Edition 2005 - Institut International des Droits de l`Enfant

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Edition 2005 - Institut International des Droits de l`Enfant
Séminaire de Ouagadougou
2004
Michel Lachat
Working report
1-2005
ÂGES y SANTÉ y SOCIÉTÉ
Séminaire de formation
en justice des mineurs
pour magistrats et autres
acteurs en justice juvénile
de l’Afrique francophone
Séminaire de formation
en justice des mineurs
pour magistrats et autres
acteurs en justice juvénile
de l’Afrique francophone
Séminaire de Ouagadougou
du 29 novembre au 3 décembre 2004
Michel Lachat
Avec la collaboration de
Sophie Christan et Martine Lachat, stagiaires juristes
Working report
1-2005
Organisé par
Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF)
En collaboration avec
L’Institut international des Droits de l’Enfant (IDE)
&
L’Association Internationale des Magistrats de la Famille et de la Jeunesse
(AIMJF)
Sous le parrainage du Ministère de la justice du Burkina Faso
Séminaire sur la justice des mineurs
TABLE DES MATIERES
Objectifs du cours
Michel LACHAT
Président du Tribunal des mineurs du canton de Fribourg, Suisse
Directeur de Cours
3
Allocution d’ouverture
PD Dr Bernard COMBY
Ministre de l’Education,
Président de l’Institut international des Droits de l’Enfant
Président de l’Institut Universitaire Kurt Boesch, Sion, Suisse
7
Allocution d’ouverture
Pasteur NZINAHORA
Directeur de la coopération juridique et judiciaire de l’Agence
Intergouvernementale de la Francophonie
11
Allocution d’ouverture
Boureima BADINI
Ministre de la Justice du Burkina Faso
15
La justice juvénile dans le monde, ses systèmes, ses objectifs :
les modèles
Christian MAES
Avocat Général, Cours d’appel de Gand, Belgique
17
Les articles 37 et 40 de la Convention internationale des Droits
de l’Enfant, du 20 novembre 1989
Oscar D’AMOUR
Juge à la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, Canada
33
Règles de Beijing : ensemble de règles minima des Nations
Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs
Oscar D’AMOUR
47
Les grands instruments internationaux en matière de justice
des mineurs. Les principes directeurs de Riyad : la prévention
Christian MAES
57
Les règles des Nations Unies pour la protection des mineurs
privés de liberté du 14.12.1990 (dites règles de la Havane ou RPL)
Michel LACHAT
69
La Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant : impacts en
justice des mineurs
Herman ZOUNGRANA
Juriste, expert national en droits de l’Enfant,
Directeur Exécutif du Bureau des Initiatives pour la Protection de l’Enfant
79
1
Séminaire sur la justice des mineurs
Détention avant jugement
Oscar D’AMOUR
85
Cas pratique : cas de défense pénale du mineur en France
Laure DESFORGES
Avocat au barreau d’Epinal et de Paris,
Membre d’ASF
93
Quelques aspects de procédure : les âges d’intervention
Christian MAES
95
Les réponses pénales (réponses classiques)
Oscar D’AMOUR
107
Les alternatives
Michel LACHAT
113
Systèmes de justices dans les pays des conférenciers :
Belgique, Canada, France, Suisse
121
Situation des pays africains :
Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée Conakry,
Mali, Maroc, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Togo
141
Master en droits de l’Enfant
Michel LACHAT
189
Bureau des Initiatives pour la Protection de l’Enfant
Herman ZOUNGRANA
195
Ateliers
197
Allocution de clôture
PD Dr Bernard COMBY
215
Allocution de clôture
Pasteur NZINAHORA
217
Allocution de clôture
Boureima BADINI
221
Synthèse
Michel LACHAT
223
Recommandations
227
Annexes :
- Liste des participants
- Résultat de l’évaluation
229
237
2
Séminaire sur la justice des mineurs
OBJECTIFS DU COURS
Michel LACHAT
Président du Tribunal des mineurs du canton de Fribourg, Suisse
1. Historique
La Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant (CDE) a été promulguée
le 20 novembre 1989. Ce texte était et reste fondamental, puisqu’il fixe le statut de
l’enfant, considéré non plus comme un adulte en miniature, mais comme une personne à
part entière, titulaire de droits qu’il peut exercer de manière autonome.
Malgré une ratification accélérée par la quasi totalité des pays de la planète et le
déferlement de traités internationaux dans le domaine de l’enfance :
• Règles de Beijing sur l’administration de la justice des mineurs (1985),
• Charte africaine relative aux droits et à la protection de l’enfant (CADPE en
1990),
• Principes de Riyad sur la prévention de la délinquance juvénile (1990),
• Règles de la Havane sur les mineurs privés de liberté (1990),
• Convention de la Haye sur l’adoption internationale (1993),
• Convention interaméricaine sur le trafic international des mineurs (1994),
• Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant (1995),
toutes ces règles restaient fort peu connues et surtout mal ou pas appliquées.
Devant ce constat, l’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la
Famille (AIMJF), que je représente en ma qualité de trésorier et dont je vous expliquerai
ses défis en cours de semaine, et l’Institut Universitaire Kurt Bösch (IUKB), à Sion/Suisse,
représenté par son Président, Monsieur le Docteur Bernard Comby, ont créé, en mai 1995,
l’Institut International des Droits de l’Enfant (IDE), à Sion/Suisse, qui a pour objectifs la
formation et l’information. Brièvement, l’IDE veut :
• faire connaître les instruments internationaux pertinents,
• permettre aux personnes en charge de leur application de comprendre leur
signification pratique,
• sensibiliser les personnes actives dans le domaine de la protection de la jeunesse à
la question des droits de l’enfant,
• inspirer les législateurs nationaux dans toutes les lois touchant le domaine de la
jeunesse,
• créer une « culture » ou un esprit « Droits de l’Enfant »
A cet effet, l’IDE organise chaque année (2ème semaine d’octobre) un séminaire traitant des
principaux problèmes liés à l’enfance et à la jeunesse. Cette année, le thème était le trafic
des enfants et constituait le 10ème de la série. L’IDE dirige également des séminaires à
l’étranger et des cours de formation, tel que celui que nous allons vivre ensemble. Enfin,
l’IDE, avec la collaboration étroite de l’Institut Universitaire Kurt Bösch (IUKB), à
Sion/Suisse et l’Université de Fribourg/Suisse, est l’initiateur et le moteur de la mise sur
pied du premier Executive-Master en droits de l’enfant. Cette nouvelle formation de niveau
académique sera présentée dans le cadre de ce séminaire.
3
Séminaire sur la justice des mineurs
Pour réaliser ses objectifs ambitieux, l’IDE s’est toujours entouré de partenaires soucieux
du bien-être de l’enfant.
Un des premiers et principaux collaborateurs africains a été l’Association Tunisienne des
Droits de l’Enfant (ATUDE) qui, au fil du temps, est devenu le maillon fort de la chaîne
africaine des droits de l’enfant et le détonateur de la mise sur pied d’une série de
séminaires de portée internationale sur sol africain.
Ainsi, lors d’un séminaire à Yaoundé/Cameroun, en novembre 2001, l’idée d’un cours de
formation en justice juvénile pour les magistrats et les personnes actives dans le domaine
de droits de l’enfant, a été soulevée par les participants. Cette initiative a été confirmée lors
du séminaire de mars 2003, déjà ici à Ouagadougou, sur le thème « Droits de l’Enfant et
Exclusion Sociale ». Dès lors, l’IDE et l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie
(AIF), très souvent présente en Afrique et représentée par le Directeur de la coopération
juridique et judiciaire, Monsieur Pasteur Nzinahora, ont décidé, avec la collaboration de
l’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille (AIMJF), la
mise sur pied de ce programme de formation en justice juvénile, qui a été officialisé, le 16
mars 2004, à l’occasion d’un nouveau séminaire à Tunis.
2. Objectifs
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•
•
permettre la rencontre des acteurs de la justice des mineurs, hors de leur contexte
habituel,
sensibiliser les participants aux nécessités d’une justice spécifique,
attirer leur attention sur les règles minimales existant dans ce domaine au niveau
international,
les inviter à réfléchir sur les réformes possibles de leur système national,
montrer des instruments souhaitables (institutions),
expliquer les alternatives à la privation de liberté,
aboutir à des recommandations utiles pour les pays concernés.
3. Résultats à obtenir
•
•
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•
mise en avant des solutions alternatives ou communautaires,
développement de la capacité des personnes de réfléchir et d’intervenir de manière
interdisciplinaire,
réduction de l’institutionnalisation,
prévention de la délinquance juvénile,
éveil chez les divers intervenants de la nécessité de respecter les droits de l’enfant,
diminution de la stigmatisation pour les affaires de faible importance,
diminution du recours à la privation de liberté (avant ou après jugement).
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Séminaire sur la justice des mineurs
4. Méthode
Pour atteindre ces résultats, le programme prévoit un grand nombre de présentations
plénières distillées par une équipe interdisciplinaire d’experts choisis parmi les membres
de l’AIMJF :
- Un directeur du cours, M. Michel Lachat, Président du Tribunal des Mineurs du canton
de Fribourg/Suisse, qui fonctionnera également comme conférencier et animateur
d’ateliers ;
- Quatre conférencier(e)s/animateur/trice(s) :
- Me Laure Desforges, Avocate au Barreau de Paris et d’Epinal/France, membre
d’avocats sans frontière ;
- M. Oscar d’Amours, Juge coordonnateur à la Cour du Québec/Canada ;
- M. Christian Maes, Avocat général près la Cour d’Appel de Gant/Belgique ;
- M. Herman Zoungrana, Directeur Exécutif du Bureau des Initiatives pour la
Protection de l’Enfant (BIPE), à Ouagadougou/Burkina Faso.
Aux théories succéderont des cas pratiques analysés dans les ateliers et lors de visites
d’institutions.
Les deux grands thèmes du module sont :
• la justice juvénile, ses systèmes et les standards internationaux,
• les alternatives et le travail en réseau.
Ce module pourrait être suivi d’autres modules plus pratiques, selon l’évaluation qui sera
faite au terme de ce présent séminaire. A cet effet, un questionnaire vous sera distribué à la
fin de mon intervention.
5. Participation
Onze pays de l’Afrique de l’Ouest, soit le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le
Cameroun, le Gabon, la Guinée Conakry, le Mali, le Niger, la République Démocratique
du Congo, le Sénégal et le Togo, ainsi que le Maroc, pays de l’Afrique francophone ayant
participé activement aux derniers séminaires sur sol africain, ont répondu positivement à
l’invitation. La Tunisie, autre pays africain très actif, s’est excusée.
Un représentant de chaque pays aura l’occasion de présenter cet après-midi, durant dix
minutes, la situation législative nationale. Il remettra sa communication au Directeur du
cours d’ici à la fin de la semaine, afin que celle-ci figure dans le rapport de fin de cours au
même titre que toutes les interventions.
6. Conclusion
« Carpe diem » ou joindre l’utile à l’agréable ! C’est le vœu du Directeur du cours qui
souhaite intégrer à ce premier module des événements conviviaux et culturels. Ceux-ci
permettront de créer un état d’esprit favorable à la participation et à l’interaction.
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Séminaire sur la justice des mineurs
6
Séminaire sur la justice des mineurs
ALLOCUTION
PD Dr Bernard COMBY, a. Ministre de l’Education, Président de l’Institut International
des Droits de l’Enfant (IDE) et Président de l’Institut Universitaire Kurt Boesch (IUKB),
Sion, Suisse
Il y a quelque 5 ans, j’ai lu dans le Journal Le Temps, un quotidien de Suisse francophone,
un petit entrefilet portant le titre suivant :
BARREAUX. LA GRANDE BRETAGNE RENFORCE LA REPRESSION DES 12-14
ANS. TROISIEME PRISON ANGLAISE POUR ENFANTS.
L’article indiquait que l’établissement carcéral, destiné aux enfants de 12 à 14 ans, venait
d’ouvrir ses portes à Hassockfield et était prévu pour 40 enfants ; troisième du genre, il
était destiné à accueillir des « multirécidivistes ayant violé les précédents régimes de
surveillance », expliquant que ces centres constituaient « la pièce maîtresse de la stratégie
anti-crime et était l’une des rares initiatives des travaillistes à avoir reçu l’aval des
conservateurs ! »
Je me suis souvenu alors de la phrase célèbre de Victor Hugo disant : « chaque fois que
l’on ouvre une école, on ferme une prison » et me suis dit que, décidément, les proverbes
se vidaient de leur substance…
Et pourtant, je persiste à penser, à l’instar de Victor Hugo, qu’il vaut mieux ouvrir des
écoles que des prisons. Cette stratégie s’avère encore plus importante en Afrique qu’en
Europe, où le droit à l’éducation pour tous n’est encore qu’un rêve lointain !…
La formation est sans doute le meilleur des remparts contre l’ignorance et contre la
violence !
Monsieur le Ministre de la Justice du Burkina Faso,
Monsieur le Directeur du Séminaire,
Monsieur le Directeur de l’AIF,
Madame et Messieurs les Conférenciers,
Mesdames et Messieurs les participants,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
En ma qualité de Président de l’Institut International des Droits de l’Enfant (IDE), coorganisateur de ce Séminaire avec l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie
(AIF), je suis heureux de vous apporter à tous un très cordial salut.
Je tiens à féliciter chaleureusement le Ministère de la Justice du Burkina Faso de nous
accueillir dans leur beau pays, qui joue un rôle déterminant dans le cadre de la
Francophonie internationale, ayant organisé récemment le Sommet des Chefs d’Etats de la
Francophonie.
J’adresse mes plus vifs remerciements à l’Agence Intergouvernementale de la
Francophonie (AIF), par l’intermédiaire de Monsieur Pasteur Nzinahora, Directeur de la
Coopération juridique et judiciaire, qui a pris une part active à la mise sur pied de cette
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Séminaire sur la justice des mineurs
importante session de formation en matière de justice juvénile au Burkina Faso, à
l’intention de plusieurs pays d’Afrique francophone.
Grâce à la précieuse aide de l’AIF, ce Séminaire a pu être organisé.
D’ores et déjà, je tiens à exprimer ma grande reconnaissance à tous les intervenants, qui
ont accepté de contribuer de manière décisive au succès de ce Séminaire. J’adresse une
mention spéciale à Monsieur le Juge Oscar d’Amours, à Monsieur le Procureur Christian
Maes ainsi qu’à Madame l’Avocate Laure Desforges, sans oublier Monsieur Herman
Zoungrana.
J’aimerais également dire à Monsieur le Juge Michel Lachat, Président du Tribunal des
Mineurs de l’Etat de Fribourg en Suisse, combien nous apprécions sa collaboration
efficace au sein de l’Institut International des Droits de l’Enfant (IDE), dont il est cofondateur. Connaissant votre riche expérience et vos grandes compétences en matière de
justice juvénile, nous vous sommes très reconnaissants Monsieur Michel Lachat d’avoir
accepté de diriger cet important Séminaire sur la Justice des Mineurs.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Compte tenu de la fragilité de l’enfant et surtout de sa dépendance au monde qui l’entoure,
la responsabilité de l’adulte et de la société est lourde de conséquences pour son avenir.
Ainsi, quelles que soient ses potentialités, l’influence de son environnement social, culturel
et économique peut orienter sa vie future sur la voie du rêve ou sur celle du cauchemar.
La paix constitue certainement l’une des conditions prioritaires du respect des droits
fondamentaux des citoyens et des droits de l’enfant en particulier.
Malheureusement, la violence qui est souvent à l’origine de la rupture d’un état de paix, se
manifeste partout à des degrés divers : dans les stades, au travail, à l’école pour ne prendre
que ces exemples.
En effet, la violence fait partie inhérente de la société et de la vie des gens. Selon Baudry,
dans son ouvrage intitulé : « Une sociologie du tragique : Violence au quotidien », on la
retrouve sous de multiples formes et dans tous les domaines…
Ce n’est pas la violence qui se mue, mais notre rapport à la violence. Par exemple,
certaines formes de violence telles que la violence conjugale ou la maltraitance infantile,
même si elles ont toujours existé, n’ont pas toujours été perçues comme telles.
Si l’on se réfère à de nombreux articles de journaux traitant du thème de la violence, on
aurait tendance à croire que le phénomène de la violence prend des aspects démesurés. Et
pourtant, la violence des jeunes n’est pas un phénomène nouveau lié à notre société de
consommation.
En réalité, des actes de violence juvénile ayant des conséquences graves restent rares,
malgré quelques affaires spectaculaires qui émeuvent l’opinion publique… Faire une
obsession de la violence des jeunes contre leurs pairs cache un phénomène beaucoup plus
destructeur et dramatique : celui de la violence des jeunes contre eux-mêmes.
La violence contre soi peut revêtir différentes formes : celles de la déprime ou de la
dépression, de l’anorexie et du suicide.
Les adolescents ont parfois recours à des comportements suicidaires qui peuvent être
perçus comme l’unique moyen de régler une situation de conflit. L’anorexie touche
particulièrement les filles.
8
Séminaire sur la justice des mineurs
C’est durant l’adolescence que l’acte délinquant se manifeste plus facilement. La violence
est souvent une forme d’expression face à l’absence de repères, de références et à la quête
d’une identité.
Notre époque est marquée par le déracinement des êtres humains. Le définitif, la sécurité
de l’emploi… ne font plus partie du lexique de notre société. Par conséquent, l’individu
doit apprendre à vivre dans un monde de précarité, où toutes sortes de liens ont disparu.
Les rites, les coutumes, les liens parentaux, les liens de voisinage et une foule de réseaux
communautaires et identitaires s’estompent. Cette disparition des liens génère ce que l’on
appelle la crise du lien social…
Ainsi, le chômage, la délinquance, les difficultés de la vie, la montée de l’intolérance, la
modification des rôles parentaux avec leur cortège de fractures au niveau familial et social
et surtout l’exclusion sont les indices de cette crise.
Ces indices ont des incidences sur notre système social. Ils peuvent devenir des sources de
violences, de conflits, d’incivilités, de non-communication et d’exclusion.
Afin de restaurer le lien social, toute une série de mesures doivent être prises.
La médiation, par exemple, joue un rôle important en matière de prévention et de
résolution des conflits.
Sur le plan scolaire, la médiation classique par l’intermédiaire de médiateurs
professionnels ne suffit plus. Il faut de plus en plus recourir à la médiation par les pairs,
c’est-à-dire par les élèves eux-mêmes.
Grâce à ce rôle d’entraide, il est possible de promouvoir une culture de la citoyenneté
responsable.
Le rôle du médiateur est de devenir en quelque sorte l’intermédiaire qui aidera à recréer
des liens entre les deux élèves en conflit, en proposant un dialogue là où il y a une cassure.
Et de faire prendre conscience aux protagonistes de leur responsabilité dans le conflit.
Mais la tâche de la médiation par les pairs ne doit pas se limiter à une simple technique de
gestion des conflits ; elle doit s’inscrire dans un projet pédagogique et social.
Permettez-moi de rappeler ici que l’Institut Universitaire Kurt Boesch (IUKB), que j’ai
l’honneur de présider, a lancé le premier Master européen en Médiation, grâce à la
collaboration de plusieurs Universités européennes.
Il organisera l’année prochaine, en Suisse, le Forum Mondial de la Médiation.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Les Règles de Beijing sur l’administration de la justice des mineurs, promulguées en 1985
déjà et reprises en grande partie dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant
pour leur donner un caractère contraignant, a établi un principe fondamental :
« Les mineurs en conflit avec la loi doivent bénéficier d’un traitement équitable et humain.
Plus précisément, la justice pour mineurs doit poursuivre un double objectif :
•
•
rechercher la promotion du bien-être du mineur et
faire en sorte que les réactions des autorités soient proportionnées à la nature du
délinquant et du délit ».
Je pense que ce Séminaire tentera, durant toute la semaine, de mettre en lumière et
d’illustrer ce principe et d’examiner comment il peut être appliqué dans la réalité du
quotidien.
9
Séminaire sur la justice des mineurs
Il faut non seulement tenir compte de la faute commise, mais surtout des besoins
individuels de chacun des enfants concernés.
Chaque situation doit être examinée pour elle-même et les réponses doivent être adaptées
aux besoins individuels.
Faut-il ouvrir des prisons pour ces enfants, à l’exemple des décisions anglaises ?
Cette délicate question sera certainement au centre de vos débats.
Plus de 100 ans après le premier tribunal pour mineurs créé à Chicago, la justice juvénile
se trouve certainement à un virage : faut-il éduquer, soigner, protéger ? ou faut-il punir ?
N’y a-t-il que ces deux termes ou la justice des mineurs, elle qui a tant apporté à la justice
tout court, doit-elle inventer une nouvelle méthode, un nouveau système ? A-t-elle en elle
les ressources pour sortir du dilemme : « la sanction ou le soin ? » Peut-on envisager un
système médian ?
Dans tous les cas, la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant doit rester la règle
prioritaire.
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les participants,
Je vous souhaite à tous un excellent séjour en terre africaine et remercie nos amis
burkinabés pour leur hospitalité.
Vous récolterez tous les fruits de votre courage, de votre engagement et de votre
détermination à juger les enfants non forcément pour ce qu’ils sont, mais surtout pour ce
que l’on aimerait qu’ils deviennent !
A tous, je souhaite un excellent Séminaire, des moments de convivialité à Ouagadougou et
une très riche semaine, pleine d’enseignements.
L’objectif est que vous puissiez rentrer dans vos pays respectifs forts de toutes les
connaissances nouvelles que vous aurez acquises durant ce Séminaire.
Je forme le vœu que vous soyez plus déterminés que jamais à voir dans l’exercice de la
justice des mineurs, non pas un pur exercice du pouvoir de l’Etat, mais bien une chance
accordée aux plus jeunes des justiciables de connaître un nouveau départ, sous votre
impulsion, sous votre protection et avec votre aide.
En conclusion, les enfants ne sont-ils pas les dons les plus précieux au monde ?
Dès lors, il faut impérativement mieux protéger ces trésors de l’humanité, en leur offrant
de nouvelles raisons de croire et d’espérer en l’avenir !...
10
Séminaire sur la justice des mineurs
ALLOCUTION
M.Pasteur NZINAHORA,
Directeur de la coopération juridique et judiciaire de l’Agence intergouvernementale de la
Francophonie
Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Burkina Faso,
Monsieur le Président de l’Institut International des Droits de l’enfant,
Madame et Messieurs les experts,
Mesdames et Messieurs les acteurs de la justice juvénile,
Distingués invités,
Chers participants,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un réel plaisir et un honneur de prendre la parole, au nom de l’Agence
Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), dirigée par l’Administrateur général,
Monsieur Roger DEHAYBE, sous la haute autorité du Secrétaire général de la
Francophonie, Monsieur Abdou DIOUF, à cette séance d’ouverture du séminaire sur la
justice des mineurs.
Je suis d’autant plus heureux de m’acquitter de cet agréable devoir, que ce séminaire se
tient le lendemain de la tenue, ici même, dans cette belle ville de Ouagadougou, du 10ème
Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres de la francophonie, avec
le succès éclatant dont beaucoup d’entre nous ont été des témoins privilégiés, et presque
dix jours après le 15ème anniversaire de l’adoption de la Convention des droits de l’enfant,
le 20 novembre 1989.
La conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays francophones est toujours un
moment fort pour tous les acteurs bénéficiaire des concertations, décisions et orientations
qui sont arrêtées par la plus haute des instances de la Francophonie.
Celle qui s’est achevée avant-hier est d’une importance particulière, puisque son thème
portait sur « La Francophonie, espace solidaire pour le développement durable », et
qu’elle a adopté, entre autres grandes décisions, le cadre stratégique des actions de la
Francophonie pour les dix prochaines années, qui sera, par la suite, déclinée, chaque
fois, en programmations de projets pour une périodes de quatre ans.
Si, il y a quelques années, la notion de développement durable se limitait à ce qui touche à
l’énergie et l’environnement, elle recouvre aujourd’hui pratiquement tous les secteurs de la
vie communautaire, tant au niveau national qu’international.
Plus particulièrement dans les pays en voie de développement, il ne peut y avoir de
développement ou de progrès harmonieux, de façon pérenne, si, parmi les questions qui
concernent la société, celles qui ont trait aux droits fondamentaux de l’Enfant, à savoir : sa
protection, son alimentation, son éducation, sa scolarisation, bref tout ce qui touche à sa
dignité, son développement physique, psychique, moral et intellectuel, ainsi que son
épanouissement et son insertion dans la vie économique et sociale, ne bénéficient pas de
toute l’attention et de la priorité qu’elles méritent, parce que comme tout le monde le sait,
11
Séminaire sur la justice des mineurs
les enfants sont l’avenir de l’humanité, et la « Terre, dit-on, est le patrimoine de nos
enfants, qui nous est prêtée pour la leur léguer ».
C’est dire que dans la mise en œuvre des orientations décidées par le 10ème Sommet des
Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays francophones pour le développement durable,
les actions qui contribuent à la promotion et à la défense des droits de l’Enfant, devraient
requérir une attention particulière.
Les informations et analyses relatives à la situation des enfants dans le monde,
spécialement dans les pays pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, qui ont été
bien relayés par les médias, à l’occasion de la Journée internationale des Droits de
l’Enfant, le 20 novembre dernier, ont une fois de plus, mis en exergue le caractère
dramatique des conditions que vivent la plupart des enfants de ces pays.
Ces conditions de vie difficiles pour ces enfants, qui sont souvent à l’origine de leur
délinquance, ont fait l’objet de riches débats dans cette ville même, l’année dernière, au
mois de mars, lors du colloque organisé par le ministère de l’Action sociale et de la
Solidarité nationale, sur le thème « Les droits de l’enfant et l’exclusion sociale ».
Elles ont également été réexaminées en mars dernier, à Tunis, à l’occasion d’un séminaire
international sur les « instruments de mise en œuvre des recommandations du Sommet
mondial de l’enfance ».
Parmi les pertinentes résolutions et recommandations qui ont été formulées lors de ces
deux rencontres, figurait l’organisation d’un séminaire de formation en justice des mineurs.
Ce souhait rencontrait celui des instances de la Francophonie qui, depuis le Sommet des
Chefs d’Etat et de Gouvernement de Moncton (Canada, Nouveau Brunswick), en 1999
avait déjà instruit l’Agence de la Francophonie d’y contribuer.
C’est pour cela qu’aujourd’hui, l’AIF, à travers la direction de coopération juridique et
judiciaire, en collaboration avec l’Institut International des Droits de l’Enfant qui a son
siège à Sion, en Suisse, dont je salue très cordialement la présence du Président fondateur,
en la personne du Dr Bernard COMBY, ancien ministre de l’Education nationale, en
Suisse, et son dévoué collaborateur à qui nous devons la préparation scientifique de cette
session de formation, le juge Michel LACHAT, organise ce séminaire régional sous le haut
parrainage du Ministère de la Justice du Burkina Faso, à qui je tiens à adresser tous nos
vifs remerciements.
Cette session de formation s’adresse aux juges des enfants et autres acteurs de la justice
juvénile, les officiers du ministère public, les officiers de police judiciaire et des
responsables d’ONG qui s’occupent des droits de l’enfant, dans douze pays d’Afrique
francophone de l’Ouest, du Nord et du Centre.
Je vous remercie tous, chers participants, vous qui, en dépit de vos obligations et, pour la
plupart, des difficultés de voyages imprévus, particulièrement à cette période, avez
répondu à notre invitation.
J’ai le ferme espoir que, grâce à la compétence et au dévouement des experts de haut
niveau, juges, avocat général et avocat, que je remercie profondément d’avoir bien voulu
12
Séminaire sur la justice des mineurs
accepter de venir assurer cette formation, en bravant des milliers de kilomètres, vous ne
regretterez pas le déplacement.
La pertinence des sujets qui seront abordés, la présentation des situations qui prévalent
dans les pays du Nord et du Sud représentés à ce séminaire, à la spécialisation en droit des
enfants consacrée par un diplôme de Master en droits des enfants, en passant par les
mesures alternatives aux décisions judiciaires d’emprisonnement des enfants, les
instruments internationaux en matière de justice juvénile, les différents aspects de la
procédure pénale spécifiques aux procès des enfants mineurs, ne manquera pas de retenir
votre attention, et de donner lieu à des échanges mutuellement enrichissants.
Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux,
Monsieur le Président de l’Institut International des Droits de l’Enfant,
Monsieur le Directeur de cette session de formation,
Mesdames et Messieurs les acteurs de la justice juvénile,
Mesdames et Messieurs les experts,
Distingués invités,
Chers participants,
Mesdames et Messieurs,
Je m’en voudrais de terminer mon propos, sans remercier très vivement et très sincèrement
le Ministre de la Justice Boureima BADINI, et ses collaborateurs, et à travers eux toutes
les autorités du « pays des hommes intègres », pour l’accueil chaleureux et fraternel, dont
nous faisons l’objet, depuis notre arrivée dans cette terre d’hospitalité, où la gentillesse et
la simplicité des habitants n’ont d’égal que le sens d’organisation et d’efficacité.
Je vous remercie de votre aimable attention.
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Séminaire sur la justice des mineurs
14
Séminaire sur la justice des mineurs
ALLOCUTION
M. Boureima BADINI
Ministre de la Justice du Burkina Faso
Mesdames, Messieurs,
Distingués invités,
Chers participants,
Je voudrais tout d’abord vous souhaiter à tous, la bienvenue au Burkina Faso dans le cadre
de ce cours régional en Justice des mineurs à l’initiative de l’Institut International des
droits de l’enfant et de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie.
Les objectifs de cette formation, me faut-il vous le rappeler, s’inscrivent dans le contexte
général d’une justice spécifique pour les jeunes délinquants, s’appuyant sur les grands
textes internationaux et privilégiant des réponses basées sur d’autres principes que la seule
privation de liberté. En permettant aux acteurs de la justice des mineurs d’une dizaine de
pays de se rencontrer hors de leur contexte habituel pour des échanges mutuellement
enrichissants, les organisateurs de ce cours régional ont visé l’éveil chez tous de la
nécessité de respecter les droits de l’enfant, et la prévention de la délinquance juvénile
pour la mise en avant de solutions alternatives ou communautaires.
Pour atteindre ces objectifs, l’Institut International des droits de l’enfant a mis sur pied ce
premier module de formation d’une semaine coordonné par une équipe interdisciplinaire
composée de personnes choisies dans le réseau des experts en justice juvénile.
Je vous invite donc, Mesdames, Messieurs les participants, à vous mettre à leur école pour
en tirer le maximum possible, de façon à pouvoir, à votre retour dans vos administrations
respectives, contribuer à la promotion des droits de l’enfant, citoyen majeur de demain
dont nous avons tous dès à présent la responsabilité d’éduquer et de former.
Je ne doute pas au regard de vos profils respectifs, que les objectifs du présent cours seront
atteints ; je prends avec vous date pour les évaluations à venir.
Pour le Burkina Faso, cette formation tombe à point nommé. En effet, en septembre 2004,
sur initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a voté une loi modifiant
l’organisation judiciaire en introduisant et en consacrant les juridictions des mineurs.
Le juge des enfants et le tribunal pour enfants, juridictions spécifiques seront dorénavant
opérationnels.
Déjà, pour pallier à cette carence législative et au regard de l’importance de la protection
des mineurs délinquants, il avait été choisi pour les magistrats du parquet, un substitut qui
s’occupait en priorité, des cas des mineurs en conflit avec la loi, afin que les procédures les
concernant soient traitées avec une extrême diligence.
De même, une politique gouvernementale dynamique veille à la séparation des mineurs et
des femmes en milieu carcéral.
15
Séminaire sur la justice des mineurs
Des quartiers spécifiques pour ces deux groupes fragiles sont, soit aménagés dans les
anciennes maisons d’arrêt et de correction, soit pris en compte dans le vaste mouvement de
construction de prisons modernes que nous avons entrepris.
Mesdames, Messieurs,
Le centre pour mineurs de Laye, que vous visiterez, constitue une fierté et un témoignage
de notre engagement à prioriser la réinsertion sociale des mineurs.
Né de la rencontre fructueuse de partenariat entre l’Association Pénitentiaire Africaine
(une ONG Burkinabé) et Terre des Hommes (une ONG Italienne), avalisé par la volonté du
Gouvernement de notre pays, ce centre multifonctionnel, situé à quelques 30 km de
Ouagadougou et qui a ouvert ses portes en juillet 2004, a l’ambition d’être un modèle de
solution alternative pour les mineurs en conflit avec la loi.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de remercier du fond du cœur l’Agence Intergouvernementale de la
Francophonie, l’Institut International des droits de l’enfant, la Direction du Développement
et de la Coopération Suisse.
Je sais que ces genres de séminaires se multiplieront avec votre concours actif non
seulement au Burkina Faso, mais aussi dans tous les pays de la Francophonie.
Je remercie également le comité d’organisation pour son implication réelle à la réussite de
ce séminaire ; les difficultés nées çà et là n’ont pas occulté votre engagement à faire de ce
séminaire un franc succès.
En souhaitant un bon séjour au Burkina Faso à tous et plein succès à vos travaux, je déclare
ouvert le séminaire régional en justice des mineurs pour magistrats et autres acteurs en
justice juvénile.
Je vous remercie.
16
Séminaire sur la justice des mineurs
LA JUSTICE JUVENILE DANS LE MONDE, SES SYSTEMES, SES
OBJECTIFS : LES MODELES
Christian MAES
Avocat Général, Cours d’appel de Gand, Belgique
« La vérité, une fois qu’elle aura fait sa jonction avec son alliée, le Temps est sûre de la
victoire ».
Arthur Schopenhauer
Partout dans le monde des systèmes sont élaborés qui se prétendent offrir la meilleure
réponse à la « délinquance juvénile ».
Tout comme pour la délinquance en général, il nous faut déterminer à partir de quand et
comment certains problèmes sont définis comme des problèmes sociaux1. Bien vite nous
serons obligés de constater que la délinquance juvénile est une invention2, une construction
sociale3. Qui plus est, il n’existe pas de délinquance qui soit spécifique au mineur d’âge.
Les délits commis par des majeurs le sont également par des mineurs.
Par contre, la statistique nous apprend que certains délits ne figurent jamais parmi ceux
dont les tribunaux des mineurs ont à débattre.
Alors, pour quelles raisons a-t-on voulu créer une catégorie de jeunes considérée comme
problématique, qui mérite une approche propre ?
Une recherche plus historique nous apprend que, dans l’hémisphère Nord, ce n’est pas tant
une soi-disant délinquance juvénile qui fut à la base d’un système de justice juvénile
propre, mais un concours de faits sociologiques, de constats, de réflexions et de réactions
dans le monde carcéral, socio-éducatif, criminologue, philosophique et académique.
Pas un système unique, mais plusieurs systèmes, plusieurs modèles se sont même
développés. Ces modèles, dont nous allons tracer l’histoire, ne sont en définitive que
l’expression de courants idéologiques dans leur approche de l’enfant en général et de ce
même enfant ayant commis un méfait en particulier. Tous ont toutefois comme objectif
commun : le contrôle social et ont, dès lors, pour but de prévenir4 à court et/ou à long
terme, de nouvelles atteintes à la paix et, donc, de la qualité de la vie en communauté.
Abordons donc le périple, par le cheminement des idées qui fit traiter les jeunes
délinquants par un système de justice juvénile propre.
1
J.Trépannier lors d’une rencontre internationale à Louvain-la Neuve (Belgique) les 21-23.06.2001
sous le titre : Histoire de la Justice des Mineurs en Europe et au Canada (1912-1965) et d’ajouter :
« on peut aussi se poser la question de savoir comment seraient traités aujourd’hui (conformément
à la loi actuelle) des problèmes d’alors ».
2
J.Christiaens, Jeugdcriminaliteit : een apart probleem ? Negentiende-eeuwse jonge daders en
hun misdrijven in:C.Lis en H.Soly (eds.) Tussen dader en slachtoffer, jongeren en criminaliteit in
historisch perspectief, VUB Press 2001, 277: « la criminalité juvénile n’existe pas de façon
objective, elle est définie par une approche et une réaction différenciée ».
3
J.Trépannier, ibidem. ; Chr.Debuyst, Dangerosité et justice pénale, coll.Déviance et société,
Genève, Médecine et Hygiène 1985 : « la réalité n’est que ce à quoi on attache de l’importance »
4
la prévention tertiaire dont nous parlerons demain
17
Séminaire sur la justice des mineurs
C’est sous l’influence des philosophes des Lumières du 18ième siècle, des idées de progrès
de l’individu par la raison, que l’enfant, en position d’attente d’un « à-venir », est
considéré comme « la richesse de la nation »5 et doit en conséquence faire l’objet d’une
sollicitude spécifique.
Dans ce même ordre d’idées, ce seront des directeurs d’établissements pénitenciers qui, au
19ième siècle, créeront des sections réservées aux mineurs d’âge, pas tellement pour y
appliquer un régime plus humain, mais parce que, d’avantage vers la fin de ce siècle, sous
l’influence des théories de la Défense sociale6, le temps nécessaire à une « rééducation »
(aux valeurs bourgeoises) nécessitait une autre approche que celle des détenus majeurs.
Les prisons deviennent des écoles, les détenus des élèves. Aux peines on préférera les
mesures éducatives, de traitement et d’aide.
Une dite « montée alarmante de la criminalité parmi les jeunes », observée parmi la
population des prisons au 19ième siècle par les scientifiques de l’anthropologie et la
sociologie criminelle, coïncide avec une industrialisation et une reconversion industrielle
qui met en mouvement des migrations et qui marginalise et appauvrit la population rurale
et artisanale. Les enfants et jeunes prolétaires sont poussés vers la mendicité, le
vagabondage, la fainéantise, vers le vol comme stratégie de survie, et, en milieu rural, aussi
vers des activités qui devaient contribuer au revenu familial et qui souvent consistaient en
des tâches ménagères, telles ramasser du bois mort, glaner des baies, faire paître le bétail,
extraire la tourbe, mais qui soudainement se voient transformées en délits, vu la
privatisation des terres communes et la criminalisation des droits d’usage.
Ceci prouve, entre parenthèses, qu’une forme de criminalité doit toujours être placée dans
son contexte géographique, socioculturel et économique, où la (sur)vie, dans le sens le plus
large du terme, dirige les actions, aussi celles des enfants et des jeunes7.
C’est le temps des luttes sociales et politiques et l’émergence des premières lois protégeant
les mineurs contre l’abus des heures de travail et contre l’alcoolisme.
Associant pauvreté et criminalité, les études pré-sociologiques et sociales renforcent
l’image du jeune délinquant, qui saurait être tant auteur, « presque-auteur », que victime
(mineur en danger). L’enfant est un sujet hybride : l’image strictement pénale de l’enfantauteur est complétée, scientifiquement différenciée et mélangée à une large gamme
d’enfants à problèmes.
Même l’idée que le problème de la délinquance juvénile explique la délinquance adulte et
qu’il faut, dès lors, agir au plus tôt naît de la conception fausse d’une délinquance
spécifique.
Le constat le plus important est, que l’approche du mineur qui a commis des délits ne soit
plus considérée comme devant être la même que celle réservée au majeur et c’est bien cela
qui a été le résultat d’une évolution sociale et de pensée incontestable, renforcée par une
professionnalisation et une science spécialisée grandissante lors du 20ième siècle, qui s’est
5
F.Tulkens et Th.Moreau, Droit de la Jeunesse, De Boeck & Larcier 2000, 17
Le droit pénal classique est jugé inapte à assurer de façon efficace la protection de la société ; ce
sera le degré de dangerosité de l’auteur d’un délit qui formera la nouvelle base pour l’application
du droit pénal ; la durée et la nature de la peine ne seront donc plus déterminée par la gravité du
délit, mais par la personnalité et le milieu de vie du délinquant ; pour les mineurs une mesure
d’éducation, de traitement et d’aide sera préférée à une peine privative de liberté (mais un
changement de terminologie suffira-t-il à changer la pratique et le vécu ?)
7
J.Christiaens, o.c
6
18
Séminaire sur la justice des mineurs
traduit dans le rôle proéminent du juge des mineurs ou juge de la jeunesse et des services
sociaux qui contribuent à ses décisions.
Le modèle qui s’est donc substitué à un droit antérieur, qui ne se différenciait guère de
l’approche des majeurs délinquants si ce n’est par la faculté laissée au juge de tenir compte
de l’âge et davantage du degré de discernement de l’enfant, est le…….
« modèle protectionnel »
C’est ainsi que dans différents pays européens et nord-américains, on voit apparaître à la
fin du 19ième siècle des législations nouvelles8 marquant le passage à ce modèle, qui prône
que l’intervention face au mineur est déterminée par ses besoins, non par sa faute, qu’il
n’est pas responsable de ses actes, mais victime des circonstances, qu’il sied en
conséquence de le protéger et de l’aider, non de le punir9.
La Belgique aussi, par la loi du 15 mai 1912 sur la protection de l’enfance, placera l’enfant
hors du droit pénal réservé aux adultes. Il est considéré irresponsable.
Des mesures, à l’opposé de peines, permettent un accompagnement, une éducation ou un
« traitement » sans limites. L’on considère que, de ce fait, la société est mieux protégée
contre le délinquant. C’est la rupture avec la pensée légaliste du droit pénal classique, l’on
nie le principe de légalité et la responsabilité individuelle et l’on abandonne également la
proportionnalité entre l’infraction et la peine. La fiction consiste à ce que le mineur
(jusqu’à l’âge de 16 ans) ne soit plus passible de peines, mais ce, uniquement au sens pénal
du terme. Cette fiction conduit à la neutralisation de la notion de la faute mais en même
temps à celle des garanties procédurales.
La loi belge du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse élargira encore le champ
d’intervention des autorités dans le domaine de la protection et du traitement. En
conséquence, l’intervention judiciaire ne dépend plus seulement de la perpétration d’une
infraction par le mineur. La différence entre comportement délinquant et comportement
non délinquant s’estompe et disparaît. La « situation de danger » est considérée comme un
vivier propice à la délinquance, alors que la délinquance est considérée comme un
symptôme de la « situation de danger » sous-jacente. La même approche et les mêmes
mesures peuvent être appliquées à l’une comme à l’autre situation, de façon
interchangeable.
« Les deux catégories de mineurs sont assimilées l’une à l’autre et font l’objet de mesures
identiques, qui excluent toute mesure pénale. Seul le processus peut distinguer les deux
groupes, en ce qu’on introduit un processus extrajudiciaire (protection sociale) visant les
mineurs en danger afin de réduire la judiciarisation des affaires qui les concernent », tel est
une très belle image rendue du système en place par le professeur Jean Trépanier de
l’université canadienne de Montréal.10
8
F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 50
O.D’Amours, Les grands systèmes : modèle de protection, modèle de justice, 100 ans de Justice
Juvénile, bilan et perspectives, 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, Institut Universitaire Kurt
Bösch 2000, 95
10
J.Trépannier, Le développement historique de la justice des mineurs, 100 ans de Justice
Juvénile, bilan et perspectives, 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, Institut Universitaire Kurt
Bösch 2000, 32
9
19
Séminaire sur la justice des mineurs
La politique criminelle humaniste et la « nouvelle » défense sociale du juriste français
Marc Ancel11 ont en telle mesure influencé cette loi, que l’accent a été déplacé vers la
prévention du comportement déviant et, lorsqu’il y aurait quand même « déviance »12, vers
un interventionnisme grandissant et paternaliste des autorités au sein des familles13 en vue
de la « réinsertion sociale » du déviant.
Ces modèles protectionnels mènent à avoir recours à des notions vagues, telles que la
« situation de danger », et à des procédures informelles et souples. Comme s’il s’agissait
d’une évidence, on part du principe que toutes les personnes participant à de telles
procédures visent en fin de compte l’intérêt de l’enfant (notion subjective, tant s’en faut).
Cela conduit à l’exercice d’une compétence discrétionnaire des autorités judiciaires et, à la
lumière d’une approche «thérapeutique », au renvoi à l'arrière-plan des garanties juridiques
pour les justiciables mineurs. Ceci se manifeste encore le plus dans le caractère presque
illimité de la durée des mesures « provisoires », dans la possibilité de modifier celles-ci
d’office et de manière arbitraire sans débat contradictoire, ainsi que dans la longue attente
d’un débat contradictoire sur le fond concernant la culpabilité.
Vous le sentez déjà, plusieurs aspect, traits et particularités du modèle protectionnel,
hormis le constat que le modèle s’accorde singulièrement aux régimes totalitaires et
dictatoriaux14, portent en eux la semence d’une critique qui actionnera le début d’un
mouvement pendulaire et ceci, bien paradoxalement, vers le modèle que d’aucuns
clamaient devoir abandonner, car jugé au début du 20ième siècle inapte à endiguer une
criminalité juvénile grandissante…
Les caractéristiques du modèle protectionnel sujettes à critique sont :
1. l’ambiguïté de ses objectifs15, la malhonnêteté de son langage; l’hypocrisie avec
laquelle la réalité vécue de l’intervention à l’égard des délinquants mineurs est
fonctionnellement dissimulée par des fictions de droit, des critères flous et des
terminologies et notions vagues ; les mesures dites de sécurité ne sont que des
peines « améliorées » par leur organisation et leur individualisation16
11
M.Ancel, La défense sociale nouvelle, Paris, Cujas, 1954 (1ière éd.), 1966 (2ième éd.),1981 (3ième
éd.) : l’action de la société envers la criminalité doit tendre à la récupération et la réintégration du
délinquant ; il faut le « guérir »(de là le terme « modèle médical »), le « réadapter » (de là le
terme : « modèle consensuel »).
12
même les dits « délits de statut », comportements des jeunes qui ne sont pas des délits pour la
justice des majeurs (p.ex. faire l’école buissonnière, avoir une relation amoureuse avec quelqu’un
de manifestement plus âgé, insubordination vis-à-vis de ses parents, soit des problèmes d’ordre
pédagogique) feront désormais l’objet d’intervention (préventive) précoce.
13
La philosophie du « parens patriae » : le droit d’intervention du législateur dans le champ de la
puissance paternelle apparaît ; l’Etat (le ministère public et le juge des mineurs) reprend, si besoin
en est, le contrôle sur le processus de socialisation, voire la tutelle.
14
p.ex. L’Espagne de Franco (J.L.de la Cuesta, La réforme pénale en Espagne, Droit pénal
matériel et justice des mineurs, Rev.Dr.Pén.Crim. 1988, 511), le Portugal de Salazar
15
Tous les modèles contiennent d’ailleurs en eux la contradiction de ce qu’ils affirment et aucun
d’entre eux ne cesse d’exister dans le temps où le modèle suivant est supposé débuter.
16
L.Cornil, La loi de défense sociale à l’égard des anormaux et des délinquants d’habitude du 9
avril 1930, Rev.Dr.Pén.Crim. 1930, 837, n° 41.
20
Séminaire sur la justice des mineurs
2. le caractère discrétionnaire des compétences attribuées à un juge unique,
souvent paternaliste, avec des garanties juridiques à la traîne17.
3. le principe de proportionnalité entre infraction et réaction sociale et judiciaire et
la présomption d’innocence, deux des garanties judiciaires essentielles sont
bafouées : même sans aucun indice préalable de culpabilité, un mineur peut être
soumis aux mêmes « mesures » protectionnelles qu’après l’examen contradictoire
de l’affaire sur le fond et ceci, pour un temps illimité considéré nécessaire à
l’éducation et la réadaptation ; il en est de même avec une troisième garantie : le
principe de la légalité des peines, car18 une privation de liberté dans une
institution fermée est possible sans qu’un délit en soit la cause.
4. le concept fondamental de l’unité de la protection judiciaire de la loi du 8 avril
1965 relative à la protection de la jeunesse, où un même traitement est préconisé
pour mineurs délinquants et pour mineurs non délinquants; d’aucuns d’y voir une
prime pour le délit; aucune attention n’est par ailleurs prêtée au danger de
contamination, les mineurs en situation éducationnelle problématique étant placés
dans les mêmes institutions que les mineurs qui ont commis un fait qualifié
infraction.
5. une attention secondaire et d’avantage instrumentale est prêtée à la victime du délit
commis par le mineur; la loi de 1965 affirmait que seuls les besoins du mineur
déterminaient son application.
6. un champ de tension augmentant se situe entre, d’une part l’axiome de la nonresponsabilité pénale du mineur et, d’autre part le souhait de lui voir attribué une
capacité et une responsabilité plus importante
7. un deuxième champ de tensions résulte du souhait de vouloir sanctionner et
d’éduquer simultanément; sanctionner implique une réaction proportionnelle au
fait et limitée dans le temps, éduquer suppose une approche proportionnelle en
fonction des possibilités de l’auteur (intellectuelles, perceptives, sociales,
culturelles, liées à l’âge, …) qui prend fin lorsque l’objectif pédagogique est atteint.
Depuis les années ’70 deux courants en criminologie formulent en outre des critiques
supplémentaires à l’égard des principes de la « nouvelle » défense sociale :
1. la théorie du « label » (étiquetage) mettant en exergue les conséquences négatives
du contrôle social inhérent au système de protection de la jeunesse ; ceux qui en
sont de façon sélective19 l’objet sont « stigmatisés »
2. la criminologie radicale, qui suggère que l’intervention touche principalement les
démunis et a pour but de criminaliser cette couche sociale
Suite à ces critiques des recherches empiriques furent effectuées sur les effets et le
fonctionnement de la politique criminelle axée sur le « traitement resocialisant » de
délinquants20.
17
Ceci malgré l’avis du conseil d’Etat du 5.06.1963 dont le sens ne pouvait échapper, ni au
législateur, ni à ceux qui seraient appelés à appliquer la loi du 8.04.1965 relative à la protection de
la jeunesse : « lorsque le législateur renonce aux règles ordinaires de la répression pour faire choix
de méthodes qui abandonnent la liberté des individus à la discrétion d’un juge, il a l’obligation
constitutionnelle d’entourer le pouvoir discrétionnaire qu’il crée de garanties telles qu’il ne puisse
devenir arbitraire »
18
par exemple
19
suite à une liberté d’appréciation grandissante des intervenants au système
20
R.Martinson, What works? Questions and answers about prison reform, Public Interest 1974.
21
Séminaire sur la justice des mineurs
Les résultats étaient démystifiants : les méthodes appliquées n’auraient aucune incidence
sur les chiffres de la délinquance !
Mais, à nouveau, il nous faut lire ces critiques sur une toile de fond de nouvelles évolutions
sociologiques tout en se rendant compte que, parallèlement, toute théorie ne trouve pas
nécessairement ses adeptes parmi les praticiens21.
Le climat social s’est crispé suite à la crise économique. Les budgets ne sont plus réservés
à un modèle protectionnel jugé défaillant, puisque son système de resocialisation ne paraît
pas endiguer la récidive et que, selon l’opinion publique, dont le sentiment est renforcé par
les médias, il est même constaté une montée de la violence et de la criminalité, suite à une
indulgence, une lenteur de réaction, une patience exagérément grande des autorités envers
la jeunesse délinquante.
Raisons suffisantes pour le politique d’apaiser ce sentiment, -lui qui déjà ne parvenait pas à
« vendre » les idées de la « nouvelle » défense sociale aux citoyens-, et de se laisser tenter
par le mouvement dit de « law and order », du « nouveau réalisme », dont la percée se situe
aux Etats Unis d’Amérique22 et dans les pays scandinaves d’Europe23.
Nous le rappelons : drôle de constat, puisque le manque d’efficacité d’une politique
criminelle « répressive» face à une soi-disant montée de la criminalité juvénile au début du
20ième siècle, qui légitima le modèle protectionnel, sera maintenant employée pour défendre
un retour au…
« modèle pénal », au « modèle de justice »!24
Mais tout comme des différences et nuances existaient de pays à pays quant à
l’application du modèle protectionnel, le modèle de justice, la dite
re-pénalisation de la justice des mineurs ne s’est pas opérée de façon rectiligne et
uniforme.
Un retour aux notions juridico-dogmatiques de rétorsion, de revanche, rétribution,
dissuasion, responsabilité morale, n’a su s’effectuer complètement ni partout et
certainement pas sans garanties pour la reconnaissance des droits du délinquant. Ce serait
faire injustice aux bonnes intentions de Von Hirsch et ses collègues, qui tendaient vers un
droit pénal plus juste, plus honnête et plus indulgent, mais dont le politique et les autorités
judiciaires firent emploi pour justifier une répression accrue et une augmentation de la
détention tant de majeurs que de mineurs25.
Nous ne nous arrêterons pas aux expériences extrêmes comme les « boot-camps » (basé sur
une discipline militaire) aux USA ou à un système de « couvre-feux » dans certains pays
anglo-saxons.
Ce à quoi nous assisterons par contre dans bien des pays est qu’un retour au pénal sera
mesuré sur le terrain sans que les juges aient besoin de nouveaux textes de loi, puisque çà
21
la méfiance des magistrats envers les sciences du comportement, leur conservatisme à l’égard
d’expériences dites « alternatives » aux peines classiques, leur appréciation verrouillée dans des
paramètres tels que le passé judiciaire, la gravité des faits, la responsabilité morale du délinquant
22
J.Trepannier, Changement de cap pour la justice des mineurs : le cas d’un état américain,
Rev.Dr.Pén.Crim.1988, 491 (l’état de Washington-loi 1977)
23
paradoxalement les pays qui furent à la base du modèle de resocialisation critiqué
24
Chr.Eliaerts, Het “nieuw realisme” in het strafrecht en de criminele politiek, Panopticon 1984, 1
25
J.Junger-Tas, Ernstige jeugddelinquentie : mythe of realiteit?, formation post-académique à la
V.U.B. Bruxelles 22.10.2004 (ref.A.Von Hirsch, Doing Justice : the choice of punishments, Hill and
Wang New York 1976)
22
Séminaire sur la justice des mineurs
et là le modèle protectionnel masquait des pratiques et des réalités (de caractère punitif)
qu’il portait déjà en lui par l’emploi de mots différents26 (nous y reviendrons plus tard). La
mesure de placement d’un mineur dans une institution publique fermée est-elle d’ailleurs
autre chose qu’une privation de liberté et n’est-elle pas vécue comme une punition, même
si elle est présentée comme ayant une finalité d’observation et d’éducation ?
En Belgique des essais de réinstallation d’un modèle plus pénalisant, correspondant
souvent à des législatures de coalitions prônant une politique, dite, « sécuritaire », ont bien
sûr connu la résistance des « protectionalistes » du terrain mais ont également subi l’effet
paralysant d’une distribution de compétences suite à une réforme de l’Etat fédéral. Le
recours plus fréquent à des possibilités répressives pré-existantes dans la loi protectionelle
de 1965, quant à lui, s’est heurté à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de
l’Homme et donc aux grands textes internationaux de droits fondamentaux.
Le « modèle de justice », la « repénalisation de la protection de la jeunesse »27 corrigeant
les excès du modèle protectionnel, se distingua donc en pratique par les caractéristiques
suivantes :
1. une attention accrue est exigée pour la défense de la (vie en) société jugée plus
protégée par un recours plus intensif et plus fréquent de l’enfermement28 (comme
s’il avait arrêté d’exister sous un autre vocable sous le modèle protectionnel) et par
un renvoi facilité vers les tribunaux pour adultes
2. le débat est recentré sur l’acte délictueux
3. le mineur ayant commis un délit n’est plus considéré comme complètement
irresponsable29, doit donc subir les conséquences de ses actes et être rappelé à la
norme transgressée sous forme de sanction ; mais quiconque reconnaît au mineur
une progression par étapes de sa capacité à tous les niveaux de la vie sociale doit
logiquement lui reconnaître aussi une capacité juridique croissante30 (ce que
malheureusement le modèle ne lui garantit pas)
4. par contre, davantage de garanties judiciaires lui sont attribuées, parmi lesquelles
l’assistance d’un conseil à chaque stade de la procédure (mais toujours pas de
proportionnalité entre gravité des faits et mesure) ; dans un même souffle,
pourtant, une volonté émerge de limiter le temps d’intervention des autorités
26
M. van de Kerchove, Des mesures répressives aux mesures de sûreté et de protection.
Réflexions sur le pouvoir mystificateur du langage, Rev.Dr.Pén.Crim.1977, 246
27
F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 260
28
il est noté un usage plus facile du “dessaisissement” au profit des juridictions ordinaires et
correctionnelles pour des délits graves commis après l’age de 16 ans, une augmentation constante
de la possibilité de placement en maison d’arrêt lorsqu’il y a impossibilité matérielle de placement
en institution fermée et une introduction progressive du régime fermé au sein des établissements
publics de l’Etat
29
assimiler responsabilité et responsabilité pénale est un malentendu, selon F.Tulkens : la loi
protectionnelle n’aurait jamais affirmé que les jeunes sont irresponsables, mais aurait institué une
présomption de non-discernement…(sic ! car quelles sont les conséquences de l’un et de l’autre ?)
30
D. Ballet, De minderjarige en het strafrecht: een poging tot verheldering van zijn strafrechtelijke
positie dans éd. C.Eliaerts e.a. Van Jeugdbeschermingsrecht naar jeugdrecht?, Kluwer Anvers et
Gouda Quint Arnhem, 1990, p. 164; G.De Bock, Enkele knelpunten in de actuele discussie over
het jeugd(beschermings)recht dans Liber amicorum Willy Callewaert, Kluwer, Anvers, 1984, p. 123.
23
Séminaire sur la justice des mineurs
judiciaires et de la rendre subsidiaire31 à d’autres interventions (mais où les mêmes
garanties ne sont plus nécessairement présentes32).
Les textes de droit international rendu applicable ou d’application aux mineurs ont
indéniablement influencé les modèles existants ou en devenir33.
A la fin des années quatre-vingts, les faibles garanties juridiques n’étaient plus à la hauteur
des garanties prescrites dans les textes des conventions et recommandations internationales
relatives aux droits de l'enfant.
L'évolution du droit international a entre-temps considérablement fait prendre conscience
que les droits des mineurs, même délinquants, méritent d'être respectés.
Nous citerons ici pour exemples : les articles 5.d de la CEDH (4.11.1950), 10.2.b, 10.3,
14.4 du PIDCP (19.12.1966), 37, 40 de la CIDE (20.11.1989), 2.3 de la Résolution 40/33
des Nations Unies (29.11.1985 /règles minimales de Pékin), 4, 5 et 6 de la Résolution
45/112 des Nations Unies (14.12.1990 /principes de base de Riyad), 3 de la Résolution
45/113 des Nations Unies (14.12.1990 /règles de La Havane), des Recommandations n°
R(87)20 (17.09.1987) et R(88)6 (18.04.1988) du Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe.
Aucun Etat démocratique, aucun juge de la jeunesse ne pouvait dès lors décemment
défendre l’adhésion à un modèle, dit, répressif sans y apporter les correctifs poursuivis par
les textes.
A la recherche d’une troisième voie34, écartant les inconvénients des deux systèmes, la
jurisprudence et la doctrine ont tenté de marier les besoins du mineur et ceux de la
société par le…
« modèle de sanction (alternative) constructive »
Le mineur délinquant livre pendant son temps libre une prestation gratuite, un travail au
sein et au profit de la collectivité, il participe à un service, à une structure sociale, qui de
préférence se rapporte au délit commis et/ou au centre d’intérêt du jeune.
Le modèle embrasse à première vue des finalités diverses35, tant répressives36,
réparatrices37, éducatives38, que celle de dispenser de meilleures garanties judiciaires39.
31
dé-judiciarisation (distinguer l’action de la justice et celle de l’aide sociale et en marquer la
frontière) et dés-institutionalisation ( ce qui répondait à la constatation d’un recours excessif au
placement en institution) au profit du travail en “milieu ouvert”
32
une plus grande autonomie et liberté d’action, d’interprétation et de décision est accordée aux
dispositifs administratifs mis à la disposition des juges (le « modèle d’assistance ») : les services
sociaux, les directions d’institutions, les initiatives privées d’aide à la jeunesse et
d’accompagnement d’expérimentations dites « alternatives » ; on a recours à des organes autres
que judiciaires, des procédures distinctes viseront les enfants en danger et celles qui concernent
les mineurs délinquants
33
il s’agit bien sûr de pays ayant souscrit à ces textes… ! et donc, malheureusement pas, les Etats
Unis d’Amérique, ni la Somalie…
34
selon J.Zermatten, La loi fédérale (ndlr: suisse) régissant la condition pénale des mineurs,
Chronique de l’AIMJF n°1.vol.13 juillet 2004, 10 sous p.2.3: “le modèle “restorative justice” ne
constitue pas un troisième modèle, mais une modalité qu’il est possible d’introduire dans le
système de protection, comme dans le système de justice”
24
Séminaire sur la justice des mineurs
A première vue…, car sujet à critiques, lui aussi :
1. le modèle sanctionnel constructif, comme les modèles précédents ne porte aucun
intérêt à la victime, oubliée, sauf peut-être lorsqu’on avait besoin d’elle comme
instrument de la justice pour servir de témoin à charge40
2. le modèle s’inscrit, selon les « protectionnalistes », plutôt dans la ligne de la
repénalisation41
3. le respect des garanties judiciaires n’est toujours pas assuré : la sanction
alternative (appelée pour ces raisons ?42 mesure alternative) est négociée par le
ministère public, même par la police comme alternative à la poursuite, elle est
acceptée au même titre comme mesure-sanction après débat au fond concernant la
culpabilité que comme mesure « d’investigation » au provisoire43 (et la
présomption d’innocence ?), les critères de sélection du jeune, du choix de la
mesure, des modalités d’exécution ne sont pas uniformes ; en bref : ici également
les principes et garanties du droit pénal classique sont bafoués : pas d’égalité de
traitement44, pas de proportionnalité avec la gravité des faits
4. le travail au profit de la collectivité ne s’avère bien souvent pas être une
alternative au placement ou à l’enfermement, mais remplace le classement sans
suite ou des interventions moins radicales, ce qui contribue au phénomène du « netwidening »
Ce modèle sera bien vite assimilé à et incorporé dans un modèle plus large appelé le…
« modèle restaurateur » ou « de justice réparatrice »
sans pour autant perdre ses caractéristiques sus-mentionnées, mais introduisant cette foisci la victime comme acteur principal dans la définition de ce que doit être la solution du
problème posé par un délit. L’accent est mis sur l’existence d’un conflit entre un
délinquant et une victime et dans lequel la collectivité a un intérêt.
