[mars - 33] blp/info_gene/30.pages 02/11/14
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Livres Et Albert Uderzo rencontra Goscinny L’HUMEUR DE JÉRÔME GARCIN Une œuvre littéraire et un chant d’amour O / PHOTO DR ne, avec Jean Michel Charlier, les aventures de "Belloy, le chevalier sans armure"… Autant de séries aujourd’hui oubliées mais qui se sont avérées majeures pour son auteur. En 424 pages, richement illustrées de dessins inédits et d’histoires complètes, Cauvin et Duchêne reviennent sur cette période phare pour Uderzo. Car outre sa rencontre avec Goscinny, il fera aussi la connaissance d’une certaine Ada qui deviendra sa femme. Stéphane ROSSI L’intégrale Uderzo. 1951-1953. Aux éditions Hors Collection/Albert René. 420 pages. 69¤ AFFAIRES La justice au décodeur De quel bois se chauffe notre justice ? Qui sont ces hommes et ces femmes qui la rendent ? Au-delà de l’image sirupeuse et solennelle qu’elle donne à voir, qui sont ceux qui la font ? Dans Les dessous des affaires judiciaires, Frédéric Crotta et Marcel Gay, deux grands reporters, l’un à France 2, l’autre à l’Est Républicain, ont passé au crible les affaires les plus sensibles : du dossier Bygmalion à l’affaire Dieudonné, en passant par les écoutes de Sarkozy. Mais le livre explore aussi des dossiers sensibles qui ont interpellé l’opinion, comme l’affaire du chaton projeté contre un mur qui a valu à Marseille à son auteur une peine d’un an de prison ferme. Les auteurs comparent, décortiquent. Ils tentent d’expliquer l’explicable et de décrypter l’inexplicable. Ils traquent l’injustice sous l’hermine de la justice apparente. "Double peine", écrivent les auteurs, pour le barbare du net, lourdement sanctionné, qui va apprendre en prison que les chats sont utilisés aux Baumettes pour traquer les rats… "On a découvert à cette occasion que le peuple pouvait juger par internet interposé", observe Frédéric Crotta. La justice est une machine qui compte 77 000 hommes, dont 8 000 magistrats. Les tribunaux français traitent bon an mal an près de 5 millions de dossiers. Qui sont les héros de cette justice ? Les Pierre Michel d’aujourd’hui ? Les Serge Tournaire et Charles Duchaine, qui se sont fait les dents au tribunal de grande instance de Marseille, en s’attaquant au crime organisé, ont eu le courage de s’attaquer aux sondages de l’Elysée, puis au financement de la campagne Sarkozy pour le 33 Eric Laurrent: Ziad, mon fils, ma bataille BANDE DESSINÉE L’œuvre d’Uderzo est énorme. C’est sans doute la raison pour laquelle les intégrales qui lui sont dédiées le sont aussi ! Après la parution, l’année dernière, d’un ouvrage dédié à l’auteur et ses premières années d’illustrateur (entre 1941 et 1951) Philippe Cauvin et Alain Duchêne récidivent en nous décrivant de façon exhaustive la période 1951-1953 dont on sait qu’elle coïncide avec la rencontre avec Goscinny. En effet, c’est en 1952 que les deux compères, qui allaient devenir inséparables, se lançaient dans la cogestion d’une BD. Pour cela, ils imaginent les aventures d’un petit indien confronté à l’Amérique moderne, Oumpah-Pah. Ce fut un véritable flop ! Personne, à l’époque, n’a voulu de ce projet. En 1952 les deux génies créent un autre personnage, un corsaire nommé Jehan Pistolet. Uderzo, de son côté, multiplie les projets. Il illustre le magazine "Bonnes soirées" avec une série intitulée "Qui a raison ?", puis "Sa majesté mon mari", épisodes qui reflètent les péripéties conjugales d’une famille des années 50. Il imagi- Dimanche 2 Novembre 2014 www.laprovence.com Frédéric Crotta. / PHOTO DR premier, au dossier Guérini pour le second. Et qui sont les ténors d’un barreau qui compte pas moins de 60 000 avocats, dont 2 000 à Marseille ? Les Herzog, Temime, Maisonneuve, Haïk ? Le plus emblématique: Eric