La question sociale et la lutte des classes

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La question sociale et la lutte des classes
CERCLE "AUTOUR DE LA PENSÈE DE MARX" – Octobre 2012
La question sociale et la lutte des classes
Dans notre dernière contribution nous avons indiqué que pour nous le mot « crise »
avait un sens bien précis. Il s'agissait de la crise du système capitaliste, dans sa
nature propre, et que cette crise se répercutait sur tous les aspects de la société.
Après avoir évoqué les crises du mode de production capitaliste dans l'histoire, nous
en avons indiqué les caractéristiques et les contradictions: surproduction,
machinisme et accumulation. Aujourd'hui nous abordons le thème de la question
sociale et de la lutte de classe.
On attribue à Karl Marx la paternité de l’existence des classes et de la lutte des
classes. Pourtant Marx écrit en 1852, dans une lettre à Joseph Weydemeyer : « Ce
n’est pas à moi que revient le mérite d’avoir découvert ni l’existence des classes
dans la société moderne, ni leur lutte entre elles. » Comme auteurs de cette
découverte, Marx cite le ministre orléaniste François Guizot (1787-1874), qui parla le
premier de lutte des classes en 1820 dans son livre : « du gouvernement de la
France depuis la restauration et du ministère actuel » et Adolphe Thiers (17971877), que Marx surnommera « Le nabot monstrueux » pendant la Commune de
Paris. Depuis qu’Engels et Marx ont affirmé, dans la première partie du « manifeste
du parti communiste » (1848), que « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a
été que l’histoire de luttes de classes » , le concept de classes sociales n’a pas
cessé de diviser et d’opposer. Querelles au caractère passionné, dans la mesure où
leurs enjeux n’ont jamais été seulement théoriques, mais qu’ils ont toujours compris
et qu’ils continuent d’ailleurs à comprendre une dimension politique, les thèses des
uns et des autres exprimant aussi leurs positions partisanes.
Cette brève analyse historique nous permet d'éviter les amalgames et les confusions
entre les classes sociales et les catégories sociales, ou entre lutte des classes et
luttes catégorielles.
Pour Marx l'histoire des sociétés s'explique par l'organisation matérielle de la
production, qui voit des conflits d'intérêt entre ceux qui détiennent les moyens de
production et ceux qui apportent leur force de travail dont il ne perçoivent pas la juste
contrepartie. Le conflit naîtra de la prise de conscience d'appartenir à la classe des
exploités.
Dans la préface de la première édition allemande du « capital », Marx écrit «…le but
final de cet ouvrage est de dévoiler la loi économique du mouvement de la société
moderne (…) il ne s’agit ici des personnes, qu’autant qu’elles sont la personnification
de catégories économiques, les supports d’intérêts et de rapports de classes
déterminés » (ES L1 p.13)
Marx, abordant le sujet de la transformation de l’argent en capital, décrit la relation
exploitant-exploité sans détours: « Notre ancien homme aux écus prend les devants
et, en qualité de capitaliste, marche le premier ; le possesseur de la force de travail le
suit par-derrière comme son travailleur à lui ; celui-là, le regard narquois , l’air
important et affairé ; celui-ci timide, hésitant, rétif, comme quelqu’un qui a porté sa
propre peau au marché, et ne peut plus s’attendre qu’à une chose : à être tanné »
(ES L1 p. 135).
De cette relation exploitant-exploité naît la question sociale et la lutte de classe
nécessaire pour que les exploités puissent se libérer de l'exploitation des capitalistes.
Marx abordant le thème de la production de la plus-value absolue écrit « …il faut que
les ouvriers ne fassent plus qu’une tête et qu’un cœur ; que par un grand effort
collectif, par une pression de classe, ils dressent une barrière infranchissable, un
obstacle social qui leur interdise de se vendre au capital… » (ES L1 p. 222)
La question sociale et la lutte de classe selon François Hollande
Décryptage de la lettre à tous les Français du 3 janvier 2012
François Hollande, après avoir brossé un tableau très négatif de la situation sociale
et économique des Français, considère que « le pacte social qui les unit est
attaqué » et qu’ils voient « avec colère la France abaissée, affaiblie, abîmée,
-dégradée- ». F.H. indique que la « dépression économique est là, l’angoisse sociale
est partout… ». Selon lui la crise, commencée en 2008, est le produit de la
mondialisation débridée, de la cupidité des élites financières, du libéralisme effréné,
de l’incapacité des dirigeants européens à dominer la spéculation, des politiques
injustes et stériles menées depuis dix ans et des fautes économiques et morales de
ce dernier quinquennat. F.H. ne se résigne pas au découragement général et il
énumère les atouts de la France pour arriver au « redressement de nos comptes
publics comme celui de notre appareil productif ». Ces atouts permettrons aussi «La
reconquête de notre souveraineté financière » F.H. rappelle que « La France a
pourtant traversé bien des épreuves en un demi-siècle : des crises économiques, de
graves mouvements sociaux,... » et que « l’indispensable redressement de la
Nation » pour le réussir, quatre principes l’inspireront: la vérité,la volonté, la justice et
l’espérance « qui donne à la Nation sa fierté d’avancer, de dépasser ses intérêts et
ses catégories d’âge et de classes pour se donner un destin commun, qui nous élève
et nous rassemble, » F.H. conclue en affirmant que les Français se tourneront vers
lui qui a « la responsabilité de diriger le pays. »
Pour F.H. la question sociale se limite à une description de la situation sociale
angoissante des Français, situation qui peut évoluer positivement si on lui fait
confiance, car la France a les atouts nécessaires pour surmonter les difficultés
actuelles. En aucun moment la question sociale est considérée comme une question
de pouvoir, une question de système économique. En effet F.H. considère que la
crise, commencée en 2008, n’est qu’une crise comme tant d’autres. Donc pour lui la
crise n'est pas la cause mais la conséquence d'une série de facteurs: mondialisation
débridée, cupidité des financiers, libéralisme effréné, ... A chaque fois il ne remet pas
en cause le système économique actuel, mais il dénonce ses dérives malsaines.
Selon lui les problèmes viennent non pas de la nature du système mais uniquement
de sa gestion. On peut aussi remarquer qu'il ne parle pas de capitalisme, comme s'il
était dans la nature des choses, comme l’air qu’on respire, comme le seul système
économique envisageable.
Pour F.H. la lutte des classes n’a pas lieu d’exister, plus, elle est malsaine car elle
est contraire à l’unité des Français. En effet selon lui il faut dépasser les intérêts de
classe pour le redressement et l'unité de la Nation. Selon lui « le pacte social » qui
unit les Français serait basé sur la collaboration des classes et la réforme du
système actuel pour une meilleure répartition des richesses. Donc, pas question de
révolution, pas question de lutte des classes, comme si celle-ci n’existait pas
aujourd’hui.
Jacky Jordery, Serge Roigt, Bruno Silla – Montceau-les-Mines - Octobre 2012