35
Chr.Eliaerts, Zalven of slaan? Het eeuwige pendelen tussen hulp en straf in de
jeugdbescherming, in C.Lis en H.Soly (eds.) Tussen dader en slachtoffer, jongeren en criminaliteit
in historisch perspectief, VUB Press 2001, 371
36
le fait de devoir travailler gratuitement pendant son temps libre est une réduction de liberté qui
caractérise la peine, mais une peine qui (parce qu’elle se situe de préférence sur le même registre
que le mal causé) est, selon A.Garapon et D.Salas, La république pénalisée, Hachette Livre
1996,108, perçue comme « intelligente »
37
le mineur indemnise (de façon symbolique), de par sa prestation de service, le tort causé à la
société
38
le mineur prend exemple sur des personnages d’identification positive lors de son temps de
travail à l’opposé de ceux rencontré dans un univers institutionnel ; il lui est reconnu une certaine
responsabilité et son engagement personnel est exigé
39
à l’opposé des mesures protectionnelles, les sanctions sont clairement définies et limitées dans
le temps
40
J.Trépannier, Le développement historique de la justice des mineurs, l.c., 39
41
F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 275
42
M. van de Kerchove, supra, “le pouvoir mystificateur du langage »…
43
Cour de Cassation belge, deux arrêts significatifs : Cass.4.03.1997, Arr.Cass.1997, 307 ;
Cass.21.05.2003, T.J.K. 2003/4, 233
44
« Comment éviter », selon F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 273, « que l’octroi d’une sanction
alternative n’aboutisse à une sorte de « justice de classe » dans la mesure où pareille mesure est
accordée lorsqu’il y a eu indemnisation officieuse des intérêts civils »
25
Séminaire sur la justice des mineurs
Le dommage causé, (élément central du modèle) sera réparé lors d’un processus de
médiation entre auteur et victime, éventuellement avec l’aide d’un médiateur. Le processus
de « médiation » pourrait se définir comme : une communication « convoyée » entre
auteur et victime d’un délit, témoignant des motifs, du vécu et des suites de celui-ci,
tendant à rendre l’acte intelligible45 et à trouver une solution commune, acceptable et juste
au conflit intra-personnel pour en apaiser les conséquences, tout en espérant que le
comportement de l’auteur ne se reproduira plus.
Le dommage causé par la perturbation de la paix et donc de la qualité de vie dans la société
sera, quant à lui, réparé par le travail au profit de la communauté.
Une réparation « intégrée » se conçoit également au travers les « family group
conferences », nées de pratiques tribales nord-américaines et néo-zélandaises.
Si le modèle charme au prime abord par la beauté morale du message de tolérance,
d’empathie, de confiance et de réparation qu’il nous livre, il ne faut pas non plus en faire
une religion. Souvent les apôtres du modèle en sont tellement inspirés, qu’ils nient
certaines réalités du monde et que critiques et mises en question sont perçues comme lèse –
modèle.
Quelles sont ces critiques ?
L’approche exigeant patience, temps, écoute et solution sans perdant, semble difficilement
s’imbriquer dans notre civilisation formalisée, compétitive et individualisée.
Elle connaît en plus certaines limites :
1. la première limite, nous la situons au niveau de l’engagement volontaire, au libre
consentement46 et conséquemment à la possibilité de retrait de l’accord de principe
à la démarche de médiation.
Un bon équilibre entre la responsabilisation et la protection du mineur, auteur ou
victime, nous porte, l’article 15 de la Recommandation R (99)19 du 15 septembre
1999 du Conseil de l’Europe concernant la médiation en matière pénale à l’appui, à
prendre en considération : âge, maturité, capacité intellectuelle, présence éventuelle
de troubles psychopathologiques et disproportions de rapports de force dans une
confrontation pouvant évoluer à ras de la psychothérapie. Impliqué dans une
concertation ne se faisant pas entre parties équivalentes, le mineur d’âge pourrait,
en effet se retrouver dans une position purement défensive, voire écrasé par la
situation et se voyant imposé des conditions défavorisant son intégration comme
jeune dans la société.
Un aspect non négligeable de l’engagement libre et volontaire nous semble être,
que médiation il n’y aura que si la responsabilité pour le délit est établie et que,
sans contrainte aucune, il y a aveu, même si, selon le professeur Lode Walgrave, la
médiation n’est pas une sanction47.
45
La médiation auteur-victime dans la justice des mineurs, actes de la journée d’étude du
1.12.1999, Mille Lieux Ouverts n° 24, avril 2000
46
ce qui pré-suppose une capacité, que le modèle protectionnel nie au mineur.
47
H.Geudens, W.Schelkens, L.Walgrave, Op zoek naar een herstelrechtelijk jeugdsanctierecht in
België, een denkoefening, rapport juillet 1997, p 16 sub 2.4.1 & p 31 sub 4.2.4.1
26
Séminaire sur la justice des mineurs
2. La seconde limite réside en la compétence du médiateur. Comme gardien de
l’équilibre dans les rapports, les communications et les engagements, et investi
d’un pouvoir fort discrétionnaire, il se doit d’être quelqu’un de qualifié, usant d’une
méthodique valable pour aboutir à un accord juste.
Mais en quoi cette personne saurait-elle se défendre d’avoir une formation, des
capacités intellectuelles, des qualités humaines et une indépendance supérieure à
celles des juges48 ? Pourquoi enlever la gestion des suites d’un délit à un corps de
magistrats49, troisième pôle de tout Etat démocratique pour, après des siècles de
combat pour la lui soustraire, la rendre au privé, sans contrôle, sans garanties, sans
transparence?
3. La troisième limite est qu’un délit est bien plus qu’un problème entre deux
individus. C’est une atteinte et une mise en danger de la paix et de la qualité de vie
en société, quoique fort difficile à cerner et à mesurer. Un délit n’ayant que des
conséquences minimes pour la victime individuelle, peut, tenant compte de la
personnalité de l’auteur, avoir un degré de gravité tel, qu’un règlement civil
menacerait la sécurité publique. Il existe aussi des délits sans victimes.
Le dommage causé ne saurait, par ailleurs, à lui seul définir le dommage causé
à la moralité publique, à l’éthique, à la vie ordonnée en société. Le dommage et
son ampleur pour l’individu ne peuvent pas à eux seuls être le critère de gravité du
délit50. Car quelle différence existerait-il sinon entre un meurtre et un accident
mortel de la route ? Dans les deux cas, une personne est morte, le dommage est le
même… (sic !).
A nouveau, le modèle pose problème au niveau du principe de la légalité des
incriminations et des peines, du principe de la proportionnalité, de la
présomption d’innocence et des garanties procédurales.
4. L’ultime frontière de la médiation est sans conteste, le danger créé par l’auteur
du délit et par le délit lui-même pour la sécurité publique. Le délit représente en
effet une menace pour la paix et la qualité de vie générale au sein d’une
communauté. L’appréciation de ce danger ne saurait être laissée aux seuls individus
ni au médiateur, dont le mandat ne s’étend pas au-delà du règlement civil et de
l’accompagnement sur le chemin vers une réparation juste du conflit entre
individus, fraction d’une perturbation plus large de la vie paisible en communauté.
48
Guy Canivet, président du Groupement européen des magistrats pour la médiation, lors de son
discours inaugural au congrès de Valence le 21 juin 2002 de rappeler : « dans le système de droit
occidental, la figure du juge classique, du juge répartiteur de droits, de juge décideur, instrument
de force légale, s’est peu à peu transformé pour prendre une dimension pacificatrice. L’idée
centrale de cette évolution est que(…)la décision imposée par la force du jugement n’est pas la
meilleure manière de mettre fin au litige. Il faut que le juge aime la justice au point de vouloir
rectifier plutôt que trancher, qu’il préfère la balance au glaive.Toutes les études d’économie
judiciaire convergent vers le constat que la justice négociée est plus efficiente que la justice
décidée »
49
L.Fadiga, L’enfant au centre des grands changements sociaux, 100 ans de Justice Juvénile,
bilan et perspectives, 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, Institut Universitaire Kurt Bösch
2000, 141, p.13 (151- 152)
50
L. Walgrave, Met het oog op herstel, Universitaire Pers Leuven 2000, 53 ; rapport juillet 1997 au
Ministre de la Justice, 28 (proportionnalité gravité des dommages / intensité de l’effort réparateur).
27
Séminaire sur la justice des mineurs
C’est pourquoi, selon le président de la « Commission nationale pour la réforme de la
législation relative à la protection de la jeunesse » belge le droit de réparation ne peut
répondre que partiellement aux exigences du droit de la jeunesse51.
Nous croyons à ce jour savoir où mènera ce combat, cette crise52 des « modèles » :
Au « modèle inconséquent »
Car bien d’autres penseurs du droit (de la jeunesse) en sont arrivés à ce même
enseignement de l’histoire :
« Chaque modèle est né des défauts du modèle précédent »53
« La nouvelle modalité se développe fort bien, mais l’ancienne ne dépérit pas.
Et la substitution annoncée ne se fait pas ; l’ancienne modalité garde sa
clientèle accoutumée et même l’agrandit souvent et la nouvelle en reçoit une
neuve (…)Surpris par cette observation, on se tourne vers l’étude
généalogique de ces modalités « nouvelles » et c’est pour découvrir qu’en fait,
elles descendent le plus souvent de ces « anciennes » formes si décriées, par
une filiation directe, quoique occultée. On se trouve en présence d’une
cancérisation de contrôle social par scissiparité » 54
« Aucun modèle ne conservera sa ‘virginité’ dans la réalité sociale »55
Réalistes comme nous nous déclarons, il en résulte la leçon suivante :
Donnons la priorité aux garanties juridiques dans tous les modèles, courants, tendances
et mouvements, voire professions de foi envisageables qui se manifesteront en tant que
nouveaux paradigmes ou dogmes résultant des mouvements pendulaires connus, dans un
droit de la jeunesse qui a toujours été et reste un domaine favorable à l’expérimentation.
Le droit de la jeunesse a tellement eu tendance à donner un autre nom à la réalité que,
quelle que soit la réponse donnée, les garanties juridiques destinées à remédier à
l’arbitraire et à l’illusion que les modifications dans la terminologie utilisée correspondent
à des changements réels dans le droit de la jeunesse doivent toujours être celles liées à la
forme d’intervention la plus radicale.
Comme le dit si bien le professeur Michel van de Kerchove : « un modèle d’intervention
unique et parfaitement homogène à l’égard des mineurs semble totalement exclu des
51
P. Cornelis, «herstelrecht of sanctierecht? Op zoek naar een coherent jeugdrecht » dans G.
Decock et Ph. Vansteenkiste, Herstel of sanctie, naar een jeugdsanctierecht, Mys & Breesch 1999,
155.
52
F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, titre du chapitre 3
53
Prof.U.Gatti (Univ.Genova, It.) au séminaire organisé à l’intention des états membres de l’Union
européenne concernant la délinquance juvénile les 19 et 20.10.2000 à Paris
54
H.Van Bostraeten, Criminologie: wetenschap én ideologie, Kluwer rechtswetenschappen 1985,
167
55
Chr. Eliaerts, Jeugddelinquentie en jeugdbeschermingsrecht: een moeilijke relatie,
Kinderrechtengids dl I, 1.8, 1-48;
28
Séminaire sur la justice des mineurs
réalisations et des débats les plus récents et on peut se demander s’il a jamais existé. Il
semble plutôt que les mineurs seraient immanquablement placés « entre » des modèles
différents dont les articulations et les pondérations respectives sont éminemment variables,
mais dont il semble difficile d’écarter radicalement l’un ou l’autre, comme l’illustrent,
semble-t-il, les oscillations « pendulaires » dont les mineurs ont historiquement fait
l’objet »56.
Si d’aucuns regrettent ce constat historique et clament à raison que « les garanties n’ont
pas pour effet de rendre acceptable une proposition inacceptable »57, il n’en reste pas
moins que ces « aucuns » sont en manque d’idées pour palier aux défauts inhérents à tous
les modèles existants.
Commençons donc, au moins, à corriger sur les points où toutes les critiques s’entendent.
•
•
•
•
•
Il ne suffit pas de changer les mots pour éluder des pratiques, mais soyons honnêtes
et clairs dans notre langage
Il faut maintenir une juridiction spécialisée* et indépendante* pour mineurs, usant
d’une procédure particulière*, mais respectueuse de garanties telles : la
présomption d’innocence avant toute condamnation*, pas d’aveu imposé*,
publicité des débats sauf si la vie privée du mineur est menacée, possibilité
d’appel*, assistance obligatoire d’un conseil*, participation du mineur et, le tout,
dans le plus grand respect des droits des jeunes
Toute réaction au délit, quel qu’en soit le caractère, doit poursuivre une finalité de
(re-)intégration dans la société et de pacification des relations humaines ; elle doit
être dictée particulièrement par les besoins qui sont particuliers aux enfants et aux
jeunes58 ; cette réponse se doit en plus d’être mesurée, justifiée, humaine,
intelligente et acceptée ; la privation de liberté est une réponse de dernier ressort,
l’enfermement sans autre but que de punir est à exclure
Il faut encourager la réparation à la victime, sans que ce soit elle qui dicte la
pénalisation des relations humaines
Témoignons d’un respect accru et d’une meilleure application des principes de
proportionnalité*59, de la légalité des incriminations et des peines*, de l’égalité de
traitement
Est-ce un hasard que les astérisques dans ces dernières propositions réfèrent exactement à
l’article 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant adoptée à New York le 20
novembre 1989 ?
Mais alors à quoi sert-il de pousser le réflexe paranoïde et conservateur à ce point que de
prétendre que : « la réinscription formelle de la justice des mineurs dans le champ du droit,
telle que la Convention des droits de l’enfant la réalise, risque d’être marquée d’une
certaine ambiguïté dans la mesure où elle opère (ou facilite) le passage d’un modèle
protecteur à un modèle répressif » et d’affirmer que : « le modèle de justice sert de point
56
M.van de Kerchove, Les mineurs à l’intersection de quatre modèles principaux d’intervention,
dans Van Jeugdbeschermingsrecht naar Jeugdrecht ?, C.Eliaerts e.a.(éd.) Kluwer
rechtswetenschappen et Gouda Quint BV.1990, 205
57
S.Berbuto, Droit de la Jeunesse, éd. Formation Permanente CUP Université de Liège, février
2002, vol.53, 308
58
J.Trépannier, Le développement historique de la justice des mineurs, l.c., 41
59
la réaction sociale au délit ne doit plus seulement être en relation exacte avec la nature et la
gravité de celui-ci, mais doit également tenir compte des conditions de vie personnelles, de la
personnalité et des besoins du mineur
29
Séminaire sur la justice des mineurs
d’appui au développement de la repénalisation », car : « les principes de la légalité, de la
proportionnalité et du due process encadrent le principe de la responsabilité pénale du
mineur » ?60
Est-ce la nostalgie du pouvoir du Prince et oublier que ce sont les Lumières qui ont
instauré les garanties judiciaires comme principe dans un droit pénal classique justement
pour défendre l’individu contre l’arbitraire, l’intervention illimitée de l’Etat et la répression
aveugle ? Il est donc intellectuellement malhonnête de faire, sans nuances, le raccourci
entre droit pénal et répression. Des essais et efforts constructifs pour d’avantage de droits
de l’enfant, de plus de garanties judiciaires classiques et pour un langage dépourvu
d’hypocrisie doivent-ils être suspendus par peur d’une récupération éventuelle et une
traduction répressive de ce discours ?61
Alors ? Jeu de l’oie..
Retour à la case « protectionnelle » d’antan?
Ou -enfin- essai de conjuguer le positif de toutes les valeurs (idéologiques)62 sous-jacentes
des modèles en espérant que la Convention internationale relative aux droits de l’enfant
nous aidera à harmoniser le droit de la jeunesse dans le sens le plus large63 et dans toutes
les disciplines du droit et du social, quelque soit la réputation attribuée à leurs noms
d’emprunt ?
Quels messages la pensée concernant les modèles de justice juvénile véhicule-t-elle
pour l’Afrique noire ?
1. Ne parlons pas de délinquance quand certains problèmes ne sont pas définis comme
problèmes sociaux
2. Comment aborder certains problèmes sociaux causés par des jeunes ?
• Cela dépend de la place qu’on prétend réserver en général aux jeunes dans
la société et de la mesure d’intégration du déviant mineur dans cette même
société (est intégré, celui dont la présence n’est pas, n’est plus ressenti
comme une menace)
• Pour rappel : se sentir menacé engendre la propension à la plainte, la
vulnérabilité du non-intégré64 est plus grande, le potentiel de résolution par
réparation informelle et infra-judiciaire est abandonné en faveur de
l’intervention de l’état, d’une législation plus répressive appliquée par une
justice formelle
3. Chaque forme de criminalité doit toujours être placée dans son contexte
géographique, socioculturel et économique. Il est dès lors insensé de comparer des
contextes tellement différents comme ceux des pays de l’hémisphère Nord et ceux
du Sud.
60
F.Tulkens, La Convention sur les droits de l’enfant et la justice pénale, dans La Convention sur
les Droits de l’Enfant et la Belgique (actes de la journée d’étude du 30.11.1990 U.C.L.), StoryScientia 1990, 155
61
E.Dumortier et C.Brolet, Waarheen met het jeugdbeschermingsrecht? Over de
(gevreesde)repressieve pendelbeweging en een fundamentele hervorming van de
jeugdbescherming, T.J.K. 2003/3, 149
62
H.Schüler-Springorum, Synthèse finale du 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, 100 ans de
Justice Juvénile, bilan et perspectives, Institut Universitaire Kurt Bösch 2000, 301
63
J.Junger-Tas, o.c.
64
usant souvent de stratégies de survie
30
Séminaire sur la justice des mineurs
4. Ce qu’il convient, en revanche, de garder à l’esprit c’est l’obligation de s’armer
contre des aspects, traits et particularités négatifs d’évolutions économiques,
socioculturels, politiques, religieuses et de se rappeler que :
• Le modèle de justice juvénile qui permet une intervention de l’Etat et des
juges sans trop de limites, s’accorde fort bien aux régimes dictatoriaux
• Quand l’économie est en crise, le climat social se crispe et il y a peu
d’argent pour mettre en place ou pour maintenir un réseau de services
d’aide et d’accompagnement, pour faire de la recherche scientifique ; une
criminalité forcément croissante suite à une diminution de ressources et une
frustration en dièse par l’écart entre l’idéal de consommation et les moyens
d’y accéder ouvre plus aisément la voie à une approche plus musclée, jugée
moins onéreuse
• Plus avance l’évolution vers une société formalisée, compétitive et
individualisée, moins est laissée une chance à un règlement informel et
infra-judiciaire des suites d’un préjudice causé
5. Toute approche du jeune ayant commis un délit mérite de favoriser son intégration
dans la société, sans pour autant oublier la victime et la sécurité de la vie des autres
dans la société
6. L’observation scrupuleuse des textes de droit international concernant l’enfant et le
jeune et plus particulièrement le respect des garanties judiciaires à l’égard de
mineurs traduits en justice doivent inspirer toute législation.
31
Séminaire sur la justice des mineurs
Protectionnel
Pénal
Sanctionnel
Restaurateur
Des droits de
l’enfant / des
garanties
judiciaires
(caractéristiques
escomptées >
entre « .. »)
Au centre de
l’intérêt
Finalité avouée
Moyen usé
Position de la
victime
Garanties
judiciaires
personne et
besoins du
mineur
délinquant
le délit et les
besoins de la
société
adaptation du
mineur et
(ré)intégration
(ré)éducation
secondaire
secondaires
défense de
l’ordre public et
confirmation de
la norme
adaptation du
mineur,
confirmation de
la norme et
(ré)intégration
rétribution par la
peine
secondaire
présentes
rétribution par la
sanction et
dédommagement
symbolique
envers la
communauté
obligation de
réparation
insuffisante
insuffisantes
limitée /
centrale
secondaires
/ dépendant de la
négociation
auteur-victime
« présentes »
« limitée /
dépendant d’un
délai légal »
besoins du
mineur
délinquant et de
la société
le dommage
causé et les
besoins de la
victime
« besoins du
mineur
délinquant, de
la victime et de
la société »
réparation
(raisonnable) du
dommage causé
« adaptation du
mineur,
confirmation de
la norme,
réparation du
dommage et
(ré)intégration »
« rétribution par la « prise en
sanction,
compte »
dédommagement
symbolique
envers la
communauté,
réparation, et
(ré)éducation »
32
Durée de
l’intervention /
dépendant de ?
sans limites /
dépendant du
degré
d’adaptation
limitée /
dépendant du
délai légal
Séminaire sur la justice des mineurs
LES ARTICLES 37 ET 40
DE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE
L'ENFANT
du 20 novembre 1989
Oscar D’AMOUR
Juge à la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, Canada
1. Introduction
La convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 s'inscrit dans un long processus qui
origine de la Charte internationale des droits de l'homme des Nations Unies. Cette charte
comprend la Déclaration universelle des droits de l'homme65 et les deux Pactes
internationaux66, l'un relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et l'autre, relatif aux
droits civils et politiques.
Dans la proclamation de Téhéran adoptée par la Conférence internationale des droits de
l'homme tenue en 1968, la communauté internationale «affirme sa foi dans les principes de la
déclaration et adjure tous les peuples et les gouvernements "de se faire les défenseurs [de ces]
principes (…) pour que tous les êtres humains puissent dans la liberté et la dignité, s'épanouir
sur le plan physique, mental, social et spirituel.»67
Dans cette lancée germera la Convention des droits de l'enfant qui constitue le premier code
international qui englobera les droits fondamentaux des enfants et assurera la protection des
standards qui leur sont applicables.
Bien que les Pactes, parties de la Charte des droits de l'homme, s'appliquent aux enfants, la
Convention des droits de l'enfant est le premier traité en matière de droit de la personne
s'appliquant exclusivement aux enfants. Elle a l'avantage d'y inclure à la fois des droits civils,
économiques, sociaux et culturels.
Comme nous le verrons dans la nomenclature qui suit, les trois objectifs de base à l'élaboration
à la Convention se définissent comme suit:
«1)
2)
3)
la création d'obligations exécutoires à l'égard des Etats par dénonciation de certaines
valeurs sous forme de traités;
l'élaboration d'une loi globale relativement aux enfants;
la reconnaissance des enfants en tant qu'individus détenant des droits précis et étant
capables de participer aux prises de décisions et à leur propre épanouissement.»68
65
Adoptée à l'Assemblée générale, Résolution 217A(III)], le 10 décembre 1948
Adoptés à l'Assemblée générale, Résolution 2200 A(XXI). le 16 décembre 1966; entrée en vigueur
le 23 mars 1976
67
Charte internationale des droits de l'homme, fiche d'information no. 2, Office des Nations-Unies,
Genève, 1996, p. 8
68
YOLLES, Vanessa, Guide pratique aux fins de l'utilisation de la Convention relative aux droits de
l'enfant des Nations-Unies devant les tribunaux canadiens, Unicef Canada, 1998, ISBN0-921564-19-8,
p. 36.
66
33
Séminaire sur la justice des mineurs
1.1 Le contexte de la naissance de la Convention
Il faut se rappeler qu'à la fin des années 60, un courant jurisprudentiel69 établissait que les
enfants devaient bénéficier des mêmes protections légales que les adultes en matière de justice
pénale.
La justice pour les mineurs jusqu'à la fin des années 70 s'inspirait principalement du modèle
protectionnel70.
Dans les années qui vont suivre, nous assisterons à la recherche d'un équilibre entre les besoins
des enfants et la protection légale de leurs droits dans le processus judiciaire.
La proposition du gouvernement polonais, à l'occasion de la célébration de l'année
internationale des droits de l'enfant en 1979, sera l'élément déclencheur de la préparation de la
Convention. Quarante-trois (43) États, membres de la Commission sur les droits de la
personne des Nations Unies mettront dix (10) ans à la rédaction de la Convention71.
La Convention concrétise et énumère les droits aux bénéfices des mineurs que les États parties
s'engagent à promouvoir. 192 États la ratifient et l'entrée en vigueur a lieu le 2 septembre
1990. Les États parties s'engagent à promouvoir, à veiller et à incorporer les principes et
règles énumérées dans la Convention.
1.2 Le contenu de la Convention
Bien que je me limiterai à aborder le traitement réservé aux mineurs privés de liberté (art. 37)
et de l'administration de la justice (art. 40), il est pertinent de souligner les droits dont les
enfants bénéficient et de rappeler les grands principes contenus dans le préambule de la
Convention:
«Le préambule réaffirme le fait que les enfants ont besoin d'une protection et d'une attention
particulières en raison de leur vulnérabilité et il souligne plus particulièrement la
responsabilité fondamentale qui incombe à la famille pour ce qui est des soins et de la
protection à prodiguer aux enfants. Le préambule réaffirme la nécessité d'une protection
juridique et extra-juridique de l'enfant avant et après la naissance, l'importance du respect des
valeurs culturelles de la communauté de l'enfant ainsi que le rôle vital joué par la coopération
internationale lorsqu'il s'agit de faire des droits de l'enfant une réalité.»72
Ainsi, la Convention établit comme principe directeur l'intérêt de l'enfant (art. 3.1); elle
reconnaît la responsabilité des parents d'élever leurs enfants (arts 5, 18 et 27). Ce code des
droits de l'enfant prévoit donc six groupes de droits:
1.2.1 Les principes généraux :
-
non-discrimination (art. 2);
intérêt de l'enfant comme critère de base dans les décisions le concernant (art. 3);
droit à la vie (art. 6);
droit au respect des opinions de l'enfant (art. 12).
69
Décisions de la Cour suprême des Etats-Unis, Kent c. United States, 1966, 383 U.S.; In Re Gault,
1967, 387 U.S.1.
70
d'AMOURS, Oscar, Les grands systèmes: modèle de protection, modèle de justice: Bilan et
perspectives, 100 ans de justice juvénile, avril 2000, Institut universitaire Kurt Böch, Sion, Suisse, pp.
95 et ss.
71
YOLLES, Vanessa, note 4, p. 35
72
YOLLES, Vanessa, note 4, p. 37
34
Séminaire sur la justice des mineurs
1.2.2 Les libertés et droits civils
-
droit à un nom et à une nationalité (art. 7);
préservation de son identité (art. 8);
liberté d'expression (art. 13);
liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 14);
liberté d'association et de réunion pacifique (art. 15);
protection de la vie privée (art. 16);
accès à une information appropriée (art. 17);
droit à ne pas être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels inhumains
ou dégradants (art. 37 a);
droit à la liberté (art. 37 b)
1.2.3 Les droits reliés au milieu familial et à la protection dans les situations de remplacement
-
respect de l'orientation parentale (art. 5);
respect des responsabilités parentales (arts 18.1 et 18.2);
protection contre la non-séparation entre l'enfant et les parents (art. 9);
réunification des familles (art. 10);
protection contre des placements et non-retours illicites (art. 11);
recouvrement des pensions alimentaires (art. 27.4);
protection des enfants séparés de leur milieu familial (art. 20) et examen périodique
des placements (art. 25);
protection des droits en cas d'adoption (art. 21);
prévention des abus par suite d'abandon et négligence ainsi que la réadaptation et la
réinsertion sociale (arts 17 et 39).
1.2.4 Les droits reliés à la santé et au bien-être
-
droits des enfants ayant un handicap (art. 23);
droits reliés à la santé et aux services sociaux (art. 24);
droits à la sécurité sociale et à l'établissement de garde d'enfants (arts 18.3 et 26);
droits de l'enfant à un niveau de vie décent (art. 27, par. 1, 2 et 3).
1.2.5 Les droits reliés aux loisirs et aux activités récréatives et culturelles
-
droits à l'éducation et à la formation professionnelle (art. 28);
droits de bénéficier de loisirs et d'activités culturelles (art. 31).
1.2.6 Les droits reliés aux mesures spéciales de protection
1.2.6.1 Les enfants en situation d'urgence
-
enfant réfugié (art. 32);
enfant touché par les conflits armés et les mesures de réadaptation et de réinsertion
sociale (arts 38 et 39).
35
Séminaire sur la justice des mineurs
1.2.6.2 Les enfants en situation de conflit avec la loi
-
interdiction de la peine capitale ou de l'emprisonnement à vie (art. 37 a);
droit à la protection des droits dans le traitement réservé aux enfants privés de liberté
y compris les enfants soumis à toute forme de détention, d'emprisonnement ou de
placement dans un établissement surveillé (art. 37 b), c), d);
protection des droits du mineur dans le cadre de l'administration de la justice (art.
40);
1.2.6.3 Les enfants en situation d'exploitation y compris leur réadaptation et réinsertion sociale
-
protection contre l'exploitation économique (art. 32);
protection contre l'usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (art.
33);
protection contre l'exploitation sexuelle et violence sexuelle (art. 34 a), b), c);
protection contre vente, traite et enlèvement d'enfants (art. 35);
protection de toute autre forme d'exploitation préjudiciable à tout aspect de son bienêtre (art. 36);
protection des minorités (art. 30).
2. Analyse des articles 37 et 40
Examinons plus spécifiquement deux des articles de cette convention, à savoir les articles 37
et 40 qui se retrouvent dans la catégorie des droits de l'enfant qui sont en situation de conflits
avec la loi.
2.1 Article 37
L'article 37 de la Convention se situe dans la catégorie des droits où l'on assure à l'enfant une
protection contre des actions qui auraient pour effets de nuire à l'exercice de ses droits
fondamentaux et de porter atteinte à sa dignité.
L'article 37 établit donc ce qui suit:
«Les États parties veillent à ce que:
a) Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants. Ni la peine capitale, ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne
doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de
dix-huit ans;
b) Nul enfant privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou
l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de
dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible;
c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la
personne humaine et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge.
36
Séminaire sur la justice des mineurs
En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes à moins que l'on estime
préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant et il a le droit de rester en
contact avec sa famille par la correspondance et par des visites, sauf circonstances
exceptionnelles;
d) Les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique
ou à toute autre assistance appropriée ainsi que le droit de contester la légalité de leur
privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente et impartiale et à
ce qu'une décision rapide soit prise en la matière.»
2.1.1 La torture (37a)
Au départ, il faut convenir qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut justifier l'usage de la
torture comme peine, que ce soit en temps de guerre ou menaces de guerre ou encore en
situations urgentes. Selon l'article 7 de la Convention sur la Cour internationale de justice, la
torture constitue un crime contre l'humanité lorsqu'elle constitue une attaque systématique
contre une population civile.
Bien que la notion de torture ne soit pas une notion définie dans la Convention, nous pouvons
toutefois convenir que la torture implique, non seulement un élément de souffrance physique,
mais aussi un élément qui cause une souffrance mentale ou psychologique pour la victime.
Étant une atteinte à l'intégrité physique, psychologique et morale d'un enfant, la torture est un
acte intentionnel posé dans le but, très souvent, de lui soutirer des informations. La torture est
donc un châtiment inacceptable qui n'est pas proportionnel à une infraction et qui n'est pas,
non plus, un moyen à employer dans l'exécution d'une peine.
2.1.2 Les peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (37 a)
La référence à la peine ou traitement élargit l'étendue de la protection accordée aux mineurs.
La garantie accordée à ces derniers ne s'applique pas seulement comme telle à la peine, mais
aussi aux traitements cruels comme modalités d'exécution de la peine, d'où la double
protection.
Les termes cruels, inhumains ou dégradants constituent un ensemble de critères. Qu'ils soient
pris individuellement ou ensemble, ils font référence à des peines excessives qui sont
incompatibles avec la dignité humaine.
La finalité de cette règle n'a pas pour but unique d'éliminer les supplices accompagnant la
torture comme châtiment en regard des peines cruelles, inhumaines et dégradantes, mais
surtout, de dénoncer toute peine excessive et grossièrement disproportionnée au geste illégal
qu'elle vise à punir et à endiguer73.
À cet égard, les États ont un devoir en vertu des conventions internationales d'établir des lois,
de prendre les moyens pour prévenir de tels actes. L'intervention prompte en regard
d'allégations de torture constitue le remède efficace pour endiguer de tels gestes.
73
DUMONT, Hélène, Pénologie (le droit canadien relatif aux peines et aux sentences), Éd. Themis,
Montréal, [1993], p.60.
37
Séminaire sur la justice des mineurs
Les États se doivent de fournir une formation aux officiers responsables des arrestations et de
la détention. Ils doivent s'assurer de la collaboration du personnel médical qui aura à dénoncer
de telles situations si elles se présentaient.
Au niveau judiciaire, il est important que les procureurs fassent en sorte que les confessions
recueillies par suite de torture et/ou de mauvais traitements ne soient pas reçues en preuve et
que la cour en soit informée.
2.1.3 La peine capitale et l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération (37 a)
La Convention prévoit que la peine capitale et l'emprisonnement à vie sans possibilité de
libération ne peuvent être prononcés pour des infractions commises par une personne âgée de
moins de dix-huit (18) ans. Il est admis que les mineurs doivent bénéficier des mêmes droits
que les adultes en plus de ceux qui leur sont spécifiques en raison de leur vulnérabilité et de
leur degré de maturité.
Force nous est de conclure qu'au 21e siècle, la peine capitale est une peine ou un traitement
cruel, inhumain. Aujourd'hui, cette peine constitue une illustration de peine incompatible avec
la dignité humaine.
L'emprisonnement à vie sans possibilité de libération constitue pour un enfant une peine
cruelle et inhumaine. Sa durée totalement inflexible constitue un châtiment inhumain, voire
une peine cruelle en raison de l'excès de la durée de celle-ci. Elle fait abstraction de tous les
principes de réhabilitation. Elle constitue une négation de la capacité d'un mineur à se
réhabiliter, de son droit à une mesure de privation de liberté qui doit être une mesure de
dernier ressort et d'une durée aussi brève que possible (art. 37 b).
2.1.4 La protection de la loi en cas de privation de liberté (37 b)
La Convention accorde au mineur une garantie à l'effet qu'il ne sera pas privé de la liberté
d'une façon illégale ou arbitraire, que ce soit au moment de l'arrestation ou de la détention.
Cette garantie, lors de la détention, doit aussi être appliquée en tenant compte que la privation
de liberté doit être la mesure de dernier ressort et d'une durée aussi brève que possible.
2.1.4.1 Le principe
Au départ, il faut établir que les situations à partir desquelles un mineur peut être privé de sa
liberté doivent être prévues dans la loi; que la privation de liberté doit s'effectuer en toute
légalité et non à partir de critères arbitraires; que l'arrestation du mineur est en relation avec un
acte reproché et non à partir d'éléments qui s'apparentent à de la discrimination; que l'acte
reproché au mineur constitue une infraction à la loi pénale; qu'enfin, que l'arrestation et la
détention soient nécessaires. Aussi, il n'y a pas de privation de liberté sans loi et pas de
détention sans nécessité74.
74
Human Rights in the Administration of Justice: A Manual on Human Rights for judges, Prosecutors
and Lawyers, U. N., p.163
38
Séminaire sur la justice des mineurs
2.1.4.2 L'arrestation et la détention
La privation de liberté avant ou après procès doit être conforme à la loi tant au niveau du fond
que de la forme. Son application ne doit pas être arbitraire et doit être utilisée en dernier
ressort, après un examen justifiant que toutes les autres mesures non privatives de liberté ont
été examinées et qu'elles ne peuvent être retenues en raison des circonstances du délit et de la
situation du mineur.
De plus, la détention avant procès ne doit pas être, quant à sa période de temps, laissée à la
discrétion de celui qui a procédé à l'arrestation. La loi doit prévoir les situations où une telle
détention a lieu et les modalités de sa révision afin de contrer l'imposition d'une détention
d'une durée indéterminée et d'assurer une révision de la détention par l'établissement de règles
précises qui peuvent être vérifiées par une autorité indépendante.
Quant à la détention après le procès, celle-ci doit constituer la mesure de dernier ressort. Elle
doit être déterminée en tenant compte de l'intérêt du mineur. Elle doit être prise après avoir
reçu une information complète sur ce dernier et sa famille et après avoir eu la preuve que la
famille n'est pas en mesure d'assumer ses responsabilités à l'égard du mineur.
La nature de l'infraction commise est un élément à prendre en compte et la décision de priver
un mineur de sa liberté doit être absente de toutes formes de discrimination en raison du sexe,
de la race ou de tout autre critère similaire.
2.1.5 L’enfant privé de liberté (37 c)
Si l'évaluation de la situation du mineur conduit à une mesure privative de liberté, le traitement
qui lui sera réservé doit être de nature à répondre à ses besoins spécifiques. Ce traitement doit
donc être défini sous l'angle de son meilleur intérêt. Le mineur doit alors être traité avec
humanité et respect, dû à son âge et sans porter atteinte à sa dignité.
Le traitement comportant punition physique et humiliation ne peut constituer un traitement
conforme à la dignité humaine et doit être exclu. Le traitement doit permettre à l'enfant
d'évoluer, de continuer son éducation et de se préparer à sa réinsertion sociale ou familiale.
2.1.5.1 Le droit d'être gardé séparé des adultes (37 c)
Le mineur privé de liberté doit être gardé séparé des adultes. Cette règle fut la première à être
revendiquée à la fin du 19e siècle, avant même que l'on établisse un système de justice pour
mineurs distinct de celui des adultes75.
Les besoins de réhabilitation en vue de la réinsertion sociale d'un mineur ne peuvent coïncider
avec les objectifs poursuivis dans le cas des adultes. Il va de soi que le maintien d'un mineur
avec les adultes criminalisés n'a jamais été propice à sa réhabilitation, mais au contraire.
Le principe du maintien de l'enfant dans un lieu séparé du lieu de garde des adultes est
désormais reconnu dans les chartes et conventions76.
75
76
d'AMOURS, Oscar, note 6, p. 98
Note 10, p. 423
39
Séminaire sur la justice des mineurs
2.1.5.2 Le droit de demeurer en contact avec sa famille (37 c)
En principe, les établissements qui accueillent les mineurs doivent assurer le maintien des
contacts et visites du mineur avec sa famille. Les contacts et visites, en plus de permettre à
l'enfant de maintenir des liens avec sa famille, permettent aussi aux parents de s'acquitter de
leurs obligations de surveillance et d'éducation à l'égard du mineur, d'assurer le suivi de son
placement et de participer à sa réintégration dans la famille et la société.
Si, dans une situation exceptionnelle, les contacts et visites parents/enfant ne peuvent être
maintenus, il faut que l'atteinte à ce droit fasse l'objet d'un examen qui doit s'effectuer sous
l'angle de l'intérêt de l'enfant en tenant compte des accommodements raisonnables qui peuvent
être mis en place pour sauvegarder les contacts. L'exclusion des contacts parents-enfant ne
peut se justifier que si ceux-ci sont contraires à l'intérêt de l'enfant.
2.1.6 Le droit d’avoir accès rapidement à l’assistance juridique ou à toute assistance
appropriée (37 d)
Cette aide couvre l'aide juridique ou toute autre forme d'aide. Le mineur a le droit de connaître
les modalités et formalités pour que ces formes d'aide lui soient accessibles. Les personnes en
autorité ont l'obligation de fournir l'information au mineur et de lui indiquer les modalités
d'obtention des diverses formes d'assistance.
Cette assistance a pour but, notamment, de permettre au mineur d'exercer son droit de
contester sa privation de liberté devant l'autorité compétente.
L'utilisation du terme rapidement doit être appréciée en fonction de la loi, ou à défaut, de
balises législatives, il faut donner au terme rapidement son sens usuel et strict pour éviter que
ce droit à l'assistance soit vidé de son sens.
2.1.6.1 La contestation de la privation de liberté
La contestation de la privation de liberté doit être examinée sous différents aspects. Il faut
s'interroger sur le fondement d'une telle privation de liberté étant convenu que le droit à la
liberté est le principe et que toutes les exceptions à ce principe doivent être prévues dans la loi
nationale.
Dans une première démarche, il faut se demander s'il existe des dispositions législatives
prévoyant des atteintes à ce droit. Si oui, a-t-on prévu des règles particulières pour les
mineurs? La loi prévoit-elle un processus à suivre, des autorisations préalables à obtenir avant
de procéder à une arrestation?
Dans l'appréciation de la preuve, il faut aussi s'assurer:
que le processus suivi est exempt de discrimination et qu'il n'est pas le fruit d'une
décision arbitraire?
que la privation de liberté est soutenue par des faits justifiant un manque à la loi
pénale;
que l'arrestation, bien que légale, doit aussi être compatible avec le respect des droits
du mineur et proportionnelle à l'infraction qui est reprochée à ce dernier;
40
Séminaire sur la justice des mineurs
-
que la privation de liberté, dans des circonstances d'une affaire impliquant un mineur,
est à la fois raisonnable et nécessaire.
2.1.6.2 La révision devant un tribunal ou une autorité compétente, indépendante et impartiale
La révision doit avoir lieu devant une autorité compétente qui est déterminée par la loi
nationale. Il se peut que les autorités administratives soient autorisées à mettre en liberté un
mineur qui a fait l'objet d'une arrestation. Il importe donc que l'autorité ou le tribunal qui doit
se prononcer sur la mise en liberté ou le maintien de la détention du mineur soit indépendant et
impartial.
Les notions d'indépendance et d'impartialité font références aux principes de la séparation des
pouvoirs entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire.
Pour rende justice, le système judiciaire doit être indépendant. Le juge doit décider en fonction
de la loi et assurer la protection des droits des personnes en tant que gardien des libertés
fondamentales. L'indépendance judiciaire est une garantie qui existe au bénéfice du justiciable
et non du juge.
Il est à noter que cette notion d'indépendance regroupe trois principales composantes à savoir:
l'inamovibilité, l'indépendance institutionnelle et la sécurité financière77.
Enfin, l'impartialité est un principe absolu qui ne peut souffrir d'aucune exception. Elle
constitue un état d'esprit ou des attitudes de neutralité absolue en regard de la cause qui est
soumise et du résultat pour l'une ou l'autre des parties.
C'est donc devant une telle autorité que le mineur a le droit de contester in extremis sa
privation de liberté.
2.1.6.3 Le droit à une décision rapide
Il va sans dire que le sens du terme "rapide" doit être apprécié dans le sens qu'il ne doit pas y
avoir de délai indu. La décision doit être rendue rapidement sans délai indu afin de
sauvegarder le principe du droit à la liberté. L'interprétation du terme doit être stricte de façon
à ce que le droit du mineur à la liberté ne soit pas vidé de son sens.
2.2 Article 40
L'article 40 de la Convention énonce la reconnaissance des droits des mineurs en situation de
conflit avec la loi.
Les États parties s'engagent à garantir au mineur un droit à un traitement de nature à favoriser
son sens de la dignité et de la valeur personnelle, à renforcer son respect des libertés
fondamentales d'autrui, à faciliter, compte tenu de son âge, sa réintégration dans la société et
lui permettre d'assumer au sein de celle-ci un rôle constructif.
77
Procureur général du Québec c. 2747-3174, Québec inc., 1996, 3 R.C.S., 961;
Voir aussi note 10, p.113 et ss.
41
Séminaire sur la justice des mineurs
Examinons donc maintenant comment les États parties envisagent d'actualiser cet énoncé de
principes dans l'administration de la justice pour mineurs.
2.2.1 L’engagement des Etats parties
Dans la prise en compte des instruments internationaux, les États veillent, au bénéfice des
mineurs, à l'application notamment de ce qui suit:
Article 40
«1. […]
2. À cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des instruments internationaux, les
États parties veillent en particulier:
a) A ce qu'aucun enfant ne soit suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale
en raison d'actions ou d'omissions qui n'étaient pas interdites par le droit national ou
international au moment où elles ont été commises;
b) A ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit
aux garanties suivantes:
i) Être présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie;
ii) Être informé dans le plus court délai et directement des accusations portées contre
lui ou, le cas échéant, par l'intermédiaire de ses parents ou représentants légaux et
bénéficier d'une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la
préparation et la présentation de sa défense;
iii) Que sa cause soit entendue sans retard par une autorité ou une instance judiciaire
compétentes, indépendantes et impartiales, selon une procédure équitable aux
termes de la loi, en présence de son conseil juridique ou autre et, à moins que cela
ne soit pas jugé contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant en raison notamment de
son âge ou de sa situation, en présence de ses parents ou représentants légaux;
iv) Ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable; interroger ou faire
interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l'interrogatoire des
témoins à décharge dans des conditions d'égalité;
v) S'il est reconnu avoir enfreint la loi pénale, faire appel de cette décision et de toute
mesure arrêtée en conséquence devant une autorité ou une instance judiciaire
supérieure compétentes et impartiales, conformément à la loi;
vi) Se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend ou ne parle pas la
langue utilisée;
vii) Que sa vie privée soit pleinement respectée à tous les stades de la procédure.»
2.2.2 L’âge applicable
L'établissement d'un âge à partir duquel le mineur sera tenu responsable de ses délits est
fondamental dans le système de justice pénale pour mineurs. La Convention s'applique aux
mineurs âgés de moins de dix-huit (18) ans (art. 1) mais dans le cadre de la responsabilité
pénale, il appartient aux États parties de déterminer l'âge en dessous duquel un mineur est
présumé ne pas avoir la capacité de commettre un crime ou un délit.
L'âge déterminé par la loi nationale doit correspondre à l'évolution et à la capacité d'un
mineur. En principe, ce seuil ne doit pas être trop bas (art. 40 (3) a).
42
Séminaire sur la justice des mineurs
Il est possible que les législations nationales prévoient aussi différents niveaux d'âge pour
l'application de peines plus contraignantes en regard de délits graves.
2.2.3. La protection du mineur pour infractions non prévues à la loi (40 (2) a)
Les États veillent à ce qu'un mineur ne soit pas reconnu coupable d'infractions à la loi pénale
en raison de gestes ou omissions qui n'étaient pas interdits par le droit national ou international
au moment où ils ont été commis (art 40 (2) a).78
2.2.4 Le système de justice (40 (3))
La création d'un système de justice propre aux mineurs (art. 40 (3)) afin d'assumer une justice
qui tienne compte des besoins spécifiques d'un mineur est un point de départ essentiel. Les
États conviennent de créer ce système qui tiendra compte de la dimension sociojudiciaire de la
situation du mineur.
2.2.5 La sanction de règles de procédure (40 (3))
Les États parties conviennent aussi d'établir des règles de procédure pour assurer la protection
des droits de l'enfant. En effet, il est reconnu que le mineur doit bénéficier de droits qui lui
sont propres en plus de ceux habituellement reconnus aux adultes.
2.2.6 Les mesures de traitement sans recours à la procédure judiciaire
Tout en s'assurant que les garanties légales soient pleinement respectées, les États proposent
dans l'intérêt de l'enfant, l'application de mesures qui peuvent être prises sans avoir recours à
la procédure judiciaire (art. 40.3 b).
Deux éléments sont importants à souligner. Il s'agit, d'une part, d'assurer les garanties légales
au mineur et d'autre part, de trouver une mesure qui n'a pas besoin d'une procédure judiciaire
pour être appliquée. Les objectifs poursuivis sont de nature à permettre à l'enfant et à ses
parents de s'impliquer pour corriger la situation à l'origine du manquement à la loi pénale.
2.2.7 Le droit du mineur suspecté d'une infraction à la loi de bénéficier d'au moins de garanties
suivantes (40(2)b)
Dès la fin des années 60, la jurisprudence79 établissait que le mineur devait bénéficier des
mêmes droits et protection procédurale que les adultes. Ces principes sont codifiés dans la
Convention et le mineur a droit à au moins les garanties suivantes:
• droit à la présomption d'innocence: jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement
établie (40.2 b)i).
• droit d'être promptement informé, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de ses
parents ou représentants légaux des accusations portées contre lui (art. 40.2 b)ii);
• droit de bénéficier d'une assistance appropriée: (assistance judiciaire au toute autre
assistance) pour la préparation et la présentation de sa défense (art. 40.2 b)ii), d);
78
79
Note 10, p. 414
Note 5
43
Séminaire sur la justice des mineurs
•
droit à une audition sans retard devant une autorité ou une instance judiciaire
compétente, indépendante et impartiale dans le but d'avoir une audition juste.
• droit à l'audition en présence de son conseil juridique ou autre et sauf avis contraire, en
présence aussi de ses parents ou représentants légaux.
• droit de ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable laissant ainsi au
poursuivant le fardeau d'établir hors de tout doute sa culpabilité (art. 40.2 b)iv).
Cette règle prévoit que le mineur a droit de garder le silence, incluant le droit de ne pas
témoigner. S'il ne témoigne pas, son silence ne peut être commenté.
Si, en principe, la procédure judiciaire s'effectue en deux (2) temps, soit d'abord pour
établir la culpabilité et ensuite, pour déterminer la peine ou le traitement, il est possible
que le mineur ne témoigne pas à la première étape mais qu'il le fasse à la deuxième
étape afin d'éclairer l'autorité compétente de sa situation et ainsi, bénéficier des droits
que lui confère la Convention à l'article 12.
• le droit d'interroger ou de contre-interroger les témoins à charge ou à décharge dans
des conditions d'égalité afin que la preuve à être soumise à l'autorité judiciaire soit
fiable et que toutes les nuances qui doivent être apportées le soient (art. 40,2b)iv);
• droit de faire appel de toute décision ou mesure arrêtée ou ordonnée devant une
autorité ou une instance judiciaire supérieure compétente, indépendante et impartiale
(art. 40,2b)v)
• droit de bénéficier gratuitement de l'assistance de l'interprète s'il ne comprend pas ou
ne parle pas la langue utilisée lors des procédures (art. 40.2b)v);
• droit de bénéficier pleinement du respect de sa vie privée à toutes étapes des
procédures:
Ce principe signifie qu'aucune information identifiant le mineur délinquant ne peut être
publiée (art. 40.2bvi).
Il est prévu aussi que les jugements ne doivent pas être rendus publics sauf si l'intérêt du
mineur le requiert.
Quelques exceptions trouvent application notamment, en raison de la procédure judiciaire qui
doit être publique80. Toutefois, les médias et le public ne peuvent publier ou dévoiler l'identité
du mineur.
Il se peut par ailleurs que le public et les médias soient exclus pour partie ou totalité du procès
et ce, dans l'intérêt de la justice ou dans l'intérêt des parties en cause.
Enfin, des règles peuvent être établies pour encadrer la consultation des dossiers et leur
conservation (art. 40 (2) b)vii).
2.2.8 L'engagement des États parties à prévoir une gamme de programmes autres
qu'institutionnels
Enfin, les États s'engagent à prévoir toute une gamme de programmes autres qu'institutionnels
pour assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur
situation et à l'infraction commise (art. 40 (4).
Cette orientation a pour but de réaffirmer la nécessité de diversifier les mesures qui vont
permettre d'individualiser les solutions et d'assurer l'application du principe de subsidiarité à la
procédure judiciaire.
80
Note 10, p. 418
44
Séminaire sur la justice des mineurs
La gamme de mesures peut comprendre l'établissement de soins pour le mineur, son
accompagnement assisté d'un professionnel, une mesure probatoire ou encore tout autre
programme ou solution qui exclut l'utilisation de l'hébergement ou du placement institutionnel.
3. Conclusion
L'examen des articles 37 et 40 codifie le cheminement parcouru au cours du dernier siècle par
les États qui se préoccupe de la justice des mineurs.
La reconnaissance de l'enfant comme sujet de droit et non comme objet de droit, est le premier
constat.
Établir que les enfants ont des besoins spécifiques, qu'ils doivent être traités en tenant compte
de cette réalité, non seulement dans leur vie courante mais aussi lorsqu'ils commettent des
délits, démontre l'importance que la société accorde à la protection des droits des enfants.
Accorder aux mineurs les mêmes garanties procédurales et le respect de la règle de droit
édictée pour les adultes nous réconforte dans la recherche d'un modèle de justice pour les
mineurs qui maintient ses préoccupations de réhabilitation.
Voilà donc une partie de la mission que nous avons et aurons à relever ensemble, que ce soit
sur le plan judiciaire ou social, dans le respect de nos responsabilités respectives, mais surtout
dans la sauvegarde des droits du mineur d'être traité en fonction de ses besoins et dans le
respect de son droit à la dignité.
45
Séminaire sur la justice des mineurs
46
Séminaire sur la justice des mineurs
RÈGLES DE BEIJING (1985)
Ensemble de règles minima des Nations Unies
concernant l'administration de la justice pour mineurs
Oscar D’AMOUR
1. Introduction
L'ensemble des Règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice
pour mineurs furent adoptées en 198581. Ces règles qui englobent à la fois la justice des
mineurs ainsi que les autres types d'intervention sollicitent une approche sociétale dont
l'objectif ultime est d'éradiquer la délinquance des mineurs.
Nous pouvons, sans nous tromper, affirmer que ces Règles minima des Nations Unies
constituent le premier contrat social concernant de l'administration de la justice des mineurs
entendue dans son concept globalisant. Soulignons que les Règles adoptées en 1985 ont
déterminé certaines orientations incorporées dans la Convention des droits de l'enfant de 1989.
Elles ont aussi servi à l'élaboration de règles relatives aux mineurs. À titre d'exemples,
mentionnons les règles pour la protection des mineurs privés de liberté (1990) connues comme
étant les Règles de la Havane; les règles prévoyant l'élaboration de mesures non-privatives de
liberté (1990) connues sous le nom de Règles de Tokyo et enfin, les règles régissant la
prévention de la délinquance (1990) connues sous le nom de Règles de Riyad.
Les règles des Nations Unies adoptées lors d'une assemblée générale dans le cadre du respect
des droits de la personne ne lient pas les États, mais selon les circonstances de leur adoption,
celles-ci peuvent constituer la preuve de la coutume internationale. Elles ont donc un poids
moral et une force politique puisque les règles élaborées sont partagées par la communauté
internationale. Elles constituent par ailleurs un guide d'interprétation de premier choix de la loi
nationale si cette dernière, en certaines circonstances, nécessite une interprétation dans une
situation particulière82.
Quels sont donc les grands objectifs poursuivis par les Règles de Beijing (ci-après Règles) et
quels sont les jalons qui nous sont proposés, tant en regard de la justice des mineurs, des droits
de ces derniers, du processus judiciaire que de sa complémentarité avec les autres institutions?
Et enfin, quelles sont les règles pour le traitement du mineur en milieu ouvert ou en
institution?
2. Les principes généraux
Les Règles, dans leur perspective fondamentale, s'inscrivent dans une politique sociale globale
qui visent à favoriser le plus possible la protection sociale et à réduire l'intervention du
système de justice pour mineurs si celle-ci n'est pas nécessaire. Elles visent en premier lieu la
prévention de la délinquance en privilégiant l'application de principes dont les modalités de
mise en œuvre dépendent des conditions économiques, sociales et culturelles existantes dans
chaque État (art. 1.5).
Les principes des Règles sont donc les suivants:
81
82
Résolution des Nations Unies, 40/33 du 29 novembre 1985
Arrêt Baker c. Canada, 1999, 2 R.C.S., 817, par. 69 et 70
47
Séminaire sur la justice des mineurs
1)
2)
3)
4)
créer des conditions qui assurent aux mineurs une vie utile dans la communauté
(art. 1.2);
créer une mobilisation complète de toutes les ressources existantes (famille,
bénévoles, groupes communautaires, institutions telles écoles) pour promouvoir
le bien-être du mineur et réduire le besoin d'intervention (art. 1.3);
reconnaître que la justice des mineurs fait partie intégrante du processus
national de chaque pays dans le cadre général d'une justice sociale pour tous les
jeunes (art. 1.4);
assurer le développement systématique des services de justice pour mineurs par
le développement et le perfectionnement de la compétence des intervenants en
particulier en regard des méthodes, approches et attitudes (art. 1.6).
2.1 Le champ d’application des règles (art. 2)
Les Règles doivent s'appliquer aux délinquants mineurs sans distinction aucune. Pour les fins
d'une compréhension mutuelle et uniforme, les Règles précisent les concepts tels que:
l'âge à partir duquel un mineur peut répondre d'un délit selon des modalités
distinctes d'un adulte (art. 2.2 a);
la définition de délit (acte ou omission punissable par la loi en vertu d'un
système juridique considéré (art. 2.2 b);
définition de la délinquance juvénile (art. 2.2 c);
Pour une application des Règles, les États devront élaborer des lois, règlements applicables
aux délinquants et aux institutions qui auront pour but de:
répondre aux besoins des délinquants juvéniles tout en protégeant leurs droits
fondamentaux (art. 2.3 a);
répondre aux besoins de la société (art. 2.3 b);
faire appliquer effectivement et équitablement l'ensemble des règles (art. 2.3 c).
Les Règles trouveront application, non seulement pour les délinquants mais aussi pour les
mineurs qui seront poursuivis pour des comportements qui ne seraient pas punissables s'ils
étaient commis par un adulte. On fait ici références à des délits d'état (non-fréquentation
scolaire, non-respect des règles de la maison, etc.). Il s'agit d'un comportement qui ne
constitue pas un délit au sens de la loi pénale (art. 3.1).
Les Règles s'appliqueront aussi dans la situation d'un mineur sujet à des mesures de protection
(art. 3.2).
2.2 Âge de la responsabilité pénale (art.4)
Le seuil de la responsabilité pénale peut varier d'une législation à une autre dépendant des
objectifs poursuivis. Ce seuil doit être fixé dans le cadre de la justice des mineurs en fonction
de la relation que nous pouvons établir entre, d'une part, le comportement antisocial et d'autre
part, la capacité de discernement et de compréhension que peut avoir un enfant.
Les études criminologiques fournissent maintenant des paramètres qui facilitent la
détermination du seuil qui ne doit pas être trop bas.
48
Séminaire sur la justice des mineurs
2.3 Objectifs de la justice pour mineurs (art. 5)
L'article 5 établit deux objectifs fondamentaux de la justice des mineurs. Le premier concerne
la recherche du bien-être du mineur et le second a trait à la réaction proportionnée aux
circonstances propres aux délinquants et aux délits.
Le deuxième objectif est l'application du principe de la proportionnalité par opposition à la
notion de rétribution, laquelle constitue une sanction punitive en relation avec la gravité du
délit uniquement. Dans la sanction du délinquant, il importe de prendre en compte, non
seulement la gravité du délit mais aussi les caractéristiques personnelles du délinquant pour
proportionner la mesure ou la sanction.
Cet article freine aussi une appréciation du besoin de protection du délinquant qui irait plus
loin que nécessaire et de ce fait, porterait atteinte aux droits fondamentaux du mineur. Il
tempère l'application du modèle protectionnel qui ne tient pas compte du délit, mais
uniquement du besoin de traitement du mineur.
2.4 Portée du pouvoir discrétionnaire (art. 6)
À toutes les étapes de la procédure et aux différents niveaux de l'administration de la justice
pour mineurs, un pouvoir discrétionnaire doit être prévu pour une justice efficace, juste et
humaine qui individualise les mesures.
Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas un pouvoir arbitraire. Des balises sont nécessaires
pour limiter les abus et sauvegarder les droits des délinquants.
Doit s'ajouter à ces balises un sens des responsabilités et une qualification professionnelle qui
constituent deux éléments susceptibles de former un contre-poids à la décision arbitraire.
2.5 Droits du Mineurs (art. 7)
L'article 7 des Règles prévoit, au bénéfice du mineur, les garanties fondamentales suivantes:
présomption d'innocence;
droit d'être informé des charges;
droit de garder le silence;
droit à l'assistance;
droit à la présence des parents;
droit de confronter les témoins et d'en produire;
droit d'interjeter appel.
2.6 Protection de la vie privée (art. 8)
Le respect de la vie privée du mineur doit être efficace à tous les stades de la procédure afin de
lui éviter les effets nocifs d'une publication dans les médias d'informations permettant de
l'identifier. Toutefois, ce droit n'est pas absolu comme nous le verrons à l'article 21 des Règles
qui traitent des archives concernant les jeunes délinquants.
49
Séminaire sur la justice des mineurs
2.7 Clause de sauvegarde (art. 9)
L'interprétation des Règles de Beijing ne doit pas se faire comme excluant tous les autres
instruments adoptés par l'Organisation des Nations Unies concernant le droit de l'homme et la
protection des mineurs. À titre illustratif, soulignons:
la Déclaration universelle des droits de l'homme;
le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;
le Pacte international relatif aux droits civils, politiques;
les règles relatives au traitement des détenus.
3. Instruction et poursuites
3.1 Premiers contacts (art. 10)
Lorsqu'un mineur est appréhendé, ses parents ou son tuteur doivent en être informés dans les
plus brefs délais et sa libération doit être examinée sans délai par l'autorité compétente (art.
10.1 et 10.2).
Les contacts avec la police et autres intervenants doivent se faire en tenant compte du statut
juridique du mineur et doivent «éviter de lui nuire». Le mineur a droit d'être traité avec
«bienveillance et fermeté».
3.2 Recours à des moyens extrajudiciaires (art. 11)
Quel que soit le type d'infraction, l'orientation des Règles privilégie le recours à des moyens
extrajudiciaires (déjudiciarisation):
soit au niveau de la police;
soit à l'étape de la poursuite;
soit à tout autre moment des procédures.
