. C’est caricatural mais quand
même, je trouve que ça..., je trouve qu’il y a quelque
chose avec ça quoi, le fait qu’il y a un certain nombre
de valeurs autour de l’humain, autour de ... Etre une
part de la société dans laquelle on travaille, le fait que
la voix d’une personne compte. Dans les SCOP, je crois,
chaque membre, chaque salarié a une voix au Conseil
en fait. Il ne détient peut-être juste qu’un pour cent de
la société mais il va avoir une voix, en principe, équivalent à celui qui détient 20 %. » Cathy
« L’autre chose qui pour moi est très importante et qui
du coup pose question dans les compagnies de
théâtre, c’est la démocratie. Pour moi, ces entreprises
elles sont toutes démocratiques. Et elles permettent
également d’expérimenter le fait d’être démocratique. » Bella
–
LA PRODUCTION D’INNOVATIONS
(2 PERSONNES)
–
La nature des activités doit également être tournée
vers l’innovation sociale qui correspond à des activités visant à faire évoluer certains aspects sociaux et
relationnels de la société.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
19
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
« J’aimerais bien qu’on garde un peu la notion d’innovation sociale, je ne suis pas tout le temps à dire que
ce n’est pas bien comme les maisons de retraite, mais
pour moi ce n’est pas innovant! Mais l’ESS a quand
même une connotation d’innovation. Voilà une nouvelle manière de répondre à des besoins qui existaient
depuis longtemps, autrement. » Line
–
LE SENS DU TRAVAIL
–
Dernier point mentionné : travailler dans l’ESS, c’est
avoir une activité qui a du sens, ce qui passe par le
fait de connaitre la finalité de son travail et d’y adhérer.
« Lorsqu’on regarde ce que veulent faire les étudiants,
le désir d’un certain nombre de jeunes diplômés maintenant, ce critère là permet de réunir tous ces désirs
que j’avais aussi et qui est partagé, on veut un tout
autre but dans notre activité professionnelle, des structures qui ont un autre but. Voilà, que ça ait du sens
par rapport à ces valeurs-là, qui sont quand même
assez présentes je crois, c’est partagé. » Anne
Les attentes sont fortes à l’égard des structures ESS.
Les jeunes perçoivent ce secteur comme rassemblant
des structures vertueuses à plusieurs points de vue :
un management démocratique et humain, des activités visant le bien commun sans profit économique
nécessaire, permettant d’aider les individus et les
groupes fragiles, reconstruisant du lien social. Ce sont
aussi des structures où il fait bon travailler, où l’on
sait pourquoi on est là et à quoi sert le travail accompli.
Les jeunes interrogés aspirent à effectuer un travail
qui a du sens, qui leur permet d’avoir un rôle dans
une société, d’être acteur de leur carrière et non de
la subir en étant ballotés de contrat en contrat. •
–LES SOURCES DE L’INTÉRÊT PORTÉ À L’ESS–
–
LE RÔLE DE LA SOCIALISATION FAMILIALE
–
chez les jeunes qui ont rapidement souhaité participer à ces activités. Elles sont associées à des voyages
auxquels ont pu participer les jeunes.
La moitié des jeunes interrogés (7 jeunes sur 14) estiment que leurs parents ont joué un rôle direct ou
indirect dans leur intérêt puis leur engagement dans
des activités associatives. Ces influences prennent
des formes différentes. L’idée que les parents ont
contribué à développer l’intérêt pour les pays étrangers et les cultures différentes est présente chez plusieurs personnes dont les parents ont voyagé.
« Puis j’ai une sensibilité à tout ce qui est solidarité
depuis que je suis assez petite en fait ! Parce que j’ai
pas mal voyagé avec mes parents, pas dans les pays
très lointains, et que mes deux grandes sœurs, dont
une qui voyageait en Afrique assez régulièrement, qui
m’en ont parlé beaucoup. Maintenant c’est complètement dépassé mais mes parents ont parrainé une
petite nigérienne, vous savez à cette époque-là c’était…
Maintenant on n’est plus du tout là-dedans mais…
Après tout ça, ma mère est fille de militaire donc c’est
à l’opposé de ça, mais elle a vécu en Afrique, aux
Antilles etc. En tout cas, j’ai le goût du voyage, puis
j’avais de grands espoirs de partir pour pouvoir changer des choses. » Line
« C’était les préoccupations existentielles en fait finalement. Je pense qu’il y a quelque chose qui a été
transmis par ma famille, parce que j’ai eu des
membres de ma famille qui avaient voyagé, qui ont
été dans des projets d’ONG internationales. Mon père
qui voyageait beaucoup aussi… vraiment, j’étais
consciente assez jeune d’être prise dans un monde qui
avait dépassé la France, qu’il y avait d’autres pays et
qu’il y avait des relations entre ces pays. » Anne
Certains parents étaient engagés dans des ONG,
dans des activités de développement des pays éloignés. Ces préoccupations ont joué un rôle important
20
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Dans d’autres cas, l’engagement profond d’un
membre de la famille dans une activité professionnelle dans le social, ou le soin suscite chez le jeune,
une certaine admiration et évoque une sorte de
modèle de conduite à suivre pour le jeune. C’est aussi
au cours d’échanges dans le cadre familial que des
informations importantes sur le travail et son
contexte sont transférées au jeune. Joris parle de sa
mère infirmière qui travaille en maison de retraite
comme d’un modèle moral et professionnel. Elle a
contribué à susciter un intérêt de Joris pour l’aide aux
personnes affaiblies, comme les enfants malades et
les personnes âgées. Joris a d’ailleurs travaillé comme
aide-soignant dans une maison de retraite, expérience qui l’a profondément ému.
« Ça ne m’étonnerait pas que ça ait un lien [avec mon
parcours]. Si je devais placer l’un de mes deux parents
sur un podium, je placerais ma mère sur la première
marche pour plein de raisons mais qui sont personnelles, parce que j’ai plus de respect et plus d’admiration pour elle. Peut-être que ça a un lien. C’est vrai, j’y
ai jamais pensé à ça. [On parlait de son travail à la
maison], pas dans le détail non plus parce qu’elle
avait le secret médical à respecter. Donc, elle rentrait
[et] elle en parlait… Oui, tout le temps… Tous les soirs,
elle racontait un petit peu comme tout le monde quoi.
Elle racontait sa journée, mon père racontait sa journée. Moi, je racontais la mienne. Et puis voilà. Et on
en discutait. » Joris
L’intérêt pour l’ESS est également apparu chez des
jeunes dont les parents ont un engagement religieux
associé à des activités caritatives. C’est le cas de
Moktar dont les parents sont engagés dans des associations catholiques et qui a hérité de certaines valeurs de solidarité.
« [J’ai une famille] un peu militant[e] au quotidien …
Une vraie ouverture là-dessus qui m’avait donné cette
sensibilité, au social en tant que tel, je ne me sens pas
chrétien mais là-dedans il y a des valeurs auxquelles
j’adhère totalement, justement le partage, etc., et
dans lequel j’étais baigné depuis que j’étais tout petit,
d’autant plus que j’ai été adopté assez tard, donc ça
donnait tout un contexte autour de ça, des valeurs
desquelles je peux me rapprocher, c’est donc ça. »
Moktar
Cathy découvre l’ESS lors de son séjour sur un campus
universitaire en Angleterre lors d’un séjour Erasmus.
« Je rencontrais des gens qui faisaient différentes
choses et on discutait pas mal. En fait, je me suis
rendu compte que ce sont des choses qui me tenaient
à cœur! Améliorer les modes de vie, voilà, il y avait de
beaux projets... enfin il y avait ce côté d’utilité publique qui était intéressant aussi. » Cathy
–
LA PARTICIPATION À DES ACTIVITÉS DANS
LES SECTEURS DE L’ESS
–
L’intérêt pour l’ESS se traduit avant tout par des engagements bénévoles qui sont assez partagés par la
population des jeunes interrogés puisque 10 jeunes
ont eu des expériences bénévoles dans l’ESS. Ces
activités peuvent avoir été développées dans trois
types de contextes : le contexte de la formation, celui
d’une création de structure, ou encore celui d’une
intervention en tant que membre d’une association.
De plus, certains jeunes ont également travaillé dans
l’ESS.
Participer à une activité associative
Quatre jeunes déclarent être ou avoir été membres
d’associations.
Patrick faisait partie d’une association dans son lycée, puis a été réserviste pour l’armée. Sofia participe
à des actions de lutte contre le décrochage scolaire
dans une association, dans son pays le Maroc. Cathy
adhère à une association de promotion de la bicyclette en ville et ne circule qu’en vélo. Joris commence
par tester son intérêt pour l’ESS en intervenant dans
une association d’enfants malades.
« Et donc, j’ai commencé, en Master, par travailler
dans une association… Enfin, par faire du bénévolat
dans une association qui s’occupait des enfants malades à l’hôpital Necker. C’était pas exactement ce que
je recherchais. J’étais un petit peu déçu, finalement de
cette expérience. Mais ça m’a quand même donné
envie de continuer à essayer d’intégrer le monde de
l’associatif et de l’économie sociale et solidaire. » Joris
Se former dans une association
Trois jeunes qui ont fait une formation en école de
commerce sont intervenus dans des ONG à l’étranger
dans le cadre de leur année de césure. Charlotte est
allée au Sénégal, à l’institut Français où elle devait
travailler avec des ONG locales pour développer des
projets avec les écoles de la ville.
Louise, tout comme Moktar, est allée en Inde pendant
son année de césure. Ce choix n’était pas approuvé
par les parents qui auraient préféré qu’elle intègre
une grande entreprise dans le luxe. Pour Louise, cette
expérience a été particulièrement enrichissante et lui
a permis de confirmer son intérêt pour ce secteur.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
21
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
« Il s’agissait d’aider des ONG locales dans le sud de
l’Inde. C’est un projet de développement, on aura aidé
à trouver des fonds étrangers mais aussi à définir la
méthodologie du projet. Je touchais à tout, je me retrouvais dans une équipe multidisciplinaire. Je me suis
retrouvée avec 5 ONG différentes donc 5 manières de
travailler différentes, en milieu rural, en milieu urbain,
etc. Ça m’a beaucoup marqué, ça m’a absolument
enchanté […] : je me levais le matin, j’étais ravie de
faire ce que j’avais à faire, j’étais payée zéro euro mais
j’étais très contente d’avoir cette liberté d’action, de
sentir que tout ce que je faisais servait aux gens d’une
manière ou d’une autre, même si ce n’est pas si direct
mais bon! Moi je levais des fonds mais je ne soignais
personne, je n’avais pas de maison, j’avais quand
même une fonction support quoi qu’il arrive, mais
sentir que la finalité qui était là et ça, ça me plaisait. »
Louise
Pour ces jeunes d’école de commerce, ces choix sont
plutôt marginaux dans les promotions. Il s’agit donc
de décisions murement réfléchies correspondant à
une volonté délibérée d’orienter sa trajectoire professionnelle vers l’ESS.
Enfin, une option un peu différente évoquée a
consisté à partir comme volontaire internationale.
C’est ce qu’a fait Line, après un master à Sciences Po.
Elle est partie comme volontaire internationale en
administration au Mozambique pendant un an et
demi.
Créer une structure de l’ESS
Trois autres jeunes ont été à l’origine de la création
de coopératives ou d’associations.
Bella a créé une coopérative dans le théâtre.
« Donc moi du coup j’ai monté un structure en 2012,
je me rappelle juillet 2012, on a monté une structure
à plusieurs, sous forme de coopérative et on réfléchit...
dans les projets à... pérenniser ça dans une autre structure coopérative avec d’autres compagnies. » Bella
Bernard a créé son association de promotion de
l’entrepreneuriat social destiné aux jeunes du Bénin.
Solal a créé une organisation ayant pour mission le
conseil aux collectivités territoriales sur les questions
d’ESS, sous forme de coopérative.
« On était loin du compte puisqu’on partait de zéro,
nous. Donc on a un petit peu cherché les alternatives
et on a trouvé les coopératives d’activité économique,
22
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
notamment une qui est basée à Lyon, qui s’appelle
Cap Services, est spécialisée dans le lancement d’entrepreneurs soit individuels, soit maximum à deux et
s’occupe un petit peu de l’accompagnement. (…). Et
donc, le principe de la coopérative d’activité économique, c’est qu’ils leur fournissent les statuts juridiques. Et nous, ça nous a permis, en fait, de tester
notre activité sans avoir à faire toutes les démarches
administratives. Et donc, à partir de là, on a commencé à construire des méthodes d’intervention sur
nos sujets, construire un site Internet, construire des
objets de communication, essayer de contacter des
collectivités territoriales et de regarder les marchés
publics. » Solal.
Les engagements dans le bénévolat prennent donc
une variété de formes possibles et vont des activités
caritatives ou sociales effectuées à la marge à des
activités plus créatives et plus centrales pour la
construction de l’identité professionnelle de ces
jeunes. La facilité avec laquelle il est possible de créer
une association permet aux jeunes de tester des activités qu’ils initient et peuvent développer.
–
TRAVAILLER DANS LE SECTEUR DE L’ESS
–
Quels types d’activités ont été mis en œuvre au cours
de ces expériences dans l’ESS ? A titre d’exemples,
quelques expériences sont décrites.
Des activités dans l’aide à autrui
Joris relate son expérience comme aide-soignant en
maison de retraite. Cette expérience a été difficile au
départ mais s’est avérée enrichissante.
« Je commençais en tant qu’aide-soignant pendant
trois mois en maison de retraite. Le 1er mois a été
hyper dur. J’ai failli démissionner parce que c’était
vraiment dur et parce qu’on me faisait faire des choses
que je n’étais pas censé faire : changer les personnes
âgées, etc. Enfin, ça ne faisait pas partie de mes attributions à la base. Les doucher non plus. Mais bon, je
le faisais. J’étais, on va dire, docile. Et après, passé le
1er mois où ça passait mal. Je me suis adapté. (…) La
maison de retraite, j’y suis pas allé par choix. J’ai postulé à l’hôpital de façon générale. On m’a dit : “tu iras
à la maison de retraite“. Et après, on m’a dit : “tu
verras, c’est ce qu’il y a de pire comme job à l’hôpital“.
