journal de Saclay n°34

Transcription

journal de Saclay n°34
4e TRIMESTRE 2006 > N°34
Centre CEA de Saclay
LE JOURNAL
DOSSIER
Recherche et sécurité
■ Étudier les matériaux du nucléaire en laboratoire p. 9
■ Le verre, ni liquide, ni solide p.13
■ Digiteo Labs, un parc de recherche
d’envergure mondiale en Île-de-France p.14
Éditorial
Éditeur
Crédits photos
CEA (Commissariat
à l’énergie atomique)
Centre de Saclay
91191 Gif-sur-Yvette Cedex
École polytechnique /
P. Lavialle
CEA / F. Rhodes
CEA / R. Gardette
CEA / C. Fuseau
CEA / F. Vigouroux
CEA / T. Roll
ADP / Service Image /
J. Burlot
CEA / P. Stroppa
CEA / C. Dupond
CERN / C. Marcelloni
F. Golfier / Pôle Verrier – Nancy
Force-A
G. Boullay (Paris)
Directeur
Yves Caristan
Directrice de la publication
Danièle Imbault
Rédacteur en chef
Christophe Perrin
Rédactrice en chef adjointe
Sophie Astorg
Avec la participation de
Elisabeth Stibbe
Iconographie
Chantal Fuseau
Conception graphique
Mazarine
2, square Villaret de Joyeuse
75017 Paris
Tél. : 01 58 05 49 25
N° ISSN 1276-2776
Centre CEA de Saclay
Droits de reproduction,
texte et illustrations
réservés pour tous pays
Photos de couverture : à gauche : détection d’agents pathogènes sur
bandelettes. Haut droite : bras articulé à retour d’efforts. Bas droite :
prototype de mini-drone destiné à l’inspection de sites difficiles d’accès.
Sommaire n° 34
Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.2
Recherche et sécurité. . . . . . . . . . . . . . . . . p.3
Le LECI. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.9
IncubAlliance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.12
Actualités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.13
e contexte géopo-
Je citerai seulement l’exemple d’Euritrack
litique mondial a
(voir p.7), un projet européen initié par le
incité les gouverne-
Laboratoire d’intégration des systèmes
ments à mieux veiller à
et des technologies (LIST) de la DRT avec
la sécurité des citoyens.
le soutien de la DEN, qui va permettre de
L’Administrateur géné-
doter prochainement les ports maritimes
ral du CEA vient de
de moyens de contrôle performants.
L
décider la création d’une direction de
programme transversal « Sécurité et non
Dans un autre domaine, le centre CEA de
prolifération ». Les équipes du centre
Saclay participe au développement
CEA de Saclay se sont mobilisées pour
d’entreprises innovantes en soutenant
participer à cet effort de recherche au
l’incubateur IncubAlliance (voir p.12), aux
service des citoyens. Dans le cadre de
côtés de ses partenaires régionaux et
leurs missions d’origine, elles ont déve-
des collectivités locales. Pour les théma-
loppé des savoirs et des techniques qui
tiques liées aux technologies logicielles,
peuvent être utilement adaptés à ces
cette tâche d’accompagnement se
nouvelles applications. Le dossier de ce
poursuivra dans les structures dédiées
journal présente les nombreux partenariats
qui verront le jour dans le cadre du pôle
qui voient le jour, tant au niveau régional,
de compétitivité SYSTEM@TIC PARIS-
qu’au niveau national ou européen. Très
RÉGION.
pluridisciplinaires, ils impliquent des
unités de toutes les Directions du CEA
présentes sur le centre de Saclay :
recherche technologique (DRT), sciences
Yves Caristan,
Directeur du centre CEA de Saclay.
de la matière (DSM), sciences du vivant
(DSV) et énergie nucléaire (DEN).
Un périmètre de certification qualité
et environnement élargi
1
A l’issue de l’audit mené fin juin 2006 par
Lors du même audit, la certification ISO
l’Agence française de l’assurance de la
9001 a également été obtenue pour le
qualité, le centre CEA de Saclay a vu
système de management de la qualité
s’étendre le périmètre de sa certification
mis en place par la Direction du centre en
environnementale ISO 14001. Cette
vue d’assurer les meilleures prestations
démarche concrétise l’engagement de la
de support au profit des unités et instal-
Direction en matière de préservation de
lations implantées sur le centre.
l’environnement. Depuis la certification
initiale de 2004, le périmètre soumis à
certification s’accroît chaque année pour
englober à terme l’ensemble du site.
2
1 L’étang de Villiers, sur le centre CEA de Saclay.
AU CŒUR DE NOUVEAUX PARTENARIATS
POUR LA SÉCURITÉ
Les attentats du 11 septembre 2001 ont propulsé la sécurité
au premier rang des demandes citoyennes. Nos sociétés
se savent désormais plus vulnérables et doivent se mobiliser pour protéger leurs populations. Dans ce domaine,
Recherche et sécurité
SACLAY
ET SÉCURITÉ
> Saclay au cœur de nouveaux pertenariats
pour la sécurité
RECHERCHE
les États-Unis ont pris une longueur d’avance, comme en
témoignent les efforts des autorités fédérales pour sensibiliser familles et entreprises aux situations d’urgence, via
Internet notamment. L’Europe à son tour investit ce
secteur.
2
nes, technologies de l’information, capteurs, etc., expliquant le positionnement particulier du centre de Saclay
sur ces thématiques en plein essor. La prochaine étape
annoncée sera la création du Programme européen de
recherche pour la sécurité (2007-2013).
1
Le saviez-vous ?
Des thématiques présentes à Saclay
Un programme national de R&D pour la lutte contre les
menaces nucléaire, radiologique, biologique, chimique et
les explosifs (NRBC/E) a été confié au CEA au printemps
2005.
Sous l’égide de la Commission européenne, le CEA s’est
Effet dominos
La recherche en matière de sécurité prend aussi bien en compte
les risques liés à des actes de malveillance que les catastrophes
naturelles. En effet, une explosion, accidentelle ou non, peut
provoquer une inondation, de même qu’une tempête peut
entraîner la chute d’une caténaire et déclencher un incendie. Les
terroristes peuvent chercher à utiliser cet effet dominos pour
démultiplier l’impact de leur action.
mobilisé depuis 2004 dans plusieurs projets pionniers
dans le domaine de la sécurité, à l’instar du projet
Euritrack, lancé à l’initiative du LIST à Saclay. De nombreuses
compétences, présentes à Saclay, répondent aux besoins
exprimés lors du montage des projets de recherche :
détection de la radioactivité, analyse d’agents pathogè-
1 Les aéroports sont l’archétype des infrastructures critiques.
2 Lutte contre les menaces chimiques et biologiques : des experts
en ingénierie des protéines de Saclay cherchent à développer
des inhibiteurs de la ricine (test de toxicité sur des cellules).