Les règles applicables, concernant des mesures de rechange ou moyens extrajudiciaires,
doivent prévoir que le délinquant et/ou ses parents donnent leur consentement et aussi que le
consentement soit révocable.
De plus, le mineur doit avoir la possibilité, avant de donner son consentement à l'application
d'une mesure extrajudiciaire, que celle-ci soit évaluée objectivement par une autorité
compétente.
L'application de mesures de rechange (programme communautaire avec surveillance) peut
justifier le recours à des moyens extrajudiciaires.
3.3 Spécialisation au sein des services de polices (art. 12)
La police est souvent le premier intervenant de l'appareil judiciaire. Les membres de cette
institution ont un rôle fondamental et indispensable auprès des jeunes pour enrayer ou prévenir
la délinquance. Une formation appropriée, tant au niveau des besoins des jeunes que des
modes d'intervention auprès de ceux-ci, est fondamentale.
50
Séminaire sur la justice des mineurs
3.4 Détention préventive (art. 13)
La détention préventive doit être une mesure de dernier ressort et elle doit être aussi courte que
possible (art. 13.1).
Les solutions de rechange doivent être privilégiées. Les mesures novatrices qui ne comportent
pas une privation de liberté doivent être examinées (art. 13.2).
Par ailleurs, si la détention préventive est retenue, le mineur doit nécessairement bénéficier de
tous les droits et garanties accordés à un détenu adulte (art. 13.3).
Pour éviter la «contamination criminelle», le mineur doit, même à l'étape de la détention
préventive, être séparé des adultes et détenu dans des établissements distincts ou dans une
partie distincte s'ils sont détenus dans le même établissement (art. 13.4).
Enfin, durant sa détention, le mineur doit être protégé et recevoir les soins et l'assistance dont
il peut avoir besoin eu égard à son âge, son sexe et sa personnalité (art. 13.5).
4. Jugement et règlement des affaires
4.1 Autorité compétente pour juger (art. 14)
Les Règles déterminent que la procédure judiciaire est subsidiaire à l'intervention extrajudiciaire dans le traitement du cas du mineur (art. 11).
Si après étude, la procédure judiciaire est la voie envisagée pour l'examen du cas du mineur,
cet examen doit être fait conformément aux principes d'un procès juste et équitable (art. 14.1).
La procédure suivie doit tendre à protéger au mieux les intérêts du jeune. Elle doit aussi se
dérouler dans un climat de compréhension permettant au mineur de s'exprimer librement s'il le
désire (art. 14.2).
L'autorité compétente, déterminée dans la loi de l'État membre doit assurer la protection des
garanties fondamentales reconnues à tout accusé et telles qu'énumérées à l'article 7.1 des
Règles.
4.2 Assistance d’un conseil, parents et tuteurs (art. 15)
Tout comme pour l'adulte, le mineur a droit d'être représenté par un conseil tout au long des
procédures judiciaires. Cette représentation fait partie des garanties fondamentales de la
procédure pour en assurer la légalité (art. 15.1).
Le mineur peut aussi demander à ce qu'un conseil lui soit assigné, si un tel système de
désignation d'un avocat d'office existe dans le pays où les procédures sont entreprises. Si un
tel système existe, il est aussi du devoir de l'autorité compétente d'en informer le mineur.
Les parents sont sollicités pour participer aux procédures afin d'offrir au mineur support et
réconfort. Ils peuvent aussi, en temps opportun, offrir un éclairage à l'autorité compétente sur
la situation du mineur. Leur exclusion ne peut se justifier que si leur rôle à l'audience est
négatif en adoptant, à titre d'exemple, une attitude hostile à l'égard du mineur.
4.3 Rapport d’enquête sociales (art. 16)
L'autorité compétente doit bénéficier d'une connaissance de la situation psychosociale du
mineur afin d'imposer une mesure appropriée qui tient compte du délit de la situation du
51
Séminaire sur la justice des mineurs
mineur et des objectifs de la société. Ces expertises sont habituellement requises des services
sociaux qui sont des institutions sociales distinctes du système judiciaire.
4.4 Jugement et décision, principes directeurs (art. 17)
La difficulté de formuler des principes directeurs clairs régissant le jugement concernant les
mineurs, tient du fait que dans la société, il existe «des conflits non résolus entre certaines
options fondamentales».
Soulignons les options qui s'opposent dans la société:
a) réinsertion sociale ou sanction méritée;
b) assistance ou répression et punition;
c) réaction adaptée aux caractéristiques d'un cas particulier ou réaction inspirée par
la nécessité de protéger la société dans son ensemble;
d) dissuasion générale ou défense individuelle (commentaire, art. 17).
L'option retenue par les Règles n'est pas de prescrire la procédure à suivre, mais plutôt «d'en
définir une qui soit très étroitement conforme aux principes acceptés universellement»
(commentaire, art. 17).
L'autorité compétente doit considérer dans sa décision que:
la peine capitale n'est pas applicable au délit commis par le mineur (art. 17.2);
les mineurs ne doivent pas être soumis à des châtiments corporels (art. 17.3).
L'autorité compétente doit aussi prendre en compte que:
la mesure strictement punitive ne convient pas dans la situation d'un mineur et
l'intérêt et l'avenir du mineur doivent avoir préséance (arts 5 et 17.1);
la non-privation de liberté est la règle;
la privation n'est infligée qu'exceptionnellement, après examen minutieux de la
situation et qu'il n'y ait pas d'autre alternative (art. 17.1 b) et c);
la mesure doit être proportionnée, non seulement aux circonstances et à la gravité
du délit mais aussi aux circonstances et aux besoins du délinquant ainsi qu'aux
besoins de la société (art. 17.1 a);
Tel que prévu à l'article 6 (pouvoirs discrétionnaires), l'autorité compétente doit disposer d'un
pouvoir d'interrompre les procédures à tout moment dans l'intérêt du mineur (art. 17.4).
4.5 Disposition du jugement (art. 18)
Les Règles rappellent que le mineur ne devrait pas être soustrait à la surveillance de ses
parents à moins que les circonstances ne rendent cette séparation nécessaire (art. 18.2).
L'autorité compétente, dans l'exercice de sa discrétion judiciaire, peut permettre que son
jugement soit exécuté sous formes diverses en laissant une grande souplesse à ceux chargés de
l'exécution pour éviter, autant que possible, le placement du mineur dans une institution (art.
18.1).
L'article 18.1 illustre les perspectives fondamentales des Règles (art. 1.3) qui privilégie le
maintien du mineur sous la responsabilité de ses parents et sollicite la participation de la
communauté dans le choix d'une mesure applicable au mineur.
À la détention, l'autorité compétente privilégie l'ordonnance d'aide et de surveillance;
l'ordonnance d'intervention des services communautaires, de participation à des réunions de
groupes d'orientation ou activités analogues; de paiement d'amendes, d'indemnisation et de
restitution; ou encore de placement dans une famille ou autre milieu éducatif.
52
Séminaire sur la justice des mineurs
4.6 Recours minimal au placement en Institution (art. 19)
Selon les commentaires inclus dans les Règles, les criminologues progressistes recommandent
le traitement du mineur en milieu ouvert de préférence au placement en institution. Il semble
que l'utilisation de l'une ou l'autre des voies ne serait pas plus efficace ou aurait la même
efficacité.
Dans les cas où il y a nécessité de procéder au placement du mineur, les Règles limitent ce
placement de deux façons: il doit s'agir de la mesure de dernier ressort; sa durée doit être aussi
brève que possible.
4.7 Eviter les délais (art. 20)
Les affaires concernant les mineurs doivent être traitées rapidement, sans retard indu en raison
de la perception de la notion de temps chez le mineur qui est différente de celle de l'adulte.
Pour qu'une sanction ait une valeur éducative, il faut qu'elle soit contemporaine au délit de
façon à ce que le mineur puisse établir les liens entre le délit et la mesure et prévenir la
récidive.
4.8 Les archives (art. 21)
L'article 8 prévoit la protection de la vie privée du mineur.
À l'article 21, deux éléments essentiels sont à souligner:
Les archives concernant les jeunes délinquants doivent être considérées comme
strictement confidentielles et incommunicables à des tiers (art. 21.1);
Les antécédents d'un jeune délinquant ne peuvent être évoqués dans des
poursuites ultérieures à l'encontre du mineur devenu adulte (art. 21.2).
Bien que ces deux principes soient clairs, certaines questions demeurent:
Faut-il distinguer les archives de cour des dossiers de police?
La confidentialité est-elle absolue ou relative?
Doit-on exiger une autorisation judiciaire ou établir les règles dans la loi pour
prévoir des exceptions à la protection de la vie privée du mineur?
Qu'en est-il de la conservation et la destruction des dossiers et archives?
4.9 Compétence professionnelles et formation (art. 22)
La formation sous différentes formes est essentielle pour le maintien des compétences
professionnelles (art. 22.1).
La représentation équitable dans le système de justice reflétant la diversité des jeunes qui sont
en contact avec le système, est un des éléments à prendre en compte pour maintenir une
crédibilité de l'organisation. Toute forme de discrimination d'ordre politique, social, sexuel,
racial, religieux, culturel ou autre, au niveau de la sélection, de la nomination et de
l'avancement du personnel de l'administration de la justice pour mineurs est à bannir. La
représentation équitable des femmes et des minorités dans les sphères de la justice pour
mineurs est un objectif à atteindre (art. 22.2).
53
Séminaire sur la justice des mineurs
5. Traitement en milieu ouvert
5.1 Moyen d’exécution du jugement (art. 23)
L'autorité compétente (art. 14) qui a rendu une décision doit prendre les mesures pour que
celles-ci soient exécutées. L'autorité qui aura à exécuter les décisions pourra, si nécessaire,
modifier celles-ci selon les principes élaborés dans les Règles.
Si l'autorité qui assure l'exécution de la mesure n'est pas celle qui l'a rendue, elle devra, s'il y a
modifications, se conformer au processus suivi lors du choix de la mesure. En d'autres mots, si
la mesure qui a été décidée judiciairement, est appliquée par une autorité administrative, cette
dernière pourra la modifier à la condition que la modification ne porte pas atteinte au droit à la
liberté du mineur. Mais, si la modification de la mesure a pour conséquence une privation de
liberté pour le mineur, l'autorité qui exécute la mesure devra obtenir l'autorisation de l'autorité
judiciaire, sauf si la loi prévoit expressément un régime différent.
5.2 Assistance des mineurs (art. 24)
Comme les Règles de Beijing privilégient une approche sociétale de l'administration de la
justice des mineurs, cet article précise et réaffirme que le traitement du mineur doit être assuré
par la communauté et que celle-ci doit aussi s'associer à la justice des mineurs pour la mise en
œuvre des mesures décidées par l'autorité compétente.
5.3 Mobilisation de volontaires et autres services communautaires (art. 25)
L'assistance aux mineurs est plus large que celle prévue à l'article 7.1 (assistance d'un
conseil). Cette assistance a pour objectif la réinsertion sociale du mineur. Nous faisons donc
référence aux droits du mineur d'avoir accès aux services sociaux.
Cette règle découle des principes exposés aux articles 1.1 à 1.6 des présentes Règles et est en
lien avec les énoncés du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
6. Traitement en institution
6.1 Objectifs du traitement en institution (art. 26)
Le traitement du mineur placé en institution a pour objectifs de:
assurer assistance, protection, éducation, formation en vue de permettre au
délinquant de jouer un rôle productif dans la société (art. 26.1);
permettre de recevoir aide (plan social, éducatif, professionnel, psychologique,
médical et physique) en regard de son âge, son sexe, dans l'intérêt de son
développement harmonieux (art. 26.2);
s'assurer que le mineur placé dans une institution soit séparé des adultes et
détenu, dans un établissement distinct ou partie distincte d'un établissement qui
abrite aussi des adultes (arts 13.4 et 26.3).
54
Séminaire sur la justice des mineurs
6.2 Points particuliers
Une attention particulière doit être apportée aux délinquantes afin d'éviter que le traitement
dont elles bénéficieront, ne soit pas inférieur à celui dont bénéficient les adolescents. Elles ont
droit à un traitement équitable (art. 26.4)
De plus, il faut reconnaître que les parents ou tuteurs ont droit de visiter un mineur placé en
institution (arts 7.1, 10.1, 15.1, 18.2 et 26.5).
Soulignons comme fondamentale la coopération entre les ministères pour la formation scolaire
des délinquants afin d'éviter que ceux-ci ne soient pas désavantagés en quittant l'institution
(art. 26.6).
Notons que les Règles minima pour le traitement des détenus sont applicables aux mineurs
dans la mesure où ces règles ne sont pas incompatibles avec les Règles minima de Beijing (arts
9 et 27).
6.3 Application fréquente et prompte du régime de libération conditionnelle (art. 28)
Afin d'éviter que le délinquant demeure en établissement si la situation ne le requiert plus ou
pas, celui-ci doit bénéficier de la possibilité de demander aussi souvent et aussitôt que
possible, une révision de sa détention afin de lui permettre de continuer à recevoir aide et
surveillance dans la communauté qui peut le supporter (arts 28.1 et 28.2).
6.4 Régimes de semi-détention (art. 29)
Nous pouvons définir ces régimes comme une privation de liberté à la carte pour une
intégration sociale planifiée (art. 29).
Les régimes de semi-détention peuvent être une mesure initiale pour aider un délinquant. Elle
peut aussi être une mesure intermédiaire permettant une transition entre le placement en
institution et le retour définitif du délinquant dans sa famille ou sa communauté.
7. Recherche, planification, élaboration de politiques et évaluation
L'évaluation des besoins des jeunes pour améliorer la formulation des politiques et concevoir
des interventions satisfaisantes requiert un engagement à initier des recherches sur une base
planifiée (art. 30).
Les Règles suggèrent que la recherche soit initiée pour l'élaboration et l'évaluation des
politiques comme suit:
l'organisation et la promotion de la recherche pour l'élaboration efficace de
politiques (art. 30.1);
la revue et l'évaluation des tendances, des problèmes et des causes de la
délinquance ainsi que des divers besoins propres aux mineurs incarcérés (art.
30.2);
la création d'un dispositif permanent de recherche et d'évaluation dans le système
d'administration du système de justice pour mineurs pour l'amélioration future et
la réforme de l'administration (art. 30.4);
la planification systématique et la mise en œuvre de services doivent faire parties
intégrantes de l'effort de développement national (art. 30.4).
55
Séminaire sur la justice des mineurs
8. Conclusion
Les Règles de Beijing sollicitent dès 1985 une approche sociétale du traitement du mineur
délinquant.
Adopter par les Nations Unies, ces Règles reprennent des principes et des pratiques partagées
par la communauté internationale. Elles sont une source de référence pour l'interprétation des
lois nationales et une source d'inspiration pour l'élaboration de conventions, de règles ou de
lois nationales au profit des mineurs qui sont en conflit avec la loi.
Notre réflexion ne doit pas nous amener à conclure, mais elle doit plutôt nous permettre de
faire un examen de notre législation nationale et découvrir jusqu'à quel point les Règles de
Beijing sont intégrées dans nos propres législations ou encore, de mesurer le chemin qui nous
reste à parcourir pour intégrer l'approche sociétale qui nous est proposée.
56
Séminaire sur la justice des mineurs
LES GRANDS INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EN MATIERE DE
JUSTICE DES MINEURS.
LES PRINCIPES DIRECTEURS DE RIYAD : LA PREVENTION
Christian MAES
« Nul ne peut être l’instrument de personne »
François Mitterand
Si, hier83, nous sommes parvenus à la piètre conclusion
• qu’autant de modèles de réaction à la délinquance, commise par des mineurs,
connaissent leurs apôtres,
• et qu’ils sont le fruit d’idéologies divergentes, d’optiques différentes concernant
l’enfant en général et l’enfant délinquant en particulier,
• sans que ces modèles ne résolvent pour autant la persistance du phénomène84,
ne faut-il pas s’avouer que la justice (juvénile) ne remédie qu’à des symptômes?
La commission de délits reflète l’existence de problèmes sociaux ou individuels, dont on n’a
pas perçu l’existence, dont on nie la réalité, auxquels on reste indifférent ou qu’on n’est pas en
mesure de résoudre.
La logique même nous porte à en déduire qu’il suffit de discerner, de définir, d’élucider ou
d’éviter des problèmes sociaux ou individuels pour éradiquer la métastase de la délinquance.
Si tout était si simple, pourquoi les états ne consacrent-ils pas toute leur énergie et tous leurs
deniers à prévenir plutôt qu’à guérir ?
Nous osons suggérer qu’aux yeux des politiques, réagir au délit est bien plus «visible». Pour le
citoyen – électeur, la perception de ce que l’état investit en prévention de problèmes sociaux
n’est jamais aussi grande que de ce que l’état déclare faire de façon immédiate par la
répression du délit. Mais, peut-être les politiques ne font-ils pas assez le lien entre ces efforts
de prévention et leur conséquence pour la criminalité alors que les médias ne s’y intéressent
guère par manque de sensationnel ou d’anecdotique ?
Ce qui, par contre, est une certitude, c’est que tout prévoir est utopie et que l’état ferait preuve
de peu de « gouvernement » s’il ne prévoyait et n’élaborait pas simultanément un système de
justice. Ce n’est pas quand, malgré tout, le grand magasin brûle, qu’il faut encore penser à
indiquer les sorties de secours, l’emplacement des bornes d’incendie et commencer à former le
personnel à l’aide aux clients-victimes. Le plan de secours doit être en place pour toute
éventualité.
83
C.Maes, La justice juvénile dans le monde, ses systèmes, ses objectifs : les modèles, Formation en
justice des Mineurs pour Magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique de l’Ouest,
Ouagadougou (Burkina Faso) 29.11-3.12.2004
84
H.Schüler-Springorum, Synthèse finale du 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, 100 ans de
Justice Juvénile, bilan et perspectives, Institut Universitaire Kurt Bösch 2000, 301
57
Séminaire sur la justice des mineurs
C’est là une attitude réaliste de politique subsidiaire, mais essentielle.
Conclusion : employons-nous avec toutes nos forces à la prévention, mais ne négligeons pas le
système judiciaire comme filet de secours, qui lui, doit faire partie d’une politique globale
favorisant l’insertion sociale des jeunes, ce qui a, à son tour, un effet préventif85.
***
Au centre de la prévention se situe l’effet qu’elle poursuit.
C’est sur la base des effets poursuivis que nous dénombrons trois sortes de prévention :
1. la prévention première, tendant à réduire ou à éviter le risque de la manifestation d’un
comportement ou l’apparition d’une situation indésirable
à sous-diviser en :
1.1. la prévention première individuelle
1.2. la prévention première générale, tendant à une réorganisation de la vie en commun
2. la prévention secondaire, tendant à déceler l’indésirable au plus tôt et de le refouler
3. la prévention tertiaire, tendant à diminuer les conséquences d’un comportement ou d’une
situation indésirable, de prévenir la récidive et d’éviter les complications qui surgiraient
suite à intervention inappropriée.
Toutefois, afin d’être ou de rester efficace, il ne suffit pas d’employer son énergie à un seul
aspect de la prévention, ni, comme nous l’avons déjà rappelé, à négliger l’élaboration d’un
système judiciaire performant.
Nous observons, par ailleurs, que l’internationalisation de la délinquance incite les Etats à
pencher vers des réactions répressives, impuissants à obtenir quelque emprise sur la politique
sociale des autres pays.
Il nous faut donc, derechef, partir à la recherche de points au sujet desquels nous pouvons nous
entendre :
•
•
•
approche intégrée et simultanée,
avec préférence pour la prévention, et dès lors subsidiarité de l’action judiciaire,
mise en harmonie de tout cela au niveau international.
Les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile, adoptés par
l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990 à
Riyad soulignait et souscrivait il y a bientôt quatorze ans déjà, les mêmes idées et idéaux.
Force est de constater, une fois de plus et malheureusement, l’écart entre les intentions de ce
texte à caractère novateur, ouvert et progressiste et la réalité de leur régression observée dans
nombreux pays en matière de lutte contre la délinquance juvénile.86
85
voir : Recommandation n°R(87)20 du Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe sur les réactions
sociales à la délinquance juvénile du 17.09.1987, point I.1.a
86
F.Tulkens et Th.Moreau, Droit de la Jeunesse, De Boeck & Larcier 2000, 1037
58
Séminaire sur la justice des mineurs
Mais, malgré cela, il ne faut nullement se décourager et rappeler l’importance pour le citoyen,
dans une société qui se veut et se déclare démocratique, d’être bien gouverné87.
Les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile font partie, tout comme
les deux autres instruments des Nations Unies sur la justice pour mineurs, d’un type de droit
non contraignant, qui ne lie donc ni les organes législatifs à tous échelons, ni les citoyens,
mais dont l’importance ne se limite pas à leur seule portée «morale».
En effet, selon les articles 7 et 8 des Principes directeurs, ceux-ci seront interprétés et
appliqués dans le cadre de tous les instruments et de toutes les normes des Nations Unies
intéressant les droits, les intérêts et le bien-être de tous les enfants et de tous les jeunes. Ils
seront appliqués dans le contexte de la situation économique, sociale et culturelle propre à
chaque Etat membre.
Les Conventions relatives aux droits de l’homme en général et celle relative aux droits de
l’enfant en particulier, à caractère contraignant (elles) peuvent donc s’avérer très utiles pour
véhiculer ces Principes.88
Si nous retrouvons la prévention secondaire et tertiaire davantage dans les autres instruments
des Nations Unies sur la justice des mineurs89, la prévention première générale, elle, se situe
principalement dans les, dits Principes directeurs de Riyad.
De nombreuses études sur les causes de la criminalité démontrent que la famille, l’école, le
voisinage90 et les pairs ont une influence majeure sur le comportement délinquant et que les
grandes institutions de socialisation (famille, école, lieu de travail et communauté locale) ont
donc un rôle important à jouer dans toute stratégie de lutte contre la délinquance juvénile91.
Ce n’est, dès lors, pas par hasard que ce sont exactement ces institutions de socialisation et
d’intégration que les politiques de prévention veulent soutenir et encourager, comme nous le
retrouvons sous le chapitre IV92 des Principes directeurs, y ajoutant également « les médias »,
sans conteste d’influence grandissante par leur transmission de l’image du monde et du
message que eux, ils y rattachent.
87
si jamais vous avez la chance de pouvoir visiter la ville de Sienne en Italie, ne manquer pas de vous
arrêter au Museo Civico ( Palazzo Pubblico) devant les fresques peintes par Ambroglio Lorenzetti
(1290-1348); elles tiennent en elles l’enseignement des conséquences du Bon et du Mauvais
Gouvernement.
88
G.Cappelaere, Introduction au dossier concernant les normes internationales relatives aux droits de
l’enfant, publication de Défense des Enfants-International, Genève 1995 ; puisque les Principes
directeurs de Riyad (1990) ont été acceptés après l’adoption de la CIDE (1989), ils y font référence.
89
par exemple les articles 1.2, 1.4, 11.1, 26 et 29 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies
concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) Résolution 40/33 du
29.11.1985 et les articles 3, 38, 39, 45, 59, 79, 80 des Règles des Nations Unies pour la protection des
mineurs privés de liberté (Règles de La Havane) Résolution 45/113 du 14.12.1990.
90
même la situation matérielle, tel l’habitat, la progression de l’urbanisation et de l’appauvrissement
croissant de quartiers dans les villes.
91
Exposé des motifs sur la Recommandation n°R(2003)20 du Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe aux Etats membres concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile
et le rôle de la justice des mineurs, adoptée le 24.09.2003
92
les articles 10 à 44 (processus de socialisation)
59
Séminaire sur la justice des mineurs
Pour arriver à ce but, l’article 9 demande d’instituer, de façon pluridisciplinaire, coordonnée et
concertée, à chaque échelon de l’administration publique des plans, des programmes de
prévention complets et détaillés et de ne pas oublier d’y faire participer la collectivité, mais
aussi les jeunes eux-mêmes. Une politique de prévention générale globale93, donc, attentive à
chaque domaine social.
Résumant le chapitre I94 des Principes directeurs, ces programmes de prévention doivent être
axés sur le bien-être des jeunes dès la plus tendre enfance95, à qui est réservé un rôle actif de
partenaires dans la société et qui ne sont, dès lors, nullement à considérer comme de simples
objets de socialisation et de contrôle96, mais comme des partenaires égaux dans le processus
de socialisation et d’intégration97.
Il ne suffit pas d’assurer un développement harmonieux à tous les jeunes, de réduire la
motivation, le besoin et les occasions de commettre des infractions et d’éliminer les conditions
qui y donnent lieu98, n’excluant en rien la protection particulière à ceux qui sont «en danger»
ou «en état de risque social»99. Il faut en même temps éviter de criminaliser et de pénaliser des
comportements qui ne causent pas de dommages graves à l’évolution de l’enfant et ne portent
pas préjudice à autrui100.
Mais regardons de plus près les grandes institutions de socialisation dont nous parlions et que
nous retrouvons sous le chapitre IV des Principes directeurs. Soumettons-les à un regard
critique tout en nous efforçant de dégager des leçons pour leur application se raccordant à la
réalité.
Si la famille, dans le sens le plus large et sous toutes ses formes (nouvelles), se veut d’être et
de rester le premier lieu de socialisation101 et, si une «ambiance familiale stable et sereine»102
contribue au bien-être de tous ses membres, force est de constater sa lente dévalorisation au
profit d’autres pôles d’éducation103.
93
G.Cappelaere et A.Grandjean, Enfants privés de liberté ; droits et réalités, édition Jeunesse et Droit,
Paris/Liège 2000, 363
94
les articles 1 à 6 (principes fondamentaux)
95
les articles 2 et 4
96
l’article 3
97
les articles 3, 9, 10, 18, 31 et 50
98
l’article 5.b ; voir également la Recommandation n°R(87)20 du Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe citée sous note 3, point I.1.c.
99
les articles 5.a, 24 et 38 ; « abandonnés, négligés, mal-traités, exposés à la drogue ou en situation
marginale » selon le préambule ; voir également la Recommandation n°R(87)20 du Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe citée sous note 3, point I.1.b et la Recommandation n°R(88)6 du
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les réactions sociales au comportement délinquant
des jeunes issus de familles migrantes du 18.04.1988 : « offrir des chances égales (promouvoir
l’accès, la participation / aide et assistance) aux jeunes allochtones (considérés comme des jeunes en
difficulté) pour qu’ils puissent s’épanouir et s’intégrer à la société du pays de résidence, éviter tout
traitement discriminatoire. »
100
l’article 5
101
l’article 12
102
l’article 14
103
Mais, est-ce aussi le cas dans d’autres sociétés (tribales), qui offrent des adultes éducateurs
permanents (et présents) bien plus multiples et où le sujet s’identifie beaucoup plus largement par son
appartenance au groupe, que dans la société industrialisée, individualiste et individualisée, qui a
rétréci la famille à son noyau minimal? L.Cassiers, La Convention sur les droits de l’enfant ;
60
Séminaire sur la justice des mineurs
Les articles des Principes directeurs eux-mêmes prennent en considération cette dépréciation.
Ils admettent les dangers que guettent le maintien de l’intégrité et, dès lors, de la stabilité de la
vie familiale104, ils témoignent de la situation difficile pour des familles de minorités
autochtones ou migrantes et réfugiées affectées par l’évolution rapide et irrégulière de la
situation économique, sociale et culturelle en tension avec l’éducation traditionnelle qu’elles
veulent assurer à leurs enfants105, ils sont conscients des frictions entre générations106.
Une aide et assistance morale et financière, un soutien de ses qualités et capacités intrinsèques,
apportés avec beaucoup de flexibilité sont, bien sûr, à propos, mais il faut bien plus pour
redonner à la famille son importance première, peut-être parce que celle des autres lieux de
socialisation s’avère exagérée pour des raisons qui, somme toutes, conviennent bien aux Etats.
Nos dirigeants, dont le principal souci est l’expansion économique et monétaire du pays qu’ils
gouvernent, ont avantage à encourager une mentalité de concurrence parmi les citoyens…
Même, si cette mentalité est graine d’inégalité et de dépendance, de frustrations et de stress.
Ce que le prix Nobel, Konrad Lorenz, formule par ailleurs de façon frappante comme étant un
des huit péchés capitaux de la civilisation : la surpopulation et « la contrainte, l’angoisse du
dépassement, la course contre soi-même »107.
Si le droit trouve sa raison d’être et n’intervient que lorsqu’il y a (crainte d’) abus de pouvoir
ou de dépendance d’un individu envers son concitoyen ou dans sa relation avec l’Etat, la loi
elle-même confirme souvent les rapports d’inégalité et de dépendance entre les hommes.
On pourrait se poser la question si ramener les états de dépendance à un minimum, ne
mènerait pas à une société moins frustratoire, moins concurrentielle, moins agressive, au sein
de laquelle la présence de la loi, celle du droit, celle de l’Etat serait moins nécessaire.108
C’est exactement, le deuxième lieu de socialisation, l’école, où le processus de développement
de l’enfant gagne d’importance, qui contribue encore le plus à la mentalité de concurrence.
Comme les programmes scolaires le prouvent, nos dirigeants ont fait le choix d’un système
éducatif en fonction de l’économie du marché. Dans ce système prévalent des notions
agressives. Nos industries ont besoin de gagnants, nos banques n’ont que faire de « loosers ».
Et pourtant, c’est probablement de cette manière-là que jaillissent les sentiments qui mènent
au non-respect des biens d’autrui, qu’ils soient matériels ou immatériels. C’est dans la course
au pouvoir que tout est désormais permis. La violence du pouvoir appelle à celle du frustré
dans son existence et dans ses moyens. D’ailleurs, comme nous l’enseignait Montesquieu :
« tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser »
Commentaires psychologiques, dans M.T.Meulders-Klein, La Convention sur les droits de l’enfant et
la Belgique, Kluwer-Story-Scientia Bruxelles 1992, 49
104
les articles 13, 14 et 17
105
l’article 15
106
l’article 16
107
K.Lorenz, Die acht Todsünden der zivilisierten Menschheit, München 1973 (Les huit péchés
capitaux de notre civilisation, Flammarion 1973): « il est de l’intérêt des hommes au pouvoir,
indépendamment de toute orientation politique, de promouvoir et d’intensifier les motivations qui
favorisent cette contrainte du dépassement » (cit.p.53)
108
Chr.Maes, Sincérité et non-violence, contribution à un atelier lors du Séminaire africain de DEI
concernant « Les enfants en conflit avec la loi : un défi dans le contexte des droits de l’enfant » les 13
et 14 janvier 1997 à Dakar (Sénégal)
61
Séminaire sur la justice des mineurs
Afin de modérer les excès d’un système basé sur la différence109, la concurrence et
l’agressivité, toute démocratie devrait y apporter correction moyennant une politique sociale
élaborée, bien sûr, mais en amont, par l’inscription dans ses programmes scolaires
d’apprentissage de la communication non-violente, de formation au dialogue et à la
compréhension et au respect d’autrui, d’acquisition d’attitudes et aptitudes pro-sociales,
d’encouragement de la sincérité et de l’honnêteté…
Que d’autre trouvons-nous inscrit, d’ailleurs (et, c’est bien), à l’article 29.1.d) de la
Convention internationale relative aux droits de l’enfant ? : « Les Etats parties conviennent
que l’éducation de l’enfant doit viser à :…préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la
vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité
entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux,
et avec les personnes d’origine autochtone110;…
Heureusement, les Principes de Riyad suivent la même idée maîtresse en soulignant qu’à côté
de l’obligation d’assurer l’accès d’un enseignement et d’une formation professionnelle111 du
plus haut niveau112 à tous113, la mission de l’école est avant tout de former hommes et femmes
à l’humanité et à la responsabilité.
Cela comporte un enseignement aux valeurs fondamentales, au respect pour sa propre culture
mais également pour d’autres civilisations, pour les lois et les droits de l’homme et les libertés
fondamentales114, un apprentissage aux égards pour d’autres points de vue et opinions115.
Le tout contribue pour ainsi dire d’évidence au plein épanouissement de la personnalité, des
talents et des aptitudes des jeunes116.
Nous détectons une prévention spécifique, non seulement là où les Principes directeurs exigent
des programmes, une approche et des outils pédagogiques spécialement adaptés à des jeunes
en situation de risque social117, mais également où elles demandent une attention particulière
pour des stratégies de prévention de l’abus de drogues, d’alcool et d’autres substances118, pour
la prévention de maladies119, pour une aide à ceux qui ont difficulté à observer les règles
d’assiduité au cours et qui sont en abandon scolaire120.
109
U.Eco, Cinq questions de morale, Bernard Grasset, Paris 1997, 162 : « la tolérance reste un
problème éducatif permanent (…), car la vie quotidienne nous expose sans cesse aux traumatismes
de la différence »
110
U.Eco,cit., 166: “Eduquer à la tolérance des adultes qui se tirent dessus pour des raisons ethniques
et religieuses est du temps perdu. Trop tard. Donc, l’intolérance sauvage se combat à la racine, par
une éducation constante qui doit commencer dès la plus tendre enfance, avant qu’elle soit écrite dans
un livre, et avant qu’elle devienne une croûte comportementale trop épaisse et trop dure”
111
l’article 21
112
l’article 28
113
l’article 20
114
voir également l’information prévue à l’article 23
115
l’article 21 a) et e)
116
l’article 21 b)
117
les articles 24 et 27
118
l’article 25
119
l’article 26
120
l’article 30
62
Séminaire sur la justice des mineurs
L’école doit également se charger de dispenser une information concernant les possibilités
d’emploi et des perspectives de carrière121 et donner l’opportunité d’acquérir une expérience
professionnelle par le biais de stages.
Pour que les missions aient une chance de « coller », il faut absolument que les lieux
d’apprentissage et de formation soient attractifs pour les jeunes et leur entourage immédiat.
Faites participer les jeunes au processus d’éducation au lieu de le subir, invitez les proches à
une collaboration, soyez attentifs à l’organisation d’activités hors programme122, chargez les
éducateurs à traiter leurs élèves avec le respect123 dont ils attendent, à raison, la réciprocité.
Prenez soin à ce que les études puissent déboucher en une possibilité et un accès à un emploi
approprié, sans quoi, ceux qui n’en trouvent pas risquent rapidement de se déconnecter de la
société et de se réfugier dans la délinquance. Celui ou celle qui reste sans espoir d’accès au
marché du travail régulier, se laisse vite tenter à se replier sur son univers initial, souvent
marginalisé, et à suivre le parcours illégal. Bien souvent, ce circuit offre par ailleurs des
bénéfices et profits rapides et considérables. Assimilés par et dissimulés dans le groupe,
s’identifiant par les mêmes problèmes sociaux et activités illégales, leur notion de
responsabilité tend à s’atténuer.124
Le troisième lieu de socialisation, mais non le moindre, étant : la société plus large, la
communauté, les groupes de pairs, les « copains », la prévention risque d’être bien moins
individualisée et spécifique, bien moins aisée à élaborer.
Au plus les parents abdiquent et s’en remettent à l’école pour reprendre leur tâche éducative,
au plus les écoles ne sont pas à même de répondre pleinement à cette évolution, au plus la
socialisation risque de se faire « dans la rue », plus ou moins encadrée par des structures et des
organisations bénévoles…
L’apprentissage à la vie se situe bien vite par le contact avec ceux « qui vous comprennent
mieux parce qu’ils subissent la même tranche de vie avec les mêmes attentes et les mêmes
déboires ». C’est là qu’il faut créer des espaces de liberté d’expérimentation, accessibles, avec
une attention particulière pour les démunis et les jeunes en « risque social », mais des espaces
récréatifs encadrés, dispensant information, conseils et, au besoin, aide et assistance,
encourageant les jeunes à la participation au sein de ces espaces et à une attitude de solidarité
positive.
La recrudescence de l’intérêt pour l’action et l’esprit vivant au sein des mouvements de
jeunesse et au niveau des organisations sportives125, avec ses méthodes et projets adaptés,
pourrait offrir de bonnes inspirations.
Si les lacunes dans le savoir et l’expérience des hommes et des femmes, mais encore
davantage des enfants, sont comblées par l’information des médias, il va sans dire quelle est
121
l’article 21 f)
l’article 29
123
une enquête récente, publiée au journal belge De Standaard du 14.09.2004, révèle que les élèves
de 10-12 ans se plaignent le plus de précepteurs qui les ridiculisent, abusant de leur pouvoir ; voir
également l’article 21 g) et h)
124
B.De Ruyver, Outlaws, rubrique dans le journal belge De Standaard du 6.09.2004, 45
125
Recommandation R(87)20 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les réactions
sociales à la délinquance juvénile
122
63
Séminaire sur la justice des mineurs
l’influence126 de ceux-ci sur la pensée et le comportement. Vu l’importance grandissante des
médias127 on pourrait même craindre qu’elle soit déterminante, au point où on les classifie
comme « quatrième » pouvoir128.
Les Principes directeurs considèrent les médias, forcément et avant tout, comme des véhicules
d’information et de renseignements, qui devraient être accessibles aux jeunes129. Mais ils
encouragent également ces médias, conscients de l’influence qu’ils exercent, de leur rôle et de
leur responsabilité130, à présenter pornographie, drogue, alcool, violence (spécifiquement le
traitement humiliant envers les enfants et les femmes) et exploitation sous un jour défavorable
et de promouvoir des messages positifs131, imbus des principes de respect pour soi-même et
pour l’autre et d’égalité132.
De nos jours, absorbés par leur travail et leurs loisirs souvent individuels, les parents sont
physiquement et surtout mentalement peu présents. La télévision et la vidéo, devant laquelle
ils garent les enfants, est une fenêtre lumineuse devant laquelle défilent des images qui ne
nécessitent aucun effort de compréhension, ni aucune connaissance préalable et qui restent
souvent sans aucun commentaire critique. Les yeux fixés devant la lampe carrée, la paresse
tant physique qu’intellectuelle s’installe et avec elles, l’indifférence.
Des études ont démontré que la violence, que l’écran diffuse largement et sans réserve, a, à
court terme, un effet stimulateur, lui-même conditionné par une expérience personnelle ou une
connaissance préalable. Plus ces conditions font défaut, au plus élevée est l’influence. Dans ce
cas, les lacunes sont comblées par des images paraissant « vraisemblables ».
Généralement les images démontrent que la violence est payante, car même les « bons » en
usent.
A long terme, - et là se situe l’influence la plus néfaste, indépendamment des connaissances ou
expériences -, la répétition de scènes violentes fait dissiper progressivement les inhibitions
existantes par le phénomène de l’accoutumance.
La violence, sommes toutes, la violence est contraire aux bonnes mœurs.
Un rôle autorégulateur pour les médias, un rôle de présence critique pour les parents, une
éducation à l’ouverture, à la nuance, à l’humanité et à la critique positive, autant d’antidotes
puissants et indispensables.
Si le chapitre V des Principes directeurs me semble personnellement un peu un fourre-tout133
sous le titre : « Politique sociale », il veut apparemment souligner que la prévention est bien
plus qu’une réaction face à la délinquance juvénile, que c’est au contraire une préoccupation
126
faut-il rappeler la responsabilité de « radio milles collines » dans le génocide au Rwanda ?
renforcée par l’association temps libre / loisirs du mineur et médias
128
au même titre que les trois, déterminant toute démocratie : pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
129
les articles 40, 42 et 44
130
l’article 44
131
l’article 41
132
l’article 43
133
l’article 46, par exemple, suggérant que le placement de jeunes en institutions doive n’intervenir
qu’en dernier ressort, sinon pour le temps absolument indispensable et selon des critères définis,
aurait à mon avis plutôt sa place dans le chapitre VI
127
64
Séminaire sur la justice des mineurs
essentiellement pro-active134 à tous niveaux visant à améliorer la condition (sociale) de tous et
plus spécialement celle de l’enfant.
Il est remarquable qu’à différents endroits, les Principes de Riyad portent une attention
particulière au phénomène de la drogue et de la toxicomanie. Ceci n’est pas seulement le cas
dans ce chapitre135, mais également dans le prochain136, le VI, avec le titre : « La législation
et l’administration de la justice des mineurs ». Le lien avec l’ « Ensemble de règles minima
des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs » ou Règles de
Beijing, adoptés par résolution 40/33 le 29 novembre 1985 est apparent.
Mais retenons surtout ici, l’effet préventif escompté de la recommandation faite au chapitre VI
aux Etats membres afin que leurs gouvernements adoptent et appliquent des lois visant à
promouvoir et à protéger les droits et le bien-être de tous les jeunes137. Cela implique la mise
en place d’une société respectueuse de ses enfants.
Respecter les enfants c’est avant tout n’user d’aucune violence, physique ou mentale, soit-elle
personnelle ou institutionnelle. Le chapitre en donne des exemples : n’user de correction ou
punition dure ou dégradante138, interdire de maltraiter et d’exploiter les enfants et les jeunes,
ne pas les utiliser pour des activités criminelles139, éviter la pénalisation d’actes non considérés
comme délits, ni pénalisés s’ils sont commis par des adultes140.
Il ne suffit bien sûr pas de les protéger seulement de cette façon, ni d’attacher, comme le font
les Principes de Riyad, une importance accrue à la menace de la drogue et de celle d’un accès
trop aisé aux « armes de toutes sortes »141 au risque d’établir une fausse hiérarchie parmi les
dangers qui les guettent.
Pour ma part le respect passe également par un discours d’émancipation, de prise au sérieux,
d’acceptation de capacités propres, de participation et d’offres d’accès direct au droit, à ses
droits, à la justice et à ses garanties judiciaires en justice.
Force est de constater bien de réticences dans les milieux conservateurs envers ce discours
émancipateur.
Peut-être était-ce la raison pour inscrire aux Principes de Riyad la création d’un
« médiateur »142 indépendant, qui veille à la préservation du statut, des droits et intérêts des
jeunes et qui supervise l’application des textes internationaux concernant les droits de
l’enfant143 et la mise sur pied de services chargés de défendre la cause des enfants144.
134
pro-active (avant l’acte) versus re-active(après l’acte), ce qui n’exclue nullement qu’une réaction
puisse avoir une finalité de prévention ou un effet préventif.
135
l’article 45
136
l’article 59 (application stricte de la loi)
137
l’article 52
138
l’article 54
139
l’article 53
140
l’article 56 (les soi-disant « délits de statut »)
141
l’article 55
142
Ombudsman
143
selon G.Cappelaere, Introduction (note 5) : « un pas considérable vers une mise en œuvre
contraignante des Principes directeurs de Riyad »
65
Séminaire sur la justice des mineurs
A raison, les Principes attachent, pour terminer ce chapitre, une grande importance à la
formation de ceux qui ont une responsabilité envers les jeunes, les aiguillant de préférence
vers une prise en charge extra-judiciaire145.
Le principe essentiel développé sous le chapitre VII des Principes de Riyad est la création de
mécanismes de coordination, d’échange de renseignements, d’expériences et d’expertise entre
services, systèmes et organismes, qui doivent bénéficier de l’appui de la part de tous les
gouvernements, des Nations Unies et d’organisations intéressées146. Il faut également
encourager la réalisation de travaux de recherche scientifique concertée sur les modalités
efficaces de prévention de la criminalité et de la délinquance juvénile et en diffuser largement
et en évaluer les résultats147. Enfin, le secrétariat de l’ONU devrait, sur base des Principes
directeurs, jouer un rôle actif dans la recherche, la coopération scientifique et la formation de
grandes options comme dans l’examen et la surveillance continue de leur application et, ce
faisant, constituer une source de renseignements fiables sur des modalités efficaces de
prévention de la délinquance148.
Répétons, avant de conclure, que la prévention ne saurait se limiter à un seul ou à quelques
domaines choisis. Elle exige une approche massive, de front et simultanée, ne perdant pas de
vue les socialement plus vulnérables.
Enfin, « les Principes directeurs de Riyad pour la prévention de la délinquance juvénile
traduisent l’évolution récente de la perception sociale et juridique de l’enfant. Les enfants sont
considérés, non plus comme des objets, mais comme des êtres humains à part entière, dotés de
capacités qu’il faut apprécier et protéger.
L’appel lancé pour que soient reconnus les droits de l’homme des enfants complète pas à pas
la simple protection des enfants.
La question des droits de l’homme est une notion tout aussi stimulante en matière de
criminologie. La prévention du crime ne se limite plus aux réactions à des comportements ou
des situations « dangereuses ».
La prévention va également de pair avec la promotion et le respect des droits de l’homme (…)
de tout un chacun ».149
Quels messages la pensée concernant la prévention véhicule-t-elle pour l’Afrique noire ?
1. Les Principes directeurs seront appliqués dans le contexte de la situation économique,
sociale et culturelle propre à chaque état membre.
Les besoins, les préoccupations, tout comme « les mots n’ont pas forcément la même
signification dans les Etats socialement, économiquement, religieusement différents »150
144
l’article 57
l’article 58
146
les articles 60-63
147
l’article 64
148
l’article 66
149
cit.G.Cappelaere, Introduction(note 5), conclusion
145
66
Séminaire sur la justice des mineurs
2. « Les vrais droits sont ceux qui s’exercent. Pour les enfants comme pour tous. Promouvoir
les droits des enfants, c’est d’abord créer, ici et ailleurs, les conditions économiques et
culturelles pour que tous y accèdent. On est loin du compte. C’est donc aujourd’hui que
commence le vrai combat pour que la Convention ne soit pas un simple idéal. »151
3. Comment améliorer la condition sociale de tous et comment ramener les états de
dépendance, causes de frustrations et d’agressivité à un minimum ?
A première vue un défi bien plus sévère pour le Sud que pour les pays industrialisés.152
Pour que « l’enfant ait le droit de devenir grand et d’être petit »153, la tâche des adultes est
d’offrir et de créer de telles conditions dans la famille, l’école, le village, la communauté,
afin que « nul ne soit l’instrument de personne »154, afin que s’installe un climat de respect.
150
Marie Paule Eisele, la lettre de l’IDEF, France n°39 – novembre 1989, 5
Yves Jouffa, la lettre de l’IDEF, France n°39 – novembre 1989, 4
152
détrompez-vous: même plus indépendant des conditions externes, souvent matérielles, il semble de
la nature humaine de vouloir à tout prix exercer un pouvoir sur l’autre
153
M.Gunning et T.de Roos dans De Kant van het Kind, Liber Amicorum Miek de Langen, Gouda
Quint Arnhem 1992, 35
154
François Mitterand, extraits de l’intervention du Président de la République française au congrès de
l’Union nationale des associations familiales, Bordeaux (France) 10.06.1989, la lettre de l’IDEF, France
n°39 – novembre 1989, 3
151
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Séminaire sur la justice des mineurs
68
Séminaire sur la justice des mineurs
LES REGLES DES NATIONS UNIES POUR LA PROTECTION DES
MINEURS PRIVES DE LIBERTE DU 14.12.1990 (DITES REGLES DE
LA HAVANE OU RPL)
Michel LACHAT
1. Généralités
Ce texte a toute son importance puisque c’est dans le domaine de la privation de liberté que le
plus grand nombre de lésions des droits de l’enfant sont commises à travers le monde !
Les Règles de la Havane définissent les principes à respecter ainsi que les droits et garanties
dont doit bénéficier un mineur, lorsque celui-ci est privé de liberté. Elles ont été approuvées
lors du congrès de la Havane le 7 septembre 1990, d’où elles tirent leur nom. Elles ne doivent
pas être prises isolément, mais plutôt en conformité avec l’ensemble des droits de l’enfant et
principalement de la Convention relative aux droits de l’enfant, qu’elles complètent. Elles
constituent également une suite des Règles de Beijing, dans le sens où elles posent des
standards à suivre en cas de privation de liberté.
Ce texte énonce le principe que « la justice pour mineurs devrait protéger les droits et la
sécurité et promouvoir le bien-être physique et moral des mineurs » (art. 1). Ce premier
fondement reprend le droit fondamental du bien de l’enfant et ainsi fait le lien entre les droits
de l’enfant en général et ses droits particuliers en milieu carcéral. En effet, le principe de base
est le même et les Règles de la Havane ne font que l’appliquer dans le domaine particulier de
la privation de liberté des mineurs.
Le but de ce texte n’est pas de définir de nouveaux droits aux mineurs, mais simplement de
faire respecter les droits de l’enfant déjà existant, avant tout sa dignité et son bien-être, lorsque
celui-ci se trouve privé de liberté.
Il s’agit d’un texte relatif à l’aspect pénal de la protection des mineurs et non à l’aspect civil.
Ceci ne veut pas dire qu’une privation de liberté ne puisse pas aussi intervenir sur le plan civil.
En effet, une telle limitation de mouvement pourrait être envisagée dans un traitement
thérapeutique psychiatrique par exemple et donc à titre médical et non punitif. Il n’en reste pas
moins que les Règles de la Havane s’appliquent en premier lieu dans un cadre de droit pénal.
Ce texte n’a pas de force contraignante pour les Etats signataires. Néanmoins, il énonce des
principes de base, des minima, qui doivent être respectés pour que les droits de l’enfant soient
reconnus également en milieu carcéral. Il incombe donc aux lois nationales de poser la
pratique à suivre, pour que ces Règles ne demeurent pas à l’état de beaux principes théoriques.
Bien plus, certaines de ces Règles doivent être respectées par les Etats signataires, non parce
qu’elles sont contenues dans ce texte, mais plutôt en raison de leur lien étroit avec d’autres
règles, qui elles, sont contraignantes. C’est d’ailleurs l’idée de base de tout le droit de l’enfant.
En effet, les textes internationaux sont très nombreux dans ce domaine et ils sont tous
impliqués les uns aux autres.
En d’autres termes, le fait que ces Règles n’ont pas de force contraignante en soi ne veut pas
dire que les Etats peuvent choisir de les respecter, de les appliquer, de les ignorer ou de les
69
Séminaire sur la justice des mineurs
violer à leur guise. Ces Règles clarifient le contenu d’autres normes internationales
contraignantes. Et voilà leur véritable valeur, en termes légaux.
2. Structure
Ce texte est composé de 87 principes divisés en cinq chapitres. En voici sa structure, avec, en
résumé, les notions essentielles :
2.1 Perspectives fondamentales (art. 1 à 9)
• Dernier recours
• Privation de liberté limitée à des cas exceptionnels
• Application impartiale à tou(te)s les mineur(e)s
• Règles traduites dans les langues nationales (interprète gratuit)
• Règles incorporées dans les législations nationales
2.2 Portée des règles et application (art. 10 à 16)
• Définition du mineur
• Définition de la privation de liberté
2.3 Mineurs en état d’arrestation ou en attente de jugement (art. 17 à 18)
• Présomption d’innocence
• Droit au service d’un avocat
• Possibilité de travailler contre rémunération, d’étudier, de recevoir une formation
• Possibilité de recevoir du matériel de loisir
2.4 L’administration des établissements pour mineurs (art. 19 à 80) divisé en quatorze souschapitres
A.
Règles applicables aux dossiers (art. 19 à 20)
• Dossier individuel, confidentiel et tenu à jour
B.
Admission, immatriculation, transfèrement et transfert (art. 21 à 26)
• Registre où tout est inscrit
• Exemplaire du règlement dans une langue comprise
• Transport sans souffrance et sans atteinte à la dignité
C.
Classement et placement (art. 27 à 30)
• Traitement adapté aux besoins du mineur
• Séparation des mineurs d’avec les adultes
D.
Environnement physique et logement (art. 31 à 37)
• Hygiène et dignité humaine
E.
Education, formation professionnelle et travail (art. 38 à 46)
• Education adaptée aux besoins et aptitudes du mineur
• Formation scolaire, professionnelle obligatoire
70
Séminaire sur la justice des mineurs
•
Rémunération équitable pour tout travail
F.
Loisirs (art. 47)
G.
Religion (art. 48)
H.
Soins médicaux (art. 49 à 55)
I.
Notification de maladie, d’accident ou de décès (art. 56 à 58)
J.
Contacts avec l’extérieur (art. 59 à 62)
• Droit de communiquer avec la famille
• Droit de recevoir des visites régulières et fréquentes des membres de sa famille
• Possibilité d’accéder aux journaux, à la télévision
K.
Mesures de contrainte physique et recours à la force (art. 63 à 65)
• Interdiction d’instruments de contrainte, sauf cas exceptionnels
• Interdiction du port et de l’usage d’armes par le personnel
L.
Procédures disciplinaires (art. 66 à 71)
• Interdiction de traitement cruel, inhumain ou dégradant :
- pas de châtiment corporel
- pas de cellule obscure
- pas de cachot
- pas d’isolement
- pas de réduction de nourriture
- pas de réduction de contacts avec la famille
• Interdiction des sanctions collectives
M.
Procédures de réclamation et inspections (art. 72 à 78)
• Inspecteurs et médecins qualifiés doivent effectuer des inspections régulières et
non annoncées
• Ils doivent présenter un rapport circonstancié
N.
Retour dans la communauté (art. 79 à 80)
• Libération anticipée
• Possibilité de stages
2.5 Personnel (art. 81 à 87)
• Educateurs, instructeurs,
psychologues qualifiés
conseillers,
travailleurs
sociaux,
psychiatres
et
Ce texte est donc très structuré et son plan suffit à démontrer la diversité des règles et les
multiples protections envisagées qu’il contient. Ces principes tendent à régler tous les aspects
de la privation de liberté du mineur et à éviter autant que possible tous les abus qui pourraient
y être commis, dès le début et jusqu’à la fin de la procédure. Toutes les phases de
l’enfermement sont envisagées, de la tenue des dossiers au retour dans la société.
71
Séminaire sur la justice des mineurs
3. Définitions et règles essentielles
Les Règles de la Havane découlent de l’importance de maintenir le contact entre le mineur et
sa famille et la société, du respect de la dignité de l’enfant et de l’échec préalable d’une
solution arbitrale.
Sur ces 87 Règles, toutes n’ont pas la même importance ni le même impact en pratique. Voici
un commentaire sur quelques thèmes principaux.
3.1 Définition du mineur
Comme l’énonce l’art. 11.a, « Par mineur, on entend toute personne âgée de moins de 18 ans.
L’âge au-dessous duquel il est interdit de priver un enfant de liberté est fixé par la loi ».
Les Règles de la Havane ne s’appliquent donc qu’aux enfants âgés de moins de 18 ans. Cet
âge correspond au seuil de la majorité en Europe. La période durant laquelle une personne est
considérée comme mineure est fixée de manière uniforme et internationale par ce texte, alors
que l’âge à partir duquel un enfant ou un adolescent peut être privé de liberté relève du droit
interne national.
En Suisse, la législation pénale des mineurs opère une distinction entre les enfants et les
adolescents. Entre 7 ans révolus et 15 ans révolus, un mineur est un enfant, alors qu’à partir de
15 ans révolus et jusqu’à 18 ans révolus, c’est un adolescent. Cette différenciation d’âge et de
statut implique une différenciation des mesures et peines à disposition du juge des mineurs. En
effet, seul un adolescent peut être privé de liberté.
Une telle fixation d’un âge limite inférieur ou supérieur a un côté très arbitraire. La limite doit
néanmoins être fixée. La souplesse nécessaire dans la pratique tendrait à privilégier plutôt une
décision interne nationale, plus susceptible d’être modifiée en cas de changement de
conception. Mais la majorité étant fixée à 18 ans dans toute l’Europe, il convient et il est
logique de faire appliquer ces Règles jusqu’à cet âge.
3.2 Définition de la privation de liberté
« Par privation de liberté, on entend toute forme de détention, d’emprisonnement ou de
placement d’une personne dans un établissement public ou privé dont elle n’est pas autorisée à
sortir à son gré, ordonnée par une autorité judiciaire, administrative ou autre. » (art. 11.b).
Cette phrase nécessite quelques clarifications.
« Toute forme de placement » :
La privation de liberté représente une réalité beaucoup plus grande que la seule forme la plus
extrême qu’est l’emprisonnement ou la détention, dans son sens commun chez les adultes. En
effet, toute forme de placement dans un établissement carcéral public et privé doit être pris en
considération. Ceci peut alors inclure les hôpitaux, les institutions psychiatriques, les
orphelinats, les institutions d’assistance sociale ou les centres résidentiels pour enfants
handicapés, etc. La seule condition est la limitation de liberté, dans le sens expliqué ci-après.
« Dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré » :
72
Séminaire sur la justice des mineurs
Tout placement doit être considéré comme une privation de liberté aussi longtemps que
l’enfant n’est pas libre d’en sortir à son gré. Cette limitation est intéressante et complexe,
particulièrement dans la perspective des droits de l’enfant.
Cette limitation nécessite en premier lieu une différenciation entre les établissements
résidentiels ouverts et les établissements résidentiels fermés. Une personne n’est autorisée à
sortir à son gré uniquement d’une institution dite ouverte. Cependant, il est très rare qu’un
mineur puisse sortir quand bon lui semble, et ce de toute institution résidentielle. Souvent, si
ce n’est toujours, un enfant a besoin de l’accord de ses parents ou de son représentant légal
pour quitter une telle institution dite ouverte. Cela voudrait-il dire qu’il faut considérer un
placement dans un tel établissement ouvert comme une privation de liberté ? D’un point de
vue de l’enfant, on devrait répondre par l’affirmative. Mais la suite de l’art. 11 propose
néanmoins une autre logique.
« Ordonnée par une autorité judiciaire, administrative ou autre »
La privation de liberté est limitée aux situations dans lesquelles la permission de quitter
l’institution doit émaner d’une autorité judiciaire, administrative ou autre (qu’il faut
comprendre comme autre autorité publique). Ainsi, un placement dans un établissement
ouvert, duquel l’enfant peut sortir sur simple requête des parents ou du représentant légal
(donc d’une autorité privée), ne peut être défini de privation de liberté.
Cette dernière remarque est intéressante. Dans la pure perspective des droits de l’homme, un
placement dans une institution quelle qu’elle soit doit être considéré comme une privation de
liberté aussi longtemps que la personne ne peut en sortir à sa seule volonté. Le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques reconnaît, à son article 12, la liberté de
mouvement. Bien que ce droit ne soit pas explicitement repris dans la Convention relative aux
droits de l’enfant, les mineurs ne peuvent en être exclus. Mais un tel placement peut être
demandé ou autorisé par les parents. Et dans ce cas, la décision des parents ou du représentant
légal de placer l’enfant dans une institution ne nécessite l’approbation d’aucune autre autorité.
Malgré cela, le mineur concerné ne peut pas non plus quitter l’établissement de son propre
chef. Il lui faut l’accord préalable de ses parents pour ce faire.
Le droit international ne peut aller à l’encontre de telles pratiques. Bien plus, il peut être vu
comme une autre expression de la recherche parfois délicate du juste milieu entre, d’un côté, la
reconnaissance des enfants comme titulaires à part entière des droits de l’homme, et de l’autre
côté, l’autorité parentale comme l’outil nécessaire d’assistance des enfants dans leur
développement et leur protection. Or, comme ces deux aspects sont un peu contradictoires, cet
équilibre est fragile.
En conclusion, le placement d’un enfant dans un établissement résidentiel ouvert, pour autant
qu’il soit approuvé par ses parents ou son représentant légal, ne doit pas être considéré comme
une privation de liberté, selon la définition de l’art. 11.b des Règles de la Havane.
3.3 Détention préventive
Un chapitre entier (III) des Règles de la Havane est consacré à cette problématique. C’est dire
l’importance de ce sujet. En effet, c’est dans ce domaine que les droits de l’enfant sont le plus
souvent violés : il y a beaucoup d’abus dans les gardes à vue, les séjours dans les
commissariats de police et la détention avant jugement.
73
Séminaire sur la justice des mineurs
La détention préventive consiste évidemment en une privation de liberté et les mineurs dans
cette situation ont des droits spécifiques.
Tout d’abord, ils doivent être présumés innocents jusqu’au jugement qui tranchera sur leur
culpabilité. « Les mineurs en état d’arrestation ou en attente de jugement sont présumés
innocents et traités comme tels » (art. 17).
L’art. 17 précise également que la détention préventive avant jugement doit être évitée autant
que possible et limitée à des circonstances exceptionnelles. De plus, elle doit être aussi brève
que possible. Les tribunaux pour mineurs doivent traiter de tels cas avec la plus grande
diligence.
« Les mineurs détenus avant jugement devraient être séparés des mineurs condamnés » (art. 17
in fine). Cette phrase est une suite du principe de présomption d’innocence. En effet, un
mineur non encore jugé ne doit pas être traité de la même manière qu’un mineur qui purge sa
peine de prison. Il est important que les premiers ne soient pas en contact avec de « vrais »
délinquants, reconnus comme tels par la justice. C’est justement parce qu’ils n’ont pas encore
été jugés qu’il faut les séparer des autres. Ne pas respecter ce principe serait en quelque sorte
les préjuger.
Enfin, l’art. 18 énonce d’autres droits supplémentaires dont doit bénéficier un mineur en
détention préventive, « en raison de la présomption d’innocence, de la durée de cette
détention, de la situation légale du mineur et des circonstances ». Il est encore précisé que la
liste ici énumérée n’est pas nécessairement limitative. Ces droits spécifiques sont les suivants :
•
•
•
pouvoir bénéficier des services d’un avocat
travailler contre rémunération, étudier ou recevoir une formation, de façon libre et sans
aucune obligation
obtenir du matériel de loisir et de récréation si le mineur le désire (pour autant que cela
reste compatible avec les intérêts de l’administration de la justice)
En résumé, un mineur placé en détention préventive doit jouir d’une protection plus grande
qu’un mineur jugé et privé de liberté. En effet, le premier n’est privé de liberté que pour les
besoins de l’enquête et non à titre punitif. De par ce statut et la présomption d’innocence, il
faut autant que possible tenir compte de ses besoins, de son bien-être et ne pas entraver sa
formation et son développement.