Et puis, en fait, j’ai adoré ! À la fin, quand je suis parti,
il y a un des pensionnaires qui avait une lettre adressée au directeur pour dire que je méritais, gnagnagna,
gnagnagna… Bon service, adorable, patati, patata et
tout. Enfin, ça c’était vraiment super bien passé. J’ai
eu le déclic. » Joris
Des activités de gestion ou d’ingénierie
Patrick a fait une formation par alternance et a travaillé dans une association d’aide au logement où il
intervenait dans le domaine de la gestion.
« On m’a proposé quelque chose qui est en rapport
avec mon profil, c’est plutôt accès sur la gestion. Moi,
je trouvais assez intéressant comment fonctionnait
une association, comment faire des demandes de subventions, c’est là-dessus que vit l’association, la gestion prévisionnelle, le budget, etc. Bien sûr, j’étais assez frustré du fait que je ne suis pas vraiment en
contact avec les bénéficiaires de l’association, les gens
qui ont été suivis. Mais après je peux comprendre
qu’ils nous ont donné une mission selon notre profil. »
Patrick
Cathy travaille dans le secteur des RH dans une collectivité locale sur une mission de mise en réseau
d’organisations intervenant dans le développement
durable.
« Donc 6 mois de cours intensifs, 6 mois de stage. Moi,
j’ai fait le stage dans une collectivité territoriale. Du
coup j’ai travaillé sur l’avancement de carrière locale,
sur les questions de mobilité durable pendant 6 mois.
Puis après j’ai été recrutée, j’ai travaillé trois mois en
CDD pour terminer ma mission. » Cathy
« Mon boulot était de travailler sur les aspects de
gestion financière et de management associatif. Et je
travaillais dans le Sud sur la formation et le management associatif. On fait travailler ensemble avec le
Conseil d’Administration et les salariés..., ce genre de
chose... Je réalisais des diagnostics organisationnels. »
Line
« Je ne faisais pas les formations moi-même, j’organisais en synergie, les formations, donc, c’était très large.
C’est de la création de projet, l’écriture de projet, la
discussion même du projet avec les structures sur
place, la réalisation, l’organisation logistique, la budgétisation, la vérification de tous les paramètres de
sécurité... Et puis une fois que j’étais à Madagascar,
c’est également l’accueil de ces volontaires qui venaient de France sur place, tout ceci implique une
logistique de suivi, et puis l’évaluation en termes de
projets. […] Ça pouvait être des besoins en compétences en bureautique classique, comptabilité, management et puis parfois des choses très spécifiques, on
a eu des formations d’apiculteur, de logiciel de bibliothèque, enfin...c’est très varié. » Anne
Clara est chargée de mission dans une université
parisienne où elle s’occupe des relations entre l’école
doctorale et les entreprises, notamment du secteur
de l’ESS.
« Et puis ce que je fais là actuellement me plait beaucoup. J’arrive à mettre en place ce qui me plait, c’est
toujours en lien avec ce que j’ai connu, c’est à dire ce
qui me tient à cœur donc j’ai créé une journée d’ESS
auprès des doctorants, car mon travail consiste à
mettre en place des journées d’information pour les
doctorants, pour leur faire découvrir différentes carrières possibles avec le niveau de docteur. Jusqu’à
présent, ce sont surtout les très grandes entreprises qui
étaient venues présenter. Puis je voulais voir s’il n’y
avait pas des doctorants dans les coopératives, les
associations ou les mutuelles par exemple. J’ai mis six
mois pour en trouver mais j’en ai trouvé dix. » Clara
Jeanne, à son retour d’Australie où elle a effectué sa
licence en gestion, trouve d’abord un petit job comme
réceptionniste dans un hôtel. Cet emploi mal payé ne
lui convient pas. Elle trouve ensuite un remplacement
à faire dans un centre équestre à un poste de secrétaire comptable. Elle découvre les difficultés de gestion de cette association et en même temps apprécie
ce travail car l’ambiance est bonne et elle apprécie
la relation aux clients.
« Puis je finis par trouver une offre de CDD de secrétaire comptable dans un centre équestre, c’était à 20
minutes de mon appartement en plus, et vu que j’ai
été cavalière pendant dix ans, c’était parfait. J’y suis
allée. J’ai obtenu le poste pour sept mois, en fait. Donc
c’était un remplacement de congé de maternité et je
préférais quitter un CDI pour un CDD tellement c’était
la catastrophe. (…). J’ai travaillé à ce poste pendant
sept mois.... et, c’est après coup que je me suis rendu
compte qu’il y avait des choses qu’ils ne respectaient
pas dans la convention collective(…), des choses qui
n’étaient pas réglementaires. L’équipe était fantastique, je me suis très bien entendue avec les clients
mais sauf que celle que je remplaçais était revenue de
son congé de maternité. Ils ont essayé de s’en séparer,
mais ils n’ont pas réussi parce qu’ils voulaient me garder. » Jeanne
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
23
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
L’analyse des expériences passées des jeunes permet
d’observer une socialisation précoce à la sphère de
l’ESS de la plupart d’entre eux. La moitié ont des
parents sensibles aux valeurs de l’ESS ou impliqués
dans des activités de bénévolat, avec une certaine
ouverture sur d’autres cultures. C’est donc naturellement, qu’ils s’intéressent à des activités qu’ils ont
toujours connues. D’autres sont venus à l’ESS parce
qu’ils s’intéressent à des activités qui sont mises en
œuvre la plupart du temps dans le cadre de structures
de l’ESS : par exemple le théâtre, la musique, l’aide
aux pays en développement. D’autres enfin, ont saisi
une opportunité de stage ou d’emploi se déroulant
dans l’ESS. •
–LES INTÉRÊTS PROFESSIONNELS DES JEUNES
ET LES RAPPORTS À L’ESS–
Les expériences dans l’ESS, la promotion de certaines
valeurs humanistes, la mise en œuvre de certaines
compétences s’organisent en plusieurs profils d’intérêts pour certaines activités mises en œuvre dans ce
secteur. Ainsi, dans cette population, on compte cinq
profils d’intérêts différents. Il s’agit des intérêts dominants qui marquent leur trajectoire professionnelle et
occupent une partie de leur temps. Ces profils d’intérêts guident aussi la recherche d’emploi dans « une
filière » spécifique de l’ESS. Il s’agit donc avant tout
de personnes qui souhaitent développer certaines
activités, travailler dans certains types de contextes
mais ayant en commun une finalité altruiste et de
protection de l’environnement.
–
INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
–
Quatre personnes sont particulièrement sensibles et
intéressées aux questions de l’insertion sociale des
personnes en difficultés.
Moktar expose un projet qu’il a conduit et qui l’a
beaucoup intéressé, avec des personnes Sans Domicile Fixe à Toulouse. Cette expérience l’a sensibilisé
aux actions favorisant la réinsertion sociale et cette
idée constitue selon lui, une piste sérieuse pour son
avenir.
« On a essayé de trouver une autre idée, quelque chose
à proximité et on a trouvé l’idée de donner les appareils photo à des SDF pendant trois à quatre semaines.
On a donné une vingtaine d’appareils mais ça durait
plus que ça, trois à quatre mois, parce qu’il fallait re-
24
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
trouver les SDF, mais c’était impossible ! On a un taux
de perte extraordinaire, mais c’était un jeu. Après
avoir récupéré ces appareils photo, on a fait une exposition des photos qu’on a sélectionnées (…) Moi, ce
qui m’intéresse dans l’ESS, c’est la réinsertion, ça
m’intéresse beaucoup... Cette expérience-là m’a ouvert
pas mal les yeux. Voilà, pour pouvoir travailler dans
l’ESS, j’aimerais travailler dans les sociétés ayant un
caractère social ». Moktar.
Joris a trouvé du travail dans une association spécialisée dans la prise en charge de personnes qui ont un
handicap physique. Il a travaillé auprès de personnes
âgées et aimerait aussi travailler avec des enfants qui
connaissent des situations sociales difficiles. Ces intérêts le conduisent à chercher des activités dans des
associations.
« Ca m’a fait un petit déclic quand j’ai travaillé avec
les personnes âgées. Il y a eu un petit déclic qui m’a
fait dire qu’il y avait des gens qui, quand même,
avaient besoin d’aide et qui en recevaient peut-être
pas suffisamment. Donc au début, comme je disais,
ça me donnait envie d’aller travailler avec les gens
directement. Et puis après… Après avoir expérimenté
plus sérieusement ce côté-là, en fait, je me suis aperçu
que peut-être je pouvais travailler dans l’associatif
sans être forcément en contact des gens tout le temps
parce que je n’avais peut-être pas non plus… la carrure. Enfin, je n’avais peut-être pas apprécié d’être tout
le temps au contact des gens et de leurs problèmes.
Donc, je me suis dit que je pouvais continuer mais en
étant, côté organisation justement plutôt que sur le
terrain. Mais c’était un job d’été dans une maison de
retraite. » Joris
Après avoir eu une expérience, durant sa formation,
dans une association d’aide au logement, Patrick
s’est intéressé aux entreprises d’insertion. Il est sensible au fait que ces entreprises aient une activité
économique réelle et ne fonctionnent pas seulement
grâce à des subventions publiques.
« Je me suis intéressé à d’autres modèles économiques,
on va dire plus hybrides, donc à l’insertion par l’activité économique, à des structures qui ont une double
vocation. Elles ont à la fois une activité de production
de biens et de services et en même temps une vocation
sociale. Je me suis dit que ça pouvait être intéressant
puisqu’on ne construit pas une civilisation sur la charité ! Je me suis dit que c’est peut-être plus intéressant
de pouvoir créer des entreprises qui peuvent apporter
des bénéfices, des richesses mais aussi peuvent se préoccuper de l’impact social sur la société. Voilà ce que
je souhaitais. C’est pourquoi je me suis orienté vers O,
l’association où je travaille actuellement en alternance. » Patrick
« J’ai quelques pistes. L’une d’elle c’est travailler pour
des entreprises de conseil sur les questions de stratégie, par exemple c’est ce qu’on appelle dans les relations internationales faire du risque pays. Il s’agit
d’aller voir ce qui se passe dans les pays, mais le plus
souvent on reste à Paris. Quand une entreprise veut
exporter et veut créer un partenariat dans un pays
étranger, on fait une enquête pour étudier la faisabilité de cette exploitation du partenariat en fonction
de la corruption, des risques économiques, de la situation économique et politique du pays. » Anne
Charlotte a travaillé dans une ONG au Sénégal dans
le domaine de l’animation des écoles et s’intéresse
toujours aux questions de développement.
Bernard, qui est africain, souhaite développer l’association qu’il a créée à destination des jeunes de son
pays dont l’objectif est l’aide à l’entrepreneuriat.
–
INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Enfin, Sofia, qui est en master dans le domaine du EN MILIEU URBAIN (PARFOIS NOMMÉ
marketing et du commerce, imagine bien créer son « DÉVELOPPEMENT LOCAL »)
entreprise dans le domaine de l’aide sociale égale- –
ment.
–
INTÉRÊT POUR LES PAYS
EN DÉVELOPPEMENT
–
Trois personnes sont intéressées par les activités
consistant à venir en aide aux habitants de pays en
développement. Il s’agit d’un profil qui associe le
goût pour le voyage, la capacité d’adaptation à des
modes de vie variés, une ouverture d’esprit et une
volonté d’être utile socialement. Ces personnes ont
donc eu des expériences à l’étranger, en Inde, en
Afrique et ont eu le sentiment d’être vraiment utiles
dans leurs missions passées, malgré les faibles salaires voire l’absence totale de rémunérations.
Anne a travaillé pour une ONG à Madagascar dans
le secteur de la formation des volontaires, après des
études en relations internationales. Elle souhaite renouer avec cette dimension de son parcours en essayant de trouver un emploi lui permettant d’analyser
la situation politique et économique des pays en
développement.
Trois personnes sont intéressées par l’ESS mais plus
particulièrement par les activités de promotion du
développement durable local.
Line vient de trouver du travail dans une structure qui
vise à proposer des denrées alimentaires produites
localement et selon les règles de l’agriculture durable.
Si elle apprécie ce principe, elle s’interroge sur le respect des principes de l’ESS dans cette organisation.
« Ce n’est pas une association, c’est une SAS, une société commerciale qui a l’agrément d’ESS du Ministère.
Elle propose une plateforme de vente en ligne, c’est un
outil qui met en relation des consommateurs avec des
producteurs locaux, elle organise la vente directe entre
les producteurs et les consommateurs. Donc l’idée de
promouvoir les circuits courts me plait bien, je trouve
que c’est un bel outil, mais après je suis un peu plus
circonspecte sur le caractère..., sur l’agrément d’ESS de
cette entreprise car certaines pratiques, selon moi, qui
ne relèvent pas du secteur tel que je l’entends.» Line
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
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–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
Cathy s’intéresse au développement urbain, à la promotion de transports collectifs et écologiques et plus
particulièrement du vélo et d’autres moyens de transports propres. Depuis longtemps avec son frère et son
père, elle fait partie d’une association qui répare les
vélos. Elle se voit bien travailler dans le secteur de
l’urbanisme.
« ESS ou pas, mais que ça m’apporte ces choses : que
ça réponde à une utilité, que ça me permettre de
m’épanouir, voilà. Si possible du côté de la mobilité,
du côté de l’urbanisme, voilà en gros. Voilà c’est
comme ça que je vois. » Cathy
« Je me suis dit vraiment je ne vois pas dans quoi je
peux postuler hors solidarité internationale! Et par
exemple je n’ai jamais pensé aux métiers de l’insertion
alors que lorsqu’on en parle, en fait j’avais le profil.
C’est tout à fait possible pour moi de travailler sans
faire de formation, de postuler comme responsable de
petites structures ou de chef d’équipe. Mais j’étais
noyée par la masse des possibilités qui n’en étaient
pas. » Line
Louise qui a fait une année de césure en Inde, dans
une ONG en développement des projets autour de
l’approvisionnement en eau, a pris conscience de son
intérêt pour l’écologie. A la suite de cette expérience,
elle décide d’entreprendre une formation d’ingénieur
dans le domaine de l’écoconception.
Si les jeunes manifestent des intérêts plus particuliers
pour certains aspects de l’ESS, ils sont néanmoins
sensibles à l’ensemble des autres. Ces intérêts particuliers se sont construits en lien avec des expériences
familiales, sociales, ou de voyages ou encore en lien
avec des compétences requises.