Une Europe plus sûre et plus compétitive
contribuer à assurer la sécurité de ses citoyens. Des études
révèlent que les Européens redoutent par-dessus tout la
menace terroriste, le crime organisé et les catastrophes naturelles. Rendre l’Europe plus sûre pour ses citoyens tout en
augmentant sa compétitivité industrielle : tel est l’objectif de la
recherche européenne dans le domaine de la sécurité. En
coopérant et en coordonnant les efforts à l’échelle européenne,
l’Union européenne peut mieux comprendre les risques d’un
monde en constante évolution et y répondre.
«
« L’un des rôles fondamentaux de tout gouvernement est de
Extrait du site http://ec.europa.eu/enterprise/security/
3
Recherche et sécurité
UN
ANCRAGE RÉGIONAL
Dans le cadre du pôle mondial de compétitivité SYSTEM@TIC PARIS-RÉGION, des laboratoires du centre
CEA de Saclay participent à deux projets de sécurité : l’un, porté par Thales, concerne les infrastructures
critiques, l’autre, porté par EADS, est consacré aux systèmes d’informations.
SÉCURISER UNE GARE
OU UN AÉROPORT
même s’il n’y avait pas de victimes. Ainsi, le blocage d’un
aéroport sur une journée coûte près de 20 millions d’euros
Carte d’identité
à une compagnie aérienne. Atteindre ces infrastructures
Nom : Sécurité des infrastructures critiques
Coordonnateur : Thales
Principaux partenaires : Alcatel, Bertin Technologies, Bull,
CEA, CNRS, Dassault Aviation, EADS, Ecole des Mines de Paris,
Gemalto, Groupement des Ecoles de télécommunications
(GET), Institut national de recherche en informatique et
automatique (INRIA), RATP, SODERN, Thales, Trusted Logic,
Université Paris-sud 11
Dates : fin 2006 - mi 2010
peut aussi porter préjudice à la souveraineté nationale.
Quels sont les objectifs de votre projet ?
J-L Z : Les gestionnaires d’infrastructures veillent à la
sécurité des usagers. Leur travail est devenu d’autant plus
délicat qu’on a basculé dans des actions de terrorisme de
type « asymétrique », où des individus sont prêts à donner
leur vie pour atteindre l’effet recherché. La source d’éner-
Interview de Jean-Luc Zolesio, de Thales, coordonnateur du projet « Sécurité des infrastructures
critiques » du pôle SYSTEM@TIC PARIS-RÉGION.
gie d’un attentat n’est plus forcément apportée de l’extérieur : il n’y avait pas d’explosif dans les avions qui ont
frappé le World Trade Center. Par ailleurs, la complexité de
l’infrastructure elle-même, souvent conçue par ajouts
Qu’entend-on par infrastructures critiques ?
successifs, doit être prise en compte. Il faut élaborer des
J-L Z : Par exemple, les aéroports ou les gares qui sont le
systèmes de sécurité globaux, capables d’embrasser
lieu de passage de dizaines de milliers de personnes, le
toutes ces dimensions.
centre de Rungis ou des installations de stockage d’énergie. Leur arrêt entraînerait de lourdes conséquences. Tout
À quel niveau se situe l’innovation ?
incident ou acte de malveillance conduisant à un dysfonc-
J-L Z : Les systèmes de sécurité actuels sont souvent
tionnement grave aurait des répercussions immédiates
basés sur la dissuasion et n’opèrent plus contre un terroriste prêt à donner sa vie. Il est nécessaire de détecter
toute menace en train de se constituer et de réagir avant
qu’elle ne produise ses effets. Nous allons donc développer des systèmes « proactifs »1, capables de détecter par
exemple un transport de matières dangereuses ou des
comportements anormaux, tel le dépôt d’un bagage au
milieu d’une foule. Ce projet s’achèvera avec des démonstrations dans des infrastructures réelles. Celles-ci ne
devront pas entraîner de gêne pour le public, afin d’éviter
toute panique ou blocage. Par ailleurs, les systèmes
devront être discrets, afin de ne pas devenir eux-mêmes
les premières cibles. Ces travaux seront menés avec le
souci de préserver la vie privée de nos concitoyens.
1 Proactif : qui anticipe les attentes, qui prend l’initiative de l’action.
1
4
J-L Z : Il s’agit de compétences en recherche et en technologie (R&T), notamment dans le domaine des capteurs
émergents, de l’intégration multicapteurs ainsi que des
2
architectures et des logiciels nécessaires pour l’intégration
de ces capteurs. Par ailleurs, la disponibilité d’équipements
et l’expertise des équipes sont des atouts pour la réalisation
de maquettes de démonstration.
1 Tous les produits frais consommés en Île-de-France transitent
par le Marché d’intérêt national de Rungis.
Recherche et sécurité
> Un ancrage régional
Quelles sont les compétences du centre CEA de
Saclay dans ce domaine ?
2 Contrôle des bagages à Roissy.
Carte d’identité
SÉCURISER L’INFORMATIQUE
Nom : Plates-formes de confiance
Coordonnateur : EADS
Principaux partenaires : Alcatel, Altis, Axalto, Bertin, Bull,
CEA LIST, CNRS, Dassault Aviation, EADS, Ecole normale
supérieure Cachan, Ercom, Gemalto, GET, INRIA, Institut
national de télécommunications (INT), PCRI1, Safran, Thales,
Trusted Logic.
Dates : 2007 - 2010
la connexion. Autre exemple : les policiers sont appelés à
effectuer des contrôles d’identité à partir de postes nomades à protéger. Des retombées sont aussi attendues au
niveau de la sécurisation des serveurs, en particulier ceux
des pompiers et des gendarmes.
Quelle est la contribution de Saclay ?
Interview de Vincent Baudinaud, de la Direction
technique d’EADS, coordonnateur du projet « Platesformes de confiance » du pôle SYSTEM@TIC
PARIS-RÉGION.
