Anita Molinero - Agence Culturelle d`Alsace
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Anita Molinero - Agence Culturelle d`Alsace
f i che d é c ou verte « ULTIME CAILLOU » EXPOSITION 13:11:2009 07:02:2010 Des questions pour comprendre 1. Anita Molinero présente différentes sculptures dans l’espace du Frac Alsace. De quels matériaux se sert l’artiste pour réaliser ses oeuvres ? D’ordinaire, Anita Molinero utilise des matériaux dérisoires : plastique, résine, mousse, containers usés, sacs poubelles… des matériaux sans aucune qualité esthétique. Ces matériaux sont souvent de couleurs vives et renvoient à l’environnement urbain, à la sphère industrielle et au domaine du bâtiment. Au Frac Alsace, elle présente des sculptures faites avec du polystyrène et des déchets ultimes d’amiante. Une autre pièce est constituée par des bassins de jardin en plastique et par des déambulateurs. Une 3ème sculpture se compose de fauteuils roulants et de plaques d’inox assemblées et martelées. Les œuvres d’Anita Molinero sont ainsi constituées par quelques objets reconnaissables. Pour elle ces objets « deviennent en quelque sorte un asile pour la folie gestuelle, pour l’informe ». Elle ne transforme pas entièrement ces objets, elle dit elle-même « ce qui est poubelle reste une poubelle dans la sculpture, elle a accueilli sa part de sculpture, elle en a pris pour son compte de sculpture ». 2. « Ultime caillou » est le titre de cette exposition. Comment pouvez-vous le comprendre ? Le titre de l’exposition d’Anita Molinero au Frac Alsace, « Ultime caillou », tire son origine des déchets ultimes, déchets non toxiques qui ne sont plus susceptibles d’être traités ou valorisés, ni techniquement ni économiquement. D’autre part, le mot « ultime » renvoie à la notion d’épopée, de romanesque tandis que le mot « caillou » évoque quelque chose de banal. Sans oublier la notion de danger contrebalancée par la beauté de ces déchets ultimes. Sans titre (La noire), 2007 Bassin thermoformé en plastique, déambulateurs 300 x 260 x 150 cm Photographie : Sophie Dubosc, courtesy Galerie Alain Gutharc, Paris © Tous droits réservés Vue de l’exposition « Ultime Caillou » Frac Alsace, Novembre 2009/Février 2010 © Agence Culturelle d’Alsace 3. Quels gestes, quelles actions, sont à l’origine de telles sculptures ? Une violence est faite aux matériaux : torsions, distorsions, agressions, déchirures, brûlures, … Les matériaux sont assemblés, empilés, ligaturés, emmaillotés, entravés, recroquevillés ou encore étirés… Les formes se métamorphosent, se transforment et les couleurs se modifient. Anita Molinero prend en permanence le risque de la chute dans l’inexistence. Elle expérimente sans cesse les limites de la sculpture. Jusqu’où pousser son geste avant l’effondrement ou l’anéantissement de la forme ? 4. Quels regards portez-vous sur ces sculptures ? Qu’évoquent-elles ? Présentent-elles des caractères esthétiques ? Les sculptures d’Anita Molinero placent le visiteur dans une certaine ambivalence. Il est ballotté entre différents sentiments. Il est à la fois attiré et repoussé par ces œuvres qui présentent certaines caractéristiques de l’esthétique urbaine tant au niveau des couleurs que des matériaux/objets utilisés par l’artiste. De même ces sculptures à l’apparence menaçante qui figent et fixent les énergies violentes qui ont permis leur réalisation présentent de subtils détails de nuances, de brillances et de texture qui interpellent le visiteur attentif. Entre attirance et répulsion, les œuvres d’Anita Molinero questionnent les canons de la beauté et les archétypes de la laideur. Cocoerrance (détail), 2007 Table de travail et plaque d’inox © La BF 15 Vue de l’exposition « Ultime Caillou » (détail) Frac Alsace, Novembre 2009/Février 2010 © Agence Culturelle d’Alsace Sans titre (La rose), 2003 (détail) Plaques de polystyrène extrudé rose fondues à l’acétone et au pistolet thermique © Tous droits réservés 5. Selon vous, quels mots qualifieraient le mieux les sculptures d’Anita Molinero ? Au niveau des formes : :: Volume :: Masse :: Texture :: Formes organiques, formes sexuées : esthétique du trou, de la coulure, de l’éviscération, de la boursouflure, des protubérances Au niveau des forces structurantes : :: énergie :: Puissance :: Destruction :: Tension Le travail d’Anita Molinero est basé sur l’acte créateur, un travail du « faire ». Déchirer, brûler, marteler, assembler, organiser. Faire naître de nouvelles formes qui en appellent aux sensations sans jamais avoir de portée critique. Bien qu’on y pense, l’objet n’a pas pour vocation d’être générateur ou porteur d’un message sur le contexte social ou économique. L’objet est choisi et utilisé pour sa forme, sa texture, sa couleur initiales mais aussi pour les jeux de transformation que ces éléments subissent. Eviter le commentaire, le discours et se concentrer sur ce travail de sculpture qui renoue avec le sens premier du terme. « J’essaie de faire de l’art qui sorte de l’entre-soi tout en refusant de faire quelque chose qui séduise le public, qui devienne un « procès au monde ». Ce n’est pas évident, mais cela laisse beaucoup de place à l’objet. […] J’ai des préoccupations qui ne sont pas forcément des « opinions » sur mon époque ». 