« Dans le projet en Inde, j’avais touché beaucoup la
question environnementale notamment parce que je
bossais sur le projet de réservoir hydraulique. Et moi,
ça m’a fascinée, je ne connaissais rien à l’époque mais
alors je trouvais ça génial. En fait ce que j’ai aimé,
c’est ça que je trouve et c’est ça que je cherche encore
aujourd’hui, c’est de travailler sur des projets où on
comprend vite que tout est lié. On était là pour rétablir
des réservoirs hydrauliques mais les réservoirs hydrauliques ça veut dire rétablir l’eau, l’agriculture, les revenus, les écoles, la santé, et ça veut dire tout et du
coup, c’est ça que j’ai enfin compris et je me suis dit
que tout ça c’est logique. Il faut mettre la cohérence
et le point de départ c’est l’environnemental, et c’est
important. Et du coup, en rentrant d’Inde, je me suis
demandé ce que je pouvais faire en ayant un diplôme
de l’école de commerce qui serait proche de cette volonté-là. Je me suis dit alors : commençons par regarder les métiers de l’environnement et les métiers qui
s’en rapprochent, qu’est ce qui peut faire un pont entre
moi et l’environnement, et j’ai découvert l’éco conception. » Louise
Cette diversité d’intérêts peut être associée à l’ESS. Il
s’agit donc d’un secteur comportant plusieurs soussecteurs, des familles de métiers très différentes
mobilisant des compétences variées. Il n’est pas toujours facile pour les jeunes de concevoir que ces différents sous-secteurs sont liés et qu’il est possible
26
pour eux de postuler à des emplois très différents
appartenant à ces différents sous-secteurs, comme le
souligne Line.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
–
INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT RURAL
–
Deux personnes interrogées ont évoqué des intérêts
pour le secteur du développement rural.
Jeanne est cavalière de haut niveau, et titulaire d’une
licence en Gestion obtenue en Australie. Elle est passionnée d’équitation et surtout d’élevage de chevaux,
activité qu’elle se verrait bien développer en plus
d’une activité régulière et plus sure.
« Mais le gros du circuit c’est en Europe, très peu au
Canada aussi, donc pour l’équitation je n’ai pas trop
l’intérêt à quitter la France. Après, c’est vrai que si un
jour, je pouvais faire un petit élevage à côté d’une
activité, pourquoi pas (...) mais moi je me vois plutôt
dans l’élevage parce qu’il n’y a pas besoin de faire de
l’enseignement. Bon, c’est très long. » Jeanne
Solal a un gout prononcé pour les activités qui se
déroulent dans le monde rural depuis longtemps. Il
est préoccupé par les problèmes de désertification,
de pauvreté dans le monde rural et d’isolement des
populations. Il est sensible aux problématiques sociales qui, selon lui, présentent des spécificités dans
le milieu rural mais qui n’intéresseraient personne.
« J’ai toujours été attiré en fait par le milieu rural,
parce que j’en suis issu. Je suis originaire de ClermontFerrand mais j’ai habité très longtemps à la campagne (…) Et au niveau de l’économie sociale et solidaire, le monde paysan ou le monde rural était quand
même un des premiers à initier les coopératives (…)
De manière très lointaine, c’est vraiment pas dans
mon esprit, mais peut-être qu’un jour j’envisagerais de
faire une thèse sur le monde rural (…) Je serais prêt,
par exemple, à aller faire une formation agricole et
prendre 3 chèvres et me barrer quoi. Ça, c’est possible… Ou aller rencontrer des personnes âgées qui
cherchent absolument à céder leur exploitation, que
quelqu’un m’apprenne ça, et que ce soit reparti. »
Solal
–
INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT
ARTISTIQUE ET CULTUREL
–
Deux personnes ont plutôt un profil artistique car
leurs activités visent à contribuer à mettre en œuvre
et promouvoir certains arts : la musique et le théâtre.
Clara n’est pas musicienne car elle estime n’avoir
aucun talent musical particulier mais elle est passionnée. Elle aime travailler à l’organisation de festivals,
ce qu’elle a fait en France et à l’étranger, et elle essaie
de promouvoir l’accès à la musique pour des populations variées et parfois défavorisées.
« Cela fait partie des missions des salles de concert,
de développer des publics, de ne pas restreindre l’accès
aux publics cibles, de faire des concerts dans les écoles
et dans des prisons. Proposer des tarifs abordables
pour des gens qui ne peuvent pas forcément,… c’est
là-dedans que je me retrouve moi quand j’étais bénévole. » Clara
Pour Clara, ce secteur de la culture est peu présent
dans l’ESS en général « en fait dans les forums ou
dans les salons, la culture est très peu représentée...,
c’était le commerce équitable, c’était... l’aide à la population, c’était les gens de la rue..., je dis n’importe quoi,
mais voilà, tout sauf ça (la culture) ! » Clara
Bella a toujours adoré le théâtre. Depuis l’âge de 8
ans, elle sait qu’elle veut travailler dans le théâtre.
Elle a fait une formation dans ce secteur ainsi qu’une
formation littéraire. Elle a rapidement cherché des
rôles de comédiennes dans des troupes de théâtre
mais s’est rendu compte de la difficulté à trouver un
emploi stable et rémunérateur. Elle a choisi de créer
sa propre compagnie sous la forme de coopérative.
Ce statut présente certains avantages (par exemple
d’intégrer des associations ou des personnes individuelles) mais aussi des limites pour un artiste car on
ne peut pas bénéficier du statut d’intermittent du
spectacle comme le mentionne Bella.
« À l’heure actuelle, étant gérante du théâtre d’A., en
l’occurrence ma propre compagnie, je ne peux pas me
faire des cachets comme n’importe quelle compagnie ;
parce que en tant que gérante de compagnie, de coopérative pardon !, on est sur des CDI, donc je suis
salariée en CDI. Mais le statut se construit sur des
cachets. Donc il est possible que je retrouve mon statut d’intermittente ce qui me permettrait de passer du
RSA à 3 fois plus d’argent grâce à d’autres compagnies qui m’ont employée. » Bella •
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
27
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
–L’INSERTION PROFESSIONNELLE DANS L’ESS–
L’ESS n’est pas un secteur professionnel clairement
identifié pour les jeunes et les annonces ne sont pas
toujours facilement disponibles. Dans ce contexte,
comment les jeunes recherchent-ils un emploi ? Quelles
stratégies singulières doivent-ils mettre en œuvre ?
–
LES MODES DE RECHERCHE D’EMPLOI DANS
L’ESS
–
En dehors de Bernard ou Bella qui essaient de travailler dans la structure qu’ils sont en train de créer, de
Joris qui passe des concours de la fonction publique
territoriale ou d’autres qui sont encore en formation
(Sofia, Patrick), les jeunes ont des expériences diverses
de recherche d’emploi. D’après les personnes interrogées, on n’observe pas une manière privilégiée de
chercher du travail. Chacun cherche dans différentes
directions, en utilisant d’abord la recherche directe et
l’appel à des organisations comme Pôle emploi et
l’APEC. Les stages tout comme le service civique apparaissent aussi comme une voie possible pour obtenir
un contrat de travail. Les structures de l’ESS (comme
l’Atelier) n’apparaissent pas comme une ressource
importante pour chercher un emploi.
Recherche directe (4 personnes)
Certains jeunes écrivent directement aux entreprises
après les avoir sélectionnées et étudiées. C’est le cas
de Moktar qui développe une stratégie de recherche
d’emploi très élaborée et assez coûteuse en temps.
Mais où l’idée est plutôt de proposer ses services
« Lorsqu’il y a une boîte qui m’intéresse beaucoup, je
prépare un speech comme j’avais l’habitude de faire
pendant ces années en formation. C’est un petit document de dix pages qui montre ma motivation, ma compréhension de leur entreprise, quelques axes stratégiques que je compte développer, enrichis par les
chiffres, et comment je compte m’intégrer dans leur
entreprise. J’essaie d’arriver avec quelque chose qui a de
vraies valeurs ajoutées, de synthèse. » Moktar
Charlotte effectue également un travail de repérage
des entreprises potentiellement intéressantes pour elle,
et les liste.
28
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
« Avec notre méthode [avec d’autres étudiants], au fur
et à mesure de l’année de nos connaissances, on fait
une espèce de top liste d’entreprises, une liste favorite.
On en a peut-être dix en ce moment et on parle à droite,
à gauche, et on va faire une base, puis on va envoyer
des candidatures spontanées, ou bien on va frapper à
leur porte, en espérant que les choses s’ouvrent. » Charlotte
Cathy a opté pour une recherche classique sur Internet.
« L’Atelier, c’est intéressant mais ça ne m’était pas utile.
Après, je ne sais pas, comme outil d’emploi, j’ai recours
aux sites Web, aux moteurs de recherche. Parfois, je
tape sur les barres de recherche, je tape ESS, je fais des
associations avec les mots clés. » Cathy
L’utilisation des services de Pôle emploi, ou
de l’APEC (3 personnes)
Solal a fait appel à l’Apec pour être initié au secteur
de l’ESS.
« Je suis réinscrit pour une 2e année. Et là, je cherche
activement. D’où mon inscription, notamment à l’Apec
pour qu’ils me donnent un coup de pouce, etc. Et après,
je pourrai chercher aussi directement dans l’économie
sociale et solidaire au niveau des cadres associatifs où
des choses comme ça. Après, je n’ai pas d’expérience
dans ce domaine. Donc, comme c’est un réseau très
fermé, c’est délicat. … » Solal
Pôle emploi a permis à Cathy de trouver un premier
emploi comme enseignante remplaçante au lycée.
Même si cela ne correspondait pas à son profil, elle a
effectué ce travail durant deux ans.
« Je suis devenue prof parce que Pôle-emploi m’avait
contactée en me disant qu’il y avait un gros besoin
dans l’Education nationale. On recrutait des gens qui
avaient des Masters, et moi, j’avais un Master de lettres
modernes et j’ai fait du latin, et il se trouve qu’ils
avaient absolument besoin d’un prof de latin dans leur
établissement. » Cathy
De même, Pole emploi relaie les informations relatives
aux journées d’information organisées par l’Atelier.
« C’est par le mail de Pôle emploi que j’ai reçu, ils m’ont
proposé de venir à une journée organisée par l’Atelier
et je me suis dit pourquoi pas. Le travail en centre
équestre, c’était une association, donc je me suis dit
milieu associatif, ce n’est pas mal. J’ai envie d’avoir un
travail qui a une utilité. » Jeanne
Ces organisations apparaissent comme un maillon
utile dans le processus de recherche d’emploi.
Les stages et le service civique (2 personnes)
Cathy a cherché à s’impliquer dans le service civique
mais le salaire est faible et ne permet pas de vivre en
région parisienne.
« En septembre, je me suis dirigée vers les services civiques. Je me suis dit que j’en ai marre, je vais faire le
service civique pour avoir l’expérience. Dont j’ai cherché,
j’en ai trouvé un à Paris sur la coordination de réseaux
d’associations dans le développement durable. » Cathy
Anne a choisi de commencer par un stage de 6 mois
dans une ONG mais cette implication n’a pas débouché sur un emploi.
« Après mon Master, je suis allée chercher des annonces
de stage sur le site «Coordination Sud» qui est un site
qui propose des emplois en ONG principalement, je
dirais exclusivement, puis il y a quelques associations
et j’ai trouvé un stage de six mois là-bas, qui a été reconduit six mois. Cela s’appelle P. Mon idée de départ,
c’était de faire six mois au siège en France [au sein de
l’ONG]. Je n’avais pas d’expérience de terrain et j’avais
d’abord envie de connaître le travail au siège de l’organisation puis ensuite d’aller travailler sur le terrain. En
fait, P m’avait proposée de prolonger mon stage en me
disant qu’il y avait une ouverture de poste et que le
poste ne serait pas pour moi à 100% mais je pouvais
candidater en interne. C’était la meilleure chance d’y
accéder. […] Et donc pour ces raisons-là, j’ai choisi de
prolonger ce stage. L’emploi a été donné à quelqu’un
d’autre. » Anne
Le bénévolat ne semble pas être une voie envisagée
comme expérience préalable pour trouver un emploi.
Finalement, les jeunes utilisent des moyens classiques,
à l’exception de Moktar qui conduit des analyses financières des situations des entreprises auxquelles il postule.
–
LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DANS
LA RECHERCHE D’EMPLOI
–
Dans une conjoncture économique difficile, avec un
taux de chômage des jeunes important, trouver un
emploi dans l’ESS s’avère généralement difficile pour
des débutants. Les jeunes accumulent les déconvenues.
Le premier problème souvent évoqué est la rareté des
postes à pourvoir ou encore la communication limitée les concernant. Clara estime que le discours tenu
en formation, concernant le départ à la retraite de
nombreux cadres qui laisseraient leur place aux jeunes,
ne se confirme pas dans la réalité.
« Au début oui, j’étais persuadée de pouvoir trouver
facilement du travail dans l’ESS, ce qu’ils me disaient
régulièrement dans le Master. Ils disaient que dans ce
secteur, ça allait embaucher parce qu’il allait y avoir
des départs à la retraite donc il n’y aurait pas de problème. Sauf qu’ils ne nous ont pas dit que les salaires
ne sont pas mirobolants, que souvent ce sont des
contrats aidés. Et, quand on a un contrat aidé, on n’a
plus droit au contrat aidé l’année suivante, donc certes,
on peut y trouver du travail mais ça reste assez précaire.
Donc au bout d’un moment, on est obligé d’aller voir
ce qui se passe ailleurs ». Clara
Un autre problème souvent évoqué est souvent l’accès difficile aux offres d’emploi.
« Le marché sur l’ESS en France… Pour moi, c’est vraiment ça le problème dans l’ESS : il n’y a aucun moyen
de savoir ce qu’on veut faire ! Quelqu’un qui veut bosser, qui sait dans quel secteur il va aller, par exemple
l’automobile, c’est hyper simple on peut s’y retrouver,
mais dans l’ESS, on ne sait pas ce qui existe. Exactement ! Donc, on est obligé de créer une espèce d’annuaire des entreprises de l’ESS pour aller frapper à leur
porte, quitte à faire des candidatures spontanées. »
Charlotte
Pour les jeunes, il est difficile d’être efficace dans la
recherche d’emploi, alors qu’ils ne savent pas précisément dans quel secteur il leur est possible de postuler
et comment identifier les entreprises susceptibles de
les employer.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
29
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
« Par exemple, quand je bossais à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), et quand
j’étais reçue par l’instructeur, il me disait, vous venez
travailler dans quelle section, moi plutôt sur l’Amérique
latine, Il me disait : vous avez déjà travaillé sur l’Afrique,
alors on va vous mettre sur l’Afrique. On se trouve très
vite cantonné... Je me suis dit vraiment je ne vois pas
dans quoi je peux postuler en dehors de la solidarité
internationale! Et par exemple, je n’ai jamais pensé aux
métiers de l’insertion alors que lorsqu’on en parle, en
fait je me rends compte que j’avais le profil.» Line
Un autre problème est le manque d’expérience de
ces jeunes, mis en concurrence avec des personnes
beaucoup plus expérimentées ou spécialisées. Après
son expérience de stage, Anne se voit proposer de candidater sur un poste stable en Asie dans une ONG mais
elle n’est pas retenue.