Dupond-Moretti, "Acquittator" pour les spécialistes, l’avocat qui murmure à l’oreille des jurés… On peut regretter un regard un peu trop parisien, de maigres explorations en province où de vrais talents d’avocats existent, surtout comme dans une ville du verbe comme Marseille. Les deux auteurs aiment aussi mettre le doigt là où cela fait mal. Après l’affaire Seznec, il y eut l’affaire Grégory, puis Outreau. Comme si, en permanence, en matière de justice, l’histoire se répétait. Comme si la justice ne tirait jamais vraiment les leçons de ses errements passés. Et c’est bien ce qui est inquiétant, au pays de Thémis ! Denis TROSSERO "Les dessous des affaires judiciaires", par Marcel Gay et Frédéric Crotta, Editions Max Milo, 19 euros. RENCONTRES Lisa Szafraniec en dédicace à Cultura La jeune auteur de 16 ans est aujourd’hui à Cultura Plan de Campagne de 10h à 19h. Elle y dédicacera son premier roman, Dans les pas de l’ange, comme le 8 novembre de 9h30 à 12h30 dans la boutique Cultura d’Aubagne et de 14hà 19h dans celle de la Valentine. Dominique Bordes à Marseille Dominique Bordes des Éditions Monsieur Toussaint Louverture se prêtera au jeu des discussions le 20 novembre à 19h à la Librairie Histoire de l’œil à Marseille. n estime, écrit Eric Laurrent, qu’entre sept et neuf mille enfants sont abandonnés chaque année au Maroc". Un pays – ceci expliquant cela – où l’avortement est interdit, où les relations sexuelles hors mariage sont passibles de peines d’emprisonnement et où les filles-mères sont vouées aux gémonies. Jusqu’en septembre 2012, ces enfants abandonnés pouvaient être adoptés par des étrangers. Mais depuis le mois de septembre de cette année-là, la Justice du Royaume chérifien réserve désormais aux Marocains le droit d’adopter, au prétexte qu’ils sont les seuls habilités à pouvoir élever l’enfant selon les préceptes de l’islam. Or, en avril 2012, le romancier Eric Laurrent, auteur de Coup de foudre (prix Fénéon 1995) et des Découvertes (prix Wepler 2011), s’était rendu avec Yassaman, sa femme d’origine iranienne, à l’orphelinat de Rabat. "Il était dit, écrit cet écrivain, alors âgé de 46 ans, qui avait longtemps repoussé l’hypothèse de la paternité, que je n’allais pas donner la vie, mais que j’en sauverais une". On leur avait présenté le bébé, de sexe masculin, abandonné par sa jeune mère, qu’ils avaient obtenu de pouvoir bientôt adopter: un petit Ziad de 3,5 kg, qualifié de "tonique, réactif et vif". Le père avait aussitôt fondu en larmes. Mais c’était compter sans la circulaire ministérielle qui, cinq mois plus tard, remettrait donc cette adoption en question. Berceau est le récit de la longue bataille qu’ont menée ces parents avant d’être autorisés à repartir, en septembre 2013, pour la France, avec Ziad, leur fils "magnifique et gracieux" d’un an et demi, dont les cils sont si longs, si fins, que la moindre brise l’oblige à fermer les paupières. Une bataille adminis- "Berceau" du romancier Eric Laurrent est bien plus qu’un témoignage captivant et inquiétant sur le Maroc d’aujourd’hui. trative autant que psychologique. Et l’occasion, pour Eric Laurrent, très attaché à ses deux "r" qui le distinguent de son homonyme Eric Laurent (auteur d’un livre à charge contre Mohammed VI, Le Roi prédateur), d’observer l’évolution de la société marocaine depuis les révolutions du Printemps arabe. Il entend, par exemple, un représentant du parquet affirmer qu’il préfère voir, fussent-ils des milliers, "les orphelins de ce pays dans la rue plutôt que dans une famille de kâfirs (les incroyants, les infidèles, les mécréants)". Mais, dans son combat, Eric Laurrent a eu la chance de pouvoir compter avec Son Altesse Lalla Zineb, à laquelle Ber- ceau est dédié. La cousine germaine du roi, et présidente de la Ligue