6. Quelles tensions perçoit-on entre les différents éléments en présence ? :: Violente-menaçante-agressive / jubilatoire- étonnante-séduisante :: Energie révélée par le geste et figée dans la matière :: Organique / mécanique :: Forme / informe :: Plein / vide :: Solide / liquide :: érection / effondrement :: Arrogance / défaillance :: Désir / frayeur Extrusoït, 2006 Vue de l’exposition « Extrusoït », Cycle Mille et trois plateaux, MAMCO, Genève, Suisse Photographie : Ilmari Kalkkinen Collection de l’artiste © Tous droits réservés 7. Dans les œuvres d’Anita Molinero, le corps est présent sous divers aspects ? Quels sont ces aspects ? Le travail d’Anita Molinero est un travail physique. Elle livre un véritable combat avec les matériaux qu’elle emploie. Sa confrontation à la matière est directe et violente. Le geste de l’artiste est à la fois destructeur et générateur de forme. L’implication physique du sculpteur est nécessaire et primordiale pour faire émerger ces condensés d’énergie que sont ses sculptures. Le corps est également présent au niveau des formes organiques et de la croissance vitale qui parcourent ses œuvres. Quant aux sculptures réalisées avec du matériel médical, elles évoquent le corps par son absence. Ce sont des objets prêts à accueillir un corps, leurs mesures ergonomiques sont justes. Cocoerrance, 2007 Table de travail et plaque d’inox © La BF 15 Des sensations pour expérimenter :: Anita Molinero dit que le titre d’une œuvre doit avoir la force d’un prénom « qui n’a aucun sens s’il n’est pas porté ». L’artiste dit encore que ces sculptures ont des titres qu’elle oublie la plupart du temps. Et vous quel titre, quel nom, donneriez-vous à ces différentes sculptures ? à l’exposition ? :: Quelle est l’œuvre qui vous interpelle le plus ? Pourquoi ? :: Choisissez une œuvre et inventez une autre manière de la regarder : En partant d’assez loin et en vous rapprochant de plus en plus (passez d’une vision d’ensemble à une vision détaillée), et notez les détails découverts lors de ce rapprochement. à l’inverse partez d’assez près de la sculpture et éloignez vous-en. Tournez autour de l’œuvre et prenez conscience de son développement dans l’espace et des différentes faces qu’elle présente. Des mots clés pour résumer :: Sculpture :: Geste :: Objet – matière – forme – texture – couleur. Aspect initial et après transformation. :: énergie- Force – dynamisme – violence menaçante et séduisante. Des problématiques d’art contemporain pour aller plus loin :: L’objet dans l’art contemporain. :: Le geste du sculpteur. Approche/contact physique avec la matière. :: La transformation des matériaux. :: La forme et l’informe. Des références pour compléter ses connaissances autres œuvres d’anita molinero 1ère période du début des années 80 jusqu’aux années 1995 :: Les cartons 1984-1992 :: Les mousses 1989-1995 :: Les plastiques 1990-1995 :: Les polystyrènes 1995 1987, carton, 90 x 50 cm Photographie Christian Vigneaud © Tous droits réservés 1990, adhésif, bidon, 40 x 20 cm Photographie Anita Molinero © Tous droits réservés J’aime l’Amérique, hommage à Jacques Derrida, 2007 1988, mousse, carton et baignoire d’enfant, Obstacles peints, échelles en métal, dimensions variables 70 x 100 cm Photographie Christian VigneaudJ’aime l’Amérique, La Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert, Paris, 2007 © Tous droits réservés © Tous droits réservés 1994, polyane transparent noir, mousse, parpaing, 90 x 350 cm Vue de l’exposition à l’école des Beaux-Arts de Dijon Photographie Ecole des Beaux-Arts de Dijon © Tous droits réservés 1995, Polystyrène et flotteurs, 25 x 45 x 13 cm Collection La Piscine, musée d’art et d’industrie, Roubaix © Tous droits réservés à partir de 1995 1995, polystyrène, chaines de vélo, 120 x 200 cm Vue de l’exposition à l’École Supérieure des Beaux- Arts de Paris, 1995 Photographie D. R. © Tous droits réservés 2003, plastique fondu, filets Longueur : 400 ; largeur : 280 cm Vue de l’exposition au Grand Café, Saint Nazaire, 2003 Photographie Michaël Batard © Tous droits réservés Détail Photographie Michaël Batard © Tous droits réservés Sans titre, 2005 Poubelles en PVC fondues. Env. 375 x 300 x 400 cm. Collection Centre national des arts plastiques fonds National d’Art Contemporain. © Tous droits réservés Vlani Maki, 2005 Objets divers, film adhésif, env. 4 X 17 m Vue d'exposition à la Galerie Chez Valentin Photographie Galerie Chez Valentin © Tous droits réservés Rendez-vous ! , 2008 Installation dans l’espace public Cabines téléphoniques et containers fondus Vue de l'exposition Downtown Le Havre, Biennale d’Art Contemporain Arts le Havre 2008 © Gilles Petipas, Courtesy Galerie Alain Gutharc Œuvres d’autres artistes Le matériau et l’objet (plastique et/ou métallique) :: Tony Cragg (né en 1949) Sculpteur britannique. Spectrum, 1985 Plastique, 28 x 200 x 300 © Tous droits réservés Dans l’esprit de la nouvelle sculpture anglaise qui s’est développée au milieu des années 80, Tony Cragg cherche à modifier le rapport à l’objet, il récupère pour recréer : ainsi, privilégiant le plastique parmi les rebuts de la société de consommation, il donne naissance à des compositions en fragments colorés qu’il destine aux sols ou aux murs. Il trie et réorganise les éléments récoltés pour recomposer des formes ou des figures. :: Olaf Metzel (né en 1952) Sculpteur allemand. 13.04.1981, 1987 Acier, chrome, béton, pigment 11,5 x 9 x 7 m (Vue générale) © Tous droits réservés Ses installations se caractérisent par une esthétique chaotique, dérangeante, voire déstructurée et volontairement critique et réflexive : complexes sportifs vandalisés, infrastructures urbaines réagencées ou objets usuels entassés s’inscrivent dans l’espace et nous invitent à revoir nos perceptions et nos attitudes sociales. L’œuvre 13.04.1981 est inspirée des débris qui jonchaient la principale artère commerciale de Berlin, le Kurfurstendamm, après les violents affrontements qui opposèrent les gauchistes et la police à la suite d’une information annonçant la mort en prison de membres de la Fraction armée rouge. Bien que la sculpture ait l’air d’être composée des débris de la bataille de rue, tous ses éléments sont des reproductions des barrières de la police, de blocs de béton et de Caddie qu’il a simplifiés et agrandis. La forme de la tour rappelle la célèbre maquette pour un Monument à la troisième Internationale de Tatline. :: Jessica Stockholder (née en 1959) Artiste américaine. 