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Livres
Et Albert Uderzo
rencontra Goscinny
L’HUMEUR DE JÉRÔME GARCIN Une œuvre littéraire et un chant d’amour
O
/ PHOTO DR
ne, avec Jean Michel Charlier,
les aventures de "Belloy, le chevalier sans armure"… Autant
de séries aujourd’hui oubliées
mais qui se sont avérées majeures pour son auteur.
En 424 pages, richement illustrées de dessins inédits et
d’histoires complètes, Cauvin
et Duchêne reviennent sur cette période phare pour Uderzo.
Car outre sa rencontre avec
Goscinny, il fera aussi la
connaissance d’une certaine
Ada qui deviendra sa femme.
Stéphane ROSSI
L’intégrale Uderzo. 1951-1953. Aux
éditions Hors Collection/Albert René.
420 pages. 69¤
AFFAIRES
La justice au décodeur
De quel bois se chauffe notre
justice ? Qui sont ces hommes et
ces femmes qui la rendent ?
Au-delà de l’image sirupeuse et
solennelle qu’elle donne à voir,
qui sont ceux qui la font ? Dans
Les dessous des affaires judiciaires, Frédéric Crotta et Marcel
Gay, deux grands reporters, l’un
à France 2, l’autre à l’Est Républicain, ont passé au crible les affaires les plus sensibles : du dossier Bygmalion à l’affaire Dieudonné, en passant par les écoutes de Sarkozy. Mais le livre explore aussi des dossiers sensibles qui ont interpellé
l’opinion, comme l’affaire du
chaton projeté contre un mur
qui a valu à Marseille à son
auteur une peine d’un an de prison ferme. Les auteurs comparent, décortiquent. Ils tentent
d’expliquer l’explicable et de décrypter l’inexplicable. Ils traquent l’injustice sous l’hermine
de la justice apparente. "Double
peine", écrivent les auteurs,
pour le barbare du net, lourdement sanctionné, qui va apprendre en prison que les chats sont
utilisés aux Baumettes pour traquer les rats…
"On a découvert à cette occasion que le peuple pouvait juger
par internet interposé", observe
Frédéric Crotta. La justice est
une machine qui compte 77 000
hommes, dont 8 000 magistrats.
Les tribunaux français traitent
bon an mal an près de 5 millions de dossiers. Qui sont les héros de cette justice ? Les Pierre
Michel d’aujourd’hui ? Les Serge Tournaire et Charles Duchaine, qui se sont fait les dents au
tribunal de grande instance de
Marseille, en s’attaquant au crime organisé, ont eu le courage
de s’attaquer aux sondages de
l’Elysée, puis au financement
de la campagne Sarkozy pour le
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Eric Laurrent: Ziad,
mon fils, ma bataille
BANDE DESSINÉE
L’œuvre d’Uderzo est énorme. C’est sans doute la raison
pour laquelle les intégrales qui
lui sont dédiées le sont aussi !
Après la parution, l’année dernière, d’un ouvrage dédié à
l’auteur et ses premières années d’illustrateur (entre 1941
et 1951) Philippe Cauvin et
Alain Duchêne récidivent en
nous décrivant de façon exhaustive la période 1951-1953
dont on sait qu’elle coïncide
avec la rencontre avec Goscinny. En effet, c’est en 1952 que
les deux compères, qui allaient
devenir inséparables, se lançaient dans la cogestion d’une
BD. Pour cela, ils imaginent les
aventures d’un petit indien
confronté à l’Amérique moderne, Oumpah-Pah. Ce fut un véritable flop ! Personne, à
l’époque, n’a voulu de ce projet. En 1952 les deux génies
créent un autre personnage,
un corsaire nommé Jehan Pistolet.
Uderzo, de son côté, multiplie les projets. Il illustre le magazine "Bonnes soirées" avec
une série intitulée "Qui a raison ?", puis "Sa majesté mon
mari", épisodes qui reflètent
les péripéties conjugales d’une
famille des années 50. Il imagi-
Dimanche 2 Novembre 2014
www.laprovence.com
Frédéric Crotta.