marocaine pour la protection de l’enfance, allait en effet intervenir personnellement pour contrarier les décisions du gouvernement islamiste et résoudre la situation kafkaïenne dans laquelle le couple de Français (où le sang italien du mari se mêle au sang iranien de la femme) était plongé. "Ainsi donc, victimes d’un oukase ministériel, nous ne devrons notre salut qu’à un fait du prince". Berceau n’est pas seulement un témoignage captivant et inquiétant sur le Maroc d’aujourd’hui, où des gamins abandonnés sont désormais condamnés, faute d’adoptants, à errer, mendier, voler dans les ruelles des médinas, c’est aussi le texte très écrit, très sophistiqué, très subtil d’un romancier qui veut offrir à son fils à la fois un chant d’amour et une œuvre littéraire. Les deux seront précieux à Ziad Laurrent, lorsqu’il sera grand. J.G. "Berceau", d’Eric Laurrent, Minuit, 96 pages, 11,50 euros. ROMAN Journal imaginaire de Maria Callas Grand spécialiste de l’art lyrique (son Dictionnaire amoureux de l’opéra fait autorité), journaliste-écrivain dont les ouvrages sur Chopin, Schumann, Bach, Mozart, renseignent autant sur l’homme que son œuvre, Alain Duault se devait d’écrire un livre sur Maria Callas. C’est aujourd’hui chose faite par le biais de cet émouvant hommage en forme de récit intime s’inscrivant au cœur de la collection Dans la peau de… proposée par les éditions Le passeur. Francis Huster y avait parlé de Camus et Jean-Pierre Guéno du Soldat inconnu. Ce qui frappe à la lecture de Dans la peau de Maria Callas, c’est d’abord la souplesse du style, son côté sobre et flamboyant. En orfèvre des mots, Alain Duault qui est aussi un important poète français dont les textes furent couronnés du Grand prix de l’Académie française, propose une émouvante vision de la diva, saisie loin des paillettes dans une poignante intimité. Plutôt que de faire résonner les grandes orgues des orchestres et des chefs qui ont accompagné la cantatrice, Alain Duault met en scène la dernière quinzaine de la vie de Maria Callas en nous la présentant sous la forme d’un journal intime imaginaire. Nous sommes le 1er septembre 1977. Dans son grand appartement parisien de Alain Duault, amoureux de Maria Callas et poète français dont les textes furent couronnés du Grand prix de l’Académie française. l’avenue Georges-Mandel, là où elle mourra le 16 septembre à l’âge de 53 ans, Maria Callas se souvient des grands moments de sa vie d’artiste, mais aussi de fille, d’épouse, et plus inattendu d’admiratrice des autres. On trouve en effet des pages très chaleureuses sur les nouvelles voix de l’époque tel- les que Renata Scotto, Teresa Berganza, Montserrat Caballé, son cher "Pippo", le ténor Giuseppe Di Stefano, les actrices Elisabeth Taylor ou Ava Gardner, femme jugée d’une grande classe. Sans oublier le cinéaste Luchino Visconti toujours très élégant, dont la mise en scène de La Traviata de Verdi à la Scala de Milan en 1955 fera date. Ou encore avant le chef Leonard Bernstein. Maria Callas parle aussi beaucoup de son père avec qui les rapports furent parfois tendus mais toujours nourris d’amour. De ses racines grecques (son vrai nom était Sophia Cecilia Kalos) de son cher Ari (Aristote Onasis décédé avant elle, le grand et tragique amour de sa vie), de sa passion du chant, de ses grands rôles parmi lesquels celui de Norma. Tout partant de son point de vue, le récit de Maria Callas sous la plume d’Alain Duault respire l’élégance et la retenue. Par une foule de détails, on mesure aussi toute la solitude qui entoure souvent l’existence des divas. Un ouvrage superbe qui donne envie d’écouter Callas bien sûr, mais au-delà toutes les grandes voix de l’art lyrique. Jean-Rémi BARLAND "Dans la peau de Maria Callas" par Alain Duault. Le passeur éditions. 185 pages, 16,90¤