3.4 Ultima ratio
Ce principe est l’idée de base des Règles de la Havane, il en est même la condition sine qua
non. Le but ainsi que toutes les règles y sont directement rattachés. La privation de liberté d’un
mineur doit constituer l’ultima ratio, c’est-à-dire qu’aucune autre mesure ou peine ne doit
pouvoir être envisagée dans le cas concret. L’emprisonnement doit être la seule sanction
adéquate. S’il en existe une autre, elle primera sur cette forme extrême. Le juge des mineurs
doit particulièrement y veiller.
74
Séminaire sur la justice des mineurs
Plusieurs articles énoncent ce principe :
• Art. 1, 2ème phrase : « L’incarcération devrait être une mesure de dernier recours ».
• Art. 2, 2ème phrase : « La privation de liberté d’un mineur doit être une mesure prise en
dernier recours et pour le minimum de temps nécessaire et être limitée à des cas
exceptionnels ».
De plus, la privation de liberté, alors même qu’il s’agit selon ce texte de la sanction la plus
extrême à n’envisager qu’en dernier ressort, ne doit pas empiéter sur d’autres droits de
l’individu. « Les mineurs privés de liberté ne pourront être, en raison de leur statut de détenu,
privés des droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels dont ils jouissent en vertu
de la législation nationale ou du droit international et qui sont compatibles avec une privation
de liberté comme les droits en matière de sécurité sociale et autres prestations sociales, la
liberté d’association ou le droit de se marier s’ils ont atteint l’âge légal du mariage, etc » (art.
13).
En résumé, la liberté est considérée comme le droit fondamental le plus important de la dignité
humaine, puisque la privation de celui-ci n’est à envisager qu’en dernier lieu. C’est donc la
sanction admissible la plus sévère qu’un juge puisse ordonner sur le plan international, d’où
l’importance de ces Règles.
3.5 Séparation des mineurs et des adultes
Il s’agit d’un autre principe important de ces Règles de la Havane. Cette séparation entre les
mineurs et les adultes est primordiale et ne concerne pas que la privation de liberté. Ce
principe classique concerne tout le droit international des mineurs.
C’est l’art. 29 qui le reprend : « Dans tous les établissements, les mineurs doivent être séparés
des adultes sauf s’il s’agit de membres de leur famille ou s’ils participent, avec des adultes
soigneusement sélectionnés, à un programme spécial de traitement qui présente pour eux des
avantages certains ».
En d’autres termes, la séparation entre les mineurs et les adultes doit être considérée comme le
droit minimum. C’est seulement si le mineur peut en retirer une amélioration de sa situation
qu’une exception à ce principe peut être envisagée.
Il est notoire cependant qu’en pratique, cette séparation n’est pas toujours respectée. Le
manque de places dans des institutions spécialisées oblige le juge des mineurs à trouver
d’autres solutions moins idéales. Un effort dans ce domaine est nécessaire et d’autres solutions
doivent encore être trouvées.
3.6 Prévention de la drogue
« Les établissements pour mineurs doivent adopter des programmes de prévention de l’abus
des drogues gérés par un personnel qualifié et adaptés à l’âge et aux besoins de leur
population ; des services de désintoxication dotés d’un personnel qualifié doivent être à la
disposition des mineurs toxicomanes ou alcooliques. » (art. 54)
75
Séminaire sur la justice des mineurs
Cet article ne dénote qu’un souci de protection du mineur. Une incarcération ne doit en aucun
cas empirer l’état physique ou psychique du mineur. Or, dans ce genre d’établissement, les
mineurs délinquants sont regroupés et nul n’ignore l’influence des jeunes entre eux.
Bien plus, l’objectif principal de la justice des mineurs est d’aider autant que possible les
mineurs délinquants. Dès lors, même si des mesures coercitives sont prises à l’encontre d’un
jeune, le but est de le sortir de la délinquance et de ses problèmes qui l’y ont conduit ou qui en
découlent. La lutte contre la toxicomanie sous toutes ses formes entre dans cette perspective.
3.7 Mesures de contraintes physiques et recours à la force
Les articles 63 et 65 interdisent tout instrument de contrainte et tout usage d’armes par le
personnel dans tout établissement accueillant des mineurs.
Ces règles vont dans le sens d’aider les jeunes à retrouver une certaine socialisation sans
violence. Cela est d’autant plus important qu’aujourd’hui on semble se complaire dans
l’incivilité. Il est dès lors impératif de démontrer à ces jeunes en manque de repères que la
meilleure façon de s’en sortir réside dans la recherche de rapports humains et sociaux. En les
intégrant dans une petite société basée sur des règles et sur le respect de l’autre et non sur la
force et la violence, on leur donnera l’exemple que finalement c’est la meilleure solution pour
réussir.
3.8 Dignité humaine
Le respect de la dignité humaine est une finalité en elle-même. Plusieurs règles tendent à ce
qu’elle puisse être atteinte.
L’art. 4, 1ère phrase, traite du principe d’égalité, qui est un élément de la dignité humaine :
« Les Règles doivent être appliquées impartialement à tous les mineurs, sans aucune
distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’âge, la langue, la religion, la nationalité, les
opinions politiques ou autres, les convictions ou pratiques culturelles, la fortune, la naissance
ou la situation familiale, l’origine ethnique ou sociale, et l’incapacité ».
L’art. 12 en est un autre exemple : « La privation de liberté doit avoir lieu dans des conditions
et des circonstances garantissant le respect des droits de l’homme des mineurs. Les mineurs
détenus doivent pouvoir exercer une activité intéressante et suivre des programmes qui
maintiennent et renforcent leur santé et leur respect de soi, favorisant leur sens des
responsabilités et les encouragent à adopter des attitudes et à acquérir des connaissances qui
les aideront à s’épanouir comme membres de la société ».
4. Application des Règles de la Havane
Certains articles énoncent des lignes directrices concernant l’application de ces Règles.
Afin que ces Règles puissent être comprises et appliquées, elles « seront mises à la disposition
des personnels de la justice pour mineurs dans leur langue nationale » (art. 6).
76
Séminaire sur la justice des mineurs
Les Etats doivent tout mettre en œuvre pour que ces principes soient respectés. « Les Etats
doivent, le cas échéant, incorporer ces règles dans leur législation nationale ou modifier celleci en conséquence… Les Etats doivent aussi contrôler l’application des Règles » (art. 7).
Une condition pour que ces Règles soient appliquées en réalité est de tenir compte des
différences entre chaque Etat. C’est l’art. 16 qui règle cette question : « Il sera tenu compte
dans l’application des présentes Règles, de la situation économique, culturelle et sociale
particulière à chaque pays ».
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Séminaire sur la justice des mineurs
78
Séminaire sur la justice des mineurs
LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ÊTRE DE
L’ENFANT : IMPACTS EN JUSTICE DES MINEURS
Herman ZOUNGRANA
Juriste, Expert national en Droits de l’Enfant,
Directeur Exécutif du Bureau des Initiatives pour la protection de l’Enfance (BIPE)
1. Brève présentation de la Charte africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant
(CADBE) et de son avènement
L’analyse des divers instruments juridiques internationaux permet de constater que pendant
longtemps, la protection des enfants a découlé de celle des adultes dans le cadre de la
protection des Droits de l’Homme.
Il fallait à l’époque se référer aux règles du Droit Humanitaire ou des Droits de l’Homme pour
trouver des mesures en faveur des enfants, qui n’étaient en fait pas les véritables destinataires.
Par la suite, la volonté d’établir des droits spécifiques à l’enfant, du fait de sa fragilité et de sa
vulnérabilité s’est imposée.
D’abord très timidement par l’élaboration de déclarations sans valeur juridique contraignante ;
puis de façon décisive par l’adoption d’instruments plus pertinents comme le Convention des
Nations Unis relative aux Droits de l’Enfant (CDE).
C’est dans ce contexte qu’est née la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’enfant
adoptée en juillet 1990 par la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’OUA
(Aujourd’hui Unité Africaine).
A côté de la CDE, la Charte africaine constitue aujourd’hui le meilleur cadre d’où devront
découler les principes de base de protection juridique de l’enfant africain.
Pour l’histoire, il faudra remonter bien avant l’avènement de la CDE pour trouver les origines
de la charte africaine. En effet, la charte tire ses premiers fondements de la Déclaration sur les
Droits et le Bien-être de l’enfant adoptée par l’Assemblé des chefs d’Etats et de
gouvernements de l’OUA (UA) lors de sa 16ème session ordinaire tenue à Monrovia (Libéria)
du 17 au 20 juillet 1979.
Puis est venue la CDE en novembre 1989 qui l’a profondément influencée. Aujourd’hui, la
charte africaine se veut « une adaptation de la CDE » au contexte spécifique et aux réalités de
l’enfant africain.
Elle a rencontré d’énormes difficultés qui ont retardé son entrée en vigueur (adopté en juillet
1990, elle n’est entrée en vigueur qu’en novembre 1999 soit 9 ans plus tard /
comparativement, la CDE adoptée en novembre 1989 est entrée en vigueur quelques mois plus
tard avec en tête le Ghana comme premier pays signataire).
79
Séminaire sur la justice des mineurs
La pertinence de la charte vient du fait qu’elle a essayé de prendre en considération des
facteurs importants tels que : la situation des enfants africains, les valeurs culturelles, les
aspects économiques…
Elle commence par définir l’enfant (tout comme la CDE) comme toute personne âgée de
moins de 18 ans puis énonce des principes fondamentaux que sont : l’intérêt supérieur de
l’enfant, la non discrimination, le principe de survie-développement, la participation de
l’enfant.
Elle énonce ensuite des droits pour l’enfant africain : nom et nationalité, libertés
d’association, d’expression, de pensée, de conscience et de religion, protection de sa vie
privée, éducation, loisirs et activités culturelles, santé et services sociaux…
Elle traite aussi de protections spéciales pour les enfants : protection dans sa famille,
protection dans les conflits armés, protection contre les pratiques culturelles néfastes et
rétrogrades, protection contre l’apartheid et la discrimination, protection contre l’exploitation
sexuelle, contre les enlèvements, traites et ventes, protection spéciales des enfants
handicapés…
Enfin, elle fait cas de quelques thèmes spéciaux : justice des mineurs, responsabilités de
l’Etat et celles des parents vis-à-vis de l’enfant, cas des enfants réfugiés, statut des enfants des
mères emprisonnées, devoirs et responsabilités de l’enfant…
Deux éléments d’une importance capitale méritent également d’être soulignés :
-
Le 1er est que dans la CDE, l’Intérêt Supérieur de l’Enfant est l’UNE des
considérations primordiales alors que la Charte africaine énonce dans son article 4
alinéa 1 que l’intérêt supérieur de l’enfant est LA considération primordiale.
-
Le 2ème est que la Charte africaine précise qu’aucune de ses dispositions n’a d’effet sur
une quelconque disposition plus favorable à la réalisation des droits et à la protection
de l’enfant dans la législation d’un Etat partie ou dans toute autre convention ou accord
international en vigueur dans ledit Etat. (Du fait de l’intérêt supérieur de l’enfant).
Que dit donc la Charte africaine sur la justice des mineurs ? Comment pouvons-nous utiliser la
charte dans le règlement des situations où l’enfant est en conflit avec la loi ?
2. Quel contenu sur la justice des mineurs ?
L’article 2 de la Charte africaine dispose : « Dans toute procédure judiciaire et administrative
affectant un enfant qui est capable de communiquer, on fera en sorte que les vues de l’enfant
puissent être entendues soit directement, soit par le truchement d’un représentant impartial qui
prendra part à la procédure, et ses vues seront prises en considération par l’autorité compétente
conformément aux dispositions des lois applicables en la matière. »
Traitant du principe de Survie – Développement de l’enfant, l’article 5 dispose que « la peine
de mort n’est pas prononcée pour les crimes commis par des enfants ».
C’est l’article 17 qui traite spécifiquement de la justice des mineurs. Que nous dit-il ?
80
Séminaire sur la justice des mineurs
1. Tout enfant accusé ou déclaré coupable d’avoir enfreint la loi pénale, a droit à un
traitement spécial compatible avec le sens que l’enfant a de sa dignité et de sa valeur et
propre à renforcer son respect pour les droits de l’Homme et les libertés fondamentales
des autres.
2. Les Etats partis à la Charte doivent en particulier :
a)
Veiller à ce qu’aucun enfant qui est détenu ou emprisonné, ou qui est autrement
dépourvu de sa liberté, ne soit soumis à la torture ou à des traitements ou
châtiments inhumains ou dégradants ;
b)
Veiller à ce que les enfants soient séparés des adultes dans les lieux de détentions
ou d’emprisonnement (institution de quartiers pour mineurs par exemple) ;
c)
Veiller à ce que tout enfant accusé d’avoir enfreint la loi pénale,
ƒ soit présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été dûment reconnu coupable ;
ƒ soit informé promptement et en détail, des accusations portées contre lui et
bénéficie des services d’un interprète s’il ne peut comprendre la langue
utilisée ;
ƒ reçoive une assistance légale ou autre appropriée pour préparer et présenter sa
défense ;
ƒ voie son cas tranché aussi rapidement que possible par un tribunal impartial
et, s’il est reconnu coupable, ait la possibilité de faire appel auprès d’un
tribunal de plus haute instance ;
ƒ ne soit pas forcé à témoigner ou plaider coupable ;
ƒ interdire à la presse et au public d’assister au procès.
3. Le but essentiel du traitement de l’enfant durant le procès, et aussi s’il est déclaré
coupable d’avoir enfreint la loi pénale, est son amendement, sa réintégration au sein de
sa famille et sa réhabilitation sociale.
4. Un âge minimal doit être fixé, en deçà duquel les enfants sont présumés ne pas avoir la
capacité d’enfreindre la loi pénale.
L’article 30 mérite aussi notre attention. Il est mentionné que les Etats parties se doivent de
prévoir un traitement spécial pour les femmes enceintes et les mères de nourrissons et de
jeunes enfants qui ont été accusées ou jugées coupables d’infraction à la loi pénale. Plusieurs
dispositions pratiques sont prévues dans le texte à cet effet.
Ainsi, et d’une manière générale, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, pour
ce qui est de la justice juvénile, a énoncé un ensemble de dispositions relatives notamment aux
protections spéciales, aux conseils, à la probation, au placement familial, aux programmes
d’éducation générale et professionnelle et surtout aux solutions autres qu’institutionnelles.
Nous devons nous efforcer donc d’assurer aux enfants, un traitement conforme à leur bien-être
et proportionné à leur situation et à l’infraction commise.
L’enfant, même en situation de délinquance, a droit à des garanties fondamentales, ainsi qu’à
une assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée pour sa défense.
81
Séminaire sur la justice des mineurs
La procédure judiciaire et le placement en institution doivent être évités chaque fois que cela
est possible.
3. Conclusion
Le législateur africain a pris conscience de la nécessité de protéger l’enfant délinquant et celui
en danger de l’être.
Ce qui devrait se traduire dans nos différents Etats, par une amélioration de la situation des
mineurs délinquants tant en ce qui concerne leur responsabilité pénale qu’au niveau de la
procédure particulière qui leur est applicable.
Au regard de tout ce qui vient de se dire, et en reprenant les présentations des différentes
délégations sur leurs situations nationales respectives, je voudrais terminer mon propos par
une analyse comparée de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’enfant et les règles
générales de Beijing, de Riyad et de la Havane qui ont été présentées successivement ce matin.
4. Analyse comparée entre la Charte Africaine et les règles de Beijing, de Riyad et de la
Havane
Nous pouvons retenir que presque l’ensemble des règles développées par Beijing, Riyad et la
Havane se retrouvent dans la Charte africaine.
En effet, nous retrouvons au niveau de la charte les principes tels que : la présomption
d’innocence, le droit d’appel, l’assistance obligatoire, la protection de la vie privée…
(Beijing).
Pour une meilleure efficacité et pour une plus grande opérationnalité, il nous paraît
incontournable que les principes suivants soient intégrés dans les législations nationales des
Etats parties à la Charte :
1. Le procès du mineur doit être guidé par la recherche des causes de la
délinquance. Ce qui permet facilement d’adapter les mesures à sa personnalité, à sa
situation et permettre sa meilleure réadaptation ainsi que réinsertion.
2. Le procès pénal doit garantir absolument au mineur le droit à la défense.
3. Le procès du mineur doit lui éviter l’effet traumatisant du procès pénal
(restreindre par exemple la publicité des audiences, ordonner le huis clos des débats et
ne prononcer que la décision en audience publique…)
4. Le procès pénal doit permettre la réinsertion du mineur. Dans cette logique, nous
devrons revoir le régime des responsabilités des mineurs et privilégier les mesures
éducatives.
82
Séminaire sur la justice des mineurs
La charte accorde une place capitale à travers ses articles aux mesures préventives (tout
comme Riyad). Elle place l’éducation au centre de la vie de l’enfant (mesures pour l’accès et
le maintien en milieu scolaire).
Elle pose la responsabilité pour l’Etat de tout mettre en œuvre pour protéger l’enfant DANS sa
famille et cette obligation va jusqu’aux actions de soutiens directs et aux programmes de lutte
contre la pauvreté.
La Charte considère enfin que la prison doit être la dernière solution et que la détention doit
être le plus court possible en privilégiant les mesures proportionnelles et éducatives au
détriment de mesures strictement punitives.
C’est à ce prix que nous aurons une justice digne et humaine et c’est ainsi que nous
permettrons aux jeunes délinquants de pouvoir se corriger et de redevenir des citoyens
honnêtes, capables de contribuer au développement de leur pays.
Je vous remercie.
83
Séminaire sur la justice des mineurs
84
Séminaire sur la justice des mineurs
DÉTENTION AVANT JUGEMENT
Oscar D’AMOUR
1. Introduction
Le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de sa personne constitue un principe universellement
reconnu qui s'applique, tant aux adultes qu'aux mineurs.
Dans une société de droit, l'atteinte à ce principe ne peut avoir lieu que dans des circonstances
et selon la procédure prévues dans la loi.
Dans les déclarations, chartes et règles internationales ou régionales, le droit à la liberté est
expressément énoncé. Les situations exceptionnelles qui permettent à l'autorité compétente de
porter atteinte à ce droit à la liberté se doivent d'être exposées d'une façon claire et précise.
Après une démonstration de la reconnaissance de ce principe de droit mentionné dans divers
instruments internationaux ou régionaux, une illustration d'un processus à suivre dans les cas
d'arrestation et de mise en liberté nous démontrera l'importance de la loi nationale en cette
matière.
2. Déclaration des droits
Examinons dans un premier temps, le contenu de certains instruments concernant le droit à la
liberté et ses exceptions.
Dans la déclaration universelle des droits de l'homme155, il est prévu que:
article 3: «Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.»
article 9: «Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu, ni exilé.»
Dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques156, on énumère à l'article
9 ce qui suit:
«1.
2.
3.
Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet
d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce
n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi.
Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette
arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée
contre lui.
Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus
court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des
fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention
de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la
155
Adoptée par l'Assemblée générale, Résolution 217 A)III), 10 décembre 1948
Les Pactes internationaux furent adoptés par l'Assemblée générale, Résolution 2200 A (XXX)
du 16 décembre 1966; entrée en vigueur le 23 mars 1976
156
85
Séminaire sur la justice des mineurs
4.
5.
mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de
l'intéressé à l'audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour
l'exécution du jugement.
Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit
d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la
légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
Tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale a droit à réparation.»
À la Convention relative aux droits de l'enfant, il est prévu, plus spécifiquement à l'article 37,
ce qui suit:
«Les États parties veillent à ce que:
a)
[…]
b)
Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la
détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, être
qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible;
c)
Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité
de la personne humaine et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de
son âge: en particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes à moins que
l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et il a le
droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par des visites, sauf
circonstances exceptionnelles;
d)
Les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance
juridique ou à toute autre assistance appropriée ainsi que le droit de contester la légalité
de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente et
impartiale et à ce qu'une décision rapide soit prise en la matière.»
En regard des instruments régionaux, rappelons l'article 6 de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples157, qui établit que:
Article 6: «Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être
privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par
la loi; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu.»
À la Convention américaine relative aux droits de l'homme158, l'article 5 élabore le droit à la
liberté de la personne en ces termes:
Article 5: Droit à la liberté et à la sûreté
«1.
Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté,
sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:
a.
s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent;
b.
s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission
à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de
garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi;
c.
s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire
compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une
157
158
Entrée en vigueur 21 octobre 1986
Adoptée à San Jose, Costa Rica, le 22 novembre 1969; entrée en vigueur le 18 juillet 1978.
86
Séminaire sur la justice des mineurs
2.
3.
4.
5.
infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de
l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de
celle-ci;
d.
s'il s'agit de la détention régulière d'un mineur, décidée pour son éducation
surveillée ou de sa détention régulière afin de le traduire devant l'autorité
compétente;
e.
s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une
maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un
vagabond;
f.
s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour
l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire ou contre laquelle une
procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours;
Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue
qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre
elle;
Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du
présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité
par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai
raisonnable ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à
une garantie assurant la comparution de l'intéressée à l'audience;
Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire
un recours devant un tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention
et ordonne sa libération si la détention est illégale.
Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions
contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.»
Que ce soit au niveau international ou régional, le droit à la liberté est réaffirmé. Il revient à
l'autorité nationale d'incorporer dans ses lois les garanties, tant en matière de droit substantif
que de droit procédural, formulées dans les différents instruments ci-haut mentionnés.
2.1 Principes
Rappelons que le droit à la liberté et à la sécurité est un principe reconnu. Les États doivent
élaborer, d'une part, les lois qui vont assurer cette sécurité à toute personne humaine et d'autre
part, les règles nécessaires en vue de faire apparaître ce droit.
Par ailleurs, il est aussi reconnu que s'il y a atteinte à ce principe dans une société de droit, les
situations qui donnent ouverture à ces exceptions doivent être précisées dans la loi nationale.
La loi doit aussi déterminer les autorités compétentes, soit une autorité administrative ou un
tribunal, pour réviser la détention.
Pour les mineurs, la détention avant jugement ou à un autre moment doit être la mesure de
dernier ressort. Si elle a lieu, elle doit être de courte durée et la révision de cette détention doit
avoir lieu sans délai indu, avant le procès. Dans le cas où la révision ne donne pas ouverture à
une mise en liberté avant procès, celui-ci doit avoir lieu en tenant compte de cette détention,
donc sans délai indu.
87
Séminaire sur la justice des mineurs
2.2 Critères à suivre en cas de privation de liberté
Quand nous faisons référence à de la détention, il faut d'abord considérer l'étape antérieure,
soit l'arrestation.
Comme le droit à la liberté est le principe, l'atteinte à ce droit doit être prévue dans la loi qui
doit être interprétée respectivement. En effet, l'arrestation d'un mineur ne se justifie pas
uniquement par la perpétration d'un délit. La loi nationale doit énumérer dans quelles
circonstances, selon quelles procédures et pour quel délit un mineur peut être arrêté et privé de
sa liberté.
Certaines règles peuvent aussi prévoir l'obtention d'une autorisation préalable à l'exécution
d'une arrestation. À cette étape préliminaire, il est aussi possible que l'autorité compétente,
procédant à l'étude de la demande, refuse d'émettre une telle ordonnance en raison des droits
particuliers accordés au mineur, même si le délit perpétré est de la nature de ceux qui peuvent
donner ouverture à une telle ordonnance.
Enfin, toutes les arrestations ne conduisent pas nécessairement à une détention. Un mineur qui
a été arrêté, peut recouvrer sa liberté de différentes autorités si la loi le précise. Il se peut que
la détention, suite à l'arrestation, ne puisse faire l'objet d'une mise en liberté par une autorité
compétente autre que le tribunal. Dans une telle situation, l'enquête judiciaire, si elle doit avoir
lieu, doit se tenir sans délai.
Au-delà de la légalité : la raisonnabilité et la nécessité de la détention
Si la loi nationale prévoit les situations pour lesquelles une autorité légitime peut arrêter et
priver un mineur de sa liberté, il faut que la détention ne soit pas arbitraire.
Une détention arbitraire ne signifie pas que l'arrestation est contraire à la loi mais plutôt que la
détention est injuste et inappropriée parce qu'elle est basée sur des critères autres que ceux que
la loi a prévus. Ainsi, une décision basée sur le statut ou sur les caractéristiques personnelles
d'un mineur constitue une détention arbitraire. Il en est de même d'une détention basée sur des
preuves insuffisantes.
En plus d'être légale, la détention doit être raisonnable. À titre indicatif, mentionnons que
l'appréciation du caractère raisonnable de l'arrestation et la privation de liberté, est un critère
objectif. Est-ce qu'un observateur extérieur, selon les circonstances, en arriverait à la
conclusion que l'arrestation et la détention sont raisonnables?
Priver un mineur de sa liberté à partir de critères autres que ceux établis par la loi, comme
ceux basés sur des caractères propres à la personne ou à son statut, peut être considérée
comme une détention déraisonnable, car toute privation de liberté arbitraire est nécessairement
déraisonnable. Par ailleurs, une privation de liberté raisonnable peut exclure l'appréciation
d'une détention arbitraire, mais ne justifie pas nécessairement une détention.
Si les critères établis par la loi sont rencontrés dans la situation d'un mineur, il faut aussi se
demander si cette privation de liberté est nécessaire.
88
Séminaire sur la justice des mineurs
Le critère de nécessité doit s'apprécier en fonction des circonstances du délit, de la situation du
mineur et de la protection de la société. Il faut aussi examiner s'il y a eu étude des autres
alternatives possibles par l'autorité compétente et que cette dernière en soit venue à la
conclusion qu'il n'y avait pas d'autres alternatives que la détention. En d'autres mots, s'il y a
privation de liberté avant procès, il faut, non seulement que les prescriptions de la loi aient été
respectées mais que la détention soit raisonnable et nécessaire parce que toutes les autres
options ont été envisagées et éliminées avant de procéder à une telle privation de liberté.
Si la privation de liberté est maintenue, il faut aussi se demander s'il est possible d'identifier un
lieu de garde qui permettrait au mineur d'avoir les traitements et services requis en raison de
son âge ou de sa situation dans un lieu de garde autre qu'une institution.
3. Illustration d’un processus d’arrestation et de mise en liberté
Examinons maintenant un scénario mettant en application l'énoncé des principes ci-haut
mentionnés concernant l'arrestation d'un mineur avec ou sans mandat ainsi que les différentes
façons pour ce dernier d'être mis en liberté dans un processus administratif ou judiciaire.
3.1 Arrestation sans mandat et mise en liberté
Comme nous l'avons déjà souligné, la perpétration de certains délits ne donne pas ouverture à
une arrestation, que ce soit avec ou sans mandat.
La loi nationale peut privilégier une façon de procéder, tel un engagement de la part du mineur
à se présenter au tribunal pour répondre de ses délits et ce, sans arrestation sauf pour identifier
le délinquant, préserver la preuve ou encore, éviter que l'infraction se poursuive.
Après s'être assuré que le prévenu se présentera à la cour et que les circonstances qui ont fait
naître des craintes se soient dissipées, le mineur sera libéré moyennant la remise d'un
engagement de se présenter au tribunal à la date fixée.
Pour certains délits graves, l'autorité responsable159 est autorisée à procéder sans mandat à
l'arrestation d'un mineur. Elle est tenue de le mettre en liberté, sauf si sa détention est
nécessaire dans l'intérêt public. S'il est détenu, le mineur doit comparaître devant une autorité
compétente dans un délai de 24 heures.
Lorsqu'un mineur a été arrêté sans mandat, qu'il n'a pas été mis en liberté, il doit être mis sous
garde. Dès que cela est matériellement possible, l'autorité responsable doit mettre le mineur en
liberté à moins qu'il y ait des motifs raisonnables de croire qu'il est nécessaire dans l'intérêt
public de le détenir (nécessité d'identification, conservation de la preuve, sécurité des
victimes). L'autorité responsable doit donner priorité à la mise en liberté. S'il est mis en liberté,
le mineur devra signer un engagement de se présenter au tribunal et de respecter certaines
autres conditions.
159
«Autorité responsable» signifie: un policier, un agent de la paix, un responsable de détention
ou toute autorité désignée à cet effet dans une loi nationale, autre qu'un tribunal.
89
Séminaire sur la justice des mineurs
3.2 Arrestation avec mandat et mise en liberté
Pour qu'il y ait émission d'un mandat d'arrestation, l'autorité compétente doit entendre les
témoins pour justifier une telle ordonnance.
Lors de l'émission du mandat d'arrestation, l'autorité compétente peut émettre une autorisation
qui permet à la personne qui aura la garde du mineur de le mettre en liberté moyennant une
promesse de comparaître et de respecter certaines conditions émises lors de sa mise en liberté.
Soulignons que lors d'une arrestation avec mandat, l'autorité responsable ne peut procéder à la
mise en liberté d'un mineur que si le tribunal a émis un mandat autorisant spécifiquement sa
mise en liberté en apposant un visa à cet effet.
L'apposition du visa sur un mandat d'arrestation ne crée pas une obligation pour l'autorité
responsable de mettre un prévenu en liberté, mais accorde à cette autorité la discrétion de
mettre le prévenu en liberté selon le principe du droit à la liberté.
3.3 Situations spéciales
Comme nous l'avons mentionné, une autorité responsable peut posséder des pouvoirs
discrétionnaires qui lui sont accordés par la loi lui permettant de mettre en liberté une
personne qui n'a pas encore comparue devant une autorité judiciaire.
Ce pouvoir discrétionnaire accordé à l'autorité responsable doit donc s'exercer suivant les
principes contenus dans la loi nationale ou à défaut, selon les règles des instruments régionaux
ou internationaux; ce pouvoir a pour but d'éviter que le droit à la liberté du mineur soit mis en
péril par l'écoulement du temps.
Il est possible que l'autorité responsable, autre qu'un tribunal, ait juridiction pour mettre en
liberté un mineur moyennant la remise d'un engagement de respecter certaines conditions.
Toutefois, ces conditions peuvent être modifiées par un tribunal à la demande, soit d'un mineur
ou du poursuivant.
3.4 Mise en liberté par voie judiciaire
Lorsqu'un mineur a été arrêté avec ou sans mandat et qu'il n'a pas été mis en liberté, celui qui
en a la garde doit le faire comparaître devant un tribunal sans délai (24 heures)160 ou aussitôt
qu'un juge de paix est disponible.
En termes pratiques, un mineur arrêté et détenu, qui comparaît devant le juge, a deux (2)
choix:
- Il peut plaider non coupable: le Ministère public pourra s'objecter à sa mise en liberté
et exiger qu'il y ait une enquête sur la mise en liberté dans les plus brefs délais,
habituellement dans un délai de trois (3) jours;
160
DUBOIS, SCHNEIDER: Code criminel et lois annotés, 2004, Éd. C.C.H. Ltée, Brossard (Qc),
Canada, art. 503
90
Séminaire sur la justice des mineurs
-
Il peut plaider coupable: le juge doit émettre une ordonnance, soit autorisant sa mise en
liberté provisoire avec ou sans conditions, soit qu'il maintienne le mineur détenu
jusqu'à ce que la peine soit prononcée.
Si l'autorité compétente doit tenir une enquête sur la mise en liberté du mineur, il doit suivre
les règles prévues dans la loi nationale.
Dans l'examen de la détention avant jugement, la loi nationale doit prévoir les critères161. À
titre d'exemple, soulignons que le tribunal doit vérifier si la détention est justifiée pour l'un des
motifs suivants:
1)
2)
3)
4)
5)
la détention est nécessaire pour assurer la présence du prévenu au tribunal;
la détention du prévenu est nécessaire pour la protection de la sécurité publique, de
la victime et des témoins de l'infraction;
la détention du prévenu est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public
envers l'administration de la justice;
la détention provisoire du mineur n'a pas pour but de se substituer à des services
plus appropriés en protection, en santé mentale ou de nature sociale;
l'infraction reprochée au mineur donne ouverture à une peine de mise sous garde en
raison des critères prévus par la loi, s'il était reconnu coupable.
Concernant le premier critère, le juge fait enquête afin de s'assurer de l'existence d'une adresse
fixe et des autres éléments, tels l'emploi, l'occupation et les liens avec d'autres personnes
pouvant convaincre le juge que le prévenu peut être rejoint.
Si le juge en vient à la conclusion que la détention n'est pas justifiée pour aucun des cinq
motifs, il doit alors mettre le prévenu en liberté sur simple promesse.
Quand le juge en vient à la conclusion qu'il est nécessaire de maintenir le mineur en détention,
il doit s'informer, avant de rendre une ordonnance de mise sous garde dans une institution, de
la possibilité que le mineur soit plutôt confié aux soins d'une personne digne de confiance.
3.5 Situations spéciales lors de l’enquête pour mise en liberté
En vertu de la loi nationale, certains crimes peuvent faire l'objet de règles particulières pour la
mise en liberté.
Ainsi, soulignons que la détention avant jugement est la règle dans le cas d'un meurtre. Le
mineur, s'il veut obtenir une mise en liberté, doit en faire la demande à la cour. Il lui
appartiendra de démontrer, par la balance des probabilités, que sa détention n'est pas requise,
soit pour assurer sa présence au procès, soit pour assurer la protection du public, soit en
démontrant que sa mise de la liberté ne minerait pas la confiance du public dans
l'administration de la justice.
161
Note 6, art. 515
91
Séminaire sur la justice des mineurs
3.6 Conséquences du non-respect des conditions de la mise en liberté provisoire
Le non-respect par le mineur des conditions imposées lors de la mise en liberté entraîne
certaines conséquences, à savoir:
- l'émission d'un mandat d'arrestation;
- l'arrestation sans mandat;
- l'incarcération avant procès;
- la révision des conditions de mise en liberté;
- la poursuite pour ne pas avoir respecté les conditions de sa mise en liberté;
- la confiscation au profit de l'état des engagements pris par le mineur ou au profit du
mineur (cautions);
- l'obligation pour le mineur de justifier qu'il peut être à nouveau mis en liberté.
4. Conclusion
Le droit à la liberté et le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement constituent la
pierre angulaire d'un système de justice pénale.
L'atteinte à ces deux droits fondamentaux ne peut se justifier, dans une société de droit, que
par une loi nationale qui s'inspire des principes reconnus dans les instruments internationaux
ou régionaux.
La sauvegarde de ce droit à la liberté pour les mineurs doit faire l'objet d'une attention
parcimonieuse et ce, notamment, dans les situations où il est question d'une détention avant
jugement, car même après jugement, cette mesure de limitation de liberté est une mesure de
dernier ressort.
92
Séminaire sur la justice des mineurs
CAS PRATIQUE :
CAS DE DEFENSE PENALE DU MINEUR EN FRANCE
Laure DESFORGES
Avocat au barreau d’Epinal et de Paris, Membre d’ASF
Présentation du dossier d’un mineur Patrice P, mineur de 17 ½ ans, accusé de tentative
d’assassinat sur un majeur.
Toute la procédure est présentée avec les étapes les plus significatives de l’arrestation par la
gendarmerie le 7/12/2002 jusqu’au jugement par le Tribunal pour Enfants le 17/05/2004.
Document n°1 : synthèse du PV de gendarmerie avec audition des principaux témoins de
l’altercation.
Document n°2 : compte rendu dans la presse (à noter que le mineur n’est pas cité
conformément à la loi protectrice des mineurs).
Document n°3 : la garde à vue qui s’est déroulée du 8/12/02 au 10/12/02 avec la notification,
l’information du magistrat, la notification des droits du prévenu (droit au silence, droit de faire
prévenir la famille, droit à un examen médical, droit de s’entretenir avec un avocat et droit
d’être informé des suites de la procédure).
Document n°4 : interrogatoire de 1ère comparution devant le Juge d’Instruction le 10/12/02.
Document n°5 : ordonnance de détention provisoire du 10/12/2002. Compte tenu de la gravité
des faits, du trouble grave et durable à l’ordre public, du fait qu’il faut des investigations
complémentaires et que les déclarations des parties sont contradictoires, que le mineur a un
passé pénal déjà chargé et que les avertissements du juge pour enfants n’ont pas suffit.
Document n°6 : demande de mise en liberté devant le juge d’instruction et devant le juge des
libertés et de la détention.
Document n°7 : décision de la Cour d’Appel de Nancy chambre de l’instruction du 20/03/2003
et du 16/07/2003 sur le maintien en détention.
Document n°8 : ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire du 30/01/2004.
Document n°9 : PV de confrontation entre l’auteur et la victime devant le juge d’instruction.
Document n°10 : ordonnance de rejet de mise en liberté.
Document n°11 : expertise psychologique du prévenu.
Document n°12 : enquête de personnalité du mineur.
93
Séminaire sur la justice des mineurs
Document n°13 : expertise psychiatrique du mineur.
Document n°14 : mémoire de l’avocat aux fins de requalification pénale de la tentative
d’assassinat en violences volontaires (dans ce cas, on passe de la Cour d’Assises des Mineurs
au Tribunal pour Enfants).
Document n°15 : décision du tribunal pour enfants du 17/05/2004 qui retient la qualification
de violences volontaires et condamne le mineur à une peine de 4 ans d’emprisonnement dont 3
avec sursis et mise à l’épreuve, avec les obligations suivantes :
-
exercer une activité professionnelle, ou suivre un enseignement, une formation
professionnelle,
se soumettre à des mesures d’examens médicaux.
94
Séminaire sur la justice des mineurs
QUELQUES ASPECTS DE PROCEDURE : LES ÂGES
D’INTERVENTION
Christian MAES
« …il ne faut leur faire assumer plus qu’ils ne peuvent… »
François Mitterand
1. Des seuils d’âge et de la responsabilité (pénale, aussi).
a)
Dans le domaine du droit, les seuils d’âge revêtent un caractère arbitraire et artificiel162.
En outre, la fixation de ces seuils varie très fortement d’un pays à l’autre163 et évolue,
même, historiquement à travers les temps, ce qui pose d’emblée la question de savoir
vraiment sur quels critères repose cette divergence.
b)
Qui plus est, la loi définit et la jurisprudence apprécie différemment la capacité civile et
juridique d’un mineur, selon que le mineur concerné agit, par exemple, dans le domaine
du droit public, du droit pénal, du droit civil, du droit administratif ou du droit social.
c)
A cela s’ajoute que pour statuer, le juge qui est compétent à l’intérieur de ces différentes
branches du droit pour porter un jugement sur un mineur, tient compte non seulement164
du critère d’âge mais également d’autres facteurs tout aussi déterminants tels que la
personnalité, la maturité, les possibilités de s’en remettre à l’entourage familial ou à un
environnement social plus large et les possibilités offertes par le système judiciaire luimême.
d)
L’âge de la responsabilité pénale, quant à elle, n’est pas toujours perçu de la même
manière par ceux qui en parlent : ainsi, il convient d'établir, par rapport à l’âge de la
majorité civile, une distinction entre, d’une part, l'âge ou les âges à partir desquels on
peut ou on doit recourir au droit pénal pour adultes (le seuil supérieur : la majorité
pénale) et, d’autre part, l'âge ou les âges à partir desquels on peut prendre, à l’encontre
de mineurs des mesures visant à confirmer la norme parce qu’ils sont supposés avoir la
capacité d’enfreindre la loi pénale et d’apporter leur concours au débat judiciaire qui les
concerne (le seuil inférieur : la responsabilité pénale).165
162
Mais, d’autre part, nécessaire du point de vue des exigences d’une sécurité juridique (p.ex. principe
de l’égalité devant la loi)
163
Innocenti Digest, Unicef, Sienne, janvier 1998, Age of criminal responsibility… “the disparities from
one country to another are astounding” (les âges varient de 7 à 18 ans).
164
J.L.Fagnart, Situation de la victime d’enfants délinquants: problèmes de responsabilité dans Droit
de la Jeunesse, Edition Formation Permanente CUP Liège, février 2002, vol.53, 140 : « les décisions
qu’ils (les juges) prennent dépendent exclusivement d’une « opinion » qui est strictement personnelle à
chacun d’eux (…) cette solution n’est pas très heureuse. »
165
F. Dünkel, Jugendstrafrecht im Internationalen Vergleich – vom Freiheitsentzug zu den Alternativen
dans 100 Ans de Justice juvénile (bilan et perspectives), 5ième séminaire de l’IDE octobre 1999, éd.
IUKB, Sion, 2000, p. 45 (Tabelle der Altersgrenzen strafrechtlicher Verantwortlichkeit in Europa : la
seconde limite d‘âge figurant au point d) est définie en allemand comme étant la
“Strafmündigkeitsalter“).
95
Séminaire sur la justice des mineurs
e)
Les seuils d’âge arbitrairement fixés à un niveau bas ou élevé doivent, au vu du contenu
de l’exécution finale de la décision judiciaire, souvent être relativisés166. En d’autres
termes, la fixation de l’âge n’indique pas automatiquement comment l'enfant, qui a
commis un fait qualifié infraction, est traité, à savoir dans une perspective axée sur la
rétribution ou une perspective axée sur la réhabilitation.
2. Responsabilité suppose pour le moins liberté et capacités.
La responsabilité pénale167 ou la capacité sont basées sur le principe du libre arbitre, selon
lequel chaque individu est considéré comme responsable de son propre comportement et
capable d'opérer des choix de comportement sensés.168
Or, précisément les enfants ne sont pas autonomes.
Leurs parents sont au moins civilement responsables des actes de leurs enfants jusqu'à la
majorité de ceux-ci. La présomption juris tantum de cette responsabilité peut uniquement être
renversée par les parents s’ils apportent la preuve que le fait qui donne lieu à cette
responsabilité n'est pas la conséquence d'un défaut de surveillance ni d'une carence dans
l'éducation qu'ils ont dispensée.169 Les âges les plus divergents, dans autant d'Etats,
déterminent, par exemple, le moment à partir duquel des relations sexuelles de mineurs et avec
des mineurs sont considérées comme punissables, le moment à partir duquel les mineurs
peuvent contracter mariage, entrer en discothèques, se faire servir de l'alcool ainsi que le
moment à partir duquel et jusqu'à quand ils sont soumis à l'obligation scolaire.170
Il n'y a donc aucune raison pour que l'autonomie restreinte des mineurs de par leur dépendance
à l'égard de leurs parents et de décisions des autorités171 soit soudainement et sans restriction
assortie d’une entière responsabilité pour des actes qui revêtent un caractère pénal.
166
Par exemple, l’âge de la responsabilité pénale peut dans certains cas sembler bas, mais il a
seulement été fixé ainsi parce que le système juridique permet uniquement d’appliquer des mesures et
non des sanctions. Dans d’autres cas, il peut paraître élevé, mais des dérogations sont prévues,
comme le dessaisissement ou le renvoi devant le droit pénal pour adultes dès un plus jeune
âge…(nous y reviendrons dans le texte même)
167
la notion renvoie, ici, à celle de l’élément moral de l’infraction
168
R. Allen, Children and crime (taking responsibility), IPPR, Londres, 1996, p. 17.; F.Tulkens, Les
impasses du discours de la responsabilité dans la repénalisation de la protection de la jeunesse, dans
La criminologie au prétoire, E.Story-Scientia, Gent 1985, 13: “La responsabilité pénale relève d’abord
historiquement d’une conception politique de la liberté qui entend donner aux individus la possibilité de
décider. La loi pénale envisage la conduite de l’homme comme libre, autonome et volontaire, non pas
nécessairement parce qu’elle l’est, mais parce qu’il est préférable pour un système de droit (…) de
faire comme si elle l’était. La notion de responsabilité constitue (…) un point au-delà duquel la
répression ne se justifie pas ou ne se justifie plus.(…), la responsabilité est tout à la fois le fondement,
la condition et le lieu d’application de la sanction.” (cit.)
169
Notamment Cass.Belge 23.02.1989, Arr. Cass., 1988-89, p. 721 ; Cass.Belge 28.09.1989, Arr.
Cass., 1989-90, p. 130.
170
J'ai lu quelque part l'expression “incapacité perlée” pour désigner les cinq à six dernières années de
la minorité (P. Mahillon, Les Novelles, Protection de la jeunesse, Larcier, Bruxelles, 1978, p. 17, n° 28).
171
K. Raes, Het kind als homo juridicus ; verrechterlijking en emancipatie dans éd. E. Verhellen e.a.,
Rechten van Kinderen, Kluwer Anvers et Gouda Quint Arnhem, 1989, p. 85.
96
Séminaire sur la justice des mineurs
D'ailleurs, leur manière d'agir et de penser est également fortement influençable par des
individus qui se trouvent déjà à un stade de développement plus avancé ou qui sont dotés d'une
personnalité plus confirmée.172 C’est, entre parenthèses, une des raisons pour laquelle
plusieurs lois pénales prévoient des peines sévères à l’encontre d’adultes, qui abusent de l’âge
et des systèmes « indulgents » vis-à-vis des mineurs délinquants pour les employer et exploiter
à des fins criminelles et terroristes.
La responsabilité d'un mineur suppose trois capacités :173
- une capacité cognitive : la faculté de savoir, de comprendre, de penser et de
raisonnement ;
- une capacité morale : la faculté de différencier le bien du mal, d'évaluer son
comportement en fonction de cette perception et de se comporter conformément à cette
analyse174 ;
- une capacité conative : la faculté de contrôler ses impulsions et de résister à la tentation
et à la pression.
Même s’il est vrai que de nombreux adultes ont du mal à répondre à ces critères175, il est
évident que l’acquisition de la connaissance et de l'expérience prend du temps et qu'il convient
de tolérer que les mineurs bénéficient notamment du temps nécessaire à cet effet.
3. En quoi, une précision des seuils d’âge est-elle importante ? (le pour et le contre d’une
précision).
1. pour :
l’âge est un des motifs pour une juridiction distincte et spécialisée176
la précision tend à promouvoir la sécurité juridique177
la précision contraint à motiver l’exception
2. contre :
« l’énergie dépensée pour arriver à un consensus devrait plutôt être investie dans la recherche
de réactions humaines, constructives et respectueuses de tous, indépendamment de l’âge…
(dès lors) : quels sont les besoins de (ré)éducation, de réhabilitation et d’intégration ? »178
« l’âge établi dans la loi ne garantit pas en soi une justice à la taille de l’enfant ni un respect de
ses droits et n’offre pas de garantie quant au contenu des mesures »179 « l’intervention aura
donc lieu, en tout cas, quel que soit l’âge de l’enfant »180.
172
H. Hamon, L'idée éducative dans 100 Ans de Justice juvénile (bilan et perspectives), o.c., p.117.
R. Allen, o.c., p. 18.
174
Responsabilité sociale.
175
A propos du « débat de compétences », lire E. Verhellen, notamment : De Conventie voor de
Rechten van het Kind dans éd. E.Verhellen e.a., Rechten van Kinderen, o.c., p. 15.
176
et, par exemple, aussi pour une détention séparée des adultes
177
L’âge déterminera la façon dont on sera traité (une assistance judiciaire ne pourra, par exemple,
plus être refusée)
178
G.Cappelaere et A.Grandjean, o.c., 51 et 54
179
G.Cappelaere et A.Grandjean, o.c., 50 et 56 (il ne suffit pas pour empêcher p.ex. le recours
fréquent à la privation de liberté), 54 (les seuils d’âge ne remplissent pas la fonction pour laquelle ils
173
97
Séminaire sur la justice des mineurs
4. Tentatives de précision des limites (seuils) inférieurs et supérieurs du droit
d’intervention de la justice juvénile.
Si, dans le cadre d’un raisonnement idéal181 tendant à la détermination d’une tranche d’âge
souple pour la responsabilité pénale, on était tenté d’envisager une charge de preuve
concernant la présence de maturité suffisante, cette souplesse d’appréciation trop grande pour
le juge serait sûrement source d’insécurité juridique. Il faut éviter de devoir établir pour
chaque nouveau cas, généralement par le biais d’une expertise, si un mineur dispose de la
maturité nécessaire et du discernement suffisant.
Une précision s’impose donc.
On pourrait s’accorder sur des principes suivants182 :
1.
Invoquer la responsabilité pénale de mineurs âgés de moins de 12 ans183 pour des actes
de délinquance semble peu réaliste. Bien que l’évolution psychosociale de l’enfant ne se
fasse pas de manière uniforme et que des critères en matière d’âge soient toujours
arbitraires, cette limite d’âge est de plus en plus considérée dans beaucoup de pays
industrialisés184 comme un seuil à partir duquel un mineur reçoit à certains égards son
mot à dire ainsi que certaines responsabilités.
Cet âge correspond également (toujours dans les régions de l’hémisphère Nord) au
passage à la puberté ainsi qu’au passage à une forme d’enseignement supérieur.
En dessous de l’âge de 12 ans, l’influence de l’environnement est jugée prédominante et
la dépendance sociale et émotionnelle trop importante185. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne
faut rien faire, car alors le « pédagogique » serait absent. Mais, en dessous de 12 ans
l’enfant devrait sortir de la sphère du droit186. Le conflit avec la loi devrait être traité
comme un délit dépénalisé qui ne donne lieu qu’à réparation civile187 et à approche
éducative en milieu, exceptionnellement résidentiel, mais toujours ouvert.
2.
La limite d’âge maximum en ce qui concerne la compétence des juridictions de la
jeunesse reste fixée à l’âge de la majorité (légale). Ici aussi, l’âge de 18 ans est le
moment où l’être humain est considéré par la société comme un adulte, tant sur le plan
de son développement physique que sur le plan de sa capacité d’action et de réflexion et
ont été mis en place : protéger les enfants en dessous d’un certain âge contre les effets néfastes du
système pénal)
180
G.Cappelaere et A.Grandjean, o.c., 52
181
C. Maes, Rechten van het kind, belang(en)-rijk, o.c., p.389 n°18.
182
Principes repris d’ailleurs dans le rapport final de la Commission nationale pour la réforme de la
législation relative à la protection de la jeunesse (Belgique) 1996
183
les participants au colloque préparatoire au 17ième congrès international de droit pénal, réunis à
Vienne en septembre 2002 recommandaient dans un projet de résolution, l’âge de 14 ans,
Rev.Internat.Dr.Pén., éd Erès Ramonville Saint-Agne 2004, 579
184
G.Cappelaere et A.Grandjean, Enfants privés de liberté ; droits et réalités, édition Jeunesse et Droit,
Paris/Liège 2000, 54
185
mais tout le monde ne s’accorde pas: la Suisse p.ex. ne vient que récemment de relever le seuil
d’intervention de 7 à 10 ans ; J.Zermatten, La loi fédérale régissant la condition pénale des
mineurs,Chronique de l’AIMJF n°1.vol.13 juillet 2004
186
F.Tulkens et Th.Moreau, Droit de la Jeunesse, De Boeck & Larcier 2000, 13
187
Chr.Eliaerts, Toekomst van het jeugdbeschermingssysteem, dans Jeugdrecht: balans en
perspectieven, Contact, n° spécial 1989, 58
98
Séminaire sur la justice des mineurs
il ne serait pas normal d’admettre que la présomption légale d’immaturité jusqu’à cet âge
soit différente, uniquement pour l’exercice de l’action publique.
L’article 8.1. de la Résolution A 3 – 0172/92 du Parlement européen portant sur une charte
européenne des droits de l’enfant recommande, par ailleurs, de fixer le seuil de la majorité
pénale à l’âge de la majorité légale.
La Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 nous déçoit quelque peu à
ce sujet, car si elle dispose en son article 1er qu'elle s'applique aux enfants de moins de dix-huit
ans, elle :
a)
accepte les exceptions prévues dans le droit national lorsque la majorité (légale) y est
atteinte plus tôt ;
b)
se limite, en son article 40, 3., a), à recommander aux Etats parties à la Convention de
fixer un âge minimum en dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la
capacité d'enfreindre la loi pénale188 ;
c)
accepte que les enfants reçoivent déjà progressivement et par étapes des possibilités
d'épanouissement et un droit de participation qui les apprendront tout naturellement à
devenir adulte, alors que ce droit de participation est parfois en porte-à-faux avec des
dispositions légales qui protègent les enfants dans leur vulnérabilité spécifique, à savoir
le droit protectionnel.189 Pensons, par exemple, à l'autonomie sexuelle.
5. Mais, déjà, les exceptions se multiplient (érosion du principe de l’application du droit
commun à partir de l’âge de 18 ans).
1.
De nouveaux seuils d’âge sont introduits pour l’application de mesures plus restrictives
ou privatives de liberté ; un couteau à double tranchant : l’écartement de la vie en société
sous un certain âge est considéré inapproprié pour le développement de l’enfant, audessus de cet âge jouent des facteurs comme gravité du délit, non-acceptation d’autres
réactions par l’opinion publique et moins le souci des conséquences pour le mineur ; le
placement en milieu fermé, mesure dite de sécurité n’est somme toutes qu’une peine
« améliorée » par son organisation et son individualisation190 et ne diffère souvent
d’autres formes de détention que par le nom qu’on lui prête; l’on y accède (ou pas) vers
les 14-15-16 ans.
188
réponse à la question : à quel âge se termine l’enfance ? ; La règle 4.1 des Règles minimales de
Beijing relative à l'administration de la justice pour mineurs (résolution 40/33 de l'ONU du 29 novembre
1985) recommande que l'âge de la responsabilité pénale ne soit pas fixé trop bas eu égard aux
problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle ; on peut en outre lire dans l'Innocenti
Digest de l'Unicef que les lignes de conduite devraient être dictées par la recherche médicale et la
recherche psychosociale plutôt que par la tradition et l'appel de la rue.
189
C. Maes, Rechten van het kind, belang(en)-rijk dans éd. M. Storme, Gezin en recht in een
postmoderne samenleving, Mys & Breesch, Gand, 1994, p. 388, n° 17.
190
L.Cornil, La loi de défense sociale à l’égard des anormaux et des délinquants d’habitude du 9 avril
1930, Rev.Dr.Pén.Crim. 1930, 837, n° 41.
99
Séminaire sur la justice des mineurs
2.
16 ans semble être un âge permettant à la justice juvénile de se « dessaisir » du « cas »
au profit de la justice de droit commun, motivé au cas par cas par la personnalité du
mineur191 mis en rapport avec les (manques de) possibilités encore offertes par le
système spécialisé192, où la gravité du délit n’est pas déterminante (sur papier) mais reste
un élément d’appréciation de la personnalité, qui, elle, l’est193.
3.
16 ans est aussi et souvent l’âge clé où les compagnies d’assurance ne couvrent plus le
risque de délits intentionnels commis par des mineurs et qui agissent normalement sous
la responsabilité civile de leurs parents; un « dessaisissement civil et contractuel », si
l’on veut.
4.
Pour les infractions en matière de roulage commis par des jeunes de plus de 16 ans, la loi
belge, par exemple, constatant ici l’inadéquation de son modèle protectionnel et
simplement par volonté d’efficacité rend la compétence aux tribunaux de droit commun.
5.
Par un même souci d’efficacité (certainement pas de logique) et par appréhension de
dessaisissements systématiques par les juges de la jeunesse, craignant, eux, une impunité
pour des délits commis juste avant l’âge de la majorité, la même loi belge prévoit une
possibilité de prolongation des mesures au-delà de la majorité, c’est-à-dire jusqu’à l’âge
de 20 ans194.
6. Ages et responsabilité : somme toutes un débat dont on ne se sort pas et qu’on pourrait
neutraliser ?
On pourrait s’y résigner.
Pourtant, comme le suggère Françoise Tulkens195, la question de la responsabilité semble
centrale dans la « philosophie » des réformes du droit juvénile. Et, dans notre système
juridique et pénal, continue-t-elle, la responsabilité est tout à la fois le fondement, la condition
et le lieu d’application de la sanction196.
191
une condition de forme avant de pouvoir se dessaisir est souvent l’obligation d’effectuer une
expertise psycho-médico-sociale préalable
192
le manque de ressources, suite à une politique de désinstitutionalisation, pourrait avoir, ici, un effet
fort pervers.
193
selon J.Junger-Tas les Pays bas prévoiraient de diviser les jeunes en groupes: d’une part, ceux
pour qui la resocialisation a un sens et d’autre part, les incurables; pour ceux-ci , une peine suffirait
(Ernstige jeugddelinquentie : mythe of realiteit?, formation post-académique à la V.U.B. Bruxelles
22.10.2004)
194
Dans le dernier avant-projet de réforme de la loi relative à la protection de la jeunesse (législature
présente) l’on irait jusqu’à l’âge de 23 ans.
195
F.Tulkens, Les impasses…o.c., p. 16
196
“sanction”, qu’elle identifie d’ailleurs souvent à “répression”, ce que nous avons déjà déploré lors
de la Formation citée ci-après (note de bas de page 35) et ce que nous contesterons encore plus loin
100
Séminaire sur la justice des mineurs
Pas étonnant donc, qu’en Belgique, un des fers de lance du modèle protectionnel197, il existe
en faveur du mineur âgé de moins de 18 ans, une présomption irréfragable qu’il agit sans
discernement.
Dans sa loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, le législateur belge s’est
donc tout simplement résigné à neutraliser le débat sur le contenu de la responsabilité pénale
des mineurs et sur la difficulté d'en prouver ou d'en réfuter l'existence.198
Toutefois, la présomption générale de jure d'un manque de discernement, pierre angulaire du
modèle protectionnel de la jeunesse, qui permet d’exclure le mineur de l'application de la loi
pénale199 (mais uniquement au sens pénal du terme), est une fiction juridique qui n'est plus
longtemps défendable200.
Le caractère artificiel du procédé a plus d’une fois été dénoncé, et non dans une moindre
mesure à l’occasion des différentes dérogations apparaissant dans la loi elle-même et dans la
pratique.201
Même pour Tulkens, une présomption est une « entorse à la vérité », qui fonctionne comme
moyen de réaliser certaines valeurs, qui quelquefois sont idéologiques. La présomption du
non-discernement (notion fragile, factice et dangereuse202), place dès lors le mineur, au même
titre que les autres incapables, les inconscients, en dehors de la société de droit et permet de le
traiter jusqu’à sa majorité et parfois au-delà, comme un malade, sans autre droit que d’être
guéri à la norme.
Ne serait-ce pas justement parce qu’on n’accepte plus de nos jours que le mineur soit traité
comme un incapable, mais comme ayant progressivement le droit d’être pris au sérieux, à qui
l’on rend l’acte commis pour y accorder, avec l’âge, une autre importance, que le législateur et
la jurisprudence ont divisé le temps de l’adolescence, qui se situe entre le seuil d’entrée dans
le droit et celui d’entrée dans le droit des adultes, pratiquement par tranches de 2 ans (12-1416-18)?
Et si, en effet, l’intervention en soi devenait plus importante que la question des âges ? Si
l’essentiel était de considérer, en toutes circonstances et à tout âge, l’enfant comme une
personne, de ce fait sujet de droit ?203
197
C.Maes, La justice juvénile dans le monde, ses systèmes, ses objectifs: les modèles, Formation en
justice des Mineurs pour Magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique de l’Ouest,
Ouagadougou (Burkina Faso) 29.11-3.12.2004
198
F. Tulkens & Th. Moreau, Droit de la Jeunesse, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 125.
199
Concrétisée dans l'expression typique suivante : un mineur ne commet pas une “infraction” mais un
“fait qualifié infraction”.
200
Le Conseil de l'Europe (European Committee on crime problems, report on the implementation n° R
(87) 20 Social reactions to juvenile delinquency) aurait lui aussi, selon R. Allen, Children and crime
(taking responsibility), o.c., p. 69, posé ce constat.
201
M. van de Kerchove, Des mesures répressives aux mesures de sûreté et de protection ; réflexions
sur le pouvoir mystificateur du langage, R.D.P.C, 1977, p. 245.
202
F.Tulkens, Les Impasses…o.c.,p. 19
203
R.Burnel, la lettre de l’IDEF, France n°39 – novembre 1989, 44
101
Séminaire sur la justice des mineurs
7. Le motif de l’intervention et la façon d’intervenir, conditionnés par l’âge auquel on
intervient, semblent bien plus essentiels pour une justice juvénile moderne.
Faisons une analyse.
La résolution de conflits où des mineurs d’âge sont impliqués se situe à l’interface de plusieurs
zones de tension, problème que tout législateur voulant élaborer ou réformer le droit juvénile
se verra obligé de résoudre.
a) Première zone de tension :
Le principe de la non-responsabilité pénale du mineur est de plus en plus en porte-à-faux avec
son souhait de se voir attribuer une capacité et une responsabilité plus importantes.204
En termes de droits des enfants, il n'existe aucune raison objective et rationnelle de considérer
un enfant, en fonction du cas et dans la mesure où tel ou tel droit lui est applicable, tantôt
comme immature tant sur le plan de son développement corporel que sur celui de sa capacité
d’agir et de penser, tantôt comme disposant d'une capacité de discernement suffisante pour
être traité comme un adulte pour le délit qu'il a commis.
Quiconque reconnaît au mineur une progression par étapes de sa capacité à tous les niveaux de
la vie sociale doit logiquement lui reconnaître aussi une capacité juridique croissante.205
Inversement, la reconnaissance d'une responsabilité ou d'une capacité pénale propre aux jeunes
doit également être acceptée comme s’inscrivant dans le cadre d’une politique globale qui
devra nécessairement être axée sur une capacité juridique croissante.206
b) Deuxième zone de tension :
La volonté de sanctionner et d'éduquer en même temps sera toujours source de tensions.
Sanctionner implique une réaction proportionnelle au fait commis qui sera limitée dans le
temps, éduquer suppose une approche proportionnelle en fonction des possibilités de l'auteur
(intellectuelles, perceptives, sociales, culturelles, liées à son âge, etc.) qui prendra fin lorsque
l'objectif pédagogique sera atteint.
