Préface - Archives Lyon

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Préface - Archives Lyon
Préface
I. Des inventaires de sceaux ; du sceau en général et de son importance. — II. Sources et plan du
présent inventaire. — III. Spécimens curieux et intéressants de la collection des sceaux de la
Bourgogne. — IV. Remarques sur la matière, la couleur, la forme des sceaux ; usage et place du
sceau ; des contre-sceaux. — V. Des différents types de sceaux et spécialement de l'iconographie des
saints de la Bourgogne d'après les sceaux de type légendaire.
I. Des inventaires de sceaux ; du sceau en général et de son importance.
En présentant au public l'Inventaire de la collection des empreintes de sceaux conservées aux
Archives de l'Empire dressé en 1863 par Douët d'Arcq La Collection des empreintes de sceaux des
Archives de l’Empire et son inventaire ; Paris, Imprimerie, 1863, 3 vol. In-4, le comte de Laborde,
directeur général, manifesta l'intention de poursuivre l'accroissement de cette collection, où
devaient prendre place tous les sceaux successivement et méthodiquement recueillis dans la France
entière. Près de quatre cent mille, estimait-il fort approximativement, étaient disséminés dans les
archives départementales, municipales, communales, ecclésiastiques, hospitalières, notariales et
particulières Op. Cit., t. I, pp. 44-45.. Dès 1861, un archiviste, Germain Demay, avait été chargé de
rechercher et de mouler dans ces différents dépôts les sceaux qui ne se trouvaient pas aux Archives
nationales. Il avait déjà exploré les provinces du nord de la France, lorsqu'en 1868 des circonstances
indépendantes de sa volonté l'empêchèrent de poursuivre son œuvre. Il ne voulut pas que le public
fût privé des documents par lui recueillis, et, de 1873 à 1881, quatre volumes consacrés à la Flandre
G. DEMAY, Inventaire des sceaux de la Flandre ; Paris, Imprime nationale, 1873, 2 vol. In-4 avec
planches., à l'Artois, à la Picardie G. DEMAY, Inventaire des sceaux de l'Artois et de la Picardie ; Paris,
Imprimerie nationale, 1877, 1 vol. In-4 avec planches. et à la Normandie G. DEMAY, Inventaire des
sceaux de la Normandie ; Paris, Imprimerie nationale, 1881, 1 vol. In-4, avec planches., affirmèrent à
la fois l'opportunité et le succès de cette entreprise. Le sympathique empressement avec lequel le
monde savant, par les voix les plus autorisées, salua ces nouvelles publications, fut partagé par les
grands périodiques. M. Alfred Maury, directeur général des Archives nationales, mit en lumière, dans
la Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1874, toutes les ressources qu'offrait cette nouvelle
science auxiliaire de l'histoire, la Sigillographie ou Science des sceaux, dont les savants bénédictins
n'avaient fait qu'entrevoir l'utilité A. MAURY, Une nouvelle science auxiliaire de l'Histoire : la
Sigillographie ou Science des sceaux ; Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1874, pp. 889-928..
Il serait superflu de retracer ici l'histoire du sceau qui, par les Romains et les Grecs, les Assyriens et
les Égyptiens, nous ferait remonter jusqu'aux âges bibliques, jusqu'à la Genèse, à Daniel Le roi et les
grands marquent de leur anneau la pierre qui fermait la fosse aux lions où fut jeté le prophète :
Allatusque est lapis unus, et positus est super os laci ; quem obsignauit rex annulo suo et annulo
optimatuni suoruin, ne quid fieret contra Danietem (Daniel, cap. VI, v. 17). — Les prêtres de Baal
prièrent le roi de fermer la porte du temple et d'y mettre l'empreinte de son anneau : Et dixerunt
sacerdotes Bel : « Ecce nos egredimur foras, et tu, rex, pone escas et vinum misce, et claude ostium
et signa annulo tuo » (Ib., cap. XIV, v. 10). Ce qui fui fait (Ib., cap. XIV, v. 13), et le lendemain on
constata par là que la porte n'avait pas été ouverte, les empreintes (signacula) étant intactes (Ib.,
cap. XIV, v. 16)., à Esther Assuérus avait remis son anneau à Aman (Esther, cap. III, v. 10). Ce dernier
s'en servit pour sceller les lettres qu'au nom du roi il adressa aux satrapes et aux juges (Ib, cap. III, v.
12) ; et lorsqu'Assuérus reprit ce même anneau pour le confier à Mardochée, il enjoignit à celui-ci
d'en sceller les lettres qu'il écrivit aux Juifs : Haec enim consuetudo erat ut epistolis quae ex régis
nomine mitlebantur et illius annulo signatae erant, nemo auderet contradicere (Ib., cap. VIII, v. 2, 8,
10)., à Jezabel Jezabel, pour avoir la vigne de Naboth, scelle de l'anneau d’Achab la lettre qu'elle
écrit en son nom. (Les Rois, liv. III, cap. XXI, v. 8, à Joseph et aux Pharaons même Le Pharaon enlève
l'anneau de son doigt et le remet à Joseph (Genèse, cap. XLI, v. 42). C'était, ainsi que l'a fait
remarquer Mabillon (De re diplomatica, p. 127) et comme il ressort d'ailleurs surabondamment des
exemples précédents, un anneau sigillaire.. Il se trouve, au moyen âge, plaqué sur les actes écrits, ou
bien il y est rattaché par des bandes de parchemin, des lanières de cuir, des liens de chanvre ou de
soie diversement tressés et colorés. C'est l'empreinte, sur une matière malléable, généralement la
cire, d'images et de caractères gravés en creux sur une matière dure, pierre ou métal, plus
spécialement désignée sous le nom de matrice, mais communément appelée, elle aussi, le sceau.
Signe personnel d'autorité et de propriété, il valide et il authentique les actes qui perdent toute
valeur par sa disparition Lorsque Mathieu de Trie, réclamant le comté de Dammartin, produisit
devant Louis IX la charte de donation, le sceau en était incomplet : il ne restait plus que la moitié à
gauche de l'image. Le roi la montra à ses conseillers qui répondirent « sanz nul descortque il n'estoit
de riens tenus à la lettre mettre à exécution». Le souverain, ayant comparé le fragment de sceau
avec son propre sceau, conclut à l'authenticité du document, ce que Joinville, qui rapporte le fait,
considère comme un acte de générosité. Le Chroniqueur cité par Maury dans l'article mentionné cidessus (p. 899), parle de Renaud de Trie ; d'après l'éditeur de l'Histoire de saint Louis, il s'agit de
Mathieu de Trie (NATALIS DE WAILLY, Histoire de saint Louis par Jean, sire de Joinville, Société de
l'Histoire de France, 1868, 1 vol. In-8, p. 24, note 4). ; il a lui-même une personnalité propre ; sa place
est déterminée par des règles de chancellerie, sa perte ou son changement notifié à la justice pour
éviter les faux Le roi d'Aragon Martin ayant perdu à Valence son sceau secret, en fit faire un autre de
la forme de l'ancien, à l'aide d'une empreinte de ce dernier, mais, pour le distinguer, il voulut que les
anges qui, de chaque côté, soutenaient le timbre, fussent remplacés par des léopards. (Archives de la
couronne d'Aragon, reg. 2248, fol. 138 v°, lettre du 22 août 1405 publiée par M. FF.RRAN DE
SAGARRA, Notes referents als Segetts del rei Marti, Barcelona, 1911, in-8, p. 21). De même à la fin de
l'année 1417, les sceaux de la ville de Paris ayant été volés, le procureur de la ville en vint faire
déclaration au parlement, afin de décliner toute responsabilité jusqu'à ce qu'eussent été faits de
nouveaux sceaux, différents des précédents. « Ce jour [10 décembre 1417], maistre Jean le Bugle, ou
nom et comme procureur de la ville de Paris, vint en la chambre de parlement denuncier et signifier
que le jour precedent les seaulz de ladite ville de Paris avoient esté perduz pour larrecin et que ce
n'estoit pas l'intencion de ladite ville de adjouster foy desormais à ce qui seroit fait soulz le seelle
desdiz seaulz depuis ledit larrecin et perte des seaulz dessusdiz, mais feroit faire autres seaulz
nouveaux differens à ceulz qui ont esté perduz. » (Arch. Nat., X1A 1480, fol. 112 v° et 113). Quelques
mois après, ce sont les sceaux de la Chancellerie qui disparaissaient au moment des troubles que
causèrent l'entrée des Bourguignons à Paris, et, c'est pourquoi les lettres de Guy de Bar, nommé
garde de la prévôté de Paris à la place de Tanneguy du Châtel, furent scellées du sceau secret du roi.
Ce jour [31 mai 1418], messire Guy de Bar, chevalier, fu receu à l'office de la garde de la prevosté de
Paris, au lieu de messire Tanguy du Chastel, et fist le serrement acoustumé, et furent ses lettres
publiéez, lesquelles n'estoient seelleez que du seel de secret du Roy, pour ce que les seaulz de la
Chancellerie avoient esté perduz le XXIX jour de ce mois par l'effray et tumulte qui avoit esté à Paris à
l'entrée des gens du duc de Bourgogne. » (Ib., fol. 138.) ; il devient inutile à la mort de son titulaire
Voir, pour toutes ces questions, les Éléments de Sigillographie lires de la collection des sceaux des
Archives de l'Empire, publiés par DOUET D'ARCQ en tête de son inventaire, et aussi A. GIRY, Manuel
de Diplomatique (Paris, Hachette, 1894), in-8, pp. 622-657. On aura, entre autres, un exemple des
formalités qu'entraînait la perte du sceau dans les documents suivants conservés aux Archives du
Nord, B 3231 : Mandement du roi Philippe le Bel à ses sénéchaux, baillis et autres officiers et aux
gardes des foires de Champagne et de Brie, les informant que Robert de Flandre, second fils du
comte de Flandre, ayant exposé qu'il a perdu son sceau depuis quatre mois et plus et qu'il craignait
qu'on ne s'en fût servi pour commettre quelques fraudes, ils aient, en conséquence, à faire publier
dans tous les lieux de leurs justices, quand ils en seront requis par ledit comte ou par ses procureurs,
que tous ceux qui ont des contrats et obligations scellés de ce scel soient obligés de les apporter par
devant eux à un jour fixe pour être représentés audit Robert ou à son procureur, être reconnus par
eux et y apposer le nouveau scel qu'il se propose de faire faire ; que si on ne les apporte pas au jour
indiqué, les personnes qui les ont ne puissent plus s'en servir contre ledit Robert (4 juillet 1313) ; —
mêmes lettres vidimées par Jean Ploiebaus, garde de la prévôté de Paris (le vendredi après la SaintMartin d'été, 6 juillet 1313) ; — certificat de la publication desdites lettres à tous les carrefours de la
ville de Paris (le dimanche après l'octave de la Chandeleur, 10 février 1314, nouveau style) ; —
déclaration parles gardes des foires de Champagne et de Brie qu'ils ont fait publier lesdites letres
selon la manière accoutumée (le dimanche après l'octave des Brandons, 10 mars 1314, nouveau
style). Représentant des personnages, des animaux, des fleurs, des fruits, des plantes, des arbres, des
ustensiles de la vie domestique, des outils, des instruments d'arts et de métiers, des blasons, des
navires, des édifices, des villes, des symboles, des scènes entières qu'entoure généralement une
légende ; empruntant leurs éléments aussi bien au monde visible qu'aux créations et aux
interprétations de l'imagination, les sceaux fournissent « une iconographie plus abondante et plus
variée que celle que nous devons à la statuaire et à la numismatique…., une glyptique spéciale dont
les œuvres, diversifiées à l'infini, peuvent servir à combler maintes lacunes de l'histoire des arts et
accroissent les matériaux de la symbolique du moyen âge A. MAURY, op. Cit., p. 891. ».Employés par
les laïques aussi bien que par le clergé, par les communautés comme par les particuliers, ils
constituent « un ensemble de monuments figurés, parfois les seuls que l'on connaisse pour la fixation
de telle date, la biographie de tel personnage, la constatation de tel détail de la vie de nos ancêtres
Ib., p. 906. ». « L'archéologie, a-t-on constaté Préface du comte de Laborde à l'inventaire des sceaux
de Douët d'Arcq, cité plus haut, t. I, p. 3., trouve dans les sceaux une classe de monuments qui lui
apporte un genre d'assistance qu'aucune autre ne saurait lui procurer au même degré, et cela à
quelque point de vue qu'on se place ; que ce soit l'histoire de la glyptique, de l'architecture, du
costume sacerdotal et civil, des armures, des ustensiles de là vie privée et des instruments de
métiers ; que ce soit la topographie des villes, des châteaux et des établissements religieux ;
l'iconographie des personnages et l'iconologie sacrée ; la symbolique et les légendes ; que ce soit
enfin le blason : en tous ces intéressants sujets d'étude, les sceaux fournissent des notions qui ont
une date authentique, une origine certaine, une localité précise. » C'est ce triple avantage qui fait des
sceaux un instrument de critique d'une inappréciable valeur. Il appartenait à la sigillographie, que
d'aucuns appellent sphra gistique, de mettre en relief tous ces avantages et, en faisant « parler ces
témoins qui semblaient muets A. Maury, op. Cit., p. 889. », de devenir une science distincte.
On parut dès lors mieux comprendre l'intérêt historique de ces petits monuments ; leur caractère
artistique sollicitait le regard de ceux-là même que laissent d'ordinaire indifférents les choses du
passé ; ils figurèrent à l'Exposition rétrospective de l'Art français en 1900 Voir M. Prou, Les Arts à
l’Exposition universelle de 1900 ; monnaies et sceaux, dans la Gazette des Beaux-Arts, juillet 1900,
pp. 63-79. ; des collections officielles, le musée de sculpture comparée du Trocadéro, celui des
Invalides pour la reconstitution des costumes de guerre ; des centres intellectuels tels que Rouen,
Toulouse, Bordeaux, Angers, Rennes, Nancy, Dijon, etc., en demandèrent, comme les particuliers, des
épreuves. Les éditeurs eux-mêmes, voyant quel parti ils en pouvaient tirer, soit pour des publications
de luxe, soit pour des ouvrages de vulgarisation, apprécient et utilisent aujourd'hui cette précieuse
ressource Il est à peine nécessaire de faire remarquer ici, au sujet des procédés de reproductions
dérivant de la photographie si fréquemment utilisés aujourd’hui pour l’illustration, qu’un moulage en
plâtre légèrement teinté viendra avec tous ses détails et les moindres reliefs, alors qu’un sceau
original, dont la cire est généralement d’une couleur foncée, jaunâtre, rouge ou verte,
particulièrement impropre à impressionner une plaque sensible, ne donnera qu’une tache confuse et
noire. que ne dédaigne pas, au point de vue ! décoratif, l'industrie pratique. Le nombre des
expéditions de moulages de sceaux délivrés par les Archives nationales qui, en 1883, ne fut que de
cent vingt-huit, atteignit, en 1896, le chiffre de deux mille trois cent treize, et, en 1898, celui de deux
mille six cent quatre-vingt-deux.
Ainsi se répandaient, comme une semence féconde, tous ces exemplaires, reproductions fidèles des
originaux, témoignant par leur diffusion du goût que le public prenait à les étudier. Or G. Demay
n'avait exploré que dix départements. Que de sceaux encore, inconnus peut-être, devaient
renfermer les archives et les musées qu'il n'avait point vus ! Quelques-uns avaient été l'objet de
monographies, de descriptions, d'autres groupés dans des catalogues ; quelques tentatives de
moulages avaient été faites, mais, la bonne volonté ne suppléant pas à l'expérience, l'original fut plus
d'une fois sacrifié pour un moulage défectueux, informe, inutilisable. Tous d'ailleurs étaient voués à
une destruction inévitable et chaque jour plus imminente. Ces causes de destruction ne sont pas
purement accidentelles, comme l'incendie qui naguère détruisit en partie le dépôt des BassesPyrénées, ou la chute d'un plafond qui, dernièrement, fit soudain descendre dans une cave les
archives de la ville de Charolles ; elles ne sont pas exceptionnelles, comme le transfert d'un local dans
un autre, transferts d'ailleurs nécessaires, mais qui forcément occasionnent des heurts, des
froissements souvent funestes au contenu des liasses. Il est, en dehors de l'action négligeable,
avouons-le, du temps, une cause permanente qui se trouve dans le fonctionnement du service
normal, régulier des archives. Les documents, propriété publique, sont communiqués à tout
demandeur, et c'est lorsqu'ils sont consultés, c'est parce qu'il faut ouvrir les dossiers, les refermer,
les remettre sur les rayons, que les frêles figures de cire qui les authentiquent doivent, malgré toute
la sollicitude dont on les puisse entourer, disparaître. Le sceau le plus intact en apparence présente
très souvent d'imperceptibles fentes qui s'agrandiront au moindre déplacement ; la plus légère
pression les brise, et ils ne présentent plus au chercheur qui déploie le parchemin que le lamentable
spectacle de fragments éparpillés et méconnaissables. Cette opération du moulage, que Douët
d'Arcq comparait imparfaitement « à celle de l'impression d'un manuscrit dont elle reproduit et
éternise le texte » et qu'il serait plus juste de rapprocher des procédés photographiques, «était,
écrivait-il dès-1873, non seulement utile, mais on pourrait ajouter d'urgence. Puisqu'elle tendait à
centraliser et à sauvegarder une foule de petits monuments exposés, par leur nature fragile, à des
détériorations de chaque jour Compte rendu de l’Inventaire des sceaux de la Flandre par Demay,
dans la Bibliothèque de l’Ecole des Chartres. T. XXXIV, 1873, p. 101. ». Le péril est actuellement
d'autant plus imminent que chaque année voit s'accroître, dans nos archives, le nombre des
travailleurs. En l’espace de dix ans, par exemple, de 1900-1901 à 1910-1911, le nombre des
recherches dans les archives de l’Allier s’éleva de 663 à 1425 ; dans celles du Cher, de 253 à 1443 ;
dans celles de la Côte-d’Or, de 1344 à 8496 ; dans celles du Doubs, de 916 à 1225, etc. Le total
général de ces recherches dans les archives départementales qui était de 51988 en 1883-1884, fut,
en 1902-1903, de 105151.. Séparer les sceaux des pièces qu'ils authentiquent est un procédé
discutable, qui n'a pas été admis, au moins en France ; mettre les documents sous vitrines ou dans
des cartons inaccessibles au public serait contraire à la loi et indigne des habitudes libérales de
l'administration ; le moulage seul, prudemment exécuté, était une garantie certaine de conservation.
II. Sources et plan du présent inventaire.
Justement ému des dangers qui menaçaient de tarir dans ses sources la sigillographie française et
soucieux d'assurer aux savants et aux artistes une mine si féconde, M. le Ministre de l'Instruction
publique, sur la proposition de M. E. Dejean, directeur des Archives, résolut de reprendre la suite des
inventaires commencés par G. Demay.
Chargé depuis plusieurs années, à la section ancienne des Archives nationales, de la sigillographie, je
reçus mission d'explorer les dépôts de l'ancienne province de Bourgogne Voir à ce sujet, dans les
Actes du Congrès international pour la reproduction des manuscrits, des monnaies et des sceaux,
tenu à Liège les 21, 22 et 23 août 1905 (Bruxelles, 1905, in-8), la communication de M. A. Brette (pp.
287-289). Il est à noter que le Musée sigillographique et l’atelier de moulage, dont le congrès
souhaitait l’établissement dans les archives de chaque Etat (p. 334), existent depuis longtemps aux
Archives nationales. Plusieurs questions importantes touchant la sigillographie furent mises à l’ordre
du jour du Congrès international des archivistes et bibliothécaires tenu à Bruxelles en 1910.. Je pus,
en quatre campagnes de deux mois et demi seulement, visiter, de 1905 à 1908, les départements de
la Côte-d'Or, de l'Yonne A l’exception de Sens qui ne pouvait être rattaché à la Bourgogne (Cf. Max
Quantin, Dictionnaire topographique du département de l’Yonne, Paris, Imprimerie impériale, 1862,
in-4, p. 122). Il ne semble pas, d’après les vérifications faites dans les archives du Pas-de-Calais, que
Demay, de 1861 à 1862, ait dépouillé tous les fonds non inventoriés. Dans le département du Nord, il
n’aurait relevé et catalogué, en 1867, conformément aux instructions précédemment données, que
les sceaux qui lui parurent les plus intéressants au point de vue historique et artistique. Ces mêmes
instructions ont été Suivies pour le présent ouvrage, mais un tel choix n’est pas toujours facile ;
certains sceaux brisés ou mal conservés peuvent, en certains cas, offrir beaucoup d’intérêt. De tels
fragments sont même plus exposés à disparaître, et il est préférable que l’opération d moulage
s’étende à tous les sceaux ou fragments de sceaux sans distinction.et de Saône-et-Loire. La méthode
à suivre m'avait été déjà tracée par mon prédécesseur : c'était tout d'abord de choisir, à l'aide des
inventaires, les actes scellés conservés dans chaque dépôt ; à défaut d'inventaire ou lorsqu'ils étaient
notoirement incomplets, il fallut faire un dépouillement méthodique des fonds, liasse par liasse,
pièce par pièce. J'en dus faire ainsi passer sous mes yeux plusieurs milliers Environ 8000., travail
fastidieux et long, mais indispensable puisque seul il m'était garant que je ne laissais de côté aucun
document important. Tout acte scellé, portât-il ou non une cote, était marqué au crayon d'un
numéro d'ordre La cote du dossier ou du carton était inscrite également au crayon sur le document
lorsque ce dernier en était dépourvu, ce qui était une double garantie pour assurer la réintégration.
et remplacé dans le dossier d'où il était extrait par une fiche munie du même numéro, afin d'éviter
toute confusion au moment de la réintégration. Je notais ensuite tous les sceaux ainsi réunis et je
vérifiais dans les six inventaires de Douët d'Arcq et de Demay C’est-à-dire, outre les inventaires
signalés plus haut (Archives Nationales, Flandre, Artois, Picardie, Normandie) l’Inventaire des sceaux
de la collection Clairambault à la Bibliothèque nationale, par G. Demay (Paris, Imprimerie nationale,
1885-1886, 2 vol. In-4 ; Collection de Documents inédits).> si nous les possédions déjà. Dans
l'affirmative, je les laissais de côté, à moins qu'ils ne fussent en très bon état et ne complétassent un
exemplaire figurant déjà dans nos collections. Je comparais entre eux les types semblables pour
choisir le meilleur, puis, cette sélection ainsi faite, je procédais au nettoyage et au moulage par le
plâtre, suivant les procédés jusqu'ici employés et qui sont considérés comme donnant les meilleures
reproductions, tout en sauvegardant les originaux Ces procédés sont sommairement indiqués dans
l’introduction à l’inventaire de Douët d’Arcq, p. 25. « Toute opération par pression, y lit-on, si douce
qu’elle soit, doit être prohibée ; c’est la ruine du sceau ; le coulage seul est sans danger dans des
mains habiles. Le moulage à la gélatine sera réservé pour les cas de grande maladie… » J’ajouterai
que le procédé par pression, dont une circulaire ministérielle du 27 janvier 1910 a formellement
interdit l’usage, présente un autre inconvénient, c’est que la matière emoloyée, cire ou produit
similaire, par le fait même de sa malléabilité variable suivant la température, n’acquerra jamais la
durable solidité du plâtre. Il en résulte que, sur le creux ainsi obtenu, on pourra tout au plus tirer une
épreuve, et encore sera-t-il impossible d’utiliser, dans ce cas, le soufre fondu, qui donne pourtant de
très bons résultats. Il faudra donc, sur ce creux fragile, tirer une épreuve unique, en plâtre, et si l’on
veut en obtenir d’autres, force sera de prendre un nouveau creux, en plâtre, sur cette épreuve ; ce
sera un surmoulage, qui n’aura jamais le fini et le détail d’un moulage direct, et je ne parle pas des
déformations initiales auxquelles est soumise la matière molle lorsqu’on la détache du sceau dont on
a voulu prendre l’empreinte, surtout si les reliefs de ce sceau sont accentués. Toutefois l’emploi, par
pression, de ces pâtes plastiques (plastiline ou autres), préconisé par M. Hauviller, semble devoir
donner de bons résultats pour les sceaux recouverts de papier, assez souvent plaqués, et dont
l’usage se répandit surtout au seizième siècle. (Voir Dr Ernst Hauviller, Die Erhaltung der Siegel, ihre
Bedeutung für die historischen Hulfswisseschaften, ihr Kunst- und Kulturgeschchtlicher Wert, Metz,
1910, in-8 ; compte rendu de M. Max Prinet dans la Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, t. LXXII,
1911, pp. 151-152).. Restaient enfin l'analyse des documents auxquels étaient fixés ces sceaux et,
après un nouveau nettoyage, la réintégration dans les liasses respectives à la place des fiches
numérotées. C'est par exception que j'ai pris quelques sceaux postérieurs au seizième siècle ; on sait
qu'à partir de cette époque la propagation de l'écriture personnelle et des signatures autographes,
les seings manuels du moyen âge, la substitution graduelle du papier au parchemin et celle de la
lettre missive à la charte proprement dite, amenèrent la disparition des sceaux, que remplacèrent
souvent dans la suite le timbre sec, puis le timbre humide Voir A. Lecoy de la Marche, Les Sceaux,
Paris, Quantin, s.d., in-8, p. 282 (Bibliothèque de l’Enseignement des Beaux-Arts) ; A. Giry, Manuel de
Diplomatique, p. 622 ; M. Prou, op. Cit., dans la Gazette des Beaux-Arts, juillet 1900, p. 78.