1995, chaise osier, bassine en plastique, éclairage, polymère synthétique, peinture à l’huile, plastique, tissu, béton, résine, bois, roues, filé, acrylique, verre … Collection Whitney Museum of American Art, New York Courtesy the artist and Mitchell-Innes & Nash, New York © Tous droits réservés Le travail de Jessica Stockholder peut prendre la forme d’installations monumentales ou de plus petite taille, mais toutes sont construites à partir d’objets du quotidien, récupérés, assemblés, scotchés parfois recouverts de tissus ou d’aplats de peinture. Selon elle, ses installations de matériel recyclé mêlent deux tendances artistiques différentes : le chaos aléatoire que pratiquaient les surréalistes et la géométrie plus ordonnée des minimalistes. Ce qui intéresse Jessica Stockholder c’est de concevoir ses installations en fonction de la couleur, du volume, de la surface et de la composition, notions inhérentes à la peinture. La couleur est souvent utilisée par apposition de teintes complémentaires, créant un jeu de tensions multiples. :: Nancy Rubins (née en 1952) Artiste américaine. Chas’ Stainless Steel, Mark Thompson’s Aiplane Parts, About 1,000 Pounds of Stainless Steel Wire, and Gagosian’s Beverly Hills Space, 2001 Acier inoxydable, pieces d’avion, fil en acier 7,6 x 16,5 x 10,1 m Vue de l’installation à la Gagosian Gallery, Beverly Hills, Californie © Tous froits réservés Nancy Rubins est célèbre pour ses sculptures, à la fois monumentales et aériennes, constituées de débris d’avions, d’appareils électroménagers, ou de matelas. Si la composition de ses assemblages se caractérise par une ingéniosité et une beauté remarquables, les matériaux choisis, eux, évoquent plutôt l’obsolescence technologique, et les décharges de la société de consommation. :: Shirley Tse (née en 1968) Artiste chinoise. Untitled, 2003 Polyéthylène, feuille de vinyle d’acétate 45 x 50 x 58 cm © Tous droits réservés Shirley Tse travaille avec le plastique, mais elle se limite aux emballages en mousse synthétique avec lesquels on cale des produits comme des chaînes hi-fi et aux sacs poubelle en plastique. « Les plastiques, dit-elle, sont une substance qui existe en permanence mais dont l’usage est temporel, omniprésent et irréel, surface et structure tout à la fois. Ce sont d’excellents exemples de réalités multiples et/ou paradoxales ». Le paradoxe auquel elle fait allusion réside peut-être dans le fait que le plastique est à la fois stérile et sensuel. Elle dispose ses rebuts en plastique en un « tout topographique intégré », un amalgame monochrome. Shirley Tse s’intéresse à ce qui, dans l’œuvre, est une « non-œuvre ». Judith Collins Le geste, l’action, qui agresse et transforme le matériau / l’objet (projeter, déchirer, lacérer, brûler, tordre, …) :: Lucio Fontana (1899-1968) Artiste italien fondateur du mouvement spatialiste. Concetto spaziale, La fine di Dio, 1963-1964 Huile sur toile, perforations et dessin 178 x 123 cm Collection Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou © Adagp Cette œuvre se présente sous la forme d’un grand monochrome ovoïde de couleur vivre constellé de multiples perforations – Les Buchi (trous) – technique inaugurée par Fontana en 1949. Ils romprent la planéïté de la surface de nombreux accidents de matière (creux et renflements) et instaurent, selon leur taille, un jeu d’ombre et de lumière. Fontana révèle, en lui portant atteinte, la qualité matérielle de la toile et redéfinit les rapports entre intérieur et extérieur de l’œuvre. G. M. :: Niki de Saint Phalle (1930-2002) Artiste française membre du groupe des Nouveaux Réalistes. © Tous droits réservés « Les tableaux-tirs font suite à une série de tableaux contenant déjà une charge agressive « irréparable » et explicite, sous la forme de nombreux objets dangereux comme des revolvers, fusils, et couteaux. Ils font suite également à un tableau intitulé « Portrait of my lover », composé de la chemise d’un amant désobligeant, de sa cravate, et d’une cible, sur lequel tout spectateur pouvait envoyer des fléchettes. Les tableaux-tirs étaient plus encore des créations réparatrices du sujet créateur, en ce que la décharge sadique s’y jouait réellement : Niki de Saint Phalle tirait dessus au fusil après les avoir remplis d’objets divers, de paquets d’aliments et de pigments, et entièrement recouverts de peinture blanche. De la sorte, les déflagrations étaient parfaitement visibles dans l’œuvre et l’achevaient, à double titre. La décharge d’agressivité de Niki de Saint Phalle dans et par ces œuvres fait d’autant moins de doute que l’artiste évoque les moments des tirs comme de véritables transes, la rendant fébrile, tremblante, passionnée, et même dépendante comme d’une drogue ». Anne-Laure Vernet, La filiation féminine en art, comme autorisation à l’acte créateur, publié dans « La création au féminin », sous la direction de Marianne Camus, Presses Universitaires de Dijon, 2007. Texte « revu et corrigé » depuis sa première publication. :: Arman (1928-2005) Artiste français, membre fondateur du Nouveau Réalisme. Untitled, 1976 Série des colères Poste de télévision cassé dans une boite en plexiglas 80 x 62 x 50 cm © Tous droits réservés Parallèlement aux Accumulations d’objets quotidiens, une autre démarche artistique est associée au nom d’Arman : les Colères, actes de vandalisme souvent exécutés en public dont les reliques sont rassemblées pour constituer un tableau. Selon Arman, la structure formelle des objets détruits dans les colères détermine l’esthétique de l’œuvre et lui accorde un caractère baroque ou cubiste selon qu’y prédominent les