/ PHOTO DR
premier, au dossier Guérini
pour le second. Et qui sont les ténors d’un barreau qui compte
pas moins de 60 000 avocats,
dont 2 000 à Marseille ? Les Herzog, Temime, Maisonneuve,
Haïk ? Le plus emblématique:
Eric Dupond-Moretti, "Acquittator" pour les spécialistes,
l’avocat qui murmure à l’oreille
des jurés… On peut regretter un
regard un peu trop parisien, de
maigres explorations en province où de vrais talents d’avocats
existent, surtout comme dans
une ville du verbe comme Marseille. Les deux auteurs aiment
aussi mettre le doigt là où cela
fait mal. Après l’affaire Seznec,
il y eut l’affaire Grégory, puis
Outreau. Comme si, en permanence, en matière de justice,
l’histoire se répétait. Comme si
la justice ne tirait jamais vraiment les leçons de ses errements passés. Et c’est bien ce
qui est inquiétant, au pays de
Thémis !
Denis TROSSERO
"Les dessous des affaires judiciaires",
par Marcel Gay et Frédéric Crotta,
Editions Max Milo, 19 euros.
RENCONTRES
Lisa Szafraniec en dédicace à Cultura
La jeune auteur de 16 ans est aujourd’hui à Cultura Plan de Campagne de 10h à 19h. Elle y dédicacera son premier roman, Dans les
pas de l’ange, comme le 8 novembre de 9h30 à 12h30 dans la boutique Cultura d’Aubagne et de 14hà 19h dans celle de la Valentine.
Dominique Bordes à Marseille
Dominique Bordes des Éditions Monsieur Toussaint Louverture
se prêtera au jeu des discussions le 20 novembre à 19h à la Librairie Histoire de l’œil à Marseille.
n estime, écrit Eric Laurrent, qu’entre sept et neuf
mille enfants sont abandonnés chaque année au Maroc". Un pays – ceci expliquant
cela – où l’avortement est interdit, où les relations sexuelles
hors mariage sont passibles de
peines d’emprisonnement et où
les filles-mères sont vouées aux
gémonies. Jusqu’en septembre
2012, ces enfants abandonnés
pouvaient être adoptés par des
étrangers. Mais depuis le mois
de septembre de cette année-là,
la Justice du Royaume chérifien
réserve désormais aux Marocains le droit d’adopter, au prétexte qu’ils sont les seuls habilités à pouvoir élever l’enfant selon les préceptes de l’islam.
Or, en avril 2012, le romancier
Eric Laurrent, auteur de Coup
de foudre (prix Fénéon 1995) et
des Découvertes (prix Wepler
2011), s’était rendu avec Yassaman, sa femme d’origine iranienne, à l’orphelinat de Rabat.
"Il était dit, écrit cet écrivain,
alors âgé de 46 ans, qui avait
longtemps
repoussé
l’hypothèse de la paternité, que
je n’allais pas donner la vie,
mais que j’en sauverais une". On
leur avait présenté le bébé, de
sexe masculin, abandonné par
sa jeune mère, qu’ils avaient obtenu de pouvoir bientôt adopter: un petit Ziad de 3,5 kg, qualifié de "tonique, réactif et vif". Le
père avait aussitôt fondu en larmes. Mais c’était compter sans
la circulaire ministérielle qui,
cinq mois plus tard, remettrait
donc cette adoption en question.
Berceau est le récit de la longue bataille qu’ont menée ces
parents avant d’être autorisés à
repartir, en septembre 2013,
pour la France, avec Ziad, leur
fils "magnifique et gracieux"
d’un an et demi, dont les cils
sont si longs, si fins, que la moindre brise l’oblige à fermer les
paupières. Une bataille adminis-
"Berceau" du romancier Eric Laurrent est bien plus qu’un
témoignage captivant et inquiétant sur le Maroc d’aujourd’hui.
trative autant que psychologique. Et l’occasion, pour Eric
Laurrent, très attaché à ses deux
"r" qui le distinguent de son homonyme Eric Laurent (auteur
d’un livre à charge contre Mohammed VI, Le Roi prédateur),
d’observer l’évolution de la société marocaine depuis les révolutions du Printemps arabe. Il
entend, par exemple, un représentant du parquet affirmer
qu’il préfère voir, fussent-ils des
milliers, "les orphelins de ce
pays dans la rue plutôt que dans
une famille de kâfirs (les incroyants, les infidèles, les mécréants)". Mais, dans son combat, Eric Laurrent a eu la chance
de pouvoir compter avec Son Altesse Lalla Zineb, à laquelle Ber-
ceau est dédié. La cousine germaine du roi, et présidente de la
Ligue marocaine pour la protection de l’enfance, allait en effet
intervenir personnellement
pour contrarier les décisions du
gouvernement islamiste et résoudre la situation kafkaïenne
dans laquelle le couple de Français (où le sang italien du mari
se mêle au sang iranien de la
femme) était plongé. "Ainsi
donc, victimes d’un oukase ministériel, nous ne devrons notre
salut qu’à un fait du prince".