Les archives départementales ont fourni la majeure partie des moulages décrits ci- après. Ils y étaient
fort inégalement répartis ; alors qu'aux archives de la Côte-d’Or la série B (Chambres et cours
souveraines), riche de l'énorme masse des précieux documents provenant de la Chambre des
Comptes des ducs de Bourgogne Voir à ce sujet : F. Claudon, Notice sur les Archives de la Côte-d’Or,
Dijon, 1911, in-8, pp. 98-105., me donnait une abondante récolte, les séries ecclésiastiques G (clergé
séculier) et H (clergé régulier), presque aussi importantes, n'offraient que des titres privés de leurs
sceaux. Inversement ce sont les deux seules séries dont le dépouillement me fut profitable dans les
archives de Saône-et-Loire et de l'Yonne. Les documents les plus intéressants de ce dernier dépôt
avaient été jadis transmis aux Archives nationales, et les sceaux qu'ils portaient, ayant été moulés,
figurent dans l'inventaire de Douët d'Arcq. Il était légitime de les faire rentrer dans un nouvel
inventaire consacré à la Bourgogne ; on les y trouvera donc Le renvoi à l’inventaire de Douët d’Arcq
est donné immédiatement après l’indication de provenance du sceau. Lorsqu’au contraire j’ai pris,
parce qu’il était en meilleur état, un sceau figurant déjà dans un des inventaires de Douët d’Arcq ou
de Demay, mais d’une autre provenance, j’indique le rapprochement à faire en mettant le renvoi
l’abréviation Cf. et j'y ai ajouté, chaque fois qu'il fut possible, la cote et l'analyse du document auquel
ils se rapportent, indications qui, précédemment, avaient été passées sous silence.
Les archives municipales Par exemple celles d’Autun, d’Auxerre, d’Avallon, de Beaune, qui possèdent
un bon inventaire manuscrit, ancien, signalant des sceaux malheureusement disparus depuis
longtemps, celles de Chalon-sur-Saône, de Charolles, de Semur-en-Auxois. Je dois mentionner
cependant, aux archives de Louhans, la charte de franchises de la ville, scellée à cinq sceaux et à peu
près intacte. Ce document a été publié par M. L. Guillemaut dan son Histoire de la Bresse
Louhannaise (Louhans, s.d., in-8), pp. 271-304., exception faite de celles de Dijon où les actes scellés,
conservés en excellent état, sont placés à part dans le Trésor Ce trésor comprend 26 layettes ; les
archives elles-mêmes en comptent 56 (série A-M), avec un inventaire imprimé en 4 volumes., ne
m'ont à peu près rien donné. J'en dirai autant des archives hospitalières, telles que celles du SaintEsprit à Dijon Quatre gros volumes d’inventaire manuscrit donnent l’état de ces archives, un
cinquième volume concerne les archives de l’hôpital de Sainte-Anne réuni aujourd’hui à celui de
Saint-Esprit. On y relève des titres remontant jusqu’au treizième siècle. Les documents les plus
anciens remplissent 23 cartons. et celles de l'hospice de Beaune L’inventaire manuscrit de 1797 a
été copié en 1800, puis recopié en 1832. Un gros volume renferme la transcription des pièces
anciennes et un inventaire succinct. Je n’avais guère à examiner, dans l’ensemble, que 198 layettes,
car les inventaires de toutes ces archives ne seraient que de point de départ pour mes investigations,
en me signalant les documents anciens. Pour constater la présence des sceaux, j’ai toujours vu les
liasses elles-mêmes. Le sceau du fondateur de l’hospice de Beaune, Nicolas Rolin, figure déjà dans la
collection de Flandre sous le n° 360.. Il semble parfois, et dans des archives par ailleurs parfaitement
tenues, que l'on ait systématiquement supprimé tous les sceaux. Gonflant les parchemins, pendant
hors des liasses, encombrant les cartons, ils parurent gênants ; on aura préféré les enlever, sans
penser que les documents perdaient, par là, toute authenticité. Il ne faut nullement en accuser ceux
qui, de nos jours, en ont la garde. Ces usages barbares, justement réprouvés aujourd'hui, au moins
en France, mais trop souvent pratiqués autrefois, remontent à une époque ancienne ; dès 1752, le
Journal historique les avait condamnés au même titre que la destruction de tant de vénérables
monuments gothiques que causa l'engouement pour l'antiquité « Lettre anonyme sur la destruction
de quelques monuments et principalement sur celle des jubés des églises » publiée dans la Suite de
la Clef ou Journal historique sur les matières du temps (connu aussi sous le nom de Journal historique
ou Journal de Verdun). Paris, 1752, in-8, p. 440 (décembre). L’auteur de cette lettre parle d’une
personne qui, rangeant les titres de certaines archives, avait ôté « tous les sceaux des anciens, qui
empêchoient qu’on ne put placer, à leur aise, ces titres dans les paquets, liasses ou boëtes, selon
l’ordre qui leur convenoit. Les plus anciens sceaux, dit-on, étoient ceux qui lui déplaisoient le plus,
soit parce que leur relief faisoit davantage gonfler les liasses, soit parce qu’ils étoient le plus
défigurés par la vétusté, en sorte qu’il fit un sacrifice générale de tout, comme de dhoes inutiles ».
Lecoy de la Marche a imparfaitement cité ce texte dans son ouvrage sur les Sceaux signalés plus
haut, p. 301.. Si la révolution de 1789 a amené la perte de nombre de titres, s'il est vrai que, parfois,
la cire des sceaux fat alors transformée en bougies, et si des archivistes eux-mêmes proposèrent de
l'utiliser pour la marine36 Témoins ce curieux document que me signale M. Tuetey, conservateur des
Archives modernes aux Archives nationales : « Grenoble, 9 ventôse, l'an 2 de la République une et
indivisible. « Citoyens représentants du peuple français, il me vient une idée que je vous soumes sur
le champ : il existe dans tous les dépôts publics et privés, notamment dans les greffes des tribunaux,
des amas de lettres-patentes, édits, déclarations, arrêts, provisions, bulles, etc., où sont attachés de
gros emplâtres de cire rouge, jaune ou verte empreints des sceaux des tyrans. Législateurs, ces
emplâtres peuvent-ils servir à la composition du goudron si nécessaire à la marine ? Décidés que la
Convention nationale, sur votre rapport, ordonne, et sur le champ : ces dernières marques du
despotisme expédiées de tous les points de la République iront se faire fondre dans les ports de mer
qui seront désignés. « Salut et fraternité. Vive la République. « GAUTIER, archiviste du district de
Grenoble. » (Archives nationales, F 17 10092, n° 2145.) La proposition fut renvoyée au Comité
d'instruction publique par celui de la marine le 17 ventôse an II. il faut reconnaître que le vandalisme
révolutionnaire n'est pas toujours seul responsable de ces disparitions.
Les musées, au point de vue sigillographique, ont quelquefois recueilli dans leurs vitrines, sans parler
des reproductions d'une origine souvent incertaine, quelques sceaux originaux, détachés, qu'il n'est
pas toujours facile d'identifier, mais on y trouve surtout des matrices, c'est-à-dire ces pièces gravées
qui servent à imprimer le sceau, les coins, dirait-on, s'il s'agissait de monnaies. Leur examen exige la
plus grande prudence, car il n'est pas rare d'en trouver de fausses. Ces faux peuvent être anciens ; ils
sont généralement modernes, soit gravés, soit simplement coulés sur un moulage, et la maladresse
des faussaires ou leur confiance dans la candeur du public est telle qu'on retrouve la même matrice,
fausse bien entendu, fondue à plusieurs exemplaires d'après un unique moulage, exemplaires qui
reproduisent tous fidèlement les fentes et les moindres défauts que présente celui-ci chaque fois, et
c'est le cas le plus fréquent, qu'il n'a pas été pris sur un sceau absolument intact et d'un parfait état
de conservation. Je ne parle pas d'une certaine mollesse des arêtes, d'un certain flou différent de
celui que produit l'usure et qui, à première vue, rendent ces objets suspects.
On y trouve aussi certaines épreuves de sceaux en métal, comparables à ces plaquettes fort
artistiques qui furent particulièrement en vogue à l'époque de la Renaissance Par exemple ces
portraits de Lionel d'Este par Pisanello, qui ont l'apparence de sceau, et qui furent d'ailleurs copiés,
en un module plus petit, par un graveur sigillaire de l'époque (JEAN DE FOVILLE, les Médailleurs
italiens, dans l'Histoire de l'Art, publiée sous la direction de M. ANDRÉ MICHEL, t. IV, pp. 143-144)..
J'en rapprocherai ce « petit bas-relief circulaire en bronze » dont Viollet-le-Duc, dans son
Dictionnaire raisonné du Mobilier français (t. II, p. 448), donne l'image et qu'il attribue à la fin du
quinzième siècle. « Il représente, dit-il, une jeune femme coiffée d'une couronne oblongue avec
voile, vêtue d'un riche corset avec très larges manches d'étoffe légère, non plus à califourchon, mais
assise sur une haquenée houssée richement et ayant un plumail entre les oreilles. Le petit épagneul
nécessaire à la chasse au vol accompagne le cheval. Cette fonte est une œuvre d'art exquise. » Or cet
objet est la reproduction exacte, et jusque dans la disposition des moindres plis, du sceau de Marie
de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire (1477), dont les Archives nationales possèdent un
moulage Collection de Flandre, n° 109. Le sceau lui-même porte, à la fin de la légende, la date 1476..
La seule différence est que, d'après le dessin de Viollet-le-Duc, la légende et les écus armoriant la
housse du cheval ont été totalement supprimés, tandis que dans le champ du sceau, près de l'oiseau,
a été ajouté l'insigne bourguignon, une croix de saint André. Je ne me prononcerai pas, surtout
d'après ce seul dessin, sur l'authenticité du bronze qui excite l'admiration du savant archéologue,
mais au point de vue de son originalité on avouera qu'une ressemblance aussi exacte avec notre
sceau ne laisse pas d'être un peu déconcertante.
Il n'est pas rare de trouver aussi des reproductions modernes de sceaux en métal, voire en
galvanoplastie, qui n'ont d'autre mérite que celui d'une copie plus ou moins bien exécutée Tel le
sceau de la Mère-Folle de Dijon, dont les reproductions, en cuivre doré, figurent dans plusieurs
musées. Ces exemplaires sont dus à la Société de sphragistique, qui avait entrepris de reproduire
ainsi certaines matrices jugées remarquables (voir Société de Sphragistique de Paris, t. I, Paris, 18511852, in-8, p. 2, et t. IV, 1855, p. 97).. Quant à ces plombs historiés, en tout semblables à des sceaux,
entourés même d'une légende qui commence, comme pour ces derniers, par le mot Sigillum Voir
Arthur Forgeais, Collection de plombs historiés trouvés dans la Seine, t. II. Enseignes de pèlerinages,
Paris, 1863, in-8 : Notre-Dame de Rocamadour en Quercy (pp. 52, 57, 58), trois types différents
portant tous la légende : Sigillum beate Marie de Rocamador et semblables d’ailleurs à des sceaux.
Ce mot sigillum, dit A. Forgeais, porterait à penser que la composition de cette enseigne a été
empruntée à un sceau de l’église de Rocamadour. C’est fort vraisemblable, et, si nous n’avons pas de
sceau de cette église, nous pouvons constater tout au moins que le sceau de la ville elle-même
(Douët d’Arcq, n° 5838) présente l’image d’une Vierge assise, avec l’enfant Jésus, qui n’est qu’une
variante du type donné par ces plombs. Toutefois si ces derniers sont en navette, comme la plupart
des sceaux ecclésiastiques, le sceau de la ville de Rocamadour est rond. – Saint Fiacre et saint Faron
au diocèse de Meaux (p. 138) : Hoc est sigillum S[ancti] Fiacr[i]. – Saint-Dominique de la Calzada en
Espagne, province de Logrono (p. 198) : Sigillum Sancti Dominici Calciatensis. D’après ces exemples il
est plausible de croire que l’abréviation S., par laquelle débute la légende d’un plomb de pèlerinage
de Notre-Dame de Vauvert, décrit dans la même collection (p. 4), S. beate Marie de Valle Viridi, se
puisse interpréter sigillum., on sait que c'étaient des insignes de pèlerinages, estampés ou coulés
vraisemblablement dans des moules de pierre ou d'ardoise A. Forgeais donne dans son ouvrage (t.
IV, p. 44 et t. V, pp. 249-254) la reproduction de plusieurs de ces moules de pierre et il cite (t. IV, p.
44) ce texte de 1460, publié parmi d’autres documents historiques et archéologiques, par La Fons de
Mélicocq dans le Bulletin du Comité de la langue, de l’histoire et des arts de la France (t. III, 18551856, p. 629) : « Pour unes fourmes gravees de pierre de marbres… pour servir à jecter plommes à
manière de sceaulx ». Il s’agissait ici de marques pour les draps. Des moules de ce genre ont pu servir
aussi à fabriquer au moyen âge ces ornements de métal en relief appliqués sur les coffres, les
châsses, les panneaux, etc..
De même certains sceaux (sceaux de communes, de juridictions, de chapitres, d'églises, d'abbayes,
d'abbés, de bienfaiteurs, de parrains et de marraines, de fondeurs, etc.) se trouvent reproduits dans
le bronze des cloches. On sait comment étaient fondues ces dernières. Autour d'un noyau solide,
formant la partie intérieure du moule, était établi le modèle de la cloche telle qu'elle devait être, la
fausse cloche, qui portait, en reliefs de cire, les inscriptions, les symboles, les ornements d'usage. Des
couches de terre liquide superposées sur cette fausse cloche en prenaient tous les contours, tous les
reliefs, et, durcies par le feu, en gardaient fidèlement l'empreinte en creux, la cire disparaissant sous
l'action de la chaleur. Elles constituaient la chape ou partie extérieure du moule. Le métal en fusion,
coulé entre le noyau et la chape, pénétrant dans tous les creux de celle-ci et s'y solidifiant, venait
alors prendre la place de la fausse cloche Voir, à ce sujet Joseph Berthelé, Une fonte de cloches au
temps jadis, dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1889, pp. 159-169, et les
nombreuses et intéressantes publications du même auteur sur l’archéologie campanaire.. C'était, on
le voit, un véritable moulage à cire perdue. Or, rien n'était plus facile pour les fondeurs que d'ajouter
sur cette fausse cloche, aux inscriptions et aux ornements de cire qu'ils façonnèrent d'abord à la
main, mais pour lesquels ils employèrent, dès la seconde moitié du treizième siècle, des planchettes
gravées, les empreintes des sceaux prises sur les matrices officielles qu'on leur confiait à cette fin. La
cloche de l'ancienne église abbatiale de Saint-Pierre de Moissac qui porte l'empreinte de sept sceaux,
dont l'un, le sceau même du fondeur, est reproduit deux fois, en est probablement le premier
exemple que l'on puisse citer43 L’inscription de cette cloche a été relevée par Viollet-le-Duc
(Dictionnaire raisonné de l’Architecture française, t. III, pp. 286-287), qui en prit un estampage en
plomb déposé aujourd’hui au musée des Thermes et de l’hôtel de Cluny à Paris. Je dois à l’obligeance
de M. E. Haraucourt, conservateur de ce musée, d’avoir pu l’examiner à loisir. Cette inscription, sur
les deux lignes, est accompagnée de sept sceaux qui n’ont jamais, que je sache, été décrits. – 1e
Sceau rond, de 30 millimètres. Une cloche avec son battant, dans un quadrilobe à rendents ; les
bordures de la légende en forme de cordelettes ; celle-ci en partie illisible : S. Gaufridi Senher de…
R… Ce nom qui figure déjà dans l’inscription : ANNO DOMINI MILLESIMO CC LXX TERTIO GOFRIDUS
ME FECIT ET SOCIOS MEOS. PAULVS VOCOR ; cet emblème, une cloche, devenu commun dans la
suite aux fondeurs de cloches ; enfin le mot même de senher (en latin senherius) qui n'est que la
forme méridionale du terme saintier sous lequel on désignait ceux qui pratiquaient cette industrie,
prouvent que nous avons ici la marque du fondeur et peut-être la plus ancienne qui soit connue
jusqu'à ce jour. Ce sceau est reproduit deux fois sur la cloche. La fin de la légende est
malheureusement indéchiffrable ; peut-être lirait-on DE CRVAS, mais c'est fort douteux et je ne
donne cette interprétation que sous les plus grandes réserves. — 2° Sceau en navette de 35 et 23
millimètres. La Vierge avec l'enfant Jésus, de face, à mi-corps au-dessus d'une arcade trilobée sous
laquelle est un priant, de profil à droite : s. WOSNATERII (?) MOISIACE... — 3° Sceau en navette, de
40 et 25 millimètres. La Vierge avec l'enfant Jésus, de face, à mi-corps, au-dessus d'une arcade sous
laquelle est un priant, de profil à droite : WEI... ELLE... AR... D. CAV... — 4° Sceau en navette, de 38 et
24 millimètres. Saint Pierre debout, de face, les clefs dans la main droite, dans une niche gothique
sous laquelle est une fleur de lys. Légende fruste. — 5° Sceau en navette, de 46 et 31 millimètres. La
Vierge vue de face, assise sur un siège sans dossier, tenant l'enfant Jésus à gauche, et, de la main
droite, un sceptre fleurdelysé. Légende fruste. — 6° Sceau en navette, de 35 et 23 millimètres. Un
château. Légende fruste. — 7° Sceau rond de 25 millimètres. Une tour crénelée adextrée d'un avantmur aussi crénelé au-dessus duquel est une fleur de lys. Légende fruste. Il est à remarquer que l'on
ne voit pas figurer, parmi ces sceaux, celui de Bertrand de Montagut (Collection des Archives
nationales, DOUET D'ARCQ, n° 8843) qui était abbé de Saint-Pierre de Moissac à l'époque où fut
fondue la cloche..
Une cloche de Châteauneuf-en-Auxois (Côte-d'Or), datant de 1526, porte plusieurs fois le sceau de
l'hôpital du Saint-Esprit de Dijon dont elle provenait J. BERTHELK, Ephemeris campanografica, t. II
[fascicule VII], p. 106..
L'identification des matrices, aussi bien que celle des sceaux isolés, n'est pas sans difficulté, et à
moins qu'elles ne portent, soit sur le sujet, soit sur la légende, soit sur le revers ou la poignée, un
millésime, ce qui est peu fréquent, il est impossible de leur assigner une date précise, les sceaux
n'étant en général Voir les Éléments de Sigillographie, publiés par Douët d'Arcq en tête de son
inventaire, p. CVII : « A partir du treizième siècle, on trouve des sceaux qui portent leur date, laquelle
est presque toujours mise sur le contre-sceau... Au seizième siècle, c'est sur les sceaux et non sur les
contre-sceaux que se trouve la date, laquelle est gravée en chiffres arabes. » L'auteur ne relève que
vingt-sept mentions de date sur les 11840 épreuves (non compris les contre-sceaux) qu'il a décrites.
Le sceau de Marie de Bourgogne, cité plus haut (p. vin, note 2) est daté de 1476. datés que par la
pièce à laquelle ils sont fixés.
Le musée de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or (musée archéologique) à Dijon, le musée
de la ville d'Auxerre Soixante-six matrices., celui de la Société éduenne à Autun (musée Rolin) m'ont
donné quelques épreuves remarquables Notamment le sceau d'un auditeur du Sacré Palais au XVe s.
(n° 879), et plusieurs matrices..
Comme collections particulières, je ne puis citer que celle de M. E. de Juigné de Lassigny à Pommart.
La collection Baudot a été acquise par le musée archéologique de la ville de Dijon signalé plus haut
Voir le Catalogue du musée de la Commission des antiquités du département de la Côte-d'Or, Dijon,
1894, in-4, pp. 305-355, nos 1634-1875 ; planches XXI et XXV. ; celles de Mme Febvre et celle de M.
Bouchage, à Mâcon, décrites dans le bulletin de la Société de Sphragistique de Paris de 1852 à 1855,
sont aujourd'hui dispersées Comte GEORGES DE SOULTRAIT, Notice sur les sceaux du cabinet de
Mme Febvre, de Mâcon, Société de Sphragistique de Paris, t. II, 1852-1853, pp. 171-187 ; 322-341 ; t.
III, 1853-1854, pp. 97-127, 236-282. Du même, Notice sur les sceaux du cabinet de feu M. Bouchage,
de Mâcon, Société de Sphragistique de Paris, t. IV, 1855, pp. 289-312.. Enfin on a jugé bon d'ajouter
au présent recueil quelques moulages pris sur les sceaux qui se trouvent dans le fonds de Bourgogne
à la Bibliothèque nationale et appartiennent à des chartes concernant l'abbaye de Cluny.
Telles sont les sources où furent puisés les éléments du présent volume. La classification suivie est
naturellement celle que Demay, s'inspirant de Douët d'Arcq, adopta pour les collections de province
Exception a été faite pour la série dite des grands feudataires ; ce titre pouvant prêter à plusieurs
interprétations a été remplacé par celui de ducs, comtes et vicomtes. ; sous deux grandes divisions :
sceaux laïques, sceaux ecclésiastiques, se rangent, d'une part, les sceaux des souverains, des
seigneurs, des bourgeois, des villes, des cours et des tribunaux, des métiers et des offices divers ;
d'autre part, ceux du clergé séculier : cardinaux, archevêques et évêques, chapitres, paroisses, et du
clergé régulier : abbayes, prieurés, couvents, ordres militaires et hospitaliers, maladreries On
comprend que ce classement méthodique ne peut être absolument rigoureux ; par exemple
lorsqu’un même personnage se trouve investi de différentes fonctions dont les titulaires forment
autant de séries distinctes, il pouvait figurer dans l’une ou l’autre de ces séries. Il est naturel qu’un
seigneur qui était en même temps grand dignitaire, sénéchal, connétable, chancelier, etc., ait été
classé parmi ces derniers et non parmi les seigneurs. Dans quelques cas douteux, c’est la teneur de
l’acte, le titre qu’y prend le personnage, qui appose son sceau ou la fonction qu’il exerce qui a
déterminé la place de ce dernier dans l’inventaire. Les membres du clergé n’étant, en général,
désignés que par leur nom de baptême, c’est à ce nom qu’il faut les chercher dans l’ordre
alphabétique, bien que le nom de famille ait été ajouté chaque fois qu’il a été possible. Les laïques au
contraire sont placés à leur nom de famille. Toutefois j'ai cru indispensable de donner des
descriptions plus détaillées, de n'y rien omettre de ces caractéristiques qui permettront de distinguer
des sceaux pareils à première vue. Quoi de plus fréquent que le type dit équestre, et quoi de plus
vague que ces termes ? Il faut dire au moins si le cheval, toujours de profil, va vers la droite ou vers la
gauche Ces termes désignent, bien entendu, la droite ou la gauche de celui qui regarde le sceau,
tandis que par les mots dextre et senestre on doit, suivant les règles héraldiques, comprendre la
droite ou la gauche du sceau, ce dernier étant considéré comme une personne. ; il en résulte de
notables changements dans l'attitude du cavalier et particulièrement dans la façon de porter cette
pièce principale, l'écu ; toutes choses qu'il est bon de relever. Il n'est pas inutile de mentionner, dans
le type ecclésiastique, représentant un évêque ou un abbé muni de sa crosse (type abbatial), que la
volute de cette dernière est tournée en dedans ou en dehors, non point parce que, suivant certains
auteurs, les abbés dussent toujours tourner la volute de leur crosse vers l'épaule, alors que les
évêques la devaient diriger en dehors, les monuments figurés, a justement remarqué G. Demay,
venant à chaque instant donner un démenti formel à cette théorie G. Demay, Le costume au moye
âge d’après les sceaux, Paris, 1880, in-4, p. 300. L’affirmation de Demay est confirmée par un récent
article de M. Max Prinet : Les insignes des dignités ecclésiastiques dans le blason français du XVe
siècle, dans la Revue de l’Art chrétien, janvier-février 1911, pp. 16-18 du tirage à part., mais parce
qu'il y a là une particularité qui peut empêcher de confondre des sceaux dont l'identification serait
par ailleurs irréalisable. Les analyses des actes ont été faites aussi complètes et aussi claires que
possible, les dates ramenées au style moderne, et j'ai pris soin d'indiquer la couleur de la cire, qui, on
le sait, était dans certains cas déterminée par les usages des chancelleries A. Giry, Manuel de
Diplomatique, p. 643.. Les reproductions que, de nos jours, on demande parfois en cire seront ainsi
plus conformes aux originaux.