VB : Des équipes du CEA-LIST collaborent avec EADS et
Bertin à la sécurisation du système d’exploitation sous
Linux, et apportent des compétences en ingénierie logicielle et en contrôle automatisé de code source (lignes de
commande en langage informatique).
VB : EADS participe à de nombreux projets de sécurité
tructures critiques), Euritrack et Marius, pour ne citer que
Qu’apporte le concept de
pôle de compétitivité ?
ceux évoqués dans ce dossier.
VB : Des industriels, qui
aux côtés du CEA, notamment SIC (Sécurité des infras-
étaient auparavant des
Quel est l’objet de votre projet ?
concurrents, se sont parlés,
VB : Il est facile d’extraire des informations de réseaux infor-
ont élaboré ensemble un
matiques ou de messageries électroniques. Les ordinateurs
projet et découvrent qu’ils
équipés de Windows pourront à terme bénéficier d’outils de
ont encore de nombreuses
protection en cours de développement aux États-Unis. La
autres idées. C’est une
situation est moins favorable en ce qui concerne Linux. Le
dynamique qui s’est mise
projet vise à concevoir un poste de travail sécurisé sous
en marche !
Linux, destiné à l’administration et aux entreprises.
Aujourd’hui Linux équipe près de 10% du parc professionnel
français et cette proportion pourrait augmenter.
1 PCRI : Pôle commun de recherche
en informatique (CNRS, École
polytechnique, INRIA, Université
Pouvez-vous citer des exemples d’applications ?
Paris-sud XI)
VB : Lorsqu’un contribuable télécharge sa feuille d’impôts
depuis son ordinateur familial, les postes de travail de la
Direction des impôts ne doivent pas être contaminés par
5
Recherche et sécurité
DES
RECHERCHES CONTRE LES MENACES TERRORISTES
Un programme national de R&D pour la lutte contre les menaces nucléaire, radiologique, biologique,
chimique et les explosifs (NRBC/E) mobilise des équipes saclaysiennes de diverses disciplines.
Interview de Laurent Olmedo, chef du projet
« Lutte contre les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques », du centre
CEA de Bruyères-le-Châtel.
Y a-t-il d’autres intervenants ?
LO : Le CEA fait appel au tissu national de recherche
académique sur des compétences dont il ne dispose pas
(Institut Pasteur, INSERM2, CNRS, universités, etc.). Cette
part atteint 20% de l’ensemble du programme. A titre indi-
En quoi consiste votre projet ?
catif, le programme complet représente le travail d’une
LO : J’ai été nommé en mars 2005 pour coordonner un
centaine de personnes par an.
programme interministériel de lutte contre les menaces
chargé de mettre en place et de réaliser des recherches
Quelles compétences mobilisez-vous au centre
CEA de Saclay ?
pour faire émerger des innovations et des ruptures techno-
LO : Le programme NRBC/E associe les différentes
logiques, précisément là où des manques sont identifiés.
Directions du CEA présentes à Saclay. Elles apportent des
Mon travail consiste à donner une cohérence à l’ensemble
compétences en matière de capteurs (DSM3, DRT3), d’ana-
du programme. Les thématiques couvrent la prévention,
lyse chimique (DEN3), etc. La DSV3, quant à elle, coordonne
avec le développement de capteurs de surveillance et de
les actions concernant la menace biologique, notamment
détection, la gestion de la crise proprement dite, avec le
la détection et l’identification d’agents pathogènes.
terroristes, confié au CEA par le SGDN1. Le CEA est
développement de moyens diagnostics et thérapeutiques,
et la gestion « post-événementielle », avec par exemple la
décontamination.
Pouvez-vous citer un exemple concret de réalisation
en cours ?
LO : Un des projets met à profit les compétences transver-
Quels sont les partenaires du programme ?
ses du CEA. Il valorise une caméra sensible au rayonne-
LO : La Délégation générale pour l’armement est associée
ment gamma, développée par le Dapnia4 pour l’astrophy-
à ce programme au sein d’une cellule exécutive, qui a pour
sique des hautes énergies en associant la DAM5, qui
mission de suivre l’exécution des recherches et de valider
apporte l’expression du besoin et la DRT qui assurera l’in-
les orientations futures. En effet, les travaux du CEA
tégration du système. L’objectif est de pouvoir réaliser une
peuvent intéresser la Défense, à travers la sécurisation
cartographie rapide de radionucléides.
d’un « théâtre d’opérations » (champ de bataille).
1 SGDN : Secrétariat général à la Défense nationale, rattaché au Premier
ministre.
2 INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale.
3 Direction des sciences de la matière, Direction de la recherche technologique, Direction de l’énergie nucléaire, Direction des sciences du vivant.
4 Dapnia : laboratoire de recherches sur les lois fondamentales de l’univers.
5 DAM : Direction des applications militaires du CEA.
1 Pour développer un antidote efficace contre un agent pathogène,
il est nécessaire de tester l’action d’un très grand nombre de
molécules. Sur la photo, préparation d’une expérience de
criblage.
1
6
Carte d’identité
Plusieurs projets ont été retenus dans les actions préparatoires en vue de la création du Programme européen
de recherche pour la sécurité (2007-2013). Dans ce contexte, Euritrack, ISCAPS et Marius font figure de
pionniers.
Nom : Euritrack (EURopean Illicit TRAfficking
Countermeasure Kit)
Coordonnateur : CEA LIST
Principaux partenaires: CEA LIST, Istituto Nazionale di
Fisica Nucleare (Italie), Institut Ruder Boskovic (Croatie),
Joint Research Center of the european Commission (Italie),
Andrzej Soltan Institute for Nuclear Studies (Pologne), Royal
Institute of Technology in Stokholm (Suède), EADS SODERN,
SAPHYMO, CAEN (Italie), Direction générale des douanes et
droits indirects.
Dates : 2004 - 2007
Recherche et sécurité
EUROPÉENNE ET SÉCURITÉ DU CITOYEN
> Des recherches contre les menaces terroristes
> Recherche européenne et sécurité du citoyen
RECHERCHE
2
Destiné à accroître la sécurité des ports maritimes, ce
projet consiste à développer un kit capable de détecter de
manière non intrusive des explosifs, des drogues, des
bombes sales ou d’autres substances illicites dissimulés
dans des conteneurs d'expédition. La validation en laboratoire s’est achevée avec succès, au-delà des objectifs
initiaux. Une démonstration en vraie grandeur dans un port
est prévue en 2007.