« C’est une personne qui avait presque 10 ans d’expérience sur le terrain. Il parlait le népalais, langue rare,
et avait une très longue expérience de gestion de projet.
Et comme P. (ONG) traverse un moment difficile, ils ont
préféré trouver quelqu’un de solide et opérationnel tout
de suite. C’est une création de poste et je pense que le
Conseil d’Administration a besoin de certitude. Et je
sais que, depuis le recrutement, ils ne recrutent plus de
stagiaire malheureusement. ». Anne
Clara constate également que les jeunes diplômés
rassemblent rarement l’ensemble des qualités demandées simultanément par les employeurs de l’ESS.
« Je n’ai pas les compétences concrètes pour pouvoir
travailler dans une association comme chargée de pro-
jet, chargée de mission, et pas assez d’expérience. Puis,
ce sont des contrats aidés la plupart du temps auxquels
on n’est pas éligible car trop ou pas assez âgé, au chômage ou pas. Le secteur associatif, c’est souvent ça. Une
fois qu’on n’entre plus dans les critères, ça devient très
compliqué ». Clara
La recherche d’un emploi dans l’ESS est un problème
pour les jeunes diplômés. Ils sont mis en concurrence
avec des personnes plus expérimentées, comme dans
les autres secteurs économiques. Ils trouvent les offres
d’emploi difficilement accessibles et les postes à pourvoir sont sommes toutes, assez peu nombreux, et ce
malgré les départ à la retraite. L’ESS ne leur apparaît
donc pas avoir une politique de recrutement qui serait
particulièrement favorable aux jeunes, ne leur parait
pas développer d’actions spécifiques à leur égard, ou
envoyer des manifestations d’intérêt. Sans doute faudrait-il conduire des réflexions sur les pratiques de recherche d’emploi que les jeunes devraient mettre en
œuvre spécifiquement sur ce marché de l’emploi. Aussi,
il faudrait développer des actions visant à outiller les
jeunes pour leur permettre d’accéder aux informations,
de mettre en valeur leurs compétences et leurs valeurs,
avec des organisations spécialisées en accompagnement vers l’emploi. L’ESS est un secteur qui semble
constitué de personnes plutôt âgées, parfois proches
de la retraite, et les jeunes diplômés se voient rarement
confier des responsabilités dans ces structures. Ces
structures cherchent également à se professionnaliser
et à renforcer leur encadrement en se dotant de compétences de personnes expérimentées, notamment en
provenance du secteur privé. Ces préoccupations ne
sont pas toujours favorables à l’emploi de jeunes diplômés. •
–L’AVENIR PROFESSIONNEL–
Malgré les difficultés rencontrées à trouver un travail,
les jeunes interrogés demeurent très impliqués dans
la construction de leur vie professionnelle future. Ils
ont des attentes précises sur le type d’emploi qu’ils
aimeraient trouver et sur le déroulement de leur vie
au travail.
30
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
–
LES ATTENTES À L’ÉGARD DU TRAVAIL
(14 PERSONNES)
–
Plusieurs thèmes ont été évoqués concernant ce que
les jeunes interrogés attendent d’un emploi.
Le sens du travail / la finalité / l’accomplissement (7 personnes)
Regroupant un ensemble d’activités centrées sur le
développement durable ou le social, les personnes
ont le sentiment que l’ESS leur garantira un emploi
plus épanouissant, qui leur permettra de surcroit de
contribuer au changement économique et social
prôné par ce secteur. Si tous sont préoccupés à des
degrés divers de la finalité de leur emploi futur, la
moitié d’entre eux se sont très clairement exprimés à
ce sujet et estiment que le sens du travail, la finalité
du travail et l’accomplissement de soi dans le travail
sont les éléments les plus importants dans leur vie
professionnelle.
Pour Patrick, c’est le sens du travail et l’ambiance qui
comptent le plus.
« Le sens, le sens du travail que je fais compte le plus
pour moi. Après, peut être l’ambiance du travail aussi,
peut-être. » Patrick
Line veut avoir le sentiment de contribuer à une
œuvre collective.
« Moi, je me suis dit que je voudrais donner un sens
dans mon boulot, quelque chose de particulier. Il y a
plein de choses qui m’exaltent comme tout ce qui a
trait à la consommation collaborative, je trouve ça
génial, je fais partie de la génération qui fait naître
ça, j’ai envie d’y participer vraiment à grande échelle,
enfin, par une petite échelle d’abord mais je me suis
rendu compte que c’est une goutte d’eau dans l’océan.
J’ai un peu de mal à m’imaginer dans un boulot, ou
c’est purement alimentaire, mais je n’arrive pas à me
sentir fière de ce que je fais. » Line
Avoir prise sur les activités et les décisions est important pour Bella, dans le secteur artistique.
« Pour moi c’est le sens, c’est le sens à ce que je mets
à ce que je fais. C’est à dire que c’est pour ça que la
mise en scène m’intéresse parce que c’est moi qui décide du sens du spectacle.» Bella
Cathy exprime son attachement au fait de connaitre
la finalité de son travail.
« J’ai besoin d’un but final, de trouver ça utile. Et c’est
éthique quand même. Développer les pistes cyclables,
je trouve que c’est utile. J’ai besoin de trouver de l’épanouissement avec les gens que je rencontre au travail. » Cathy
Joris insiste tout particulièrement sur sa recherche
d’accomplissement dans le travail.
« L’accomplissement, c‘est quand on nous attribue un
travail à réaliser. Et qu’on fait tout ce qu’il faut pour
le réaliser aussi bien pour soi que pour les personnes
pour qui on travaille… que pour le résultat qu’on escompte. » Joris
La stimulation intellectuelle (2 personnes)
Un autre élément revient souvent dans les discours.
Il s’agit de l’importance accordée à la réflexion dans
le travail. Le travail doit permettre de penser, d’élaborer et d’apprendre.
« La stimulation intellectuelle. Je sais que Attaché
dans la fonction publique, il y a énormément de
tâches et de rôles administratifs. Mais j’aimerais, dans
l’idéal, avoir un poste où, certes, il y a de l’administratif parce qu’il faut le faire… Mais où il y a aussi un
aspect intellectuel sur le fond, où l’on peut réfléchir
sur le fond sur l’action publique… En partenariat avec
les élus bien sûr parce que c’est eux qui décident... Et
également aussi sur le plan technique… » Solal
« J’aimerais pouvoir m’attacher à des choses qui demandent un peu plus de réflexion intellectuelle. C’est
ce qui me plait, de réfléchir sur le contenu. » Anne
Développer sa créativité, ses projets (2 personnes)
Créer, innover, avoir une liberté de mettre en œuvre
ses propres projets, ses idées est également une dimension importante et recherchée dans un emploi.
« Un endroit où on puisse créer en fait. Il y a un côté
dans le travail qui est un peu déshumanisé, on y est
pour rien, c’est la situation économique qui a perdu
complètement le sens de la création à travers le travail, la création d’une œuvre, même la plus basique!
Créer à un moment donné en travaillant, c’est ça qui
est complètement perdu. Un endroit où je serais bien
c’est un endroit où je sentirais que tout le monde créerait un peu, chacun à sa façon. » Moktar
Le sentiment d’être dans un contexte d’émulation
créative, d’ouverture aux idées et aux projets est central pour Bernard.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
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–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
« Je suis intéressé par deux domaines : la coopérative
et l’associatif. Il y a beaucoup à apprendre dans ce
domaine, on rencontre des gens vraiment formidables.
C’est un réseau et on est content d’appartenir à ce
réseau-là, de voir les gens qui vous ouvrent la porte,
de voir les gens de tous âges avec qui vous pouvez
discuter, de rencontrer des gens qui sont aussi fous
que vous, des gens qui rebondissent sur votre projet,
qui discutent, qui vous donnent des idées, pas des
gens qui vous disent : ce n’est pas possible. » Bernard
Une variété dans les activités (2 personnes)
Avoir des activités variées, non routinières a été également mentionné.
Clara a peur de se lasser dans son travail et recherche
avant tout une activité variée.
« Maintenant que j’ai un peu plus de choix, ça serait
être responsable d’un projet quel qu’il soit pour l’instant. Avoir un peu d’autonomie dans ce que je fais,
avoir un peu confiance dans ce que je fais. Avoir un
nouveau projet aussi tous les deux ans. Parce que sinon on se lasse, parce que je sais que je me lasse très
vite. » Clara
Sofia veut de la liberté et de la variété également
dans ses activités.
« Techniquement parlant, ce serait vraiment un travail
où il n’y a pas de routine, où il y a beaucoup de défis,
où je peux bouger, où ne je ne reste pas trop longtemps dans un bureau, où je rencontre de nouvelles
personnes, où j’ai une marge de créativité ! Parce que
moi, ce qui me fait le plus peur, c’est un directeur ou
un supérieur qui me bloque. » Sofia
De bonnes conditions de travail (2 personnes)
Enfin, la qualité de la vie au travail compte également, notamment l’importance de la qualité des relations et de bonnes conditions de travail qui sont jugées importantes.
« C’est à dire moi, je veux tout quoi ! Je veux un objet
de travail parfait, enfin qui me correspond, et en
même temps je veux qu’à l’intérieur de ma boîte, les
pratiques soient bonnes, l’ambiance soit bonne,
l’équipe soit bonne. Puis je pense que j’idéalise un peu
les choses mais dans l’idée c’est ça. » Charlotte
Jeanne apprécie le cadre de travail et l’ambiance
d’équipe.
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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
« Il faut que ça me plaise en fait. Il faut que je me
sente bien là où je travaille, que le cadre de travail
soit agréable, j’aime bien travailler en équipe. Je pensais que je suis quelqu’un de solitaire au travail mais
au final pas du tout, je me rends compte que travailler
tout seul c’est extrêmement dur. L’équipe, c’est vraiment important, avoir un cadre de travail un peu
positif. » Jeanne
Les jeunes ont de fortes aspirations professionnelles.
Le travail leur apparait comme un moyen d’expression de soi et de réalisation de soi. Il ne s’agit pas
d’une sphère d’activités secondaires dans leur vie
mais bien d’une activité centrale pour la plupart
d’entre eux. Ils ont des attentes très fortes à l’égard
de leur futur emploi et de leur futur secteur d’emploi.
L’ESS suscite donc beaucoup de projections des
jeunes qui perçoivent ce secteur comme susceptible
de combler leurs attentes.
–
LES DIFFICULTÉS PRESSENTIES OU
OBSERVÉES DANS L’ESS
–
Les expériences de travail ou de bénévolat ont toutefois constitué des opportunités pour mieux connaitre
l’ESS. Les jeunes ont pu repérer un certain nombre de
problèmes existant dans ce secteur, ce qui les a parfois déçus.
Les mauvaises conditions d’emploi du personnel
Clara a été extrêmement déçue des conditions d’emploi dont elle a eu connaissance au cours de sa première expérience dans l’ESS.
« Ah oui, dans cette boîte-là, il y a 70 % des gens en
contrat aidé, et tous les gens qu’ils embauchent maintenant sont les ‘services civiques’. Il y a un management et une DRH qui n’est pas du tout, du tout cohérent avec l’ESS ! Et ça, ça me fait très mal parce que
c’est ma première expérience en ESS, je croyais vraiment en ce pourquoi je travaillais mais au quotidien
c’est une horreur, tous les jours, enfin! Toutes les semaines il y avait des gens qui pleuraient. » Clara
La précarité des statuts et des contrats a souvent été
évoqué.
« Ce statut [d’intermittente], donc du coup je le renouvelle, sans problème ! Je me dis, il est assez précaire.
Il est précaire (…) parce que, tous les 10 mois, on renouvelle quelque chose en espérant avoir 10 mois,
mais bon, ça nous donne une visibilité sur 10 mois,
c’est quand même pas énorme. » Bella
La gestion financière parfois insuffisamment démocratique
Bella a découvert le monde de travail dans le secteur
du théâtre et la difficulté à repartir les gains équitablement entre les intervenants.
« Avec cette compagnie, qui est une association, j’ai
eu mes premières déceptions avec eux parce que je me
rendais compte que les décisions n’étaient pas démocratiques. Il y a eu plusieurs comédiens qui montaient
au créneau, notamment lié à l’argent, en disant “ça
ne nous pose pas de problème qu’une partie de la
recette serve à ci ou à ça, mais il faut qu’on en parle
avant“. Et je me suis rendu compte que le metteur en
scène était très réticent là-dessus. (…) Pour moi, ces
entreprises [de l’ESS], elles sont toutes démocratiques.
Les compagnies de théâtre, on a ce problème-là ! »
Bella
La distance insuffisante à l’égard des entreprises de l’économie traditionnelle
Louise constate que l’entreprise ESS qui est une coopérative dans laquelle elle est en formation est financée partiellement par une grande entreprise privée.
« Toujours, c’est très compliqué de tout mettre en cohérence en même temps! Même on a des incohérences
chez nous, plein … : on est SCOP et on est financé à
50% par L (grand groupe industriel), c’est quand
même bizarre! » Louise
Des organisations précaires
Ces organisations fonctionnant à l’aide de subventions publiques sont perçues comme fragiles, par
Bella.
« Au niveau des subventions publiques, les associations sont tellement émiettées, il y a tellement de
compagnies de théâtre ou autres qu’elles ont peu
d’entités qui les regroupent et qui en font un pôle plus
fort. Et cet émiettement fait également que les compétences administratives sont extrêmement réduites
dans les compagnies, et que c’est très facile pour un
décideur politique de couper les subventions au motif
que derrière il n’y a pas les reins assez solides pour
suivre. » Bella
La difficile conciliation des statuts de salarié et de militant associatif
Line souligne la difficulté à séparer les statuts des
salariés et celui des militants, tous actifs dans les
associations de l’ESS.