La conjugaison des deux volontés ne fera pas oublier que la finalité, le but de toute
intervention devra, partout et toujours, être l’insertion dans la société, jamais l’exclusion
sociale.
L’intervention judiciaire devra donc être réduite à un temps efficace minimum.
c) Troisième zone de tension :
Une tension207 peut naître de la combinaison des deux principes qui caractérisent une approche
plus honnête à l’égard du jeune délinquant, à savoir le principe de proportionnalité et le
204
D. Ballet, De minderjarige en het strafrecht: een poging tot verheldering van zijn strafrechtelijke
positie, o.c., p.164.
205
D. Ballet, De minderjarige en het strafrecht: een poging tot verheldering van zijn strafrechtelijke
positie dans éd. C.Eliaerts e.a. Van Jeugdbeschermingsrecht naar jeugdrecht?, Kluwer Anvers et
Gouda Quint Arnhem, 1990, p. 164 ; G.De Bock, Enkele knelpunten in de actuele discussie over het
jeugd(beschermings)recht dans Liber amicorum Willy Callewaert, Kluwer, Anvers, 1984, p. 123.
206
G. Decock., Jong, niet gek, wel straf (pleidooi voor een verantwoord jeugdstrafrecht), Mys &
Breesch Gand, 1993, p.9.
207
Chr. Eliaerts, Epiloog: jeugdrecht: wetenschap en beleid dans Van Jeugdbeschermingsrecht naar jeugdrecht?,
Gouda Quint Arnhem 1990, 329(333); même auteur, Jeugddelinquentie en jeugdbeschermingsrecht: een
moeilijke relatie, dans Kinderrechtengids, réd. E.Verhellen e.a., Mys & Breesch Gand, 1994, 1ère partie 11.8.Eliaerts(1999)-19.
102
Séminaire sur la justice des mineurs
principe de subsidiarité. Il convient de faire tendre ces principes vers un équilibre acceptable et
"juste".
Le principe de proportionnalité doit être lu à la lumière de l’article 40.4 de la CIDE ainsi que
des articles 5.1 et 17.1, a) des règles minimales de Pékin (Nations Unies, Résolution 40/33 du
29 novembre 1985), aux termes desquels la réaction sociale au délit doit non seulement être
exactement en rapport avec la nature et la gravité de celui-ci, mais doit également tenir compte
des conditions de vie personnelles, de la personnalité et des besoins du mineur ou du jeune208.
La loi belge de 1965 affirmait que seuls les besoins du mineur déterminaient son application.
Le principe de subsidiarité, que l’on retrouve dans les articles 11, 13.1, 18 et 19 des Règles
minimales de Pékin, dans le préambule et dans les articles 7, 11, 13 à 17 inclus de la
Recommandation n° R (87) 20 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (17 septembre
1987) ainsi que dans l’article B.5 a) de la Recommandation n° R (92) 17 du Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe (19 octobre 1992), exige que l’intervention des autorités soit
limitée à ce qui est nécessaire pour rétablir la norme209, l’intervention optimale étant une
intervention minimale 210.
8. Une autre approche des conséquences de la reconnaissance d’une certaine
responsabilité pénale, d’une responsabilité progressive avec le temps nécessaire211 à
l’acquisition de la connaissance, de l’expérience et de la liberté.
Il ne faut donc pas craindre de sanctionner et d’utiliser ce mot dans son acception première,
mais bien dans les limites suivantes:
a) agissons sur les effets de la responsabilité pénale,
- en fournissant une offre différenciée de mesures, de sanctions et, exceptionnellement,
de peines qui, de par leur contenu sensé et humain212, sont différentes de celles prévues
dans le système pénal applicable aux adultes et qui offrent au mineur, mais également
à sa victime et à la société, une perspective de pacification et de (ré)intégration213 ;
- en continuant encore et toujours à confier l’application de cet éventail de moyens au
juge de la jeunesse spécialisé ; en effet, celui-ci dispose de moyens appropriés et de la
procédure adéquate, il est censé avoir son diplôme « ès être humain », il est mieux
208
Rapport final de la Commission Nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de
la jeunesse 20.01.1996, 2.2.6.1.1.
209
Rapport final de la Commission Nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de
la jeunesse 20.01.1996, 1.4.3.1.
210
L. Dupont, Beginselen van behoorlijke strafrechtsbedeling, Kluwer 1997.
211
Renvoi au point 2, dernier alinéa
212
c’est-à-dire des “sanctions constructives” ; ceci exclue de façon définitive la peine de mort ( entre
autres, le colloque préparatoire au 17ième congrès international de droit pénal, réunis à Vienne en
septembre 2002 le recommandait dans un projet de résolution, Rev.Internat.Dr.Pén., éd Erès
Ramonville Saint-Agne 2004, 580)
213
Avis du Conseil Supérieur de la Justice du 12.12.2001 concernant l’avant-projet de loi portant
réponses au comportement délinquant de mineurs du Ministre de la Justice M. Verwilghen (version
1.07.2001) ; C.Somerhausen, Une recommandation nouvelle du Conseil de l’Europe dans hommage à
Lucien Slachmuylder – Justice et jeunes délinquants, Bruylant, Bruxelles 1989, p.20 (41): « Lorsqu’il y
a lieu de prononcer des sanctions, les mêmes objectifs d’éducation, d’insertion sociale et de
“responsabilisation” du mineur doivent en guider le choix et l’application ».
103
Séminaire sur la justice des mineurs
-
armé pour évaluer tous les intérêts, mais également pour sentir214 les besoins spéciaux
de l’enfant en pleine croissance et en pleine évolution et néanmoins particulièrement
dépendant ;
en permettant au mineur de participer à la détermination de la réaction judiciaire, et
donc sociale, à un délit en le laissant formuler ses propres propositions de solution au
conflit qui l’oppose à la loi ;
b) accordons une attention accrue aux garanties juridiques215, qui doivent être au moins
équivalentes à celles que l’on accorde dans une procédure pénale à une personne majeure,
étant entendu qu’elles doivent comporter les garanties reconnues aux mineurs dans des
conventions internationales relatives aux droits de l’enfant et dans des recommandations
internationales. Il en va de même pour ce qu’on appelle les solutions ou diversions
“alternatives”216. En effet, (nous ne cesserons de le rappeler) le droit de la jeunesse a
tellement eu tendance à donner un autre nom à la réalité que, quelle que soit la réponse
donnée, les garanties juridiques destinées à corriger l’arbitraire et l’illusion que les
changements de terminologie suggèrent également des changements dans le droit de la
jeunesse217, doivent toujours être celles dont est assortie la modalité d’intervention la plus
radicale.
214
J.Trépanier, Le développement historique de la justice des mineurs dans: 100 Ans de Justice
juvénile (bilan et perspectives), o.c., p.41 (conclusion).
215
Il convient d’accorder en permanence la priorité à des garanties juridiques applicables à tous les modèles,
courants, tendances ou mouvements, voire conceptions philosophiques, que l’on peut imaginer et qui se poseront
en nouveautés, à la suite des mouvements oscillatoires bien connus, en paradigmes ou en dogmes dans un droit de
la jeunesse qui s’est toujours prêté et continue à se prêter fortement à des expériences.
216
Une des garanties juridiques les plus fondamentales est parfois oubliée dans le droit de la jeunesse : la
présomption d’innocence :
1. dans la phase provisoire, le mineur ne peut être ni sanctionné, ni puni.
Les mesures provisoires peuvent donc uniquement :
-être de nature conservatoire (comp. Cass.belge 04.03.1997, Arr.Cass.1997, p.307 et art. 37 avec art. 52
loi du 8.04.1965) ;
-être éventuellement de nature à protéger la société ;
-être l’amorce d’un contact avec la victime ;
-servir à des fins d’observation ;
2. Par un jugement, peuvent donc être prononcées à l’égard du mineur:
des mesures sur le fond dont la principale caractéristique est la guidance et la formation ;
- des sanctions, une forme intermédiaire de peine, qui comme les peines présentent la caractéristique
de confirmer la norme et d’être rétributives, mais qui visent plus l’auteur que l’acte et qui
s’inscrivent de ce fait plutôt dans la philosophie de la probation, qui sont davantage axées sur
l’avenir, sur la réinsertion sociale, qui sont constructives, repensées comme une forme humanisée de
rétribution, qui sont sensées, porteuses d’une signification et orientées vers la réparation.
- des peines, qu’il convient de distinguer clairement des sanctions, dans la mesure où elles se
caractérisent au premier plan par la confirmation de la norme et la rétribution et qui sont moins
porteuses d’espoir de réinsertion sociale et d’avenir.
217
Rapport de la Commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, Les Rapports du Sénat (Fr)
n° 340, 2001-2002,p.158 et « chapitre 6, proposition 7 : …établissements pénitentiaires spécifiques qui
devraient progressivement se substituer aux quartiers des mineurs actuellement intégrés dans les
maisons d’arrêt… ». Leçons de l’expérience belge : « souvent les mots changent, les choses
subsistent », comme le disait le député Royer à l’occasion de l’examen de la loi de 1912 sur la
protection de l’enfance (Pasinomie 1912, p. 317). C.Maes, La mesure de garde provisoire en maison
d’arrêt (loi 8/4/65 – art.53) dans éd. de la Conférence Libre du Jeune barreau de Liège 1985, p.19.
104
Séminaire sur la justice des mineurs
c) offrons à la justice juvénile les moyens adéquats pour mener une politique de réponses
diversifiées et nouvelles à la délinquance juvénile, de façon à éviter le recours à des
constructions illogiques telles que le dessaisissement au profit du droit pénal des adultes ;
un système qui se suffirait à lui-même218 et dont j’ai moi-même proposé une version
originale219
9. Mise en garde : la justice juvénile devra être dotée de moyens d’intervention tels, que
le débat sur les âges devienne secondaire.
Les conséquences de l’érosion du principe de l’application du droit commun à partir de 18 ans,
de l’abdication devant le constat de la difficulté de précision des âges et le découragement face
au manque de respect des âges, une fois établis dans la loi, sont dévastatrices pour le système
de justice juvénile spécialisée.
Quand les juges de la jeunesse ne seront plus appelés à gérer tous les problèmes de société
causés par des mineurs, mais quand ils se verront réduits à ne plus s’occuper que de délits et
problèmes tout compte fait moindres et marginaux pour une tranche d’âge toujours plus
courte ( de 12 à 16 ans), la politique ne ratera pas l’occasion de taxer la justice juvénile de
superflue, désuète et onéreuse et, dès lors, de la remplacer par le système de droit commun des
adultes assorti d’éventuelles et rares exceptions au niveau du renversement de la présomption
et de la preuve.
La tendance dans beaucoup de pays à empiéter sur la compétence et la fonction du juge de la
jeunesse (attributions de pouvoir au parquet dans le cadre d’une soi-disant « diversion » bien
pensée, délégation de sa fonction de « juger » et de « pacifier » à des médiateurs sans trop de
garanties de formation, de transparence, de contrôle, de déontologie, plus grande confiance
donnée à des associations civiles pour régler des conflits après des siècles de combat……) tout
en lui enlevant les « cas » jugés trop difficiles(graves) ou déjà trop âgés pour que le système
les supporte, mène à la fin du siècle de la justice juvénile, qu’on vient juste de fêter.
Cent ans de justice juvénile pour en arriver là ?
218
F. Tulkens & Th. Moreau, Droit de la Jeunesse, o.c., 684 ; L.Beaulieu, Chronique de l’AIMJF juillet
1999, 10 : “Un système séparé de justice pour mineurs ne devrait-il pas être en mesure de répondre à
toutes les affaires qui impliquent des délinquants mineurs? Ne faudrait-il pas développer un système
plus complet de justice des mineurs?”
219
avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs (version 1.07.2001) se
retrouve dans Droit de la Jeunesse, Edition Formation Permanente CUP Liège, février 2002, vol.53, 7
et ( y compris l’exposé des motifs) dans T.J.K. n° spécial octobre 2001/4
105
Séminaire sur la justice des mineurs
106
Séminaire sur la justice des mineurs
LES RÉPONSES PÉNALES
(RÉPONSES CLASSIQUES)
Oscar D’AMOUR
1. Introduction
Élaborer les réponses classiques en droit pénal, c'est faire appel à des repères qui font autorité
dans le domaine et dont la valeur est universellement reconnue. Ces repères ont été souvent
questionnés, parfois modifiés, souvent réaffirmés, mais jamais rayés. À travers les ans, ils ont
bâti, au quotidien, une tradition dans le respect des droits fondamentaux. Bref, les réponses
classiques sont celles qui sont fournies et qui s'inscrivent dans un système de droit.
2. Principe généraux
2.1 Evolution des principes
Le droit pénal est, de par son essence, un régulateur des comportements et un soutien aux
valeurs fondamentales d'une société. À son origine, les peines associées au crime n'étaient pas,
à priori, punitives. Elles étaient axées sur la compensation de la victime pour les dommages
subis. La culpabilité morale était secondaire220.
Le Roi assumait une responsabilité en regard de la justice pénale afin de protéger la paix du
royaume. Il tentait de contrôler la vengeance privée en instaurant un système sous sa
responsabilité.
Par la suite, le Roi s'est retiré de cette justice élémentaire en abandonnant son pouvoir absolu
sur cette sphère d'activités pour donner ainsi naissance à un système judiciaire qui aura pour
fonctions de rendre la justice pour et au nom de la société.
Ainsi, une autorité aura la responsabilité de saisir le tribunal des comportements contraires à la
loi pour qu'ils soient sanctionnés selon la loi pour assurer ainsi la paix sociale.
En prenant en compte les droits de la personne dans la sanction des comportements déviants,
nous assistons progressivement à l'abandon de la déportation, du bannissement, des châtiments
cruels, de la peine de mort et de la torture comme punition pour garantir la paix sociale.
L'emprisonnement comme peine privative de liberté devient le châtiment ultime dans
l'exercice de la répression des comportements criminels. S'ajouteront, dans le cadre des peines,
d'autres mesures non-privatives de liberté dont l'objectif ultime est de réprouver les
comportements illégaux et de les sanctionner dans une perspective de réhabilitation.
220
BÉLIVEAU, Pierre et VAUCLAIR, Martin, Traité général de preuve et de procédures pénales, 10e
éd. 2003, Éditions Themis, U. de Montréal (Montréal), page 8
107
Séminaire sur la justice des mineurs
2.2 Finalité recherchée par l’application de la peine
La finalité du droit pénal est d'abord de punir. Comme le souligne Hélène Dumont:
«Le châtiment pénal se caractérise par une souffrance qu'une société collective inflige
à dessein […] à un transgresseur de normes et de valeurs que cette société considère
comme fondamentales.»221
2.3 Répression et réhabilitation
À son origine, le droit pénal est répressif. Il a pour but de protéger la société et en
conséquence, il prévoit des peines qui doivent être dissuasives. La réhabilitation passe d'abord
par la privation de liberté qui est proportionnelle au délit commis.
Avec le temps, une autre considération s'ajoute aux jalons déjà existants, à savoir: l'évaluation
du délinquant. Les recherches en criminologie nous ont permis de découvrir la dimension
psychosociale du délinquant et de nous faire franchir les à priori et perceptions subjectives.
L'aire de la réhabilitation suggérait une nouvelle façon de faire. La répression n'était plus le
seul objectif à poursuivre.
3. La loi
Les États ont aussi précisé les règles dans la loi. Ils ont cherché, à la lumière des chartes et des
différents instruments internationaux et régionaux, à établir des limites pour assurer la
protection de la société par une application individualisée de la peine à imposer.
En pratique, les objectifs visés par l'imposition d'une peine se résume comme suit:222
a)
dénoncer le comportement illégal;
b)
dissuader les délinquants et quiconque de commettre des infractions;
c)
isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
d)
favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
e)
assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
f)
susciter chez les délinquants la conscience de leurs responsabilités notamment,
par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
Avec le temps, la justice pénale s'écarte des théories d'antan pour se calquer sur les précédents
élaborés par les décisions judiciaires dont les lignes directrices s'inspirent de nouveaux
concepts élaborés par les sciences du comportement et les balises enchâssées dans les chartes
devenues soit des lois constitutionnelles ou quasi-constitutionnelles.
Afin d'éviter une disparité des peines et en assurer la prévisibilité, les États ont établi des
règles et élaboré de nouvelles façons d'intervenir privilégiant la participation de la
communauté.
Pour protéger la société et sanctionner les comportements illégaux, l'État favorise la
responsabilisation du délinquant tout en s'attaquant à la cause du comportement illégal.
221
DUMONT, Hélène, Pénologie (le droit canadien relatif aux peines et aux sentences), Édition
Themis, Montréal, 1993, p. 2
222
DUBOIS et SCHEIDER, Code criminel et lois connexes annotés, 2004, éditeur Publications CCH
ltée, Brossard (Québec), Canada, art. 718
108
Séminaire sur la justice des mineurs
4. Processus d’application de la peine
Dans un premier temps, la peine doit refléter la gravité de l'infraction et le degré de
responsabilité du délinquant. Ainsi, comme le soulignait la Cour d'appel du Québec:
«On peut dire qu'une sentence ou peine a cette qualité de convenance quand elle est
proportionnée à la gravité objective de l'infraction et à sa gravité subjective pour le
délinquant, et de plus, elle a les qualités nécessaires d'exemplarité protectrice et de
correction curative.»223
Pour qu'une sentence (peine) ait cette qualité, le tribunal doit prendre en compte les situations
aggravantes (abus de confiance sur la victime, crime en gang) ainsi que des facteurs objectifs
et subjectifs (antécédents familiaux, dangerosité du délinquant, acte prémédité, regret du geste,
psychologie du délinquant).
Après cette évaluation, il importe que la sentence (peine) à rendre ne soit pas un instrument de
vengeance populaire. Comme le souligne la Cour d'appel du Québec:
« Il importe de faire en sorte que l'accusé ne devienne pas le «paratonnerre» sur lequel
doit s'abattre toute la foudre de l'ensemble de ces autres dossiers entendus sur une base
régulière devant nos tribunaux […]. Cependant, il doit servir d'exemple pour dissuader
les auteurs de ce genre de crimes […] de les commettre ou de songer à les
commettre.»224
Par la suite, vient le processus du choix de la peine la moins contraignante pour atteindre les
fins du droit pénal.
Comme le principe du droit à la liberté est le fondement d'une société de droit, il faut, avant
d'envisager une peine privative de liberté, examiner toutes les possibilités d'imposer une peine
ne comportant pas cette contrainte.
Le délinquant ne peut être condamné à une peine de privation de liberté sans que le tribunal ait
au préalable considéré d'abord toutes les autres peines moins contraignantes.
À supposer que la peine privative de liberté est celle qui doit être rendue, il faut aussi
examiner s'il y a lieu d'imposer une peine de sursis à l'emprisonnement si les conditions
prévues par la loi sont réunies.
5. Situation des mineurs : les acquis
Les principes reconnus et le processus suivi pour les adultes reçoivent application dans la
situation des mineurs.
En plus des droits consentis aux adultes, les mineurs doivent bénéficier de l'application de
droits supplémentaires qui leur sont consentis en raison de leur situation particulière, car ils ne
peuvent, en raison de leur vulnérabilité et leur degré de maturité, être traités comme des
adultes.
Voyons maintenant l'évolution et les acquis de la justice pénale pour mineurs dans le cadre des
réponses classiques en droit pénal.
223
224
R. c. Lemire et Gosselin, [1948], 92 C.C.C., 201
R. c. Côté, REJB, 2003-38729 (C.S.)
109
Séminaire sur la justice des mineurs
5.1 Lieu de garde
Le premier acquis des mineurs remonte au 19e siècle alors qu'il n'y avait aucune distinction
entre l'adulte et le mineur quant à son traitement dans le système de la justice pénale.
Dans l'application des peines, il fut convenu que les mineurs incarcérés ne seraient plus gardés
avec les prisonniers adultes, et ce, afin de les soustraire de l'influence négative des adultes
criminalisés, d'une part et de leur offrir l'encadrement qui répond à leurs besoins, d'autre part.
5.2 Evolution des tribunaux pour mineurs
À la fin du 19e siècle, les tribunaux pour mineurs ont vu le jour (1899)225.
Au début du 20e siècle jusque dans les années 1970, un système de justice pour mineurs
prendra forme et jugera des situations de mineurs à la lumière d'un modèle protectionnel226.
Les mineurs ne sont pas traités comme des criminels mais plutôt comme des jeunes qui ont
besoin d'être guidés et aidés. Il fallait les retirer du milieu dans lequel ils commettaient des
délits afin de les soustraire aux influences négatives qui sont considérées comme la cause de
leurs comportements déviants.
La rétribution, l'exemplarité et la proportionnalité en regard du délit ne font pas le poids en
regard d'une approche axée sur le traitement dans le modèle protectionnel.
Le type de délit n'était pas déterminant; le besoin de traitement doit être identifié et il constitue
la base de la mesure ainsi que de la durée de la décision.
Il faut se rappeler que la notion de protection (enfant-victime) et la notion de délinquant
(enfant-agresseur) étaient amalgamées à cette époque. L'intervention de l'État dans la famille
se justifiait par son pouvoir d'intervention basé sur la doctrine anglaise de la parens patriae.
5.3 Garanties procédurales
Avec l'avènement du modèle de justice à compter des années '70, une nouvelle approche verra
le jour. Les mineurs se verront reconnaître les mêmes droits que ceux consentis aux adultes.
La réponse judiciaire à leurs besoins prend alors un tout autre sens227.
Dans l'exercice de sa juridiction, le tribunal doit, d'une part, s'assurer du respect des garanties
fondamentales dont bénéficie le mineur; d'autre part, dans l'exercice de sa discrétion judiciaire,
le tribunal décidera de la mesure applicable la moins contraignante et dans le meilleur intérêt
du mineur.
Les peines devront donc, comme le précise l'article 17.1 a) des Règles de Beijing:
«Être proportionnées, non seulement aux circonstances et à la gravité du délit, mais
aussi aux circonstances et aux besoins du délinquant ainsi qu'aux besoins de la
société.»
La peine imposée au mineur doit respecter le principe que la mise sous garde est subordonnée
à l'obligation d'imposer la peine la moins contraignante qui offre, par ailleurs, la meilleure
chance de réadaptation et de réinsertion sociale.
225
TRÉPANIER, Jean, Le développement historique de la justice des mineurs, 100 ans de justice
juvénile: Bilan et perspectives, Institut universitaire Kurt Bösh, Sion, Suisse, avril 2000, pp. 21 et ss.
226
d'AMOURS, Oscar, Les grands systèmes: modèle protectionnel, modèle de justice: Bilan et
perspectives, Institut universitaire Kurt Bösh, Sion, Suisse, 2000, pp. 98 à 102
227
Note 6, pp. 27-28
110
Séminaire sur la justice des mineurs
Ainsi, dans un premier temps, le tribunal doit vérifier si d'autres mesures sociales appropriées
peuvent répondre aux objectifs poursuivis en matière pénale et ce, avant d'examiner ou
d'envisager le placement sous garde.
5.4 Règles de subsidiarité
Selon les règles et les conventions internationales, une autre balise s'ajoute: la réponse de la
justice pénale pour mineurs doit appliquer la double règle de subsidiarité, soit en regard de la
communauté et dans le choix de la mesure judiciaire.
5.4.1 En regard de la communauté
Les Règles de Beijing préconisent une prise en charge du mineur par la communauté. En
autant que faire se peut, cette option est privilégiée à l'intervention judiciaire pour traiter
efficacement, équitablement et humainement le mineur en conflit avec la loi.
Certains identifieront cette option comme de la "déjudiciarisation" ou encore une façon
d'accorder préséance à l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire.
Il faut éviter d'élaborer des ordres de préséance mais privilégier une intervention à partir des
besoins du mineur et de la protection de la société. En certaines circonstances, l'antériorité de
l'intervention sociale ne pourra être envisagée en raison de circonstances particulières.
S'assurer de la prise en charge de l'enfant par une communauté qui le guide, le supporte et le
valorise, est un moyen d'assurer sa réhabilitation si cette voie est dans son meilleur intérêt et
qu'elle répond aux besoins de la société.
5.4.2 En regard des mesures judiciaires
La peine qui doit être imposée au mineur ne doit pas être déterminée dans une perspective
stricte de justice pénale. Aussi, celle ne comportant pas de privation de liberté doit être
privilégiée comme sanction à un comportement illégal.
À l'étape de la procédure judiciaire, le tribunal doit vérifier en premier lieu si la mesure ou la
peine qu'il doit imposer permet le maintien du mineur sous la responsabilité de ses parents. Il
doit aussi s'assurer que ce faisant, la mesure aura pour effet de responsabiliser le mineur avec
le concours de la communauté.
Si après un examen exhaustif, le tribunal en arrive à la conclusion qu'il doit soustraire le
mineur de son milieu familial et de sa communauté, il doit examiner la possibilité d'orienter le
mineur vers une prise en charge hors de sa famille, par une ressource non-institutionnelle du
type famille d'accueil ou foyer de groupe.
Enfin, après avoir éliminé l'ensemble des possibilités et ressources et que pour poursuivre les
objectifs de la justice pour mineurs, le délinquant doit être traité en institution, le privant ainsi
de sa liberté, le tribunal doit donc, en pareilles circonstances, ordonner une mesure pour une
période déterminée.
Selon les principes établis dans les instruments internationaux, cette mesure doit, en tenant
compte des besoins de l'enfant, être de courte durée. Le mineur devrait aussi avoir la
possibilité de demander la révision de la mesure de garde si la situation change au cours de ce
placement en institution.
En résumé, soulignons que la réponse classique de la justice pénale pour les mineurs doit être
subsidiaire à toute autre mesure communautaire et doit s'inscrire dans le choix d'une mesure la
moins privative de liberté.
111
Séminaire sur la justice des mineurs
La mesure privative de liberté est la mesure extrême, que seul un tribunal compétent, impartial
et indépendant doit être autorisé à rendre dans une société de droit.
Enfin, cette décision d'un traitement en institution doit être assortie d'un droit d'appel et aussi
de révision devant une autorité compétente.
6. Conclusion
Avec le temps, la réponse classique, soutenue par un cadre légal, a pris différentes formes et
elle a requis des adaptations avec l'amélioration des connaissances du comportement humain.
Aujourd'hui, les solutions se présentent sous la forme d'options qui oscillent entre
l'intervention communautaire et judiciaire. Ainsi, si les réponses pénales contemporaines sont
diversifiées, le cadre est et doit demeurer classique en maintenant en tout temps la possibilité,
pour le mineur, de faire appel au système judiciaire pour la sanction selon la loi de son
comportement illégal.
112
Séminaire sur la justice des mineurs
LES ALTERNATIVES
Michel LACHAT
La première mission de la prison est de contribuer au maintien de la sécurité publique. Cette
fonction sécuritaire semble aujourd’hui faire consensus aussi bien pour neutraliser les adultes
que les mineurs délinquants. D’ailleurs, beaucoup de pays ont des réactions répressives à
l’égard des mineurs délinquants et la plupart d’entre eux ont même renforcé leur loi en mettant
en vigueur des mesures coercitives plus sévères. Cela vient évidemment de la montée de la
violence et de faits divers qui défrayent les médias.
Il est toutefois bon de rappeler que vers les années 1970, un mouvement dénonçant la prison
pour mineurs a vu le jour. S’appuyant sur plusieurs études criminologiques et statistiques
relatant les effets nuisibles que produisait la prison sur les jeunes, il lançait un cri d’alarme qui
a été entendu par les géniteurs de la Convention relative aux droits de l’enfant et les
concepteurs des grands textes internationaux.
En effet, les grands instruments internationaux (les Règles de Beijing, les Principes de Riyad,
les Règles de la Havane, la Recommandation du Conseil de l’Europe sur les réactions sociales
de la délinquance juvénile) affirment qu’il faut, chaque fois que cela est possible, rechercher
un règlement extra-judiciaire, éviter autant que possible la stigmatisation de l’intervention
pénale, conserver pour le droit pénal des mineurs son objectif éducatif et la réinsertion sociale
et porter l’accent sur les réponses alternatives.
A partir du constat que la prison est l’école du crime pour les jeunes et moins jeunes, constat
qui évidemment va à l’encontre du principe « plus de répression » et de l’opinion publique
sensibilisée par les incivilités croissantes, il a fallu chercher d’autres formes de réponses
sociétales par rapport à cette délinquance juvénile. Ainsi, dans la plupart des pays, on teste de
nouvelles alternatives sociales et thérapeutiques pour répondre autrement à la délinquance
juvénile.
La liste des alternatives traitées ici n’est sans doute pas exhaustive, mais elle démontre l’effort
déployé pour amener d’autres solutions à la détention chez les mineurs.
Parmi les alternatives très en vue actuellement, il faut en citer trois qui réintroduisent la
victime dans le procès et cherchent à faire comprendre à l’auteur l’inanité de son acte en lui
faisant réparer le préjudice causé. C’est ce que l’on nomme la justice réparatrice !
1. La restitution, le dédommagement aux victimes
Cette première possibilité s’intègre principalement dans le cadre d’une conciliation. Il s’agit
alors de confronter auteur et victime et de trouver un arrangement qui consiste la plupart du
temps en un moyen de replacer la victime dans la même situation que celle avant la
commission de l’infraction à son encontre. La restitution est particulièrement adaptée en cas
de vol ou de dommages à la propriété.
113
Séminaire sur la justice des mineurs
Cette approche permet à l’auteur de réparer le préjudice causé à la victime par son
comportement et à la victime, ainsi dédommagée, de « passer l’éponge », notamment en
retirant sa plainte pénale. Pour les infractions poursuivies sur plainte, cette façon de procéder
évite un jugement au mineur, puisque la procédure va être close par un non-lieu. En Suisse, la
tentative légale de conciliation est obligatoire dans les affaires poursuivies sur plainte.
Cette possibilité de réparation existe également lors d’une infraction poursuivie d’office. Le
juge tiendra dès lors compte des démarches entreprises par le mineur pour dédommager la
victime et il pourra, selon les circonstances, aller jusqu’à renoncer à punir le mineur.
2. La médiation pénale
Il s’agit de la rencontre entre auteur et victime d’infraction devant une personne neutre (le
médiateur) qui vise tout à la fois la réparation (partielle ou totale) du dommage subi par la
victime et la prise de conscience de l’auteur du tort qu’il a causé en le dissuadant de récidiver.
Si cette nouvelle forme de procédure extra-judiciaire est née pratiquement en même temps que
la Convention, elle n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. D’ailleurs, son véritable
statut, comme celui du TPC (travail au profit de la communauté), reste confus. En effet, s’agitil d’une mesure ou d’une possibilité de règlement extra-judiciaire ? Mais, quelque que soit son
statut, on trouve des caractéristiques communes : la prise de conscience par l’auteur de la
portée de l’acte posé, la possibilité pour lui de réparer, même symboliquement sa faute, la
facilitation de son insertion dans la société et l’évitement de la récidive.
Un mot sur la Suisse pour vous dire que la nouvelle Loi fédérale régissant la condition pénale
des mineurs, dont l’entrée en vigueur aura lieu vraisemblablement en 2006, a introduit la
médiation dans ses articles 8 et 21 al. 3.
A Fribourg/Suisse, la médiation est pratiquée officiellement depuis le 1er novembre 2004, date
à laquelle un bureau de médiateur a été mis sur pied, suite à l’introduction de ce moyen dans le
code de procédure en juillet 2002 et à l’ordonnance du 16 décembre 2003 sur la médiation
dans la juridiction pénale des mineurs.
3. Le travail au profit de la communauté
Il s’agit d’« une mesure engageant la participation active du jeune condamné à une œuvre de
solidarité sociale et donnant l’occasion à la communauté de participer également aux
traitements des jeunes en facilitant l’organisation de cette activité » (rapport final Conseil de
l’Europe R 87, p. 15).
Il s’agit pour lui de payer en quelque sorte sa dette envers la société, du fait d’avoir transgressé
des règles imposées par elle. Cette sanction ou mesure, selon les pays, est avant tout éducative
- le fait d’être occupé et actif, mais également de se sentir utile, ne peut être que bénéfique -,
est effectuée durant les loisirs, n’est pas rémunérée et peut appeler de nouvelles sanctions si le
travail n’est pas fait ou mal exécuté.
114
Séminaire sur la justice des mineurs
Plusieurs alternatives à la détention qui ne font pas intervenir directement les victimes existent
depuis longtemps. D’autres tentent de se développer. Enfin, d’autres encore ont vu le jour
récemment.
4. Les prestations personnelles ou programmes de réinsertion sociale
Les prestations personnelles peuvent prendre la forme de cours où la participation active du
mineur est requise. Ces cours ont un lien avec la nature de l’infraction commise : cours
d’éducation routière, cours d’éducation à la santé, cours d’éducation sexuelle, etc. Ces cours
sont exécutés de telle manière que les mineurs ne soient pas entravés dans leur scolarité ou
leur formation.
5. Le traitement intermédiaire
Il s’agit d’une mesure développée aux Pays-Bas et qui n’a, semble-t-il été exportée qu’en
Angleterre. Le traitement intermédiaire consiste à ouvrir des « centres de jour » où le mineur,
sans emploi ou sans formation, vient après l’école ou même pendant la journée recevoir une
aide sous différentes formes. Il s’agit en fait d’une mesure qui se situe entre la liberté
surveillée et la prison. Le but de cette mesure est d’améliorer les aptitudes sociales d’un jeune
récidiviste du comportement délinquant. L’idée est ici d’aider le jeune au moyen d’une action
éducative intensive.
Ainsi, on l’informe sur les questions sociales brûlantes, telles que l’alcoolisme, les drogues
interdites, la prostitution etc., on le sensibilise aux règles de la vie en société, on l’aide à
trouver un emploi, à gérer un budget, on lui offre des activités de loisirs, voire des thérapies
centrées sur le délit commis.
Ce traitement est donc une véritable alternative à la privation de liberté ou au placement
institutionnel. Il est regrettable que ces « centres de jour », qui pourraient devenir des « centres
du soir » ou encore des « centres du week-end » n’ont pas pour l’instant trouvé l’écho mérité.
Ces centres pourraient en effet constituer des réponses simples et bon marché à toute la
douloureuse problématique des banlieues, par exemple.
6. L’amende
L’amende est une véritable sanction. Elle est intéressante du point de vue de l’impact sur le
jeune. En effet, un mineur a souvent un faible salaire d’apprenti ou ne gagne pas en tant
qu’étudiant. L’argent est synonyme de liberté et d’indépendance chez les jeunes. Les priver
d’une partie de leur salaire ou de leur argent de poche les oblige à restreindre leurs sorties ou
dépenses.
L’avantage de cette sanction est son côté ponctuel. Le mineur, une fois sa facture payée, peut
passer à autre chose.
115
Séminaire sur la justice des mineurs
Toutefois, cette sanction ne peut être utilisée que dans les pays économiquement riches. Là où
il y a la pauvreté, une telle sanction est illusoire, voire ridicule. En outre, le montant de
l’amende doit rester modeste afin de ne pas mettre en péril la situation de l’individu.
7. Le sursis
Il s’agit d’octroyer au mineur délinquant condamné à une peine de détention un sursis, un
délai d’épreuve, pendant lequel il doit bien se comporter et surtout ne pas commettre de
nouvelles infractions. Si, durant ce délai, tout se passe bien, le jeune n’aura pas alors à purger
sa peine de détention.
Le sursis a comme but principal de prévenir la récidive et de responsabiliser le délinquant du
point de vue de la commission de nouvelles infractions. Il a comme une épée de Damoclès audessus de la tête, c’est en fait la possibilité de révoquer ce sursis en cas de récidive.
L’avantage est d’éviter au mineur de subir sa détention, pour autant que son comportement
pendant le délai d’épreuve soit positif. Et c’est uniquement de lui et de son comportement que
dépend son séjour ou non en prison. C’est alors un excellent moyen de lui faire prendre
conscience des conséquences de son comportement, envers les autres, mais également envers
lui-même.
De plus, il est possible d’assortir le sursis de règles de conduites, qui, si elles ne sont pas
respectées, peuvent également amener le juge à se poser la question de la révocation du sursis.
8. La semi-liberté
Ce système connaît un succès dans plusieurs pays : Allemagne, Suisse, Italie, Pays-Bas,
France, Etats-Unis, Angleterre et Canada.
Il s’agit en fait d’agir sur la personnalité du mineur, ainsi que son environnement familial et
son intégration sociale
La semi-liberté est, comme son nom l’indique, une possibilité pour le détenu d’être à moitié
libre. Ceci signifie qu’il pourra sortir de prison la journée, mais devra passer la nuit derrière
les barreaux. Ainsi, il pourra exercer une activité lucrative et séjourner régulièrement dans son
propre environnement.
Pour un mineur, l’avantage de ce système est de pouvoir laisser la possibilité de suivre une
formation, un apprentissage ou des études de manière normale, avec d’autres jeunes. Ainsi,
son avenir professionnel et social ne sera pas trop entravé du fait d’une longue détention.
De plus, le fait de retourner en prison chaque soir, et de devoir ainsi respecter des horaires,
peut être une manière d’inculquer au jeune une règle essentielle de socialisation.
116
Séminaire sur la justice des mineurs
9. Le placement extérieur
Le placement extérieur franchit une étape de plus que la semi-liberté.
En France, c’est une mesure d’aménagement de la peine qui s’applique aux détenus en fin de
peine ou à des condamnés à une peine n’excédant pas une année et qui permet au condamné
d’être employé au dehors d’un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par
l’administration. Le détenu reste sous ce régime de détention et est contrôlé par
l’établissement pénitentiaire.
Contrairement au semi-libre, le détenu placé à l’extérieur peut être hébergé en dehors du
milieu carcéral. Mais il peut être décidé à tout moment de la réintégration du détenu dans
l’établissement pénitentiaire dont il dépend.
Ces placements à l’extérieur peuvent s’exercer sous surveillance pénitentiaire continue ou non.
S’il n’y a pas de surveillance pénitentiaire, les détenus sont en général confiés à une structure
d’accueil n’ayant aucune responsabilité sur le plan de la surveillance pénitentiaire, mais a
néanmoins un devoir d’information sur le déroulement de ce placement.
Autant pour le placement extérieur que pour la semi-liberté, le but est de permettre une
ouverture du monde carcéral vers l’extérieur, de faciliter une réinsertion professionnelle
notamment.
Certes, dans ce cas, la structure est plus souple et demande plus de responsabilités de la part
du jeune. Cette possibilité s’apparente un peu au sursis, dans le sens où si le détenu n’observe
pas les règles, il peut être réintégré dans l’établissement pénitentiaire. Néanmoins, la
surveillance est plus accrue que pour le sursis, car c’est l’établissement pénitentiaire qui en est
directement responsable.
10. La libération conditionnelle
En Suisse, la libération conditionnelle peut être accordée à un condamné à la détention qui a
déjà subi deux tiers de sa peine, mais au moins un mois. L’autorité d’exécution pourra le
libérer, d’office ou sur requête, après avoir entendu le directeur de l’établissement. Elle fixera
un délai d’épreuve de six mois au moins et de trois ans au plus, avec astriction à un patronage,
et pourra imposer des règles de conduite.
Ainsi, le délai d’épreuve, le patronage obligatoire et les règles de conduites permettent de
suivre l’évolution ultérieure du mineur, de voir si les améliorations se confirment, de
l’encadrer, mais aussi de pouvoir prendre immédiatement de nouvelles mesures si la situation
venait à se dégrader.
L’objectif de cette possibilité est de permettre un avenir équilibré et harmonieux pour le jeune
dans un esprit éducatif, là aussi.
117
Séminaire sur la justice des mineurs
11. La surveillance électronique
Il existe diverses techniques de surveillance électronique :
-
-
les contacts téléphoniques ou aléatoires de l’agent de surveillance au détenu (avec
vérification de la voix par empreinte vocale)
le déplacement à l’intérieur d’un périmètre défini (avec vérification par un ordinateur
situé au domicile et connecté à un ordinateur central). Il faut relever que les pays
d’Europe sont encore aujourd’hui assez réticents à utiliser ces deux techniques pour les
mineurs. Toutefois, l’Angleterre et le pays de Galles l’emploient pour des adolescents
âgés de plus de 16 ans
le port d’un bracelet qui émet un signal en réponse à un appel téléphonique. Dans le
mode passif, la personne ou l’ordinateur à l’origine de l’appel sait alors que le porteur
du bracelet a répondu. Le bracelet ne peut être enlevé ni faussé par son détenteur. Dans
le mode actif, le bracelet émet un signal continu vers un terminal téléphonique situé au
domicile du porteur du bracelet ; ce terminal peut être connecté à un ordinateur. Le
signal s’arrête si le porteur du bracelet s’éloigne du téléphone au-delà d’un rayon
déterminé. Si ce système de surveillance est vivement souhaité comme une mesure de
substitution à l’emprisonnement, notamment en Angleterre et Outre-Atlantique, il pose
toutefois des problèmes sérieux, en particulier en cas de pannes ou de défaillances du
matériel. De même, il est considéré comme inacceptable moralement et socialement
par des citoyens qui le considèrent comme une ingérence dans la vie privée des
individus.
12. L’assignation à domicile
Cette mesure emboîte le pas de la précédente. En effet, afin d’éviter l’enfermement d’un
délinquant, il est possible de l’assigner à domicile et d’exercer une surveillance soit par un
agent, soit au moyen du bracelet électronique. Ce moyen permet à l’individu de maintenir des
relations sociales et familiales meilleures et parfois de conserver un emploi. Elle paraît avoir
un effet dissuasif, selon le faible taux de délinquance au cours du programme de surveillance.
13. Les mesures de diversion
Il existe des formules permettant aux tribunaux de montrer de l’indulgence face à certains
délinquants et de soutenir la motivation à la réhabilitation. Ainsi, dans les mesures de
diversion sont compris :
- le classement pur et simple d’une affaire, quand les faits sont de peu d’importance
- le classement sous condition de réparation
- la déjudiciarisation qui a pour objectif « d’éviter la prise en charge par le système de
justice pénale et les conséquences qui en découlent ». Le principe fondamental est que
toute infraction commise par un mineur doit conduire à une réponse ferme de la
justice. La déjudiciarisation simple repose sur le principe de l’opportunité de suspendre
les poursuites (par pouvoir discrétionnaire de la police ou du parquet, en Suisse des
juges eux-mêmes). Elle est mise en œuvre pour éviter la procédure pénale classique et
conclure l’affaire sans que le tribunal ne rende une décision de culpabilité.
118
Séminaire sur la justice des mineurs
Ces quelques pistes devraient sans doute alimenter les ateliers et pourquoi pas fournir des
éléments qui permettront de respecter le principe de l’emprisonnement comme solution ultime.
119
Séminaire sur la justice des mineurs
120
Séminaire sur la justice des mineurs
SYSTEMES DE JUSTICE DANS LES PAYS DES CONFERENCIERS
LA BELGIQUE : MODELE DE PROTECTION DE LA JEUNESSE
Christian MAES
« Le mot est modifié, mais la chose subsiste »
Débuté Royer à la Chambre belge, le 2 avril 1912
1. La Belgique décida en 1912 de placer l’enfant hors du droit pénal, réservé aux adultes, par
la loi sur la protection de l’enfance. En 1965, la loi relative à la protection de la jeunesse
ne fera dépendre l’intervention judiciaire, non plus uniquement de la perpétration d’une
infraction commise par le mineur, mais élargira le champ d’intervention des autorités au
domaine de la situation de danger social dans lequel le mineur se trouve avec pour but : sa
protection et son traitement.
La même approche et les mêmes mesures, dites « de protection » seront dès lors
appliquées à l’enfant délinquant comme à l’enfant en situation dite « de danger ».
Ce système unique de protection perdurera au niveau fédéral jusqu’aux années ’80, lorsque
la Belgique devint un Etat régionalisé, ce qui eut pour conséquence, la fin de l’unité
d’approche. Les Communautés (linguistiques) devinrent exclusivement compétentes pour
l’aide aux personnes et dès lors à la jeunesse, tandis que l’Etat fédéral resta compétent
pour la détermination des mesures applicables aux jeunes délinquants et entre autres pour
l’organisation de la juridiction juvénile spécialisée et la procédure y étant d’application.
Il s’en est suivi que le juge fédéral, selon une procédure fédérale, applique, soit le décret
de sa Communauté linguistique envers l’enfant en situation de danger ou d’éducation
problématique, soit la loi fédérale envers l’enfant ayant commis un fait qualifié infraction,
tandis que dans les deux cas, l’exécution des mesures ainsi prononcées se fera dans les
structures d’accueil des Communautés.
2. La Belgique connaît, à tous niveaux, le juge unique de la jeunesse. Puisqu’il est supposé
juger dans l’unique intérêt supérieur de l’enfant et être la personne de référence et de
confiance de celui-ci, la logique a conduit vers ce personnage central dans le parcours
protectionnel du jeune. C’est le même juge qui décide des mesures au provisoire, qui juge
sur le fond et qui soigne le suivi de ce qu’il prononce. Son appréciation est si souple et si
large qu’il peut à tout moment, d’office modifier, proroger ou mettre fin à toute mesure
(sauf bien sûr en cas d’appel, auquel cas ce sera le juge unique de la chambre de jeunesse
de la Cour d’appel qui aura cette faculté).
3. Ce juge unique, par contre, ne peut jamais se saisir lui-même de l’affaire d’un jeune. La
partie lésée, partie civile, n’en a pas le pouvoir, le monopole est réservé au ministère
public, spécialement désigné pour traiter des affaires de mineurs d’âge.
Exceptionnellement le juge d’instruction peut prendre des mesures envers un mineur
délinquant, mais il doit en aviser simultanément le juge de la jeunesse, qui exerce dès ce
moment ses attributions et statue dans les deux jours ouvrables.
121
Séminaire sur la justice des mineurs
4. Le juge territorialement compétent est celui de la résidence des parents, tuteurs ou
personnes qui ont la garde de la personne de moins de 18 ans. Lorsque cette résidence est
située à l’étranger, est inconnue ou incertaine, ou quand la saisine intervient quand le
mineur a atteint l’âge de 18 ans, le juge de la jeunesse du lieu du délit sera compétent.
5. Les âges qui déterminent l’intervention du juge de la jeunesse:
ƒ De 0 à 18 ans
ƒ Au provisoire tout jeune comparaîtra
ƒ Sur le fond seul le mineur à partir de 12 ans sera cité à comparaître
ƒ Les institutions d’observation et d’éducation fermées ne sont réservées qu’aux mineurs
à partir de 12 ans, le centre fédéral fermé, crée en 2002, à partir de 14 ans
ƒ Le juge peut se déclarer compétent pour prolonger des mesures jusqu’à l’âge de 20
ans, lorsque des faits ont été commis après l’âge de 17 ans
ƒ Pour des faits commis entre 16 et 18 ans, le tribunal de la jeunesse peut renvoyer au
droit pénal commun (dessaisissement) après examen psycho-médico-social du jeune et
lorsqu’il appert qu’aucune mesure du vaste arsenal protectionnel lui est encore
applicable; pour les infractions aux lois sur la police du roulage commis dans la même
tranche d’âges, le tribunal de police du droit commun est d’office compétent.
6. Les mesures qui peuvent être prises au provisoire sont des mesures de garde, de
préservation et d’observation, tant ambulatoires que résidentielles. Depuis la loi de 1994
celles-ci sont limitées à 6 mois au maximum à partir de la réquisition de saisine du
ministère public jusqu’à la communication du dossier à celui-ci. Il lui reste alors 2 mois
pour citer sur le fond.
Les mesures qui peuvent être prises sur le fond sont des mesures de garde, de préservation
et, cette fois-ci, d’éducation, tant ambulatoires que résidentielles.
De toutes ces mesures sont exclues: la prison et l’amende
Des mesures quasi-identiques, prévues dans les décrets des Communautés, elles, sont
applicables aux jeunes en situation d’éducation problématique, n’ayant commis aucun
délit. Elles s’exécutent d’ailleurs dans les mêmes structures d’accueil des Communautés,
seules compétentes pour leur organisation et leur gestion.
La médiation et autres alternatives se sont, et ont pu se développer à stade expérimental
grâce à l’article fourre-tout 37.2 de loi relative à la protection de la jeunesse de 1965.
7. Pour ce qui concerne les mineurs en situation d’éducation problématique, il existe une
compétence subsidiaire pour le juge de la jeunesse. Le ministère public n’est en mesure de
le saisir que si le parcours à travers les structures administratives communautaires, tendant
à obtenir l’aide acceptée et volontaire, ne mènent à rien et si celles-ci décident d’en aviser
le parquet ou exceptionnellement lorsque le danger physique ou moral de l’enfant exige
une intervention urgente et immédiate.
8. La procédure devant la juridiction de la jeunesse est un mélange de règles spécifiques
tendant à la célérité des mesures, au respect des droits de l’enfant et de sa défense et, en
l’absence de telles règles spécifiques, de règles de procédure de droit commun.
Les parents doivent, sous peine de nullité, être cités à l’audience sur le fond.
Dès la première mesure, le jeune a droit à un avocat, payé par l’Etat.
122
Séminaire sur la justice des mineurs
En cas de connexité d’infractions commises avec des adultes, les poursuites sont disjointes
et peuvent être (re-)jointes après dessaisissement vers le tribunal de droit commun.
Les délais sont courts, encore davantage lorsque le mineur interjette appel d’une décision
de placement en milieu fermé.
9. Par principe, par souci de transparence et de respect des garanties judiciaires, la procédure
(débats et prononcé) est publique, toutefois avec les accents suivants :
• Les mesures au provisoire se prennent en cabinet du juge, donc pas en audience
publique
• Lors de l’audience du tribunal siégeant sur le fond, le tribunal peut se retirer en
chambre du conseil en l’absence du mineur mais en présence de son conseil
• Les pièces du dossier concernant la personnalité ou le milieu social du mineur ne sont
accessibles, ni au mineur, ni à la partie civile ; l’avocat du mineur y a, bien sûr, accès
• La publication et la diffusion du compte rendu des débats devant les juridictions de la
jeunesse ou d’images de nature à relever l’identité du mineur poursuivi ou qui a fait
l’objet d’une mesure sont interdites. Selon l’article 80 de la loi relative à la protection
de la jeunesse de 1965 les infractions à cet interdit sont punies de 2 mois à 2 ans de
prison et / ou d’une amende de 300 à 3.000 Euros.
10. Ce qui a précédé n’est qu’un bref, rapide et partiel survol de la loi belge et de ses
conséquences. Pour être exhaustif il faudrait des pages et, bien mieux encore, vivre la
pratique du quotidien.
123
Séminaire sur la justice des mineurs
SYSTÈME DE JUSTICE JUVÉNILE CANADIENNE
Oscar D’AMOUR
1. Cadre juridique
Le Canada est régi par une constitution qui établit un partage des compétences entre les
provinces et territoires (art. 92) et le Parlement canadien (art. 91).
Le Parlement canadien a compétence en matière de droit criminel incluant la justice pénale
pour les mineurs (art. 91.27).
Pour leur part, les législatures et territoires ont entre autres, compétence en matière de
protection de la jeunesse (art. 92.7), de l'administration de la justice (art. 92.14) et sur le droit
pénal ayant trait à des infractions commises à une loi provinciale. Ces infractions à l'encontre
d'une loi provinciale ne constituent pas une infraction pénale.
2. Evolution de la justice pour mineurs
De 1857 à 1908, des écoles industrielles et des écoles de réforme vont voir le jour pour
permettre à des mineurs d'être gardés dans des endroits distincts des adultes afin de les
soustraire de l'influence négative des adultes criminalisés et aussi, pour qu'ils aient des soins
qui correspondent à leurs besoins et à leur âge.
L'existence d'un système de justice distinct de celui des adultes au bénéfice des mineurs verra
le jour en 1908228 et ce système basé sur le modèle protectionnel aura cours jusqu'en 1985229.
Soulignons que les provinces et territoires élaboreront au fil des années, des lois ayant trait à la
protection de l'enfant-victime qui sont distinctes de la Loi pour les mineurs délinquants.
Avec l'incorporation en 1982 d'une charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution
de 1867, la loi des jeunes délinquants de 1908 a été modifiée. Le Parlement canadien opte
pour une modification majeure de la justice juvénile en optant pour un système inspiré du
«modèle de justice».
Ainsi, la nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants sera porteuse des principes suivants:
1)
Le mineur sera désormais désigné comme un adolescent qui sera assujetti aux
mêmes règles que celles applicables aux adultes en termes de garantie de droits;
2)
La notion de délit disparaîtra et le tribunal n'a désormais compétence que sur
les infractions créées par le législateur fédéral (acte ou infraction criminels);
3)
Tous les droits dont bénéficient les adultes sont aussi accordés aux mineurs en
plus de d'autres qui leur seront propres;
4)
L'âge de la responsabilité pénale passe de 7 ans à 12 ans;
5)
Un régime particulier est prévu avant qu'un adolescent soit transféré du système
de justice juvénile au système de justice pour adultes;
6)
Le maintien d'un système de justice pour mineurs distinct du système de justice
pour adultes.
En 2002, le Parlement canadien sanctionne une nouvelle Loi sur le système de justice pénale
pour les adolescents (LSJPA)230 qui entre en vigueur le 1er avril 2003.
228
229
Loi sur les jeunes délinquants, S.R.C., (1952), ch. 160
Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C., (1985), ch. Y-1
124
Séminaire sur la justice des mineurs
3. Description de la loi sur le système de la justice pénale pour adolescents
3.1 Les principes
Le système de justice pénale pour adolescents vise à:
supprimer les causes de criminalité chez l'adolescent;
réadapter et réinsérer l'adolescent dans la société;
assurer la prise de mesures en vue de favoriser la protection durable du public.
Le système de justice pénale pour adolescents, distinct de celui pour les adultes, privilégie
l'approche suivante:
réadaptation et réinsertion sociale;
responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec l'état de dépendance et le
degré de maturité de l'adolescent;
prise de mesures procédurales supplémentaires pour assurer un traitement
équitable et la protection des droits du mineur;
application de mesures opportunes qui établissent clairement le lien entre le
comportement délictueux et ses conséquences;
célérité de l'intervention auprès du mineur.
On retrouve à l'article 3, la déclaration des principes qui s'appliquent à la loi.
Les objectifs et principes applicables à la détermination de la peine se retrouvent aux articles
38 et 39 de la loi.
Mentionnons que l'assujettissement de l'adolescent aux peines a pour objectif de le faire
répondre de l'infraction qu'il a commise par l'imposition de sanctions justes, assorties de
perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale dans le but d'assurer
la protection durable de la société.
Soulignons que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de
responsabilité de l'adolescent à l'égard de l'infraction.
3.2 Droits protégés
La loi prévoit au bénéfice de l'adolescent ce qui suit:
droit à la présomption d'innocence;
droit d'être avisé de l'infraction qui lui est reprochée;
droit d'être informé de son droit de consulter un avocat;
droit de garder silence;
droit à un procès dans les plus brefs délais;
droit de contre-interroger les témoins et de produire une défense;
droit, s'il est détenu, de comparaître devant un juge dans un délai de 24 heures;
droit d'obtenir une enquête de remise en liberté dans les 3 jours;
droit que ses parents soient avisés des procédures le concernant;
droit de ses parents d'assister aux audiences de la cour et d'être entendus avant le
prononcé de la peine;
droit que sa situation fasse l'objet d'une étude psychosociale avant un placement
sous garde.
230
Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, L.C. (2002), ch. 1; modifiée par (2002), ch. 7;
(2004), ch. 22.
125
Séminaire sur la justice des mineurs
3.3 Mesures extrajudiciaires
La loi favorise l'application de mesures extrajudiciaires et précise les principes (art. 4) et les
objectifs (art. 5) qui sont visés par l'application de ces mesures, tant au niveau de l'intervention
policière (art. 6) qu'au niveau du procureur général (art. 7 et ss.)
La discrétion est accordée à l'agent de la paix de recourir à des mesures extrajudiciaires dans le
but d'éviter une intervention judiciaire si elle n'est pas nécessaire.
3.4 L’âge de la responsabilité pénale
L'enfant de 12 à 18 ans est soumis au régime de la Loi sur le système de justice pénale pour
adolescents.
Un adolescent de 14 à 18 ans qui commet une infraction désignée (meurtre au 1er degré ou au
2e degré, tentative de meurtre, homicide involontaire coupable, agression sexuelle grave) peut
être assujetti à une peine applicable aux adultes.
3.5 Les peines et règles pour assujettissement de l’adolescent à une peine applicable aux
adultes
La loi prévoit que les adolescents peuvent se voir imposer des peines spécifiques (arts 41 et
42) qui vont de la réprimande en passant par l'absolution inconditionnelle, l'imposition
d'amendes, la restitution, l'exécution de travaux bénévoles, la probation, le placement sous
garde et surveillance d'une durée maximale de 2 ans.
Lorsque l'adolescent, âgé de plus de 14 ans, a commis des infractions graves pour lesquelles
un adulte serait passible d'une peine d'emprisonnement de plus de 2 ans et qu'à au moins à 2
reprises, lors de poursuites distinctes, l'adolescent aurait commis une infraction grave avec
violence, il pourra se voir imposer une peine applicable aux adultes.
De plus, lorsque la durée d'une peine pour adulte est l'emprisonnement à vie et que le tribunal
considère que cette peine applicable aux adultes n'est pas appropriée pour le mineur, il peut
imposer une peine spécifique de 3 ans incluant une mise sous garde continue de 2 ans suivie
d'une période de liberté sous surveillance au sein de la collectivité.
Dans le cas des peines pour infractions désignées, sauf dans le cas de meurtre, si le tribunal
considère que la peine applicable n'est pas appropriée dans les circonstances, il peut imposer
au mineur une mise sous garde de façon continue de 2 ans, incluant une partie en liberté sous
conditions au sein de la collectivité, le tout pour une durée totale de 3 ans.
Pour les infractions désignées, dans le cas de meurtre au 1er degré, si le tribunal considère que
la peine applicable aux adultes n'est pas appropriée dans les circonstances, il pourrait imposer
une peine spécifique maximale de 10 ans comprenant une période de garde d'une durée
maximale de 6 ans et une période de liberté sous conditions au sein de la collectivité (art.
42(2)q)i).
Pour le meurtre au 2e degré, si le tribunal considère que la peine applicable aux adultes n'est
pas appropriée dans les circonstances, il peut imposer une peine spécifique maximale de 7 ans
qui consiste en une période de garde d'une durée maximale de 4 ans et une période de liberté
sous conditions au sein de la collectivité (art. 42(2)q)ii).
126
Séminaire sur la justice des mineurs
3.6 Appel et examen de la peine
Sauf exceptions, toutes les décisions du tribunal pour adolescents sont susceptibles d'appel
(art. 37).
La LSJPA prévoit une procédure d'examen concernant, tant les peines incluant un placement
que celles non-privatives de liberté. Dans certaines circonstances prévues par la loi, la
procédure d'examen est obligatoire alors qu'elle peut aussi avoir lieu sur demande (arts 42, 59
et 94).
3.7 Avis aux parents
Comme l'enfant est sous la responsabilité de ses parents pendant sa minorité, ceux-ci doivent
être avisés de ce qui lui arrive. La loi prévoit que des avis sont transmis aux parents lorsque le
mineur est appelé à comparaître devant le tribunal, soit après une arrestation ou suite à la
signification d'une sommation ou encore, après la remise d'une promesse de comparaître
devant le tribunal (art. 26).
Cet avis aux parents n'est pas requis par la loi dans l'application d'une mesure extrajudiciaire
par la police. Toutefois, des mesures administratives peuvent suppléer à cette absence
d'obligation légale.
3.8 Protection de la vie privée des adolescents et enfants
La loi assure la protection de la vie privée de l'adolescent visé par le système de justice pénale
(art. 110). Elle garantit aussi cette même protection aux enfants victimes ou témoins
d'infraction commise par un adolescent (art. 111) en interdisant la publication de leur identité
ou de renseignements permettant de les identifier.
Toutefois, ce principe comporte de nombreuses exceptions qui mettent en échec le principe
général, notamment par la publication de renseignements ou la possibilité de consulter le
dossier de l'adolescent. Ainsi, la publication de l'identité de l'adolescent est possible si ce
dernier s'est vu imposer une peine applicable aux adultes ou une peine spécifique pour une
infraction désignée (art. 110(2).
Le tribunal peut également, dans certaines circonstances, autoriser la publication
d'informations concernant l'adolescent.
Enfin, certaines personnes telles que mentionnées à la loi (art. 119) sont autorisées à consulter
le dossier concernant le mineur. Soulignons que des règles particulières s'appliquent, selon
qu'il s'agisse des dossiers judiciaires, des dossiers de police, des dossiers gouvernementaux, du
répertoire de la Gendarmerie royale du Canada ou de la banque d'analyses génétiques.
Les modalités d'accès aux dossiers, leur conservation et leur destruction sont prévues dans la
loi (arts 114, 116, 119 et 128) ainsi que la sanction en cas de non-respect des règles concernant
le respect de la vie privée de l'adolescent (art. 138).
4. Structure organisationnelle
L'organisation du système de justice pénale comprend: un tribunal pour adolescent, un comité
de justice pour la jeunesse, des groupes consultatifs ainsi que des directeurs provinciaux.
Les procédures judiciaires en matière pénale ne peuvent être entreprises sans le consentement
préalable du procureur général. Les adolescents ont droit de recourir sans délai et ce,
127
Séminaire sur la justice des mineurs
personnellement, à l'assistance d'un avocat à toute étape de la procédure (art. 25) ainsi que lors
de l'examen de l'opportunité de l'application d'une sanction extrajudiciaire.