Carte d’identité
1
Nom : ISCAPS (Integrated Surveillance of Crowded Areas
for Public Security)
Coordonnateur : SAFRAN (SAGEM)
Principaux partenaires: SAFRAN, SNCF, BAE SYSTEMS,
DATAMAT (Italie), ELSAG (Italie), GMV (Espagne), TNO
(Pays-bas), la Fondation pour la Recherche Stratégique,
Université de Reading (Grande-Bretagne), CEA LIST.
Dates : 2005 - 2007
3
Ce projet a pour objectif de réduire les risques terroristes
L’expertise du LIST porte sur la détection de personnes à
par une détection au plus tôt des menaces potentielles,
partir de capteurs vidéo dans l’infrarouge et leur identification
dans des lieux ouverts (place, station de bus), semi-
grâce à des banques d’images.
ouverts (tunnel, gare, hôpital) ou sécurisés.
1 Les conteneurs déchargés sur le port du Havre sont acheminés
par voie routière. Aujourd’hui, certains d’entre eux sont
contrôlés par rayons X. Les conteneurs suspects doivent être
ouverts, une opération qui a un coût non négligeable.
2 Le portique développé par le consortium Euritrack permettra de détecter
la présence d’explosifs ou de drogues dans des conteneurs maritimes
chargés sur camions, sans les ouvrir. Les rayons X ne permettent pas de
visualiser ces matières illicites.
3 L’imagerie infrarouge se prête bien à la détection des personnes : les
contours d’une image infrarouge (à gauche) ressortent mieux que sur l’image
visible (à droite), d’où l’attrait de l’infrarouge pour la vidéosurveillance.
7
Carte d’identité
Recherche et sécurité
Nom : MARIUS (Mobile Autonomous Reactive Information
system for Urgency Situations)
Coordonnateur : EADS
Principaux partenaires : Thales, CEA LIST, Eurocopter,
BAE Systems, Selex, Université de Cranfield (Grande-Bretagne),
Université polytechnique de Valence (Espagne)
Dates : 2006 - mi-2007
Ce projet est le développement d’un poste de commandement de crise, rapidement déployable sur le terrain par
hélicoptère. Le CEA LIST doit fournir un minidrone
d’intervention autonome, équipé de moyens de vision et
d’un GPS (Global Positioning System). Long de quarante
centimètres, cet « œil volant » de 500 grammes embarquera une électronique qui assurera la stabilité de son vol.
1
Un institut chargé de la sécurité des citoyens européens,
partenaire d’Euritrack
Le Centre commun de recherche européen (CCR en français ou Joint Research Center,
JRC en anglais) de la Commission européenne compte un institut partenaire d’Euritrack,
situé à Ispra en Italie : l’Institut pour la protection et la sécurité du citoyen. Cet organisme
de 350 personnes est expert de la sécurité au sens large, qu’il s’agisse de la gestion des
frontières, de la lutte contre le terrorisme et le crime, de sécurité nucléaire, énergétique ou
des transports. Il conseille l’Union européenne sur l’ensemble de ces questions.
2
Interview de Paolo Peerani, de
Saclay au traitement d’images satellites et à la modélisa-
l’unité « Nuclear safeguard » du
tion de bâtiments sensibles, une technique susceptible de
Centre commun de recherche
mettre en lumière toute modification subie par l’installation.
européen, à Ispra en Italie.
Pour Euritrack, nous développons le système d’informations qui traite et analyse les données acquises par les
Quelles collaborations avez-vous avec le centre
CEA de Saclay ?
détecteurs, jusqu’au verdict final : le conteneur est OK ou
suspect.
Depuis plus de quarante ans, le CEA est un partenaire
important : nous collaborons traditionnellement avec le
Quelle évolution voyez-vous ?
CEA dans le domaine de la non-prolifération nucléaire et
Depuis quelques années, les thématiques de sécurité
nous échangeons sur nos actions de soutien respectives à
investissent le champ de la recherche. Cette évolution
l’Agence internationale de l’énergie atomique. Aujourd’hui
ouvre des possibilités de collaborations élargies avec le
plus précisément, nous travaillons avec des équipes de
CEA, et le centre de Saclay en particulier.
1 Mis au point par le CEA LIST, ce prototype de « mini-drone » à quatre
pales est équipé d’une électronique facilitant son pilotage. A terme, il est
destiné à intervenir en mode autonome sur le théâtre d’une crise.
2 Capteur sismique pour la détection de séismes ou d’explosions nucléaires.
8
Pour en savoir plus
CEA LIST : http://www-list.cea.fr
Pôle SYSTEM@TIC PARIS-RÉGION : http://www.systematic-paris-region.org/
Agence nationale pour la recherche : http://www.agence-nationale-recherche.fr/
Programmes européens sur la sécurité : http://ec.europa.eu/enterprise/security/
Recherche et développement européens : http://cordis.europa.eu/fr/
Centre de recherche européen (Joint Research Center) : http://www.jrc.cec.eu.int/
Institut pour la protection et la sécurité des citoyens (IPSC) : http://ipsc.jrc.cec.eu.int/
Le LECI
ÉTUDIER LES MATÉRIAUX DU NUCLÉAIRE EN LABORATOIRE
Implanté à Saclay depuis 1959, le LECI1 regroupe aujourd’hui les moyens de recherche et de développement
du CEA sur les matériaux irradiés.
UN POSITIONNEMENT D’EXPERT
Après des travaux de rénovation et de rééquipement des
installations existantes, et avec la construction d’une
nouvelle ligne d’enceintes blindées, le LECI dispose d’un
panel de compétences, au service des chercheurs du
CEA, de clients tels qu’EDF, AREVA ou des exploitants
nucléaires étrangers. En effet, à un moment où les « laboratoires chauds2 » se restructurent en Europe, le CEA a
opté pour une plate-forme expérimentale associant laboratoires et réacteurs expérimentaux, répartis sur les sites
2
de Saclay, Marcoule et Cadarache. Le LECI se présente
comme expert dans le domaine des matériaux irradiés et
Une offre complète
a la capacité de se positionner avantageusement sur les
Avec deux laboratoires d’expérimentation, qui emploient
appels d’offres internationaux.
une soixantaine de personnes, et une section dédiée au
fonctionnement de l’installation, le LECI est équipé pour
effectuer des études complètes sur les matériaux irradiés.