courbes ou les droites. :: Alberto Buri (1915-1995) Artiste italien. Rosso Plastica L.A., 1966 Plastique, acrylique, combustion sur cellotex 28,9 x 36,8 cm © Tous droits réservés À partir de 1952, il commence à réaliser sa célèbre série des sacchi (sacs), dans laquelle il inclut dans la composition des sacs en toile de jute, qu’il peint, racle et plonge dans la colle avant de les recouvrir de linges usés et déchirés, dont il utilise les trous, rapiéçages, abrasions ou éraflures, métaphores de chair humaine meurtrie, blessée et ensanglantée. À partir de 1956, il introduit, selon le même principe, des morceaux de bois (Legni, 1957), de tôles industrielles rouillées et soumises à une forte chaleur (Ferri, 1958), puis, dans les années 1960, de plastique brûlé : ce sont les Combustioni, où les minces couches de plastique, déformées et trouées par les flammes, reprennent le thème de la blessure, physique ou morale. :: Richard Serra (né en 1939) Artiste américain, rattaché à la mouvance du minimalisme. Splashing, 1968 Vue de l’installation au Castelli Warehouse, New York, 1968 (détruite) © ARS, NY and DACS, London, 2007 En 1967, Richard Serra rédige une liste de verbes et de substantifs, sorte de manifeste personnel qui définit la nature de sa sculpture, et dans lequel il énumère méthodiquement les manipulations du sculpteur. En tête de liste figure le verbe « rouler » puis, au fil de la lecture on trouve les verbes « rabattre », « emmagasiner », « courber », « raccourcir », « sectionner », « simplifier ». […] Entre 1968 et 1969, Serra illustre ainsi, par différentes réalisations, les gestes physiques qu’induisent les verbes de cette liste. En ramenant la sculpture à l’action, Serra inscrit à cette époque son travail dans une problématique proche du Process Art. Pour lui, « la perception de l’œuvre dans son état de mouvement arrêté, d’animation suspendue, ne présente pas une vérité calculable comme la géométrie, mais un sentiment de présence, un temps isolé. Une disposition manifeste au désordre et au mouvement dote la sculpture d’une qualité externe à sa définition physique ou relationnelle ». M.-L. M. La forme / l’informe (trou, assemblage, dégoulinure, nœuds…) :: Robert Morris (né en 1931) Artiste américain. Ses œuvres relèvent de différents courants : l’Art minimal, l’Antiform, le Land Art. Wall Hanging, 1969-1970 (Tenture), de la série Felt Piece Feutre découpé, 250 x 372 x 30 cm Collection Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou © Adagp, Paris, 2007 Une large pièce rectangulaire de feutre industriel appartenant à la série des Felt Pieces (Pièces de feutre) est fendue dans le sens de la longueur de cinq coups de lame de rasoir parallèles. Les entailles s’arrêtent une vingtaine de centimètres avant les bords et créent six bandes retenues ensemble des deux côtés. Si la première étape de la réalisation, effectuée à plat, sur le sol, reste dans les limites formelles de l’art minimal – lignes et plans – la pièce, une fois fixée au mur, révèle toutes les possibilités de déformation offertes par la souplesse du matériau : entraînées par leur poids, les bandes se détachent de leur pan d’origine, s’infléchissent vers le bas et ouvrent dans la pièce de larges béances selon une configuration qui échappe à l’artiste et évolue avec le temps ou en fonction de l’humidité. G. M. « Les pièces en feutre. (…) Quelques métaphores. Des tripes et des déchets, opposés aux atours de la respectabilité. Le « vêtement » du contreplaqué se détache. Le sublime viscéral se substitue au sublime infini, mathématique. Ce qui est éparpillé, empilé, arraché, étiré, embroché, tranché et éventré remplaçait la construction bien ajustée. (…) » Robert Morris :: César (1921-1998) Sculpteur français, membre du groupe des Nouveaux Réalistes. Ricard, 1962 Compression dirigée d’automobile 153 x 73 x 65 cm Collection Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou © Adagp, Paris, 2007 Expansion n°14, 1970 Coulée de polyuréthane expansé, stratifié et laqué 100 x 270 x 220 cm Collection Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou Photo : P. Migeat /CNAC/MNAM/RMN © Adagp, Paris, 2006 C’est à la forme de la Compression, c’est-à-dire à son rapport de proportions et à sa « peau » que va s’attacher César en mettant au point, à partir de 1961, la notion de Compression dirigée à laquelle appartient Ricard. Par le choix des matériaux qui composent la charge, leur nature, leur couleur et la connaissance du processus de compression, il parviendra en effet rapidement à prévoir les effets obtenus par la machine et à réintroduire dans un mécanisme, apparemment impersonnel, la conscience du créateur. Comme ces Compressions, issues de la découverte fortuite d’une presse américaine chez un ferrailleur de Gennevilliers où César se fournissait en déchets pour la réalisation de ses sculptures, les Expansions naîtront de la découverte d’un processus chimique expérimenté lors des essais de réalisation des empreintes humaines. En 1967, il réalise sa première Expansion : il s’agit de laisser librement se répandre une mousse de polyuréthane qui se solidifie rapidement. © Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics Du rendu et du surplus de matière Piero Manzoni (1933-1963) Artiste italien. Achrome, 1958 Kaolin sur toile 60 x 89 cm Musée des Beaux-Arts de Nantes Cliché couleur – René-Gabriel Ojéda / Agence photographique des Musées Nationaux © Adagp Les Achromes de Piero Manzoni sont des tableaux uniformément blancs, dont la particularité est d’être trempés dans une solution de plâtre et de colle et dont les formes sont données par le plissé ou la texture de la toile. Son travail, dans son ensemble, évite les matériaux artistiques courants, utilisant tout ce qui se présente, de la fourrure