III. Spécimens curieux et intéressants de la collection clés sceaux de la Bourgogne.
Les mille six cent dix sceaux de la collection de Bourgogne venant s'ajouter à ceux que possèdent
déjà les Archives nationales C'est-à-dire les sceaux décrits par Douët d’Arcq et Demay dans leurs
inventaires imprimés signalés plus haut, p. VI, note 3 ; ceux qui constituent le Supplément, au
nombre de 3898 (inventaire manuscrit) et 434 matrices (inventaire manuscrit) parmi lesquelles il faut
mentionner la matrice en argent du sceau et du contre-sceau de l’abbaye de Saint-Denis. On ne doit
pas oublier qu’un même sceau a pu avoir plusieurs contre-sceaux (voir, par exemple, nos 984, 988,
1019). Portent le nombre des moulages à plus de cinquante-quatre mille si l'on comprend, dans ce
total, les contre-sceaux qui, sans avoir de numéros distincts, constituent autant de moulages séparés
dans la proportion d'environ un cinquième.
C'est vraisemblablement la collection de ce genre la plus considérable de celles qui existent
actuellement, la plus importante et, en son genre, la plus utile, puisque la science des sceaux, pour
porter tous ses fruits, doit embrasser de grandes séries. Pour l'Angleterre, le Catalogue of Seals in the
Department of manuscripts in the British Muséum décrit vingt-trois mille deux cent quarante-deux
sceaux. La Belgique qui, sur l'initiative du colonel Donny, vice-président de la commission directrice
du musée des Antiquités de Bruxelles, entreprit en 1864 dans ses archives des travaux analogues à
ceux de Demay, a réuni vingt-deux mille trois cent trente moulages Rapport de M. A. Gaillard,
archiviste général du royaume de Belgique, sur les procédés de reproduction des sceaux, dans les
Actes du Congrès international pour la reproduction des manuscrits, des monnaies et des sceaux
tenu à Liège les 21, 22 et 23 août 1905, Liège, 1905, in-8, pp. 11-12.. L'Allemagne, l'Autriche Aux
Archives de l’Etat, à Vienne, se trouve une collection d’environ 12000 moulages, malheureusement le
catalogue n’en est pas imprimé. A Paris même il existe plusieurs collections de moulages ; celle de
l’Ecole des Beaux-Arts daterait de 1834 (Guénébault, Notes sigillographique. Collections et
collectionneurs de sceaux, dans Société de Sphragistique de Paris, t. IV, 1855, pp. 255-256 ; 283-286).
Celle du Musée de Sculpture comparée au Trocadéro et celle du musée des Invalides (Histoire du
costume) proviennent des Archives nationales. l'Espagne, l'Italie ne semblent pas, jusqu'à présent,
avoir suivi cet exemple. On pourrait citer dans certaines villes, dans certaines archives, des
collections dues à l'initiative privée, mais on n'y trouve point ce qui rend les nôtres accessibles au
public et réellement pratiques : des inventaires imprimés et la faculté d'obtenir, moyennant une
légère rétribution, des reproductions des originaux en plâtre, en soufre ou en cire.
L'étude des sceaux de la Bourgogne fournira, on peut l'espérer, des données nouvelles pour la
solution des problèmes que suscitent l'histoire de l'art bourguignon, son origine, son développement,
son influence et sa diffusion. Il était admis naguère que l'école bourguignonne dérivait de l'école
flamande ; on se demande aujourd'hui si elle n'est pas originale et si ce n'est pas elle qui aurait
marqué de son caractère les œuvres flamandes. Certains n'ont vu en elle qu'un reflet de l'école de
Paris et l'on a prétendu d'autre part qu'elle pourrait bien avoir pris sa source dans la région du Rhin
Les ouvrages publiés à ce sujet sont trop nombreux pour qu’on puisse donner ici la liste. Je
rappellerai seulement ceux du comte de Laborde, de Louis Courajob, Chrétien Dhaisnes, Bernard
Prost, Henri du comte de Laborde, de Louis Courajob, Chrétien Dehaisnes, Bernard Prost, Henri
Bouchot, Raymond Koechlin, Henri Stein, Arthur Kleinclausz, etc. Je signale, comme présentant ces
formes trapues, robustes et plantureuses dont on fait une des caractéristiques de l’école
bourguignonne (Louis Courajob, Leçons professées à l’école du Louvre, 1887-1896, publiées par
Henry Lemonnier et André Michel, t. II, Paris 1901, in-8, pp. 289-457), la Vierge figurée sur le sceau
des Carmes de Dijon en 1401 (n° 1533, pl. LIX). Au milieu de ces innombrables figures que la
sigillographie réunit, les érudits pourront trouver, à l'aide de nouveaux objets de comparaison et
d'études, des arguments nouveaux. « Les sceaux, rappelle M. Prou, permettent de suivre pas à pas
les états successifs de la gravure, les progrès du dessin, les modifications dans le goût artistique.
Certaines figures, en se perpétuant, par exemple celle d'un chevalier, celle de la Vierge, d'autres
encore, nous permettent de marquer avec précision les étapes de l'art dans une même voie... L'on
trouvera un autre profit à comparer les sceaux aux pièces d'orfèvrerie et aux sculptures en ivoire, car
nous savons pour quels personnages ils ont été faits, nous connaissons la date des documents
auxquels ils ont été plaqués ou appendus, leur comparaison avec les œuvres d'art anonymes aidera
donc à assigner à celles-ci une date, sinon précise, au moins approximative Gazette des Beaux-Arts,
juillet 1900, p. 77. Voir aussi Ch. Dehaisnes, Histoire de l’art dans la Flandre, l’Artois et le Hainaut
avant le quinzième siècle (Lille, 1886, in-4°), pp. 46-51 et pp. 458-468. Le comte DE LABORDE, dans sa
Notice des émaux, bijoux et objets divers exposés dans les galeries du musée du Louvre, t. II, Paris,
1853-1858, p. 494, disait déjà : « Si l'histoire de la peinture du moyen âge ne peut s'écrire, faute
d'anciens tableaux, qu'avec l'étude des miniatures, l'histoire de la sculpture doit appeler à son aide la
gravure des sceaux, qui comble bien des lacunes. Ces monuments sont tous d'une date certaine et
quelques-uns d'une beauté de composition, d'une perfection de travail qui l'ont l'admiration de
l'homme de goût. » On verra plus loin que, pour l'étude même des miniatures, la sigillographie
devient un auxiliaire indispensable »
Notons tout d'abord que si, parmi les sceaux recueillis en Bourgogne, la majeure partie appartient
proprement à cette province, il en est un certain nombre qui lui sont tout à fait étrangers ; n'oublions
pas non plus par ailleurs que les autres dépôts d'archives renferment encore des quantités de sceaux
inconnus et que parmi ceux-ci il peut s'en trouver de fort nombreux relatifs à la Bourgogne, puisque
le quinzième siècle, l'époque la plus brillante de cette cour fastueuse qui disparut avec le grand duc
d'Occident, est celui aussi qui a, en général, enrichi nos archives des séries les plus considérables de
documents. Ainsi les éléments de comparaison sont loin d'être tous réunis. Assurément l'œil le moins
averti remarquera le peu de relief, la sobriété, la sécheresse de lignes dont fait preuve le contresceau de Hugues III, duc de Bourgogne et comte d'Albon en 1189, où se voit la ville de Vienne N° 52
bis., représentation qui, encore sommaire et conventionnelle en 1227 N° 142 bis, pl. XIX., se
précisera, se détaillera plus tard, au point de devenir, sur le revers du grand sceau d'Humbert II, en
1343, un des meilleurs exemples du type dit topographique DOUET D'ARCQ, n° 603.. L'artiste qui a
tracé cette maigre silhouette n'avait assurément ni les principes, ni le faire de celui dont la main
souple et puissante façonna cette image de Vierge qui se détache en un si vigoureux relief sur un
sceau du chapitre de Notre-Dame de Senlis en 1213 Ibid., n° 7321.. Qui ne sera frappé, au contraire,
de l'étrange ressemblance qu'offrent entre eux le sceau d'Isabelle de Thil-Châtel, dame de Grancey
en 1282 N° 489, pl. XXVII., et celui de Jeanne de Sainte-Croix en 1286 DOUËT D'ARCQ, n° 3658.. Sur
tous deux c'est la même gracieuse figure de femme, d'une pose si particulière et si différente des
types généralement reçus, à ce point que l'un ne paraît être qu'une reproduction agrandie de l'autre.
Il y a peut-être là une communauté d'origine, comme il n'est pas téméraire d'en supposer pour les
sceaux de Blanche de Castille, mère de saint Louis DEMAY, Sceaux de la Normandie, n° 2, et de
Jeanne, femme de Ferdinand, roi de Castille et de Léon DEMAY, Sceaux de l'Artois, n° 6., ou ceux de
Jeanne de Bourgogne, première femme de Philippe de Valois (1344) DOUËT D'ARCQ, n° 163.
d'Yolande de Flandre (1373) Ibid., n° 806., dont la similitude a déjà été signalée LECOY DE LA
MARCHE, Les Sceaux, p. 208., mais en somme il ne paraît pas se dégager, de l'ensemble des
moulages inventoriés ici, un caractère commun tel que celui mis en lumière par Demay pour certaine
catégorie de sceaux de la Normandie DEMAY, Sceaux de la Normandie, p. II.. N'y pourrait-on pas
relever plutôt la trace de plusieurs influences venues de la vallée du Rhône, de la région parisienne et
des Flandres ? Simple hypothèse, qu'une étude étendue à un plus grand nombre de documents écrits
ou figurés permettra seule de justifier. Il est incontestable que certains sceaux de seigneurs flamands
ont, tant par la perfection de leur exécution que par l'originalité de leur disposition, un caractère
artistique très spécial et tout à fait remarquable, témoins le sceau d'Arnould de Gavre, seigneur de
Lens et de Liedekerke N° 299, pl. XXVI., et celui du seigneur de Gaesbeck N° 535, pl. XXIII., qui
ratifièrent, en 1385, le traité de mariage de Guillaume de Hainaut avec Marguerite de Bourgogne. Le
heaume du premier est soutenu par une femme, une damoiselle, et un vieillard d'un charmant
dessin. Pour le second, les supports de l'écu sont disposés d'une façon fort curieuse et qui constitue
une véritable scène : c'est, d'une part, un dragon, de l'autre un homme armé ; celui-ci a passé la
courroie du bouclier, la guiche, au cou du monstre et, tandis que d'une main il le tient captif, de
l'autre il le frappe avec sa masse d'armes. On se rend compte, au seul point de vue sigillographique,
que le renom de ces artistes du nord n'était point usurpé, mais ils ne semblent pas mériter seuls la
faveur des ducs de Bourgogne. C'est bien, par exemple, à Josset de Hal ou de Halle, de la Flandre
occidentale, que Philippe le Hardi commande, en 1364, un grand sceau Bernard Prost, Inventaires
mobiliers et extraits des comptes des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, t. I, Paris, 19021904, in-8, p. 53, n° 416 et note. ; c'est bien Mahiet de Valenciennes qui, en 1376, grave pour lui, et à
ses armes, neuf grands sceaux et neuf petits, destinés à chacune des châtellenies du comté de
Bourgogne, Ces sceaux étaient aux armes du duc (B. Prost, op. Cit., p. 494, n° 2629). mais c'est Jean
de Nogent qui lui fera, en 1366, son grand sceau avec un contre-sceau B. Prost, op. Cit., p. 90, n° 585
et note., et, en 1375, le sceau de la duchesse Marguerite Ibid., p. 458, n° 2415., tandis qu'un orfèvre
demeurant à Troyes, Emery Dauriquart, lui fournira, en 1385, cinq sceaux et cinq contre-sceaux pour
le bailliage d'Isle et diverses prévôtés Arch. De la Côte-d’Or, B 347. Voir B. Prost, Inventaires
mobiliers etc., t. II, publié par Henri Prost, Paris, 1908-1910, p. 188, n° 1216..Le sceau de Guillaume
d'Igé, abbé de Cluny en 1291, représente ce religieux debout sur un piédouche formé par le sommet
d'un pilastre cannelé N° 1355 et Douët d’Arcq, n° 8654 (en 1294). Si l'on se rappelle que les
cannelures sont une des caractéristiques de l'école romane bourguignonne, que les restes de
l'abbaye de Cluny en sont précisément un des exemples les plus typiques, on est bien porté à
interpréter comme signe d'une influence nettement locale ce détail qui se retrouve aussi sur le sceau
de Guy, abbé de Pothières au diocèse de Langres Douët d’Arcq, n° 8955. en 1317, et sur celui de
Pierre, abbé de Ferrières au diocèse de Sens Ibid., n° 8709. en 1332, mais il ne faut pas oublier que
ce n'est pas là un caractère exclusivement propre à cette école de Bourgogne qui se serait étendue
jusque dans les vallées du Rhône et de l'Allier C. Enlart, Manuel d’archéologie française, t. I, Paris,
1902, in-8, p. 205.. Ce mode d'ornementation s'est maintenu dans les pays où s'étaient conservés,
avec les vestiges des monuments antiques, le souvenir et certains procédés de l'architecture romaine
Viollet-Le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française, t.II, p.257., et de fait, en examinant
les six cent quatre vingt-seize moulages de type abbatial catalogués par Douët d'Arcq Nos 84879182. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de ces sceaux sont incomplets, et qu’étant donnée
leur aiguë, ce sont les deux extrémités supérieure et inférieure qui, fatiguées par les attaches, se sont
le plus généralement brisées., on constate l'existence de ces mêmes piédouches cannelés sur les
sceaux de Bérenger, abbé de Figeac au diocèse de Cahors Douët d’Arcq, n° 8717. en 1301, de Pons,
abbé de Saint-Sauveur d'Arles Ibid., n° 8497. en 1303, et de Dragonet, abbé de Saint-Géraud
d'Aurillac au diocèse de Saint-Flour Ibid., n° 8506. en 1303 également.
Il ne faut donc pas se hâter de formuler un jugement. De même que la mosaïque n'arrive à produire
un dessin que par le choix judicieux et le patient assemblage de milliers de fragments, ainsi par la
comparaison et l'examen de très nombreux moulages, la sigillographie conduira à des conclusions
dont l'importance au point de vue de l'histoire de l'art n'échappe à personne Voir ci-dessus, p. XII..
Contentons-nous de signaler quelques points intéressants du présent inventaire.
Les Archives de la Chambre des Comptes des ducs de Bourgogne ont été utilisées par tous les
historiens de cette province et, peut-on dire, par tous ceux qui s'occupent de l'histoire de l'art Il
serait impossible de donner ici une liste de tous ces auteurs. Au point de vue plus spécial de la
sigillographie, on sait que dom Plancher, dans son Histoire général et particulière de Bourgogne, a
publié, d’après les titres de la Chambre des Comptes de Dijon, plusieurs planches de sceaux. On ne
peut exiger, pour cette époque, des représentations d’une rigoureuse exactitude. Les légendes,
comme les figures, sont un peu trop librement interprétés, et pourtant ces planches ne sont pas sans
utilité, puisqu’elles conservent l’image de sceaux qui ne sont pas tous parvenus jusqu’à nous. ; elles
fournissent nombre de sceaux curieux et particulièrement ceux des personnages de tous genres
attirés par la magnificence des ducs de la maison de Valois, qui, devenus, après la mort de Louis de
Male, comtes de Bourgogne, de Flandre, d'Artois et de Nevers, et les princes les plus puissants de la
chrétienté, se trouvèrent, après les désastres de la guerre de Cent ans, les protecteurs des arts
délaissés par la cour de France.
C'est tout d'abord Claus Sluter Voir C. Monget, La chartreuse de Dijon, d’après les documents des
archives de Bourgogne, 3 vol. In-4, Montreuil-sur-Mer et Tournai, 1898-1905, et A. Kleinclausz, Claus
Sluter et la sculpture bourguignonne au quinzième siècle, Paris, s.d., in-8., le maître de la sculpture
bourguignonne, l'auteur des statues qui ornent le portail de la Chartreuse de Champmol-lès-Dijon, du
puits de Moïse et, en partie, du tombeau de Philippe le Hardi. Le rude imagier, dont la sombre
humeur semble se refléter sur les sévères effigies des prophètes et que rappelle, en plus d'un point,
le créateur de cet autre Moïse qui plus tard s'érigera farouche sur le mausolée de Jules II, est à peine
installé dans son atelier de Dijon, en 1390, qu'il y fait mettre, pour le mieux clore, verrous, chaînes de
fer et serrure C. Monget, op.cit. Pp. 212-213., nulle année ne se passera sans qu'il demande des
réparations. Il scelle, en 1392, le reçu d'une pierre d'albâtre pour « faire un ymaige » pour la
sépulture de Monseigneur le Duc, que lui a livrée Christophe de La Mer, marchand génois à Paris. Sur
le sceau figure un écu parti chargé de deux clefs et supporté par deux oiseaux aux ailes éployées N°
824, pl. XXXIII.. On lit, au haut « Claus » et au bas « Sluter », armes parlantes, Sluter signifiant, en
flamand, serrurier. En 1390, il usa d'un autre sceau où se voit, sur l'écu, un serpent ou guivre N°
823..
Ce sont ensuite les peintres : Melchior Broederlam, jadis peintre officiel de Louis de Male, passé au
service de Philippe le Hardi. Il travaille à Ypres, à Hesdin, et décore, en 1386, lors d'un projet de
descente en Angleterre, la galère ducale Nos 849, 850, pl. XXXIII ; C. Monget, op. Cit., p. 88. ; Jean de
Beaumez N° 851., que seconde Arnoul Picornet ; il meurt le 6 octobre 1396. Dès l'année suivante
Jean Malouel N° 852, pl. XXXIII., qui l'a remplacé et qui est employé à Dijon, à Arras, à Paris, fait,
pour l'oratoire du duc, un tableau « a plusieurs ymages d'apostres et de saint Anthoine C. Monget,
op. Cit., t. I, pp. 286-287. » ; il peint, en 1409, pour Jean sans Peur, un tableau « de sa devise », que
les gens de son conseil porteront au concile de Pise, œuvre dont la disposition « assavoir un lyon
assiz sur un aiz, tenant les armes de mondit seigneur, et, au dessoubz dudit lyon, les armes des
comtez de Flandres, d'Artois et de Bourgoingne C. Monget, op. Cit., t. II, p.22. » rappelle plusieurs
des contre-sceaux de ce prince Douët d’Arcq ; Demay, Sceaux de la Flandre, n° 103.. Tous ont peint
des étendards, des panonceaux, des harnais pour les fêtes et réceptions données parleurs fastueux
protecteurs ; tous aussi, comme le maître verrier Jean de Thiais Nos 867, 868., comme Thévenin
l'Orfèvre N° 556., ont contribué à rehausser par leurs œuvres l'éclat de cette chartreuse devenue un
nouveau Saint-Denis où, dans un cadre digne de la dynastie qu'il entendait fonder, Philippe le Hardi
voulait dormir son dernier sommeil.
Jean le Voleur, peintre aussi, et gratifié, comme tant d'autres, du titre de « valet de chambre de
Monseigneur », scelle, en 1405, la quittance d'une somme qu'il a reçue pour certaine mission dont il
ne dit point l'objet N° 853. Voir sur ce personnage B. Prost, op. Cit., t. I, p. 223, n° 1241, note 12..
Puis c'est Jean Bourgeois, maître des œuvres de maçonnerie N° 826., Regnault Lorier, maçon juré du
roi N° 551., qui inspecte et visite, en 1394, les « hostelz de monseigneur le duc de Bourgogne assiz à
Paris et environ » ; Jacques de Neuilly, maçon et ouvrier du duc N° 825., qui en 1386 atteste que les
ouvriers maçons de Champmol ont reçu cent dix francs pour les robes qu'il était d'usage de leur
donner chaque année.
Sur leurs sceaux, fort simples, se voit en général un de leurs instruments de travail, marteau ou
pinces. De même que Jean de Chargey, maître pourvoyeur des œuvres de charpenterie du comté de
Bourgogne N° 548. (1332), porte une doloire, Jean Poncet, charpentier des menues œuvres N° 804.
(1377) une hache, Pierre de Villars, maître des œuvres de charpenterie du duc en son comté de
Bourgogne N° 805. (1410), mettra deux cognées en sautoir sur le scel dont il use en exerçant son
office. A côté d'eux il convient de mentionner les armuriers : Josset le Munier N° 801. et Perrin Vion
N° 802.. Le premier avait fait son apprentissage à Dijon, chez son oncle,.Jossequin du Chastel, de
Bruxelles. Un de ses fils, Philippe, dont le duc de Bourgogne avait été le parrain, devint garde des
joyaux et favori de Jean sans Peur, ce qui ne l'empêcha point d'être un des complices du drame de
Montereau B. Prost, op. Cit., t. I, p. 223, note.. Puis ce sont des fournisseurs, attitrés ou non : les
fourreurs et pelletiers, Jean de Guingamp N° 816. qui reçoit en 1404 quatorze « pennes d'aigneaulx
toutes noves » pour fourrer quatre houppelandes de brunette pour les comtes de Nevers et de
Rethel » ; Gautier d'Ambrières N° 557, pelletier de Troyes (1349) ; Jacques Musequin N° 559,
marchand de pelleterie et bourgeois de Bruges (1391) ; Jean Potel, à qui l'on paie, en 1402, deux cent
quatre-vingts francs d'or et quatre sous tournois pour cinq mille six cents de menu vair et quatre
mille deux cents de ventre d'écureuil pour fourrer les houppelandes du duc de Bourgogne, des
comtes de Nevers et d'Ostrevent et de monseigneur de Rethel N° 560. ; Jean Petit N° 546., chapelier
et bourgeois de Paris, qui livre, en 1366, huit barrettes vermeilles pour le duc ; les épiciers, Jean de
Corberon N° 550., demeurant à Troyes, Etienne Guillaume N°549., qui est bourgeois de Bruges ;
Nicolas Bataille N° 552, pl. XVL. et Colin Marc N° 554., tous deux marchands de Paris. Les sceaux
dont ils usent renferment parfois une allusion à leur état ; ainsi Jean d'Avranches N° 558 ; voir B.
Prost, op. Cit., t. I, p. 262. qui est pelletier du roi, portera, sur un écu, une croix de vair, qui est une
fourrure, cantonnée de quatre écureuils, alors fort communs, on vient de le voir. Celui de Nicolas
Bataille est particulièrement curieux, puisqu'on y voit, soutenant son écu, une femme en coiffe et
surcot, représentation fort rare, dans les monuments de ce genre, d'une bourgeoise au temps de
Charles VI.