« Enfin comme souvent dans l’univers associatif, [la
frontière] entre le statut salarié et de bénévole est très
fine. Chez W (l’association dans laquelle elle travaille), la grosse différence c’est que les salariés et les
séropositifs sont très proches, mais quand on revendique le statut de salarié, ils nous répondent : «c’est
quoi qui t’intéresse ? C’est ton statut salarié ou éradiquer le sida ?“. Je caricature un petit peu mais c’est
ça, à peine. Ça, c’est très dur à vivre pour une grosse
partie d’entre nous, il y a un nombre de départs impressionnant. » Line
Les jeunes qui ont eu des expériences de travail dans
l’ESS sont un peu plus réalistes à l’égard de son fonctionnement. Ils ont été confrontés à un certain
nombre de problèmes importants. Ces problèmes
tendent à mettre à mal les principes affichés par le
secteur, tant sur le plan du management démocratique, que sur la non lucrativité du secteur, voire sur
la finalité sociale de ses organisations.
–
LES PROJETS D’INSERTION
–
Quand ils pensent à leur avenir, les jeunes interrogés
ne sont pas fixés précisément sur une option ou une
autre, ils envisagent, en général, plusieurs possibilités. Il s’agit de plusieurs pistes qu’ils suivent souvent
en parallèle et parfois associées à de la poursuite
d’études.
Trouver un poste dans une organisation plutôt dans l’ESS (7 personnes)
S’insérer dans une structure ESS est le projet de la
moitié des jeunes interrogés. En effet, 7 jeunes envisagent d’être employés dans une organisation de
l’ESS (Jeanne, Clara, Moktar, Charlotte, Anne, Cathy,
Patrick).
Cathy aimerait trouver un poste d’assistante ou de
directrice.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
33
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
« Je pense qu’il y a des types de postes comme chargée
de projet qui existent quasiment dans toutes les associations et qui demandent des compétences un peu
génériques qu’on acquiert, ce que j’avais fait dans
mon autre projet en ONG. Là ça s’applique à des projets culturels. Il y a aussi des postes d’assistante, de
directeur, dans des plus grosses structures, directeur
de certains services, ou un vrai poste ayant des contenus pour l’aide à la politique de la structure. » Cathy
Anne se voit dans un poste de chargée de mission en
relation avec l’étranger.
Patrick aimerait, dans un premier temps être chargé
de projet pour évoluer ensuite vers des postes de direction.
« Dans le premier temps, quelque chose de transversal
comme travailler sur un poste de chargé de projet.
Peut être chef de projet ou référent qualité, quelque
chose comme ça dans une Insertion par l’Activité Economique, une entreprise d’insertion, voilà, ou dans
une association intermédiaire. Cela m’intéresserait.
Puis ensuite évoluer vers des postes de cadre, comme
directeur adjoint et pourquoi pas d’ici cinq ans, à
moyen terme, je compte monter une structure, une
association d’insertion. » Patrick
« Ne plus être au RSA, s’il vous plaît, tout sauf le RSA,
je ne pourrai pas tenir des années avec, je vais devenir
folle (…) Là on est en train de discuter à créer une
coopérative indépendante qui serait complètement
destinée aux compagnies de spectacle vivant, aux
collectifs de spectacle vivant, mais là c’est encore à
l’état de projets. Il s’agit de créer une offre à destination des compagnies en disant que l’on peut mutualiser et en mutualisant on pourra être plus forts, on
peut mutualiser toute notre administration plutôt que
d’émietter ça dans pleins d’associations... » Bella
Bernard aimerait être salarié de son association.
« En gros, le numéro un est porteur d’idées de projet
géniales, novatrices, qui fonctionnent, collaboratives.
Il a son public, les consommateurs, et tout ça. Moi je
serais numéro deux, qui croit à fond à ce projet-là, qui
assure le bon fonctionnement. » Charlotte
« Quand j’ai créé mon association, c’est pour plus tard
pouvoir continuer à travailler dans mon association
en étant salarié. Aujourd’hui, on travaille en tant que
bénévole et ça ne peut pas durer, travailler comme
bénévole pendant très longtemps. Voilà j’ai créé l’association il y a deux ans, ça fait bientôt deux ans, je suis
vice-président, et aujourd’hui je ne suis plus président.
On a mis en place un système démocratique qui est
tournant, histoire de faire tourner les mandats et avec
une spécificité : au bout de cinq ans, il faudra partir
et laisser la place aux jeunes, à d’autres jeunes car on
est plus jeune, ils réfléchissent mieux, donc voilà il
faudrait partir. Moi, je me voyais comme ça, travailler
pendant un certain temps dans l’association. Mais je
suis ouvert, je travaille avec d’autres associations. »
Bernard
Pour Moktar, il se voit dans une organisation spécialisée en réinsertion sans précision de poste.
Sofia est encore en formation mais son projet est de
créer son activité dans le secteur de l’ESS.
« Moi, ce qui m’intéresse dans l’ESS, c’est la réinsertion,
ça m’intéresse beaucoup. Des personnes qui ont perdu
leur emploi,…comme des gens qui sont en rupture avec
la société comme des SDF. En fait, cette expérience-là
m’a ouvert pas mal les yeux. Voilà, pour pouvoir faire
l’ESS, j’aimerais travailler dans des boîtes ou dans les
sociétés ayant un caractère social. » Moktar
« Je veux créer ma propre structure et j’aimerais bien
qu’elle soit dans le cadre de l’ESS. Cette période de
travail ici dans le cadre de cette association me permettra de réfléchir un petit peu au secteur d’activité
dans lequel je veux me spécialiser. Et en même temps,
de me faire assez de contacts. » Sofia
Charlotte imagine également pouvoir, travailler à
mettre en place un projet.
Développer son activité (4 personnes)
4 jeunes envisagent de travailler dans la structure
qu’ils souhaitent créer ou qu’ils ont déjà créée à court
ou moyen terme (Bernard, Sofia, Bella, Louise).
34
Bella qui travaille dans le secteur du théâtre ne parvient pas à avoir des revenus décents et elle aspire à
créer une structure qui lui permettrait de vivre correctement de son travail.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Sofia parait assez motivée par l’ESS, à la suite de la
formation qu’elle a suivie en France, au cours de laquelle elle a été amenée à réfléchir à un projet de
développement, dans son pays, le Maroc.
De même, Louise pense rester encore un peu dans la
start up où elle travaille, tout en se formant comme
ingénieur en écoconception. Ensuite, plusieurs possibilités se dessinent : partir à l’étranger dans une ONG
ou encore créer une petite entreprise autour de la
couture et la cuisine.
« Je voudrais a minima rester encore un ou deux ans
chez M. [la SCOP], parce que je voudrais encore apprendre. Je ne sais pas ce que je vais encore sortir mais
je sais que je veux encore apprendre, je ne sais pas si
j’ai toujours ma place là-bas parce que je ne suis pas
toujours indispensable. (…)[Avec mon conjoint], on a
le projet de partir peut être à l’étranger, peut-être.
Donc si on part à l’étranger avec cette spécialité-là, je
ne sais pas trop ce que cela va donner. Moi je suis
prête à travailler dans une ONG de nouveau (…) j’ai
aussi pour passion la couture, alors pourquoi pas
monter un jour une marque de vêtements en choisissant les personnes qui recherchent un emploi et en
choisissant les matières de manière intelligente, donc
le lien se fait assez bien. J’aime cuisiner aussi. Je n’en
sais rien... enfin, c’est pour faire un lien. Je me vois bien
un jour avoir mon petit commerce à moi.» Louise
Dans ce cas, l’ESS est une possibilité parmi d’autres.
Ce qui compte, ce sont les activités que Louise développera et le fait de ne pas être dans un grand groupe
marchand.
Pourquoi pas la fonction publique ? (2 personnes)
Deux personnes cherchent une certaine sécurité ce
qui les conduit à envisager d’intégrer la fonction
publique.
Pour Solal, plusieurs pistes possibles sont envisagées :
créer un site Web, reprendre une entreprise agricole,
avoir un emploi dans une mutuelle comme chargé de
mission ou encore passer un concours pour devenir
attaché territorial.
« [Dans] la communauté, la consommation collaborative, ils tous jeunes, ils se réunissent tous, dans des
forums, une fois par an, et ça a l’air cool ! “. C’est un
peu des serial entrepreneurs. J’ai peu cette fibre-là,
même si pour l’instant, ça n’a pas marché, … Même si
je ne gagne pas du tout d’argent là-dessus ! (...) Je
serais prêt à travailler dans un secteur associatif qui
serait pas trop enfermé sur lui-même... Parce que, l’ESS,
c’est un peu ça des fois… C’est un peu l’entre-soi, c’est
un peu gênant. Mais un milieu ouvert qui pourrait me
permettre d’avoir un poste… ou dans une mutuelle par
exemple, un poste de chargé de mission même à
1200-1300 Euros… Si vraiment je n’y arrive pas, il n’y
a pas de problèmes ! [Mais] aujourd’hui, (mon projet)
c’est devenir attaché (territorial), mais pas par vocation. Ça, c’est certain, pas par vocation ! Parce que je
tente encore un peu le coup. J’ai 25 ans, il faut que je
tente quand même de trouver ma place. » Solal
Après avoir été contrainte au départ dans une association d’aide aux malades, Line vient de trouver du
travail dans le secteur de la distribution d’alimentation par des circuits de proximité. Toutefois elle n’envisage pas de continuer à travailler dans l’ESS car elle
y juge les salaires trop faibles et les conditions de
travail dégradées. Elle a l’idée de passer des concours
pour entrer dans l’Education nationale et partir vivre
en province.
« J’aimerais habiter à Bordeaux mais, je me demande
si un jour je ne passerai pas le concours de professeur
des écoles, car ça me plairait. C’est le contact avec les
enfants qui me plait beaucoup. À plusieurs reprises,
j’ai voulu le faire et puis je me disais que peut être je
m’ennuierai, peut être que le travail en équipe me
manquera, parce que j’ai toujours bossé dans les
équipes, bon là où je suis maintenant (dans une structure de vente selon un mode collaboratif), ça sera
moins le cas. Ce qu’il y a c’est qu’une fois vous êtes
institutrice… C’est pour ça, je ne veux pas être institutrice tout de suite (rire). » Line
Créer son business hors de l’ESS (une personne)
Actuellement employé dans une association, Joris
voit sa vie professionnelle comme étant constituée
de trois principales dimensions. D’une part, il souhaite continuer à évoluer dans le secteur associatif.
En parallèle, il a un projet d’investissement dans des
appartements pour les louer afin d’accroitre ses revenus. Cela devrait alors lui permettre de se consacrer
à des activités associatives sur son temps libre et
d’aider les autres car, selon son expérience, le travail
en association laisse un peu de temps libre aux salariés.
« J’ai commencé à bosser pour U. [association spécialisée dans le handicap]. Dans l’associatif, ce n’est pas
toujours de gros horaires où on finit à 20h, ou à 22h,
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
35
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
ou à 23. Donc, quand je finissais et que j’arrivais chez
moi à 18h30 et donc, je me demandais : je fais quoi
maintenant ? Je me suis dit : autant me mettre mon
temps à profit, assoir mes acquis et essayer de me faire
plus d’argent pour pouvoir enchaîner sur quelques
projets personnels plus tard… Pour l’instant, mon projet est de rester dans le milieu associatif et puis d’évoluer. Enfin, je ferai ce qu’il faut pour évoluer dans le
milieu associatif [et] pour rester dans le marketing.
(Mais au bout de quelques années) l’idée c’est de me
mettre en indépendant et de commencer à bosser en
indépendant après, on verra pour se consacrer plus
aux autres. (…) Mes objectifs ? Alors, il y a mon objectif plaisir : c’est m’acheter une 2e voiture de collection.
Ça, c’est mon objectif plaisir. Mais ça, je l’atteindrai
rapidement. J’espère ! Et l’objectif moins plaisir mais
plus adulte, on va dire, c’est de me créer un patrimoine. Donc, acheter des appartements et les louer.
Pour ça, il faut que je continue à économiser et que
j’aie un apport correct pour avoir un prêt pour tout ça,
il faut travailler. Et donc, une fois que ça, ce sera fait,
je me constitue un truc cool… Je pourrai passer à autre
chose. Je pourrai donner du temps, le temps que j’ai
utilisé pour me construire, je pourrai le donner à
d’autres pour les aider peut-être. » Joris
Puis des projets de reprise d’études en parallèle de l’insertion pour 3 personnes
Clara aimerait s’engager dans un doctorat en lien
avec l’ESS.
« J’ai essayé de mettre en place le doctorat aussi. C’est
assez compliqué parce que ça fait quand même sept
ans que j’ai arrêté mes études. Je ne sais pas dans
quelle mesure on peut reprendre le doctorat en travaillant. Comment ? Est-ce que je vais pouvoir combiner les deux ? Est-ce que c’est possible ? Est-ce que je
me vois travailler sur un sujet pendant 4 ans ? » Clara
Anne envisage un master afin de renouer avec des
activités d’études et de recherches.
« Je m’étais posé la question cette année, que je devrais m’inscrire dans un doctorat, pourquoi pas reprendre un Master de chargé d’études, j’y ai pensé
mais je n’ai pas pris la décision Mais en effet ce n’est
pas une option qui s’écarte… il y a un calcul à faire,
un calcul financier. » Anne
36
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Moktar voudrait mieux connaitre le secteur de l’ESS
sans pour autant mentionner de projet précis de formation mais fait plutôt allusion à de l’apprentissage
informel.