La responsabilité de la mise en œuvre des mesures extrajudiciaires, de la préparation des
rapports psychosociaux et de la prise en charge du mineur pour l'application des peines,
incombe à un directeur provincial qui assume la dimension psychosociale de la Loi sur le
système de justice pénale pour les adolescents.
128
Séminaire sur la justice des mineurs
LA JUSTICE PENALE DES MINEURS EN FRANCE :
PRESENTATION SYNTHETIQUE
Laure DESFORGES
1. La minorité pénale
La loi du 9 septembre 2002 dite d’orientation et de programmation pour la justice, qui fait
suite à un rapport du sénat sur la délinquance des mineurs, procède du constat selon lequel
depuis une dizaine d’années la délinquance des mineurs s’est massifiée, est devenue plus
violente et concerne des mineurs plus jeunes.
Ainsi le nouvel article 122-3 du Code Pénal dispose désormais dans son 1er alinéa que :
« Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits et
contraventions dont ils ont été reconnus coupables dans des conditions fixées par une loi
particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et
d’éducation dont ils peuvent faire l’objet.
Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à
l’encontre des mineurs de 10 à 18 ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être
condamnés les mineurs de 13 à 18 ans, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité
dont ils bénéficient en raison de leur âge ».
Est ainsi supprimée une ambiguïté résultant des textes précédents selon laquelle les
mineurs de 13 ans parce qu’ils ne pouvaient pas être condamnés à une peine, étaient
parfois considérés comme pénalement irresponsables.
Le nouvel article 122-8 du Code Pénal fait enfin référence à l’institution des sanctions
éducatives qui constituent l’une des innovations les plus importantes de la loi.
Désormais, il y a des sanctions éducatives applicables aux mineurs âgés d’au moins 10 ans.
L’ordonnance du 2 février 1945 a consacré le principe de la spécialisation des institutions
judiciaires qui prennent en charge les mineurs.
2. La justice pénale des mineurs
2.1 Le Juge des Enfants :
La spécialisation du juge des enfants s’explique par le fait que davantage que pour les
majeurs, la connaissance de la personnalité est un élément déterminant de toute décision
judiciaire concernant un mineur.
Le juge des enfants cumule les fonctions d’instruction et de jugement.
En tant que juridiction d’instruction, le juge des enfants est saisi des délits et
contraventions de 5ème classe.
129
Séminaire sur la justice des mineurs
Il effectue toutes les investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à
la connaissance de la personnalité du mineur.
Néanmoins, il n’a pas le monopole de cette fonction puisqu’il n’est pas compétent en
matière de crime où seul le juge d’instruction chargé des affaires de mineurs peut
intervenir.
En tant que juridiction de jugement, le juge des enfants est compétent pour juger les délits,
les contraventions de 5ème classe et les contraventions connexes des 4 premières classes.
Il a la possibilité, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les faits et la personnalité du
mineur, de juger l’affaire en audience de cabinet ou de la renvoyer devant une juridiction
collégiale : le Tribunal pour Enfants.
Enfin, le juge des enfants est compétent pour tout ce qui concerne l’assistance éducative en
vertu des articles 375 et suivants du Code Civil.
2.2 Le Tribunal pour Enfants :
L’ordonnance du 2 février 1945 a créé à coté du juge des enfants, juridiction à juge unique,
une juridiction collégiale : le Tribunal pour Enfants.
2.3 La procédure :
Le particularisme de la procédure applicable aux mineurs n’a cessé d’être affirmé et
renforcé depuis sa consécration par les rédacteurs de l’ordonnance du 2 février 1945.
Néanmoins, ce particularisme s’exprime davantage durant la phase judiciaire que dans la
phase policière.
- la garde à vue :
Informée dans les plus brefs délais à la généralisation du traitement en temps réel,
l’autorité judiciaire en la personne du substitut chargé des mineurs est en mesure d’exercer
son contrôle et de veiller à ce que les parents soient étroitement associés à la procédure et à
ce que la garde à vue soit limitée aux seuls cas où les nécessités de l’enquête l’exigent.
Si les possibilités de placement d’un mineur en garde à vue on été étendues (loi du
24/08/93 et loi du 1/02/94), il convient de souligner que cette évolution s’est accompagnée
d’une volonté de restaurer les parents dans leur statut d’adultes responsables de leur enfant
mineur.
Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945, le mineur de 13 ans ne peut
être placé en garde à vue, même en matière criminelle.
Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de 10 à 13 ans contre lequel il existe des indices
graves et concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou
un délit puni d’au moins 7 ans d’emprisonnement, peut pour les nécessités de l’enquête
être retenu à la disposition d’un officier de police judiciaire avec l’accord préalable et sous
le contrôle d’un magistrat pour une durée qui ne saurait excéder 10 heures.
Le mineur de plus de 13 ans peut être placé en garde à vue pour une durée qui ne saurait
excéder 24 heures.
130
Séminaire sur la justice des mineurs
La prolongation de garde à vue pour une durée maximale de 24 heures est strictement
encadrée.
Les mineurs de plus de 16 ans sont soumis au même régime que les majeurs : la garde à
vue est de 24 heures renouvelable une fois sans condition particulière de gravité de
l’infraction.
L’entretien avec un avocat n’est possible qu’à compter de la 20ème heure de garde à vue.
- la poursuite :
Si les actes de délinquance commis par les mineurs doivent recevoir une réponse, tous ne
nécessitent pas la saisine du juge des enfants.
En effet, entre classement sans suite par courrier et la saisine du juge des enfants, le
parquet dispose aujourd’hui d’une palette de mesures alternatives aux poursuites qui
permet d’apporter une réponse effective et systématique aux infractions commises par les
mineurs.
C’est ce qui est désigné aujourd’hui par le terme de « 3ème voie ».
Le parquet ne peut ni procéder par voie de citation directe sauf devant le Tribunal de
Police, ni ordonner la comparution immédiate du mineur.
Enfin, avant toute décision, le substitut chargé des mineurs peut ou doit suivant les cas
demander au service éducatif auprès du tribunal (SEAT) un rapport contenant tout
renseignement utile sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition éducative.
2.3 Les mesures alternatives aux poursuites :
Lorsqu’un mineur commet une infraction pour la 1ère fois, qu’il ne conteste pas sa
participation à l’infraction, qu’il ne présente pas de difficultés personnelles justifiant
l’intervention d’un service éducatif et que les faits qui lui sont reprochés sont qualifiables
pénalement mais d’une gravité relative, le parquet peut ordonner :
-
un simple avertissement délivré par un service de police ou de gendarmerie notifié au
mineur,
un classement sans suite assorti d’un rappel à la loi et de la condition de ne pas
commettre de nouvelles infractions dans un certain délai, effectué par le substitut du
procureur de la République ou par le délégué du procureur de la République,
un classement sous condition subordonné au respect de certaines obligations
(d’indemniser la victime, de lui présenter des excuses, de fournir un certificat de
scolarité…) en lien avec l’infraction commise,
une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans
l’intérêt de la collectivité ou à une association habilitée, suppose l’accord préalable du
mineur et des titulaires de l’autorité parentale et éventuellement celui de la victime.
Le non respect des conditions fixées est susceptible d’entraîner des poursuites.
Des poursuites pénales peuvent s’avérer nécessaires au regard de la gravité des faits
commis, de la personnalité du mineur et/ou de la réitération des faits de délinquance, même
peu graves.
131
Séminaire sur la justice des mineurs
Dans le cas où il envisage de poursuivre, le parquet distingue en fonction de la nature et de
la gravité de l’infraction.
En cas de crime, une information préalable est obligatoire : un juge d’instruction spécialisé
dans les affaires de mineurs sera donc saisi par un réquisitoire introductif.
En cas de délit ou de contravention de 5ème classe, le procureur saisit soit le juge des
enfants par voie de requête pénale soit le juge d’instruction par voie de réquisitoire
introductif.
La saisine du juge d’instruction est réservée aux affaires les plus graves ou nécessitant des
investigations complexes sur les faits, notamment lorsque l’enquête initiale fait apparaître
l’existence d’infractions complexes impliquant des mineurs et des majeurs, telles que les
trafics de stupéfiants.
Si le procureur décide de faire déférer le mineur dès la fin de sa garde à vue, il peut :
-
s’il est en possession d’investigations suffisantes sur la personnalité du mineur (déjà
connu) et si les faits sont établis, requérir du juge des enfants qu’il ordonne la
convocation du mineur pour jugement dans un délai de 1 à 3 mois devant la chambre
du conseil ou le Tribunal pour enfants : c’est la comparution à délai rapproché (art 8-2
de l’ord du 2/02/45). Le mineur est alors immédiatement présenté au juge des enfants.
2.4 Le déroulement de l’enquête :
Il peut s’agir :
-
d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative. Cette mesure vise à évaluer les
difficultés du jeune et de sa famille ainsi que leurs potentialités d’évolution.
d’une enquête sociale visant à recueillir des informations sur l’histoire familiale,
l’insertion de la famille, sa capacité d’ancrage dans l’environnement social,
économique et culturel et à repérer les dysfonctionnements relationnels.
d’un examen psychologique ou d’une expertise psychiatrique.
2.5 Les mesures provisoires :
Le juge d’instruction comme le juge des enfants a la possibilité de prendre les mesures
provisoires à caractère éducatif prévues par les articles 8-10 et 12 de l’ordonnance du
12/02/45.
Il peut :
-
confier provisoirement le mineur mis en examen à ses parents ou à son tuteur,
confier provisoirement le mineur à une section d’accueil d’une institution publique ou
privée habilitée :
- un foyer,
- un centre éducatif renforcé,
- un centre de placement immédiat,
- un hébergement individualisé soit dans une famille d’accueil ou dans un foyer de
jeunes travailleurs.
132
Séminaire sur la justice des mineurs
-
confier provisoirement le mineur au service de l’ASE,
prononcer une mesure de liberté surveillée préjudicielle qui consiste en un suivi
éducatif,
prononcer une mesure de réparation pénale à l’égard de la victime ou dans l’intérêt
de la collectivité.
A l’issue de l’instruction, le juge d’instruction spécialisé peut renvoyer les mineurs devant
l’une des juridictions suivantes :
-
le tribunal de police pour les contraventions des 4 premières classes,
le juge des enfants statuant en chambre du conseil ou le tribunal pour enfants pour les
délits et les contraventions de 5ème classe,
le tribunal pour enfant pour les crimes commis par les mineurs de – de 16 ans,
le tribunal pour enfant pour les crimes commis par les mineurs de + de 16 ans.
Il peut bien évidemment rendre une ordonnance de non-lieu dans les conditions de droit
commun.
Le droit d’appel concernant les ordonnances rendues par le juge des enfants et le juge
d’instruction chargé des affaires des mineurs s’exerce dans les conditions du droit
commun.
Les contestations sont portées devant la chambre d’accusation et d’instruction.
2.6 Le jugement :
- la protection de l’identité du mineur :
Les débats devant le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs sont soumis au
régime de la publicité restreinte.
La publication de leur compte rendu de quelque manière que ce soit est strictement
interdite.
Les décisions de ces deux juridictions répressives sont prononcées en audience publique ;
les jugements du juge des enfants sont rendus en chambre du conseil.
Ils peuvent être publiés sans que le nom du mineur puisse être indiqué même par une
initiale.
- un formalisme réduit :
Lorsque le juge des enfants statue en chambre du conseil, il n’est soumis à aucun
formalisme particulier : il convoque, entend le mineur, son conseil, ses parents, la victime
et son conseil.
Devant le tribunal pour enfants, la procédure est plus formaliste, mais demeure néanmoins
très souple.
Le déroulement de l’audience est comparable à celui de l’audience correctionnelle
collégiale, mais chaque affaire doit y être jugée séparément.
133
Séminaire sur la justice des mineurs
Devant la cour d’assises des mineurs, la procédure se rapproche de celle de la cour
d’assises des majeurs.
Toutefois, le jugement séparé des affaires s’impose.
A peine de nullité, le président doit poser aux membres du jury les deux questions
suivantes :
- y a t’il lieu d’appliquer à l’accusé une condamnation pénale ? cette question fait référence
à la priorité des mesures éducatives sur les sanctions pénales.
- y a t’il lieu d’exclure l’accusé du bénéfice de la diminution de peine prévue par l’article
20-2 de l’ordonnance du 2/02/45 ?
Comme devant le tribunal pour enfants, l’arrêt sera rendu en audience publique en
présence du mineur (art 14 al dernier du l’ord du 2/02/45).
- les voies de recours :
Les voies de recours prévues expressément par l’ord du 2/02/45 sont l’appel, l’opposition
et le pourvoi en cassation (art 24 de l’ordonnance).
2.7 Les décisions :
- les mesures éducatives :
•
L’admonestation : c’est un blâme verbal
•
Le remise à parents,
•
Les mesures de placement : le juge des enfants, le tribunal pour enfants, la cour
d’assises des mineurs peuvent placer un mineur, quel que soit son âge dans une
institution ou un établissement public ou privé d’éducation ou de formation
professionnel habilité ainsi que dans un établissement médical ou médico-pédagogique
habilité (art 16 et 16 ord du 2/02/45).
Le placement éducatif peut être ordonné à titre de mesure principale ou dans le cadre de la
mise sous protection judiciaire prévue à l’article 16 bis de l’ord du 2/02/45.
Il peut accompagner une mesure de liberté surveillée.
•
La liberté surveillée : c’est une mesure qui peut être jointe à n’importe quelle autre
mesure prononcée à l’égard d’un mineur.
Toujours révocable, cette mesure de liberté surveillée dite préjudicielle ou provisoire
cesse de prendre effet au plus tard au jour du jugement.
Elle peut être prononcée à titre d’épreuve.
Les parents, le tuteur ou le gardien sont avertis du caractère, de l’objet de la mesure et
des obligations qu’elle comporte.
•
La mise sous protection judiciaire : placement en institution ou établissement public ou
privé d’éducation ou de formation professionnelle, dans un établissement médical pour
médico-pédagogique.
134
Séminaire sur la justice des mineurs
•
La mesure de réparation : consiste à proposer au mineur une mesure ou une activité
d’aide et de réparation à l’égard de la victime qui y consent ou dans l’intérêt de la
collectivité.
Cette mesure vise à responsabiliser le mineur ayant commis une infraction en lui faisant
prendre conscience de l’existence d’une loi pénale et des conséquences de sa violation
pour lui-même, pour la victime et pour la société.
- les mesures à caractère répressif :
Dans l’esprit de l’ord du 2/02/45, la sanction pénale est considérée comme exceptionnelle,
la mesure éducative devant autant que faire se peut, lui être préférée.
•
Les peines prononcées à l’encontre des mineurs sont atténuées (art 20-2 ord 2/02/45) :
le mineur âgé de moins de 13 ans n’est justiciable d’aucune peine.
•
Des peines spécifiques ont été instituées (art 20-7 ord du 2/02/45) : possibilité
d’accorder une dispense de peine ou d’ajourner le prononcé de la mesure éducative ou
de la peine lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est en voie d’être acquis,
que le dommage causé est en voie d’être réparé et que le trouble résultant de
l’infraction va cesser.
•
Les différentes peines applicables : le tribunal pour enfants et la cour d’assises des
mineurs peuvent prononcer les peines suivantes : l’amende, le travail d’intérêt général ;
la peine privative de liberté, éventuellement assortie ou non d’un sursis simple ou avec
mise à l’épreuve.
Le cumul d’une peine et d’une mesure éducative est impossible, exception faite de la
liberté surveillée et de l’application de l’article R 60 du CPP.
2.8 Les conditions d’incarcération :
Lorsque l’incarcération d’un mineur est prononcée, elle obéit à des règles spécifiques
destinées à protéger le mineur de l’influence des détenus adultes et à tenir compte des
besoins des personnes de son âge.
Les mineurs et les jeunes majeurs (18/21 ans) doivent être séparés des adultes.
Les détenus mineurs doivent être soumis à un régime individualisé faisant une large part à
l’éducation et à la formation.
Quand un mineur exécute une peine d’emprisonnement, il est suivi par un juge
d’application des peines.
3. Conclusion
Malgré les nombreuses tentatives politiques de réformer la justice des mineurs,
l’ordonnance du 2 février 1945 reste un texte fondamental en matière de justice des
mineurs.
135
Séminaire sur la justice des mineurs
Certes il y a au un certain nombre de réformes, mais toutes les études menées par les
différents gouvernements ont réaffirmé la pertinence de l’ordonnance du 2/02/45.
Ainsi :
Î La responsabilité pénale des mineurs est atténuée et graduée selon leur âge.
Î Priorité donnée aux mesures éducatives et recherche de la dimension éducative dans
toutes les sanctions.
La loi du 9 septembre 2002 dite d’orientation et de programmation pour la justice, qui fait
suite à un rapport du sénat sur la délinquance des mineurs, procède du constat selon lequel
depuis une dizaine d’années la délinquance des mineurs s’est massifiée, est devenue plus
violente et concerne des mineurs plus jeunes.
Ainsi le nouvel article 122-3 du Code Pénal dispose désormais dans son 1er alinéa que :
« Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits et
contraventions dont ils ont été reconnus coupables dans des conditions fixées par une loi
particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et
d’éducation dont ils peuvent faire l’objet.
Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à
l’encontre des mineurs de 10 à 18 ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être
condamnés les mineurs de 13 à 18 ans, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité
dont ils bénéficient en raison de leur âge ».
Est ainsi supprimée une ambiguïté résultant des textes précédents selon laquelle les
mineurs de 13 ans parce qu’ils ne pouvaient pas être condamnés à une peine, étaient
parfois considérés comme pénalement irresponsables.
Le nouvel article 122-8 du Code Pénal fait enfin référence à l’institution des sanctions
éducatives qui constituent l’une des innovations les plus importantes de la loi.
Désormais, il y a des sanctions éducatives applicables aux mineurs âgés d’au moins 10 ans.
136
Séminaire sur la justice des mineurs
LE DROIT SUISSE
Michel LACHAT
1. Application des grands principes
1.1 La légalité
art. 1 CPS : pas de peine sans loi
Ce principe a pour conséquence une coupure très nette des compétences des instances
judiciaires de la jeunesse : la justice pénale (avec des juges spécialisés) qui ne s’occupe
que des mineurs auteurs d’infractions et la justice civile, par les autorités tutélaires (des
juges non spécialisés), qui ne s’occupe que des situations de mineurs en danger.
1.2 La responsabilité
Déterminer la responsabilité, c’est mesurer l’aptitude à commettre une faute. Dans la
pratique, cet examen n’est que rarement fait, les juges partant de la présomption que le
mineur qui agit est conscient qu’il transgresse un interdit, même s’il n’a pas connaissance
de la norme elle-même.
1.3 La culpabilité
Etablir la culpabilité, c’est prouver que l’auteur a agi avec intention ou négligence. Ce
principe s’applique chez les mineurs, mais avec des nuances dues à l’âge, au degré de
maturité et au développement de l’auteur mineur.
1.4 La proportionnalité
L’individualisation de la sanction en droit pénal des mineurs rend le principe de
proportionnalité difficilement applicable. Cependant, ce principe s’applique pour les
peines, mais avec nuance, puisque le juge a le droit de renoncer à la peine et que la peine
n’est pas ici l’exacte rétribution de l’infraction et qu’elle n’a souvent qu’une valeur
symbolique. Pour les mesures, par contre, le principe de proportionnalité ne s’applique pas.
Cela découle des objectifs éducatifs et curatifs du droit pénal des mineurs.
1.5 Les âges
•
•
•
•
enfants de moins de 7 ans : pas d’intervention pénale possible, car l’enfant n’a pas la
capacité d’apprécier le caractère fautif de son comportement (une intervention civile
est possible)
enfants de 7 à 15 ans : responsabilité restreinte (les sanctions sont éducatives : pas
d’amende ni de privation de liberté possibles)
adolescents de 15 à 18 ans : responsabilité relative (les sanctions sont plus
importantes : l’amende et la privation de liberté pour une durée maximum d’un an sont
possibles)
jeunes adultes de 18 à 25 ans : responsabilité totale, mais intervention éducative
possible, en lieu et place d’une intervention punitive
137
Séminaire sur la justice des mineurs
2. Objectifs du droit pénal des mineurs
2.1 Objectif éducatif
Cet objectif consiste à faire prendre conscience à l’enfant, qui est un être en
développement, des conséquences de son acte répréhensif. Il est essentiellement basé sur
l’oralité des rapports entre l’auteur et le juge et met en exergue l’importance de la parole
dans toute la justice des mineurs.
2.2 Objectif curatif
Il s’agit ici de soigner. L’acte commis est un signal, un appel, et le juge doit décrypter le
message. Lorsque le symptôme a révélé sa cause, le juge peut alors soigner. Ainsi, il ne va
pas punir, mais prononcer une mesure dite éducative (traitement spécial, placement, etc).
2.3 Objectif préventif
Il s’agit d’empêcher un mineur de commettre une infraction ou de récidiver. Il faut agir,
comme pour le soin, sur les causes.
2.4 Objectif social
Il faut ici étudier le milieu dans lequel l’enfant vit. La justice pénale des mineurs se soucie
de l’intégration de l’enfant dans sa famille.
2.5 Objectif protecteur
Le droit pénal des mineurs vise à protéger non seulement le mineur victime de son milieu,
mais également la société en général.
3. Mesures et peines
mesures
sanctions
Î
Î
si constat du besoin de soins particuliers
si constat de normalité
mesures – peines = priorité
peines – mesures = réalité
pourquoi ?
•
•
•
•
•
•
•
mesure de placement : grave (ultima ratio) et cher
cercle familial solide : priorité
responsabiliser le mineur et ses représentants légaux
mesure civile déjà en place : pas dédoubler les mandats
refus des familles : échec programmé
une erreur de jeunesse : un avertissement suffit
étrangers de passage : les sanctions sont plus réalistes
138
Séminaire sur la justice des mineurs
4. Principes procéduraux
4.1 Principe de la célérité
4.2 Principe du huis clos
4.3 Principe de la simplification
4.4 Principe de l’audition par des professionnels
4.5 Principe de l’information aux parents
4.6 Principe du cumul des fonctions
• autorité d’instruction
• autorité de jugement
• autorité d’exécution
139
Séminaire en justice des mineurs
MESURES ET SANCTIONS DANS LE DROIT PENAL DES MINEURS
MESURES
SANCTIONS
ENFANTS
ADOLESCENTS
ENFANTS
ADOLESCENTS
a) Assistance éducative
art. 84 CP
a) Assistance éducative
art. 91 ch. 1 CP
a) Réprimande
art. 87 CP
a) Réprimande
art. 95 CP
b) Placement familial
art. 84 CP
b) Placement familial
art. 91 ch. 1 CP
b) Astreinte au travail
art. 87 CP
b) Astreinte au travail
art. 95 CP
c) Placement en maison
d’éducation
art. 84 CP
c) Placement en maison
d’éducation
art. 91, 93bis, 93ter ch. 1 + 2
CP
c) Arrêts scolaires
(1 à 6 demi-journées)
art. 87 CP
c) Amende :
-avec sursis (art. 96 CP)
-sans sursis (art. 95 CP)
d) Traitement spécial
art. 85 CP
d) Traitement spécial
art. 92 CP
d) Renonciation à toute
sanction
art. 88 CP
d) Détention (1 jour à 1 an)
-avec sursis (art. 96 CP)
-sans sursis (art. 95 CP)
e) Modification des mesures
art. 86 CP
e) Modification des mesures
art. 93 CP
e) Ajournement des sanctions
art. 97 CP
f) Renonciation à toute mesure
ou peine
art. 98 CP
140
Séminaire en justice des mineurs
SITUATION DES PAYS AFRIQUAINS
BENIN
Célestin J. M. ZANOUVI, Magistrat, juge des mineurs au Tribunal de Première Instance
de Cotonou.
Louis T. TOKPANOU, Commissaire de Police, Chef de la Brigade de Protection des
mineurs de Cotonou.
I. Introduction
Autrefois appelé DAHOMEY, d’après l’Empire médiéval du même nom, la population du
Bénin est formée de nombreuses ethnies.
Les Européens découvrirent ce pays au XVème siècle déjà, beaucoup y vinrent mais seuls
les Portugais et ensuite les Français s’y établirent réellement et le Bénin fit ensuite partie
de l’Afrique Occidentale Française jusqu’à son indépendance en 1960.
De forme allongée en latitude, le Bénin couvre une superficie de 112’622 kilomètres carrés
et compte environ 6'466'000 habitants, dont plus de la moitié a moins de 20 ans.
Situé entièrement dans la zone intertropicale entre l’Equateur et le Tropique du Cancer, ce
pays qui, tel un doigt pointé vers le cœur de l’Afrique occidentale, est entouré par le
Nigeria, le Togo, le Burkina Faso et le Niger. Baigné par les eaux du Golfe du Bénin et de
l’Océan Atlantique, le Bénin s’étire le long des rives du majestueux fleuve Niger.
Depuis février 1990, le Bénin, à la faveur de la conférence nationale des forces vives de la
nation, a opté pour un régime démocratique multipartite et libéral.
Les libertés individuelles et les droits de l’homme sont de façon globale promus, défendus
et protégés. Pour parvenir pleinement à cette fin, de nouveaux textes sont pris et les
anciens revisités.
Les lois relatives à la protection et à la justice du mineur béninois s’inscrivent dans ce
cadre.
Dans un premier temps, nous présenterons cet arsenal juridique et dans un deuxième
temps, nous mettrons en exergue la mise en œuvre de la protection juridique et judiciaire
de l’enfant béninois.
II. L’arsenal juridique de protection des mineurs au Bénin
1. La constitution Béninoise
La loi 90-32 du 11/12/90 portant constitution de la République du Bénin en ses articles 12,
13, 14 et 26 prévoit protection et assistance, à l’enfance, la jeunesse, la mère et la famille.
La même constitution en son article 7 énonce que les droits et devoirs garantis par la charte
africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifiée par le Bénin le 20 Janvier 1986 font
partie intégrante de la constitution béninoise (Article 18 de cette charte énonce : « l’Etat a
le devoir d’assurer la protection des droits de la femme et de l’enfant tels que stipulés dans
les déclarations et conventions internationales »).
141
Séminaire en justice des mineurs
Conformément à l’article 147 de cette loi fondamentale, la convention des Nations Unies
relative au droit de l’enfant ratifiée par le Bénin le 03 Août 1990 et entrée en vigueur le
02/09/1990 souffre d’une lacune, celle de sa non publication au journal officiel. Ce qui
constitue une entrave à son applicabilité, surtout que la cour constitutionnelle du Bénin qui
rend des décisions qui sont sans recours et qui s’imposent à tous a estimé dans sa décision
DCC. 03-009 du 19 Février 2003, que cette convention n’entre pas dans le droit positif
béninois.
Cependant, les acteurs de la justice pour mineurs ou chargés de leur protection y recourent
comme raison écrite.
2. Au plan civil
L’enfant et la jeunesse sont protégés dans leur famille (conception – naissance – éducation,
héritage succession – santé – loisirs…) dans leur cadre de travail par le code des personnes
et de la famille promulgué le 24 Août 2004 (avant cette promulgation, cette protection était
assurée par le code civil français de 1800 et le coutumier du Dahomey qui est un recueil de
textes qui remonte à Mars 1931), par la loi 98-004 du 27 Janvier 1998 portant code du
travail en République du Bénin et divers autres textes réglementaires (Arrêtés ministériels,
inter – ministériels, convention collective générale du travail du 17 Mai 1974).
2.1 Le code des personnes et de la famille
Ce texte règle entre autres des questions relatives au nom, au domicile, à l’état civil, la
famille, l’autorité parentale, l’adoption. Son avènement remonte à moins d’un an. Il a
permis de régler de sérieuses difficultés qui constituaient des entraves au bien-être de
l’enfant. Le dualisme juridique qui prévalait au sujet de l’état des personnes a disparu.
•
•
•
•
•
La notion de puissance paternelle a été remplacée par celle d’autorité parentale
(Articles 444 et suivants du code des personnes et de la famille).
La majorité civile est fixée désormais à 18 ans, et non plus à 21 ans (Articles 459
du CPF).
L’égalité des parts des enfants dans la succession de leurs auteurs a été instituée. A
l’exception de l’enfant incestueux, aucune distinction n’est dorénavant faite entre
l’enfant légitime, adultérin ou autre, (Article 620 du CPF).
Mieux, l’enfant conçu non seulement a une part égale aux autres, mais il contraint à
la suspension du partage jusqu’à sa naissance (Article 775 du CPF).
Face à certaines situations, l’opinion de l’enfant doit être obligatoirement recueillie
(Articles 119, 120, 341 et 367 du CPF).
2.2 La loi 98-004 du 27 janvier 1998 portant code du travail en République du Bénin
Un certain nombre de dispositions de cette loi sont consacrées à la protection de l’enfant à
l’apprentissage à l’embauche, dans le traitement salarial, dans la proportion, la nature, la
dangerosité de la tâche à lui confiée à son temps de repos.
Ces dispositions protectrices de l’enfant et du jeune majeur ont leur siège dans les articles
64 à 70 – 153 à 155 et 166 à 173 du code du travail.
142
Séminaire en justice des mineurs
Ajoutons que d’autres textes réglementaires comme l’arrêté interministériel N° 132
MFPTRA/MSP/DC/SGM/DT/SSST du 07 Novembre 2000. (MFPTRA et MSP) apportent
des précisions sur ces articles.
2.3 Le mineur en conflit avec la loi ou qui en est une victime
Au plan pénal, il faut noter qu’en dehors du code Pénal Gaston Bouvenet qui remonte à la
période, coloniale (NB : Un nouveau projet de code pénal est déposé sur la table de
l’Assemblée Nationale) il existe des textes propres aux mineurs auteurs ou victimes
d’infractions il s’agit de :
a) l’ordonnance 69 – 23/ PR / MJL du 10 Juillet 1969 relative au jugement des infractions
commises par les mineurs de 18 ans.
C’est cette ordonnance qui à force de loi qui précise et donne un contenu à la notion de
minorité prévue par le code Pénal béninois. Cette ordonnance en son article 1 dispose que
le mineur de 18 ans sera justiciable des tribunaux pour enfants ; avant cette ordonnance, les
mineurs de 18 ans étaient justiciables des tribunaux de droit commun.
Il faut noter que contrairement aux prévisions de l’ordonnance, il n’existe encore au Bénin
aucun Tribunal pour enfants, il n’y a également qu’un seul juge pour enfants dont la
mission principale est de régler les questions des mineurs en conflit avec la loi et en danger
de toute sorte dans leur cadre de vie, c’est le juge des enfants du Tribunal de 1er Instance et
de 1er classe de Cotonou.
Dans les 07 autres Tribunaux de 1er instance du pays ce sont des juges d’instruction de
droit commun qui font office de juges des enfants ; ce texte constitue à la fois un code
pénal et un code de procédure pénal pour mineurs en conflit avec la loi.
A l’exception, du quantum de la peine qui relève du code Pénal général, l’ordonnance
précise la modération à apporter à la sanction qui, le cas échéant, devrait être infligée au
mineur qui a commis une infraction.
Il est intéressant de noter quelques autres spécificités de cette ordonnance de 1969 :
•
•
•
•
•
Le mineur dont l’âge se situe entre 0 et 13 bénéficie d’une présomption
d’irresponsabilité absolue, en conséquence, le texte ne prévoit qu’une mesure
éducative ou de tutelle à son égard, nonobstant la gravité ou la répétition de
l’infraction. (cf. : Article 23 –24 et 32 de l’ordonnance 69-23 de 1969).
Entre 13 et 18 ans, le mineur en conflit avec la loi, s’il devait écoper d’une peine,
elle sera réduite de moitié ou substituée par une sanction plus douce.
Le Juge des enfants, instruit et juge tous les délits commis par les mineurs sauf si à
la fin de l’instruction l’inculpé mineur a atteint la majorité pénale.
Les crimes à l’exception de ceux commis par les mineurs de 0 à 13 ans sont
renvoyés devant le Tribunal pour enfants statuant en matière criminelle (cour
d’assises des mineurs).
Selon les cas, le juge des enfants qui tient ses audiences à son cabinet en compagnie
de deux assesseurs, peut associer, les parents, mais la présence des assistants
sociaux et des avocats est obligatoire.
143
Séminaire en justice des mineurs
•
En somme, ce texte a prévu que la sanction du mineur en infraction doit être
envisagée, lorsque le Juge ne peut faire autrement. C’est à dire dans les cas
exceptionnels.
b) Loi N° 61 –20 du 05 Juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de dix-huit ans
hors du territoire du Dahomey (Bénin) et son décret d’application N° 95 – 191 du 24 Juin
1995
Cette loi vise la répression de la traite et les déplacements illicites d’enfants.
c) la loi N° 2003-3 du 03 Mars 2003 portant répression de la pratique des mutilations
génitales féminines au Bénin.
Ce texte tend à supprimer et réprimer l’excision des jeunes filles.
III. La mise en œuvre de la protection juridique et judiciaire des mineurs au Bénin
Tout l’arsenal législatif et juridique décrit ci-dessus est mis en mouvement grâce aux
différents acteurs et institutions gouvernementales et non gouvernementales.
1. Les acteurs de la justice des mineurs au Bénin
1.1 Le juge des enfants ou des mineurs
Il est un personnage central de la justice pour mineurs institué par l’ordonnance 69 –23 du
10 Juillet 1969. C’est un magistrat nommé en conseil des ministres pour une durée de trois
ans renouvelables.
Il a 3 attributions fondamentales :
•
•
Au pénal : il instruit toutes affaires dans lesquelles sont impliquées un ou des
mineurs et rend 02 types d’ordonnances : (Non-lieu – Renvoi devant le tribunal
pour Enfants ou devant le Tribunal correctionnel, si à la fin de l’information le
mineur a atteint la majorité pénale). Le juge des enfants, suit également l’exécution
de la peine infligée au mineur et peut même au cours de l’incarcération décider de
placer le mineur dans un centre approprié s’il a été attesté par les assistants sociaux
qu’il a une bonne conduite et peut s’amender.
Au civil : Avant, en se fondant sur les dispositions du code civil français et de la
convention des nations unies relative aux droits des enfants. Après la promulgation
du code des personnes et de la famille promulgué le 24/08/04 (NB : mais il faut en
plus qu’une ordonnance soit prise par le Président du Tribunal aux fins de se
conformer à l’article 424 du code des personnes et de la famille).
Sur la base de ces textes, le juge des mineurs prend des mesures de protection,
d’assistance, si la santé, la sécurité, la moralité du mineur non émancipé sont en
danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, ou
144
Séminaire en justice des mineurs
encore si l’enfant par son inconduite ou sa prodigalité met les personnes investies
de l’autorité parentale dans l’impossibilité d’exercer leurs prérogatives.
•
Sur le plan administratif : Il autorise les placements dans les centres publics et
privés, il surveille également leurs activités.
1.2 Le Parquet
Il n’existe pas un parquet ou un parquetier spécialisé dans les affaires relatives aux
infractions commises par les mineurs. Mais dans l’exercice de ses fonctions traditionnelles,
ce magistrat participe à la poursuite et à la répression des infractions commises par les
mineurs ou lorsqu’ils en sont les victimes.
1.3 Les assistants sociaux et le service social de la justice
Ils exécutent les enquêtes sociales ordonnées par le juge des enfants, pendant
l’information, après le jugement ou lorsque le mineur est en danger et qu’il faille décider
de son placement.
1.4 Les Avocats
Ils sont constitués par les parents des mineurs ou commis d’office.
1.5 La Police nationale, la gendarmerie et plus précisément la Brigade de protection des
Mineurs
1.5.1 Qu’est-ce que la BPM ?
La Brigade de Protection des Mineurs (BPM) est un service spécialisé de la Police
Nationale né en 1983 avec le décret 83-233 du 29 Juin 1983 portant attribution,
organisation et fonctionnement du Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et de
l’Administration Territoriale. Après la Conférence Nationale et la désaffiliation de la
Police des Forces Armées Béninoises, elle est régie par le décret 90-186 du 20 Août 1990
portant création, attribution, organisation et fonctionnement de la Direction Générale de la
Police Nationale.
La BPM, dépend de la Direction de la Police Judiciaire conformément à l’arrêté
N°045/MISPAT/DGPN du 28/02/1991 portant attribution, organisation et fonctionnement
de cette Direction.
Elle a une compétence nationale.
La création de la BPM répond au souci des Autorités de la Police Nationale de disposer
d’un service chargé spécifiquement des questions touchant aux mineurs et adolescents.
Cette unité est dirigée par un Commissaire de Police assisté d’un Adjoint et comprend trois
(03) sections :
•
•
La section prévention ;
La section répression ;
145
Séminaire en justice des mineurs
•
La section statistique et documentation.
1.5.2 Quelles sont ses attributions ?
Conformément à l’article 20 de l’arrêté 045/MISPAT/DGPN du 28 Février 1991 cité
supra, la Brigade de Protection des Mineurs a pour missions :
•
•
La Protection de l’enfance et de l’adolescence par la prévention de l’inadaptation ;
La recherche des crimes et délits commis par les mineurs de moins de dix huit (18)
ans.
A ce titre, elle est spécialisée dans les enquêtes sur les mineurs en danger physique ou
moral, le dépistage de l’enfance malheureuse et des mineurs moralement abandonnés.
a. Prévention
La BPM a un rôle de prévention c’est-à-dire qu’elle met en œuvre sur le terrain, des
actions qui permettent d’éviter l’emprunt par les enfants et adolescents de la vie de la
délinquance.
Cette mission passe par des contrôles et vérifications de dissuasion dans les lieux publics
fréquentés par les mineurs et adolescents (voie publique, dancing, vidéo–club, salle de
cinéma) et dans tous autres milieux soupçonnés.
b. Protection
La mission de protection assurée par la BPM se situe à deux niveaux :
•
•
Protection sociale : en dehors même de toute infraction, la BPM intervient chaque
fois qu’un mineur est concerné. C’est le cas par exemple des fugue et errance ou de
toute situation mettant l’enfant en danger physique ou moral.
La BPM intervient également pour la réalisation des enquêtes sociales et la
réinsertion des enfants victimes de toutes formes d’abus et ceci en collaboration
avec les services sociaux et ONG spécialisés.
Protection judiciaire : elle concerne les affaires pénales : mauvais traitements à
enfants, trafic et exploitation de mineurs, abus sexuels sur mineurs, mutilations
génitales féminines… en un mot toutes les infractions commises à l’égard des
mineurs par des adultes ou par d’autres mineurs.
c. Répression
La BPM établit des procès-verbaux d’enquête relatifs aux crimes et délits commis par et
sur des mineurs et présente les auteurs au Parquet dans le strict respect des prescriptions de
l’ordonnance 69-23 du 10/07/1969 relative au Jugement des infractions commises par les
mineurs de 18 ans. En réalité, elle ne réprime par mais collabore à la mission de répression.
146
Séminaire en justice des mineurs
1.5.3 Comment saisir la BPM ?
Toute personne peut saisir la Brigade de Protection des Mineurs soit pour se plaindre soit
pour dénoncer des cas de mauvais traitement, de trafic d’enfants… etc dont elle a
connaissance. Pour ce faire, elle peut :
- Se présenter directement à la Brigade ou
- déposer une lettre plainte à la Direction de La Police Judiciaire (ex-Sûreté) ou
- téléphoner aux :
o 16 (numéro vert,)
o 33-85-66
o 33-81-33
- Email : [email protected].
1.5.4 Institutions et ONG partenaires ou collaborant avec la BPM
-
-
Le Procureur de la République
Le juge des enfants
L’Unicef
Le Ministère de la Famille de la Protection Sociale et de la Solidarité
avec des centres de Promotion Sociale.
IPEC-BIT
Les Comités Locaux de lutte contre le trafic d’enfants. (1083)
Les Organisations Non Gouvernementales oeuvrant pour la protection des droits de
l’Enfant. Elles sont regroupées au sein d’une coordination nationale appelée CLOSE
qui comprend une trentaine d’ONG (Terre des Hommes, Foyer Don Bosco, le carrefour
d’écoute et d’Orientation, Archevêché de Cotonou, la Fondation Regard d’Amour,
Esam, etc.).
Les Commissariats de Police, Brigades de Gendarmerie, Mairies, Arrondissements,
Chefs de Village et de quartiers de ville.
Le bureau central d’assistance technique : Le Bureau Central d’Assistance Technique
mis en place auprès de la BPM, pilote le projet de lutte contre le trafic des mineurs
financé par le Fonds Européen de Développement. Les objectifs de ce projet sont :
Renforcer les capacités d’intervention de la BPM (dotation en matériel roulant et
informatique, formation des personnels).
Mettre en place des actions de sensibilisation auprès des populations, des ONG,
des médias par des campagnes de communication et de formation.
Renforcer et appuyer le Centre d’Ecoute et d’Orientation (CEO).
Mettre en place des actions au niveau législatif permettant le renforcement de
l’arsenal juridique béninois en matière de lutte contre le trafic d’enfants.
2. Statistiques
2.1 Année 2002
Au cours de cette année, mille cinq cent (1500) cas ont été enregistrés par le service et se
répartissent comme suit :
147
Séminaire en justice des mineurs
2.1.1 Infractions à la loi pénale
-
Abandon d’enfant : 161
Abandon de famille : 135
Enlèvement de mineur : 128
Mauvais traitement : 77
Menaces : 57
Abandon de domicile conjugal : 25
Viol : 24
Coups et blessures volontaires : 14
Incitation de mineur à la débauche : 13
Trafic d’enfants : 13
Séquestration : 12
Exposition : 08
Mariage forcé : 04
Attentat à la pudeur : 04
Avortement : 04
Tentative d’avortement : 03
Vol (commis par un mineur) 02
Adultère : 01
Fausse déclaration de naissance : 01
Rébellion contre une décision de justice : 01
Tentative d’empoisonnement : 01
Non assistance à personne : 01
2.1.2 Cas sociaux
-
Demande d’intervention : 291
Contestation de grossesse : 37
Contestation de paternité : 24
Demande de parrainage : 01
Il est à noter que de tous ces cas, trente trois (33) ont fait l’objet d’une procédure régulière
au parquet et trente quatre (34) personnes déférées au cours de cette année.
2.2 Année 2003
Au cours de l’année 2003, neuf cent onze (911) cas ont été enregistrés par le service et se
présentent comme suit :
2.2.1 Infraction à la loi pénale
-
Abandon d’enfant : 44
Abandon de famille : 162
Enlèvement de mineurs : 90
Mauvais traitement : 26
Menaces : 25
Abandon de domicile conjugal : 13
Viol : 19
Coups et blessures volontaires : 14
148
Séminaire en justice des mineurs
-
Incitation de mineur à la débauche : 04
Trafic d’enfant : 22
Séquestration de mineur : 19
Exposition d’enfant : 03
Attentat à la pudeur: 01
Avortement : 02
Vol : 06
Adultère : 01
Empoisonnement : 01
2.2.2 Cas sociaux
-
Demande d’intervention : 338
Contestation de grossesse : 35
Contestation de paternité : 07
Demande de parrainage : 08
Il est à noter que de tous ces cas, quarante sept (47) ont fait l’objet d’une procédure
régulière au Parquet et soixante deux (62) personnes ont été déférées.
2.3 Année 2004 (du 1er Janvier au 28 Novembre)
Au cours de l’année 2004, neuf cent quarante et un (941) cas ont été enregistrés par le
service et se présentent comme suit :
2.3.1 Infraction à la loi pénale
- Pédophilie : 01
- Abandon d’enfant : 19
- Abandon de famille : 151
- Enlèvement de mineurs : 45
- Mauvais traitement : 46
- Menaces : 08
- Abandon de domicile conjugal : 51
- Viol : 25
- Coups et blessures volontaires : 15
- Incitation de mineur à la débauche : 03
- Trafic d’enfant : 19
- Séquestration de mineur : 12
- Exposition d’enfant : 04
- Mariage forcé : 01
- Attentat à la pudeur: 01
- Avortement : 03
- Tentative d’avortement : 04
- Vol : 16
- Rébellion contre une décision de justice : 02
- Non assistance à enfant en danger : 01
- Tentative de viol : 03
149
Séminaire en justice des mineurs
2.3.2 Cas sociaux
- Demande d’intervention : 421
- Contestation de grossesse : 17
- Contestation de paternité : 06
- Abandon de grossesse : 55
- Disparition d’enfant : 12
Il est à noter que de tous ces cas, trente trois (33) ont fait l’objet d’une procédure régulière
au Parquet avec trente quatre personnes déférées.
IV. Conclusion
Il ressort de tout ce qui précède que le Bénin dispose d’un minimum de textes qui
prévoient la protection juridique et judiciaire du mineur de 18 ans au plan Civil et Pénal.
Mais ses textes gagneraient plus en efficacité si certains d’entre eux étaient révisés ou
même remplacés ; (Ex examen rapide du projet de loi sur la répression du trafic, qui se
trouve encore à la cour suprême pour son avis motivé ; aussi l’ordonnance 69-23 du 10
Juillet 1969 doit être remplacée par une loi plus large qui engloberait à la fois, la
compétence pénale et civile. Ceux qui donneraient une assise juridique à l’intervention du
juge dans les cas où l’enfant est en danger sur tous les plans).
Aussi la sensibilisation en direction de tous les acteurs du système de protection doit se
poursuivre et se renforcer. Egalement doter de moyens matériels et techniques tous ces
acteurs pour une bonne tenue des statistiques relatives à la situation des mineurs en
difficultés.
150
Séminaire en justice des mineurs
BURKINA FASO
Fodé KONDE, Administrateur Adjoint Protection UNICEF/Ouagadougou.
1. Introduction
La justice pour mineurs/juvénile recherche le bien-être du mineur et fait en sorte que les
réactions vis-à-vis des délinquants juvéniles soient toujours proportionnées aux
circonstances propres aux délinquants et aux délits.
2. Analyse de la situation
-
-
L’état des lieux est préoccupant. Le pays compte 17 maisons d’arrêt et de correction et
un centre pénitentiaire agricole (Baporo).
Il y a (4) types de lieux de détention : Maisons d’arrêt destinées à recevoir et à détenir
les prévenus et les inculpés ; Maisons de correction destinées à recevoir les
condamnés ; Centres pénitentiaires Agricoles destinés a recevoir les condamnés
bénéficiant du régime de la semi-liberté ; Centres de rééducation et de formation
professionnelle destinés à recevoir les mineurs condamnés.
La pratique : prévenus, inculpés, condamnés, mineurs, femmes se retrouvent détenus
dans des Maisons d’Arrêt et de Correction.
La population carcérale est estimée, en moyenne et par an à 10'000 détenus.
Le monde carcéral se caractérise par :
- la vétusté et/ou l’inadaptation des établissements pénitentiaires,
- la surpopulation carcérale,
- l’absence, en général, de la séparation par catégorie des détenus (les condamnés
des prévenus, les femmes des hommes, les mineurs des adultes),
- l’oisiveté et le désoeuvrement des détenus,
- les mauvaises conditions d’hygiène et la mauvaise qualité de l’alimentation,
- l’insuffisance des médicaments et l’absence, en général de prise en charge
psychosociale des détenus,
- le taux toujours élevé des détentions préventives de longue durée des mineurs et
des femmes,
- l’absence de relais dans la prise en charge sociale, psychologique et éducative des
mineurs à leur sortie,
- la modestie des moyens alloués à l’administration pénitentiaire.
3. Cadre normatif
L’ensemble des normes juridiques régissant la détention du mineur a été édicté en vue d’un
traitement carcéral dont la finalité n’est pas sa punition mais plutôt sa réinsertion sociale.
Ces normes prévoient et préconisent la prise de mesures d’éducation, de formation, de
prise en charge psychosociale tant en milieu ouvert que fermé par un personnel spécialisé,
la détention dans des conditions humainement acceptables et la réorientation de la
personnalité du mineur en détention. Elles visent, en ce qui concerne la femme, une prise
en compte de sa nature propre, sans pour autant perdre de vue le rôle répressif de la peine.
151
Séminaire en justice des mineurs
Contrer la délinquance ne suffit pas, il faut viser à la réduire de façon humaine et réaliste.
Or, on n’y parvient jamais en se contentant de faire un peu souffrir le délinquant par le
moyen de l’emprisonnement qui porte en soi le germe de la récidive.
Protection spéciale
pour les enfants et
les femmes privés de liberté
Soutien supplémentaire aux enfants
et femmes vulnérables
Droits de l’Homme pour tous
4. Conditions de détention des mineurs
4.1 Violations des droits humains des enfants avant la phase de jugement.
-
-
-
-
Le mineur interpelé par la police ou la gendarmerie pour une infraction pénale peut
faire l’objet d’une mesure de garde à vue dans les locaux du commissariat ou de la
gendarmerie pendant 72 heures (prorogées de 48 heures sur autorisation du Procureur
du Faso).
Beaucoup d’acteurs de l’accompagnement des enfants en conflit avec la loi sont
unanimes à déplorer pendant la période d’enquête préliminaire :
- le non-respect du délai de garde à vue,
- la non séparation en général du mineur de l’adulte pendant cette phase,
- les brutalités et les interrogatoires musclés,
- l’inexistence d’unités de police spécialisées pour les mineurs et insuffisance de
formation spécifique.
Au moment du jugement, le recours à la condamnation à l’emprisonnement est
fréquent et en cas de commission d’une infraction qualifiée délit, le mineur est jugé
selon la procédure de citation directe ou de flagrant délit sans distinction particulière ou
notoire avec un adulte commettant la même faute.
Le juge correctionnel distingue quand même selon qu’il s’agit d’un mineur de moins de
13 ans, d’un mineur de la tranche d’âge 13/16 ans et du mineur âgé de plus de 16 ans.
Si l’excuse de minorité est le droit dans le premier cas, il est admis avec circonspection
dans le second et ne s’applique plus dans le troisième cas.
En pratique, l’absence de pièces d’identité dans la plupart des procédures rend cette
distinction superflue dans l’ensemble.
152
Séminaire en justice des mineurs
4.2 Violations des droits humains des enfants pendant la phase de détention.
-
-
Parmi les 297 nouveaux entrés en prison au cours de l’année 2000 : 118 étaient placés
sous OPG et ont été condamnés à l’emprisonnement ; 25 étaient des inculpés pour des
délits graves ou des crimes ; 154 ont été soit inculpés, en liberté provisoire, jugés,
acquittés, soit en détention sous OPG ou sous OMD.
Le vol représente 79% des condamnations ; la détention et l’usage de drogues, 5% des
condamnations ; l’abus de confiance, 5% des condamnations et le recel, 3,4% des
condamnations.
5. Difficultés rencontrées par le mineur en conflit avec la loi
-
Les difficultés d’intégration sociale après le contact avec l’appareil judiciaire et le
monde carcéral (taux de récidive élevé, stigmates profonds d’ordre social et moral).
L’absence ou insuffisance d’accompagnement éducatif approprié.
Les difficultés d’une personnalisation du traitement à cause de la faiblesse d’un suivi
individuel sur les plans personnel, psychologique, médical, juridique, social, scolaire
ou professionnel.
Les difficultés du maintien ou le renouement des liens familiaux.
L’inexistence de quartiers pour mineurs dans quelques maisons d’arrêt ou inefficacité
des mesures prises pour éviter la promiscuité avec les adultes.
6. Vers une justice à visage humain en faveur des enfants
Sont en cours les réformes du CPP (loi sur la délinquance juvénile). Un ensemble de
réformes sont prévues dans le cadre de la « Stratégie et Plan d’action National pour la
réforme de la Justice au Burkina Faso 2002-2006 » :
- l’institution de Tribunaux pour enfants ;
- l’interdiction de prononcer la peine de mort contre un enfant ;
- la distinction entre la procédure applicable à l’enfant en conflit avec la loi et celle
applicable à l’enfant en situation particulièrement difficile ;
- le conseil obligatoire d’un avocat dès l’enquête préliminaire ;
- l’introduction du travail d’intérêt général ;
- l’instruction obligatoire (avec enquête sociale) ;
- le pouvoir du Procureur pendant l’enquête préliminaire d’appliquer une mesure
éducative.
7. Perspectives
-
La contribution à la promotion des peines alternatives à l’emprisonnement, en
particulier, en direction du mineur et de la femme, délinquants primaires.
L’accentuation de la synergie d’action entre structures extérieures de prise en charge
des enfants en conflit avec la loi en vue de contenir, voire de juguler la délinquance
juvénile.
Le renforcement des capacités du personnel d’encadrement sur les droits de l’Enfant.
153
Séminaire en justice des mineurs
-
L’encouragement à l’implication plus accrue de la société civile et les leaders
d’opinion tant nationaux qu’internationaux dans l’action de prise en charge de la
femme et de l’enfant en détention.
L’appui au renouement des liens de famille entre le mineur et sa famille.
8. Conclusion
Une politique pénitentiaire respectueuse des droits humains doit être élaborée et mise en
œuvre. Elle doit être encadrée par une politique criminelle qui :
- indique clairement les finalités qu’elle assigne à la privation de liberté ;
- définit une politique de poursuites pénales en fonction de la gravité des infractions, de
manière à explorer d’autres mesures notamment alternatives à l’emprisonnement pour
les délits de moindre gravité, pour les délinquants mineurs et pour les femmes ;
- veille à ce que les procédures judiciaires soient conduites dans l’esprit d’une bonne
administration de la justice et met en place les mécanismes efficaces et susceptibles de
corriger les dérives préjudiciables à la liberté et aux droits humains de la personne ;
- intègre les principes devenus universels en matière de détention et de respect des droits
humains.
154
Séminaire en justice des mineurs
BURUNDI
Pascal BARANDAGIYE, Chef de Mission
Thélesphore BAZAHIGEJEJE, Membre
1. Situation géographique du Burundi
Le Burundi est un petit pays situé en Afrique centrale, au « cœur de l’Afrique », d’environ
28.000 km², avec comme pays limitrophes la R.D.C., le Rwanda et la Tanzanie. Les
langues couramment parlées sont le Kirundi (langue nationale) et le français. Le Kiswahili
et l’anglais sont également parlés mais de façon moins répandue que ces deux premières.
2. La législation burundaise face à la justice des mineurs
Force est de constater que dans la législation burundaise, il n’existe aucun code consacré
exclusivement au droit des mineurs, tout comme il n’existe pas de juridiction spécialisée
pour mineurs. Ceux-ci sont jugés par les juridictions de droit commun.
Néanmoins, cet état de chose ne signifie pas que notre législation ignore complètement le
droit des mineurs. Des dispositions éparses protégeant les droits des mineurs se rencontrent
dans les lois les plus importantes comme la Constitution, loi fondamentale, le Code des
personnes et de la famille, ainsi que le Code pénal.
Il importe également de préciser que le Burundi a ratifié la Convention relative aux droits
de l’enfant de 1989.
2.1 La Constitution du Burundi
La Constitution de la République du Burundi qui est le texte fondamental qui inspire
d’autres lois précise en son article 19 que « les droits et devoirs proclamés et garantis, entre
autres… par la convention relative aux droits de l’enfant font partie intégrante de la
Constitution de la République du Burundi ».
De la sorte, on comprend aisément que cette convention a valeur Constitutionnelle dans
l’armature juridique burundaise. L’on peut néanmoins déplorer que jusqu’à aujourd’hui,
certaines dispositions pertinentes de cette convention restent inappliquées.
A titre d’exemple, et pour ne citer que ceux-là, les articles 24 al. 1 et 28 al. 1 litt. a de la
Convention attirent l’attention du lecteur burundais. L’article 24 al. 1 dispose que « les
Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et
de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun
enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services ».
Le texte ci-haut cité est bien loin de la réalité qui prévaut au Burundi surtout ces dernières
années à cause de la crise que traverse le pays depuis plus de dix ans. Un nombre important
d’enfants (mineurs) restent privés des soins de santé minima et vivent dans des conditions
déplorables.
155
Séminaire en justice des mineurs
Quant à l’article 28 al. 1 litt. a, il impose aux Etats parties de rendre obligatoire et gratuit
pour tous l’enseignement primaire. Cette disposition n’a pas été suivie d’effet puisque
l’enseignement soit-il primaire n’est pas accessible à tous et les frais scolaires pèsent
toujours sur les parents des enfants.
Précisons à toutes fins utiles que les articles 44 à 46 de la Constitution reconnaissent à
l’enfant une série de droits qui pour l’essentiel sont consignés dans la convention précitée.
Il y a lieu de citer notamment le droit de ne pas être utilisé directement en conflit armé, le
droit d’être séparé des détenus de plus de seize ans et de faire l’objet d’un traitement et de
conditions de détention adaptés à son âge, etc.
2.2 Le Code pénal burundais
Le Code pénal burundais se préoccupe des enfants mineurs particulièrement en ses articles
14 et 16 en déclarent « irresponsables » une certaine catégorie de mineurs et en diminuant
le tarif de répression d’une autre catégorie de mineurs ; mais aussi en ses articles 369 en
rapport avec l’abandon de famille, 372 en rapport avec la répression de la prostitution et
385 en rapport avec la répression du viol.
En effet, l’article 14 du code pénal dispose que « les infractions commises par les mineurs
de moins de treize ans ne donnent lieu qu’à des réparations civiles », tandis que l’article 16
assouplit l’échelle des sanctions pour les mineurs de treize à dix-huit ans. L’article 369
punit le père ou la mère de famille qui abandonne sans motif pendant plus de deux mois la
résidence familiale et se soustrait ainsi des obligations résultant de l’autorité parentale ou
de la tutelle.
Quant à l’article 372, il prévoit des sanctions sévères à l’encontre de celui qui aura favorisé
la prostitution ou la débauche sur une personne mineure. L’article 385 quant à lui
considère comme viol avec violence le seul rapprochement de sexe commis sur la personne
du mineur et prévoit des sanctions très sévères pour l’auteur.
2.3 Le code des personnes et de la famille
Le code des personnes et de la famille se préoccupe de la protection des mineurs d’abord
en ce qu’il interdit le mariage de ces derniers. C’est ce qui ressort de l’article 88 qui fixe
l’âge pour se marier à vingt et un ans pour le garçon et dix-huit ans pour la fille.
Ensuite, dans la procédure en divorce, les intérêts des enfants doivent être sauvegardés.
Ainsi, l’article 172 du C.P.F. dispose que : « Pendant l’instance en divorce et à la demande
de l’une des parties, le tribunal statue dans l’intérêt du ménage et des enfants, sur la
résidence séparée des époux et la remise des effets personnels ».
Par ailleurs, le C.P.F. organise en ses articles 229 à 334 un régime de protection des
mineurs dont l’unique parent ou le parent survivant du mineur est décédé, absent, disparu
ou déchu de l’autorité parentale.
Enfin, le C.P.F. protège le mineur en déclarant nuls certains actes par lui posés. C’est ce
qui ressort des articles 341 à 352.
156
Séminaire en justice des mineurs
Comme nous venons de le voir, la législation burundaise se préoccupe largement de la
protection des droits des mineurs mais éprouve de sérieux problèmes quant à la mise en
application effective de certains textes notamment la convention relative aux droits de
l’enfant.
Nous estimons qu’au terme de ce séminaire nous serons d’avantage éclairés sur les voies et
moyens d’asseoir une justice saine et efficace à l’endroit des mineurs qui pourront guider
notre législation interne.
157
Séminaire en justice des mineurs
CAMEROUN
Céline MBOG épouse ABOLO, Magistrat, Substitut du Procureur à Yaoundé.
Ruth Aurélie KOUANKAM épouse SCHLICK, Magistrat, Juge au Tribunal de Première
Instance de Mbalmayo.
Le mineur en conflit avec la loi c’est-à-dire celui dont les agissements tombent sous le
coup de la loi pénale et qui est appelé à faire face au système institutionnel de réparation
des torts causés à autrui ou à la société a longtemps été considéré comme un enfant
entièrement à part.
La prise en compte relativement récente au Cameroun de la nécessité de lui accorder une
protection particulière s’est traduite par une législation avenante (1) et la ratification des
différentes conventions internationales relatives à l’enfant. (2)
1. Les instruments juridiques internes de protection des droits de l’Enfant en conflit
avec la loi
Ils sont différents selon qu’on se situe du côté anglophone ou francophone du Cameroun.
Toutefois la constitution, le code pénal et décret n° 92-052 du 27 mars 1992 fixant le
régime pénitentiaire demeurent communs aux deux régions
1.1 La constitution
La constitution camerounaise dans sa nouvelle écriture du 18 Janvier 1996 donne une base
constitutionnelle à tous les traités relatifs aux droits de l’homme. Elle consacre aussi la
suprématie de tous les traités autres que ceux cités ci-dessus sur tous les textes de droit
interne.
1.2 Le code pénal
L’article 80 du code pénal dispose que : «le mineur de 10 ans n'est pas pénalement
responsable.
Le mineur de 10 à 14 ans pénalement responsable ne peut faire l’objet que de l’une des
mesures spéciales prévues par la loi.
Le mineur âgé de plus de 14 ans et de moins de 18 ans pénalement responsable bénéficie
de l’excuse atténuante.
Le majeur de 18 ans est pleinement responsable.
L’âge de l’auteur se calcule à la date de la commission de l’infraction ».
L’article 29 du même code dispose que : « Les mineurs de 18 ans subissent leur peine
privative de liberté dans les établissements spéciaux. A défaut ils sont séparés des détenus
majeurs ».
L’article 39 alinéa 6 quant à lui met le mineur délinquant à l’abri de la relégation même
devenu majeur.