de lapin aux excréments humains comme en témoigne ses : Merde d’artiste de 1961. :: Jean Dubuffet (1901-1985) Peintre et sculpteur français. Théoricien de l’Art Brut. Matière et poids, 1960 De la série : « Matériologies » (1959-1960) Papier mâché et pâte plastique 87 x 116 x 6,5 cm Musée d’Art contemporain du Val-de-Marne Cliché couleur – Jacques Faujour © Adagp Dubuffet forme sur ses tableaux un épaississement maçonné sur toute la surface. Pour cela, il utilise les matériaux suivants : sable, gravier, goudron, plâtre, poussière de charbon, cailloux, asphalte qu’il fait cuire dans des marmites, ficelle d’alfa ou de chanvre, petits morceaux de miroirs ou de verres de couleur, Ripolin, Duco, torchis, etc. Ensuite, il dessine dans ce mélange de haute pâte avec une truelle ou une cuillère à soupe, un grattoir, un couteau, avec une brosse métallique ou avec ses doigts. :: Paul Rebeyrolle (1926-2005) Peintre français. Implosion V, 2004 Peinture sur toile 140 x 140 cm Galerie Claude Bernard, Paris © Tous droits réservés Son œuvre, qu’elle soit ou non figurative, selon les époques, manifeste toujours un rapport sensuel avec la nature, qui s’exprime à travers la richesse et le travail de la matière picturale, parfois chargée de collages de matériaux divers. Divers Photographie :: Photographies des patientes de Charcot Régnard, photographie d’Augustine, patiente de Charcot Iconographie…Tome II « Je suis fascinée par les corps photographiés des patientes de Charcot, version vivante de la sculpture baroque (...). Le corps devient un corps étrange, un corps de pierre dans la violence. De mon point de vue, il faut accepter cette défiguration, pour comprendre où passe cet acte incroyablement manqué qui fait la sculpture que je fais. » « La métaphore de l’hystérie (...) me parait une figure bien plus créative, une figure de dépassement mais aussi de dépossession de soi. » Anita Molinero :: Simone Decker (née en 1968) Artiste luxembourgeoise. Chewing in Venise, 1999 48ème Biennale de Venise 2 séries de 15 photographies. 67 x 98 cm chacune © Tous droits réservés […] De curieux événements plastiques dans les rues ou sur les quais de Venise. Des dizaines d’images dans lesquelles, sous la forme de boules, bulles, coulées et autres concrétions, un matériau coloré - que l’œil identifie vite comme du vulgaire chewing-gum, celui qui d’ordinaire se colle inopportunément aux semelles - vient s’installer sans discrétion en différents lieux de la ville. Chewing in Venice : de monumentales sculptures de bubble-gum pour la Sérénissime? Un rien d’attention visuelle, un minimum de sens du réel et le crédit esthétique accordé à Simone Decker amènent qui regarde ces photographies à comprendre : une petite forme faite avec la gluante et délicieuse friandise, comme il s’en mastique régulièrement dans nos bouches, a été photographiée sur fond de Venise selon un point de vue tel qu’elle paraît barrer une ruelle, couler le long d’une façade, décorer un campo ou agrémenter les bords du Grand Canal. Pareilles photographies constituent une réponse à la question que l’artiste, invitée à la 48e Biennale de Venise, n’avait pas manqué de se poser : comment faire une sculpture monumentale avec peu de moyens ? En utilisant un vil matériau, la gomme à mâcher, et en adoptant un angle de prise de vue qui donne l’illusion que la sculpture est plus grosse qu’elle ne l’est en réalité. Les sculptures en chewing-gum ont donc, très momentanément mais bien réellement, pris place dans Venise ; l’image que nous avons sous les yeux n’est nullement le résultat d’un photomontage. Il n’y a en quelque mesure tromperie que sur leur échelle. Michel Gauthier, 2004 Cinéma / les films de science fiction :: Terminator « J’ai rencontré le cinéma d’« effets », Terminator 2 dont il me semblait que les effets contenaient des coïncidences avec ma manière de travailler, cette transposition de l’effigie, ce besoin de rendre compte de la puissance à travers des matériaux capables de muter, de passer du liquide au solide me renvoyait à la sculpture que je tentais de faire, à la fois archaïque et technologique. » Anita Molinero à noter que les choix des visuels ou des catégories citées ci-dessous ne sont pas exhaustifs. De plus certaines références peuvent correspondre à plusieurs parties. Œuvres de la collection du frac alsace Le matériau et l’objet (plastique et/ou métallique) :: Collection Bill Culbert (né en 1935) Abat-jour/Seau, 1992 (détail) Série de 9 photographies couleur (indissociables) 60 x 40 cm chacune Collection Frac Alsace © Tous droits réservés Peintre converti à la photographie, Bill Culbert s’étonne d’être le témoin de nombreux phénomènes visuels atypiques. Observateur avisé d’une réalité parfois surprenante il décide de mettre en scène certains évènements auxquels l’oeil ne prête plus garde. à la fin des années 60, Bill Culbert passe de la peinture à la lumière. Franchir ce pas s’impose logiquement à lui du fait de son observation des phénomènes lumineux et de leur impossible appropriation, selon lui, par la peinture. L’artiste photographie des objets de récupération qui constituent des instruments ou des supports déclencheurs d’illusions optiques surprenantes. Il n’invente pas l’artifice visuel mais le met simplement en situation, le souligne. Son travail se construit également autour d’installations utilisant des éléments luminescents tels que des néons. En associant la lumière aux objets de récupération (tables, chaises, outils, portière de 2CV, etc.) il accentue le contraste entre la matérialité « crasseuse » de l’objet et l’aspect « propre » de la lumière. En ce sens il rejoint l’intention d’autres artistes de la Nouvelle Sculpture Anglaise (Mach, Cragg, Woodrow, ...) qui réutilisent des débris industriels pour