Il dispose de moyens expérimentaux performants pour la
caractérisation microstructurale (radiographie, microscopie,
spectrométrie, diffractométrie) et pour les essais mécaniques (traction, résilience, ténacité, fluage3, corrosion sous
contrainte), auxquels s’ajoutent des postes d’usinage.
En synergie avec ses moyens d’essais, le LECI bénéficie
d’un environnement d’excellence en termes de capacité
1
d’interprétation des résultats expérimentaux et de leur
Préparer le nucléaire du futur
modélisation. D’autre part, la proximité du réacteur
Le LECI effectue notamment des études prospectives sur
expérimental Osiris au centre CEA de Saclay, où sont
les matériaux des réacteurs du futur. En effet, les condi-
effectuées les irradiations des matériaux, assure une
tions d’usage de ces matériaux seront plus sévères que
continuité optimale dans les protocoles expérimentaux.
celles des réacteurs d’aujourd’hui : les températures,
Ces facilités font du LECI un lieu unique de compétences.
notamment, seront beaucoup plus élevées. Le LECI est
sollicité pour évaluer de nouveaux matériaux, caractériser
1 LECI : Laboratoire d’études des combustibles irradiés. Cette dénomi-
leur comportement et proposer des choix technologiques
nation d’origine ne reflète plus exactement les activités du laboratoire qui
est maintenant dédié aux matériaux nucléaires.
aux constructeurs.
«
2 Un laboratoire chaud comprend une zone dite contrôlée où sont
manipulées des matières nucléaires.
Avec le LECI, le CEA est doté d’un outil moderne dans
un environnement scientifique fertile pour se positionner
3 Déformation lente que subit un matériau soumis à une contrainte
permanente.
avantageusement dans un marché de la R&D de plus en
«
plus compétitif et international.
Pascal Yvon, chef de programme « Technologies, composants »
de la Direction de l’énergie nucléaire.
1 Nouvelle ligne de cellules blindées dédiée aux essais mécaniques.
2 Cellule d’entreposage d’échantillons.
9
Le LECI
ANTICIPER LE VIEILLISSEMENT
DES CUVES DES RÉACTEURS
Alors que la durée de vie des centrales nucléaires est
revue à la hausse, il est impératif de tester le vieillissement
des matériaux soumis à l’irradiation. L’acier constituant
les cuves des réacteurs est étudié au LECI où sont testés
des échantillons irradiés provenant de centrales nucléaires
ou de réacteurs de recherche.
La cuve clôt de manière totalement hermétique le cœur du
réacteur, constitué des assemblages de combustible. Elle
constitue la deuxième barrière de confinement, la première
étant le gainage du combustible. C’est un élément définitif de l’installation : on ne peut pas la changer tandis que
2
d’autres constituants, comme le générateur de vapeur,
sont régulièrement remplacés.
Simuler une durée de vie de 40 ans
Des échantillons du même matériau que la cuve (éprou-
En réacteur, l’acier de la cuve est soumis, pendant
vettes) sont disposés dans le voisinage immédiat de la
plusieurs dizaines d’années, à des irradiations et à des
cuve pour subir la même irradiation qu’elle. Dans le cadre
températures de l’ordre de 300°C. Ces conditions de
d’un programme de surveillance suivi par EDF, le LECI
fonctionnement sont simulées à Saclay dans le réacteur
pratique des essais mécaniques et physico-chimiques sur
expérimental Osiris. Les échantillons y sont irradiés au
ces éprouvettes.
cours de campagnes de plusieurs mois qui peuvent simuler
le vieillissement sous irradiation sur de longues périodes
(40 ans). Ils sont ensuite transférés et testés au LECI où est
étudiée la fragilisation de l’acier de cuve sous irradiation.
Ces tests permettent d’anticiper le comportement des
cuves des réacteurs au cours du temps.
Fragilisation de l’acier
Le comportement mécanique de l’acier de cuve évolue en
fonction de la température. À des températures supérieures
à 100°C, l’acier est capable de se déformer sans rupture,
il est dit ductile. A basse température, l’acier devient
1
fragile. Entre ces deux états, on se trouve dans une zone
baptisée « transition fragile ductile ». Sous irradiation, les
Une conception modulaire
propriétés mécaniques et métallurgiques du matériau sont
La construction de la nouvelle ligne d’enceintes blindées a
affectées et l’on observe un décalage de cette transition
pris en compte des contraintes de maintenance et même,
vers les hautes températures. Les essais ont pour but de
in fine, de « déconstruction ». Ainsi, chaque enceinte est
quantifier cette fragilisation, le matériau devant rester ductile
constituée d’un caisson en acier inoxydable étanche,
dans son domaine de fonctionnement.
garant du confinement, entouré d’un assemblage de
panneaux de plomb assurant la protection radiologique.
La séparation de ces deux fonctions facilitera le démontage
des cellules à l’arrêt de l’exploitation.
1 La zone arrière des deux rangées de caissons, dans la phase
de construction.
2 Montage d’un essai mécanique de fluage.
10
Le LECI
NOTRE MÉTIER ?
TÉLÉOPÉRATEUR.
Au cours de ses vingt ans d’expérience au LECI,
assisté par ordinateur des pièces nécessaires à l’instru-
Jean-Pierre Pizzanelli, technicien en génie mécanique, a
mentation, le suivi de leur usinage et le montage de
connu différents postes. Il travaille aujourd’hui sur la
l’expérience ».
nouvelle ligne d’essais mécaniques, en tandem avec un
jeune titulaire d’un DUT de mesures physiques : « Je le
Une exploitation optimale des éprouvettes
forme à la pratique tandis qu’il apporte de nouvelles
Jean-Pierre Pizzanelli mesure l’évolution des tâches qui
compétences, notamment informatiques ». Mickaël
leur sont confiées : « Les essais que l’on nous demande
Gennisson confirme leur enrichissement réciproque : « La
sont de plus en plus élaborés, avec une instrumentation
mise en place d’un projet en cellule blindée peut durer un
très complexe. Une mise en température rapide, une
an et comprend différentes phases au cours desquelles
mesure in situ sur l’éprouvette, ou encore un suivi de
les techniciens sont pleinement impliqués avec les
déformation à partir d’images enregistrées en temps réel
ingénieurs d’essais. Nous contribuons au choix du
nécessitent un montage minutieux en cellule blindée ». Son
procédé expérimental, que nous validons avant de réaliser
collègue précise : « ces essais très intrumentés permettent
les essais sur les matériaux irradiés. Cela inclut le dessin
une exploitation optimale des éprouvettes et diminuent la
quantité de matière irradiée utile à la caractérisation du
matériau. Nous cherchons à optimiser les procédés de
façon à limiter la production de déchets ».