« La première chose [pour travailler dans l’ESS] est que
j’ai encore beaucoup de choses à apprendre, notamment en sociologie. Ce sont des choses que j’ai envie
d’apprendre, vraiment comprendre les choses : qu’estce qu’un lien solidaire, l’entreprise solidaire, comment
marche une coopérative, qu’est-ce qu’un droit de vote
dans une SCOP, il y a plein de choses à apprendre. Et
en même temps, je me dis : moi, qu’est-ce que je peux
apporter par rapport à ce que j’ai appris ? Justement
une efficacité qu’il n’y a pas encore dans l’ESS, ou être
efficace, c’est un peu la «dictature», c’est à dire être
utile à tout moment dans une journée et là on est
reconnu comme des membres actifs. Et je pense que
j’ai un peu acquis, ça peut donner une nouvelle vision,
en tout cas une certaine approche qui peut être intéressante dans l’ESS et productive dans un sens. C’est
assez pragmatique. » Moktar
Les jeunes interrogés n’ont pas en tête une insertion
qui serait toute tracée. Au contraire, on constate que
leur insertion suit un processus de tâtonnements où
ils se construisent leur parcours propre en essayant
de concilier plusieurs activités et intérêts à la réalité
d’un marché du travail tendu. Leurs attitudes, leurs
projets manifestent leur réflexion continue sur euxmêmes et l’émergence de divers scénarios possibles
qui sont tour à tour testés. Rares sont ceux qui apparaissent clairement engagés dans une voie précise. Ils
explorent encore leur environnement de façon à identifier l’insertion qui leur conviendra le mieux. Si la
plupart d’entre eux ne se projettent que dans le court
ou le moyen terme, certains voient plus loin, comme
Joris avec ses projets dans l’immobilier. On constate
que les jeunes interrogés ont des projets variés, centrés sur certaines activités qu’ils veulent privilégier.
Ils cherchent à identifier le type d’emploi qui pourrait
leur convenir et poursuivre parfois plusieurs projets
en parallèle. Le point commun entre eux est la recherche d’une activité plutôt respectueuse de l’environnement et soutenant les personnes le plus en
difficulté dans la société.
–
LES CONCEPTIONS DE L’ENGAGEMENT
FUTUR DANS L’ESS
–
Bernard se spécialise dans l’entrepreneuriat social.
Solal essaie de développer des activités de conseil
aux collectivités territoriales qui veulent développer
l’ESS.
Les discours permettent de cerner le rapport que les
jeunes interrogés souhaitent développer dans le futur
avec l‘engagement associatif. Cet engagement dans
les activités solidaires, d’aide à autrui, de développement durable, sont-elles envisagées comme centrales
dans leur vie ou seulement périphériques ?
Les entretiens ont permis d’identifier trois logiques.
« Donc, je me suis inscrit en prépa pour passer le
concours d’attaché et, en parallèle, on a décidé de se
lancer, donc avec Yves, c’est le nom de cet ami, pour
essayer de monter une entreprise de conseil auprès des
collectivités territoriales… en développement local et
notamment en économie sociale et solidaire, en innovation sociale et puis après, tout ce qui est lié aux
politiques transversales. » Solal
Logique de Spécialisation de l’engagement
dans l’ESS (6 personnes)
Bella veut créer une coopérative qui s’occuperait de
la gestion des compagnies de théâtre.
Clara aimerait réaliser un doctorat sur un sujet en lien
avec l’ESS.
Certaines personnes veulent s’engager dans une activité précise de l’ESS. Leurs engagements dans l’ESS
sont centraux dans leur vie. Elles veulent se spécialiser, développer leur compétences dans un domaine
pointu de l’ESS, devenir expertes dans ce domaine. Il
ne s’agit pas de s’inscrire là encore dans des voies
toutes tracées. Il s’agit d’activités correspondant à
des projets de réalisation de soi.
Louise part dans le Sud de l’Inde, 6 mois pendant son
année de césure en école de commerce. Elle travaille
avec des ONG sur des projets de développement,
notamment un projet de réservoir hydraulique, aide
à trouver des fonds. Cette expérience lui a plu et l’a
conduite à modifier ses intentions professionnelles.
A son retour, elle se passionne pour les problèmes
environnementaux. Elle décide alors de se former en
école d’ingénieur pour se spécialiser dans le domaine
de l’écoconception.
Patrick a découvert l’existence du concept d’insertion
par l’économique « C’est à dire que ce qui m’intéresse
aussi c’est que les indicateurs sont plus axés sur l’économie: le chiffre d’affaires, comment attirer plus de
clients, les stratégies commerciales etc. Il y a aussi des
indicateurs sur l’impact social, notamment l’objectif
atteint sur le salaire moyen des salariés en insertion
par exemple, combien on leur donne par mois, est-ce
que ça leur permet de s’insérer ou pas? On voit que
c’est dans l’objectif de l’entreprise. (…). C’est vrai qu’on
a des gens qui sont parfois analphabètes, qui ont des
problèmes de français par exemple. Comment on
bosse dans les entreprises classiques? C’est vrai que
ce n’est pas toujours évident, mais bon! Il faut essayer
d’être efficace. ». C’est un secteur dans lequel il voudrait continuer à travailler, voire créer son association
intermédiaire plus tard.
« Faire un doctorat, enfin, prendre un sujet de mémoire
et l’adapter à l’actualité d’aujourd’hui, notamment
avec la nouvelle loi sur l’ESS. Voilà, et je suis en train
de chercher un directeur de thèse ou directrice de
thèse… sur l’ESS et la culture. » Clara
Ces personnes connaissent bien l’ESS ou au moins en
partie. Il s’agit donc de profils de spécialistes en ESS.
Logique d’extension des engagements
(4 personnes)
Ces personnes ont développé plus récemment leurs
intérêts pour l’ESS. Ils explorent la variété des activités possibles dans ce champ. Leur approche les
conduit à être plutôt polyvalents et à transférer leurs
compétences dans différents sous-secteurs de l’ESS.
Cette logique prend deux formes. La première correspond à des attitudes d’exploration du secteur. La
seconde correspond au fait que des engagements
auparavant bénévoles ont pris progressivement une
place centrale mais tout en étant assez diversifiés.
– Une attitude d’exploration du secteur
Moktar, après avoir entrepris des études commerciales dans le secteur de la finance, a choisi de s’intéresser à l’ESS, en commençant par du bénévolat dans
un orphelinat, puis en travaillant dans une ONG en
Inde et en conduisant des actions dans une ville de
France auprès de SDF. Il découvre alors le secteur du
développement local et de l’action sociale. Il a une
attitude d’exploration des activités et des métiers
possibles pour lui dans le champ de l’ESS.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
37
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
Charlotte, qui a passé son année de césure au Sénégal dans une ONG, n’imagine pas sa vie professionnelle ailleurs que dans l’ESS. Toutefois elle hésite
entre plusieurs activités et continue à explorer les
possibilités. Elle se voit être numéro deux d’une structure, dans le secteur de la distribution alimentaire,
ou du recyclage, ou encore l’innovation sociale. Elle
dit « Tous les jours, j’ai une idée » et continue « c’est
ça, mon l’idéal d’ESS c’est de faire les choses autrement, de recréer en prenant en compte toutes les problématiques qui sont autour de l’entreprise pour proposer des structures viables et rentables qui seront au
service du local et de leurs acteurs en tout cas ».
– L’insertion par le bénévolat
Sofia a d’abord eu des activités de bénévolat dans
l’aide aux enfants en situation de décrochage scolaire
au Maroc, puis a suivi une formation avec Campus
France centrée sur l’entrepreneuriat social. Elle s’implique ensuite dans un projet de développement de
la logistique et des transports en lien avec sa formation dans le marketing. On observe dans ce cas que
l’ESS était une préoccupation circonscrite à des activités bénévoles. Au moment de l’entretien, elle pense
créer son association pour y travailler.
Cathy a découvert l’ESS pendant son année de formation en Angleterre. Par la suite, l’ESS devient un
secteur dans lequel elle envisage de s’insérer et à son
retour elle entreprend un Master « LEA, gestion de
projet et développement durable ». Elle fait un stage
dans une collectivité et est recrutée en CDD pour
animer des réseaux dans le développement durable.
Toutefois elle ne parvient pas à trouver un emploi
stable et se voit contrainte d’accepter un poste de
professeure de latin pendant 2 ans. Après cette première expérience, elle continue à chercher du travail
dans le développement durable et engage un service
civique qu’elle doit arrêter à cause de trop faibles
revenus. Elle continue à chercher dans le secteur en
explorant les possibilités mais elle doit se replier sur
des petits boulots afin de subsister. Elle continue toutefois à chercher dans ce secteur en déployant des
activités bénévoles car cela lui semble pouvoir constituer une voie pour trouver un emploi.
Logique de dégagement : l’ESS, à côté de la
vie professionnelle (4 personnes)
Une partie des jeunes interrogés ne voient pas nécessairement l’ESS comme seul secteur possible pour leur
insertion. De leur point de vue, des engagements
peuvent être déployés dans le bénévolat et pas néces-
38
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
sairement dans une activité professionnelle. Ils apparaissent être plutôt dans une logique de retrait par
rapport à l’ESS envisagé comme un secteur d’insertion professionnelle possible. Dans certains cas, il
s’agit de jeunes déçus de l’ESS qui redistribuent leur
implication dans d’autres activités. Il s’agit de jeunes
qui recherchent une stabilité et une sécurité qu’il est
parfois difficile à trouver dans l’ESS.
Joris se verrait bien, soit développer des activités plus
lucratives dans le cadre d’une activité d’auto entrepreneur, ou bien continuer à travailler dans l’ESS pour
les horaires plus confortables dans les associations
que dans les entreprises privées. Dans les deux cas, il
aimerait développer à côté de son travail, une activité
de bénévolat, sans pour autant que ce projet soit très
précis. Joris travaille actuellement dans une association d’aide aux personnes handicapées.
Line a fait Sciences Po. Après des expériences à
l’étranger pendant ses études, elle connait une première insertion dans une association d’aide aux malades de longue durée. Cette expérience s’est terminée douloureusement par un licenciement.
« C’est vrai, jusqu’à récemment, je pensais que j’allais
faire toute ma carrière dans les ONG, car il y a des
projets urgents et ils ont besoin de moi, et puis... Une
grosse déception m’a fait prendre beaucoup de recul
et donc aujourd’hui, je pense qu’il y a plein d’autres
choses à faire. » Line
Elle estime que les conditions de travail qu’elle a
expérimentées dans l’ESS ne sont pas bonnes et que
la gestion du personnel laisse souvent à désirer.
« Sous prétexte qu’on a envie de participer à une cause
qui nous tient à cœur, il faudrait accepter de gagner
deux fois moins que les autres, quand on accepte de
ne jamais se plaindre, de travailler le weekend parce
que le Conseil d’administration c’est tout le temps le
weekend. Alors que pour beaucoup on est très qualifié
en sortant des grandes écoles. Ok, je ne suis pas favorisée ni par mon salaire, ni par mon travail, ni par les
possibilités de promotion mais c’est vraiment… il ne
faut pas le garder en tête. Et si pendant une période,
on essaie de le garder en tête quoi. Surtout lorsqu’on
est dans une période fragile comme l’année dernière,
ça m’a vraiment atteinte, c’était très dur et c’est le cas
de beaucoup de collègues. » Line
Anne a plusieurs pistes pour l’avenir : entreprendre
un doctorat ou travailler dans une ONG à un poste
de direction. Une autre piste consisterait à privilégier
le développement d’activités internationales dans
une entreprise privée. Finalement, le secteur professionnel lui importe moins que la nature des activités
à réaliser.
Quant à Jeanne, elle cherche avant tout un emploi
offrant une certaine sécurité, plutôt dans le secteur
du tourisme et se verrait bien élever des chevaux sur
son temps de loisir.
« C’est vrai qu’avoir potentiellement un centre
équestre, ça m’intéresserait mais quand je connais les
heures de travail que c’est, je ne sais pas si j’en serais
capable. C’est vraiment du 24/h sur 24, 7j/7, Eux
[les chevaux], ils mangent tous les jours. Ils ont vingt
sorties par jour, je ne sais pas si je pourrais. Je pense
que je garderai cette activité en loisir. Même là, je
bosse et je garde les chevaux, je les monte, ça me fait
des loisirs, mais il faut une sacrée organisation. »
Jeanne
Une minorité de jeunes envisagent pour leur avenir
professionnel de donner priorité à certaines activités
ou à leurs modes de vie avec des revenus plus confortables et une plus grande sécurité. Ceci leur parait
compatible avec la mise en œuvre d’activités bénévoles sur leur temps de loisirs.
Parmi ceux qui veulent travailler dans l’ESS, on distingue, d’une part les jeunes qui ont élaboré au fil de
leurs expériences des idées précises de leur insertion
et un projet clair, et d’autre part ceux qui continuent
à explorer, qui sont à la recherche d’une situation qui
pourrait leur convenir.
Cette analyse a mis au jour le rôle fondamental de
la socialisation familiale et des expériences sociales
développées au cours de la jeunesse, sur la construction des attentes professionnelles dans le secteur de
l’ESS. La socialisation familiale prend des formes multiples : discussions dans la famille sur le travail, engagement familial dans certaines activités sociales ou
caritatives, sensibilité politique d’un membre de la
famille, ou encore voyages familiaux à visée d’ouverture culturelle. La « fibre ESS » se développe également au cours des expériences mises en œuvre par
les jeunes telles que les engagements dans des associations, comme bénévoles, pour se former, ou pour
travailler. Les parcours des jeunes interrogés présen-
tent une configuration relativement homogène
même si on peut relever deux dimensions différentes.
D’une part, il existe une majorité de parcours centrés
sur des préoccupations ESS fortes : la socialisation en
famille, la formation et les engagements précoces
associés à l’ESS. Pour ces jeunes, l’ESS est une évidence et leur avenir y est naturellement associé.
D’autre part, une minorité de jeunes sont arrivés à
l’ESS progressivement ou par hasard. Mais cet intérêt
n’existait pas nécessairement d’emblée. Ces jeunes
doivent donc construire leur rapport à l’ESS dans le
cours d’expériences plus récentes. Ils ont élaboré des
représentations sociales de l’ESS centrées sur le bienêtre collectif et l’équité, avec plusieurs dimensions qui
ont été évoquées concernant l’intérêt général, la réintroduction des gains de l’activité dans le projet, la
gouvernance démocratique, le soin apporté à autrui
et à l’environnement. Cette sensibilité partagée à
œuvrer pour le bien commun prend une coloration
différenciée, dès lors que l’on prend en compte la
singularité des objets sociaux sur lesquels elle se
porte. Cette singularité des objets est liée aux expériences rencontrées.
C’est ainsi que cinq profils d’intérêts pour l’ESS ont
pu être identifiés.
- Les jeunes intéressés par le développement social
portent leur attention plutôt sur des individus et
groupes marginalisés et visent, par leurs actions, à les
aider à mieux vivre dans la société.