mettre l’accent sur un contexte économique surproducteur de biens et de donc de déchets. :: Collection étienne Bossut (né en 1946) La vie est un jeu, 2000 Sculpture composée de 9 éléments de mobilier (salon de jardin, poubelle, réfrigérateur) moulés en polyester jaune, rouge, noir et soclés en vert échelle 1 (moulage) Collection Frac Alsace © Etienne Bossut étienne Bossut pratique le moulage, en plastique coloré dans la masse, d’objets industriels et du quotidien. Au fil des années, le plastique est devenu sa marque de fabrique. Ce matériau moderne dont il use afin de réaliser des sculptures somme toute classiques, est fortement lié au développement de la société de consommation, tandis que la technique du moulage, au cœur de son travail, interroge les notions d’original et de copie, de création ou d’imitation et s’inscrit, de ce fait, dans une longue tradition, de Marcel Duchamp en passant par Magritte et Joseph Kosuth. Chez Bossut, la copie ne se distingue parfois de l’original que par la fine « couture » laissée sur la pièce, à la jointure des deux moules. Au cours des années, il se constitue une sorte de répertoire de formes, réutilisant des moules, comme il le ferait d’un vocabulaire, pour créer de nouveaux agencements. Dans la pièce La vie est un jeu, Bossut réemploie un certain nombre de ces éléments, proposant ainsi une sorte de regard rétrospectif sur son œuvre (le moule du réfrigérateur date de 1980, celui des fauteuils de 1991). Exceptionnellement placées sur l’équivalent d’un socle – des flaques vertes évoquant des portions de gazon, comme sous les figurines en plastique – ses sculptures, fauteuils de jardins, table, réfrigérateur, pourraient passer pour des agrandissements de jouets d’enfants. Il s’agit bien pourtant de la reproduction exacte, par la technique du moulage, d’objets existants qui n’ont que l’apparence du ready-made. Tout l’intérêt de son travail réside là, dans le fait qu’il court-circuite l’obsolescence intrinsèque de l’objet manufacturé en le figeant dans un moule « à un moment donné ». Barbara Bay :: Collection Paul Pouvreau (né en 1956) Sans titre, 2003 De photographies issues de la série « Faits divers », 2002-2004 Tirage argentique Format encadré : 40 x 52 cm Collection Frac Alsace © Paul Pouvreau Natures mortes et tableaux vivants, les photographies de Paul Pouvreau cultivent le singulier et l’incongru. Familières d’un travail de composition qui les fait appartenir à la photographie plasticienne, elles sont toujours au bord de quelque chose, entre visible et insensible, entre invisible et sensible. Son art qui consiste à mettre en jeu tant les stéréotypes culturels que les codes visuels, sociaux et économiques de notre environnement vise à faire de notre monde le théâtre d’un quotidien déroutant et dérisoire, l’artiste n’ayant pas son pareil pour créer des images où la fiction le dispute à la réalité sans que l’on ne sache plus vraiment laquelle est l’une, laquelle est l’autre. « Sous des formes d’incertitudes plus que de certitudes, mon travail me semble être comme une mise en jeu continuel de la représentation du réel » précise volontiers Paul Pouvreau. Celui-ci se saisit par exemple d’un simple carton d’emballage dont le motif de paysage est silhouetté en aplat vert sur l’une des faces et le fait reposer sur un sol plus ou moins naturel d’herbes fines de sorte que l’horizon de l’un se confonde avec l’horizon de l’autre. Si la photographie lui permet d’opérer ainsi sa propre mise en ordre du réel, la démarche de Paul Pouvreau vise pour l’essentiel à déconstruire le sujet pour reconstruire le sens. Ce faisant, elle s’inscrit à l’ordre d’une production d’images dont la finalité est la mise à nu des relations, explicites ou non, qu’entretiennent les éléments qui les composent. Il y est question d’échelle et d’ordonnancement, sur un ton qui ne manque ni de rigueur, ni d’humour. Philippe Piguet Le geste, l’action, qui agresse et transforme le matériau / l’objet (projeter, déchirer, lacérer, brûler, tordre, …) :: Collection Daniel Pommereulle (1937 - 2003) Objet de Prémonition, 1975 Socle, pot de peinture, feuille de plomb froissée, lames de couteaux et lames de scalpels 60 x 41 x 50,5 cm Collection Frac Alsace © Adagp Peintre très jeune, sa première exposition personnelle a lieu en 1962. Après l’abandon de la peinture, Daniel Pommereulle réalise des assemblages d’objets dès 1962. Il participe également à des happenings. Baptisé « objecteur » par Alain Jouffroy (exposition « Les objecteurs » en 1965). Les assemblages qu’il réalise par la suite préfigurent l’Art pauvre. Pommereulle expose un Pêcher en fleur au Salon de mai de 1966 et des Objets de tentation particulièrement provocants en 1967. Il participera activement à Mai 68, où il édite un tract : « À la violence ». Quelques mois auparavant, un projet d’exposition d’appareils de torture, baptisés Urgences, qui devait coïncider avec la publication de L’Abolition de l’art d’Alain Jouffioy, avait été annulé. 