« L’objectif est de se rapprocher le plus possible de conditions réelles, qu’il s’agisse d’un fonctionnement normal ou
d’un incident. Nous devons faire preuve d’imagination
pour adapter nos moyens d’essais aux tests envisagés, ce
qui nous épargne tout risque de routine ! », souligne
Xavier Averty, ingénieur d’essais.
1 Jean-Pierre Pizzanelli et Mickaël Gennisson
préparent ensemble un essai.
1
Les coulisses de l’exploitation
Le fonctionnement et la maintenance d’une installation
quantifier précisément et la localiser grâce à des contrôles
nucléaire répondent à des règles d’exploitation dont
continus. Au LECI, une vingtaine de personnes assurent
l’objectif est d’assurer la sûreté de l’installation et de
ces tâches, en soutien aux deux laboratoires d’expérimen-
garantir que l’ensemble des activités, incluant les
tation. L’équipe d’exploitation assure également la mainte-
transports associés et la gestion des déchets résultants,
nance de l’installation et compte des spécialistes de
est sans danger pour les travailleurs, les populations et
l’électricité, de la ventilation, des travaux hors zone
l’environnement. Travailler sur des matériaux irradiés signifie
nucléaire comme en enceinte blindée.
gérer la matière nucléaire présente dans l’installation, la
11
Actualités
INCUBALLIANCE : ACCOMPAGNER
LA CRÉATION D’ENTREPRISES
Né en 2004 de la fusion de deux incubateurs franciliens, IncubAlliance accompagne les futurs entrepreneurs
issus de la recherche au cours d’une étape cruciale de leur parcours : l’incubation.
« Aider à créer de nouvelles entreprises innovantes et
assurer des emplois pour demain, c’est la vocation des
incubateurs» : le décor est planté par Françoise Fabre,
Présidente d’IncubAlliance et Directrice adjointe de la valorisation à Saclay. Cet incubateur, localisé à Gif-sur-Yvette,
intervient sur la couronne sud et l’ouest de l’Île-de-France.
Il offre aux candidats sélectionnés un appui en matière de
formation et de conseil, le financement d’études personna-
1
lisées, une aide à la recherche de financements et pour
certains, un hébergement temporaire. Financé par l’État
1 Grâce à un capteur optique, la pince à feuilles de la start-up
Force-A mesure leur teneur en polyphénols, une sorte de crème
solaire naturelle, qui renseigne sur l’état de santé ou de maturité
des plantes (vigne, céréales, légumes, etc.). Force-A a bénéficié
des services d’IncubAlliance.
(à 50%), par des collectivités territoriales1 et par ses
23 membres (CEA, CNRS, Université Paris-sud XI, Genopole,
EADS, etc.), il dispose d’une équipe de cinq permanents.
Un incubateur performant
Quel bilan dresser aujourd’hui ? Depuis mars 2000, une
conduit à des investissements privés supérieurs à
centaine de projets ont été accompagnés, 65 entreprises
50 millions d’euros. Plus problématique en France qu’en
ont été créées dont 50 sont sorties de la phase d’incubation.
Grande-Bretagne ou en Allemagne, le financement des
Ces entreprises représentent plus de 320 emplois. L’effet
start-up constitue en effet le nerf de la guerre.
de levier de l’argent public est significatif puisque
Accompagner l’entrepreneur pour bien articuler toutes les
2,5 millions d’euros injectés dans la structure et une
aides, étape par étape, est un apport essentiel
dizaine de millions d’euros apportés aux projets ont
d’IncubAlliance.
Étape
Maturation
Incubation
Amorçage
Consolidation Développement
Durée
3 –24 mois
9 – 24 mois
12 – 36 mois 24 – 48 mois
…
Lieu
Laboratoire
d’origine
Incubateur
Pépinière
Pépinière
d’entreprises d’entreprises
Hôtel
d’entreprises
Interview
François Jullien, président de Newphenix
2
, une entreprise sortie de l’incubateur
Que vous a apporté IncubAlliance ?
FJ : Sans le soutien d’IncubAlliance, nous n’aurions sans
notamment. Au-delà de ces aides, nous bénéficions du label
doute pas été lauréat du concours national d’aide à la créa-
d’investisseurs et de partenaires.
de qualité de l’incubateur, une sorte de sésame auprès
tion d’entreprise. Ce financement était indispensable en
phase d’amorçage. L’incubateur nous a conseillés très
efficacement pour la gestion des relations avec les organis-
12
1 Région Île-de-France, Conseil général de l’Essonne, Fonds social
européen, Conseil général du Val-de-Marne.
2 Newphenix : cette start-up développe et commercialise des produits
mes de financement et continue de nous mettre en relation
logiciels autour d'un moteur innovant de traitement de l'information,
avec des partenaires potentiels, des entreprises incubées
une technologie du CEA LIST.
Actualités
LE VERRE, NI LIQUIDE, NI SOLIDE
Comprendre la formation d’un verre est un enjeu important de la physique de l’état condensé depuis plus de
cinquante ans. Des résultats obtenus au DRECAM1 et interprétés de manière originale par des théoriciens2 de
Saclay et du CNRS à Montpellier viennent enfin de lever un coin du voile.
méthode astucieuse a permis de mettre en évidence une
valeur commune à plusieurs matériaux, qui croît à l’approche de la température de vitrification : la coopération de
l’ordre d’une centaine de molécules est nécessaire.
L’extrapolation de cette méthode originale à d’autres
situations devrait conduire à départager de nombreux
autres scénarios théoriques…
Le saviez-vous ?
Le verre coule-t-il ?