- Ceux, qui veulent agir en direction des pays en développement, sont intéressés par les différences culturelles et sont sensibles à des situations de grande
pauvreté.
- Les jeunes, préoccupés de développement urbain
local, cherchent à agir dans leur environnement quotidien pour faciliter la vie de tous les jours et réduire
la pollution.
- Ceux centrés plutôt sur le développement rural
veulent œuvrer en direction des populations situées
dans des territoires éloignés, voire isolés et adopter
pour eux-mêmes un mode de vie rural.
- Enfin, certains s’intéressent au développement artistique et culturel car ils sont eux-mêmes sensibles à
l’art, et veulent ainsi le promouvoir notamment auprès des populations qui en sont éloignées.
- Les jeunes interrogés veulent tous protéger l’environnement, mais une seule personne souhaite travailler
directement dans ce secteur.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
39
–2–
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
Le secteur de l’ESS porte de nombreux espoirs. Les
jeunes interrogés imaginent pouvoir engager un
changement important de société, amorcer un virage
en conjuguant leurs forces pour promouvoir un
monde plus juste et plus respectueux de l’environnement et des personnes. Ils apparaissent plutôt bien
formés, dotés d’expériences nombreues et riches,
dont certaines à l’étranger, ils ont parfois des projets
innovants, des idées de service ou d’activités qui
pourraient être développées. Les activités de recherche d’emploi dans le secteur se sont avérées assez peu fructueuses. La plupart ont le sentiment
d’être confrontés à des difficultés importantes pour
trouver un emploi. L’ESS ne parait pas plus que les
autres secteurs d’emploi favoriser l’intégration dans
un premier emploi. C’est aussi la recherche d’emploi
qui est complexe, car les offres d’emploi sont difficiles
d’accès et les critères de recrutement opaques. Ceux
qui ont été formés en alternance dans une organisation de l’ESS ont pu découvrir la variété des activités
possibles dans des conditions jugées plutôt favorables.
Pour une partie de ceux qui ont travaillé dans le secteur, les expériences ont été différemment perçues.
Parfois elles sont très satisfaisantes. Néanmoins, certaines déconvenues ont été expérimentées pour
d’autres en lien avec des salaires faibles, des contrats
précaires, des conditions de management éloignées
des principes annoncés, l’implication des entreprises
privées, une gestion financière profitant à certains
plus qu’à d’autres, la « concurrence » avec les bénévoles, etc… Au total, il est constaté que certaines des
organisations appartenant à la grande famille de
l’ESS ne respectent pas les principes du secteur. La
moitié des jeunes interrogés envisagent toutefois
d’intégrer une organisation de ce secteur. Ces jeunes
ont espoir de pouvoir se réaliser professionnellement
et d’y trouver de bonnes conditions de travail et une
certaine liberté, tout en y rencontrant des conditions
d’emploi de bonne qualité. Une partie des autres
préfèrent s’employer dans leur propre structure qu’ils
veulent créer. Et d’autres enfin se verraient plutôt
dans un autre secteur professionnel, qu’ils considèrent plus protégé, comme la fonction publique par
exemple. •
–CONCLUSION–
Les analyses des entretiens ont permis d’observer
certaines spécificités de la population interrogée
durant cette période de transition de la formation
vers l’emploi dans l’ESS. D’une part, ces jeunes ont
eu des expériences diversifiées qui ont permis de
développer leur adaptabilité. En accord avec les travaux de Savickas (2005, 2011), l’adaptabilité est une
compétence centrale pour l’insertion professionnelle.
Elle comprend cinq dimensions (le contrôle de l’environnement, la confiance en soi, la curiosité, la
conscience de ses capacités, le fait de se sentir
concerné par son devenir). Sans avoir pu évaluer précisément ces dimensions psychologiques, il apparait
que les jeunes interrogés ont manifesté une certaine
curiosité à l’égard de leur environnement. Ils se sentent également plutôt assez concernés par leur orientation et leur devenir et entreprennent diverses démarches pour trouver du travail. Or il a été montré
que la curiosité (et le sentiment de contrôle sur son
environnement) était corrélée à une insertion professionnelle rapide et satisfaisante. Les stages, les formations en alternance, les expériences à l’étranger
40
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
ont probablement contribué au développement d’une
certaine adaptabilité. Peut-être certains d’entre eux
manquent-ils un peu de sentiment de contrôle sur
leur environnement, mais d’autres ont, au contraire,
l’impression que « tout est possible », que toutes les
portes sont ouvertes et qu’il faut se lancer.
Par ailleurs, on constate que cette transition peut être
considérée en accord avec les travaux de Heinz
(2002), comme un temps de « socialisation de soi »
au cours de laquelle les jeunes développent des intentions et identifient des options pour les actions futures. Parmi les 6 modalités d’intégration biographique de la transition école-travail, les jeunes
interrogés semblent percevoir cette période comme
une « optimisation des chances » et comme « un développement personnel ». L’optimisation des chances se
manifeste par une tendance à l’accumulation de qualifications, qui offre des possibilités de développement, des chances de réussir. Les discontinuités de la
transition sont utilisées comme des temps pour se
former ou développer de nouvelles expériences. Cer-
tains jeunes vivent ce temps comme favorable au
développement personnel. Dans cette configuration,
le métier, l’organisation, apparaissent comme des
espaces permettant de développer ses intérêts et de
faire diverses expériences. Les opportunités d’emploi
sont évaluées en fonction des possibilités d’autonomie et d’auto-direction.
La première hypothèse consistait à penser que les
jeunes construisaient au cours de cette période de
transition, un modèle de vie (Levinson, 1978) les guidant pour développer des projets et anticiper différentes situations. Nous pensions que les valeurs
jouaient un rôle central dans l’élaboration de ce
modèle de vie. Conformément à nos attentes, les
jeunes partagent ce qui a été qualifié par Schwartz
(2006) de « valeurs de bienveillance ». Ces valeurs
peuvent être assimilées à des buts généraux et désirables (Helkama, 1999) qui orientent les actions. Ces
jeunes sont donc prêts à développer des conduites en
accord avec ces valeurs. La majorité d’entre eux sont
aussi surtout motivés par les dimensions intrinsèques
du travail (bien-être au travail, autonomie, initiatives
possibles…), ce qui peut les conduire à supporter des
situations de travail matériellement moins favorables
qui conduisent à du stress et de l’insatisfaction. Ainsi
les modèles de vie, qui se dégagent, se configurent à
partir de ces valeurs, des intérêts pour certains aspects de l’ESS, des expériences rencontrées dans les
organisations.
De plus, il est possible de distinguer les valeurs, des
principes moraux (Kolhberg, 1981). En effet, les principes moraux ne sont pas nécessairement suivis de
conduites en cohérence avec ceux-ci. Les individus
peuvent mettre en œuvre des conduites parfois en
contradiction avec leurs principes moraux (voir les
célèbres travaux de Milgram, par exemple). Ces observations peuvent éclairer certaines situations de travail rencontrées au cours desquelles les principes
prônés par l’ESS n’étaient pas respectés. Il n’est sans
doute pas impossible que des individus rencontrent
des difficultés à appliquer des principes moraux revendiqués par le secteur mais qui ne correspondent
pas à des valeurs personnelles qu’ils auraient véritablement intégrées.
Enfin, nous avions évoqué l’hypothèse selon laquelle
les expériences de travail induisaient des changements dans les choix d’orientation et les projets relativement à l’ESS. L’analyse tend à montrer que cette
intuition se confirme souvent et souligne ainsi l’importance de la qualité des expériences de travail et
de formation en entreprise proposées aux jeunes. Les
jeunes qui ont travaillé dans l’ESS, et qui ont eu des
expériences de travail difficiles, envisagent d’autres
orientations futures que de rester dans l’ESS. A l’inverse, ceux qui ont eu des expériences gratifiantes,
positives intéressantes, confirment leur souhait de
travailler durablement dans ce secteur.
Le dernier point concerne l’insertion dans le secteur
de l’ESS. Des études de l’Apec (2014, 2015) observaient que l’ESS attirait des jeunes diplômés mais que
les offres d’emploi leur étant ouvertes étaient moins
nombreuses dans l’ESS que pour l’ensemble des
offres du privé. Nos observations illustrent tout à fait
ces constats qui contredisent le discours répandu sur
l’ESS comme secteur « en tension » prêt à recruter en
masse. Les jeunes attendent une ouverture de ce secteur à leur égard. Pourquoi l’ESS n’intègre–t-elle pas
plus facilement les jeunes ? D’où vient cette défiance ? Cette question conduit à évoquer un nouveau volet de l’étude qui complèterait les autres. Il
s’agirait d’interroger des employeurs dans des organisations diverses de l’ESS pour mieux comprendre
cette situation. Certes, des cadres expérimentés
peuvent être recrutés afin de répondre aux nouveaux
défis auxquels les organisations de l’ESS sont confrontées (recherches de financement accru, obligation
d’évaluation de l’efficacité des actions, etc…) mais
comment se positionnent elles concernant l’emploi
de jeunes diplômés ?
Trois grands points résument les principaux enseignements de cette recherche :
1/ Les jeunes qui s’intéressent à l’ESS présentent des caractéristiques identitaires singulières.
D’une part, la plupart d’entre eux ont développé précocement « une fibre ESS » dans le cadre de la socialisation familiale avec des engagements sociaux
précoces. On observe ainsi un lien entre un contexte
de vie qui sensibilise à la question de la protection
de l’environnement et celui de l’aide à autrui et qui
se traduit par certaines intentions professionnelles
Mais certains jeunes sont venus plus tard à l’ESS et
ont rencontré d’autres influences (autres étudiants,
expériences à l’étranger, opportunités de travail…).
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
41
–2–
42
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
Ces préoccupations s’articulent alors de manières
variées avec des projets professionnels qui intègrent
tous des préoccupations propres à l’ESS. Ces expériences de socialisation à l’ESS aboutissent à plusieurs profils d’intérêts pour certaines activités de
développement de la société pouvant relever de
l’ESS : le social, l’écologie, le développement local
urbain, le développement rural, le développement de
pays pauvres sur le plan économique. Ces résultats
soulignent le fait qu’il n’a sans doute pas été réalisé
suffisamment de recherches sur la question du rôle
des engagements associatifs des adolescents et des
jeunes adultes dans la construction de leur identité
professionnelle et milite en faveur d’une approche
holistique de l’accompagnement et de l’orientation
professionnelle des individus.
conduisant les jeunes à réfléchir à la manière dont ils
souhaitent intégrer ces activités, souvent d’abord
bénévoles, à leur vie professionnelle. Il apparait que
dans ce secteur d’activités, sans doute plus que dans
d’autres, chacun se doit de réfléchir à la question des
limites entre ses différents rôles et /ou à celle de leur
articulation. Faut-il rester bénévole et travailler à
coté ? Comment militer dans son travail, tout en gardant une vie personnelle privée et ne pas être envahi
par son travail ? Comment supporter la dissonance
que l’on ressent quand on contribue, par son travail,
à agir à l’égard de la société, d’une manière que l’on
désapprouve ? Et comment y mettre fin ? On comprend que ces jeunes construisent leur insertion professionnelle en cherchant des réponses à des questions essentielles pour leur vie.
2/ La construction des compétences professionnelles, des projets de ces jeunes et leur
rapport avec l’ESS se réalise selon différentes
logiques.
La « logique de spécialisation dans l’ESS » met au jour
une construction des compétences par spécialisation
dans certains domaines professionnels pointus qui
nécessitent des formations particulières. La logique
« d’extension des engagements » témoigne d’une
volonté de mieux connaitre plusieurs aspects de ce
secteur (par exemple l’insertion et le développement
durable) et d’explorer les possibles professionnels.
Enfin, la logique de dégagement, correspond à des
personnes qui envisagent d’autres formes d’articulation des engagements militants avec d’autres activités, initiant des profils de carrière singuliers en intégrant des éléments parfois contradictoires. Ces
résultats mettent au jour l’importance des actions
3/Le dernier élément notable de cette recherche est la difficulté des jeunes à s’insérer
dans l’ESS, qui est pourtant susceptible de
recruter en grand nombre des cadres dans les
prochaines années. Malgré leurs diplômes et leurs
expériences dans le secteur et souvent à l’étranger,
les jeunes peinent à susciter la confiance des employeurs. Par ailleurs, ceux qui ont eu des expériences
dans l’ESS ont été un peu déçus des conditions de
salaires et d’emploi parfois médiocres. Cette situation
n’est pas sans conséquence. En effet, on observe que
plusieurs jeunes envisagent de créer leur propre structure, de développer leur propre projet et d’autres
envisagent d’autres options pour le futur (articuler un
emploi dans le secteur marchand et du bénévolat par
exemple). Peut-être serait-il intéressant de s’interroger
sur cette situation, relativement classique sur le marché du travail ? •
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
–ANNEXES–
–3–
44
45
49
Références bibliographiques
Caractéristiques des jeunes diplômés rencontrés
Le guide d’entretien
APEC – SE RÉORIENTER VERS LE SECTEUR DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
43
–3–
ANNEXES
–RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES–
Apec (2012). Les cadres de l’ESS. Paris : Apec
Apec (2014). Les candidats à des postes cadres dans l’ESS. Enquête auprès de 1000 cadres du privé. Paris :
Apec.
Apec (2015). Le marché de l’emploi dans l’économie sociale et solidaire. Les études de l’emploi cadre. Octobre,
n°74. Paris Apec
Banks, et al. (1992). Careers and Identities. Buckingham: Open University Press.
Bigot, R., (2007). Évolution des valeurs des jeunes entre 1979 et 2006. Horizons stratégiques
4, 8-29.
Cohen-Scali, V. (2000). Alternance et identité professionnelle. Paris : PUF
Cohen-Scali, V. (2010). Travailler et Etudier. Paris: PUF
Heinz, W., R., (2002) “Transition Discontinuities and the Biographical Shaping of Early Work Careers”. Journal
of Vocational Behavior. 60, 220–240. doi:10.1006/jvbe.2001.1865
Helkama, K. (1999). Recherches récentes sur les valeurs. In W. Doise, N. Dubois, J.L. Beauvois, & A. Boukarroum (Eds). La construction sociale de la personne. (pp. 61-73). Grenoble : Presses Universitaires de Rennes.
Kohlberg, L. (1981). Essays on Moral Development, Vol. I: The Philosophy of Moral Development. San Francisco,
CA: Harper & Row.