L’article 48 dispose qu’ : «Au cas où un mineur de 18 ans a commis des faits qualifiés
d’infraction, le président du tribunal peut imposer à ses père, mère, tuteur ou responsable
coutumier l’engagement de payer une certaine somme d’argent fixée par lui si le mineur
commet des faits de même nature dans le délai d’un an sauf s’ils démontre qu’ils ont pris
158
Séminaire en justice des mineurs
toutes les mesures utiles pour que celui-ci ne récidive pas. Cet engagement peut être assorti
d’autres engagements pris par des garants solvables afin de prévoir toute cessation de
paiement des parents ou tuteur ».
L’article 198 du même code interdit la publication de toute décision condamnant un
mineur, assortie de tout moyen permettant son identification.
1.3 Le décret n° 92-052 du 27 mars fixant le régime pénitentiaire au Cameroun
D’après ce décret, le mineur ne peut être détenu que dans une prison d’orientation ou de
sélection, dans une prison école ou une prison spéciale. L’article 8 du décret dispose qu’en
l’absence des structures visées ci-dessus, le mineur est soumis à un régime particulier. Il
peut s’agir d’un quartier spécial et de la limitation de sa corvée à l’intérieur de la prison.
Le décret n° 2001/109 du 20 mars 2001 vient fixer l’organisation et le fonctionnement des
institutions publiques d’encadrement des mineurs et de rééducation des mineurs inadaptés
sociaux. De ce décret, émergent cinq types d’institutions fonctionnant suivant deux axes
d’interventions :
- La prévention de l’inadaptation sociale (centres d’accueils et de transit ; centres
d’hébergements)
- La prise en charge de l’inadaptation (centres d’accueil et d’observation ; home ateliers ;
centres de rééducation)
1.4 The children and young person ordinance cap 32
Il est applicable dans les deux provinces anglophones du pays. Ce texte d’une manière
générale fixe la procédure à suivre en matière de délinquance juvénile.
L’article 3 fait de la détention du mineur une exception. En effet le mineur arrêté, qui ne
peut être conduit immédiatement devant une juridiction doit être relâché avec ou sans
caution après avoir pris l’engagement de comparaître chaque fois qu’il sera requis. Cet
article est applicable dès l’arrestation par les officiers de la police judiciaire.
D’après ce texte :
- Le mineur peut être poursuivi par voie de flagrant délit.
- Il doit être séparé des majeurs lors de la garde à vue.
- La comparution du parent en cas de poursuites de son enfant mineur est obligatoire. Il
peut d’ailleurs y être contraint par corps.
Lorsqu’un mineur est reconnu coupable d’infraction à la loi pénale, le tribunal dispose
d’une panoplie de sanctions. Il peut :
- Laisser le mineur libre si celui-ci prend l’engagement de ne plus commettre
d’infraction ou de payer une certaine somme d’argent fixée par lui en cas de violation
de cet engagement.
- Placer le mineur sous la supervision d’un délégué à la probation.
- Confier le mineur à la charge d’un parent ou d’un tuteur, ou à une institution.
- Le condamner à supporter les amendes, les réparations civiles et les dépens.
- Condamner ses parents à supporter les amendes, les réparations civiles et les dépens.
- Obliger les parents à donner les gages de sa bonne conduite pour le futur.
Ce texte en son article 11 alinéa 1 interdit l’emprisonnement d’un mineur de moins de 14
ans et n'envisage celui d’un enfant de 17 ans que s’il n’y a pas d’autres alternatives. Il faut
159
Séminaire en justice des mineurs
souligner que ce texte fait une distinction entre l’enfant, défini comme une personne ayant
moins de 14 ans et « The Young person » dont l’âge se situe entre 14 et 16 ans. De même,
la peine de mort ne peut être prononcée contre un mineur de17 ans.
Ce texte permet au juge de ne pas appliquer de peine au mineur coupable d’une infraction
si ce dernier prend l’engagement assorti ou non de garanties personnelles ou réelles de bien
se conduire pendant une durée pouvant aller jusqu'à trois ans. Le mineur dans ce cas doit
accepter de se mettre sous la supervision d’un délégué à la probation. Ce dernier rend
régulièrement compte au tribunal du suivi du mineur.
1.5 Le décret du 30 novembre 1928 instituant les juridictions spéciales et le régime de la
liberté surveillée pour les mineurs.
Ce texte est applicable uniquement dans les huit provinces francophones du Cameroun.
D’après ce dernier, le mineur de 10 à 14 ans en conflit avec la loi pénale est justiciable des
tribunaux civils et non répressifs. Il peut être soumis à des mesures de tutelle, surveillance,
éducation, de réforme et d’assistance qui sont ordonnées par le président du tribunal civil.
D’une manière générale ce texte réglemente le régime de la liberté surveillée ainsi que la
procédure de l’administration de la justice pour mineur en matière pénale. Ainsi par
exemple les mineurs ne peuvent être poursuivis que par la voie de l’information judiciaire.
2. Les instruments juridiques internationaux de protection des droits de l’enfant en
conflit avec la loi
On distinguera les instruments conventionnels ratifiés par le Cameroun des instruments
non conventionnels.
2.1 Les instruments conventionnels
Pour l’essentiel il s’agit de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par le
Cameroun le 11 janvier 1993, et de la Charte Africaine des droits et du bien-être de
l’enfant. Elle a été ratifiée par le Cameroun le 5 septembre 1996.
2.2 Les instruments non conventionnels.
Le 8eme congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants (La Havane 1990) a donné naissance à deux importantes résolutions relatives
au phénomène de la délinquance juvénile :
- Les principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile (résolution
45 /112).
- Les règles pour la protection des mineurs privés de liberté (résolution 45/113).
Ces deux résolutions complètent l’ensemble des règles minima concernant l’administration
de la justice juvénile (résolution 40/33) adapté précédemment en 1985.
Ces principes n'ont pas valeur législative. Ils ne sont donc pas contraignants à l’égard des
Etats. Toutefois ces derniers peuvent s’en inspirer en vue de l’élaboration des législations
nationales.
A l’aube de l’élaboration d’un code de protection de l’enfance au Cameroun, nul doute que
le législateur s’inspirera de ces derniers. L’avant projet du code de procédure pénale dans
sa plus récente version constitue déjà une avancée en ce qu’il consacre le droit du mineur
160
Séminaire en justice des mineurs
d’être assisté d’un conseil. D’ailleurs, la juridiction saisie peut lui en designer un d’office ;
de même, le huis clos devient obligatoire dans toute procédure concernant le mineur.
Il est également tenu au greffe de chaque tribunal de première instance un registre spécial
dans lequel sont mentionnées toutes les décisions concernant les mineurs de 18 ans.
3. Que retenir en définitive ?
Dans l’ensemble, les textes camerounais en matière de protection des droits de l’enfant ne
sont pas éloignés des grands principes énoncés dans les instruments juridiques
internationaux présentés ci-dessus. Ainsi le mineur de 14 à 18 ans n’est pas justiciable des
juridictions d’exception. Il bénéficie automatiquement de l’excuse atténuante de minorité
devant le tribunal répressif. La peine de mort ne lui est pas applicable. Il commet plus de
délits que de crimes avec une prédominance des délits d’atteinte aux biens. L’avant-projet
du code de procédure pénale ne prévoit certes pas de tribunaux pour mineurs mais la
composition de ces derniers lorsqu’ils statuent en matière de justice juvénile est spéciale.
On a ainsi :
- Un président
- Un représentant du ministère public
- Deux assesseurs membres
- Un greffier
Les assesseurs sont des personnes de nationalité camerounaise connues pour l’intérêt
qu’elles portent aux questions de l’enfance ou pour leur compétence en la matière. Ils ont
voix délibératives sur les peines et les mesures à prononcer contre le mineur.
« Le bail » est prévu dès l’enquête policière. « Le bail » est l’engagement pris par une
personne poursuivie d’infraction à la loi pénale de comparaître chaque fois qu’elle sera
requise faute de quoi elle payera une somme d’argent fixée par l’autorité ayant accordée la
mesure.
L’avant-projet rend obligatoire l’assistance par un conseil du mineur en conflit avec la loi
pénale.
Enfin, ce texte fait expressément référence à « l’intérêt supérieur de l’enfant » en son
article 702 lorsqu’il s’agit d’ordonner sa garde.
161
Séminaire en justice des mineurs
GABON
Geneviève BILOGO, Juge au siège près le Tribunal de première instance de Libreville
En dehors de la ratification des conventions et traités internationaux notamment la
Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et de la Charte africaine des droits
de l’enfant, le Gabon dispose d’une législation considérable aussi bien en matière de
protection des droits de l’enfant qu’en ce qui concerne la répression des enfants en conflit
avec la loi.
Cette législation est principalement consacrée entre autres dans la constitution de la
République Gabonaise, le code civil gabonais, la loi n°21/63 du 31 mai 1963 mise à jour
en novembre 1994 régissant le code pénal gabonais et le code de procédure pénale.
Le code civil prévoit la protection de l’enfant mineur en ses dispositions relatives à
l’étendue et à l’exercice de l’autorité des père et mère, à l’assistance éducative, à
l’administration légale des biens du mineur et à la tutelle.
Les dispositions du code pénal relatives à la protection de l’enfant mineur concernent
surtout les mineurs victimes des infractions qui ont trait aux bonnes mœurs telles que les
viols, les attentats à la pudeur et les infractions relatives au mariage et à la famille.
Nous traiterons particulièrement de la protection de l’enfant poursuivi ou mineur en conflit
avec la loi.
Le législateur gabonais définit le mineur pénal comme étant l’individu de l’un ou de l’autre
sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis, étant entendu que la majorité
pénale est de dix-huit ans.
Il distingue deux types de mineurs à savoir :
- le mineur de treize ans qui bénéficie de l’excuse de minorité
- et celui de plus de treize ans et de moins de dix-huit ans responsable pénalement.
1. La nature des infractions commises par les mineurs
Ces mineurs sont souvent poursuivis pour des faits de détention, d’usage et parfois de
vente de stupéfiants, notamment le chanvre indien (ou cannabis), plus rarement la cocaïne
et l’héroïne en provenance de pays voisins.
En général, le cannabis est déversé sur le territoire gabonais par les sujets équato-guinéens,
la cocaïne et l’héroïne proviennent du Nigéria.
Comme la drogue crée un effet de dépendance et que ces mineurs ne disposent pas souvent
de moyens financiers pour s’en procurer, ils sont obligés de se livrer aux vols de tout genre
(vol simple, vol à la tire, vol aggravé, vol qualifié, braquage à mains armées).
Ils sont souvent poursuivis de coups et blessures volontaires, de conduite sans permis.
162
Séminaire en justice des mineurs
Les délits de faux et usage de faux, le défaut de carte de séjour sont commis généralement
par les mineurs de moins de seize ans des autres nationalités vivant sur le territoire. Ces
derniers établissent ou se font établir de fausses pièces d’identité nationales pour se faire
passer pour des nationaux.
2. Quid de la procédure avant jugement
Il n’existe pas de juridictions spécialisées pour juger le mineur gabonais mais plutôt des
procédures spéciales.
Le mineur de treize ans coupable des faits qualifiés de délit ou crime sera déféré au
Président du tribunal qui pourra prononcer par ordonnance soit la remise de l’enfant à ses
parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de
confiance, soit son placement dans une institution ou un établissement public ou privé
d’éducation ou de formation professionnelle ou dans un établissement médical.
Généralement, ils sont confiés à leurs parents, les établissements et institutions susvisées
n’ayant pas encore vu le jour au Gabon.
Quant au mineur de treize à dix-huit ans, il sera dans tous les cas déféré au juge
d’instruction qui s’informera sur les conditions d’existence et d’éducation de l’enfant.
S’il ne le place pas sous mandat de dépôt, le magistrat instructeur pourra par ordonnance
spéciale le confier à toute personne ou institution de son choix qui en conservera la garde
jusqu’à la décision du tribunal.
Il s’agit là de la théorie, la pratique en est tout autre.
En règle générale, si le mineur n’est pas élève, qu’il ne dispose pas d’adresse fixe (surtout
qu’il s’agit le plus souvent des enfants de la rue), le juge considère qu’il n’y a pas de
garanties suffisantes de représentation. Dans ce cas, il le place sous mandat de dépôt. Il
s’agit d’une mesure de mise à disposition de la justice.
3. Devant la juridiction de jugement
Devant le tribunal correctionnel ou devant la cour criminelle, le mineur de plus de treize
ans et de moins de dix-huit ans est jugé en audience non publique, à moins qu’il ne soit
inculpé dans la même cause avec un ou plusieurs coïnculpés majeurs.
Dans la pratique, les dossiers des mineurs et ceux des majeurs sont enrôlés au cours d’une
même audience.
Quand il faut connaître d’une affaire concernant le mineur, le Président d’audience fait
vider la salle et les débats se déroulent à huis clos.
Dans tous les cas, le jugement ou l’arrêt est rendu en audience publique.
163
Séminaire en justice des mineurs
La juridiction saisie statue sur le fait de savoir si l’infraction a été commise avec ou sans
discernement.
Dans le premier cas, le tribunal pourra condamner le mineur aux peines prévues par la loi,
ou à une peine inférieure dont le minimum sera celui des peines de simple police.
Dans le second cas, il ne sera pas prononcé de condamnation mais le tribunal prendra
toutes mesures propres à assurer l’amendement du mineur et sa rééducation.
Le mineur prévenu ou condamné est toujours placé dans un quartier spécial des
établissements pénitentiaires. La peine de mort ne sera jamais prononcée contre un mineur
de dix-huit ans.
4. Les perspectives
Il est prévu la mise en place des établissements et institutions d’accueil des mineurs mais
ceux-ci n’ont pas encore vu le jour.
Toutefois, avec le phénomène des enfants abandonnés et des enfants victimes du trafic, un
centre d’accueil a vu le jour à Libreville à l’initiative et sous le contrôle du ministère des
Affaires sociales.
5. Les attentes futures ou recommandations
-
Notre souhait est que le gouvernement mette en place les établissements de
redressement et de rééducation des mineurs en conflit avec la loi ;
La création surtout des juridictions spéciales pour mineur et la formation des magistrats
en la matière ;
Que le Gabon protège de plus en plus ses frontières pour limiter l’immigration
clandestine.
164
Séminaire en justice des mineurs
GUINEE
Ousmane TOURE N’FA, Magistrat, Président de la section pénale
Fanta Oulen Bakary CAMARA, Commissaire principal – Direction de la Police judiciaire
1. La minorité pénale en droit guinéen
La minorité est l’état d’une personne qui n’a pas encore atteint l’âge où elle sera
légalement considérée comme pleinement capable et responsable de ses actes.
La minorité pénale a pour effet de soumettre les mineurs à un régime juridique et pénal
particulier jusqu’à leur majorité pénale atteinte à dix-huit ans.
L’âge du délinquant détermine la juridiction compétente et les mesures ou sanctions
applicables.
Conformément à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), les
Etats fixent un âge minimum en dessous duquel les enfants sont présumés n’avoir pas la
capacité d’enfreindre la loi pénale.
Ainsi, l’article 64 du code pénal dispose : « les faits commis par un mineur de dix ans ne
sont pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales. Le mineur de treize ans
bénéficie de droit, en cas de culpabilité, de l’excuse absolutoire de minorité. Les mineurs
de dix à treize ans ne peuvent faire l’objet que de mesures de protection, d’assistance, de
surveillance et d’éducation prévues par la loi. L’excuse atténuante ou absolutoire de
minorité bénéficie aux mineurs de seize à dix-huit ans dans les conditions prévues par le
code de procédure pénale. En matière de crime et délit, l’excuse atténuante de minorité
produit les effets prévus par l’article 48 du code pénal. »
L’excuse absolutoire de minorité ne permet de prononcer que des mesures d’assistance, de
surveillance, de protection, d’éducation ou de tutelle.
L’article 727 al. 2 du code de procédure pénale (CPP) dit : « si l’infraction commise par un
mineur âgé de plus de treize ans est un délit, la peine qui peut être prononcée contre lui ne
peut s’élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait été condamné s’il avait eu
dix-huit ans ».
L’âge est déterminé par les pièces d’état civil, les jugements en tenant lieu ou tout autre
document confirmé par une expertise médicale. Si seule l’année de naissance est précisée,
on considérera que la naissance a eu lieu le 31 décembre de cette année. Si le mois est
précisé, la naissance sera considérée être intervenue le dernier jour de ce mois. Sinon, la
juridiction saisie apprécie souverainement l’âge.
Par principe, la solution la plus favorable au délinquant mineur doit être retenue.
165
Séminaire en justice des mineurs
2. Les juridictions
De grandes améliorations viennent d’être consenties en faveur des délinquants mineurs par
l’apparition des nouveaux codes pénal et de procédure pénale.
Les mineurs délinquants de dix-huit ans ne peuvent être jugés que par un juge des enfants,
un tribunal pour enfants (juge des enfants en tant que Président accompagné de deux
assesseurs nommé pour quatre ans) ou par la Cour d’assises des mineurs (article 698 et 721
du CPP).
Il existe au siège de chaque tribunal de première instance, un tribunal pour enfants et un ou
plusieurs juges des enfants.
Le juge des enfants effectue toutes les investigations utiles, pour connaître notamment la
personnalité du mineur et les moyens de rééducation. Il recueille par une enquête sociale
des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les
antécédents du mineur, sur sa fréquentation scolaire, son attitude à l’école, sur les
conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé.
Il peut ordonner un examen médical ou médico-psychologique. Il tient surtout compte de
l’intérêt du mineur dans le choix des mesures.
Il prévient les parents, fait désigner un défenseur, peut confier l’enfant à ses parents, à une
personne de confiance, à un service d’assistance, un centre d’accueil, un établissement ou
une institution d’éducation, de formation professionnelle ou de soin de l’Etat ou d’une
administration publique habilitée.
Le juge des enfants peut ensuite :
-
par ordonnance, renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants ;
s’il y a crime par un mineur de seize ans, transmettre les pièces au parquet général ;
par jugement en chambre de conseil, libérer le mineur si l’infraction n’est pas établie ;
l’admonester, ordonner provisoirement une liberté pour statuer après une ou plusieurs
périodes d’épreuves.
3. La cour d’assises des mineurs
Le mineur âgé de seize ans au moins, accusé de crime est jugé par la cour d’assises des
mineurs. Celle-ci se réunit durant la session de la cour d’assises. Elle est composée d’un
président, de deux conseillers et de six jurés.
Les deux conseillers magistrats sont pris parmi les juges des enfants du ressort de la cour
d’assises.
Les fonctions du ministère public auprès de la cour d’assises des mineurs sont remplies par
les membres du ministère public près la cour d’Appel.
166
Séminaire en justice des mineurs
Il est important de préciser que la chambre d’accusation peut renvoyer tous les accusés de
seize ans au moins devant la cour d’assises des mineurs ou disjoindre les poursuites
concernant les majeurs et renvoyer ceux-ci devant la cour d’assises de droit commun.
Les règles de procédure classique des assises s’appliquent à la cour des mineurs, dans le
respect de tous les droits de la défense, outre une limitation particulièrement stricte de la
publicité :
-
-
audience séparée de tous autres prévenus ;
aux débats, sont seuls admis les témoins (auxquels il peut être ordonné de se retirer
après leur audition), les parents ou le tuteur, les avocats, les représentants des sociétés
de patronage et des services ou institutions s’occupant des enfants, les délégués à la
liberté surveillée ;
la publication (presse, radio, …) du compte rendu des audiences est interdite ;
il en est de même de tout portrait du mineur et de toute illustration le concernant ;
les infractions à ces dispositions sont punies de l’amende (50'000 à 3 millions de
Francs guinéens) ou même de l’emprisonnement (deux mois à deux ans) en cas de
récidive.
Dans les autres cas de responsabilité civile qui pourront se présenter dans les affaires
criminelles, correctionnelles ou de police, les cours et tribunaux appliquent les dispositions
du code civil (responsabilité des personnes en charge de l’enfant…).
167
Séminaire en justice des mineurs
MALI
Hamidou KANSAYE, Directeur de la Police Judiciaire
Djénèba Karabenta KEITA, Président du Tribunal pour Enfants de Bamako
L’écrivain français Bossuf-T disait « la créature est sujette au changement à plus forte
raison l’enfant ». Quelque soit le milieu social auquel ils appartiennent, les jeunes dont
nous avons à orienter le sort, dont la plupart ne connaissent que la misère, ont vécu les
grandes privations, les souffrances, les horreurs. Notre pays n’en fait pas exception.
Une petite excursion dans nos villes, villages, un petit regard à l’intérieur des maisons, des
champs, des placers, dans nos centres de détention montrent que dans bien des cas les
enfants sont maltraités, les formes de maltraitance varient d’une contrée à une autre, d’une
époque à une autre et débouchent sur la délinquance.
Tout à la fois causes et conséquences, on pourrait se demander s’il existe un véritable droit
pour enfant au Mali. Pourtant la matière existe et dans bien des domaines.
1. Législation applicable
1.1 Au niveau international les textes ratifiés par le Mali
-
la convention sur les droits des enfants ;
les règles de Beijing concernant l’administration de la justice pour mineurs (1985) ;
les règles des Nations Unies (UN) pour la protection des mineurs privés de liberté ;
les principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance
juvénile.
1.2 Au niveau sous régional
-
la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ;
les accords bilatéraux Mali/Côte d’Ivoire, Mali/Sénégal, Mali/Burkina.
1.3 Au niveau national
1.3.1 La constitution
-
Elle stipule que la personne humaine est sacrée et inviolable.
Tout individu a droit à la vie, la liberté, la sécurité, à l’intégrité de sa personne.
La peine est personnelle.
Nul ne peut être poursuivi, arrêté, inculpé qu’en vertu d’une loi promulguée
antérieurement au fait.
Tout présumé bénéficie de la présomption d’innocence.
Le droit de se faire assister par un avocat de son choix est garanti depuis l’enquête
préliminaire.
Le droit de se faire examiner par un médecin de choix lorsqu’on est privé de liberté.
Nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à quarante-huit heures que par
décision motivée du magistrat.
168
Séminaire en justice des mineurs
-
Nul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire que sur un mandat délivré
par un magistrat de l’ordre judiciaire.
A celles-là il faut ajouter : divers textes et règlements pour le renforcement du cadre
juridique interne.
Nous citerons entre autres :
1.3.2 loi n°0075 du 21 décembre 2000 portant création du centre spécialisé de détention,
rééducation et réinsertion de Bolle ;
1.3.3 loi n°01-081 du 24 août 2001 portant sur la minorité pénale et institution de
juridiction pour mineurs ;
1.3.4 ordonnance n°90-37/PRM du 5 juin 1990 portant création du centre d’accueil et de
placement familial ;
1.3.5 ordonnance n°02-062/PRM du 5 juin 2002 portant code de protection de l’enfant en
d’autres textes que nous ne pourrons citer ici.
Vu la complexité du problème de la délinquance juvénile, des instances impliquées, de
l’impact existentiel sur l’enfant.
169
Séminaire en justice des mineurs
2. La procédure
Brigade des
mœurs
1) Rechercher ses
parents, son
tuteur ou son
représentant
Les OPJ
ont
l’obligation
de
2) Entendre le
mineur en sa
présence
3) Lui notifier
qu’il a le droit
de se constituer
un avocat ou
une personne digne
de sa confiance
Enfants
contrevenants
ayant enfreint
la loi pénale
ils sont
acheminés
soit
4) Que les
déclarations
qu’il fera
lui seront
opposables
Commissariat
de police
Ne doivent
pas être
Garder à vue
de moins de 15 ans
Gendarmerie
Peuvent
Être
170
Gardés à vue les
mineurs qui ont plus
de 15 ans. Durée =
20 h avec possibilité
de prolongation de
10 h après avis du
procureur ou du juge
pour enfant.
Séminaire en justice des mineurs
1) Classer sans suite
Le Procureur
de la République
2) Procéder
à la médiation et
peut proposer
à l’auteur
avec
La clôture de OPJ
L’enquête
saisit
Préliminaire
peut
- Indemnisation
- Réparation
matérielle
- Restitution du
bien volé
- Travaux
d’intérêt général
- Prestation
d’excuse
- Réparation du
dommage
Effet
Arrêter les poursuites
et réparer des dommages
causés à la victime
Juge de Paix
à compétence
étendue
3) Saisir
Le Tribunal pour
enfants de Bamako
qui saisit le juge
pour enfants
Le Juge
d’instruction
dans les régions.
Le Juge de Paix
saisit par
ordonnance.
171
Séminaire en justice des mineurs
- Ordonner une enquête sociale
- Ordonner la constitution d’un dossier médical
Juge d’instruction
peut ordonner
Prendre les mesures suivantes :
- 15 ans : pas de garde à vue
- 13 ans : ne peut être détenue préventivement
- + 13 ans : peut être détenu si cette mesure
paraît indispensable, ou s’il est impossible de
prendre toute autre mesure.
- Là où il n’y a pas de centre de détention et de
rééducation pour mineurs, le séparer des majeurs.
- Là, la détention préventive ne peut dépasser 3
mois en cas de délit.
- Un an en matière de crime
172
Séminaire en justice des mineurs
Les faits ne constituent ni
crime ni délit ou l’auteur
n’est pas connu.
Le juge ordonne un non-lieu :
le détenu préventivement arrêté
est relâché.
Les faits constituent
Un délit.
Le renvoi du dossier devant le
Tribunal correctionnel.
Instruction terminée
Le dossier est
communiqué au Parquet
qui a 8 jours pour son
Réquisitoire et le Juge
d’Instruction est à
nouveau saisi.
Les faits constituent
un crime.
Renvoi du dossier et un état
des pièces à conviction
sont envoyées par le biais
du Procureur à la Cour d’Appel
où l’instruction est à double
degré
La Cour d’Assise est saisie.
173
Séminaire en justice des mineurs
1) Les faits ne constituent ni
crime, ni délit, ni
contravention.
Il y a non-lieu à suivre.
les mineurs préventivement
détenus sont mis en liberté.
L’affaire est classée.
2) Les faits sont une contravention.
Il prononce le renvoi devant le Tribunal
pour enfants statuant en matière de
simple police.
L’information
terminée, le
Juge ordonne si :
3) Les faits sont un délit.
Il prononce le renvoi devant le Tribunal
pour enfants.
4) Les faits constituent un crime.
Le dossier et un état de pièces à conviction sont envoyés
à la Cour d’Appel par le procureur ; la chambre d’accusation
est saisie ; le conseiller délégué à la protection devra
siéger comme président.
174
Séminaire en justice des mineurs
1) Représentant du
mineur ou un membre
de sa famille
Qui
Peuvent
Assister
2) Les membres du
Bureau de l’enfance
3) Les représentants
des institutions
chargées de l’enfance.
Mineurs de
+ 13 ans.
Le Juge décide
de ne pas
prononcer une
condamnation
pénale : il a le
choix de
prononcer
- L’admonestation :
- Remise aux parents ;
- Placement dans un
centre de rééducation ;
- Placement sous régime
de liberté surveillée ;
- Travaux d’intérêt
général pour le mineur
de + 16 ans.
Les débats sont à
huis-clos.
Le juge peut
prendre les
mesures
suivantes
Devant le
Tribunal
ces mesures peuvent
être révisées soit d’office,
soit à la requête.
Qui
peuvent
être
entendu
1) Le mineur, les
témoins.
2) Les membres de sa
famille.
3) Le ministère public.
4) Le Conseil.
5) Le représentant du
bureau de l’enfance.
6) Toute personne dont
l’audition est utile à la
manifestation de
la vérité.
Mineurs de
+ 13 ans.
si le juge
décide
d’une
condamnation
pénale :
La peine ne pourra
s’élever au dessus de
la moitié de celle à
laquelle il aurait pu
être condamné s’il
avait + de 18 ans.
Les dossiers concernant les mineurs de 13 ans ne sont pas inscrits au casier judiciaire.
Les autorités judiciaires doivent veiller lors de la constitution du dossier social au respect de la vie
privée du mineur et de sa famille.
175
Séminaire en justice des mineurs
MAROC
Ouafa BENMOUSSA, Présidente de la Chambre des Mineurs près la Cour d’Appel de
Rabat, Maroc
1. Expérience du Royaume du Maroc dans le domaine de la protection des mineurs
La législation marocaine a consacré dans le code pénal et le code de procédure pénale,
plusieurs textes de loi qui traitent des mineurs délinquants, des victimes de crimes ou délits
et ceux en situation difficile ainsi que les procédures particulières qui leur sont appliquées.
Le but escompté, étant de leur réserver un traitement spécial, en raison de leur minorité
d’âge et la nécessité de les protéger et les aider à se réinsérer dans la société.
Depuis la promulgation du nouveau code de procédure pénale le 1er octobre 2003, la
situation juridique des mineurs s’est nettement améliorée.
2. Les nouveautés de l’actuel code de procédure pénale
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Elévation de la capacité pénale à dix-huit ans au lieu de seize ans, comme prévu par
l’ancien code de procédure pénale ;
Le mineur de moins de douze ans continue à être considéré comme irresponsable
pénalement et ne peut éventuellement faire l’objet que d’une simple
admonestation ;
Un mineur dont l’âge varie entre douze et dix-huit ans ne peut être placé dans un
établissement carcéral que dans les cas exceptionnels, où cette mesure paraît la plus
appropriée en raison de la dangerosité avérée du mineur. Néanmoins, la détention
de cette catégorie est prévue dans un pavillon réservé aux mineurs, complètement
isolés des adultes ;
Les mesures de protection prévues :
remise du mineur à ses parents, son tuteur ou à une personne digne de confiance
(cas des familles d’accueil)
placement du mineur délinquant – en âge de scolarité – dans un internat, ou un
centre hospitalier spécialisé
placement dans un établissement public de rééducation surveillée. A cette occasion,
il est utile de préciser que le régime de l’éducation surveillée peut être exécuté sous
forme de liberté surveillée ou de placement dans un centre de protection de
l’enfance, mais dans les deux cas, la décision n’est prise par le juge qu’au vu des
résultats de l’enquête menée par l’assistance chargée de cette mission. La durée de
ces mesures doit être précisée et ne doit pas dépasser dix-huit ans
Procédure consacrée aux mineurs délinquants en phase d’enquête préliminaire, de
l’instruction et du jugement :
un mineur peut être retenu en phase d’enquête préliminaire dans un local réservé à
cet effet pour une durée ne dépassant pas celle prévue à la garde à vue, sous réserve
de l’accord du parquet, en cas d’impossibilité de remise du mineur à ses parents ou
tuteurs légaux, ou que son intégrité ou la nécessité de l’enquête l’exige
176
Séminaire en justice des mineurs
•
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•
•
•
•
•
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•
•
•
•
•
au niveau du parquet, le mineur de plus de douze ans peut exceptionnellement être
écroué, si aucune autre mesure ne peut être prise. Néanmoins, aucune mixité avec
les adultes n’est permise et isolément la nuit
le mineur est auditionné en phase d’enquête préliminaire en présence de son tuteur
légal
le tuteur du mineur et sa défense assistent aux phases de l’instruction et du procès
disjonction des poursuites des mineurs de celles des coauteurs ou complices adultes
possibilité de suspension de l’action publique, avant le prononcé d’un jugement
définitif en cas de retrait de plainte ou de désistement de la partie lésée
déroulement du procès à huis clos
confidentialité des informations concernant les mineurs jugés ou en phase de l’être
interdiction de publication de toute information susceptible de permettre
l’identification d’un mineur délinquant, sous réserve de sanctions pénales
Mesures réservées aux mineurs en situation difficile :
placement dans un établissement approprié
Mesures réservées aux mineurs victimes de crimes ou délits :
placement dans une famille digne de confiance, un établissement privé, une
association d’utilité publique ou un établissement chargé de la protection des
mineurs et ce jusqu’au prononcé d’un jugement définitif
soumission du mineur à un contrôle médical et/ou psychiatrique
177
Séminaire en justice des mineurs
NIGER
Goumour SIDI, Officier de Police Judiciaire
Zakaria Ibrahim BOUBACAR, Magistrat
Ismaël GANDA, Magistrat
Le Niger a fait un travil appréciable d’harmonisation de sa législation en vue de respecter
l’obligation qui lie tous les Etats signataires de la Convention sur les droits de l’Enfant
(CDE), telle que définie par son article 4.
Il faut rappeler que la Constitution du 18 juillet 1999 parle expressément des enfants en
son titre II intitulé « Des droits et devoirs de la personne humaine ».
Ainsi, l’article 18 al. 2 prévoit par exemple que l’Etat et les collectivités publiques ont le
devoir de veiller à la santé physique, mentale et morale de la famille, particulièrement celle
de la mère et de l’enfant.
L’article 19 ajoute que les parents ont le droit et le devoir d’élever et d’éduquer leurs
enfants. Ils sont soutenus dans cette tâche par l’Etat et les collectivités publiques. La
jeunesse est protégée par l’Etat et par les collectivités publiques contre l’abandon et toute
forme d’exploitation.
Il faut noter que des règles spécifiques régissent la situation du mineur en conflit avec la
loi.
Il est également apparu nécessaire d’adopter des textes organisant la protection du mineur
en danger.
1. La situation du mineur en conflit avec la loi
Il faut tout d’abord souligner l’existence d’une brigade des mœurs chargée des mineurs à la
direction de la police judiciaire à Niamey.
La situation du mineur en conflit avec la loi est régie principalement par l’ordonnance
n°99-11 du 14 mai 1999 portant création, composition, organisation et attributions des
juridictions pour les mineurs. Elle compte des dispositions importantes relatives à la
protection et à la réinsertion sociale du mineur délinquant.
Elle institue en son article 1er un tribunal des mineurs au siège de chaque tribunal de
première instance (aujourd’hui tribunal régional) et au siège de chaque section détachée de
tribunal. Aujourd’hui, il existe des juges des mineurs sur tout le territoire puisque les juges
délégués (anciens juges de paix) exercent également les attributions de juge de mineurs.
En matière de poursuite, prévaut le principe de l’irresponsabilité pénale du mineur âgé de
moins de treize ans. Lorsque les poursuites sont engagées, l’ouverture d’une information
est obligatoire.
Au cours de l’information menée par le juge des mineurs, le jeune délinquant doit être
obligatoirement assisté d’un avocat ou d’un défenseur désigné d’office.
178
Séminaire en justice des mineurs
Les infractions le plus souvent commises sont les atteintes à la propriété et les atteintes aux
mœurs. Par exemple, en 2003, 101 mineurs ont été poursuivis dans la ville de Niamey,
dont 92% de garçons et 8% de filles ; on y a dénombré 45% de vols, 10% de viols et
attentats à la pudeur, 5% d’homicides et 4% d’infanticides.
On note l’apparition de nouveaux types d’infractions, surtout dans les grands centres,
comme les viols en bandes organisées. Des études sont nécessaires pour en déceler les
causes et leur proposer des remèdes.
La détention préventive ne doit être utilisé qu’exceptionnellement, lorsqu’elle paraît
indispensable ou s’il est impossible de prendre toute autre disposition (article 22 de
l’ordonnance). Cela limite les inconvénients de l’incarcération, notamment la
stigmatisation, l’endurcissement, voire l’embrigadement par des sujets plus aguerris.
Le juge des mineurs peut prendre des mesures éducatives en faveur du jeune délinquant. Il
tient une audience éducative avec ce dernier, ses parents et un travailleur social. Il fixe des
objectifs que le jeune et ses parents s’efforceront d’atteindre pour sa resocialisation ; ainsi,
le mineur effectuera un apprentissage ou une activité génératrice de revenus à sa sortie de
prison. Il y a lieu de noter l’existence d’un corps spécialisé d’éducateurs (le SEJUP) qui
exécute les mesures éducatives ordonnées par le juge dans les grandes villes.
Dans les grand centres (Niamey, Maradi, Zinder, etc.) ont été mis en place des comités
locaux pluridisciplinaires ; ils regroupent les divers intervenants en la matière (Justice,
Police, Travailleurs sociaux, Barreau, Personnel pénitentiaire, ONG) ; ils examinent les cas
graves, veillent à la sauvegarde des droits du mineur et à un traitement rapide des dossiers.
La condamnation d’un mineur à une peine d’emprisonnement ferme peut être évitée selon
les dispositions de l’ordonnance de 1999. Ainsi, prévoit-elle des mesures alternatives à
l’enfermement que sont les dispenses de peine, l’ajournement de peine, le travail d’intérêt
général et même la simple réprimande.
Pendant le jugement, les débats ont lieu à huis clos mais les décision doivent être lues en
audience publique.
Le mineur délinquant n’en est pas moins considéré comme étant en danger, à l’instar
d’autres enfants qui eux ne sont pas entrés en conflit avec la loi.
2. La situation du mineur en danger
Divers textes organisent sa protection. Tout d’abord, en vertu de l’ordonnance de 1999,
lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un enfant sont menacées ou que les conditions
de son éducation sont gravement compromises. Le juge des mineurs prend des mesures de
protection, après enquête. Par exemple, il ordonnera le placement d’un enfant abandonné
dans un orphelinat.
Il y a lieu d’évoquer également le code pénal nigérien. En premier lieu, il prévoit une
protection de l’intégrité physique de l’enfant à travers la répression des violences et
maltraitances et des atteintes à la vie (avortement, infanticide, …).
179
Séminaire en justice des mineurs
Il veille également à la protection morale des mineurs en punissant diverses infractions
(excitation à la débauche, détournement de mineur, proxénétisme, esclavage, etc.).
On rappellera aussi l’existence de la loi n°67-015 du 18 mars 1967 relative à la défense des
intérêts civils des mineurs devant les juridictions répressives. Elle rend obligatoire la
désignation d’un conseil chaque fois qu’une infraction porte préjudice à un mineur non
émancipé. Le conseil assurera la défense de ses intérêts civils.
Si le représentant légal du mineur refuse de recevoir des dommages et intérêts, ils seront
versés dans un compte d’épargne ouvert spécialement au nom de l’enfant.
On notera par ailleurs l’existence de règles protégeant les mineurs dans le code du travail
(ordonnance n°96-039 du 29 juin 1996). Elles prévoient d’abord une protection des enfants
contre l’exploitation économique (articles 95 à 100). Par exemple, il est interdit
d’employer les enfants à des travaux excédant leurs forces et susceptibles de nuire à leur
santé et à leur développement.
Elles mettent en place également une protection d’ordre moral dans le domaine du travail.
Par exemple, l’article 28 dispose qu’aucun maître, s’il ne vit en famille ou en communauté,
ne peut loger en son domicile personnel ou dans son atelier, comme apprentis, des jeunes
filles mineures.
Le code n’interdit pas explicitement le travail des enfants mais en détermine les conditions.
De plus, il fait abstraction de la question du travail des enfants dans le secteur informel.
3. Conclusion et perspectives
Certaines dispositions de l’ordonnance de 1999 ne sont pas encore effectives ; d’une part,
il faut des instruments juridiques organisant dans le détail certaines mesures (exemple :
décret d’application du travail d’intérêt général) ; d’autre part, il faut pallier le manque
d’infrastructures, qui pénalise certainement les enfants (absence de quartiers spéciaux,
insuffisance de centres éducatifs).
Toutefois, le ministère de la Justice a initié un programme d’appui aux réformes
judiciaires, financé par l’Union européenne. Il doit s’étendre sur plusieurs années et a pour
but, entre autres, l’amélioration du fonctionnement du système judiciaire dans son
ensemble ; il vise également à définir et à mettre en œuvre une véritable politique
pénitentiaire.
180
Séminaire en justice des mineurs
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Marie Bibiane OMOYI SHEKA, Inspecteur Judiciaire en Chef, Officier de la Police
Judiciaire des Parquets
1. Préambule
Mon pays la R.D.C.
Convaincus que seules les valeurs d’égalité, de justice, de liberté, de tolérance
démocratique et de solidarité sociale peuvent fonder une nation intégrée fraternelle,
prospère et maîtresse de son destin devant l’histoire ;
Réaffirmant solennellement notre attachement aux principes de la démocratie et des droits
de l’homme tels qu’ils sont définis par la déclaration universelle des droits de l’homme du
10 décembre 1948, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 18
juin 1981, ainsi que tous les instruments juridiques internationaux et régionaux adoptés
dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union Africaine, dûment ratifiés
par la R.D.C. ;
Déterminés à garantir les libertés et les droits fondamentaux du citoyen Congolais et, en
particulier, à défendre ceux de la femme et de l’enfant.
La constitution de la transition de mon pays, approuvée et adoptée doit faire des
propositions concrètes en préconisant :
-
la mise sur pied d’une législation spécifique pour les mineurs ;
formation, installation au sein de la police nationale, de la police judiciaire, des
parquets, des animateurs pour les cas de mineurs en conflit avec la loi, ainsi que la
situation du mineur en danger.
2. Introduction
La constitution de la transition à ses articles 43-44 parle expressément des enfants, du rôle
que doit jouer la famille.
Le Code de Procédure Pénale, le Code de la Famille fixent la loi et les règles.
La situation du mineur en R.D.C. reste préoccupante par un grand nombre des enfants de la
rue, communément appelés « Shégué » qui s’organisent et excellent :
- dans le vol simple, pillage, vol qualifié ;
- les viols en bande organisée ;
- dans une province au Kasaï Oriental le meurtre des creuseurs de diamant…
Les mineurs en conflit avec la loi sont encadrés par les ONG, les cultes et les associations.
Il n’existe ni institutions, ni juridictions propres aux mineurs au parquet, tribunal, police
nationale et police judiciaire des parquets.
181
Séminaire en justice des mineurs
Seulement une chambre spéciale au Tribunal.
La R.D.C. comptait des grands centres aux environs de Kinshasa, dans la province du Bas
Congo, ainsi qu’ailleurs dans le pays, malheureusement ils ont été envahis par l’armée
pour certains, d’autres par le Ministère des Affaires Sociales.
Présentement le Ministre de la Justice et garde des sceaux lutte pour la récupération
définitive afin de le rétrocéder à la Direction de l’Enfance Délinquante pour la réformation,
reclassement, réinsertion des mineurs.
3. Développement
En l’absence d’un cadre propre à l’interpellation des mineurs, ceux qui sont en conflit avec
la loi répondent devant les mêmes instances que les adultes, ils partagent les mêmes
maisons d’arrêt, d’internement que les adultes auprès des Officiers de police nationale et
ceux de la police judiciaire des parquets.
Au parquet, ils répondent devant les magistrats, officiers du Ministère Public et du siège.
Lorsque le dossier arrive au tribunal il y a une chambre spéciale.
La constitution de la transition prévoit à l’article 21 al. 3 et 4 : toute personne a le droit de
se défendre seule ou de se faire assister par un avocat ou un défenseur judiciaire de son
choix.
Toute personne poursuivie a le droit d’exiger d’être entendue en présence d’un avocat ou
défenseur judiciaire de son choix et ce à tous les niveaux de la procédure pénale y compris
l’enquête policière et l’instruction pré-juridictionnelle.
En République Démocratique du Congo, il y a le projet de loi pour que la majorité soit
ramenée de quatorze à dix-huit ans comme jadis. C’était l’un des abus de la deuxième
république qui ont eu un penchant pour prendre en mariage des mineurs.
4. Conclusion
Pour la R.D.C. il ne suffit pas de ratifier les instruments internationaux, d’inclure dans la
constitution le texte pour la protection il faut des réformes judiciaires pour la bonne
adaptation en mettant en œuvre une véritable politique pénitentiaire.
182
Séminaire en justice des mineurs
SENEGAL
AWA Djigal SY, Magistrat, Juge au tribunal régional hors classe de Dakar
Les règles applicables aux mineurs délinquants font l’objet de dispositions particulières du
Code de Procédure Pénale. Elles sont dans le sillage du texte supérieur qu’est la
Constitution.
Le préambule de la constitution du 22 janvier 2001 affirme l’adhésion du peuple sénégalais
à la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989.
Article 20 alinéa 2 de la Constitution
« La jeunesse est protégée par l’Etat et les collectivités publiques contre l’exploitation, la
drogue, les stupéfiants, l’abandon moral et la délinquance. »
Pour une présentation brève de la législation sénégalaise, il faudra examiner
successivement les règles de compétence, les règles de procédure et les décisions
susceptibles d’être prises par le tribunal
1. Règles de compétence
1.1 Exclusion des juridictions de droit commun
Pour les crimes et délit, c’est le TE qui est compétent (566 CPP)
Remarque : il n’existe donc pas de Cour d’assises des mineurs
1.2 Tempérament
Pour les contraventions, ce sont les tribunaux départementaux qui statuent dans les
conditions de droit commun. Solution réaliste, économique (distance, moyen de transport)
Remarque : Les règles sur la connexité et l’indivisibilité sont applicables.
Ainsi, si le mineur commet une contravention connexe à un crime ou un délit, la
compétence du TE reste maintenue.
1.2.1 Compétence Territoriale
Est compétent le tribunal pour enfants du lieu d’infraction, de la résidence du mineur, de
celle de ses parents ou tuteur, du lieu où le mineur a été trouvé, du lieu où il a été placé soit
à titre provisoire ou définitif.
Si un majeur est impliqué : disjonction.
183
Séminaire en justice des mineurs
1.2.2 Composition du TE
Le TE est présidé par un magistrat du siège qui peut s’adjoindre comme assesseurs, ayant
voix consultative, la personne ayant diligenté l’enquête sociale, le représentant du centre
d’observation ayant rédigé le rapport versé au dossier et toute personne qualifiée ( art 577).
Il s’agit donc d’une simple faculté.
2. Procédure
2.1 Enquête
Enquête : il n’y a pas vraiment de règles spéciales.
Ce sont donc les règles applicables aux majeurs qui restent en vigueur, sauf pour la garde
à vue : le mineur de 13 à 18 ans doit être retenu dans un local spécial, isolé des majeurs
(article 55-4 CPP).
Pourtant, c’est sans doute à la Police ou à la Gendarmerie que la présence des « soutiens »
(parents, éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux, avocats) est le plus souhaitée.
2.2 Poursuites
Un substitut est chargé cumulativement avec ses fonctions du règlement des affaires
concernant les mineurs (70 CPP).
Cela permet d’une certaine façon la spécialisation et donc une cohérence dans le suivi des
mineurs.
2.3 Instruction
Un juge d’instruction est spécialement chargé des affaires des mineurs (573 CPP).
Dans la pratique, il s’occupe également d’affaires concernant les majeurs (voir art. 575
CPP les personnes à prévenir).
2.4 Saisine au Tribunal
•
•
Ordonnance de renvoi devant le TE ou le Tribunal de simple police (Tribunal
départemental)
Saisine directe du Président du TE : à tort, cette disposition est considérée comme
pendante de la procédure de flagrant délit.
Ainsi, à la place du mandat de dépôt, une ordonnance de garde est prise et le mineur est
confié au régisseur de la maison d’arrêt des mineurs (570 al 5 CPP).
La procédure de citation directe est également utilisée pour les procès verbaux sans
arrestation.
184
Séminaire en justice des mineurs
2.5 Médiation
La réforme du 03 septembre 1999 a introduit ce mode alternatif.
« Lorsqu'il est recouru à la médiation pénale à la suite des faits reprochés à un mineur, la
médiation pénale sera, dans la mesure du possible, confiée à un service ou à un médiateur
spécialement qualifié pour les problèmes de jeunesse. » (570 al 4 CPP)
Ces dispositions se rapprochent de celles de l’article 572 alinéa 2 qui permettent au
Procureur de la République pour les infractions commises par un mineur délinquant
primaire avec l’accord de la partie civile, d’adresser de simples admonestations à
l’intéressé ou à sa famille sans engager de poursuites.
3. Décision du Tribunal
3.1 Moins de 13 ans
Mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation (580 et 581) :
•
•
•
•
remise aux parents, au tuteur, à la personne qui en a la garde ou à une personne
digne de confiance
placement dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation ou
de formation professionnelle habilité
placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité
placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire
Ces mesures sont prononcées pour le nombre d’années que la décision détermine et qui ne
peut excéder l’époque où le mineur aura atteint l’âge de 21 ans accomplis.
3.2 Plus de 13 ans
Les trois premières mesures ci-dessus plus le placement dans une institution publique
d’éducation surveillée corrective.
La condamnation pénale (567 CPP, 52 et 53 Code Pénal).
Article 52 Code Pénal
Si, en raison des circonstances et de la personnalité du délinquant, il est décidé qu’un
mineur âgé de plus de treize ans doit faire l’objet d’une condamnation pénale, les peines
seront prononcées ainsi qu’il suit :
S’il a encouru la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, il sera condamné à
une peine de dix à vingt ans d’emprisonnement.
S’il a encouru la peine des travaux forcés à temps de dix à vingt ans ou de cinq à dix
ans, de la détention criminelle de dix à vingt ans ou de cinq à dix ans, il sera
condamné à l’emprisonnement pour un temps égal à la moitié au plus de celui pour
lequel il aurait pu être condamné à l’une de ces peines.
S’il a encouru la peine de la dégradation civique, il sera condamné à
l’emprisonnement pour deux ans au plus.
185
Séminaire en justice des mineurs
Article 53 Code Pénal
Si l’infraction commise par un mineur âgé de plus de treize ans est un délit ou une
contravention, la peine qui pourra être prononcée contre lui dans les conditions de l’article
52 ne pourra, sous la même réserve, s’élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il
aurait été condamné s’il avait eu dix-huit ans.
Remarque : Ces mesures et peines peuvent être révisées à tout moment par le Tribunal
pour enfants qui en a décidé (591 CPP loi du 11 avril 1979).
Pour les majeurs, c’est en décembre 2000 que les textes sur les alternatives à
l’incarcération et l’application des peines ont été adoptés.
186
Séminaire en justice des mineurs
TOGO
Kyi ABBEY, épouse KOUNTE, Présidente du Tribunal pour Enfants Lomé-Togo
Instituée comme juridiction spécialisé depuis 1969, la juridiction des mineurs a vu ses
structures bien définies, en 1978 à travers le texte organique instituant l’Organisation
Judiciaire au Togo.
Ce texte prévoit l’existence du Tribunal pour Enfants dans tous les Tribunaux de Première
Instance sur l’ensemble du territoire national. Cependant à ce jour, le Tribunal pour
Enfants n’existe qu’à Lome, la capitale.
1. Composition du Tribunal pour Enfants
Le Tribunal pour Enfants est composé du juge des mineurs, Président et deux assesseurs
désignés par arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sur proposition du
Président de la Cour d’Appel, parmi les personnes s’étant signalées par leurs compétences
et leur intérêt pour l’éducation de la jeunesse.
Chaque tribunal pour enfants doit avoir quatre assesseurs, deux titulaires et deux
suppléants, qui prêtent serment pour le début de leur mandat devant la Cour d’Appel pour
deux ans renouvelables.
Les actuels assesseurs ont prêté serment le 24 juin 2004 passé.
En droit togolais, les mineurs de treize ans sont pénalement irresponsables. Néanmoins, le
Ministère public peut requérir à leur égard une mesure de protection judiciaire.
2. La procédure proprement dite
Le juge des enfants, en matière pénale est saisi par réquisitoire écrit du Ministère public
(réquisitoire introductif) ou sur plainte avec constitution de partie civile, si c’est un
particulier qui veut enclencher l’action publique.
Le juge ainsi saisi, procède à une enquête de moralité et de personnalité sur le mineur, mis
en cause et dans le cas où il n’a pas de renseignement sur la personnalité de celui-ci ou, si
la preuve des faits reprochés n’apparaît pas suffisante. Pour ce faire, il désigne un expert
social, ou médical, il auditionne également le mineur, ses parents, témoins ou éducateurs.
L’expertise médicale ou sociale, en cette matière, est essentiellement à des fins
d’orientation éducative ou professionnelle.
Après avoir attendu le mineur mis en cause, le juge des enfants peut le confier
provisoirement à un service social, d’accueil, d’observation, d’éducation ou de soin, ou
encore à une personne digne de confiance selon les cas.
Aux termes de l’information, qui est une procédure obligatoire, en matière de traitement
pénal du dossier du mineur, le juge des enfants peut, selon les cas :
•
•
•
ordonner le classement pur et simple du dossier, si le mineur bénéficie d’un fait
justificatif ou si les faits ne sont pas constitués
ou renvoyer le mineur à son audience de cabinet pour des faits de moindre gravité
ou devant le tribunal pour enfants pour les infractions graves, telles que crimes
(meurtre, viol) ou délits graves (vol qualifié ou à mains armées…) etc. et aussi en
cas de récidive du mineur ayant déjà bénéficié des mesures éducatives
187
Séminaire en justice des mineurs
•
l’audience du tribunal pour enfants est non publique, ça se tient en chambre de
conseil ou en cabinet.
Les infractions souvent commises par les mineurs au Togo sont : le vol (plus de 50%),
violences volontaires, viol, attentat à la pudeur, coups mortels, détention de cannabis
(chanvre indien).
Il n’existe pas au Togo la Cour d’assises pour mineurs. C’est le tribunal pour enfants qui
est compétent pour connaître ce genre d’infractions.
3. En matière civile
Le juge des enfants est juge des tutelles et en cette matière, il intervient souvent dans les
affaires familiales en prenant par exemple des décisions de délégation d’autorité parentale,
d’ouverture de tutelle, de mise de personnes majeures sous curatelle.
Il intervient également dans les affaires familiales, en prenant des ordonnances de garde
d’enfants, de pension alimentaire, de retenu à la source d’un parent défaillant dans
l’éducation et l’entretien de son enfant, etc.
Il prend également des ordonnances de placement en institution d’un enfant abandonné par
exemple, etc.
Il est à noter que le Togo n’a pas encore un code des enfants. Cependant, le pays ayant
ressenti le besoin depuis 2000, un projet de loi en ce sens a été élaboré et actuellement il se
trouve au niveau du gouvernement pour étude aux fins de son éventuelle adoption par le
parlement.
Avant de terminer, je tiens à préciser que le Togo a une brigade des mineurs à Lomé, où les
enfants en conflit avec la loi sont détenus. Cette brigade est créée depuis 1969, par un
décret. Il existe aussi dans deux localités du pays Atakpamé (P/Ogou) et Aného (P/des
Lacs), deux quartiers réservés pour la détention des mineurs dans ces prisons.
Il a été nommé récemment à Kara (P/Kozah) un juge pour enfants. Et c’est le juge
d’instruction de cette localité qui a été nommé par le Président de la Cour d’Appel, pour
assurer cette mission.
Notre souhait aujourd’hui, est de voir rapidement voter le code de l’enfant, de voir
également exister sur toute l’étendue du territoire national, des tribunaux pour enfants. Et
enfin, que ces enfants soient assistés d’office par un conseil (Avocat) au cours de la
procédure pénale qui sera initiée contre eux.
188
Séminaire en justice des mineurs
189
Séminaire en justice des mineurs
190
Séminaire en justice des mineurs
191
Séminaire en justice des mineurs
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Séminaire en justice des mineurs
194
Séminaire en justice des mineurs
BUREAU DES INITIATIVES POUR LA PROTECTION DE
L’ENFANCE (BIPE)
Herman ZOUNGRANA
195
Séminaire en justice des mineurs
196
Séminaire en justice des mineurs
ATELIERS
ATELIER 1 : LES REGLES DE BEIJING
Notre intérêt a été axé sur l’une des règles importantes de Beijing notamment la protection
de la vie privée du mineur. Les différentes interventions du Burkina Faso, du Cameroun,
du Maroc et du Togo, ont fait ressortir l’importance accordée à la protection du droit du
mineur à la vie privée.
Les audiences pour la plupart de ces pays se déroulent à huis clos, le principe de Beijing
étant acquis dans ses différents pays et intégré dans leur législation nationale en vigueur.
Au Burkina Faso, la loi autorise le juge des mineurs à ordonner le huis clos s’il le juge
opportun ; au Cameroun, toutes les audiences concernant les mineurs de 10 à 13 ans se
déroulent en chambre de conseil à huis clos ; au Maroc, les audiences concernant les
mineurs sans distinction d’âge se font à huis clos et les jugements rendus sont également
dépourvus de publicité. Celui qui publie une décision de justice concernant un mineur
encourt une condamnation à une peine d’amende ; au Togo, les audiences concernant les
mineurs ne doivent pas être publiques. La confidentialité des débats et de la décision du
tribunal est prévue légalement ; au Mali, le huis clos est obligatoire en ce qui concerne les
audiences des mineurs ; le huis clos est légalement prescrit au Niger concernant les
audiences des mineurs avec cette nuance que la décision du tribunal est rendue en audience
publique.
Un problème s’est posé quant à la réglementation des archives, des registres concernant les
mineurs. Les réglementations nationales ne spécifient pas concrètement que les archives,
les registres spéciaux des mineurs ne peuvent pas être mis à la disposition du public,
exception faite du Maroc et du Mali.
En l’absence de dispositions légales expresses, le juge pour enfants se réfère à l’ensemble
des règles de Beijing.
Une préoccupation importante est intervenue quant à l’inviolabilité de la correspondance
du mineur placé dans une institution dans une maison d’arrêt, le fait de prendre
connaissance de son courrier par ses encadreurs respectifs ne constitue-t-il pas une atteinte
au principe du droit à la vie privée.
Recommandations
•
•
Intégrer dans les législations nationales le principe de la confidentialité des
archives, des registres spéciaux concernant les mineurs délinquants.
Tendant vers une intégration sous-régionale il faudrait qu’il y ait une harmonisation
des grands principes de la législation concernant la délinquance juvénile.
197
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 2 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DE RIYAD
Le deuxième atelier dont la composition figure sur la liste en annexe a eu pour mission de
se pencher sur les principes directeurs de RIYAD pour une meilleure prévention de la
délinquance juvénile.
Sous la direction de Monsieur HIEN Didier du Burkina Faso, l’atelier a défini sa méthode
de travail qui a consisté à recenser dans un premier temps les problèmes qui sont
généralement à l’origine de la délinquance juvénile dans la plupart des pays africains
francophones (1), avant de proposer dans un second temps quelques solutions ou
recommandations (2).
1. Les problèmes
Il a été recensé entre autres :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Le problème des enfants de la rue (appelés chégué au Congo) qui pillent partout.
Le problème de la prostitution des enfants.
Le problème du manque d’écoles publiques.
Le coût trop élevé des écoles privées.
L’insuffisance des salaires des fonctionnaires… etc. qui font qu’on n’arrive pas à
scolariser tous les enfants.
Le problème des enfants de la rue qui au Niger par exemple au cours de la vente
des colas, arachides, papier-mouchoirs… sont exposés au viol, à la prostitution et
aux violences de toutes sortes.
Le problème des enfants talibés (exploités par les maîtres coraniques qui les
envoient mendier pour ramener une recette journalière obligatoire).
La mauvaise compagnie dans les écoles.
Le problème des enfants de la rue qui au Gabon par exemple sont enrôlés dans la
drogue (cocaïne, héroïne, cannabis), ne vont plus à l’école et procèdent à des
attaques à mains armées, des vols à la tire etc.
Le problème des mineurs qui au Niger par exemple doivent se débrouiller pour
préparer leur mariage.
Le problème de la pédophilie.
Le problème d’ordre éducationnel qui fait par exemple qu’au Burkina Faso, les
enfants ne sont plus suivis par leurs parents, il n’y a pas d’interdits et certains
parents même riches ne prennent pas en charge l’alimentation de leurs enfants qui
sont parfois obligés d’aller se débrouiller dans la rue avec les conséquences que
cela peut entraîner.
Le problème d’abandon matériel et moral des enfants qui sont ainsi incités à la
délinquance.
La volonté des enfants de paraître, d’imiter les modèles des médias.
Le problème du manque de solidarité, de la défaillance du contrôle social.
Le problème des médias diffusant des messages nocifs aux enfants (images de
violence, de pornographie, etc.).
Le problème des cybercafés qui ne contrôlent pas les sites visités par les enfants.
Le problème de la sorcellerie.
198
Séminaire en justice des mineurs
Par rapport à ces problèmes, l’atelier a proposé des solutions.
2. Les propositions de solutions
Pour une prévention plus efficace de la délinquance juvénile, l’atelier a proposé entre
autres :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Que la famille prenne ses responsabilités en s’occupant de ses enfants et en leur
assurant l’éducation nécessaire.
Que la justice amende les parents qui manquent à leur devoir envers leurs enfants.
Que l’Etat assure une assistance éducative aux parents et continue la sensibilisation.
Que l’Etat mette effectivement à exécution tous les textes qui prévoient la
protection des enfants en mettant à la disposition des agents ou structures chargées
de cette protection les moyens matériels et financiers appropriés.
Que l’école ne soit pas seulement une école d’instruction, mais d’instruction et
d’éducation complémentaire à l’Education de la famille.
Que l’Etat rende effectifs la gratuité et le caractère obligatoire de l’école primaire.
Que l’Etat associe la société civile à la formulation des programmes des organes de
presse.
Que l’Etat interdise par un organe de régulation de la presse les émissions ou
publications ayant un effet nocif sur les enfants, notamment les émissions qui
affichent la violence.
Que l’Etat réglemente les cybercafés et vente de vidéo.
Que l’Etat sensibilise les maîtres coraniques sur la nécessité de ne plus envoyer les
enfants talibés percevoir l’aumône ou de les remplacer par des majeurs.
Que le garde des sceaux de chaque pays ait une entrevue avec les maîtres
coraniques.
199
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 3 : LA PRIVATION DE LIBERTE
Les représentants à cet atelier présidé par. M. Lachat viennent du Burkina Faso, du Bénin,
du Togo, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Gabon.
L’atelier a examiné le thème de la privation de liberté du mineur délinquant à la phase de
la garde-à-vue, celle de la détention préventive et enfin à la phase post-jugement.
1. Garde-à-vue
L’examen, au niveau de la garde-à-vue, a fait ressortir les observations suivantes :
Au Burkina Faso
•
•
•
Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement
de la délinquance des mineurs : il y en a seulement une à Ouagadougou et une à
Bobo-Dioulasso.