1
La fabrication du verre évoque l’image d’un liquide « figé »
par un brusque refroidissement qui ne lui laisse pas le
temps de cristalliser. Qu’est-ce qu’un verre : un liquide
extrêmement visqueux ou un solide sans ordre ? La question recèle un véritable paradoxe : la structure microscopique du verre est celle d’un liquide alors que la perception courante de ce matériau est celle d’un solide. En
réalité, la transition vitreuse3 résiste aux descriptions habituelles. Dans un solide, une molécule ne peut pas bouger
autrement que de manière solidaire avec ses voisines.
Rien de tel dans un verre autour de la température de vitrification : selon un des modèles théoriques décrivant cet
état, une molécule peut bouger à condition que ses
proches voisines « coopèrent », c’est-à-dire se déplacent,
elles aussi, de manière à lui « céder » le passage. La
température joue le premier rôle dans la mobilité des molécules, mobilité qui se définit à l’échelle macroscopique par
2
Des physiciens à l’affût d’écoulements de verres anciens avaient
remarqué que les morceaux de verre des vitraux du Moyen Âge
sont plus épais en bas qu’en haut. Fallait-il en déduire qu’à
l’échelle de quelques siècles, le verre avait « coulé » ? La simulation
numérique a finalement démenti cette hypothèse audacieuse :
les durées invoquées étaient notoirement insuffisantes.
L’explication se situe plutôt dans le savoir-faire des verriers…
la viscosité.
Il suffit d’attendre…
Le temps intervient également : pour observer un écoulement, il suffit d’attendre, d’autant plus longtemps que la
1 DRECAM : Département de recherche sur l’état condensé, les atomes
et les molécules, de la Direction des sciences de la matière (DSM).
2 Service de physique théorique (DSM).
3 Transition vitreuse : liquide – état vitreux.
température est basse. Désireux d’éprouver ce modèle,
des théoriciens de Saclay et de Montpellier ont réussi à
1 L’état vitreux échappe aux catégories usuelles, liquide ou solide.
relier les populations de molécules mobiles à des mesures
2 Tentation d’Adam et Ève, vitrail du XIIIème siècle, Notre-Dame de Paris.
électriques relevées à différentes températures. Cette
13
Actualités
DIGITEO LABS, UN PARC DE RECHERCHE D’ENVERGURE
MONDIALE EN ÎLE-DE-FRANCE
Le lancement officiel de Digiteo Labs, le 4 octobre 2006 à l’École polytechnique, marque l’essor du premier parc
de recherche d’envergure mondiale dans le domaine des STIC1 en Île-de-France. Cet événement ouvre de nouvelles
perspectives pour des projets de recherche collaboratifs particulièrement ambitieux.
Le positionnement thématique de Digiteo Labs couvre la
conception et le développement de systèmes numériques
intelligents, depuis le « système sur puce » jusqu’au
« système de systèmes ». Les enjeux liés à ces recherches
sont la maîtrise des logiciels et du matériel, l’utilisation de
la modélisation et de la simulation dans leur conception, le
développement d’interfaces et de modes d’interaction
innovants, la gestion de grandes masses de données et le
calcul intensif.
Un rôle majeur dans les
pôles de compétitivité
Les membres de Digiteo Labs
sont engagés dans un partenariat
étroit avec les PME et les grands
1
industriels d’Île-de-France. Leurs
équipes jouent un rôle majeur
dans les pôles de compétitivité franciliens, notamment
dans le pôle mondial SYSTEM@TIC PARIS-RÉGION.
Par leur fort engagement, notamment financier, les collectivités territoriales soutiennent le développement de
Digiteo Labs en permettant la construction de trois
nouveaux bâtiments sur le plateau de Saclay.
Quelques chiffres clés
La convention a été signée par six établissements fondateurs (CEA, CNRS,
École polytechnique, INRIA, Supélec, Université Paris Sud XI) et trois
collectivités territoriales (Région Île-de-France, Conseil général de l’Essonne,
Communauté d’agglomérations du plateau de Saclay).
Le premier parc de recherche en sciences et technologies de l’information en Île-de-France, Digiteo Labs, a
été lancé le 4 octobre, à l’École polytechnique à
Palaiseau, dans l’Essonne.
Le ministre de l’Education nationale, de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche Gilles
de Robien, le président du Conseil régional d’Île-deFrance Jean-Paul Huchon et les présidents du
Conseil général et de la Communauté d’agglomération du plateau de Saclay (CAPS) se sont joints aux
représentants des six organismes fondateurs, dont
Jean-Pierre Le Roux, Administrateur général adjoint
du CEA pour ce lancement officiel de Digiteo Labs.
Lors de son allocution, Gilles de Robien a salué cette
initiative qui « illustre l’un des impératifs majeurs de
notre politique de recherche : le renforcement de la
masse critique. Nous sommes dans une logique de
compétition internationale pour la connaissance.
Nous devons consolider nos domaines d’excellence
plutôt que de nous éparpiller ».
La Région Île-de-France apporte 24,5 millions d’euros (M€), le Conseil général
de l’Essonne 13,8 M€ et la CAPS 1 M€.
Digiteo Labs regroupe actuellement 1 200 chercheurs des organismes
fondateurs ; ils seront 1 800 en 2010.
1 Représentation de réseaux d’informations.
Les bâtiments occuperont 40 000 m2, sur trois sites répartis sur le plateau de
Saclay.
1 STIC : Sciences et technologies de l’information et de la communication.
Pour en savoir plus :
www.digiteo-labs.fr
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Brèves
CHAMP MAGNÉTIQUE RECORD AU CERN
Le CERN a enregistré le 28 août dernier un record mondial. Un champ magnétique intense (4 teslas) a été
produit dans un volume immense (460 m3), grâce à l’aimant supraconducteur qui équipera un détecteur
du collisionneur de protons (LHC1). Un sans-faute savouré par les équipes du Dapnia2 et leurs partenaires …
Pour identifier les gerbes de particules qui seront
engendrées au cours des collisions frontales du LHC, il
faut courber leurs trajectoires et mesurer leurs caractéristiques cinétiques. Or, plus l’énergie de la particule est
élevée, plus la déviation obtenue par application d’un
champ magnétique est modeste, ce qui oblige à augmenter
l’intensité du champ et à agrandir le volume de la chambre
de détection. Voilà l’origine du record établi à la fin de l’été
au CERN. Ce résultat a été obtenu dans la plus grande
bobine supraconductrice jamais réalisée, parcourue par
un fort courant électrique, l’ensemble étant maintenu à
1
très basse température. Cette bobine équipe l’expérience
CMS (Compact Muon Solenoid), un des détecteurs du LHC.