Plus personnellement attachés au service des ducs sont les nombreux officiers dont la suite
pompeuse, les accompagnant dans leurs voyages ou les escortant aux entrées des villes, évoque
l'image de ces chatoyants cortèges que des peintres feront se déployer autour des rois mages. Les
maîtres de l'hôtel doivent veiller à l'approvisionnement de la table ; à ce titre Jean de Clamecy N°
830., chevalier, mène en 1385 cent une queues de vin à Cambrai à l'occasion des noces de « messires
les enffans », c'est-à-dire pour le mariage de Jean, comte de Nevers, premier né de Philippe le Hardi,
le futur Jean sans Peur, et de Marguerite, sa fille, qui épousaient, le premier, Marguerite, fille
d'Albert de Bavière, la seconde Guillaume, fils de ce dernier. Jean de Villers N° 839, écuyer, fait jeter,
par le châtelain de Rouvre, deux queues et un «ponçon »devin qu'il a trouvés gâtés (1396) ; il
n'admet point qu'on en serve ainsi au duc et à la duchesse lorsqu'ils viennent en leur château. Pierre
Vive N° 844., en 1402, achète du linge à Guiot Le Pelle, marchand de toile, à Troyes, et Barthélémy
d'Écutigny N° 842, maître d'hôtel du comte de Nevers (1400), comme Guillaume de La Lumelle N°
833. (1388.) vérifient les livraisons des travaux commandés aux heaumiers, fourbisseurs, etc. Leurs
attributions sont donc très variées, et l'on ne sera pas surpris de voir figurer parmi eux Dino Raponde
N° 841., cet Italien rusé qui est, en même temps, bourgeois de Paris, conseiller de Philippe le Hardi,
et surtout grand manieur d'argent. Connaissant les goûts fastueux du duc, il est habile à trouver pour
lui les œuvres d'art préférées et les objets de luxe qu'il apprécie ; il lui fait même des cadeaux,
sachant bien, le rusé trafiquant, qu'il n'y perdra pas. Au 1er janvier 1400, il a donné au duc « en
bonne estraine, un très bel livre de l'istoire de Titulivieux, enluminé de lettres d'or et historié
d'ymaiges en plusieurs et divers lieux, et aussi couvert bien richement ». Il reçoit de son côté cinq
cents francs, et son frère, Jacques, qui offrit une histoire « des femmes de bonne renommée », obtint
trois cents francs. C'est Dino Raponde qui, pour la rançon du comte de Nevers et des autres
prisonniers du mécréant Bajazet après Nicopolis, négocie, comme on sait, des emprunts ; en
attendant les subsides accordés par les bonnes villes du duché, il avance quatre mille écus d'or qu'il
est allé chercher « oultremont es parties de Lombardie et de Trevize ». Il remontre qu'il a, pour ce
voyage, délaissé « à faire sa marchandise, où il a eu grant dommage » ce dont il retire une
gratification de trois mille francs. Et quand le généreux protecteur sera mort, que sa veuve
Marguerite de Flandre aura renoncé à une succession trop chargée de dettes, quand il faudra payer
les vêtements de deuil et le transport du corps de Hal à Dijon, c'est encore Dino Raponde qui prêtera
deux mille vingt-quatre écus pour un mois seulement, en prenant pour gage de la vaisselle d'or et
d'argent qui fait la charge de deux chevaux Au sujet de ce personnage, voir C. Monget, op. Cit., t. I,
pp. 47, 48, 188, 189, 299, 300, 362..
Viennent ensuite les échansons, les fourriers, les pannetiers : tel Pierre de La Lande N° 848., écuyer,
auquel Huet Briquet, demeurant à Paris, délivre, pour l'hôtel du duc de Bourgogne (1899), « ung
grant sac de cuir de cerf fermant à clef, pour porter la fleur à faire le pain de bouche du Duc » ; les
écuyers d'écurie : Damas de Busseuil N° 808. qui, le 16 août 1389, certifie avoir reçu de Geoffroy
Thoroude, pelletier, demeurant à Paris, « quinze douzaines de letices dont l'on a fait les timbres de
mondit seigneur et de monseigneur le comte de Nevers, son fils, à la feste des joustes qui prouchain
doit estre audit Paris pour l'entrée de la royne Isabeau de Bavière (Voir Marcel Thibault, Isabeau de
Bavière, reine de France (Paris, 1903, in-8), chap. III. » ; Castellain Vast N° 811. qui, en 1414, amène
cent six arbalétriers des pays d'Italie et de Gênes au pays de Bourgogne. Pour les déduits de la chasse
il y aura les fauconniers, Jean de Boon N° 814., Hennequin de Beauvais N° 815., et les veneurs :
Guillaume de Franconville N° 865., Gilles de La Buffe N° 866.. En cas de maladie, les « physiciens »
Jean de Poilly Nos 855, 856, pl. XXXIV., Henri Carpentin N° 875., qui, outre leurs gages, sont gratifiés
de draps et pelleteries à la livrée du Duc, lui prodiguant leurs soins. Tristan de La Craye N° 818., «
sommelier du corps de monseigneur le duc », est aussi garde de ses joyaux ; Jacques Thobin,
patenôtrier demeurant à Rruges, lui remet, en 1394, « sept patenostres d'ambre blanc et sept
tableaux de mesme de plusieurs ymaiges », et Richart Le Comte N° 803. qui, en même temps que
premier barbier, est garde des livres, reçoit, pour les couvrir, des draps de soie et de sandal ; Copin
de Bliez N° 859, pl. XXXII., valet de garde-robe de la duchesse de Bourgogne, fait, en 1388, acheter
du drap pour la nourrice de cette dernière. Enfin il faut citer Baudoin de La Nieppe N° 858., licencié
en droit, qui en 1394 avait gardé le titre de maître d'école du comte de Nevers.
L'administration de ces États, dont le dernier chef, celui qui devait si misérablement succomber sous
les murs de Nancy, prétendait prendre le titre de roi en reconstituant ce royaume de Bourgogne que
ceux de France avaient « long temps usurpé et d'icelluy fait duchée Archives municipales de Dijon, L,
vol. 413 fol. 195 ; texte publié par C. Monget, op. Cit., t. II, p. 162. », nécessitait nombre de
fonctionnaires entre lesquels étaient répartis les divers offices de justice, de finances, de guerre ou
autres.
Le sceau de la cour des ducs de Bourgogne de la maison de Valois n'est que la modification d'un type
adopté par leurs prédécesseurs et que l'on trouve dès l'année 1291 N° 571 ; pl. XXX. Ces dates sont
celles des actes auxquels les sceaux sont appendus, c’est-à-dire de l’époque où l’on constate l’emploi
de ces derniers. ; c'est alors un personnage, le duc vraisemblablement, assis sur un banc, coiffé d'un
couvre- chef en forme de mortier, vêtu d'une robe à manches étroites qui descend à mi-jambes. Il
étend la main droite vers un livre posé sur un pupitre ; de la gauche il soutient l'écu de Bourgogne. Ce
sceau était encore en usage en 1330. En 1363, sur un sceau appendu à une pièce du 3 octobre N°
572 ; pl. XXX., un dais d'architecture s'avance au-dessus de la tête du personnage, des fleurs de lys
sont semées dans le champ. Le nouveau duc, le dernier fils de Jean le Bon, ce Philippe le Hardi qui,
pour sa vaillance à Poitiers « … Qui sponte expositus mortis periculo nobiscum imperterritus et
impavidus stetit in acie propre Pictavis vulneratus… » lit-on dans la charte de donation, qui est du 6
septembre 1363 (D. Plncher, Histoire générale et particulière de Bourgogne, t. II, preuves, p. cclxxviii,
n° CCCXV), dans une confirmation par Charles V de cette même donation., venait d'obtenir le duché
de Bourgogne, a-t-il voulu rappeler par là sa royale origine ? Cet insigne fut-il ainsi placé depuis que
le roi Jean devint, en 1361, à la mort de Philippe de Rouvre, héritier du duché ? L'emploi de la fleur
de lys, dans ce cas, fut-il antérieur à cette date, comme on le voit sur un sceau du bailliage de Dijon
en 1289 N° 630. ? On ne peut l'affirmer, mais on constate que les armes figurées sur ce sceau de
1363 sont un bandé de six pièces à la bordure, qui est Bourgogne ancien, et que Philippe le Hardi n'a
pas encore écartelé avec les précédentes ses armes propres, qui sont un semé de France à la bordure
componée et que l'on appelle Bourgogne moderne. En 1388, les fleurs de lys ont disparu du champ
que viennent occuper deux anges, l'un tenant le livre, l'autre l'écu écartelé N° 574 ; pl. XXX.. Le duc
porte un manteau agrafé sur l'épaule droite, il pose les pieds sur deux lions, le siège où il trône se
termine par des têtes d'animaux, comme on le voit sur les sceaux royaux, c'est presque le type de
majesté. Les sceaux de la cour du duc à Avallon N° 565., à Chagny Douët d’Arcq, n° 4537., à
Faucogney Ce sceau est figuré et décrit dans le tome II (1852-1853) de la Société de Sphragistique de
Paris, pp. 331.333., sont des imitations ou des réductions de ce même type, alors que ceux d'Autun
Nos 561, 562., de Beaune Nos 569, 570., de Charolles N° 585., de Gray N° 594 ; pl. XXXI., de Poligny
N° 605. et de Salins N° 609., beaucoup plus simples, se réduisent en général à un écu. De même,
lorsqu'à la mort de Charles le Téméraire le duché aura fait retour à la couronne, le sceau de la
chancellerie sera purement armoriai, mais encore en 1540 le grand scel aux causes de la mairie de
Dijon N° 591. est visiblement inspiré de celui dont s'étaient servis les ducs. Les sceaux des bailliages
d'Auxois N° 623., de Bar-sur-Seine N° 624., de Chalon N° 627 ; pl. XXXII, de Dijon Nos 632, 633 ; pl.
XXXII. de la Montagne N° 637 ; pl. XXXII., celui de la prévôté de Noyers N° 656., sont aussi aux armes
de Bourgogne. Celui des bailliages d'Autun et de Montcenis N° 621. ne comportait en 1390 que l'écu
écartelé de Bourgogne moderne et de Bourgogne ancien ; en 1463 il est devenu, chose rare, type
équestre, c'est-à-dire qu'il représente le duc à cheval avec l'écu et la housse armoriés N° 622..
A côté de ce sceau administratif et impersonnel, le bailli, qui est parfois chevalier et qui, outre ses
multiples attributions, exerce avec d'autres titres : chambellan, maître d'hôtel, capitaine ou
châtelain, d'autres fonctions, a son sceau propre, sur lequel il fait reproduire son nom et ses armes.
Tels, parmi les baillis d'Autun et de Montcenis, Robert de Martimpuich, écuyer du duc de Bourgogne,
capitaine de Montcenis N° 675., qui reçoit, en 1370, vingt francs d'or pour convertir « es ouvres des
nouvels emparemenz du chasteal de Moncenis et reparacions d'iceulx qui nagaires estient choiz et
denouer pour le grant vent » ; Guillaume de Charmes N° 676., qui porte le titre d'élu sur le fait des
aides ayant cours au pays de Charolais (1387), et Jacques de Busseuil, seigneur de Moulins, écuyer,
chambellan et premier maître d'hôtel du duc de Bourgogne N° 677. qui, en 1423, mande aux gens
des Comptes du duc à Dijon de rabattre onze francs trois gros sur la recette du receveur d'Autun qui
a acheté une chasuble de drap pour la chapelle du duc à son château de Montcenis. Huguenin Du
Bois N° 696., écuyer d'écurie du duc et son bailli en Charolais, reçoit, en 1420, soixante francs
comme capitaine et chef de cent vingt hommes d'armes et cinquante hommes de trait nouvellement
ordonnés par la duchesse de Bourgogne pour la garnison des pays de Charolais et Semur en
Brionnais. A Guillaume de La Tournelle, bailli de la Montagne N° 708., sont remis, comme capitaine
du château de Châtillon-sur-Seine, « six coleuvres ou canons à gecter plombées » (1430) ; tels
encore, dans le comté de Bourgogne Jean de Ville-sur-Arce, chambellan (1388) N° 686., Guillaume le
Noble N° 687. (1394), Guichard de Poligny N° 689., tous deux baillis d'Aval (1403), Érart du Four N°
688. (1399), bailli d'Amont, etc. Il est à remarquer que, ce sceau étant personnel, on ne voit, en
général, figurer sur la légende que les qualités de chevalier, clerc ou seigneur ; il semble que le bailli
n'y puisse prendre ce titre sans faire place en même temps au symbole de l'autorité qu'il représente.
Ainsi Guillaume de.Juilly, chevalier et bailli d'Auxois pour le roi en 1356, aura les armes de Bourgogne
sommées d'une fleur de lys N° 679. Hugues Gilles et Guillaume Alexandre, tous deux baillis de
Troyes, portent, l'un, un parti de Joigny et de Champagne, l'autre un parti de Navarre et de
Champagne Nos 715 et 716 ; pl. XXXIII. Le premier a pour légende : S. Hugonis. Baill[ivi]... Campanie ;
le second : S. Guillelmi…., [bailli]vi Trecensis. Voir aussi DOUET D'ARCQ, N° 5084.. Seul Guillaume de
La Rivière, chevalier et bailli de Mâcon, paraît faire exception ; il est vrai que c'est en 1289 N° 707.
Voir aussi DOUET D'ARCQ, Nos 5091, 5102, 5162..
L'objet de la gruerie, qui est la juridiction et l'administration des eaux et forêts du Domaine, est très
clairement exprimé sur le sceau de la gruerie d'Autun au quinzième siècle. Un écu aux armes de
Bourgogne est suspendu dans un groupe d'arbres ; sous leurs branches touffues, parmi la plaine
herbeuse où ils s'élèvent, s'ébattent divers animaux, un cerf, un lapin, un renard, des oiseaux N°
669 ; pl. XXXIII.. Une représentation analogue, plus simplifiée dans un sens, puisque les arbres y sont
réduits à trois et les animaux à deux, un cerf et un sanglier, plus complète d'autre part puisqu'une
rivière est figurée sous l'écu fleurdelisé, se voit sur le sceau des grands maîtres enquêteurs et
généraux réformateurs des eaux et forêts de France au siège de la Table de marbre à Paris en 1728
N° 670..
A l'époque des ducs, nous trouvons les sceaux des officiers de la gruerie : les gruyers qui ont, au point
de vue forestier, les attributions administratives, financières et judiciaires des baillis ; à eux
reviennent la gestion, la surveillance et l'exploitation de ces forêts, de ces étangs et de ces rivières,
source importante de revenus, qui fournissent à la fois de l'argent par la perception des droits et la
vente des bois, des matériaux pour la construction et l'aménagement des châteaux, du gibier pour la
chasse et du poisson pour la table Voir ETIENNE PICARD, Les forêts du Charolais sous les ducs de
Bourgogne de la race royale, dans les Mémoires de la Société éduenne, t. V (Autun, 1876), p. 155 et
sq.. Robert Baudoin, gruyer du duc en ses bailliages de Dijon, d'Auxois et de la Montagne (1408), par
allusion, sans doute, à sa charge, mettra, sur son écu que soutient un homme sauvage, une tête de
cerf N° 820. ; Jean Gaude, gruyer du comté de Bourgogne (1404) s'inspirera de son nom et prendra,
comme armes parlantes, trois épis de cette plante N° 821..
A Autun, le duc entretient un officier spécial pour les affaires de son domaine, c'est le vigerius ou
viarius, plus connu dans la suite sous le nom de vierg ou viaire. Comme le fait très justement
remarquer l'éditeur du cartulaire de l'église d'Autun, ce fonctionnaire n'acquit qu'après la réunion de
la Bourgogne à la couronne le caractère municipal ; il était auparavant le représentant du pouvoir
ducal à Autun, le plus puissant et le plus actif des agents du duc, mais rien de plus. Hugues IV
l'appelle, en 1289, vigerius suus Cf. A. DE CHARMASSE. Cartulaire de l'église d'Autun, publication de
la Société éduenne, 1865, n° 4, t. I, pp. XLV-XLVI ; Pierre Courrecez s'intitule, en 1365, viaire d'Autun
pour le duc de Bourgogne N° 719., et c'est pourquoi, en 1826, le sceau du « vihies » Jean est aux
armes du duc N° 718..
Parmi les offices de justice, citons : Philibert de Charolles, procureur du duc de Bourgogne en
Charolais (1400) N° 723 ; les maîtres des requêtes Pierre Blanchet N° 724, Jean du Drac N° 725, qui
sont aussi conseillers ; Tristan du Bois N° 726, Philibert deMontjeu N° 727, qui, à ce double titre
joignent, le premier, celui de prévôt de l'église d'Arras, le second celui d'archidiacre de Beaune ; les
conseillers Dreux Felize N° 729, Humbert de La Platière N° 730 ; Clément de Reilhac N° 731, Martin
Double N° 732, Jean Périer N° 733, qui sont aussi avocats du duc au Parlement ; Jean Gontier, de
Flavigny N° 734, son avocat au bailliage d'Auxois ; Etienne de Hagembach N° 735, qui, en 1462,
donne quittance de gages payés à différents gardes des vicomtés d'Auxois, des comtés de Ferrette,
de Brisach et autres seigneuries engagées par le comte de Tyrol Sigismond à Charles le Téméraire ;
Pierre de Hagembach Nos 682 et 764, frère du précédent, conseiller, maître d'hôtel du duc et son
grand bailli desdits comtés de Ferrette et d'Auxois, qui, par un étrange revirement, aurait été
invoqué comme un saint après avoir été décapité pour ses crimes en 1474.
Dans les offices de guerre, notons les châtelains d'Apremont N° 758, de Beaufort N° 759, de Bracon
Nos 760, 761, de Rouvre N° 762 ; celui de Rupelmonde N° 763, à qui le duc pour son mariage, en
1407, donne cent francs d'or ; les capitaines Louis de Vienne N° 765, Bertrandon de La Broquière N°
766, écuyer tranchant et capitaine de Châteauneuf, que Jean de Rochefort, maître de l'artillerie,
approvisionnera d'armes (1437) ; Etienne Brichat N° 767, capitaine du château de Decize ; Guillaume
d'Etrabonne N° 768, capitaine du château de Montbard ; Jean de Busseuil N° 769, écuyer d'écurie,
garde et capitaine du château de Montcenis ; les gouverneurs Jean de Bon Estat N° 771 ; Jean, comte
de Fribourg N° 772, Jean de Baudricourt N° 773, maréchal de France (1498) ; enfin les arbalétriers,
Rodrigue de « Malingues » N° 774, capitaine d'arbalétriers du pays d'Espagne ; les maîtres des
garnisons, Henri Cussin N° 777, Renaud le Gelenier N° 776 qui fait faire un petit tonnelet « pour
mettre du sel pour porter après Monseigneur ». Il faut citer encore, en considération des crus
bourguignons, ce maître des provisions et garnisons du duc de Bretagne, Monde Radowell N° 778,
qui scelle le reçu à Nantes, en 1386, de vingt queues de vin de Bourgogne envoyées à son maître par
Philippe le Hardi.
Ainsi que les baillis, ceux qui furent chargés de ces diverses fonctions n'en font, en général, aucune
mention sur leurs sceaux, tout au moins par ce qu'il est permis de constater, car le nombre des
sceaux conservés est bien loin de représenter cette suite de personnages attachés au service des
ducs de Bourgogne ou à l'administration de leurs Etats, et dont Olivier de la Marche nous a conservé,
pour Charles le Téméraire, l'interminable liste « S’ensuyt l’estat de la maison du duc Charles de
Bourgogne, dit le Hardy », document publié à la suite des Mémoires d’Olivier de la Marche, dans la
Collection de la Société de l’histoire de France, par Henri Beaune et J. d’Arbaumont, t. IV, 1888, pp. 194..
Guillaume Paradin a tracé en quelques lignes la hautaine silhouette de ce grand duc Charles « qui
s'équiparoit aux empereurs, qui ne vouloit céder aux grands rois, qui avait en son temps esté
formidable à tous les princes, non seulement de la chrétienté, mais quasi de tout l'univers, qui avoit
esté plus souvent requis de ses voisins que prince du monde Annales de Bourgogne, citées par C.
Monget, op. Cit., t. II, p. 175.». On comprend quels furent le rôle et l'influence politique de la maison
d'où était sorti un si puissant seigneur et les sceaux, naturellement, témoignent de ces relations des
souverains bourguignons. C'est le duc d'Autriche Léopold N° 37., épousant Catherine, seconde fille
de Philippe le Hardi, l'aînée, Marguerite, étant mariée au premier né du duc de Bavière ; c'est Marie,
la cadette, devenant femme du comte de Savoie Amédée VIII Nos 131, 132. qui, en 1404, fait
alliance avec Jean sans Peur ; c'est, le 11 novembre 1409, à Melun, le même Jean sans Peur devenu
l'arbitre des destinées de la France, traitant avec Isabeau de Bavière N° 4. et le roi de Navarre N°
16., c'est René d'Anjou Nos 24, 99, 100. prisonnier de Philippe le Bon ; le duc d'Autriche Sigismond
N° 40. engageant ses Etats au Téméraire ; le duc de Lorraine N° 122. concluant avec lui, et à son
avantage, les conventions que quatre-vingt-quatre seigneurs lorrains garantissent et scellent de leurs
sceaux. A peine le désastre de Nicopolis vient-il jeter une ombre furtive à ce brillant tableau ; il est
rappelé par l'engagement que prennent, le premier octobre 1397 Arch. De la Côte-d’Or, B 11876.
Voici le début de ce document : « Nos Johannes de Capolya, quondam woyvoda regni Ruscie, Frank,
filius condam Konye bani, pridem voyvoda Transilvanus, Desen de Serke, fratres, item Georgius filius,
ac Elena, consors viri magnifici domini Leustachii de Ilsva, olim regni Ungarie palaini, meo, et Petri,
filii mei, ab eodem domino Leustachio palatino procreati, nominibus, onus ejusdem propter teneram
ipsius etatem in me assignado… ». Il a été publié par J. Delaville Le Roux, La France en Orient au
quatorzième siècle, t. II, preuves, p. 47, n° XVI (bibliothèque des Ecoles françaises d’Athènes et de
Rome, 1886, fascicule XLV). J’y ajoute les notes biographiques qu’a bien voulu m’envoyer, par
l’aimable intermédiaire de M. Arpad de Giory de Nadudvar, conseiller de section aux Archives
Impériales à Vienne, M. le conseiller aulique Arpad de Karolyi, chef de ces archives, dont on connait
la haute autorité pour l’histoire de la Hongrie au moyen âge. Qu’ils reçoivent ici tous mes
remerciements., Jean de Capolya, jadis voivode de Russie Jean de Capolya (n° 25), souche de la
famille Kapolyaí ou Kapolyai, fut, dans les derniers temps du roi Louis 1er de Hongrie, mort en 1381,
et plus tard, sous sa fille, la reine Marie 1re, deux fois « vajda » ou gouverneur général de la Russie
rouge (Ruthénie), qui appartenait alors à la Hongrie. Cette province s'étendait de la partie orientale
de la Galicie moderne vers l'est, presque jusqu'à Kiev en Russie., Frank Szécsényi, jadis voivode de
Transylvanie Frank, filius condam Konye bani, ancien « vajda » de la Transylvanie, est Frank
Szécsényi, fils du fameux « ban » Konya. Konya Szécsényi avait été assez longtemps « ban » ou
gouverneur de la Croatie et de la Dalmatie sous le roi Louis Ier de Hongrie, avec lequel il était parent
par les femmes., Dezso de Serke Desen (Desiderius) de Serke était membre du conseil de régence en
Hongrie pendant l'absence de son roi Sigismond en guerre avec la Turquie en 1396., Georges de Ilsva
Georges de Ilsva (n° 27) était le fils du « palatin » (vice-roi) de la Hongrie, Leustachius de Ilsva (n° 26),
fait prisonnier par les Turcs à la bataille de Nicopolis. On avait dû élire un autre palatin à sa place,
pendant sa captivité. et Hélène Hélène fut la seconde femme de ce vice-roi, la belle-mère de
Georges de Ilsva. Elle représente, clans le document cité ici, son fils mineur, Pierre de Ilsva. Les
familles Kapolyai, Serkei et Ilsvai sont Issues de la maison de Fétôt et portent dans leurs armes la
feuille de tilleul, les armes des Râtôt étant de gueules à la feuille de tilleul d'or. Syle, où l'acte fut
dressé, est un domaine sis dans le comtat de Szabolcs, terre héréditaire des Râtôt., femme du viceroi de Hongrie, Leustachius de Ilsva, de rembourser à Jean de Nevers, le futur Jean sans Peur qui
avait été pris « faisant son devoir et à son grant honneur Mémoires d'Olivier de la Marche, publiés
par HENRI BEAUNE et J. D'ARBAUMONT, t. I, 1883, p. 83. », les cinquante mille ducats par lui avancés
pour la délivrance du vice-roi et des Hongrois prisonniers à Brousse.
Huit sceaux nouveaux N°s 73, 75-81. viennent s'ajouter à ceux que nous possédions des ducs de
Bourgogne de la maison de Valois DOUETD'ARCQ, n°s 475-487 ; DEMAY. Sceaux de la Flandre, nos
99-110 ; Sceaux de l'Artois, nos 34-42 ; Sceaux de la Picardie, n°s 12, 13.et, si nous voulons remonter
plus haut, vingt à ceux des ducs de la première race Les sceaux de ces derniers, décrits par Douët
d'Arcq, portent dans son inventaire les nos 465 à 474 ; dans DEMAY, Sceaux de l'Artois, les n°s 2933. : Eudes II (1150), Hugues III (1189), Eudes, son fils, plus tard Eudes III (1187), et Alexandre, frère
de ce dernier (1193) ; Jean, fils de Hugues IV (1265), et Hugues, seigneur de Montréal (1285), autre
fils d'un second mariage, qui épousa Marguerite de Chalon ; Béatrix, mère du précédent (1294) ;
Agnès de France, femme de Robert II, et leurs enfants : Hugues V (1307), Louis de Bourgogne, prince
d'Achaïe et roi de Thessalie (1313-1314) ; Eudes, qui devint le duc Eudes IV ; enfin Philippe de Rouvre
(1360) Nos 51, 52, 55-72.