Insuffisance de locaux spécifiques de garde-à-vue. La police et la gendarmerie
disposent de cellules pour mineurs à Ouagadougou seulement.
Application des règles de droit commun : 72 heures de garde-à-vue avec possibilité
de prolongation de 48 heures comme pour les adultes délinquants.
Bénin
•
•
•
Inexistence de locaux spécifiques de garde-à-vue.
Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement
de la délinquance des mineurs.
Inexistence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue de 48
heures. Toutefois, présence de l’assistance sociale ou du parent obligatoire.
Au Togo
•
•
Insuffisance de locaux spécifiques de garde-à-vue. Seule la brigade des Mineurs de
Lomé en est dotée.
Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement
de la délinquance des mineurs.
Au Gabon
•
•
•
Inexistence de locaux spécifiques de garde-à-vue.
Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement
de la délinquance des mineurs.
Inexistence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue.
Au Niger
•
Idem, s’agissant de locaux spécifiques de garde-à-vue.
200
Séminaire en justice des mineurs
•
•
Idem pour les unités spécialisées.
Inexistence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue.
Toutefois possibilité d’intervention de l’avocat à partir de la 24ème heure.
Au Sénégal
•
•
•
Idem pour les locaux spécifiques de garde-à-vue.
Absence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue. Toutefois
assistance des parents ou de l’éducateur social obligatoire ; possibilité
d’intervention de l’avocat à partir de 48 heures de garde-à-vue.
Insuffisance des structures de police et de gendarmerie spécialisées dans le
traitement de la délinquance des mineurs.
Au Mali
•
•
•
•
•
Insuffisance de locaux spécifiques de garde-à-vue. Il en existe uniquement à la
Brigade chargée de la Protection des Mœurs et de l’Enfance, seule structure de
police spécialisée dans le traitement de la délinquance des mineurs.
Impossibilité légale de garde-à-vue si le mineur délinquant n’a pas atteint 15 ans.
Durée de garde-à-vue de 20 heures avec possibilité de prolongation de 10 heures.
Présence obligatoire du parent ou de l’éducateur social pendant l’interrogatoire.
Possibilité d’intervention de l’avocat dès l’arrestation du délinquant mineur.
2. Détention préventive
S’agissant de la phase de la détention préventive, l’atelier a fait l’état des lieux. Ainsi,
Au Sénégal
•
•
A la présentation de mineur délinquant au parquet, en cas d’ouverture
d’information, le juge pour enfants est obligatoirement saisi ; en cas de flagrant
délit, le Procureur de la République fixe la date de l’audience.
Existence de prisons pour mineurs.
Au Gabon
•
•
Présentation au parquet, en cas d’ouverture d’information, saisie d’un juge
d’instruction classique.
Inexistence de prisons pour mineurs mais quartiers spécifiques dans les prisons.
Au Niger
•
•
Présentation au parquet. Possibilité pour le Procureur de la République de tenter la
médiation pénale.
En cas de poursuite, le juge pour enfants est saisi.
201
Séminaire en justice des mineurs
Au Togo
•
Présentation au parquet ; en cas de poursuite, le juge pour enfants est saisi ; en cas
de décision de mandat de dépôt, le mineur est gardé dans la prison pour mineurs
installée à la brigade des mineurs de Lomé.
Au Bénin
•
Présentation au parquet ; en cas de poursuite, le juge pour enfants est saisi et
l’ouverture d’une information est obligatoire. En cas de décision de mandat de
dépôt, le mineur est placé en prison dans le quartier pour mineurs.
Au Burkina Faso
•
Présentation au parquet. Poursuite en flagrant délit ou ouverture d’information ; en
ce cas le juge pour enfants est saisi. En cas de décision de mandat de dépôt, le
mineur est placé en prison dans le quartier réservé aux mineurs.
Au Mali
•
•
Présentation au parquet qui saisit le juge pour enfants à Bamako ; dans les
tribunaux de première instance des autres localités, il saisit le juge d’instruction
pour mineur ; dans les justices de paix à compétence étendue, le juge se saisit par
voie d’ordonnance.
En cas de décision d’ordonnance de placement, existence de prisons pour mineurs
garçons ; les filles mineures sont placées dans la prison pour femmes. Cette
possibilité existe uniquement à Bamako. Ailleurs, ce sera dans les quartiers
réservés aux mineurs.
3. Post-jugement
S’agissant de la phase post-jugement, l’atelier a observé :
Au Sénégal
•
•
La séparation entre les délinquants mineurs primaires et récidivistes.
La prise en charge, pendant la détention, du mineur par les éducateurs sociaux :
cours d’alphabétisation, fréquentation de bibliothèques, excursion, pour les détenus
à la prison de Dakar, en province suivi par des ONG en vue de la préparation à la
réinsertion.
Au Bénin
•
Possibilité pour le juge de retrait du mineur condamné à de la prison pour un
placement dans un centre spécialisé à la suite d’un rapport social favorable.
202
Séminaire en justice des mineurs
Au Mali
•
•
•
Obligation pour le juge qui a condamné un mineur à une visite trimestrielle de la
maison d’arrêt où est détenu le mineur.
Obligation de suivi de l’exécution de la peine par le juge avec l’assistance du
Bureau pour l’Enfance.
Apprentissage de menuiserie métallique, menuiserie en bois, de jardinage.
Au Burkina Faso
•
•
Atelier de menuiserie, de couture.
Création d’un centre spécialisé à Laye.
Au Gabon
•
Aucun accompagnement en vue de la réinsertion du mineur pendant sa détention.
Au Togo
•
•
Détention uniquement dans le centre d’observation et de réinsertion installée à la
brigade des mineurs de Lomé.
Apprentissage en maçonnerie et en menuiserie.
Au Niger
•
•
•
Détention dans les quartiers pour mineurs des prisons du pays.
Suivi psychologique par les éducateurs sociaux.
Possibilité d’apprentissage grâce au concours des ONG.
Après l’analyse des situations de privation de liberté, l’atelier :
•
•
•
•
déplore l’inexistence ou l’insuffisance de locaux spécifiques à la détention des
mineurs, qu’il s’agisse de local de garde-à-vue, de quartiers des mineurs dans les
prisons ou de prisons pour mineurs ;
insiste sur l’obligation d’informer les parents en cas d’arrestation de leurs enfants ;
exhorte à des actions de formation spécifique ou spécialisée des personnels,
policiers, magistrats, etc… ;
encourage les créations de centres spécialisés en vue d’assurer et garantir la
préparation des mineurs délinquants à une bonne réinsertion.
203
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 4 : LA DETENTION PREVENTIVE
La détention des délinquants mineurs en institution, dans une maison d’arrêt constitue une
mesure exceptionnelle qui compte tenu de la fragilité du prévenu, de l’accusé devrait être
réduite au maximum. Durant cet atelier nous avons fait un tour sur les critères pris en
considération pour le remise en liberté du mineur avant jugement, de l’obligation textuelle
du mineur d’être assisté d’un conseil.
1. Les délais spécifiques de la Détention préventive du mineur
Force est de constater que hormis le Niger, le Maroc, le Mali, au Sénégal, au Gabon qui
ont des délais impartis par les législations nationales.
Au Niger, en matière correctionnelle, la détention préventive ne peut excéder la durée de
trois mois renouvelable une fois en matière criminelle, la durée de la détention est de un an
renouvelable une fois.
Au Mali, le mineur peut demander sa mise en liberté provisoire à tout moment, la loi
prévoit un délai maximum de trois mois de détention en cas de délit et un an en cas de
crime. Passé ce délai, le mineur en conflit avec la loi est remis d’office en liberté
provisoire.
Au Maroc, le délai est de trois mois de détention au maximum, ce délai peut être révisé par
le juge.
Au Burkina Faso, pas de texte particulier, on prend en considération le délai de six mois
qui est appliqué aux adultes.
Au Cameroun, il n’y a pas de délai maximum prévu par la législation en ce qui concerne la
détention préventive du mineur. On s’en réfère aux instructions du procureur général près
la Cour d’Appel qui enjoint les magistrats du parquet chargés de l’information judiciaire
des affaires des mineurs en détention préventive de clôturer les dossiers dans un délai
maximum de quatre mois.
Au Gabon, le délai est de six mois prévu par la loi et renouvelable une fois en matière
délictuelle et un an renouvelable une fois en matière criminelle.
Au Sénégal, ce délai est de six mois non renouvelable en matière criminelle et en matière
correctionnelle.
Lorsqu’il n’existe pas de délais prévus par les législations nationales pour la mise en liberté
provisoire du mineur en conflit avec la loi, la révision de cette mesure d’exception se fonde
sur des critères tels que :
•
la garantie de représentation du mineur aux audiences (ses parents, tuteurs, conseil
se portent garants d’assurer sa comparution à l’information judiciaire ou à
l’audience)
204
Séminaire en justice des mineurs
•
•
•
la garantie des faits commis par le mineur (crime, infraction qui porte atteinte à
l’ordre public et la mise en liberté provisoire du mineur peut constituer pour lui un
danger, ou pour la société)
sa participation active ou passive aux faits reprochés (critère pris en compte au
Burkina Faso)
le résultat de l’enquête sociale peut déterminer sa mise en liberté provisoire.
Le Togo a relevé que contrairement aux textes qui prévoient que le mineur soit placé en
détention préventive par le juge des enfants, la pratique permet au procureur de la
république d’exercer cette prérogative en violation flagrante des textes. Cependant la loi
prévoit un délai de huit jours pour que les parents à la suite d’une requête obtiennent la
main levée de la garde-à-vue. Passé ce délai, ils peuvent saisir la Cour d’Appel qui doit se
prononcer dans les dix jours qui suivent. En cas de silence ou de retard, le mineur est remis
en liberté d’office.
Notre intérêt fut par la suite porté sur l’obligation ou non du mineur délinquant d’être
assisté par un conseil. Cette obligation est facultative d’un système national à un autre.
Au Niger, elle est obligatoire dès l’enquête préliminaire. Le code de procédure pénale
stipule que tout suspect sera notifié de son droit de choisir un avocat dès la 24ème heure de
la garde-à-vue en enquête préliminaire, l’absence de notification de formalité entraîne la
nullité de la procédure. A la phase de l’instruction judiciaire, le mineur doit être assisté
d’un conseil.
Chaque année, le ministre de la Justice prend un arrêté qui désigne les avocats et personnes
volontaires qui peuvent être désignés d’office pour défendre les mineurs.
Au Togo, par le fait d’une organisation non gouvernementale « l’enfant radieux », le
mineur doit être assisté dès l’enquête préliminaire.
Au Burkina Faso, le mineur doit être assisté d’un conseil en matière criminelle à la phase
de l’information judiciaire, en matière correctionnelle devant le juge des mineurs.
Au Bénin, la loi oblige le mineur à être assisté au parquet et devant le juge des enfants, pas
d’obligation d’assistance à l’enquête préliminaire.
Elle est obligatoire en matière criminelle surtout en phase de jugement.
2. Les recommandations
Deux recommandations ont été prises à la fin de cet atelier :
•
•
Il importe de fixer par la loi nationale la durée maximale de la détention préventive
du mineur et de préférence en harmonie avec tous les pays de la sous-région.
Il faudrait que les différents codes de procédure pénale confirment l’obligation
d’assister un mineur en conflit avec la loi dès l’enquête préliminaire par un avocat
ou une personne habilitée à le faire.
205
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 5 : LA DEFENSE
1. Les grands principes
En France
•
•
•
•
Minorité pénale : 0 à 18 ans.
Moins de 13 ans : irresponsable mais mesure de sanction éducative (famille
d’accueil, etc…)
De 13 à 16 ans : « vrais mineurs » bénéficient de toutes les garanties de mineurs.
De 16 à 18 ans : décision à motiver, si le Juge refuse l’excuse de minorité.
Juridiction Spécialisée :
•
•
•
Juge pour enfants, compétent pour les infractions pas trop graves (peine inférieure à
7 ans) décision du juge seul en séance du cabinet. En cas d’infractions graves, le
juge renvoie le mineur devant le Tribunal pour enfants.
Cour d’Assises des mineurs pour les affaires criminelles : deux assesseurs juges
pour enfants.
En cas d’instruction, juge classique.
Au Burkina
•
•
•
Contravention et délit du ressort du juge pour enfants.
Crimes du ressort du Tribunal pour enfants.
Appels des décisions du juge pour enfants devant le Tribunal pour enfants.
Au Togo
•
•
•
•
•
Possibilité de placement de l’enfant par le juge des enfants.
Juge de tutelle.
Inexistence de Cour d’Assises.
Instruction obligatoire pour le juge de l’enfant.
Uniquement mesures éducatives pour mineurs de 13 à 18 ans sauf en cas de
récidive, mais peine maximum de dix ans.
Gabon
•
•
•
•
•
Aucune structure spécialisée.
Pas d’obligation de prévenir les parents.
Pas de juge d’instruction pour mineurs.
Information obligatoire en cas de poursuite du mineur.
Assistance de l’Avocat après la première comparution.
Niger
•
•
Juridictions pénales en 1999.
Pénal : juge d’instruction et de jugement pour les contraventions et délits.
206
Séminaire en justice des mineurs
•
•
•
•
•
•
Assistance possible de l’Avocat à partir de la 24ème heure.
En matière civile : juge de jugement et de protection.
Crime, tribunal des mineurs avec obligatoirement le juge des mineurs qui a instruit.
Garanties pour la défense : assistance de l’avocat dès la première comparution
obligatoire.
Garantie limitée car avocats absents en province.
Assistance juridictionnelle inexistante.
Sénégal
•
•
•
Pas d’intervention à la garde-à-vue avant 48 heures.
Assistance à défaut de l’avocat, du civilement responsable et de l’éducateur social.
Possibilité de réviser la peine par le juge suite à la demande du mineur.
Guinée
•
•
•
•
Juge de paix et juge des enfants.
Tribunal pour enfants dans les tribunaux de grande instance.
Cour d’assises des mineurs.
Assistance de l’avocat dès la 1ère heure d’arrestation, commission d’office par le
bâtonnier (présence passive).
2. Les recommandations
•
•
•
•
•
Notifications des droits.
Nécessité de prévenir la famille ou le tuteur légal.
Possibilité d’assistance de l’avocat dès la 1ère heure.
Instauration de l’Aide juridictionnelle pour la commission d’office des Avocats.
Jeunes majeurs à assister.
207
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 6 : L’ÂGE D’INTERVENTION
1. L’âge du mineur
L’atelier n°6 s’est penché sur un cas lié à l’âge du mineur.
Le Président de séance a procédé à un tour de table par pays pour ouvrir les débats :
•
•
•
•
•
•
Burkina Faso
Togo
Sénégal
Bénin
Guinée
République démocratique du Congo (RDC)
Au cours des débats il a été noté que l’âge de la minorité pour les pays concernés varie
entre 13 à 18 ans.
Lorsque l’infraction est commise par le mineur de moins de 13 ans, il y a excuse
absolutoire. De 13 à 18 ans le mandat de dépôt peut être décerné.
Cependant il y a quelques différences d’un pays à un autre.
En Guinée par exemple :
•
•
•
de 0 à 10 ans : le mineur ne peut être poursuivi
de 10 à 13 ans : il bénéficie d’une excuse de minorité même en cas de culpabilité
de 13 à 18 ans : on examine s’il a agi avec ou sans discernement.
Il a été noté qu’au niveau de la RDC la majorité est fixée à 14 ans. Il y a présentement une
absence de textes législatifs, ce qui fait que les mineurs ne sont pas poursuivis mais placés
dans des centres de rééducation.
Lorsque le mineur atteint l’âge de la majorité en cours d’instruction il est toujours
poursuivi pour le délit qu’il a commis.
Lorsqu’à la clôture de l’instruction il atteint la majorité, le juge se dessaisit et prend une
ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (cas du Bénin).
2. Difficultés
Pour l’appréciation de l’âge en l’absence d’une pièce d’état civil, il est laissé au juge
l’opportunité d’apprécier si le mineur a agi avec discernement.
208
Séminaire en justice des mineurs
3. Propositions
•
•
•
•
•
Faire en sorte que la déclaration soit faite à la naissance sans quoi des sanctions
devraient être prises à l’encontre des parents.
Organiser des audiences foraines pour faciliter des déclarations de naissance
lorsque les lieux de naissance sont éloignés de l’état civil (cas du Sénégal).
L’appréciation du discernement devrait être entourée de garanties inscrites dans la
loi.
Lorsqu’il y a doute, choisir la minorité.
Procéder à une expertise médicale (dentition, ossement) pour déterminer l’âge du
mineur.
209
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 7 : LES MESURES ALTERNATIVES
Sénégal : Semi liberté, placement à l’extérieur, libération conditionnelle, médiation
pénale
• Détenu condamné doit être à la moitié de la peine pour bénéficier de la semi liberté.
2/3 pour récidivistes.
• Placement à l’extérieur : en entreprise à la demande des chefs d’entreprise. Détenu
non accompagné et retour à 19 heures.
• Commission pénitentiaire avec juge de l’application des peines si les conditions du
délai d’épreuve sont remplies.
• Libération conditionnelle : arrêté du Ministre de la Justice nécessaire. Le Ministre
n’est pas tenu par l’avis de la commission.
• Médiation pénale depuis le 3 septembre 1999 confiée à un service ou à un
médiateur spécialement qualifié pour les problèmes de jeunesse.
• Avec l’accord de la partie civile peut se limiter à de simples admonestations.
Guinée : Mesures alternatives depuis 2001 contestées par la police depuis trois
niveaux
•
•
•
phase policière : arrangement à l’amiable : négociation devant l’Officier de Police
Judiciaire (OPJ) (auteurs de délits mineurs) devant avocat et éducateur social.
avantages : désengagement des tribunaux, mesures éducatives.
difficultés : risque d’exagération du préjudice.
phase de l’instruction : avertissement, réprimande, placement institutionnel.
phase de jugement : sursis simple, sursis avec mise à l’épreuve et travail d’intérêt
général.
Cameroun : Mesures à distinguer – anglophone et francophone
•
•
•
Médiation et condamnation des parents à réparation dans la partie anglophone.
Engagement des parents à surveiller leur enfant, sous peine de payement
d’amendes.
Liberté surveillée, placement dans une institution dans la partie francophone.
Burundi
Bénin
•
•
Chantier entier
Seule alternative : placement dans une institution spécialisée ou remise aux parents.
Niger : 2 phases : avant jugement, au jugement
•
avant jugement : enfant confié aux parents, à son tuteur, à une personne de
confiance, à un centre d’accueil, un établissement hospitalier, centre d’observation
approprié.
210
Séminaire en justice des mineurs
•
au jugement : dispense de peine possible si préjudice est réparé. Astreinte à des
travaux d’intérêt général.
Maroc
•
•
Arrangement à l’amiable à la police ou au parquet à condition qu’il s’agisse de
délit.
Jugement sur la médiation in susceptible de recours.
Mali
•
•
•
Médiation au parquet pour solution acceptée par toutes les parties : réparation du
préjudice.
Médiation impossible en cas de délits sexuels et de détournements de biens publics.
Astreinte aux travaux d’intérêt général lorsque le mineur a 16 ans.
Burkina Faso : trois mesures
•
•
•
Remise aux parents pour une meilleure éducation.
Placement dans un centre d’accueil.
Travail d’intérêt général pour les enfants de plus de 16 ans.
Gabon
•
•
•
Placement dans les centres d’accueil.
Remise des enfants à leurs parents.
Médiation informelle au niveau du parquet.
211
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 8 : LA MEDIATION PENALE
L’atelier portant sur la médiation pénale comprenant 13 membres, provenant des pays
aussi variés que le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Togo, le Cameroun, le Sénégal, la
Belgique et la France a été très instructif et a permis de faire un état des lieux de
l’application de cette mesure dans les législations des pays sus-visés.
Le Sénégal a révélé que depuis une loi du 3 septembre 1999, la médiation pénale
s’applique dans le règlement des conflits impliquant un mineur. Elle est faite soit par un
service ou une personne qualifiée dans les problèmes de jeunesse ou encore par le
procureur de la République. Dans ce dernier cas, l’assistance de l’avocat est obligatoire et
le classement sans suite vient constater la réussite de la médiation.
Le Togo a pu consacrer la médiation pénale en s’appuyant sur l’article 29 du Code pénal
Togolais qui se dispose que « lorsque le prévenu aura, avant jugement assuré la réparation
du préjudice causé par le délit, le juge en considérant les pays, d’amendements présentés
pourra même, tout en déclarant sa culpabilité, le dispenser de toute peine ».
Le Mali, le Burkina Faso, le Camerou, le Niger ont fait savoir que dans leur législation il
n’existe pas des dispositions relatives à la médiation pénale.
A l’issue de ces discutions, quelques recommandations ont été faites :
•
•
Instituer la médiation pénale devant la juridiction de jugement et par conséquent en
faire une cause d’extinction de l’action publique.
Instituer une juridiction des mineurs dans les Etats qui en sont dépourvus tels que le
Gabon et le Burundi et faire de la médiation pénale le mode privilégié de règlement
de conflit concernant le mineur.
Il faut signaler que l’unanimité n’a pas été faite quant à considérer la médiation pénale
comme une cause d’extinction de l’action publique.
212
Séminaire en justice des mineurs
ATELIER 9 : QUEL MODELE
Sénégal
•
•
•
Avantage : l’uniformisation des législations
Protection à privilégier la sanction
Application de la charte africaine
Burkina Faso
•
•
•
•
Besoin de la victime, de la société et du mineur délinquant à privilégier :
o système de restauration car mineur victime de circonstances propices à la
commission d’infractions
o respect des droits de l’enfant du début à la fin de la procédure
o mesures alternatives à privilégier au détriment de la sanction
Mesure à prendre en tenant compte des réalités africaines
o concilier les intérêts de l’enfant et ceux de la victime
Spécificités locales à prendre en compte
o accent sur la réparation
Uniformisation des législations
o protection de la victime pour réparation
o protection du mineur
Bénin
•
Charte Africaine comme dénominateur commun
Niger
•
Intérêt de l’enfant à privilégier – marge de manœuvre pour le juge parce que le juge
soit un juge père
Burundi
•
Réalités nationales spécifiques à prendre en compte
Maroc
•
•
•
Equilibre entre la protection du mineur et celle de la victime
Accent sur la médiation au niveau de la police et du parquet
Séparation de la justice des mineurs de celle des adultes
Gabon
•
•
•
Accent sur la prévention
Application efficiente des législations par mise en place des centres spécialisés,
tribunaux spécialisés
Prévention par éducation, information
213
Séminaire en justice des mineurs
•
Médiation à privilégier de même que la réparation due à la victime
Cameroun
•
Uniformisation des législations (mesures provisoires, délai de détention, âge, peine)
Bénin
•
•
•
•
Combinaison de la sanction et de la protection
Législation communautaire possible
Centres de discernement à envisager
Invitation aux Etats pour l’application effective de la CDE et de la convention
africaine des droits et du bien-être de l’enfant.
Togo
•
•
Justice rétributive et intégrée pour prendre en compte les intérêts supérieurs de la
victime, du mineur et de la société
Bannir le discernement : coïncider la majorité pénale et la majorité civile
Recommandations
L’appréciation du discernement ne peut exister que dans l’intérêt de l’enfant et non pour
imposer une mesure plus sévère.
214
Séminaire en justice des mineurs
ALLOCUTION
PD Dr Bernard COMBY
« Aux lecteurs adultes vous dites : c’est fatigant de fréquenter des enfants. Vous avez
raison. Vous ajoutez : parce qu’il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s’incliner, se
courber, se faire petit.
Là, vous avez tort. Ce n’est pas cela qui fatigue le plus. C’est plutôt le fait d’être
obligé de s’élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments. De s’étirer, de s’allonger, de
se hisser sur la pointe des pieds. Pour ne pas les blesser… »
Cette citation de Korczak exprime bien toute la complexité, la diversité et la richesse qui
peut caractériser les relations entre l’adulte et l’enfant, entre l’enfance et la famille.
Monsieur le Ministre de la Justice du Burkina Faso,
Monsieur Michel Lachat, Directeur du Séminaire,
Monsieur Pasteur Nzinahora de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF),
Madame et Messieurs les Conférenciers,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les participants,
Chers Amis,
Tout d’abord, je tiens à dire un tout grand merci à tous les intervenants, à Monsieur le Juge
Michel Lachat, qui a dirigé avec compétence et clairvoyance cet important Séminaire, ainsi
qu’à vous toutes et vous tous qui avez fait le déplacement à Ouagadougou pour consacrer
une semaine de formation et de réflexions sur la justice des mineurs.
Monsieur Michel Lachat, Madame Laure Desforges et Messieurs Oscar d’Amours,
Christian Maes et Herman Zoungrana méritent vos plus chauds applaudissements !
Grâce à l’engagement remarquable des délégations du Bénin, du Burkina Faso, du
Burundi, du Cameroun, du Gabon, de la Guinée, du Mali, du Maroc, du Niger, de la
République Démocratique du Congo, du Sénégal et du Togo, ce Séminaire a connu un
immense succès.
Avec plaisir, je redis ici mon immense gratitude à Monsieur le Directeur Pasteur Nzinahora
et à l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF) d’avoir pris l’initiative
d’organiser cet important Séminaire sur les justices juvéniles, ainsi qu’à nos amis
burkinabés pour leur engagement en faveur de la cause des enfants et la qualité de leur
accueil.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
L’ampleur du travail à accomplir pour la mise en œuvre de la Convention Internationale
des Droits de l’Enfant est immense.
La pauvreté constitue certainement un handicap majeur au développement harmonieux de
l’enfant et au respect de ses droits.
En effet, l’enfant est très dépendant de son milieu familial et de son environnement social,
économique et culturel. Son développement physique et psychique, son épanouissement
personnel et son intégration sociale sont fortement conditionnés par son milieu de vie.
Cette fragilité est encore fortement accentuée si les conditions de base à sa vie, voire à sa
survie ne sont pas remplies.
C’est la raison pour laquelle, la lutte contre la pauvreté doit justement être considérée
comme un préalable déterminant à une application concrète et permanente de la
Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
215
Séminaire en justice des mineurs
Dans la plupart des pays du Sud, la précarité et la pauvreté sont inhérentes à la structure
même de ces pays. La fragilité du tissu économique, les graves lacunes au niveau des
infrastructures socio-économiques et techniques ainsi que la forte dépendance par rapport à
l’extérieur engendrent un état endémique de précarité et de pauvreté.
Mais la pauvreté n’est pas une fatalité et n’est pas non plus une excuse pour ne point agir !
L’espoir de sortir un jour de ce dramatique cercle vicieux de la pauvreté existe.
C’est donc dans un esprit de responsabilité partagée que l’appui aux populations du Sud
doit être orienté. Il faut qu’elles puissent elles-mêmes prendre en charge dignement,
sereinement et démocratiquement leur propre destin, dans le respect de leur identité, de
leur culture, de leurs valeurs et de leurs structures économiques et sociales.
Une stratégie efficace de développement doit impérativement respecter les droits de
l’enfant, en particulier le droit à l’éducation.
Avec le Secrétaire Général des Nations Unies Kofi A. Annan, nous pouvons déclarer :
« Le défi à relever tient en une phrase : au seuil du 21ème siècle, plaçons au premier
rang de nos priorités et au cœur de notre mission : l’éducation pour tous »…
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Sans remettre en cause les institutions judiciaires, il faut bien admettre que le contrôle
social exige aujourd’hui la mise en place d’instruments complémentaires nouveaux. Afin
de répondre aux exigences d’une société en pleine mutation, société en recherche de
consensus et d’harmonie, à travers la restauration de valeurs, telles que la communication,
la responsabilité, la confiance et le respect de la dignité humaine.
Peut-on rêver d’une justice négociée, destinée à pacifier les relations sociales, à discipliner
le délinquant en l’insérant dans un cadre normatif de réparation ?
En fait, cette dimension restauratrice de la médiation pénale est déjà affirmée par la loi
française du 23 juin 1999 qui stipule à son article 41 que « s’il lui apparaît qu’une telle
mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin
aux troubles résultants de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des
faits, le Procureur de la République peut, directement ou par délégation, faire procéder
avec l’accord des parties à une mission de médiation pénale entre l’auteur des faits et la
victime ».
Nous nous réjouissons donc de constater que la médiation trouve déjà sa place dans de
nombreux textes légaux et que cette nouvelle mesure de négociation et de gestion des
conflits apporte des éléments de réponse à ce besoin de nouvelles régulations sociales.
En conclusion, je dirai à l’instar de Jacqueline Morineau :
« Chacun, au plus profond de lui-même, aspire à la paix, or les conflits sont un
élément inséparable de notre vie quotidienne. La médiation propose un lieu, un temps
pour rencontrer le désordre et la violence. Par sa dimension éducative, la médiation
devient un moyen de réunir les hommes, de recréer un tissu social et d’initier une
chaîne de solidarité qui dépasse les frontières. L’enjeu est immense mais la tâche est
humble : commencer par se changer soi-même et nous pourrons changer le
monde »…
216
Séminaire en justice des mineurs
ALLOCUTION
Pasteur NZINAHORA,
Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Burkina Faso,
Monsieur le Président de l’Institut international des droits de l’enfant,
Monsieur le Directeur de cette formation,
Madame et Messieurs les experts,
Mesdames et Messieurs les acteurs de la justice juvénile,
Distingués invités,
Chers participants,
Mesdames et Messieurs,
Nous voici au terme des travaux de ce premier séminaire régional sur la justice des
mineurs, organisé par l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), en étroite
et précieuse collaboration avec l’Institut international des Droits de l’ Enfant (IDE), et le
comité d’organisation mis à notre disposition par le Ministre de la justice, Garde des
Sceaux, du Burkina Faso.
Je voudrais réitérer mes remerciements à ces excellents partenaires, ainsi qu’à chacune et
chacun d’entre vous, pour la part prise dans la préparation, l’organisation, l’animation et
l’enrichissement des débats de ce séminaire.
C’était un véritable rendez-vous du donner et du recevoir.
Je pense que je peux affirmer, sans risque de me tromper, que les objectifs que nous nous
étions fixés pour cette session de formation ont été atteints, si l’on se réfère au document
de sa présentation qui vous a été remis.
En effet, il était nécessaire et utile de vous réunir, vous mesdames et messieurs, les acteurs
réels ou potentiels de la justice des mineurs, pour vous permettre d’échanger sur les
situations de vos pays respectifs dans ce domaine, vous sensibiliser sur la spécificité de
cette justice, vous faire connaître les principes et règles minimales y relatifs existant au
niveau international, vous instruire sur les mesures alternatives aux mesures privatives de
liberté, notamment la médiation, telles qu’elles vous ont été communiquées par les experts
en la matière, vous inviter à réfléchir sur les réformes possibles dans les législations et ou
l’organisation des structures judiciaires et administratives de vos pays, et vous donner
l’occasion de formuler des recommandations, en vue de la promotion et du renforcement
du respect des droits des enfants, qui constituent la catégorie la plus précieuse pour l’avenir
de l’ humanité, en même temps qu’elle est la plus vulnérable.
Au cours des exposés sur la situation de la justice juvénile dans vos pays respectifs, et dans
les débats qui ont suivi les communications de haute facture, qui ont été soigneusement
préparées par les experts, j’ai noté, pour ma part, cinq points que j’aimerais relever à
nouveau, même s’ils figurent bien dans la brillante synthèse que vient de présenter
l’éminent Professeur et Juge des enfants à FRIBOURG, Directeur de cette session de
formation, Monsieur Michel LACHAT.
217
Séminaire en justice des mineurs
-
-
Premièrement, l’intérêt, voire l’engouement que vous avez manifesté pour la
formation, si ce n’est la spécialisation en justice des mineurs ou en droits des enfants ;
Deuxièmement, la volonté politique de la plupart des pays représentés ici, d’encourager
l’instauration d’une justice spécifique aux enfants, par la création des Tribunaux ou des
chambres spécialisées pour enfants, en plus de la police pour mineurs, et l’affectation
du personnel approprié ;
Troisièmement, le souhait ardent des délégués des pays qui n’ont pas encore mis en
place ces juridictions spécialisées, d’en disposer ;
Quatrièmement, la mise en réseau, si possible, des juges pour enfants, ainsi que les
autres acteurs de la justice juvénile ;
Cinquièmement, l’approche multidisciplinaire dans la prévention et le traitement
judiciaire de la délinquance juvénile.
En ce qui concerne la formation, je pense que chaque pays, seul ou avec le concours de la
Francophonie et d’autres partenaires tels que l’IDE, l’AIMJF (Association Internationale
des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille), l’Unicef, etc…, doit et peut y pourvoir, soit
dans le cadre de la formation dispensée aux participants par la structure nationale de
formation judiciaire (Ecole, Institut ou Centre), soit par les séminaires ponctuels que nous
vous exhortons à initier.
Ce séminaire est donc, pour nous, une première session de formation de formateurs, qui
pourraient même se spécialiser en participant à la formation en Master des droits de
l’enfant dont vous a parlé M. Michel LACHAT.
Pour ce qui est de la Francophonie, dans le cadre de ses programmes de renforcement des
capacités humaines des institutions judiciaires et du développement de l’expertise juridique
et judiciaire, elle ne manquera pas d’y contribuer, soit en organisant d’autres séminaires
régionaux comme celui-ci, soit en inscrivant le thème de la justice des mineurs parmi ceux
qui sont dispensés aux magistrats et auxiliaires judiciaires par visioconférences, dans les
pays où ce nouveau mode de formation est déjà mis en œuvre, comme au Sénégal, Guinée,
Côte-d’Ivoire, Mali, Niger, Bénin, Cameroun, Burundi, Rwanda et Madagascar.
Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Burkina Faso,
Monsieur le Président de l’ Institut International des droits de l’enfant,
Monsieur le Directeur de cette formation,
Madame et Messieurs les experts,
Mesdames et Messieurs les acteurs de la Justice juvénile,
Distingués invités,
Chers participants,
Mesdames et Messieurs,
Je ne voudrais pas abuser de votre patience, après une semaine de travail intense, pendant
laquelle vous avez fait preuve d’une assiduité remarquable.
Vous me permettrez simplement de vous dire encore une fois, merci d’avoir accepté de
braver avec nous, toutes les difficultés qui risquaient de retarder encore le lancement de
cette initiative, souhaitée depuis trois ans, mais qui était chaque fois reportée à cause
d’autres priorités concurrentes, et de la modestie des moyens dont dispose la Francophonie.
218
Séminaire en justice des mineurs
Merci de votre indulgence pour les imperfections que nous avons essayé d’atténuer, dans la
mesure du possible, avec le concours inestimable du comité d’organisation local, dont les
membres ont beaucoup contribué à l’accueil, au secrétariat, à la sécurité, bref à
l’encadrement général de notre rencontre.
Merci au personnel affable et efficace de l’hôtel qui nous a hébergés, et j’espère que cette
session de formation ouvre la série d’autres rencontres entre vous, et des échanges même à
distance, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies de communication.
Que chacune et chacun d’entre vous fasse un bon retour au pays, avec le ferme engagement
de contribuer à l’exécution des conclusions et recommandations de ce séminaire de
Ouagadougou.
Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux,
Le parrainage et le soutien que vous nous avez accordés, en procédant personnellement à
l’ouverture et à la clôture de ce séminaire, malgré vos nombreuses charges, la
réorganisation récente de votre système judiciaire pour y inclure les tribunaux pour
enfants, l’affectation de nombreux magistrats à ces nouvelles juridictions, l’honneur que
vous nous avez fait en nous recevant dans votre cabinet avec les amis responsables de
l’IDE, auront largement témoigné de votre engagement personnel pour la cause de la
justice des mineurs.
Puisse votre exemple faire école dans d’autres pays de l’espace francophone.
Je vous remercie.
219
Séminaire en justice des mineurs
220
Séminaire en justice des mineurs
ALLOCUTION DE CLÔTURE
Boureima BADINI
Mesdames, Messieurs,
La cérémonie de ce soir 3 décembre 2004 marque la fin de votre cours régional sur la
justice des mineurs tenu cinq jours durant à Ouagadougou.
A l’ouverture le lundi passé, je prenais date avec vous pour l’évaluation des travaux, des
connaissances acquises et de l’ambiance générale de travail ; il m’est revenu que dans
l’ensemble, les choses se sont plutôt bien déroulées, en dépit de quelques difficultés notées
ça et là. Je vous en félicite, convaincu qu’au finish, ce sont les enfants, nos enfants qui
récolterons les fruits les plus pérennes de nos actions du moment. J’ai pu également noter
avec intérêt vos recommandations dont je fais miennes pour l’essentiel, notamment quant à
la poursuite du cours vers un approfondissement des connaissances reçues à Ouagadougou.
Mesdames, Messieurs,
Chers participants,
Les nombreux échanges que vous avez eu sur des sujets mutuellement enrichissants ont
achevé de nous convaincre, non seulement de la pertinence du cours, mais encore et surtout
de la nécessité d’une justice spécifique et mieux adaptée à l’enfance.
C’est pourquoi et, avant de terminer mon propos, je voudrais remercier une fois encore les
différentes structures d’appui qui ont permis la tenue de ce présent séminaire dont mon
pays s’est fait l’honneur d’abriter :
-
l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie ;
la Coopération Suisse et
l’Institut des Droits de l’enfant notamment.
J’espère qu’au delà du rythme de vos travaux, vous avez su vous aménager un temps pour
découvrir quelques unes des « charmes » de notre capitale tout juste sortie du Xe Sommet
de la Francophonie.
En vous souhaitant un bon retour dans vos pays, vos familles et vos administrations
respectives, je déclare clos le cours régional sur la justice des mineurs.
Je vous remercie.
221
Séminaire en justice des mineurs
222
Séminaire en justice des mineurs
SYNTHESE
Michel LACHAT
Cinq jours de travail sérieux avec quarante-deux participants venant de douze pays
d’Afrique francophone, soit le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Gabon,
la Guinée Conakry, le Mali, le Maroc, le Niger, la République Démocratique du Congo, le
Sénégal et le Togo, des participants très actifs qui ont tous eu l’occasion de présenter leur
système judiciaire, mais aussi d’exprimer leur opinion personnelle en séance plénière et
surtout dans les ateliers.
Au terme de ce cours de formation, ici, à Ouagadougou, je tiens tout d’abord à vous dire
merci à vous toutes et tous pour :
• votre remarquable ponctualité
• votre constante bonne humeur
• et surtout votre généreux engagement.
Si, suite à l’analyse du rapport d’évaluation que je viens de dépouiller, je peux qualifier ce
cours de formation de très bon, vous êtes, Mesdames et Messieurs, bien entendu, les
artisans de ce succès.
Je souhaite, dans un deuxième temps, rendre hommage aux intervenants qui ont, par leur
expérience, leur compétence, leur sérieux et leur sensibilité à la cause des enfants, apporté
des informations pertinentes et de la documentation en qualité et quantité, qui permettront
aux participants de devenir, à leur tour, des formateurs pour leurs paires. C’était un des
principaux objectifs de cette rencontre !
Félicitations et merci de tout cœur à :
•
•
•
•
Me Laure Desforges, avocate clairvoyante, sachant défendre ses causes avec
l’humanité propre aux Grands du Barreau
M. Christian Maes, Procureur au style percutant et ô combien réaliste, qui fait honneur
à sa profession
M. Oscar d’Amours, au nom évocateur, magistrat serein dont la sensibilité n’a d’égale
que son souci de la Justice
M. Herman Zoungrana, protecteur acharné des enfants, particulièrement efficace dans
ses activités qu’il pratique avec un éternel sourire.
L’examen minutieux du statut de l’enfant sous l’angle de la Convention des Droits de
l’Enfant, des trois grands Traités internationaux, à savoir les Règles de Beijing, de Riyad et
de La Havane, et de la Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant, notamment
en ce qui concerne l’âge d’intervention, la nécessité de l’intervention précoce, les
alternatives à la privation de liberté, le respect de la procédure, en particulier le
comportement des intervenants avant le jugement et la défense nécessaire de l’enfant, a
permis de déceler des lacunes dans nos législations respectives et de proposer des
correctifs judicieux.
223
Séminaire en justice des mineurs
Aussi ai-je le droit de conclure que les objectifs ambitieux de ce cours de formation ont été
atteints sans aucun doute.
En effet, cette semaine de réflexion a permis aux magistrats et autres acteurs en justice
juvénile des douze pays d’Afrique que je viens de citer, mais aussi aux formateurs venant
de divers horizons :
•
•
•
•
•
•
de se rencontrer hors de leur contexte habituel – j’ai pu constater, de visu, les contacts
que vous avez tissés durant ce séjour à Ouagadougou et je m’en réjouis – ,
de développer la capacité d’intervenir de manière interdisciplinaire, en tout cas au
niveau justice et police, seul moyen d’obtenir un résultat positif pour l’intérêt de
l’enfant,
de parfaire des connaissances à vrai dire déjà très poussées chez la très grande majorité
des participants, tous fortement impliqués dans la sauvegarde des droits de l’enfant,
de réfléchir sur les réformes possibles et plausibles des systèmes nationaux et bien
entendu sur la façon de les réaliser dans chaque pays concerné,
de donner libre cours aux multiples alternatives à la privation de liberté, ultime
sanction réservée aux enfants,
enfin, d’établir une liste de recommandations utiles permettant d’améliorer le sort des
mineurs les plus démunis. A ce titre, je tiens à relever l’originalité des
recommandations qui, une fois n’est pas coutume, ne visent pas que des objectifs
onéreux où l’aspect financier tient une place prépondérante et pour lesquelles la
réalisation est souvent utopique. Ici, au contraire, les recommandations sont, si la
volonté politique de vos différents gouvernements est réellement présente, parfaitement
exécutables et peuvent être mises en place, pour la plupart d’entre elles, dès votre
retour au domicile.
Mes dernières paroles vont aux initiateurs et organisateurs de ce cours de formation à qui
j’adresse mes chaleureux remerciements :
•
•
•
•
à M. le Dr Bernard Comby, Président de l’Institut International des Droits de l’Enfant,
qui sait toujours donner l’impulsion là où elle agit avec le plus d’efficacité. En sa
qualité d’ancien ministre et avec son étiquette de grand baroudeur, M. le Président
Comby dynamise toutes les initiatives. Pour cet homme, qui ouvre toutes les portes
ministérielles, la privation de liberté est illusoire et son discours inaugural doit résonner
dans nos têtes : « ouvrir une école, c’est fermer une prison » ;
à M. Pasteur Nzinahora, Directeur de la coopération judiciaire et juridique de l’Agence
Intergouvernementale de la Francophonie, qui a été la cheville ouvrière de cette
rencontre et qui, par ses contacts étroits avec le milieu et son sens inné de la
diplomatie, a pu mettre sur pied, malgré la proximité du dixième Sommet des Chefs
d’Etat de la Francophonie, et les perturbations dues à l’instabilité en Côte d’Ivoire,
pays voisin du Burkina Faso, un séminaire d’envergure avec la participation de seize
pays, si on ajoute la France, le Canada, la Belgique et la Suisse aux douze pays
africains. Qu’il soit ici très chaleureusement applaudi !
à Mme Eliane Sourou, efficace et dévouée collaboratrice de l’Agence
Intergouvernementale de la Francophonie, qui n’a pas ménagé ses efforts pour
satisfaire au mieux les hôtes de cette importante rencontre ;
au Ministère de la Justice du Burkina Faso, qui non seulement a parrainé cette
manifestation, mais a mis à disposition une brigade de secrétaires très performants,
emmenée par l’infatigable Conseiller du Ministre, Jean-Jacques Ouedraogo ;
224
Séminaire en justice des mineurs
•
à vous, enfin, M. le Ministre de la Justice, Boureima Badini, qui avez développé des
programmes ambitieux pour consolider les acquis des droits des enfants et qui avez pris
le temps de suivre nos débats non seulement en lisant les rapports de vos conseillers
mais aussi et surtout en étant présent au début et à la fin de cette manifestation,
présence qui nous honore et qui rehausse ce cours qui restera millésimé.
« Carpe diem », tel fut le fil conducteur de cette semaine. Mon vœu du début du cours a été
exaucé car, en ma qualité de juge, j’ai l’intime conviction que vous, participants à cette
formation, avez su mettre à profit ces cinq journées d’études en mêlant concentration et
sérieux d’une part, joie et amitié d’autre part. Nous avons beaucoup parlé et les fruits de
nos débats pousseront dès demain, car, comme le dit un proverbe malien, « même si la
palabre ne peut labourer le champ, elle a au moins le mérite de trouver une solution ».
Je vous remercie.
Ouagadougou, 03.12.04
Annexe I : liste des participants
Annexe II : résultats de l’évaluation
225
Séminaire en justice des mineurs
226
Séminaire en justice des mineurs
RECOMMANDATIONS
1.
Harmoniser les législations nationales des pays participants
sur la base des grands principes internationaux et de la Charte
africaine des droits et du bien-être de l’enfant.
2.
Intégrer dans les législations nationales le principe du respect,
en tout temps, de la vie privée du mineur privé de liberté et les
éventuelles exceptions.
3.
Fixer dans les législations nationales la durée maximale de la
détention préventive pour les mineurs.
4.
Inscrire dans les législations nationales le droit de faire appel à
un avocat, dès la 24ème heure de l’enquête policière.
5.
Mettre sur pied une association d’avocats spécialisés dans le
domaine de la justice juvénile et prévoir son mode de
rémunération.
6.
Obliger les parents à déclarer la naissance de leur enfant à
l’état civil, dans un délai établi dans les législations nationales,
sous peine de sanction, et faciliter l’accès de l’état civil par
son déplacement dans les villages.
7.
Garantir l’appréciation du discernement par le juge dans les
législations nationales, là où celle-ci est prévue selon des
critères préétablis et en cas de doute, réserver aux mineurs le
bénéfice de la minorité.
227
Séminaire en justice des mineurs
8.
Interdire l’appréciation du discernement comme facteur
d’aggravation de la peine.
9.
Instaurer une juridiction spécialisée pour mineurs dans les
Etats qui en sont dépourvus.
10. Prévoir et maintenir une formation pluridisciplinaire pour les
acteurs en justice juvénile.
11. Développer les alternatives à la privation de liberté, en
privilégiant la médiation à toutes les étapes de la procédure.
12. Responsabiliser les parents démissionnaires et les soutenir
dans leurs efforts éducatifs ; à défaut d’acceptation, prendre
des mesures dans l’intérêt de l’enfant.
13. Prévenir la délinquance juvénile en donnant une priorité aux
premiers lieux de socialisation : la famille, l’école et
communauté.
14. Attirer l’attention des auteurs en justice juvénile sur les
dérives d’une médiation excessive de la violence.
228
Séminaire en justice des mineurs
Annexe I
LISTE DES PARTICIPANTS
Nom et Prénoms
Pays
Structure et fonction
TOKPANOU T. Louis
BENIN
Commissaire de Police
Chef de la Brigade de protection
des mineurs
ZANOUVI Célestin
BENIN
Magistrat, Juge des enfants au
Tribunal de Cotonou
ZANNOU M. Clément
BENIN
Directeur Exécutif de ASSODIP
ONG, Coordonnateur du
Programme PRONEEB
Président du Tribunal pour
Enfants de Ouagadougou
KAM GUY Hervé
BURKINA
FASO
FORGO Célestin
BURKINA
FASO
Directeur de la sécurité
Pénitentiaire (Ministère de la
Justice)
COMPAORE Maïza
BURKINA
FASO
Substitut du Procureur du Faso
(Ouagadougou)
229
Adresse complète
06 BP 361 Cotonou
Tél. : (+229) 33 81 33 / 33 85 66
Mobile : (+229) 96 48 97
E-Mail : [email protected]
07 BP 531 Cotonou
Tél. : (+229) 30 11 35 (Cabinet)
Mobile : (+229) 28 24 33
BP 2375 Porto Novo
Tél./Fax : (+229) 21 25 25
E-Mail : [email protected]
01 BP 95 Ouagadougou
Tél. : (+226) 70 24 90 74
E-Mail : [email protected]
01 BP 95 Ouagadougou
Tél. : (+226) 50 33 59 76
Mobile : (+226) 76 61 97 69
E-Mail : [email protected]
05 BP 6265 Ouagadougou
Tél. : (+226) 50 38 35 40
Mobile : (+226) 70 28 87 42
Séminaire en justice des mineurs
BAMBARA/OUATTARA
Sophie Marie
BURKINA
FASO
KOYENGA Dieudonné
BURKINA
FASO
MEDA/DABIRET Honorine
BURKINA
FASO
ROUAMBA Adama
BURKINA
FASO
BURKINA
FASO
HIEN Didier
VOHO Médard
BURKINA
FASO
MOYEGA Léon
BURKINA
FASO
ZONGO Fortuné Gaétan
BURKINA
FASO
Magistrat, Substitut du
11 BP 898 Ouagadougou
Procureur du Faso (Ouagadougou) Tél. : (+226) 50 35 32 52
Mobile : (+226) 70 24 93 91
E-Mail : [email protected]
Inspecteur de sécurité
01 BP 526 Ouagadougou
Pénitentiaire
Tél. : (+226) 50 30 72 37 / 78 83 68 73
E-Mail : [email protected]
Ministère de la Justice,
Ouagadougou
Directrice des Affaires Civiles, Tél. : (+226) 50 30 08 63
Pénales et du Saut
Inspecteur de sécurité
01 BP 526 Ouagadougou
Pénitentiaire
Tél. : (+226) 50 36 18 64
Membre de la DAPRS
01 BP 526 Ouagadougou 01
Tél. : (+226) 50 33 08 98
Mobile : (+226) 76 54 26 06
E-Mail : [email protected]
Ministère de la Justice,
01 BP 526 Ouagadougou 01
Directeur de l’APAS
Tél. : (+226) 50 33 08 98
Mobile : (+226) 70 26 49 99
E-Mail : [email protected]
Juge au Tribunal pour Enfants de BP 33 Bobo Dioulasso
Bobo Dioulasso
Tél. : (+226) 76 61 00 84
E-Mail : [email protected]
Président du Tribunal pour
BP 33 Bobo Dioulasso
Enfants de Bobo Dioulasso
Tél. : (+226) 76 63 92 20
E-Mail : [email protected]
230
Séminaire en justice des mineurs
TOE L. Ghislain
BURKINA
FASO
YAMEOGO/SANON Béatrice
BURKINA
FASO
BURKINA
FASO
SAGNON/SAWADOGO
Gisèle
PORGO Ilassa
BURKINA
FASO
KONE Alexandre
BURKINA
FASO
BURKINA
FASO
FODE Kondé
KAMBIRE P. Alexis
BURKINA
FASO
MBOG Céline épouse ABOLO
CAMEROUN
KOUANKAM Ruth Aurélie
épouse SCHLICK
CAMEROUN
Juge au Tribunal pour Enfants de 01 BP 3405 Bobo Dioulasso
Bobo Dioulasso
Tél. : (+226) 76 57 83 43
E-Mail : [email protected]
Juge des enfants
01 BP 95 Ouagadougou
TGI (Ouagadougou)
Tél. : (+226) 70 26 60 24
Juge au Tribunal pour Enfants
01 BP 95 Ouagadougou
(Ouagadougou)
Tél. : (+226) 50 38 66 66
Mobile : (+226) 70 29 56 63
E-Mail : [email protected]
Juge au siège au Tribunal pour
01 BP 95 Ouagadougou
Enfants (Ouagadougou)
Tél. : (+226) 76 61 21 22
E-Mail : [email protected]
Magistrat en service à la DAPRS, 01 BP 526 Ouagadougou 01
Ministère de la Justice
Tél. : (+226) 50 33 08 98
Magistrat, Assistant Project
01 BP 3420 Ouagadougou 01
Officer Child Protection
Tél. :(+226)50 30 02 35
(UNICEF)
E-Mail : [email protected]
Magistrat, Direction des
01 BP 259 Ouagadougou 01
Affaires Civiles, Pénales et du
Tél. : (+226) 50 30 08 63 / 70 26 82 20
Seau (Ministère de la Justice)
E-Mail : [email protected]
Magistrat, Substitut du
BP 2148 Yaoundé
Procureur
Tél. : (+237) 966 35 13 / 220 06 40
Magistrat, Juge au Tribunal de
BP 189, Mbalmayo
1ère Instance de Mbalmayo
Tél. : (+237) 778 92 14
E-Mail : [email protected]
231
Séminaire en justice des mineurs
BILOGO Geneviève
GABON
KOUMBA Ibinda Clémentine
GABON
CAMARA Fanta Oulen
BAKARY
GUINEE
TOURNE N’fa Ousmane
GUINEE
Magistrat, Juge au Tribunal de
1ère Instance de Libreville
Officier de Police Judiciaire à
l’EMPIJ
Commissaire Principal, Chef
Police mondaine (Direction de la
Police Judiciaire, Conakry)
Président de la Section Pénale,
Tribunal de 1ère Instance
(Kaloum)
Directeur de la Police Judiciaire
KANSAYE Hamidou
MALI
KEITA Djénèba Karabenta
MALI
Président du Tribunal pour
Enfants de Bamako
BENMOUSSA Ouafa
MAROC
Présidente de la Chambre des
mineurs à la cour d’appel de
Rabat
SIDI Goumour
NIGER
Officier de Police Judiciaire
232
BP 317 Tribunal de Libreville
Tél. : (+241) 26 50 59 / 15 95 46
BP 14 229 Libreville
Tél. : (+241) 84 14 44 / 82 25 35
Conakry
Tél. : (+224) 29 83 84
Bureau : (+224) 45 14 28
E-Mail : [email protected]
Ministère de la Justice
BP 564 Conakry
Tél. : (+224) 33 35 85
Direction Générale de la Police
BP 268 Bamako
Tél. : (+223) 222 30 38
Tribunal pour Enfant de Bamako
Tél. : (+223) 229 08 79 / 220 85 29
Tél. : (+223) 606 72 15
13, Rue Attaragil Bloc « L », Secteur 11
Hay Ryad, RABAT
Tél. : (+212) 66 34 04 05
S/C mon mari, Mr CHADILI :
61 33 69 49
Niamey, BP 133
Tél. : (+227) 97 75 17 Police judiciaire
Tél. : (+227) 73 30 92
Séminaire en justice des mineurs
BOUBACAR Zakaria Ibrahim
NIGER
GANDA Ismaël
NIGER
Marie Bibiane OMOYI Sheka
RDC
AWA Djigal SY
SENEGAL
THIOR Lamine
SENEGAL
AMEGANKPOE Yaovi
TOGO
ABBEY KOUNTE Kayi
TOGO
ABOTSI Koffi Nyameko
TOGO
BAZAHIGEJEJE Télesphore
BURUNDI
Magistrat
Président, Tribunal de Maradi
Tél. : (+227) 41 03 60
Magistrat
Tribunal Régional de Niamey, BP 231
Tél. : (+227) 73 55 19 / 98 46 37
Officier de Police Judiciaire
Direction Générale de la Police Judiciaire
Tél. : (+243) 98 39 21 84
E-Mail : [email protected]
Magistrat, Juge des Mineurs
Palais de Justice
Tribunal Régional de Dakar
Tél. : (+221) 644 43 70 / 832 27 87
Conseiller technique du Ministre Ministère de la Justice
de la Justice
Bulding Administratif, BP 4030
Tél. : (+221) 849 70 55 / 553 63 36
Président de l’Association Enfant 2, Rue Akati, BP 62 091
radieux
Tél. : (+228) 220 56 82 / 947 79 54
E-Mail : [email protected]
Magistrat, Président du Tribunal BP 342 Lomé
pour Enfants de Lomé
Tél. : (+228) 226 53 65 / 922 41 40 /
220 08 11
Officier de Police, Chef de la
Direction Générale de la Police Nationale
Brigade pour Mineurs de Lomé
BP 359 Lomé
Tél. : (+228) 251 41 45 / 917 85 77
Commissaire de Police, Police
BP 417 Bujumbura
judiciaire de Bujumbura
Tél. : (+257) 22 20 18 (B) / 22 06 95(H)
Mobile : (+257) 91 04 50
E-Mail : [email protected]
233
Séminaire en justice des mineurs
MBONIHANKUYE Emmanuel
BURUNDI
Secrétaire Général de
l’Observatoire des Droits de
l’Enfant (OIDEB)
BARANDAGIYE Pascal
BURUNDI
Magistrat, Juge à la Cour
constitutionnelle du Burundi
BP 2104 Bujumbura
Tél. : (+257) 24 10 99 / 22 78 93 /
0925 921 / 21 14 37
E-Mail : [email protected]
E-Mail : [email protected]
BP 151 Bujumbura
Tél. : (+257) 0913 693 / 23 66 72
LISTE DES CONFERENCIERS
Nom et Prénoms
Pays
Structure et fonction
Adresse complète
LACHAT Michel
SUISSE
Juge des mineurs, Fribourg
Directeur du Cours
D’AMOUR Oscar
Juge Chambre jeunesse
MAES Christian
CANADA
(QUÉBEC)
BELGIQUE
ZOUNGRANA Pingwendé
Herman
BURKINA
FASO
Av. Beauregard 13
1701 Fribourg
E-Mail : [email protected]
1111 Boulevard Jacques Cartier EST
Longueil (QC) Canada, J4M 2J6
Koophandelsplein, 23, 9000 Gent
E-Mail : [email protected]
01 BP 5087 Ouagadougou 01
Tél. : (+226) 50 36 90 74 / 50 36 82 64/
50 37 07 37 Mobile : 76 62 44 64
Avocat Général (Cour d’appel de
GAND)
Expert National en droits de
l’Enfant ; Directeur Exécutif du
Bureau des Initiatives pour la
234
Séminaire en justice des mineurs
Protection de l’Enfant (BIPE)
DESFORGES Laure
FRANCE
Avocat au Barreau d’Epinal et de
Paris ; Membre d’ASF
Fax : 50 32 28 15
E-Mail : [email protected]
70, Rue Chanzy, 88500 Mirecourt
France, 17 bis av Foch. Paris 75 016
E-Mail : [email protected]
LISTES DES ORGANISATEURS
Nom et Prénoms
Pays
Structure et fonction
DR COMBY Bernard
SUISSE
NZINAHORA Pasteur
FRANCE
(OIF)
Ancien ministre
Président de l’Institut
Universitaire Kurt Böch (IUKB)
DCJJ - AIF
235
Adresse complète
BP 4176, 1950 Sion4, Suisse
Tél. : (+41) (0) 27 205 70 00
E-Mail : [email protected]
13, Quai André Citroen, 75015, Paris
Tél. : 01 44 37 32 53
Fax : 01 44 37 32 05
E-Mail :
[email protected]
Séminaire en justice des mineurs
236
Séminaire en justice des mineurs
Annexe II
Résultat de l’évaluation
Nombre de questionnaires rentrés = 27
Personnes en formation :
Magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique francophone
1.
Organisation du cours
y La présentation du programme du cours était :
- très satisfaisante :
10
- satisfaisante :
17
- peu satisfaisante :
-y La logistique était (logement, repas, locaux…) :
- satisfaisante :
25
- pas satisfaisante :
1
2.
Enseignement
y Le nombre de participants était :
- bon :
25
- trop élevé :
1
- insuffisant :
1
y La méthode de travail vous a convenu :
- parfaitement :
14
- moyennement :
12
- pas du tout :
-y Auriez-vous souhaité ? :
- plus de présentations :
- plus de visites :
- moins de présentations :
- moins de visites :
- sans avis :
3.
9
5
2
1
13
Documents de travail
y Les documents mis à votre disposition étaient-ils pertinents ? :
- oui :
25
- non :
1
- sans avis :
1
237
Séminaire en justice des mineurs
4.
Contenu
y En tenant compte des issues sociales et pratiques majeures dans votre pays, pensezvous que le thème « Justice des mineurs » était :
- très approprié :
19
- approprié :
7
- pas approprié :
-y Le contenu des exposés correspondait au thème du cours :
- oui :
26
- moyennement :
2
- non :
-y Les exposés étaient :
- trop généraux :
2
- équilibrés :
23
- trop spécifiques :
2
- sans avis :
-y La durée des exposés était :
- suffisante :
17
- trop longue :
1
- trop courte :
8
- sans avis :
1
y La durée des ateliers était :
- suffisante :
16
- trop longue :
1
- trop courte :
10
y Le cours a répondu à votre attente :
- parfaitement :
19
- en partie :
7
- pas du tout :
-- sans avis :
1
5.
Suivi
y Pensez-vous pouvoir bénéficier pratiquement de ce cours dans votre propre
engagement ? :
- oui :
21
- peut-être :
2
- non :
2
- sans avis :
1
y Allez-vous utiliser ce que vous avez appris dans :
- votre travail :
23
- vos recherches :
13
- un autre séminaire :
11
238
Séminaire en justice des mineurs
- autres :
- sans avis :
3
1
y Pensez-vous utile d’approfondir ce thème par :
- un autre cours :
19
- une publication :
10
- autres :
2
6.
Remarques/suggestions :
y un séminaire sur quinze jours
y d’autres séminaires annuels en Afrique pour une évaluation continue
y d’autres cours avec les mêmes participants
y un cours sur la prise en charge psychosociale des mineurs délinquants
y invitation à des ONG et à des agents de sécurité pénitentiaires
y plus d’ateliers
y regret de l’annulation de la visite du Centre de Laye
y possibilité de communiquer avec les intervenants pendant les repas
y publication et envoi du document final, comme promis
y documentation devrait parvenir avant le séminaire
y fourniture de tous les règlements
y information aux participants doit se faire plusieurs semaines avant le cours
y accueil des participants à l’aéroport
239

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