Laflamme, C. (1993). La formation et l’insertion professionnelles, enjeux dominants dans la société post-industrielle. Québec : les Editions du CRP, Université de Sherbrooke.
Levinson, D. (1978). The seasons of a man’s life. New York: Ballantine Books editions.
Méhaut, P., Monaco, A., Rose, J. & al. (1987). La transition professionnelle. Paris: L’Harmattan.
Monteiro, S. & Almaida, L.S, (2015). The relation of career adaptability to work experience, extracurricular
activities ad work transition in Portuguese graduate students. Journal of Vocational Behavior, 91. 106-112.
Petot, P. & Braley, E., (2012). Formations transversales en ESS et insertion professionnelle. Rapport d’études.
Paris : Observatoire de l’ESS/NCRES.
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Philips, S. D, Blustein, D.L., Jobin-Davis, K., Finkelberg White, S. (2002). Preparation for the school to work
transition: The views of high school students. Journal of Vocational Behavior, 61, 202-216. Doi: 10.1006/
jvbe.2001.1853.
Rose, J., (1996). L’organisation des transitions professionnelles, entre socialisation, mobilisation, et recomposition des rapports de travail et d’emploi. Sociologie du travail. 1, 61-79.
Savickas, M. L. (2005). “The Theory and Practice of Career Construction.” Pp. 42-70 in Career Development
and Counseling: Putting Theory and Research to Work, edited by S. D. Brown and R. W. Lent. Hoboken, NJ:
John Wiley & Sons.
Schwartz, S. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française
de sociologie. 4. 929-968. DOI 10.3917/rfs.474.0929
Sortheix, F.M. Chow, A. Salmela-Aro, K., (2015) Work values and the transition to work life: A longitudinal
study. Journal of Vocational Behavior. 89, 162–171.
Tostain, M. (1999). Psychologie morale et culture : l’évolution de la morale de l’enfance à l’âge adulte. Grenoble
: PUG.
Yanjum Guan, Hong Deug, et al. (2013). Career adaptability, job search, self-efficacy and outcomes: a threewave investigation among Chinese university graduates. Journal of vocational behavior. 83. 561-570
44
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
–CARACTÉRISTIQUES DES JEUNES DIPLÔMÉS–
Le tableau ci-dessous résume en détail les profils et les formations supérieures suivies par chacun des interviewés, ainsi que les expériences développées et les projets.
– Tableau 1–
Description de la population interrogée
Louise
Line
Sofia
Patrick
Sexe
F
F
F
M
Âge
25
31
23
26
Formation
Ecole de commerce +
Formation d’ingénieur en
éco conception en cours
Sciences Politiques section
Relations internationales
Etudes d’économie puis
master de Marketing et
Commerce.
Stage en campus coopératif
international
Dut GEA, licence Economie
gestion et master Management de l’ESS
Situation au moment
de l’enquête
Est en alternance dans une
SCOP ESS
Travaille dans une Ruche qui
dit Oui
En formation.
Formation en alternance.
Travaille dans une entreprise
d’insertion.
Parents
Commerçants
Hostiles à ses projets dans
l’ESS et ONG
Enseignants
ont beaucoup voyagé
bénévoles
Opposés à ses engagements
Mère infirmière et père
technicien
Expériences de
bénévolat
En Inde pendant son année
de césure
Associatifs dans le domaine
du décrochage scolaire
Au lycée et a été réserviste à
l’armée
Expériences à
l’étranger
En Inde volontariat international
Afrique
Est marocaine et a fait une
formation ESS en France
Non
Expériences de
travail
Travaille comme ingénieure
dans une coopérative
A Travaillé dans une association lutte contre la maladie
et maintenant change pour
une Ruche
Intérêts
Le développement,
Ecoconception,
l’environnement
Projets
Travailler à l’étranger dans
une ONG en lien avec l’environnement
Déçue des emplois dans
l’ESS mal payés. Envisage
de rentrer dans l’Education
Nationale
Travaille en alternance dans
une entreprise d’insertion
Décrochage scolaire, protection de l’enfance
Le social
Créer sa structure ESS
Diriger une association, puis
créer sa structure dans le
social
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
45
–3–
ANNEXES
– Tableau 1–
Description de la population interrogée
Joris
46
Bella
Clara
Moktar
Sexe
M
F
F
M
Âge
25
26
28
25
Formation
Master 2 en Marketing et
Communication
Hypokhâgne, Khâgne-Licence et Master en ESS
Géographie, et L3 en sociologie, Master ESS
Ecole de commerce section
finances
Situation au moment
de l’enquête
Travaille dans une association secteur handicap
Sans emploi et dirige son
association dans le théâtre.
Travaille comme chargée
des relations entreprises
et évènements dans une
université.
En recherche d’emploi
Parents
Mère infirmière, père, secrétaire mairie.
architectes
Père très engagé dans le
bénévolat
Parents bénévoles Croix
rouge
Expériences de
bénévolat
Associations d’enfants
malades
Dans des troupes de théâtre
Aide lors de festivals et
intervient dans une SCOP qui
réhabilite des gares
Pompier volontaire
Bénévolat à la croix rouge
Expériences à
l’étranger
Non
Non
En Irlande, a travaillé
dans des bars et dans des
festivals
3 mois en Afrique du Sud en
orphelinat
Année de césure en Inde
Expériences de
travail
Travaille actuellement dans
une association
A travaillé comme aidesoignant
Petits boulots dans le
théâtre
A eu deux CDD dans 2
universités, comme chargée
de projet
Animation dans des associations
Un CDD dans une entreprise
en fusion-acquisition
-financier
Intérêts
Aider les enfants et les
personnes âgées
Théâtre
Musique, festivals
L’action sociale
Projets
Travailler comme indépendant dans l’immobilier et se
consacrer à une association
sur son temps libre
Créer une SCOP pour
mutualiser la gestion des
compagnies de théâtres.
Faire une thèse ou travailler
dans l’ESS à l’étranger
Travailler dans la finance
solidaire, à l’étranger
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
– Tableau 1–
Description de la population interrogée
Charlotte
Anne
Solal
Cathy
Sexe
F
Âge
27
28
27
M
25
Formation
Ecole de Commerce et master ESS en cours
Licence 3 de sociologie et
master politiques internationales
Droit et Master en Sciences
Politiques.
Licence 3 et M1 Lettres
Modernes. Master LEA Langues et ESS.
Situation au moment
de l’enquête
En formation en alternance/
travaille dans un laboratoire
d’université
Chargée de mission dans un
syndicat
Passe des concours d’Attaché
territorial
En recherche d’emploi
Parents
Grand-mère impliquée dans
le bénévolat
Père géologue et mère socio
esthéticienne qui ont toujours voyagé avec enfants et
impliqués dans des ONG
Mère aide-soignante
Impliqués dans des associations, père syndicaliste
Expériences de
bénévolat
Intervenante en Cigales
(Club d’investisseurs)
Non
Création de sites web pour
l’ESS
Impliquée dans une association de promotion du vélo
Expériences à
l’étranger
Année de césure au Sénégal
Un an aux USA
3 ans dans une ONG à
Madagascar
Non
Erasmus en Grande Bretagne
Expériences de
travail
En alternance. Entreprise :
Université
Chargée de mission dans un
syndicat
A crée une entreprise de
conseil aux collectivités
territoriales
A travaillé 2 ans comme prof
de lycée, 3 mois dans une
collectivité, a fait un service
civique sur la coordination
de réseaux Développement
Durable.
Intérêts
Aider à construire des
projets
Développer des activités
intellectuelles
L’agro-écologie, la nature
Promotion des transports
propres - vélo
Projets
Faire de la coopération
internationale
Thèse ou travailler dans une
ONG
Etre attaché territorial, vivre
à la campagne et avoir des
engagements bénévoles à
côté.
Travailler dans la gestion de
projets, le Développement
Durable en lien avec la mobilité et l’urbanisme.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
47
–3–
ANNEXES
– Tableau 1–
Description de la population interrogée
Jeanne
48
Bernard
Sexe
F
M
Âge
23
23
Formation
Dut techniques de commercialisation et Licence Droit&
Gestion.
Comptabilité-Gestion puis
Master ingénierie de l’ESS.
Situation au moment
de l’enquête
Assistante administrative
dans une association
En formation et gère son
association en entrepreneuriat social.
Parents
Bénévoles resto du cœur
mère donne des cours
d’alphabétisation
Mère a créé sa boulangerie.
Expériences de
bénévolat
Non
A crée son association qui
sensibilise à l’entrepreneuriat social (Benin)
Expériences à
l’étranger
Un an en Australie
Originaire du Benin, il a fait
une formation en France
Expériences de
travail
Secrétaire dans une association équestre
Gestion de son association «
jeunesse Benin »
Intérêts
L’élevage de chevaux
L’entrepreneuriat social
Projets
Partir à l’étranger et avoir
un emploi stable, élever des
chevaux.
Travailler dans une coopérative ou être salarié de son
association.
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
–LE GUIDE D’ENTRETIEN–
Thème 1 : Votre parcours de formation et professionnel
Thème 2 : Comment avez-vous choisi votre travail actuel ?
Thème 2 bis : Décrivez votre activité actuelle
Thème 3 : Comment évaluez-vous la formation suivie compte tenu de votre projet/ou activité actuelle ?
Thème 4 : Comment voyez-vous l’ESS ? C’est quoi pour vous ?
Thème 5 : Qu’est ce qui compte pour vous dans un travail ?
Thème 6 : Comment voyez-vous votre devenir professionnel ?
–LA GRILLE D’ANALYSE THÉMATIQUE DU CONTENU
DES ENTRETIENS–
I – Le parcours de formation
1/ La formation au lycée
1.1 Perception de soi comme lycéen
1.2 Intérêts scolaires
1.3 Choix du Bac
2/ Formations post Bac
2.1 Formation au niveau Licence
2.1.1 Type de filière
2.1.2 Motif de ce choix
2.2 Formations de niveau Master
2.2.1 Motifs de choix
2.2.2 Formation dans l’ESS
2.2.3 Formations hors ESS
3/ Autres formations suivies
3.1 Types de formation
Dans l’ESS
Hors ESS
3.2 Motifs de ces choix
4/ Les stages
5/ Les expériences de formation à l’étranger
6/ Les expériences de « petits boulots » pendant la formation
6.1 Expériences dans l’ESS
6.2 Expériences hors ESS
II / L’insertion professionnelle
1. Les souhaits de primo insertion
2. Modes de recherche du premier emploi
2.1 Types de services utilisés
Ateliers
Pôle emploi
Etc.
2.2 Difficultés rencontrées dans la recherche d’emploi
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
49
–3–
ANNEXES
3. Nombre d’emplois occupés depuis la fin de la formation
Aucun
Un : deux
Deux à quatre
Plus de quatre
3. Premier emploi trouvé
3.1 Emploi dans le secteur de l’ESS
3.1.1 Manière dont il a été trouvé
Création de structure
Trouvé grâce à un stage
3.1.2 Activités dans ce premier emploi
-Prospective Territoriale
-Le Conseil aux entreprises
3.1.3 Type d’entreprises
Coopérative
Associations
Entreprise privée
Etat
Mutuelle
3.14 Evaluation de ce premier emploi
3.2 Emploi hors ESS
3.2.1 Manière dont il a été trouvé
3.2.2 Activités dans ce premier emploi
Enseignante de langues en lycée
3.2.3 Type d’entreprises
L’Etat
3.2.4 Evaluation de ce premier emploi
3.3 Les difficultés rencontrées dans ces activités
4. Emplois trouvés ensuite (avant d’intégrer l’emploi actuel)
4.1 Emplois dans l’ESS
4.1.1 Types d’entreprises
4.1.2 Activités
4.1.3 Evaluations de ces activités
4.2 Emplois hors ESS
4.2.1 Type d’entreprises
4.2.2 Activités/emploi
4.2.3 Evaluations
III – La situation au moment de l’entretien
1/ Situation de recherche d’emploi
• Durée de la recherche d’emploi
• Mode de recherche d’emploi
• Emploi/activités recherchées
• Difficultés rencontrées
2/ Situation d’emploi
• Expérience dans l’emploi actuel
• Type d’entreprise
• Activité/intitulé de l’emploi
• Evaluation de la situation actuelle
50
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
IV – Les engagements hors travail/le bénévolat
1/ Les engagements politiques
2/ Les engagements sociaux/associatifs
3/ Les engagements humanitaires/ONG
4/ Les engagements militants non politiques
V – Les attentes professionnelles futures
1/ Les attentes professionnelles
1.1 Type d’emploi recherché
1.2 Type d’activités recherchées
1.3 Type d’entreprise souhaité
1.4 Motif de ces attentes
1.5 Stratégies envisagées pour y parvenir
2/ Attentes sur le plan personnel
2.1 Choix de vie
2.2 Les engagements futurs
3/ Réponses à la question « Qu’est-ce que vous attendez d’un travail »/qu’est ce qui compte
pour vous dans un travail ?
VI – Les représentations du secteur de l’ESS
1/ Travailler avec l’humain
2/ L’argent est secondaire
3/ Une alternative sociale
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
51
52
APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
N°
2016-45
OCTOBRE 2016
–CES JEUNES DIPLÔMÉS
QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS :
ENJEUX ET PERSPECTIVES–
Le Cnam, en partenariat avec l’Apec, a mené une enquête
auprès d’un échantillon de jeunes en début de carrière
dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire ou
désirant s’y insérer.
• Quelles sont leurs motivations professionnelles pour
s’engager dans ce secteur ?
• Quelle est leur représentation du secteur ?
• Comment envisagent-ils leur trajectoire dans ce secteur ?
ISBN 978-2-7336-0954-5
OCTOBRE 2016
Étude réalisée dans le cadre d’un partenariat de
recherche avec Valérie Cohen-Scali (Cnam-CRF et CRTD).
Avec la collaboration de Naima Adasse, Cécile de Calan
et David Mahut (Cnam-CRF et CRTD).
Équipe projet du département études et recherche de
l’Apec : Claire Margaria et Raymond Pronier
Direction du département : Pierre Lamblin
ASSOCIATION POUR L’EMPLOI DES CADRES
51 BOULEVARD BRUNE – 75689 PARIS CEDEX 14
POUR CONTACTER L’APEC
0 809 361 212
www.apec.fr
EDOBSA0171–10.16
DU LUNDI AU VENDREDI
DE 9H À 19H

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