Berceau n’est pas seulement
un témoignage captivant et inquiétant sur le Maroc
d’aujourd’hui, où des gamins
abandonnés sont désormais
condamnés, faute d’adoptants,
à errer, mendier, voler dans les
ruelles des médinas, c’est aussi
le texte très écrit, très sophistiqué, très subtil d’un romancier
qui veut offrir à son fils à la fois
un chant d’amour et une œuvre
littéraire. Les deux seront précieux à Ziad Laurrent, lorsqu’il
sera grand.
J.G.
"Berceau", d’Eric Laurrent, Minuit,
96 pages, 11,50 euros.
ROMAN
Journal imaginaire de Maria Callas
Grand spécialiste de l’art lyrique (son Dictionnaire amoureux de l’opéra fait autorité),
journaliste-écrivain dont les
ouvrages sur Chopin, Schumann, Bach, Mozart, renseignent autant sur l’homme que
son œuvre, Alain Duault se devait d’écrire un livre sur Maria
Callas. C’est aujourd’hui chose
faite par le biais de cet émouvant hommage en forme de récit intime s’inscrivant au cœur
de la collection Dans la peau
de… proposée par les éditions
Le passeur.
Francis Huster y avait parlé
de Camus et Jean-Pierre Guéno du Soldat inconnu. Ce qui
frappe à la lecture de Dans la
peau de Maria Callas, c’est
d’abord la souplesse du style,
son côté sobre et flamboyant.
En orfèvre des mots, Alain
Duault qui est aussi un important poète français dont les textes furent couronnés du Grand
prix de l’Académie française,
propose une émouvante vision de la diva, saisie loin des
paillettes dans une poignante
intimité. Plutôt que de faire résonner les grandes orgues des
orchestres et des chefs qui ont
accompagné la cantatrice,
Alain Duault met en scène la
dernière quinzaine de la vie de
Maria Callas en nous la présentant sous la forme d’un journal
intime imaginaire.
Nous sommes le 1er septembre 1977. Dans son grand appartement parisien de
Alain Duault, amoureux de Maria Callas et poète français dont les
textes furent couronnés du Grand prix de l’Académie française.
l’avenue Georges-Mandel, là
où elle mourra le 16 septembre
à l’âge de 53 ans, Maria Callas
se souvient des grands moments de sa vie d’artiste, mais
aussi de fille, d’épouse, et plus
inattendu d’admiratrice des
autres. On trouve en effet des
pages très chaleureuses sur les
nouvelles voix de l’époque tel-
les que Renata Scotto, Teresa
Berganza, Montserrat Caballé,
son cher "Pippo", le ténor Giuseppe Di Stefano, les actrices
Elisabeth Taylor ou Ava Gardner, femme jugée d’une grande classe. Sans oublier le cinéaste Luchino Visconti toujours très élégant, dont la mise
en scène de La Traviata de Verdi à la Scala de Milan en 1955
fera date. Ou encore avant le
chef Leonard Bernstein.
Maria Callas parle aussi
beaucoup de son père avec qui
les rapports furent parfois tendus mais toujours nourris
d’amour. De ses racines grecques (son vrai nom était Sophia Cecilia Kalos) de son cher
Ari (Aristote Onasis décédé
avant elle, le grand et tragique
amour de sa vie), de sa passion
du chant, de ses grands rôles
parmi lesquels celui de Norma.
Tout partant de son point de
vue, le récit de Maria Callas
sous la plume d’Alain Duault
respire l’élégance et la retenue.
Par une foule de détails, on mesure aussi toute la solitude qui
entoure souvent l’existence
des divas.
Un ouvrage superbe qui donne envie d’écouter Callas bien
sûr, mais au-delà toutes les
grandes voix de l’art lyrique.
Jean-Rémi BARLAND
"Dans la peau de Maria Callas" par Alain
Duault. Le passeur éditions. 185 pages,
16,90¤