Avec Charles le Chauve et Boson, roi de Provence N° 7., nous sommes reportés jusqu'au
démembrement de l'ancien royaume de Bourgogne ; on suit donc, par là, toute l'histoire de cette
province.
De même l'histoire ecclésiastique des diocèses d'Autun, d'Auxerre, de Chalon-sur- Saône, de Langres,
de Mâcon est largement représentée dans notre nouvelle collection. Les sceaux des évêques, ceux
des abbés de Saint-Martin d'Autun, de Saint-Germain, de Saint- Marien et de Saint-Père d'Auxerre,
de Cîteaux, de Cluny, de Saint-Bénigne et de Saint- Étienne de Dijon, de Pontigny et de Vézelay, entre
autres, complètent les séries que nous possédons déjà ; ils permettent, en plus d'un cas, de rectifier
les listes données par la Gallia Christiana. Les doyens de cette chapelle ducale fondée à Dijon sous le
vocable de la Vierge et de Saint-Jean fournissent une intéressante suite N°s 1086-1095. pour le
treizième et le quatorzième siècle, et l'on verra figurer à part ces fonctionnaires ecclésiastiques, des
chanoines généralement, qui sous le nom de terriers avaient la gestion particulière des propriétés de
l'église d'Autun Nos 1134-1139. Au sujet de ce personnage qui, à l'origine, portait indifféremment le
titre de ministerialis, terrarius ou obedientiarius, voir A. DE CHARMASSE, Cartulaire de l'église
d'Autun, t. I, p. LXIII..
IV. Remarques sur la matière, la couleur, la forme des sceaux ; usage et place du sceau ; des contresceaux.
Douët d'Arcq et Demay, en traitant de la matière, de la forme, du nom, de l'usage, de la législation,
du type et de la paléographie des sceaux, ont tracé les grandes lignes de la science sigillographique ;
je me bornerai à signaler ici les particularités que peut présenter à ces divers points de vue le présent
inventaire.
Parmi les bulles, toutes en plomb, on remarquera celle de la cour du Pape à Avignon N° 878.
appendue à un accord passé au palais des Papes, dans la chambre du Cerf, le 12 février 1393, entre
Clément VII, comme comte de Genève par droit héréditaire, et Eudes de Villariis, chevalier, du
diocèse de Lyon. Sur la face est figurée la tiare ; sur le revers, les deux clefs. La légende, indiquant la
juridiction temporelle, est, d'une part : bulla curie domini pape, de l'autre : domini civitatis Avinionis.
L'évêque élu de Cefalù (Sicile), en 1157, scelle d'une bulle N° 929.où se voit un buste de Christ,
représenté de face, entre les lettres grecques IC XC (Ingous Xpiotos). Cette figure grave, en tout
comparable à la sombre effigie que, dans l'or de l'abside de cette même église, venaient de terminer
des mosaïstes byzantins En 1148. Ces ouvriers avaient été appelés par Roger II (CH. BAYET, l'Art
byzantin, Paris, s. d., in-8°, p. 296. Bibliothèque de l'Enseignement des Beaux-Arts)., est le même type
grec qui se retrouve dans la chapelle palatine à Palerme, comme il est invariablement reproduit à
Mistra, aux Météores, en Macédoine, sur la route d'Athènes ou au pied du Parnasse Voir DIDRON,
Iconographie chriétienne, Histoire de Dieu (Paris, 1843), pp. 180-181.. De l'autre côté est représentée
la cathédrale ; l'artiste qui l'a gravée, par maladresse ou dans le désir évident de faire voir à la fois le
profil et la face, a négligé la perspective, de sorte que l'on distingue, outre la nef, le bas-côté, l'abside
et la façade dont la partie centrale s'ouvre sous un pignon, entre deux hautes tours terminées par de
petits toits coniques, telles, semble-t-il, qu'elles le sont de nos jours. Cet édifice était donc, quant à
l'extérieur, entièrement achevé en 1158, et il est particulièrement intéressant d'en posséder une
image à cette date dans un pays où s'exerça l'influence normande. Une donation faite à Cluny
explique la présence de cette très curieuse empreinte dans la collection de Bourgogne.
Le mode de sceller en plomb, pour la Sicile, n'est pas surprenant ; il est plus étrange de le voir suivi,
un siècle plus tard, et dans une autre région, par un autre prélat qui, lui non plus, n'avait pas reçu la
consécration, et ne devait même la recevoir jamais. Philippe de Savoie, archevêque élu de Lyon,
emploie, en 1255, une bulle de plomb N° 891., mais nous avons aussi de lui, en 1249, un sceau de
cire d'une autre forme N° 890., portant, à très peu de différence près, le même personnage que la
bulle. Pareillement l'empereur Baudouin II de Constantinople utilise l'une et l'autre matière. La bulle
Douët d’Arcq, n° 11826.présente, d'un côté, le type de majesté, de l'autre le type équestre ; le sceau
de cire N° 17., un peu plus grand, ne donne que le premier type, et avec plus de détails,
particulièrement dans ces lourds ornements qui raidissent les vêtements du souverain.
Au sujet de la couleur des sceaux, on remarquera que Charles Ier, duc de Savoie (1485), incruste dans
son sceau, qui est de cire verte, un contre-sceau en cire vermeille N° 133.. Tel usage est fréquent
dans cette région ; il remonterait jusqu'au temps d'Amédée V, c'est-à-dire à la fin du treizième siècle
Cf. L. Cibrario et D. C. Promis, Sigilli de ‘principi di Savoia (Turin, 1834), in-4, pp. 15, 16. ; on le
retrouve en Dauphiné sous Jean II J. Roman, Description des sceaux des familles seigneuriales du
Dauphiné (Paris, Picard, 1906), in-8, p. 323n n° 843. Parmi ces sceaux du dauphin Jean II, l’un est de
cire rouge avec contre-sceau en cire brune, l’autre au contraire, de cire brune avec contre-sceau de
cire rouge., et l'on en peut citer un exemple pour la Lorraine au quinzième siècle Douët d’Arcq,
préface, p. XXII.. Quant aux cuvettes de cire vierge enveloppant une couche de cire d'une autre
couleur qui porte l'empreinte du sceau, on les voit employées par les grands de Hongrie en 1398 Nos
25-27.et elles semblent d'un usage courant pour les sceaux du clergé romain : cardinaux, prélats, etc.
On distingue, en général, deux formes de sceaux : la forme ronde et la forme en navette Douët
d’Arcq, préface, p. XXII.. Cette dernière expression, pour désigner la figure déterminée par
l'intersection de deux circonférences d'égal rayon, me semble préférable aux qualificatifs de
gothique ou d'ogival. Les sceaux de l'époque que l'on est convenu d'appeler gothique sont loin d'être
tous de cette forme ; il en est beaucoup de ronds, ornés de motifs d'architecture et qui, à ce titre,
pourraient aussi bien être dits gothiques ; quant au mot ogival, il est surabondamment prouvé
aujourd'hui qu'il ne peut s'appliquera l'arc brisé ; il avait, il est vrai, pour beaucoup de personnes,
l'avantage d'être clair et, à ce point de vue, il est permis de regretter qu'on ne puisse l'employer.
L'expression de forme en amande, la mandorla, pour être moins impropre, n'implique cependant pas
une représentation parfaitement symétrique quant à ses deux moitiés supérieure et inférieure, l'une
pouvant être moins effilée que l'autre, ce qui est le propre de l'amande.
Il est constant que les sceaux équestres soient de forme ronde, pourtant c'est sur un sceau en
navette N° 169., assez étrange, à vrai dire, et quelque peu suspect, qu'un personnage, peut-être le
seigneur d'Anduze, se montre à cheval en 1181, et tandis que les sceaux d'abbé affectent
généralement cette dernière forme, les abbés de Cîteaux usent de sceaux ronds. Ils sont figurés
d'abord à mi-corps, puis debout, enfin, à partir du quinzième siècle, assis. Ce n'est donc pas ce
dernier mode de représentation, d'ailleurs rare, qui peut expliquer l'emploi de la forme ronde
constaté dès l'origine de l'ordre Nos 1349-1353 ; Douët d’Arcq, nos 8636-8641 ; Demay, Sceaux de la
Flandre, nos 6968-6978 ; Sceaux de l’Artois, n° 2664 ; Sceaux de la Picardie, n° 1365 ; Sceaux de la
Normandie, nos 2773-2775. Voir aussi l’article de J. Garnier, Notice sur quelques sceaux des abbayes
de Citeaux et de Morimond, dans la Société de Sphragistique de Paris, t. II, 1852-1853, pp. 240-248..
Des abbés de Preuilly Nos 1423-1425 et de Prémontré N° 1422. offrent des exemples du contraire.
Notons que Jean de La Bussière est le premier abbé de Cîteaux qui aurait eu un sceau personnel.
Parmi les formes exceptionnelles, citons un petit sceau de Philippe le Bon qui est en forme de rosace
à six lobes N° 80., celui de Jeanne de Mailly (1298) en losange N° 207, pl. X., bien qu'il ne soit pas de
type armorial ; celui d'un clerc, Jacques, de forme hexagonale, qui a cette autre particularité d'être
employé par une femme N° 1244. Ce prêt du sceau avait été formellement interdit par le concile de
Reims (voir ci-après, p. XXIX, note 8).. Une décision capitulaire du chapitre de Cambrai, du 19 juillet
1331, nous apprend qu'à cette date précise un sceau rond, en usage jusqu'alors pour les quittances,
fut remplacé par un sceau long : « Anno Domini millesimo trecentesimo XXXI, die XVIIII mensis julii,
nos capitulum Cameracense ordinamus quod ex nunc omnes littere quictacionis, facte sub nomine
nostro, sigillentur sigillo de novo facto, non rotondo, sel longho, in quo est ymago beate Virginis
tenens Infantem in ulnis, et de sub pedibus ymaginis parkellum quadratum in quo est scutum ad tres
leones ascendentes pro armis comitatus Cameracensis, et fuit primo de dicto sigillo sigillata littera
infrascripta que est in gallico Arch. Du Nord, fonds de la cathédrale de Cambrai, registre 3 des
Indéterminés, fol. 37, publié par le chanoine Dehaisnes, Documents et extraits divers concernant
l’histoire de l’Art dans la Flandre, l’Artois et le Hainaut avant le quinzième siècle, 1re partie, in-4°,
Lille, 1886, p. 287). Il s’agit ici d’un sceau spécial. On trouve en effet dans les collections des Archives
nationales, pour le chapitre de Cambrai, un sceau en navette dès 1301 (Douët d’Arcq, n° 7136) et des
sceaux ronds jusqu’en 1412 (Scels aux causes, Demay, Sceaux de la Flandre, nos 6029-6031).. »
Au sujet du mode d'apposition des sceaux, il n'est pas sans intérêt de signaler cette confirmation en
1515, par deux vicaires généraux de Sens, d'une convention passée devant l'official entre les
couvents de Vauluisant, de la Madeleine de Trainel, le chapitre de Bray-sur-Seine et le curé de
Courceaux. Les deux actes sont réunis par les attaches de leurs sceaux, des rubans de soie rouge qui
ont été nattés ensemble. Le sceau de l'officialité de Sens est fixé sur la tresse ainsi formée ; ceux des
vicaires généraux sur chacun des brins restés libres N° 7009.. Parfois le parchemin sur lequel est écrit
un testament est plié en deux, et les deux moitiés sont maintenues closes et appliquées l'une contre
l'autre par les attaches des sceaux qui les traversent de part en part Nos 890, 1098.. Notons qu'une
difficulté s'étant élevée entre le duc de Bourgogne et l'évêque d'Autun sur le droit de faire sceller les
testaments, le parlement de Paris décida en novembre 1372 que les testaments seraient valables,
qu'ils portassent le sceau de la cour du duc seul ou conjointement avec celui de la cour de l'évêque «
Item entre le duc de Bourgogne d’une part, et l’evesque d’Ostun qui a pris l’adveu et defense de ses
officiers d’autre part, sur leur plaidoié le XXe jour de juillet l’an [MIIIe] LXXII derrain passé, veu la
complainte et exploit, etc. Il sera dit que le duc fait a recevoir a maintenir la saisie par lui proposée,
c’est assavoir qu’il soit en saisine et possession de recevoir, faire et sceller soubz le seel de sa court
seulement, et aucunes foiz soubz son dit seel et soubz le seel de la court de l’evesque d’Ostun
ensemble, toux testamens, ordenances, derraines voulentés, contraux et convenances de
quelconques personnes, soient d’eglise ou autres et que telx testamens, ordenances, derraines
voulentez, contraux et convenaces soient reputez et tenuz pour bons et valables, fussent soubz les
diz assembleement ou soubz le seel du dit duc seulement, sanz ce que telx testamens, ordenances,
derraines voulentés, contraux et convenances puissent estre pour ce impugnez qu’ils fussent ou
soient seellez du seel dudit duc seulement, et sanz ce aussi que on puisse dire ou maintenir que ceulx
qui tieux testamens auroient faiz soubz le seel dudit duc tant seulement fussent mors intestaz.
Toutevoies l’entencion de la court n’est pas que le duc face a recevoir à maintenir saisine de
contraindre à seeller avec lui l’evesque d’Ostun ou ses gens, supposé que sa complainte le contenist,
et de ce ou le duc fait a recevoir comme dit est la court ly en fait la recreance ce plait pendant, et
quant au principal les parties sont en faiz contraire si les feront, etc. Touz despens reservez en
diffinitive. » (Arch. Nal., X1A 1470, fol. 33 v°, 34.).
Les contre-sceaux affectent toutes les formes ; celui du doyen de la chrétienté de Dijon, en 1291 est
en losange N° 1179 bis. ; celui d'André, seigneur d'Époisses (1224) en triangle N° 288 bis. ; celui
d'Anseau de Trainel (1290) hexagonal N° 510 bis. ; celui de Guillaume de Mont-Saint-Jean (1289) en
forme d'écu N° 391 bis.. Il serait superflu d'en vouloir énumérer ici toutes les variétés. Le contresceau de Jocerand IV de Brancion, réduit à la plus grande simplicité, ne présente qu'un écu à ses
armes, sans le moindre encadrement N° 215 bis.. II est loisible de croire que le doyen de la Trinité de
Trainel, en prenant un contre-sceau en triangle N° 1107 bis. (1270), a voulu faire allusion au nom de
cette localité qui, en latin, se dit Triangulum.
L'impression des doigts enfoncés dans la cire encore molle au revers du sceau a pu remplir l'office de
contre-sceau. Les exemples n'en sont pas rares. Il en faut rapprocher le fait particulièrement curieux
de ce seigneur anglais qui, faute de sceau, se contenta de mordre la cire, y laissant, comme signe
bien personnel et non équivoque d'authenticité, la marque de ses dents JULES VIARD, Singularité
sigillographique, dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, 1907, p. 428.. On a cité, comme une
exception rare et peut-être unique, des arabesques de pure convention gravées à même la cire
DOUET D'ARCQ, préface, p. XXVIII et n° 6289. ; j'en puis ajouter une autre : le sceau de Claude
Boucherat, abbé de Pontigny, porte au dos, non pas des dessins, mais des caractères gothiques
directement et profondément tracés N° 1414.. On relève une autre anomalie sur le « scel de nouvel
ordonné » du bailliage d'Amiens en 1402. Le contre-sceau devait porter l'écu de France dans une
rosace, mais cet écu étant sans doute mal venu, on y a reproduit, manifestement avec intention, les
premières lettres de la légende et une partie de l'encadrement en appuyant à nouveau la matrice N°
619 bis..
Un sceau de juridiction est quelquefois employé comme contre-sceau, tel est le cas pour les
archidiacres de Beaune : Geoffroy de Mailly (1286) N° 1019 bis., Pierre d'Arcey (1297) N° 1021 bis.,
Hélye de Sully (1305) N° 1022 bis., Jean de Varennes (1315) N° 1023 bis. ; pour l'abbé de Pothières
en 1301 N° 1418 bis. ; pour l'évêque d'Autun qui, en 1309, utilise le sceau de l'officialité NOS 355 et
653.. En revanche, le sceau de la prévôté de Maligny portera au dos celui de Guy de Maligny. D'autre
part, Jean de Côtebrune, maréchal de Bourgogne, envoyant à un receveur général des duché et
comté de Bourgogne une montre d'armes (1421), y appose seulement son contre-sceau N° 153 ;
dans cette lettre qu'il scelle de son sceau, Jean de Côtebrune annonce qu'il envoie, sous son contrescel, la montre d'armes., et nous voyons, en 1515, un vicaire général de Sens se servir, comme sceau,
du contre-sceau de l'officialité N° 1009, note..
L'ordre suivant lequel étaient apposés les sceaux au bas des actes était, on le sait, régi par certaines
règles de préséance, la place d'honneur étant tantôt la première à gauche, tantôt au milieu. C'est
ainsi que Hugues V, duc de Bourgogne, désirant ajouter à son testament le sceau de sa mère,
donnera à celui-ci la première place à gauche Document cité n° 65 ; publié par Dom Plancher,
Histoire générale et particulière de Bourgogne, t. II, preuves, p. CLI, n° cclv.. De même Eudes de
Grancey, chevalier, confirmant un acte passé par son frère Robert qui n'est qu'écuyer, scellera avant
ce dernier N° 305, note. ; le sceau d'Héluis, fille de Jocerand de Brancion, suivra celui des deux
ecclésiastiques qui ratifient la vente de quelques biens qu'elle a conclue avec le duc de Bourgogne
(1260) N° 481.. Il n'est pas rare que les noms des personnages qui ont scellé un acte soient écrits sur
la queue de parchemin qui porte leur sceau ; c'est là qu'en 1348, Jeanne de La Roche-Vanneau, dans
une reconnaissance de fief faite à l'évêque d'Autun, ajoute la mention : Nous approuvons N° 444..
Le changement d'état du possesseur d'un sceau devait tout naturellement amener la transformation
du sceau lui-même ; mais si l'on n'avait pas encore eu le temps d'y procéder, force était bien
d'utiliser le sceau ancien, ce qui, bien entendu, était signalé. Philippe le Bel, dans une donation qu'il
fit au duc de Bourgogne le neuf octobre 1285, quatre jours après la mort de son père, scella de son
sceau de roi de Navarre, fils aîné du roi de France, « pour ce que, dit-il, quant nos recehumes le
gouvernement dou reiaume de France, nos n'avions encor point de nouvel seial, mos l'avons cestes
lettres fet sceler de nostre seial douquel nos usions avant » N° 13.. Il peut d'autre part arriver qu'un
personnage emprunte le sceau d'un autre : Jean de Toulonjeon appose, au bas d'une quittance de
gages qui lui sont payés (1360), le sceau d'un chevalier, Pierre Alemant N° 165.. En 1364, Blonde,
femme du sire de Montbellet, voulant ratifier une reconnaissance de fief faite par son mari et n'ayant
pas de sceau personnel, fait prier, par Eudes de Vincelles, chanoine de Saint-Pierre de Macon, le
prieur dudit Saint-Pierre de mettre son sceau pour elle, ce qui eut lieu, de sorte que le prieur a scellé
deux fois, une fois en son nom et une fois pour la dame de Montbellet ; mention expresse en est
faite dans la teneur de l'acte Voici la fin de cet acte « la cujus rei testimonium, ego dictus dominus
Montisbeleti sigillum meum proprium duxi presentibus litteris apponendum, et rogavi venerabilem in
Christo patrem… abbatem Trenorchiensem et Berardum, priorem sancti Petri Matisconensis, et
nobilem virum Guillernum de Sancta Cruce, dominum Villenove, ut ipsi presentibus litteris sigilla sua
apponant in testimonium. Et ego predicta [Blonda] uxor dicti domini Montisbeleti, rogavi dictum
priorem sancit Petri Matisconensis per dominum Odonem de Vincella, canonicum sancti Petri, ut
ipse, loco mei, quia sigillum proprium non habeo, sigillum suum presentibus litteris apponat in
testimonium hujus rei. Et nos dictus abbas, et nos dictus prior sancti Petri, et ego dictus Guillermus
de Sancta Cruce, ad instantiam et preces dicti domini Montisbeleti, sigilla nostra presentibus litteris
duximus apponenda. Et nos dictus prior, ad precees uzoris dicti domini Montisbeleti nobis oblatas
per dictum Odonem canonicum, cui fidem super hoc adhibemus, in ultima cauda seu in fine littere
supradicte sigillum nostrum duximus apponendum et inter sigilla dicti domini abbatis et dicti domini
de Villanova, sigillum nostrum apposuimus ad requisitionem dicti domini Montisbeloti. » Arch. De
Saône-et-Loire, G 108, n° 1, original sur parchemin, scellé de cinq sceaux, dont le dernier seul, celui
du prieur de Saint-Pierre de Mâcon (n° 1518) subsiste, les autres n’étant plus représentés que par les
doubles queues de parchemin., et pourtant le concile général de Reims avait interdit aux
ecclésiastiques de prêter leurs sceaux aux laïques, ainsi qu'il ressort d'une lettre qu'en 1261 l'évêque
d'Arras écrivit à l'abbé de Marchiennes « Jacobus, miseratione divina humilis Attrebatensis
episcopus, viris religiosis et Cristo karissimis abbati et conventui Marchianensi, salutem et sincere
constantiam caritatis. Cum in concilio generali Remensi inhibitum fuerit et statutum ne quis
episcopus abbas, capitulum vel conventus sigilla sua personis laïcalibus aliquatenus comodarent, nos,
intelligentes vos sigillum vestrum hujusmodi personis indiscrète aliquotiens comodasse, vobis, sub
penâ excommunicaiionis tenore presentium distincte precipiendo mandamus et in virtute sancte
obedientie districtius inhibemus ne sigillum vestrum personis secularibus, ullo casu contingente, de
cetero comodetis. Datum anno Domini M° CC° quinquagesimo primo, in vigilia Assumptionis beate
Marie Virginis. » — (Arch. Du Nord, fonds de l'abbaye de Marchiennes, d'après une copie de dom
Queinsert, pièce 17 du Cartulaire de Marchiennes ; — CH. DEHAISNES, Documents et extraits, etc.,
1re partie, p. 59..
Il est inutile de rappeler, au sujet des sceaux ecclésiastiques, que l'abbé d'un monastère a
quelquefois un sceau impersonnel ne portant pas son nom, et qui passera à ses successeurs sans
variation ; il peut se faire aussi qu'il n'y ait qu'un sceau unique pour l'abbé et le monastère N° 1382,
note, et, pour un prieuré, n° 1498.. Même lorsque l'on usait de son propre sceau, ou de celui de la
charge dont on était investi, il était bon d'en faire officiellement attester l'authenticité ; tel est le cas
de Guillaume de Chalon, qui fait légaliser, peut-on dire, son sceau de sergent du roi en 1364 Voici ce
document, qui, malheureusement, est en mauvais état, des trous ont fait disparaître une partie du
texte, qu'il est parfois malaisé de reconstituer : « A touz ceulx qui verront ces présentes lettres,
Guillaume d'Ostun et Jaques Rolain, prevotz de Senz, et Jehan de Ch... [garde du sce]el de la dicte
prevosté, salut. Saichent luit que le scel mis et pendent es lettres parmi lesquelles ces présentes sont
annexées, est a prop... De Guillaume de Chalon, sergent dou roy nostre sire, duquel il use
communément et nottoirement en exercent son dit office, si comme Guillaume le Pellet….. Et Pierre
Chacant l'ont juré et affirmé en vérité, par devant Jehan Popine, tabellion juré de la dicte prevosté,
auquel nous adjoustons pl…… auquel quant à ce nous avons commis et commettons nostre povoir,
presens et tesmoings à ce appellés avec ledit juré, Robin Alagra….. Rolant Agu, si comme li diz jurez
nous a rapporté par cest escript, ou tesmoing de laquelle chose et à la relation du dit juré, nous
avons [scellé] ces présentes lettres du scel de la dicte prevosté. Ce fut donné le ….. Di après Pasques
flories, l'an mil CCC sexante et quatre. S…………Ita est. » - (Arch. De l’Yonne, original sur parchemin,
sans cote, scellé sur double queue, le sceau a disparu, carton de notes sillograhiques réunies par Max
Quantin.) La date est, on le voit, mutilée. Il s’agit d’un des jours de la semaine qui suivent le
dimanche des Rameaux (Pâques fleuries) en 1365 (nouveau style). Or cette année le dimanche des
Rameaux tombe le 6 avril et Pâques le 13. Le document ci-dessus a donc été écrit entre le lundi 7 et
le samedi 12 avril inclus.
V. Des différents types de sceaux et spécialement de l'iconographie des saints de la Bourgogne,
d'après les sceaux du type légendaire.