1975 « Fin de siècle » avec des pièces monumentales que le C.N.A.C. Georges-Pompidou expose en 1975. Deux films : One More Time (1967) et Vite (1969) pour lesquels il conçoit successivement une machine à suicide et des plans-séquences filmés au téléobjectif ou à travers un télescope, aboutissent à une apologie du désert et de la planète Saturne. Mais c’est à partir des trois monuments : Fin de siècle, Le Toboggan et Le Mur de couteaux, qu’il définit un art de la cruauté. Dans les années 1980 à 1990, il joue sur l’agencement du verre, de la pierre et de l’acier, jouant sur la transparence. :: Collection Pascal Pinaud (né en 1964) Aster Blue Mazda, 1998 Laque automobile sur tôle, acide, vernis 175 x 110 x 8 cm Collection Frac Alsace © Pascal Pinaud à l’inventaire d’une peinture abstraite, distanciée et objective, la démarche de Pascal Pinaud apporte une contribution tout à fait personnelle. Se réclamant d’une famille de créateurs qui ont posé pour principe le rejet de tout affect, l’artiste use de pratiques aussi diverses que la marqueterie, le canevas, la peinture de carrosserie, le dessin assisté par ordinateur et autres procédures inédites qui sont chaque fois expérimentales. Jouant tant du rationnel que de l’imprévisible, Pinaud exploite les propriétés plastiques de matériaux tout aussi divers, tels le latté, l’adhésif, la laque automobile, le vernis, le gel médium, le crayon de couleur, etc. Sa façon de se présenter sous le logo « PPP » – Pascal Pinaud Peintre – en dit long sur ses rapports au fait de production de la peinture elle-même. En s’identifiant à une marque, l’artiste manifeste par là son adhésion à une conception quasi artisanale de la création, laissant soit à un tiers, soit au hasard, le soin de la manufacture. Aster Blue Mazda, datée 1998, appartient à une série de peintures dont l’exécution procède d’un protocole particulier. Peinte sur tôle, l’œuvre l’a été non à l’atelier par l’artiste lui-même mais dans le cadre programmatique des opérations ordinaires à ce genre d’exercice en matière de peinture de carrosserie automobile. Pascal Pinaud a inséré sa plaque métallique dans la chaîne entre deux véhicules à peindre prenant en compte par suite la situation telle qu’elle s’est déroulée. Si cette façon de délégation du travail place la démarche de Pinaud sur un versant conceptuel, le résultat n’en est pas moins absolument pictural. Philippe Piguet :: Collection Pascal Bernier (né en 1960) Flowers serial killer, 2001 (détails) Vidéo sonore diffusée en boucle Collection Frac Alsace © Adagp Pascal Bernier manipule habilement le paradoxe émotif. « Pour traiter de sujets ayant trait à la morbidité et à la violence de manière libératrice, dit-il, je développe un vocabulaire formel qui emprunte au pop, au minimal et à l’époque baroque en une synthèse ayant pour effet de fusionner le tragique et le comique ». L’œuvre hybride et fertile de cet artiste bruxellois égratigne scrupuleusement nos perceptions. Son « art du doute éthique » interroge les racines conscientes et inconscientes des diverses réactions qu’il suscite. La vidéo Flowers serial killer, acquise par le Frac Alsace en 2001, projette sur notre sentimentalisme un étrange jeu de massacre savamment orchestré par un bourreau pervers et consciencieux. Témoins compatissants d’abord, nous assistons impuissants à l’exécution sommaire de fleurs, victimes à la fois emblématiques et innocentes sacrifiées sur le temple de l’art. Immobilisées à l’aide de ruban adhésif, elles subissent une à une les persécutions de mains gantées anonymes, armées d’étonnants instruments de torture (ponceuse, marteau, tenaille…). Mais l’humour et l’esthétique désamorcent rapidement la cruauté de ces allégoriques mises à mort. Désormais complices amusés de cette violence gratuite, nous pouvons réfléchir aux épineuses questions, actuelles et intemporelles, que pose cette nature morte contemporaine. Et nous sentons dès lors que cette nature assassinée, ce bouquet funèbre et satirique de fleurs artificiellement flétries, distille sur le marché de l’art un doux parfum d’ironie. Christelle Kreder :: Collection Sans titre (Revinge), 2007 N°1 / 2 de la série « Revinge » 100 x 125 cm Collection Frac Alsace © Tous droits réservés Nicolas Descottes (né en 1968) Sans titre (Revinge), 2007 de la série : Revinge N° 1/7 de la série Revinge Tirage couleur RAL mat contrecollé sur aluminium, cadre bois peint en blanc, verre anti-UV 100 x 125 cm Les territoires photographiés par Nicolas Descottes sont empreints d’une ambivalence temporelle au cœur de laquelle se joue un flottement. Entièrement déshumanisés, ils sont, à Maasvlakte (2005) dans l’à-présent du moment, le terrain de déchaînements de violences naturelles, voire artificielles, impétueuses et atmosphériques : quelque chose se produit. Ils deviennent aussi à Revinge (2007) les traces de restes d’un passage fulgurant, brutal : quelque chose s’est produit. Entre préhistoire et anticipation, les carcasses de voitures sont comme autant de fossiles oubliés, les citernes fumantes des créatures fantasques et préhistoriques ressuscitées d’un temps autre ou à venir. Et pourtant, nous regardons l’après du drame, nous sommes les spectateurs d’événements sans origines, sans espace ni temps définis. Le flottement est une mise en attente, le résultat d’une ambiguïté formelle et scénaristique. Mise en demeure aussi, la notion de réalité, dans sa retranscription et dans ce qu’elle est, demande à être renégociée. La forme / l’informe (trou, assemblage, dégoulinure, nœuds…) :: Collection Occludere, 1994 Chambre à air, bois 80 x 110 cm de diamètre Collection Frac Alsace © Tous droits réservés Cyril Barrand (né en 1967) Fruit Follis, 1994 Chambre à air, bois Diamètre 85 cm Collection Frac Alsace © Tous droits réservés Gorgone, 1994 Chambres à air, osier 120 x 50 x 30 cm Collection Frac Alsace © Tous droits réservés Vieux souvenir de ces jeux d’enfant qui consistent à donner forme à une figure en reliant entre eux différents points selon un schéma préétabli, la plupart des travaux de Cyril Barrand procèdent d’une semblable construction. Qu’il s’agisse de ces grands « tableaux » composites de ses débuts ou des sculptures d’assemblage plus récentes, ce qui préside est le soin d’organiser toutes sortes de connexions, de liens, de réseaux. Tracés, graphes, découpes, greffes, aboutements, entrelacs, il y va dans cette volonté de structurer, de tisser, de ramifier, de ce que l’artiste désigne lui-même comme une « esthétique de la liaison ». On serait tenté de considérer telle démarche