Stefan Burkhardt, Thomas Foerster (ed.), Norman Tradition and

Transcription

Stefan Burkhardt, Thomas Foerster (ed.), Norman Tradition and
Francia­Recensio 2015/4
Mittelalter – Moyen Âge (500–1500)
Stefan Burkhardt, Thomas Foerster (ed.), Norman Tradition and Transcultural Heritage. Exchanges of Cultures in the »Norman« Peripheries of Medieval Europe, Farnham, Surrey (Ashgate Publishing) 2013, VI–305 p., ISBN 978­1­
4094­6330­6, GBP 67,50.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Fabien Paquet, Caen
Stefan Burkhardt et Thomas Foerster présentent dans le présent volume les contributions d’un colloque tenu à Heidelberg en 2010. Des historiens notamment anglais, italiens et allemands y offrent des perspectives sur les zones périphériques de l’Europe où les Normands se sont installés. L’essentiel des études se concentre sur les régions méditerranéennes, pour lesquelles sont surtout valables les conclusions de l’ouvrage, malgré quelques escapades dans les îles Britanniques, en Normandie et en Russie. Pour la Sicile et l’Italie, on trouvera des études minutieuses, sur des domaines allant de la diplomatique à l’histoire sociale, qui donnent à voir des lieux d’hybridité culturelle, où sur des espaces, parfois très restreints, la culture »normande« a complété et modifié des éléments culturels préexistants – grecs, byzantins ou arabo­musulmans surtout.
Dans cette perspective, Hubert Houden se demande si la Sicile normande fut un »troisième lieu«, c’est­à­dire si les cultures normande, grecque orthodoxe et arabo­musulmane échangèrent suffisamment pour donner lieu à des formes culturelles véritablement hybrides. À la cour, à ses yeux, pas de doutes: le prouvent notamment des inscriptions dans les trois langues ou notamment le fait que le maître justicier de Palerme, Guillaume Malconvenant, descendant d’une famille normande, signait dans la deuxième moitié du XIIe siècle les documents également en arabe – comme les rois d’ailleurs. Ce qui étonne avec Guillaume, c’est que là où d’autres avaient des scribes pour signer en arabe à leur place, lui, qui ne savait probablement même pas écrire, a appris à signer lui­même, certes en coufique, plus simple que l’écriture cursive (le naskh), mais lui­même quand même.
Toutefois, cette hybridité est­elle le résultat de la situation exceptionnelle qui est celle de la cour ou bien est­ce la seule pour laquelle nous ayons des documents? Si la Sicile était, avant les Normands déjà, une zone de contacts, où des populations jouaient un rôle d’intermédiaire central – les chrétiens qui parlaient arabes en premier lieu – H. Houden note qu’au XIIe siècle la culture latine l’emporte sur les autres, avant que Frédéric II ne finisse d’éliminer la culture arabo­musulmane de Sicile. Dans le cas sicilien ressortent deux dynamiques que l’on retrouve ailleurs en Méditerranée: d’une part l’enrichissement par les Normands d’une mixité culturelle préexistante et d’autre part la continuation ou l’abandon des traditions apportées. C’est exactement ce qui advint en Italie du Sud, ainsi que le montre Graham Loud. Ce­dernier ne manque pas, en outre, de rappeler à raison que quand les Normands quittèrent leur principauté pour la Méditerranée, les institutions normandes étaient encore Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
dans leur enfance: comment auraient­ils pu emmener quelque chose qui n’existait pas encore? Il appelle, à la fin de son texte, à des études précises, qui partent des faits rencontrés sur les territoires plutôt que de ce qu’on voudrait y trouver.
Julia Becker montre que Roger Ier († 1101) et Roger II († 1154) de Sicile ont largement prolongé les traditions diplomatiques normandes (par exemple l’invocatio), en s’inspirant aussi de celle de la chancellerie pontificale. Elle insiste surtout sur le fait que l’intégration d’éléments arabes ou gréco­
byzantins, d’abord due, sous Roger Ier, à des considérations pragmatiques, est devenue sous Roger II partie intégrante de l’identité monarchique en la matière: »Roger II consciously tried to reach all the subjects of his ›multicultural‹ kingdom« (J. Becker). Corinna Bottiglieri analyse un processus assez similaire pour ce qui est des cultes de saints dans l’Italie du Sud: les seigneurs normands se sont intégrés aux traditions locales et ont contribué à leurs évolutions au XIIe siècle.
Stefan Burkhardt place, lui, la réflexion dans le domaine du pouvoir royal. En partant de l’héritage impérial en Sicile, il met, au final, en avant que ceux qu’on nomme »Normands« étaient bien plus liés à la France qu’à la principauté, et surtout que »Southern Italy became a realm of its own and Sicily opened up to Latin Europe«, ce qui devrait inciter à éviter d’utiliser le si tentant vocabulaire des colonial studies pour penser les rapports sociaux qui y avaient cours. Thomas Foerster poursuit la réflexion sur l’héritage impérial par le prisme des cultures de violence et de la cruauté.
Deux contributions pensent le concept d’ethnogenèse, celle de Francesco Panarelli et celle de Sigbjørn Sønnesyn, et mettent au jour les efforts qui ont notamment été ceux de Guillaume des Pouilles pour montrer un peuple uni et unifié en Sicile. Eux comme les autres nous montrent, au final, le caractère construit, voire artificiel, de l’appellation »Normand«, et la nécessité de prendre en compte les réalités locales – une évidence, certes, mais qu’il n’est jamais inutile de rappeler. Si, dans ce cadre, l’on regrettera évidemment une conception finalement très réduite des marges normandes de l’Europe, et le manque de comparaison avec des régions non méditerranéennes – voire avec la Normandie elle­même, finalement très peu présente dans le volume –, réjouissons­nous des jalons ici posés, qui ne manqueront pas de contribuer à l’histoire de la Méditerranée normande et d’appeler, justement, à des études sur d’autres sphères géographiques, pour lesquelles nous aurons désormais des moyens de comparaison pour faire l’étude des échanges culturels, des transferts et des hybridations.
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/