Si, négligeant la personnalité de ceux qui ont employé les sceaux, on ne considère que ce qui, en
dehors de la légende, s'y trouve gravé, on peut les répartir en huit groupes ou types principaux : le
type de majesté, le type équestre, le type armoriai, le type personnel aux femmes, le type
ecclésiastique, le type légendaire, le type topographique, le type arbitraire. Douët d'Arcq qui a donné
cette classification a défini chacun de ces types et, par de très nombreux exemples, en a su montrer
toutes les caractéristiques. J'ajouterai, à ce qu'il a publié à ce propos, quelques remarques tirées de
la présente collection. Les sceaux de Charles le Chauve N° 1, pl. I., de Louis d'Outremer (950) N° 2.,
de Lothaire (969) N° 3, pl. I., représentent des bustes visiblement inspirés de l'époque romaine. C'est
plus tard qu'apparut ce type appelé, suivant une expression déjà usitée en 1082, type de majesté,
réservé aux souverains qui s'y font représenter assis, avec tous les insignes du pouvoir. Les sceaux de
Henri Ier Beauclerc, roi d'Angleterre (1102-1118) N° 11. de Charles Ier, roi de Jérusalem (1282) N°
21., de Baudouin et de Philippe, empereurs de Constantinople (1257 et 1283) N°S 17 et 18, pl. IV et
V., celui d'Adolphe de Nassau (1294) N° 9. en sont des spécimens qui ne présentent rien de
particulièrement notable. Il est curieux, au contraire devoir Isabelle, veuve de l'empereur Rodolphe
Ier (1303), fille de Hugues IV de Bourgogne N° 10, pl. II., prendre ce type et se montrer sur son sceau
assise, une couronne fleuronnée en tête, un sceptre à la main. Plus anormale encore est la forme en
navette employée au lieu de la forme ronde généralement adoptée dans ce cas. La reine de Sicile
Marguerite NOS 22, pl. II ; 23, pl. III., l'impératrice de Constantinople Catherine N° 19, pl. III., comme
la plupart des reines, ont des sceaux en navette et sont figurées debout ; si l'on en excepte la
couronne et le sceptre qui témoignent de la dignité des personnages, ces sceaux ne diffèrent pas de
ceux qu'employaient les femmes et se peuvent rattacher au type féminin.
Le sceau équestre le plus fréquent est celui où se voit un cavalier armé de toutes pièces, brandissant
son épée et galopant, le plus souvent vers la droite. Où trouver, pour l'histoire du costume et de
l'équipement, une série de documents plus complète, plus exacte, aussi précisément datés que ces
sceaux ? Ils se comptent par centaines, et tous sont variés. Dans ce long cortège que l'on voit
s'avancer ininterrompu depuis le onzième siècle, depuis les hommes de guerre au casque à nasal, au
simple harnois, jusqu'à ces fougueux chevaliers au chef empanaché, aux coursiers surchargés
d'armoiries qui, au quinzième siècle, semblent parader à quelque tournoi, on suit, jour par jour, pour
ainsi dire, les moindres modifications et l'on assiste à la transformation graduelle de l'armement.
L'un des meilleurs exemples est donné par un sceau de Philippe le Bon N° 79, pl. XII., de 1433, qui
porte à six le nombre des grands sceaux que nous connaissons de ce prince Ces autres sceaux
figurent dans les collections des Archives sous les cotes suivantes : DOUËT D'ARCQ, n°s 481 (1424)
182 (1440) ; DEMAY, Sceaux de la Flandre, n°s 105 (1420), 106 (1448) ; Sceaux de l Artois, n° 39
(1421, semblable à celui qui est décrit parmi les sceaux de Flandre sous le n° 105) ; Sceaux de la
Picardie, n° 12 (1435).. Ce dernier est coiffé d'un casque, la visière levée laisse apercevoir le visage.
Sous le cheval, qui semble le fouler aux pieds, est un long bâton noueux ; dans le champ, sont semés
des rabots. Ainsi se trouve rappelée la funeste rivalité de Louis d'Orléans, la victime de la rue
Barbette, qui avait adopté pour emblème « un baston espineux et noueux », et de Jean sans Peur,
l'assassiné de Montereau qui avait pris pour devise « un rabot ou planon, respondant au baston du
duc d'Orléans, voulant dire qu'il planeroit le baston noeux ». On sait avec quelle prodigalité il
répandra cet emblème que d'habiles orfèvres exécuteront pour lui en or, en vermeil, en argent ; il le
donnera à son fils « garni d'une émeraude, de II diamans et d'une perle pendans en ung annel ou
quel avoit assis ung ruby et II diamans », il le fera broder sur ses vêtements, peindre sur ses
étendards GUILLAUME PARADIN, Annales de Bourgogne ; - Arch. De la Côte-d’Or, B 1543, 1547,
1554, texte et documents cités par C. MONGET, op. Cit., t. II, pp. 6 et 7., et pourtant il ne le met pas
sur son grand sceau, tout au moins sur ceux que nous possédons. Même sur ceux de Philippe le Bon,
il ne figure qu'à partir de 1433 N°79, pl. XII., d'après ce que nous pouvons juger. En 1440 Douët
d’Arcq, n° 482., le bâton est ondulé en forme de rinceaux et les rabots qui sont représentés autour
ont été transformés : une pierre d'où jaillissent des flammes remplace les copeaux qui les
accompagnaient ; ce sont les briquets, les fusils tels que les comporte l'insigne de la Toison d'or que
Philippe le Bon a créé en 1429. A voir brandir leur épée, ces rudes cavaliers si solidement fixés en
selle, on n'est pas surpris de lire les curieuses constatations médicales qui furent faites, lorsqu'il s'agit
de les reconnaître, sur les ossements retrouvés en 1841 dans les sépultures ducales à Saint-Bénigne.
Ceux qui furent alors attribués à Jean sans Peur témoignent d'une force peu commune «… Nous
avons déjà noté les saillies, les aspérités très prononcées des os des membres ; mais si nous jetons
les yeux sur la colonne vertébrale, nous voyons partout une sorte d’exubérance osseuse qui se
manifeste à la face antérieure du corps des vertèbres lombaires, et surtout des dernières dorsales,
sur quelques apophyses articulaires et transverses, et sur la plupart des apophyses épineuses
dorsales, qui s’y manifeste, disons-nous, par des prolongements irréguliers, de véritables végétations
osseuses, destinées à multiplier les surfaces d’insertion musculaire et tendineuse. Cette exagération
des saillies osseuses ne serait-elle point une preuve de la prédominance du système locomoteur chez
ce sujet et de sa force physique ». L’attribution de ces ossements à Jean sans Peur a été récemment
contestée ; on s’est demandé, après de nouvelles constatations, s’il ne s’agirait pas plutôt de Philippe
le Hardi (Observations relatives à la reconnaissance des restes mortels des ducs Philippe le Hardi et
Jean sans Peur (1902-1904), dans C. Monget, op. Cit., t. III, pièce justificative n° 6, pp. 400-414..
Les proportions du cheval, encore trop petit, sont pourtant mieux qu'au temps précédent en rapport
avec celles du cavalier ; on s'éloigne de cette formule notée par Villard de Honnecourt au treizième
siècle. Parmi les monuments, les personnages, les animaux, les plans d'édifice, les engins, les
meubles et les ornements qu'a réunis dans son album le curieux architecte, et précisément dans ces
feuillets consacrés au dessin par procédé géométrique, on relève en effet l'image d'un homme à
cheval, déterminée par quatre lignes d'égale longueur qui se coupent toutes en leur milieu, deux en
croix, deux en sautoir, si bien que l'ensemble pourrait s'inscrire dans un cercle, et par conséquent
figurer sur un sceau de forme ronde Fol. 19 de l’album, planche XXXVII de la reproduction donnée
par la Bibliothèque nationale..
Que si l'on veut porter son attention sur le cheval considéré en lui-même, l'étudier comme on l'a fait
d'après d'autres documents Voir, par exemple, L. Champion, Les chevaux et les cavaliers de la
tapisserie de Bayeux, Caen, 1907, in-12 ; - Lieutenant Bernard, Le cheval dans les mosaïques du nord
de l’Afrique, dans le Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1906,
pp. 1-31 ; - Lieutenant-colonel Duhousset, Le cheval dans la nature et dans l’art (ne parle presque pas
du moyen âge). d'un dessin souvent primitif et brutal, rechercher à quelle race appartenaient ces
robustes animaux, ces bons chevaux pour le combat et la lance dont Monluc déjà déplorait la
disparition « Une chose veoy-je, que nous perdons fort l’usage de noz lances, soict faulte de bons
chevaulx dont il semble que la race se perde… » (Commentaires et lettres de Blaise de Monluc, livre
VII, éd. A. de Ruble, Paris, 1867, in-8, t.III, p. 474, Société de l’histoire de France.), n'est-ce point des
sceaux et de la comparaison des types multiples qu'ils nous ont transmis que se dégageront les
conclusions les plus vraisemblables ? Il fallait, pour endurer les longues chevauchées, il fallait, pour
mener au combat et maintenir fermes en la mêlée ces hommes couverts de pesantes armures, des
bêtes d'une particulière vigueur. Les œuvres d'autrefois en ont laissé mainte image, et l'on est surpris
de voir leurs corps énormes et ronds, engraissés, dirait-on, pour la boucherie, porter sur une
encolure courbée en col de cygne une tête fine, maigre et allongée. Ces artistes du moyen âge qui
dans la pierre, le marbre ou le bois, sur le plâtre frais des murs, les panneaux de tryptiques ou le vélin
d'un manuscrit, savaient grouper des personnages, composer des scènes et faire des portraits, qui
pouvaient rendre les expressions de la physionomie humaine et reproduire avec une scrupuleuse
exactitude, en marge des livres d'heures, jusqu'aux oiseaux, aux fleurs et aux insectes de leurs
jardins, se seraient à ce point égarés des modèles qu'ils avaient sous les yeux ? Faudrait-il les taxer
d'impuissance ou les accuser d'inexactitude ?
Consultons les textes, ouvrons les romans de chevalerie, parcourons les chansons de geste où le
compagnon de l'homme d'armes est si souvent, si minutieusement et si amoureusement décrit. Pour
tous il est des traits communs : le cheval, le cheval de combat, bien entendu, doit être « gros et reont
Renaus de Montauban, éd. H. Michelant, p. 364, v. 12. » ; il doit avoir le « cors grant et plenier
Auberi, éd. Tobler, p. 101, v.1. », la poitrine large, la croupe énorme, la cuisse courte, le col cambré,
la tête maigre, les oreilles petites, les narines larges Voir Gui de Bourgogne, v. 2325-2329 ;
Jérusalem, v. 1373-1386 ; 5949-5958 ; Aliscans, v. 7688-7995 ; Gaydon, v. 1208-1210 ; Fierabras, v.
4106-4121 ; Gaufrey, v. 948-950, etc. Toutes ces références sont données par L. Gautier, dans La
chevalerie, Paris, in-4, s.d., pp. 723-724, notes 7 et 8.. N'est-ce pas, en quelques mots, la description
exacte de ces animaux que représentent les monuments figurés de ces chevaux que les tailleurs de
sceaux ont reproduits, sinon dans leurs justes proportions, tout au moins dans leur physionomie
générale et leurs traits caractéristiques, et le fait ne mérite-t-il pas d'être relevé, pour être signalé
aux amateurs d'hippologie ?
Le chevalier prenait un sceau conforme à sa nouvelle dignité, on en a la preuve dans une charte de
1238 Douët d’Arcq, préface, p. 33. ; aussi le sceau de Robert de Grancey qui, en 1300, est
simplement écuyer, est-il tout différent de celui du chevalier de la même époque. Le cavalier
simplement coiffé d'un chapeau de fer à larges bords, vêtu d'un bliaud serré à la taille, chevauche un
roncin non harnaché et son épèe, rattachée par une chaînette, voltige derrière lui inutile N° 304, pl.
XXIII..Les sceaux de Bourgogne permettent de relever dans le harnachement du cheval une
particularité que l'auteur de l'histoire du costume d'après les sceaux, pourtant si précis, ne cite pas.
C'est un objet de forme variable fixé sur la croupe de la monture. On le voit figurer dès 1341 sur le
sceau de Pierre de Châteauneuf-en-Auxois N° 245, pl. XXII. où il affecte la forme d'une aigrette ou de
la coquille que ce seigneur portait dans ses armes. Sur le sceau de Philippe de Rouvre N° 72. en
1360, ce sont deux boules, peut-être des grelots superposés qui, très visiblement, maintiennent à
leur point de rencontre les courroies soutenant la housse armoriée posée sur une housse de mailles.
Le cheval de Jean sans Peur, en 1405, est de même recouvert d'une housse de mailles sur laquelle
flotte une housse aux armes, mais celle-ci est maintenue seulement par une courroie nouée sur
l'arrière-train Douët d’Arcq, n° 102.. C'est donc plus tard que se serait généralisé l'usage de cet objet
qui, concourant à la solidité et à l'ornement des harnais, a survécu à la disparition de la housse Cet
objet paraît avoir été souvent un grelot de fort calibre, on l’appelait alors campane ou campanelle.
Victor Gay, dans son Glossaire archéologique du moye âge et de la Renaissance (t. I, Paris, 1887, in4), en donne, au mot campane, une représentation d’après une édition de la Chronique de SaintDenis par Antoine Vérard, t. I, A 2, et il cite l’intéressant texte suivant. « 1467. Ledit seigneur de la
Roche avoit aussi 6 chevaulx houssés de drap d’or de cramoisy et de velours noir et velours cramoisy
et de brodure, et dessu chascun une grosse campagne d’argent aussi grosse que la teste d’ung
homme » (Chronique de Jacques du Clerc, p. 181). Dans le même glossaire, au mot boutreaux, est
figurée une campagne du même genre, d'après une tapisserie flamande, d'environ 1470, conservée à
Madrid. Trois gravures sur bois de 1465, représentant les neuf preux, en fournissent d'autres
exemples (Bibl. Nat., fonds français, n° 4985, reproduits par H. BOUCHOT dans Les deux cents
incunables xylographiques du département des estampes ; atlas. Paris, 1903, in-fol., pl. 101-103 ;
texte. Paris, 1903, in-4, n° 184, pp. 254-255). Les chevaux de Juda Macchabée, d'Hector, de
Charlemagne et de Godefroy de Bouillon portent sur la croupe un grelot. Celui du roi Arthur, un
ornement en forme de houppe, de flamme, ou peut-être de coquille, telle que celle qui se voit sur le
sceau de Pierre de Châteauneuf. Il faut ajouter à cette liste le sceau de Gonot des Barres, au
quinzième siècle (DOUËT D'ARCQ, n° 1293, sceau détaché), où la campane est placée sur la housse.
L'usage de cet accessoire du harnachement semblerait donc s'être généralisé à la fin du quinzième
siècle. Peut-être en faut-il chercher l'origine dans le rivet qui maintenait en place les courroies
croisées sur la croupe de la monture, rivet orné d'une rosace, d'un joyau, comme on le voit pour les
chevaux de Josué et d'Alexandre, parmi les neuf preux cités plus haut, ou sur deux miniatures
reproduites en partie par Viollet-le-Duc et provenant l'une d'un livre de chasse de Gaston Phœbus,
de la fin du quatorzième siècle, l'autre d'un Quinte Curce français dédié à Charles le Téméraire
(VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire raisonné du mobilier français, t. III, pp. 437 et 445), ou enfin sur un
ivoire byzantin, jadis conservé dans le trésor de la cathédrale de Troyes, et attribué au huitième
siècle (VIOLLET-LE-DUC, op. Cit., t. VI, p. 35). Il va sans dire que le terme de campane ou campanelle
ne peut s'appliquer à l'objet étudié ici que dans le cas où cet objet est une sonnette ou un grelot,
suivant la signification générale du mot campane..
Au type équestre se rattache le type de chasse où le cavalier, ordinairement nu-tête, sonnant du cor,
est vêtu d'une sorte de robe ou de surcot, accompagné de chiens ou d'oiseaux de vol. Hugues le
Brun, comte de la Marche N° 103, pl. XIV., est ainsi figuré avec son chien assis derrière lui sur le dos
même du cheval. Les femmes se sont servies également du type équestre de chasse, et les dames de
Brancion en fournissent de curieux exemples N° 216 ; 219, pl. XXI ; voir aussi n° 481, pl. XXI..
Infiniment plus rare est-il de voir, en 1262 N° 1140, pl. XLVII., un chanoine se faire représenter sur
son sceau en chasseur, à cheval et le faucon au poing, témoignant audacieusement par là son goût
pour un plaisir que les canons de l'église n'approuvaient guère « Omnibus servis Dei venationes et
sylvaticas vagationes cum canibus, et accipitres aut falcones habere interdicimus. » (Corpus juris
canonici, Decrétales de Grégoire IX, liv. V, lit. XXIV, c. 2 ; voir aussi ib. C. 1 et, Décret de Gratien, pars
I, dict. XXXIV, c. 1, 2, 3). Interdiction qui fut plusieurs fois renouvelée, en particulier par le concile du
Latran en 1215 : « Venationem et aucupationem universis clericis interdicimus, unde nec canes nec
aves ad aucupandum habere praesumant. » (LABBE et COSSART, Sacrosancta Concilia, t. XI, pars I,
col. 168, E) ; en 1264 par celui de Nantes : « Item quia nullum venatorem invenimus sanctum,
praecipimus ut praelati soliciti sint et intenti in puniendo clericos venatores, et praecipue presbyteros
et religiosos, de quibus majus scandalum generatur ». (Ib., col. 827, B) et jusqu'en 1596 par celui
d'Aquilée (op. Cit., t. XV, col. 1501, B-C)..
Hugues V, duc de Bourgogne, au revers de son sceau équestre en 1313, se montre assis sur un trône
formé de deux lions, les pieds sur un autre lion ; il tient son épée et son écu, mais il est nu-tête, son
heaume, cimé d'un hibou, est posé à terre à sa droite, et à sa gauche on aperçoit la tête et toute la
partie antérieure de son cheval N° 64 bis, pl. XI. Nous possédons d'autre part un sceau de Jean de
Ligne DEMAY, Sceaux de la Flandre, n° 1228., de beaucoup postérieur puisqu'il est de 1437, mais qui
offre la même disposition, sauf que ce seigneur est debout ; de même Girart de Ternier N° 155, pl.
XXII. Voir aussi le sceau de Guillaume de Choiseul en 1367 (n° 262, pl. XXIII) ; le chevalier, debout,
tient la lance et l'écu à ses armes ; le sceau d'Amédée VIII, comte de Savoie (n° 131, pl. XVII), où saint
Maurice est représenté en chevalier ; les sceaux de Geoffroy le Maingre, dit Boucicaut, en 1404
(DEMAY, Inventaire des sceaux de la collection Clairambault, n° 5549) et de Guillaume de Laire en
1408 (DEMAY, op. Cil., n° 5008) ; ces deux derniers ont été reproduits d'après les meilleurs
exemplaires par M. J. ROMAN dans sa Sigillographie des gouverneurs du Dauphiné (Mémoires de la
Société nationale des antiquaires de France, 1887, pl. III, n° 10 et pl. IV, n° 11)., chambellan du duc de
Bourgogne en 1397, est debout ; à sa droite est un lion coiffé de son heaume, mais à sa gauche le
cheval a disparu. Volontiers on verrait là un type intermédiaire entre le type équestre et le type
armorial, celui où le champ du sceau est occupé par un écu aux armes du possesseur ; le personnage
passant à l'arrière-plan, devient le tenant, l'accessoire de l'écu DOUËT D'ARCQ, préface, pp. XLVIII,
XLIX., mais la véritable origine de certains sceaux à armoiries timbrées est autre, ainsi que l'a
démontré avec évidence un érudit particulièrement compétent, M. Prinet. Le type armorial le plus
fréquent, dit-il, en substance MAX PRINET, L'origine du type des sceaux à l'écu timbré, extrait du
Bulletin archéologique, 1910, pp. 63-74., comporte un écu surmonté du heaume ou timbre. L'écu
peut être droit ou penché, mais ces deux variétés dérivent également du type équestre. Il suffit, pour
s'en convaincre, de comparer les sceaux armoriaux avec des sceaux équestres de la même époque.
Non seulement sur les premiers comme sur les seconds la situation respective de l'écu et du heaume
est identique, mais les mêmes variantes se retrouvent sur les uns et sur les autres, aussi bien dans la
position de l'écu, qui peut aller de l'horizontale à la verticale, que dans celle du heaume présenté
tantôt de face, tantôt de trois-quarts et tantôt de profil. La filiation est marquée par ces sceaux qui
portent l'image d'un homme de guerre, armé de l'épée ou de la lance, dans l'attitude du cavalier,
mais à mi-corps seulement, la monture demeurant invisible. Dans les plus sommaires de ces
représentations, on n'aperçoit plus qu'un bras, issant d'un écu qu'un heaume surmonte ; ce bras
disparaissant, on arrive tout naturellement au type héraldique d'où dérivent toutes les armoiries
timbrées en général. Cette combinaison du heaume et de l'écu se montre dans les pays germaniques,
où elle semble avoir pris naissance, plus tôt qu'en France. Le cavalier, sur les sceaux français,
marchant ordinairement vers la droite du spectateur, doit ramener sur sa poitrine le bras gauche qui
tient l'écu afin de rendre visibles les armoiries qui le décorent, et cet écu n'a plus par conséquent,
pour supporter le casque, la situation qu'il occupe sur les sceaux germaniques, où les cavaliers vont,
le plus souvent, à gauche.
C'est encore par la sigillographie que.M. Prinet a démontré Bulletin de la Société nationale des
antiquaires de France, 1909, pp. 283-285. que la réduction à trois du nombre des fleurs de lys dans la
forme officielle des armes de France (France moderne) est, contrairement à l'opinion généralement
admise, bien antérieure à Charles V ; il en cite des exemples datant du commencement du règne de
Louis IX, de 1228, sur le contre-sceau de la ville de Lens DOUËT D'ARCQ, n° 5530. ; d'autres sur les
sceaux de Pierre, comte d'Alençon (1271), de Jeanne de Châtillon, sa femme (1271 et 1286), du
bailliage de Verneuil (1276), le contre-sceau de la cour du Mans (1288), le sceau du bailliage de
Gisors (1283 et 1286), les contre-sceaux de la prévôté de Monton en Auvergne (1294), de la prévôté
de Paris (1296), de la châtellenie de Chartres (1299), de la sénéchaussée de Saintonge et du bailliage
de Lauzerte (1300) IB., nos 886, 888, 4458, 4562, 4648, 4656, 4693, 4725, 4861, 5015 ; — Arch. De
Seine-et-Oise, fonds des Vaux-de-Cernay, liasse 9 (charte du 25 mai 1283).. La cause de cette
réduction doit être cherchée simplement dans la forme et la grandeur de l'écu. « Les tailleurs de
sceaux, écrit-il, ne se sont pas astreints à reproduire d'une manière constante les fleurs de lys
coupées par les bords de l'écu qui passent pour caractériser le semis. Ils ont pris la liberté de charger
la surface qu'ils avaient à décorer, tantôt d'une certaine quantité de fleurs de lys, tantôt d'une autre,
suivant les commodités de l'exécution et les convenances de la décoration. Dans le même ouvrage,
ils les ont figurées en semis ou bien au nombre de dix ou de six sur les champs de grandes ou de
moyennes dimensions, au nombre de trois ou même à l'état d'unité sur les champs exigus. » Aussi
remarque-t-on, dans beaucoup de cas, des fleurs de lys plus nombreuses sur l'avers du sceau que sur
le contre-sceau, par exemple sur les sceaux et contre-sceaux de la cour du Mans (1283), de la
prévôté de Monton (1494), cités plus haut. « Sur la même face d'un même sceau, lorsque le graveur
se trouve avoir à fleurdeliser deux objets figurés de dimensions différentes, il sème les fleurs de lys
sur l'un et les réduit à trois sur l'autre. » Ainsi sur le sceau de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne
Douët d’Arcq, n° 477., l'écu porte trois fleurs de lys, la housse du cheval en est semée. Dans un écu
écartelé, les fleurs de lys seront plus nombreuses sur le premier quartier que sur le quatrième dont la
surface se trouve réduite par le rétrécissement de la pointe de l'écu. Charles V, suivant les idées
mystiques alors en honneur, ayant déclaré, dans la charte de fondation du couvent des Célestins de
Mantes, en février 1377, que les fleurs de lys de son blason devaient être au nombre de trois pour
représenter la Trinité, ces trois fleurs de lys devinrent les armes officielles de la France.