Un défi technologique
Dernière ligne droite avant les premières
collisions
Il s’agit d’un véritable défi technologique que seuls les
Les essais de l’aimant vont se poursuivre en surface
matériaux supraconducteurs pouvaient relever. Ainsi, le
quelques semaines puis CMS sera démonté et descendu
champ créé provoque un effort d’expansion gigantesque,
à son emplacement définitif, une « caverne » située à une
qui se traduit par un gonflement de la bobine. Cet effort
centaine de mètres sous terre. En parallèle, l’autre grand
doit être contenu par des structures mécaniques spéci-
détecteur du LHC (Atlas) est déjà en place, dans la cavité
fiques. A titre indicatif, l’énergie stockée dans la bobine
la plus grande jamais creusée. Les essais électriques de
permettrait de soulever la tour Maine-Montparnasse
l’aimant principal viennent de commencer. Au niveau de
d’environ deux mètres ou de satelliser un homme à la
l’anneau, plus de la moitié des aimants dipolaires, destinés
distance de la station spatiale internationale ! Cette
à courber la trajectoire des protons, sont installés dans le
prouesse est l’œuvre du Dapnia, qui a su proposer des
tunnel. Les premières collisions sont attendues en novembre
solutions innovantes, et de ses partenaires : ETH de Zürich
2007.
3
(Suisse), INFN4 de Gênes (Italie), Fermilab de Chicago,
l’université de Wisconsin à Madison (États-Unis), le CERN et
1 LHC : Large Hadron Collider, en construction, à Meyrin, près de Genève.
également les industriels impliqués dans le projet.
2 Dapnia : Laboratoire de recherche sur les lois fondamentales de l’univers.
3 ETH : Eidgenössische Technische Hochschule, Institut fédéral suisse
de technologie.
Quelques chiffres à propos
de la bobine de CMS
Diamètre : 7 mètres.
Longueur : 12,5 mètres.
Température : –269°C.
4 INFN : Istituto nazionale di fisica nucleare, Institut national de physique
nucléaire.
1 Le 18 juillet 2006, le détecteur CMS est photographié juste
avant sa « fermeture » pour les tests de l’aimant et les essais
du détecteur avec des rayons cosmiques, à défaut de particules.
Courant électrique : 19 500 ampères.
Énergie électrique stockée : de l’ordre de 3 000 000 000 joules.
Effort d’expansion dans la bobine : 600 tonnes par m2.
Poids total du détecteur : 17 000 tonnes.
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Observer des planètes en train de naître
Depuis une dizaine d'années, les astrophysiciens parviennent
à détecter des planètes hors du système solaire (plus de 200 à
ce jour). Or c’est dans le disque de gaz et de poussières qui
entoure une étoile, lorsque celle-ci est encore jeune, que sont
susceptibles de se former de nouvelles planètes.
Des astrophysiciens du laboratoire d’Astrophysique des
Interactions Multi-échelles (unité mixte CEA / CNRS /
Université Paris 7) sont parvenus à cartographier le disque de
gaz et de poussières qui entoure une étoile plus massive que
le Soleil. Observée grâce à la caméra infrarouge VISIR1, livrée
par le Dapnia2 à l'observatoire européen austral en 2004, la
géométrie très particulière de ce disque indique qu’il contient
assez de gaz et de poussières pour donner naissance à des
planètes. Cet objet offre la possibilité aux chercheurs d’observer directement les conditions de leur gestation.
Vue d’artiste du disque
de gaz et de poussières
ceinturant l’étoile
HD 97048.
1 VISIR : VLT Imager and Spectrometer in the InfraRed.
2 Dapnia : laboratoire de recherches sur les lois fondamentales de
l’univers, du CEA à Saclay.
Pour en savoir plus :
http://www-dapnia.cea.fr/Sap/
CONFÉRENCE CYCLOPE
Mardi 21 novembre 2006
Comment la réalité peut-elle être virtuelle ?
Par Rodolphe Gélin, responsable des programmes robotique, réalité virtuelle et ingénierie de la connaissance au CEA LIST
chirurgiens de s’entraîner sur un
patient virtuel, aux responsables d’une
installation nucléaire de préparer une
intervention.
C’est à l’origine pour ce type d’application que le CEA LIST (Laboratoire
d’intégration des systèmes et des
technologies) a développé une compétence originale dans le domaine des
interfaces haptiques (qui permettent
de toucher des objets distants ou
virtuels, pour mieux les manipuler).
Cette conférence montrera comment les
équipes du CEA LIST ont dû investiguer
des sujets comme la simulation temps
réel de phénomènes physiques ou le
pilotage des humains virtuels.
ous connaissons tous des facettes
de la réalité virtuelle qui se développe entre films de synthèse, jeux
vidéo et conception assistée par ordinateur. Faut-il la voir dans le futur que
propose le film Matrix ?
Les technologies de l’informatique, de
l’infographie mais aussi des interfaces
homme-machine permettent de créer
un monde virtuel, existant sous forme
numérique dans la mémoire d’un
ordinateur, pour qu’un opérateur s’y
immerge et agisse comme il le ferait
dans le monde réel.
Au-delà du divertissement, l’utilisation
de ces mondes virtuels permet aux
constructeurs automobiles d’utiliser
leurs futurs modèles alors que ceux-ci
ne sont que des dessins sur écrans, aux
N
Plongée au cœur des molécules.
Renseignements pratiques :
Accès : ouvert à tous, entrée gratuite
Lieu : Institut national des sciences et techniques nucléaires, Saclay (voir plan)
Horaire : 20 heures
Organisation/renseignements : Centre CEA de Saclay, Unité communication et affaires
publiques
Tél : 01 69 08 52 10
Adresse postale : 91191 Gif-sur-Yvette Cedex
Les Jeudis du CEA
Jeudi 30 novembre 2006 à 19h30,
« Des infos au bout des doigts »,
Avec Moustapha Hafez, spécialiste des interfaces sensorielles au Laboratoire d’intégration des systèmes et des technologies du
centre CEA de Fontenay-aux-Roses.
Renseignements : Lieu : café de la FNAC Vélizy, centre commercial Vélizy 2, Entrée libre