à l’ordre d’une pensée « nouvelle technologie » si ce n’était que Cyril Barrand en appelle à des matériaux de récupération rudimentaires, voire archaïques. Boyaux de caoutchouc, chambres à air, latex, pièces de métal, morceaux de bois, etc., sont employés par lui pour composer des objets insolites qui jouent de qualités formelles et plastiques entre contrainte, tension et compression. Ainsi de cette Gorgone, datée 1994, faite d’une structure d’osier et de morceaux de chambre à air dont les extrémités sont retenues dans son maillage et qui pendent en entrecroisant leurs formes avachies comme des tubes organiques ou les éléments curieusement mous d’un batteur ménager. L’image du poulpe, voire de la Méduse, vient se superposer à cet objet sans nom pour suggérer finalement la métaphore de la Gorgone et opérer la transmutation nécessaire qui fait basculer un monde dans l’autre. Philippe Piguet Du rendu et du surplus de matière :: Collection Bengt Lindström (né en 1925) Le cri rouge, 1984 Huile sur toile 195 x 190 cm Collection Frac Alsace © Adagp […] Lindström recrée sur ces toiles un monde absolu où ne trouvent leur place ni la nuance, ni le sommeil. C’est un monde éveillé, vivide, triomphant, d’une force tellurique sauvage. (…) La merveille étant, aujourd’hui, de garder intact l’élan foncier du créateur, son œil vorace, la puissance de son geste de prédateur, il les garde. Mieux, il les invente. Déverse sur la toile des épaisseurs successives de jaune, de rouge, de vert qu’il balaie d’un ample mouvement, bouleversant ainsi la géologie sommaire des couleurs, révélant d’un coup les ronds yeux ouverts, les larges bouches rondes de créatures nées de l’opacité de la pâte (…). Dans le lyrisme de cette peinture éclatante, la couleur établit son règne et chasse la cécité, la nuit, l’invisible. Le rouge fuse, le bleu coule, le jaune s’installe. (…) La peinture semble vouloir exploser hors de frontières trop restreintes pour contenir son élan et son dynamisme. Dans certains tableaux, le sujet dépasse le cadre – dans le Cri Rouge, par exemple – où le personnage semble avancer sa tête énorme dans l’exiguïté de l’espace qui lui est imparti. (…) On songe que Lindström apporte à la peinture de notre temps la dimension d’un imaginaire dont la générosité et la puissance sont plus que jamais indispensables pour nous aider à garder les yeux ouverts. Pia Jung :: Collection Sans titre (Marché-r), 1997 Photographie couleur contrecollée sur aluminium 60 x 90 cm Collection Frac Alsace © Tous droits réservés Sieglinde Klupsch (née en 1947) Sans titre (Marché-r), 2002 Photographie couleur contrecollée sur aluminium 60 x 90 cm Collection Frac Alsace © Tous droits réservés Peintre à l’origine, Sieglinde Klupsch est venue à la photographie, au milieu des années 1990, avec le souhait d’approcher le réel de manière directe et spontanée. Tout d’abord intéressée par les compositions incongrues des déchets qu’elle voyait dans les rues de New York, Sieglinde Klupsch, par la suite, porta notamment son attention sur les rebuts de marchés. Opérant dans un laps de temps très court, entre le moment où les commerçants commencent à remballer et avant que les employés de la ville viennent nettoyer la place, l’artiste cherche à capter un fragment temporel. Elle souhaite immortaliser ces moments de transition entre le visible et l’invisible, l’agitation et la calme mais aussi entre les éléments organiques photographiés et leurs futures décompositions respectives. Cagette bleue contenant encore quelques cerises, petits pois et feuilles d’épinard ou abattis et plumes de volailles, les deux photographies acquises par le Frac Alsace rendent compte du caractère à la fois attirant et répulsif de cette série. Si le sujet n’a rien d’attrayant, Sieglinde Klupsch en livre une vision picturale qui émane du hasard et de l’imprévu. Composition spontanée, chatoiement des couleurs, subtilité des nuances, rendu des détails…, tous ces éléments offrent non seulement un attrait visuel indéniable mais convoquent également un ressenti proche de la sensation tactile. Anne-Virginie Diez Horaire d’ouverture de l’exposition Du mercredi au dimanche de 14 h à 18 h Fermée du 21:12:2009 au 05:01:2010 Entrée libre Fonds régional d’art contemporain Accueil des groupes Agence culturelle d’Alsace 1 espace Gilbert Estève route de Marckolsheim BP 90025 67 601 Sélestat Cedex Tél. : + 33 (0)3 88 58 87 55 Fax : + 33 (0)3 88 58 87 56 E-mail : [email protected] http://frac.culture-alsace.org Visites guidées Le Frac Alsace au sein de l’Agence culturelle d’Alsace bénéficie du soutien du ministère de la Culture et de la Communication / DRAC Alsace, du Conseil Régional d’Alsace, des Conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, de l’Académie de Strasbourg et de l’Office de la Culture de Sélestat et sa Région. Il est membre de Trans Rhein Art / réseau Art Contemporain Alsace et de PLATFORM, regroupement des Fonds régionaux d’art contemporain et structures assimilées. KARLSRUHE BADEN-BADEN STRASBOURG SÉLESTAT Colmar OFFENBURG Freiburg MULHOUSE BASEL Sur rendez-vous du mercredi au vendredi Gratuites sur rendez-vous Accès De Strasbourg : par la RN 83, puis autoroute sortie Sélestat. De Mulhouse et Colmar : par la RN 83, puis autoroute sortie Sélestat. De Marckolsheim : par la RD 424, direction Sélestat vieille ville. Dans Sélestat, suivre le fléchage « Berges de l’Ill ». Trains au départ de Strasbourg (20 min), Mulhouse (30 min) et Colmar (10 min). PARTENAIREs de l’exposition Matériel gracieusement mis à disposition par Autonomie / Savoir et Compétence - Emploi - Chantier Atlas à Illkirch-Graffenstaden. Avec l’aimable participation de l’association Zébra3, programme de production Buy-sellf et des entreprises Europlasma et Knauf Insulation.