On comprend, par ces exemples, tout ce que la sigillographie peut fournir à la science héraldique et
quels précieux résultats on est en droit d'attendre de l'emploi de ce double instrument de critique,
non point qu'il s'agisse de recherches généalogiques, dont l'intérêt peut être particulier et fort limité,
mais parce que les armoiries sont souvent le seul indice qui permette de déterminer la provenance et
la date d'un objet, tout comme elles fixeront, dans un monument, l'époque de sa construction ou
celle des transformations qu'il aura subies.
On considère en général la forme en losange donnée à l'écu comme étant spéciale aux femmes ; les
sceaux fournissent quelques exemples du contraire : Jean de Choiseul en 1309 N° 261 bis., l'abbé de
Tournus en 1318 N° 1451, pl. LVII., Aimon, comte de Savoie, en 1331 N° 129., mettent leurs armes
sur un écu en losange.
Les sceaux de femmes comportent trois genres de représentation. Tantôt elles sont assises, ce qui
est rare, le sceau de l'impératrice Isabelle N° 10, pl. II. (1303) en est un excellent spécimen ; plus
souvent elles sont à cheval, l'oiseau sur le poing, accompagnées de chiens : c'est le type de chasse
que l'on peut rattacher au type équestre et que les dames de Brancion semblent avoir préféré Nos
216 ; 219 pl. XXI, et aussi 481, pl. XXI.. Enfin, et c'est le type le plus répandu, la dame se montre
debout, de face, son costume et sa coiffure variant suivant les époques. Peu à peu autour d'elle, dans
le champ du sceau resté d'abord libre, se dessinent des arcades ; un dais d'architecture les surmonte,
une niche se forme, qu'animeront parfois de petits personnages ou qu'orneront des blasons.
Catherine de Valois, impératrice de Constantinople, est abritée sous un petit monument de ce genre
élégamment découpé, et deux gargouilles qui s'en détachent à droite et à gauche supportent des
écus à ses armes N° 19, pl. III ; voir encore, du même type, le sceau de Marie de Blois, duchesse de
Lorraine, n° 98, pl. XIII, et aussi nos 48, pl. VI ; 92, pl. XX.. Isabeau de Bavière est entourée de
personnages, d'anges, qui tendent derrière elle une vaste draperie au parti de France et de Bavière,
tandis que ses pieds reposent sur deux lions affrontés N° 4, pl. I.. Cet animal symbolique figure aussi
aux pieds de Jeanne de Mailly, en 1298 N° 207, pl. X.. Ce qui est exceptionnel, mais plus anormal
encore est le sceau d'Heluis de Joinville, sœur du chroniqueur, qui nous la montre en habits de
veuve, agenouillée et priant, comme ces statues qui, plus tard, se dresseront sur les tombeaux N°
141, pl. XVIII..
Je n'ajouterai que quelques observations à ce que l'on sait des sceaux ecclésiastiques, c'est-à-dire des
sceaux qui représentent soit un membre quelconque du clergé séculier ou du clergé régulier, soit des
objets à l'usage du culte. Certains abbés, dans la seconde moitié du treizième siècle, se montrent tels
que des évêques avec la mitre, la crosse, la dalmatique et la chasuble ; au quinzième et au seizième
siècle, on peut citer quelques exceptions à ce genre : l'abbé de Morimont, en 1450-1451, porte bien
la crosse et la mitre, mais il est en costume de moine N° 1394., Antoine de Rigny, abbé de Vauluisant
N° 1457, pl. LVIII. en 1513, Jacques Morin, abbé de Notre-Dame des Echarlis à la même date N°
1370., n'ont conservé que la crosse et le premier même se couvre la tête de son capuchon, revenant
ainsi à un type beaucoup plus ancien Ce détail du capuchon relevé se voit en effet sur un sceau
d'Herbert, abbé de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, en 1148 (n° 1441).. En 1516, l'abbé de Saint-Père
d'Auxerre porte la chape, la mitre et la crosse N° 1325, pl. LVIII..
Lorsqu'apparaissent, dans le champ du sceau, à côté du personnage principal, certaines figures
accessoires, ces figures sont visiblement, en certains cas, un signe particulier et comme la
caractéristique de l'abbaye ; c'est ainsi que les abbés de Vézelay mettent sur leurs sceaux un vase à
parfum, qui est, dans l'iconographie chrétienne, l'attribut habituel de sainte Madeleine, patronne de
ce couvent ; N° 1458,1459 ; DOUËT D'AHCQ, 9175. l'abbé de Saint-Pierre de Molosme est
accompagné d'une clef N° 1387, pl. LV., attribut de saint Pierre (1344). De même la niche qui abrite
la figure de certains abbés de Pontigny repose sur un pont, rappelant la situation de ce monastère
bâti sur le Serain N°s 1410 ; 1412, pl. LVI.. En 1467-1468, ce pont surmonté d'un nid dans un arbre
N° 1413. est devenu les armes parlantes de l'établissement qui les conservera jusqu'à l'époque
moderne. Peut-être faut-il voir un indice de ce genre dans l'écrevisse qui apparaît sur le sceau de
l'abbé de Vauluisant N° 1456. en 1366 et dans ces deux mains de si bizarre aspect, étendues de
chaque côté de la Vierge que porte, en 1344, le sceau de l'abbaye de Quincy N° 1286, pl. LI.. Je ne
serais pas éloigné non plus de voir une allusion au nom du Val des Écoliers dans ces six têtes,
superposées en deux groupes, sur le sceau de Notre-Dame de Bonvaux qui appartenait à cet ordre
(1302) N° 1497.. Il ne faut pas confondre ces insignes avec des meubles de blason ou d'autres figures
spéciales à l'abbé et placées aussi à ses côtés. Quant à ce diable qui grimace sous les pieds d'un
archevêque de Besançon N° 885, pl. XXXVI. au douzième siècle, il indique la suprématie du pouvoir
spirituel sur l'esprit du mal, c'est un symbole fréquemment exprimé sous cette forme au moyen âge.
Le lion qui est placé aux pieds de ce même archevêque N° 886., en 1285, exprime une idée
analogue ; c'est la traduction figurée des paroles sacrées : conculcabis leonem et draconem Psaume
XC, v. 13..
Le plus souvent les personnages ecclésiastiques, séculiers ou réguliers, sont représentés avec
l'insigne ou dans l'exercice de leurs fonctions ; l'évêque élu mais non consacré n'aura ni la mitre, ni la
crosse, ni la chasuble Nos 890, 891 ; voir Douët d’Arcq, préface, p. LX. ; on voit le chantre porter le
bâton cantoral N° 1119, pl. XLVI., les prêtres disant la messe devant un autel que surmonte un calice
N° 1180., ou priant les deux mains levées, dans l'attitude antique des orants N° 1185, pl. XLVIII.. Il est
plus rare de les trouver dans une chaire et prêchant comme l'archiprêtre de Givry N° 1203, pl. XLV.
en 1225. Un cellerier de Pontigny en 1250, la faucille à la main, coupe des blés N° 1474, pl. LVIII.,
c'est une petite figure d'un excellent dessin, on dirait une réduction de ces bas-reliefs qui, dans les
zodiaques sculptés au portail de certaines de nos cathédrales, symbolisaient par les travaux des
champs chaque mois de l'année, et la moisson est une des occupations typiques de juillet. Il semble
bien que l'on puisse voir dans le sceau de Marguerite, bâtarde de Flandre N° 1557, pl. LX., en 1398,
un spécimen du costume des religieuses de Peteghem, parmi lesquelles était cette fille.
Dès le treizième siècle apparaissent sur les sceaux de cardinaux les saints, patrons des églises dont
ces prélats portaient le titre. Pour la même raison un auditeur du Sacré Palais au quinzième siècle N°
879, pl. XXXV. se montre à genoux, vêtu d'un long manteau sans manche, au dessous de sainte
Catherine.
Les auditores Palatii. Qui étaient d'abord chargés d'instruire une affaire spéciale, devinrent à la fin du
treizième siècle des fonctionnaires permanents ; Jean XXII réglementa l'organisation de l’audientia
par une constitution du 16 novembre 1331, complétée ensuite par Benoît XII M. Tangl, Die
päpastlichen Kanzleiordnungen von 1200-1500, Innsbrück, 1894, in-8, pp. 83-91, 118-124.. C'est
l'origine du tribunal célèbre qui prendra un peu plus tard, soit par suite du mode de siéger de ses
membres, soit à cause de la manière dont étaient jugées les affaires, ou pour quelque autre raison, le
nom de rote, et qui était placé sous la protection de sainte Catherine de la Rôte, claire allusion à la
roue que porte la savante vierge d'Alexandrie « Non multis retroactis temporibus… in rota observari
consuevit (Erler, Der Liber cancellariae apostolicae vom Jahre 1380 und der Stilus Palatii abbreviatus
(Leipzig, 1888, in-8), p. 219 ; - « Auditores in rota » cités par Grégoire XI (E. von Ottenthal, Regulae
cancellariae apostolicae, Die päpstilichen Kanzleiregeln von Johannes XXII bis Nicolaus V, Innsbrück,
1888, in-8, p. 44 ; - « Auditores extra rotam » sous Boniface IX (ib., p. 80) ; - « Auditores palatii nostri,
dit Pie II, qui rotam faciunt orbemque judicant (D. Bernino, Il tribunale della sacra Rota Romana
[Rome, 1717, in-4], p. 134). Aux diverses étymologies données jusqu’à présent, le P. Ehrle, Préfet de
la Bibliothèque vaticane, en ajoute une autre qu’il fait dériver de la forme du pupitre (Historia
bibliothecae Romanorum pontificum, Rome, 1888, in-8, p. 696, note). La Rota Romana fut ainsi
qualifiée pour être distinguée des tribunaux analogues qui, plus tard, furent créés dans d’autres
villes. Il y en eut une à Avignon, établie en 1566, sous l’influence du cardinal d’Armagnac ; les
habitants en demandèrent bientôt la suppression (Archives du Vatican, archives du château SaintAnge, XV, 11, n° 7)..
A ce point de vue ces sceaux rentrent dans la catégorie de ceux que l'on a nommés légendaires et
qu'il serait plus juste d'appeler religieux puisque l'on comprend dans ce type, dit Douët d'Arcq Douët
d’Arcq, préface, p. LXVIII., «non seulement les sceaux qui reproduisent quelques scènes de la vie des
saints, mais encore tous ceux où se voient des représentations de Dieu, de la Vierge et des saints ; en
d'autres termes tous les sceaux ecclésiastiques qui ne sont pas personnels, c'est-à-dire représentant
un membre quelconque du clergé dans son costume canonique ». Ils complètent fort heureusement
les vitraux et les sculptures des monuments religieux, fournissant à la critique historique ce fil
conducteur qui lui permet de distinguer entre elles les légendes, leurs branches et leurs variétés, et
de déterminer à quelle date et dans quel pays tel attribut est particulier à tel saint Préface du comte
de Laborde à l’inventaire de la Collection des empreintes de sceaux des Archives de l’Empire, par
Douët d’Arcq (1863), p. 7. Peu d’années après, l’ouvrage du P. Ch. Cahier, Caractéristiques des saints
dans l’art populaire (Paris, 1867, 2 vol. In-fol), répondait en partie au désir formulé par l’éminent
Directeur général des Archives de l’Empire, mais il faut reconnaître que les sceaux ne tiennent pas
dans cet ouvrage, d’ailleurs si utile, la place qui leur revient..
Les trois personnes de la sainte Trinité, Dieu le Père tenant son Fils crucifié, le Saint- Esprit sous
forme de colombe, descendant de la bouche du premier sur la tête du second, sont représentés sur
le sceau de la Chartreuse de Champmol en 1400 N° 1536. ; on sait que ce type remonte au douzième
siècle Didron, Inconographie chrétienne, Histoire de Dieu, p. 588.. Le Christ bénissant et tenant le
globe du monde se dessine à mi-corps au bas du contre-sceau de la ville de Cantorbéry (1361) N°
536 bis, pl. XXIX.. Il figure dans la scène de la résurrection de Lazare Nos 913, pl. XXXVIII ; 916, 917,
1566., ou sur la croix, au Calvaire N° 1553., ou bien couronnant la Vierge Nos 1535, pl. LX ; 1552.,
suivant des thèmes bien connus et que je me contente de signaler ici. La descente du Saint-Esprit sur
la Vierge et les apôtres, la Pentecôte, se voit sur les sceaux de plusieurs gardiens des frères Mineurs ;
les personnages sont disposés sur trois rangs et on remarquera qu'ils sont encadrés dans une
cordelette garnie de nœuds qui est un des insignes de l'ordre de Saint-François Nos 1550, 1551 ;
Douët d’Arcq, nos 9748, 9749 et 9750 ; voir aussi 1544 (frères Prêcheurs de Dijon).. Les images de la
Vierge assise ou debout, isolée ou accompagnée de l'enfant Jésus, sont fréquentes. Au quinzième
siècle un art moins austère met, par certaines additions, plus de familiarité dans ce dernier groupe,
c'est ainsi que, sur le sceau de l'abbaye de Morimont Nos 1279, pl. LI ; 1280. en 1450, l'enfant Jésus
tient par l'aile un oiseau, mais bien avant on trouve une représentation de la Vierge mère donnant le
sein à son fils. L'auteur récent d'un ouvrage justement estimé et riche en aperçus nouveaux E. Male,
L’art religieux à la fin du moyen âge (Paris, 1908, in-4), p. 148. dit n'en pas connaître d'exemple en
France avant la miniature du Bréviaire de Belleville, vers 1345. Or le sceau et le contre-sceau de
l'abbaye de Moutier-Saint-Jean Nos 1281 et 1281 bis, pl. LI. en 1292, le contre-sceau de Guy de La
Tour, évêque de Clermont N° 945 bis, pl. XLI. On trouvera des types de Vierge allaitant dans les
ivoires du quatorzième siècle ; voir à ce sujet les ouvrages de M. R. Koechlin, en particulier Les ivoires
gothiques, dans l’Histoire de l’Art, publiée sous la direction d’André Michel, t. II, 1re partie, p. 459 et
sq., fig. 319, p. 482 ; Catalogue raisonné de la Collection Martin le Roy, fascicule II (Ivoires et
scultures), n° 46, pp. 99-100, pl. XXIII. Un ivoire français de la fin du treizième siècle montre déjà dans
une scène de la Nativité, la Vierge couchée présentant le sein à l’enfant Jésus (musée du Louvre,
Ivoires, n° 38 ; R. Koechlin, Les ivoires gothiques, cités plus haut, p. 480, fig. 317). Ce n’est
assurément pas le type définitif, mais l’idée qui inspira ce dernier s’y révèle. Il en faut rapprocher ce
bas-relief de pierre, connu sous le nom de Vierge de Dom Rupert, conservé au Musée archéologique
de Liège, et qui serait de la fin du douzième siècle (R. Koechlin, La sculpture belge et les influences
françaises au treizième et au quatorzième siècle, dans la Gazette des Beaux-Arts, t. XXX, 1903, 2e
semestre, p. 9). en 1271, montre la Vierge allaitant l'Enfant. S'il est vrai que les peintres aient fourni
aux enlumineurs de profession leurs modèles H. Bouchot, Les primitifs français (Paris, 1904, in-8),
pp. 11 et 12., et qu'à leur tour les miniaturistes aient été des vrais créateurs des types adoptés plus
tard par les sculpteurs E. Male, L’art religieux du treizième siècle en France (Paris, 1904, in-4), p.8.
auxquels il convient d'adjoindre les tailleurs de sceaux, il n'en reste pas moins que ces sceaux nous
permettent de constater, dans le cas présent, l'existence d'un certain type de Vierge à une date
précise et bien antérieure à celle que fournissent approximativement nos manuscrits. Je n'entends
nullement infirmer par là les précédentes assertions ; il est fort possible que l'on trouve par la suite
des œuvres peintes, représentant ce même type de Vierge, qui soient elles-mêmes antérieures à nos
sceaux. J'ai voulu simplement montrer par cet exemple quel précieux instrument de comparaison et
de critique constituent, pour toutes les branches de l'archéologie, la science sigillographique.
Nous voyons la Vierge dans la scène de l'Annonciation d'après un thème à peu près uniforme, sur les
sceaux de Hugues de Faucogney Nos 1017, pl. XLVII ; 1018. (1278 et 1281) et de Geoffroy de Mailly
N° 1020. (1291), tous deux archidiacres de Beaune, ainsi que sur celui d'Eudes de Saulon, archidiacre
de Flavigny N° 1028. en 1284 ; à la Crèche sur le sceau de Jean Allarmet de Brogny N° 876., cardinal
évêque d'Ostie et vice-chancelier de l'Église Romaine en 1424, suivant une disposition beaucoup plus
ancienne et qui paraît plus spéciale au treizième siècle ; sa mort ou son ensevelissement, dont les
exemples sont fort rares, sur le sceau de Jean de Jaucourt, abbé de Saint-Seine N° 1438. en 1339 ;
son Assomption sur celui du chapitre de Notre-Dame d'Auxerre N° 1055, pl. XLIII ; cf. Douët d’Arcq,
nos 151 et 153., sceau d'un remarquable travail dont le style rappelle les sceaux du douzième siècle ;
n'était l'auréole qui l'entoure et que deux anges soutiennent, la reine du ciel ne différerait pas des
reines de la terre, Constance de Castille ou Isabelle de Hainaut. Son couronnement enfin est figuré
sur le sceau de la Chartreuse de Fontenay-lès-Beaune N° 1535, pl. LX. en 1407 et sur celui de Jean de
Vaux, vicaire général des Franciscains N° 1552. en 1490.
Certains personnages se font représenter aux pieds de la Vierge dans l'attitude de la prière ; tel est le
cas pour Artaud, doyen de la chapelle ducale à Dijon N° 1089, pl. XLVIII. (1267) ; pour le couvent des
Carmes de cette même ville N°1533, pl. LIX ; voir aussi n° 1534, pl. LX. en 1401, et pour bien d'autres
encore. Sur le sceau de l'abbaye d'Auberive N° 1252., en 1364, quatre personnages figurent ainsi
agenouillés, et je dois mentionner ici, parce qu'il aurait pris naissance dans l'ordre fameux né en
Bourgogne, celui de Cîteaux, un thème iconographique très particulier : la Vierge de Miséricorde.
C'est la traduction figurée de cette vision d'un moine cistercien à qui Marie s'était montrée abritant
sous son manteau déployé les religieux de sa règle. Un sceau des définiteurs de Cîteaux N° 1540, pl.
LX, d’après une matrice conservée au Musée archéologique de Dijon. Je n’oserais en garantir
l’authenticité ; le type est évidemment ancien, mais une matrice semblable a récemment figuré dans
une vente publique. (Voir le catalogue de la Collection de feu M. Henri Schuermans, sceaux-matrices,
n° 130 et planche V, n° 22. La vente eut lieu du 5 au 7 avril 1909). nous en fournit en effet un
exemple. Des Cisterciens ce thème aurait passé aux autres ordres, puis aux confréries, si bien que
l'on vit plus tard, massés en deux groupes symétriques, sous le manteau protecteur de Marie, d'une
part tous les représentants du monde religieux, depuis le Pape jusqu'au moine, de l'autre tous ceux
de la société laïque, depuis l'Empereur jusqu'au vilain Voir P. Perdrizet, la Vierge de Miséricorde.
Bibliothèque des Ecoles françaises d’Athènes et de Rome, 1908, fascicule 101..
Parmi les saints plus spécialement honorés en Bourgogne et pour l'iconographie desquels les sceaux
fournissent d'intéressantes données, je signalerai tout d'abord saint Andoche avec ses compagnons,
et sainte Madeleine.
Saint Andoche, prêtre, et saint Thirse, diacre, auraient été envoyés en Gaule par l'évêque Polycarpe,
sous Aurélien, pour y prêcher le christianisme Voir, pour l’histoire de ces personnages, Acta
Snctorum, die XXIV septembris, pp. 663-677, et M. Pellechet, Notes sur les livres liturgiques des
diocèses d’Autun, Chalon et Mâcon, Paris et Autun, 1883, in-8, p. 78, note 3, et pp. 211.212.. Un
marchand nommé Félix et qui était chrétien les reçut. Faits prisonniers tous trois, ils furent frappés
de verges, suspendus à un arbre par les mains, jetés au feu, enfin décapités. A Saulieu, où ils subirent
le martyre, s'élevait, dès le quatrième siècle, une chapelle. Elle fut bientôt remplacée par un riche
monastère qui partagea toutes les vicissitudes de cette ancienne capitale du Morvan à la prospérité
de laquelle il avait largement contribué. A Autun, non loin delà porte romaine où saint Andoche avait
été, dit-on, emprisonné, fut fondée une abbaye. Ces établissements religieux, afin de se faire à
première vue reconnaître sur leurs sceaux, et n'est-ce pas là la première condition et le rôle même
de ce signe de validation Dans un acte passé à Cantorbéry, le 29 mai 1361, entre le procureur de
l’abbaye de Pontigny et le recteur de l’église de Westwell, les parties contractantes ont pris le sceau
de la ville de Cantorbéry quia sigilla partium predictarum pluribus suni incognita. (Voir n° 536)., y
voulurent rappeler leur origine et leur nom. On choisit le martyre des trois saints, mais bien d'autres
avaient été soumis à la flagellation, beaucoup avaient subi le supplice du feu ou la décollation. Le
trait spécial, et pourrait-on dire, personnel, d'après le récit des hagiographes, c'est qu'ils avaient été
pendus par les mains à un arbre avec des roues de pierre, des meules sans doute, attachées aux
pieds.
Les textes des Acta Sanctorum, ceux des livres liturgiques, les proses et les hymnes transcrites dans le
martyrologe d'Avallon, dans le vespéral et dans le missel d'Autun, l'expriment très clairement Tunc
beati martyres caesi, in ulmum cujusdam ? inversis manibus pariter suspenduntur et rotae impletae
saxis eorum pedibus conligantur (Acta Sanctorum, die XXIV septembris, p. 676. D ; voir aussi, p. 663,
C, E ; p. 664, A). – Flagellis cesi, in ulmo ota die inversis manibus suspensi, in ignem missi, sed non
combusti. (Martyrologe d’Avallon, XIIIe siècle, fol. 48. M. Pellechet, op. Cit., p. 211). – Suspensi in
arbore (Bréviaire d’Autun, M. Pellechet, op. Cit., p. 216). Mox et arboribus corpus suspendilur.
(Vespéral d’Autun, M. Pellechet, op. Cit., p. 222). – Principis ductus est [sanctus Andochius] cum
sociis in presencia, qui furore nimio motus fremuit in athletas quos suspendens distendi jussit rotis
saxeis membra (Missel d’Autun, M. Pellechet, op. Cit., p. 225). – Arbori posthac religantur ambo,
bachiis pendent, pedibusque saxum grande libratur (Bréviaire d’Autun, op. Cit., p. 226).. C'est donc
cette scène si éminemment caractéristique qui fut gravée sur les sceaux. Le prédicateur, aux jours de
fêtes et de pèlerinages, s'inspirait de ces hymnes pour raconter la vie des martyrs ; il n'en omettait
nul détail qui pût frapper l'esprit de ses auditeurs, et le vilain le plus ignorant, le rustre le moins
dégrossi qui l'avaient entendu, eussent sur ces sceaux, qui sont comme de petits bas-reliefs, reconnu
saint Andoche et ses compagnons aussi aisément qu'ils retrouvaient, parmi les sculptures de l'église,
dans les peintures et sur les vitraux, les scènes de l'Ecriture et les légendes des saints.
Sur le sceau de saint Andoche d'Autun N° 1298, pl. LIII., que l'on trouve en 1377 mais qui doit
remonter à une époque bien antérieure, un dessin barbare montre saint Andoche et ses
compagnons, les cheveux mi-longs, suspendus par les mains à un arbre ; des roues de pierre,
conformément aux textes liturgiques, sont passées à leurs pieds comme de pesants anneaux ; audessous d'eux se tient un oiseau qui semble être un corbeau, la tête retournée, un rameau dans le
bec. Pour Saulieu, c'est le sceau du doyen, Guillaume N° 1102, pl. XLVI., en 1276, qui représente les
trois martyrs. Leur costume, ici, permet clairement de les distinguer : saint Andoche, comme prêtre,
est vêtu de la chasuble ; saint Thirse, diacre, de la dalmalique, le manipule ramené sur l'épaule par le
mouvement du bras levé ; saint Félix, laïque, porte une tunique. Les disques de pierre pendent
rattachés à leurs pieds. Il en est de même sur un sceau dont cette collégiale se servait en 1594 et en
1668, et qui reproduit évidemment un type du quatorzième siècle N° 1070..
En 1268, Renaud de Volnay, archiprêtre d'Arnay N° 1183, pl. XLVIII., met sur son sceau saint Andoche
seul, les pieds passés dans les roues de pierre. Il aura voulu rappeler par là que la patronne de Volnay
était l'abbesse de Saint-Andoche d'Autun, à moins que ce ne soit la marque d'une dévotion
particulière, puisque sur un sceau d'un archiprêtre de Beaune qui s'appelle aussi Renaud de Volnay
(1276) et qui est peut-être le même que le précédent N° 1190, pl. XLVIII., saint Andoche est figuré de
la même façon, sauf que l'arbre est à droite au lieu d'être à gauche et que le graveur, peu fidèle à la
leçon de certains textes qui indiquent un orme, a manifestement dessiné un chêne.
Des reliques de sainte Madeleine amenées, prétendait-on, par Girart de Roussillon à Vézelay,
valurent à l'abbaye son nom et sa fortune. Le sceau de l'illustre monastère N° 1297, pl. LIII., inspiré
de l'évangile de saint Jean, représente la scène où le Christ ressuscité apparaît à Madeleine dans un
jardin. Debout, appuyé sur une croix hampée, il appelle la pécheresse : « Maria » ; celle-ci qui ne
l'avait pas reconnu d'abord, tombe à genoux s'écriant : « Rabboni » (mon maître) Evangile selon
Saint-Jean, chap. XX, v. 16.. Un arbre sépare les deux personnages, c'est, comme dans la mise en
scène sommaire et conventionnelle des mystères, l'indication du jardin. Les deux mots : Maria,
Rabboni, sont écrits sur des banderoles. Cette disposition était classique ; elle se retrouvait dans un
tableau conservé, dit-on, jadis à Montmartre, et les bonnes femmes, interprétant à leur façon le mot
hébreu que le vieux peintre avait tracé près des lèvres de la Madeleine, venaient prier devant cette
peinture pour obtenir le « rabbonissement » de leur mari Ch. Cahier, Caractéristiques des saints
dans l’art populaire, t. I, p. 55.. Mais bien que le sujet ait été maintes fois traité, on ne peut
s'empêcher de constater l'analogie frappante qui existe entre le sceau de Vézelay et cette apparition
du Christ à la Madeleine reproduit, en des dimensions à peu près identiques, parmi d'autres scènes
de la vie de Jésus, sur deux reliures d'ivoire conservées au Musée du Louvre et dont l'une provient de
l'abbaye de Saint-Denis Catalogue, n° 100. L’autre est une acquisition de 1899.. La plus notable
différence est que l'ordre se trouve interverti, le Christ étant, sur le sceau, à gauche du spectateur, et
sur les bas-reliefs du Louvre, à droite. Or nous relevons d'autre part, dans les comptes de Mahaut
d'Artois, la femme d'Otton, comte de Bourgogne, à qui les arts doivent tant, le nom d'un certain Jean
le Scelleur qui fournit à cette princesse divers objets d'ivoire : en 1315, deux peignes et une broche ;
en 1325 une image de Notre-Dame à tabernacle et une croix de cèdre à image d'ivoire J.-M. Richard,
Mahaut, comtesse d’Artois et de Bourgogne, Paris, 1887, in-8, pp. 321-322.. Il avait aussi « enluminé
» le miroir de la comtesse et, en 1322, réparé une statue d'ivoire achetée aux exécuteurs
testamentaires de la reine Marie, veuve de Philippe le Hardi. C'est évidemment le même personnage
que Jean le Scelleur qui, à la date du 26 décembre 1316, est porté dans les comptes de Geoffroy de
Fleury, argentier de Philippe le Long, pour un peigne, un miroir, une gravoire ainsi qu'un fourreau de
cuir Douët d’Arcq, Comptes de l’argenterie des rois de France au quatorzième siècle, Paris, 1851, in8, p. 15., et en 1327, dans les comptes de l'hôtel de Hainaut, pour une image d'ivoire Ch. Dehaisnes,
Histoire de l’art de la Flandre, l’Artois et le Hainaut avant le quinzième siècle, p. 466..
Faut-il croire que cet artisan savait graver le cuivre comme il taillait l'ivoire, et interpréter le nom du
scelleur comme indice d'une profession ? Il n'est pas incompatible avec ce que nous savons des
ouvriers du moyen âge de penser que certains de ces imagiers, dont les doigts habiles travaillaient
avec une égale facilité le bois, la pierre ou le métal, aient aussi taillé des sceaux et sculpté des ivoires
Renaud le Bourgeois, désigné ordinairement sous le nom de Renaud l’Orfèvre, qui fit de nombreux
objets en métal précieux pour Mahaut d’Artois, et qui était aussi émailleur, travaillait l’ivoire (J.-M
Richard, op. Cit., pp. 239-248 ; R. Koechlin, Les Ivoires gothiques, cités plus haut, p. 461), de même
Jean le Brailler, cité dans l’inventaire de Charles V, en 1380 ; cf. Douët d’Arcq, Comptes de
l’argenterie des rois de France au quatorzième siècle, pp. 123-130 ; R. Koechlin, op. Et loc. Cit. Jean
de Marville, employé par Charles V à la sculpture de la chapelle par lui fondée en l’église de Roue,
puis par le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, pour le tombeau que ce prince se faisait ériger dans la
Chartreuse de Champmol près Dijon, achetait, en 1377, de l’ivoire pour certains travaux commandés
par ce dernier (A. Kleinclausz, Claus Stuter, p. 39 ; - C. Monget, La Chartreuse de Dijon, t. I, pp. 65-70
et passim ; - R. Koechlin, op. Cit., p. 462).. Ainsi s'expliqueraient aisément la ressemblance des uns et
des autres. Je voudrais toutefois que d'autres preuves vinssent confirmer cette hypothèse. Il ne faut
pas en effet perdre de vue que certains types, certains sujets classiques pour ainsi dire, ont été
pendant longtemps reproduits suivant des données invariables, quelqu'ait été la matière soumise à
l'artiste ou l'étendue du champ qu'il avait à remplir, que ce fussent les fines miniatures d'un livre
d'heures ou l'étroit revers d'un miroir, le cadre restreint d'un ornement d'église ou le large tympan
d'un portail.
Cette scène de l'apparition du Christ à la Madeleine se trouve en 1262 sur le sceau de Thibaut de
Faucogney, archidiacre de Beaune N° 1016. ; elle se voyait déjà sur celui de Vézelay en 1205, et y
demeura jusqu'au dix septième siècle N° 1297, pl. LIII ; Douët d’Arcq, nos 8436, 8437, 8438.. Le
sceau d'un clerc du roi Demay, Sceaux de l’Artois, n° 1930. en 1324, Guillaume de La Madeleine, en
présente une étrange variante ; la disposition générale reste la même, les personnages sont changés,
c'est le clerc qui est à genoux devant Madeleine, debout devant lui et clairement reconnaissable au
vase à parfum qu'elle tient à la main ; entre eux se dresse, comme dans la représentation classique,
un petit arbre dont la présence rend évidente l'adaptation un peu fantaisiste d'un thème bien connu.
Parmi les autres saints figurés sur les sceaux de Bourgogne, j'indiquerai sommairement encore :
sainte Catherine, couronnée, tenant d'une main la palme du martyre, de l'autre la roue, instrument
de son supplice, sur les sceaux de Guillaume Chenily N° 787, pl. XXXIX., receveur au bailliage de Dijon
pour le duc de Bourgogne (1393) et de Jean Canard N° 902., évêque d'Arras, en 1395. Sur celui d'un
auditeur du Sacré Palais N° 879 ; pl. XXXV. (quinzième siècle), déjà cité, elle n'est pas couronnée et la
palme est remplacée par l'épée qui servit à la décapiter.
Sainte Cécile, avec une palme et un livre, sur le sceau de Guy de Boulogne N° 872., cardinal-prêtre
de Sainte-Cécile (1346).
Sainte Colombe, couronnée, les cheveux épars, tenant une palme et un livre, sur le sceau de
Guichard de Biernes N° 1447., abbé de Sainte-Colombe de Sens en 1463.
Saint Côme et saint Damien, en costume de docteur, un vase à la main, sur le sceau de François de
Zabarella N° 875., archevêque de Florence, cardinal de Saint-Côme et Saint-Damien en 1416.
Saint Etienne, sur les sceaux et contre-sceaux de l'officialité de l'archidiacre de Sens Nos 1049, pl.
XLV, 1050 bis ; Douët d’Arcq, n° 7505., en 1254 et 1386 ; sa lapidation sur le contre-sceau d'Étienne
Bécard N° 894 bis (1309) et sur le sceau de Guillaume de Melun N° 895. (1828), tous deux
archevêques de Sens.
Saint François, en moine, les mains jointes, sur le sceau du général des frères Mineurs N° 1551. en
1617.
Saint Georges à cheval, perçant le dragon de sa lance, sur le sceau du « précepteur du Temple » en
1269, Guillaume de Gonesse N° 1558, pl. LX.. Le travail en est barbare. Ce type de saint Georges au
dragon, qui, ainsi que le fait remarquer l'auteur de la Numismatique de l'Orient latin G.
Schlumberger, Numismatique de l’Orient latin, in-4, 1878, p. 49., avait été adopté par Robert
d'Antioche sur ses monnaies, fut imité sur les monnaies de plusieurs princes musulmans.
Saint Jean-Baptiste : son chef dans un plat, au contre-sceau de Gaudry, abbé de Moutier-Saint-Jean
N° 1397 bis.en 1298 ; en pied, vêtu de peaux de bêtes, sur le sceau de Jean le Jeune N° 877, pl.
XXXIV., cardinal de Sainte-Praxède et évêque de Thérouanne en 1442.
Saint Julien (?) tenant un oiseau, sur le sceau de l'abbaye de Saint-Julien d'Auxerre N° 1300. en 1539.
Saint Laurent, vu de face, étendu sur un gril dont les barres, curieusement disposées, s'entrecroisent
autour du corps du martyr, sur le sceau de Hugues de Corabeuf N° 1084, pl. XLV., doyen de Chalon
en 1322. Sur le sceau de « Benedictus de Babuco » N° 1157, pl. XLVII., chanoine de Tivoli, à la même
date, il est représenté de profil, deux bourreaux attisant le feu.
Saint Lazare, patron de l'église d'Autun : sa résurrection est figurée, sans différences bien notables,
sur le sceau de deux évêques de ce diocèse, Geoffroy David N° 913, pl. XXXVIII. (1365) et Nicolas de
Tholon N° 916. (1391). Lazare sort à mi-corps d'un sarcophage orné d'arcatures ; le Christ debout,
entouré d'autres personnages, prononce les paroles évocatrices : « Lazare, veni foras Evangile selon
saint-Jean, chap. XI, v. 43.. »
Saint Léger, évêque d'Autun : une scène de son martyre, celle qui se trouve d'ailleurs le plus
fréquemment représentée sur les sceaux, se voit sur celui du prieur de Saint-Léger N° 1524, pl. LIX ;
voir aussi n° 1523 et, n° 1522, la décollation du saint. au diocèse de Langres (1384). La victime
d'Ébroïn est debout, en costume épiscopal ; un bourreau, qui semble s'acquitter fort allègrement de
sa besogne, lui crève les yeux avec une tarière.
Saint Marcel, en vêtements ecclésiastiques, debout, tête nue, les deux bras repliés et les poignets
pris dans des ceps qui entourent aussi le cou, est figuré sur le sceau de Saint-Marcel-lès-Châlon N°
1264, pl. L. en 1319. Sur le sceau du prieur de ce couvent, à la même date N° 1484., le saint est
attaché, conformément au récit des hagiographes, par les pieds et par les mains à deux arbres
rapprochés de force et qui devaient, en se redressant, l'écarteler.
Saint Martin, à cheval et partageant son manteau avec un pauvre, sur les sceaux de Jean Motel N°
1121., écolâtre de Saint-Martin de Tours en 1322. Chablis appartenait à cette illustre collégiale de
Saint-Martin de Tours, et c'est pourquoi la scène si populaire du charitable cavalier figure aussi sur le
sceau de la juridiction de Chablis Nos 1159 et 1159 bis. et sur celui du prévôt Pandolfo dei Savelli N°
1125, pl. XLVI.. Une certaine maigreur des personnages, une sorte de grêle élégance dans tout
l'ensemble de ce sceau, inciteraient à croire qu'il a pu être gravé en Italie, d'où son propriétaire était
incontestablement originaire.
Saint Maurice, dont Amédée VIII, comte de Savoie, fera le patron de l'ordre qu'il fonda en 1438, se
voit sur le sceau de ce dernier N° 131, pl. XVII. en 1404. Il est debout, nu-tête, en costume de
chevalier, l'épée au côté, tenant d'une main une bannière à la croix de Savoie, de l'autre son heaume
cimé d'un mufle de lion, tel que le portent les souverains de Savoie. Sans le nimbe qui distingue le
saint, on croirait plutôt voir le comte lui-même.
Saint Nicolas, en évêque, avec la cuve d'où sortent les trois enfants, sur le sceau d'un chanoine de
Reims, Nicolas Duguet N° 1155., au quinzième siècle.
Saint Pierre et saint Paul ; les types en sont innombrables, je citerai seulement saint Pierre en
chasuble, de face, issant d'une nuée, tenant les clefs et un livre, sur le sceau de l'abbaye de SaintPierre de Flavigny N° 1273. en 1295. Il est en pape, avec une tiare conique, sur le sceau de SaintPierre de Molosme N° 1277, pl. LI ; voir aussi n° 1278, pl. LI. en 1344 ; saint Paul, tenant l'épée, sur le
sceau de l'abbaye de Pothières N° 1284, pl. LI., en 1331, etc.
Saint Philibert, abbé de Rebais, nimbé avec la crosse et la mitre, sur le sceau de l'abbaye qui porte
son nom à Tournus N° 1295, pl. LII. (1295).
Saint Symphorien, le martyr d'Autun, est figuré, tenant sa tête devant lui, sur deux sceaux du prieuré
placé sous son vocable dans cette ville (1268 et 1347) Nos 1495, 1496..
Saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, fut tué, comme on sait, à la suite de ses démêlés
avec le roi Henri II, par quatre chevaliers au pied même de l'autel où il allait célébrer la messe. La
scène dramatique se voit sur le sceau de cette ville N° 536 bis, pl. XXIX. Douët d’Arcq (n° 10216) met
le sceau pour le contre-sceau. Voir, pour l’iconographie de saint-Thomas Becquet et spécialement
pour la scène de son martyre, WALTER DE GRAY BIRCH et HENRI JENNER, Earty Drawings and
illuminations (London, 1879), sous Thomas archbishop of Canterbury (PAUL MEYER, Fragmente d'une
vie de saint Thomas de Cantorbéry, dans la Société des anciens textes français, 1885, p. XLIII) ; — A.
DE MONTAIGLON, Antiquités et curiosités de la ville de Sens, dans la Gazette des Beaux-Arts, 2° série,
t. XXII (1880), p. 131 (64-65 du tirage à part) ; — E. RUPIN, l'Œuvre de Limoges, 2e partie, Les
monuments, 1890, in-4, pp. 396-399 ; J.-J. MARQUET DE VASSELOT, Catalogue raisonné de la
Collection Martin le Boy, fascicule 1 (orfèvrerie et émaillerie), n° 26, pp. 43-44, planche XIX.. Le prélat
agenouillé tourne le dos à l'autel, derrière lequel se tient debout un acolyte, pour se présenter aux
quatre chevaliers qui le frappent. Les relations de Pontigny, où le corps de saint Edme attirait
naguère encore des pèlerinages anglais, avec Cantorbéry expliquent la présence de ce sceau aux
archives de l'Yonne.
Saint Vincent, au contre-sceau de l'abbaye de Morimont N° 1279 bis. en 1450-1451 (type du
quatorzième siècle) est figuré nu, suspendu horizontalement par les mains et par les pieds à des
entraves qui, d'après la légende : Vincencius in eculeo, nous montrent très approximativement ce
qu'était cet instrument de supplice, le chevalet.
Sous le nom de type topographique se rangent les sceaux qui représentent soit une construction
isolée, soit un ensemble de monuments. Le duc de Bourgogne Hugues III porte, comme comte
d'Albon, sur son sceau le palais de Vienne en Dauphiné, dont il a déjà été précédemment parlé N° 52
bis. ; on retrouve le même édifice sur le contre-sceau du Dauphin N° 142 bis, pl. XIX. en 1227.
D'autres châteaux forts, des portes, ou des enceintes fortifiées se voient sur les sceaux de Cantorbéry
N° 536, pl. XXIX. (1361), de la sénéchaussée de Bourmont N° 626, pl. XXXII. (1303), du bailliage de la
Montagne N° 637, pl. XXXII. (1381), de la prévôté de Cézy N° 647, pl. XXXI. (1447), du bailliage de
Bar-sur-Seine N° 624. (1447) ? de la châtellenie de Châteaumeillant N° 586. au quinzième siècle. Ce
sont, surtout, on le voit, des sceaux de juridiction. Souvent des insignes héraldiques, sans parler des
fleurs de lys, les accompagnent, tels des léopards pour Cantorbéry, des poissons pour Bourmont. Une
tour ronde, à toit conique, pourvue de hourds et de mâchicoulis, percée d'une porte dont la herse
est levée, figure sur un sceau de la cour de Chaussin N° 587, pl. XXXI., en 1358, entre les deux écus
de Bourgogne duché et de Bourgogne comté. Plus tard, en 1442, pour la même juridiction, ce sera
une porte de ville crénelée N° 588 et 588 bis., flanquée de deux tourelles, la herse baissée, s'érigeant
sur un roc d'où se détache l'écu écartelé de Bourgogne.
Parmi les monuments religieux, j'ai cité déjà cette très remarquable bulle de l'évêque de Cefalù N°
929 bis, pl. XXXIX. qui nous a transmis l'image peut-être unique de la cathédrale de cette ville en
1158. Sur le sceau de Henri, official de Tonnerre N° 1051, pl. XLII. en 1229, c'est, sur un massif de
maçonnerie, une construction à deux étages percés d'ouvertures en plein cintre, coiffée d'un large
toit d'où sort un clocher entre deux tours rondes.
Tous les sceaux qui ne peuvent être rattachés aux types précédents constituent une dernière classe,
le type arbitraire ou de fantaisie ; ils offrent, à ce titre, une variété extrême.
On y verra, sur le sceau de Philippe Arnault, bourgeois de Dijon N° 542. en 1898, une tête d'homme
imberbe, dont les traits accentués, les cheveux roulés sur les oreilles, sont fort caractéristiques ; un
griffon sur celui de Robert de La Rue, bourgeois de Beaune N° 545. (1267) ; un chien courant, devant
un arbre, sur celui de Jean Abraham, veneur du duc de Bourgogne N° 861 ; voir aussi n° 862. en
1345 ; un arbre animé par des oiseaux, sur celui du sénéchal de Bourgogne, Jean de Vergy N° 145.,
en 1276 ; un personnage chevauchant un lion et lui ouvrant la gueule des deux mains sur le sceau de
Jacques Hardi, citoyen de Sens N° 544., en 1329, qui aura voulu sans doute faire une allusion à son
nom ; un personnage coiffé d'un heaume, chevauchant un bœuf, brandissant d'une main une
branche, tenant de l'autre un écu, sur le sceau de Girart de Ternier, chevalier, chambellan du duc de
Bourgogne N° 155, pl. XXII. en 1397, etc. Cependant il ne serait pas impossible de constituer, dans
cette variété même, certains groupes, par exemple ces nombreux sceaux ecclésiastiques où, sur des
feuillages symétriquement disposés, sont affrontés deux oiseaux, motif décoratif fort ancien qui orne
déjà les chapiteaux byzantins Voir, par exemple, n° 1187, pl. XLVII ; n° 1239 ; pl. XLIX..
De même, on peut ranger à part les pierres gravées et les intailles. Demay en a jadis dressé une liste
Cette liste, précédée de quelques notes et accompagnée de planches, forme la préface de
l’Inventaire des sceaux de l’Artois et de la Picardie, pp. III-XXIV.. On les trouve seules, tel ce buste de
Vénus dont un archevêque de Sens en 1174, Guillaume de Champagne, a fait son sceau secret N°
893., ou ce buste de Diane que Renaud de Volnay, archiprêtre de Beaune en 1276, a employé comme
contre-sceau N° 1190 bis, pl. XLVIII., ou bien encore ce personnage tenant une corne d'abondance
visible sur le sceau d'un bailli du duc de Bourgogne N° 693. en 1333. D'autres fois ces intailles sont
réunies, par deux, par trois, ainsi qu'on le voit au contre-sceau du duc de Bourgogne Hugues IV, en
1234 Douët d’Arcq, n° 469.. Enfin elles peuvent être encastrées dans une matrice de métal plus
grande et compléter le sujet qui s'y trouve gravé, et l'on sait à quelle curieuse interprétation donna
lieu une pierre de ce genre placée dans un des sceaux des foires de Champagne ; elle représentait un
homme barbu, on en lit Mahomet, et l'on en conclut à une alliance entre le comte de Champagne et
les Infidèles F. Bourquelot, Etude sur les foires de Champagne aux douzième, treizième et
quatorzième siècles, dans Mémoires présentés par divers savants à l’Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, IIe série, t. V, 2e partie, pp. 233-234..
Je ne ferai qu'une observation au sujet de la légende des sceaux et des abréviations qu'elles
renferment pour les noms de lieu, abréviations qu'il est souvent embarrassant de rétablir Pour la
légende en général, voir Douët d’Arcq, La Collection des empreintes de sceaux des Archives de
l’Empire, t. I, pp. XCIII-CIX, et l’étude consacrée par G. Demay à la paléographie des sceaux en tête de
son Inventaire des sceaux de la Normandie, pp. III-XLIV.. Sur un sceau de l'officialité de l'archidiacre
d'Avallon N° 1044. en 1324, on lit : « s., MAGNU... CV... CHIDIACONI AVALONE... », qu'il faut
évidemment compléter ainsi :
« Sigillum magnum curie archidiaconi Avalonensis ». Sur le contre-sceau N° 1044 bis., il y a, en toutes
lettres, [contra sigillum] curie archidiaconi Avalonis. Il semble donc, d'après cet exemple, qu'il n'y ait
pas de règle fixe à cette époque et qu'on employait indifféremment soit le nom propre de lieu, soit
l'adjectif qui en dérive.
On peut se rendre compte, par le rapide aperçu que je viens de donner, du nombre et de la variété
des sujets auxquels touche la sigillographie ; elle ne fournira évidemment pas toujours réponse aux
très nombreuses questions que les archéologues voient se poser au cours de leurs recherches, mais
on peut affirmer qu'en restreignant, le plus souvent, par des indications précises, le champ des
investigations et le domaine des probabilités, elle facilitera singulièrement la solution de ces
problèmes. Il eût été intéressant de développer ici quelqu'un des points que je n'ai fait que signaler,
de montrer par exemple combien fructueuse serait la comparaison des sceaux avec d'autres
monuments figurés, mais une pareille étude eût retardé la publication du présent inventaire. Le
public appréciera, je l'espère, l'utilité de ce nouvel instrument de travail qui donne, en quelque sorte,
plus que ne promet, au point de vue géographique, son titre, puisqu'il lui offrira, entre le neuvième
et le seizième siècle, une série de documents où figurent aussi bien les sceaux de Charles le Chauve
et de Boson, roi de Provence, que ceux de la ville de Cantorbéry, d'Aurembiax, comtesse d'Urgel, de
Baudouin, empereur de Constantinople, et de.Jean de Capolya, « woyvode de Russie ».
Je dois remercier, en terminant, M. Etienne Dejean, directeur des Archives, à qui l'érudition devra la
reprise des inventaires sigillographiques et la conservation aujourd'hui assurée de centaines de
monuments condamnés à une inévitable destruction, de m'avoir confié ce travail. Je remercie aussi
M. Henri Stein, sous-chef du secrétariat des Archives, et M. Fernand Gerbaux, conservateur des
Archives anciennes, qui ont bien voulu prendre la peine de relire mes épreuves, ainsi que mes
confrères de l'École des Chartes qui, dans les dépôts commis à leurs soins, se sont efforcés de
faciliter mes recherches et m'ont partout préparé l'accueil le plus affable ; je n'oublierai pas non plus
M. Max Prinet, dont la compétence toute particulière et le bienveillant concours ont été largement
mis à contribution pendant les longs mois qui ont été nécessaires pour la préparation du présent
travail ; son érudition a singulièrement aidé à la solution d'une foule de questions indispensables à
élucider.
J'ose espérer que ceux qui consulteront cet inventaire pourront en retirer quelque profit et que, s'ils
y relèvent des erreurs, ils voudront bien se rappeler qu'elles sont inévitables dans un ouvrage de ce
genre, quels que soient le soin et la patience apportés à sa rédaction.
AUG. COULON.