Anita Molinero - Agence Culturelle d`Alsace

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Anita Molinero - Agence Culturelle d`Alsace
f i che
d é c ou
verte
« ULTIME CAILLOU »
EXPOSITION
13:11:2009
07:02:2010
Des questions
pour comprendre
1. Anita Molinero présente différentes sculptures dans l’espace du
Frac Alsace. De quels matériaux se sert l’artiste pour réaliser ses oeuvres ?
D’ordinaire, Anita Molinero utilise des matériaux dérisoires : plastique,
résine, mousse, containers usés, sacs poubelles… des matériaux sans aucune qualité esthétique. Ces matériaux sont souvent de couleurs vives et renvoient à l’environnement urbain, à la sphère industrielle et au
domaine du bâtiment.
Au Frac Alsace, elle présente des sculptures faites avec du polystyrène et des déchets ultimes d’amiante. Une autre pièce est constituée par des bassins de jardin en plastique et par des déambulateurs.
Une 3ème sculpture se compose de fauteuils roulants et de plaques
d’inox assemblées et martelées. Les œuvres d’Anita Molinero sont ainsi
constituées par quelques objets reconnaissables. Pour elle ces objets
« deviennent en quelque sorte un asile pour la folie gestuelle,
pour l’informe ». Elle ne transforme pas entièrement ces objets, elle dit elle-même « ce qui est poubelle reste une poubelle dans la sculpture,
elle a accueilli sa part de sculpture, elle en a pris pour son compte de sculpture ».
2. « Ultime caillou » est le titre de cette exposition.
Comment pouvez-vous le comprendre ?
Le titre de l’exposition d’Anita Molinero au Frac Alsace, « Ultime caillou », tire son origine des déchets ultimes, déchets non toxiques qui ne sont plus susceptibles d’être traités ou valorisés, ni techniquement ni
économiquement.
D’autre part, le mot « ultime » renvoie à la notion d’épopée, de
romanesque tandis que le mot « caillou » évoque quelque chose de banal. Sans oublier la notion de danger contrebalancée par la beauté de ces déchets ultimes.
Sans titre (La noire), 2007
Bassin thermoformé en plastique,
déambulateurs
300 x 260 x 150 cm
Photographie : Sophie Dubosc,
courtesy Galerie Alain Gutharc, Paris
© Tous droits réservés
Vue de l’exposition « Ultime Caillou »
Frac Alsace, Novembre 2009/Février 2010
© Agence Culturelle d’Alsace
3. Quels gestes, quelles actions, sont à l’origine de telles sculptures ?
Une violence est faite aux matériaux : torsions, distorsions, agressions, déchirures, brûlures, … Les matériaux sont assemblés, empilés, ligaturés, emmaillotés, entravés, recroquevillés ou encore étirés… Les formes se
métamorphosent, se transforment et les couleurs se modifient.
Anita Molinero prend en permanence le risque de la chute dans
l’inexistence. Elle expérimente sans cesse les limites de la sculpture. Jusqu’où pousser son geste avant l’effondrement ou l’anéantissement de la forme ?
4.
Quels regards portez-vous sur ces sculptures ? Qu’évoquent-elles ?
Présentent-elles des caractères esthétiques ?
Les sculptures d’Anita Molinero placent le visiteur dans une certaine
ambivalence. Il est ballotté entre différents sentiments. Il est à la fois attiré et repoussé par ces œuvres qui présentent certaines
caractéristiques de l’esthétique urbaine tant au niveau des couleurs que des matériaux/objets utilisés par l’artiste. De même ces sculptures à
l’apparence menaçante qui figent et fixent les énergies violentes qui ont permis leur réalisation présentent de subtils détails de nuances, de brillances et de texture qui interpellent le visiteur attentif. Entre
attirance et répulsion, les œuvres d’Anita Molinero questionnent les
canons de la beauté et les archétypes de la laideur.
Cocoerrance (détail), 2007
Table de travail et plaque d’inox
© La BF 15
Vue de l’exposition « Ultime Caillou » (détail)
Frac Alsace, Novembre 2009/Février 2010
© Agence Culturelle d’Alsace
Sans titre (La rose), 2003 (détail)
Plaques de polystyrène extrudé rose fondues
à l’acétone et au pistolet thermique
© Tous droits réservés
5. Selon vous, quels mots qualifieraient le mieux les sculptures d’Anita Molinero ?
Au niveau des formes :
:: Volume
:: Masse
:: Texture
:: Formes organiques, formes sexuées : esthétique du trou, de la coulure,
de l’éviscération, de la boursouflure, des protubérances
Au niveau des forces structurantes :
:: énergie
:: Puissance
:: Destruction
:: Tension
Le travail d’Anita Molinero est basé sur l’acte créateur, un travail du « faire ». Déchirer, brûler, marteler, assembler, organiser. Faire naître de
nouvelles formes qui en appellent aux sensations sans jamais avoir de portée critique. Bien qu’on y pense, l’objet n’a pas pour vocation d’être générateur ou porteur d’un message sur le contexte social ou
économique. L’objet est choisi et utilisé pour sa forme, sa texture, sa
couleur initiales mais aussi pour les jeux de transformation que ces éléments subissent. Eviter le commentaire, le discours et se concentrer sur ce travail de sculpture qui renoue avec le sens premier du terme.
« J’essaie de faire de l’art qui sorte de l’entre-soi tout en refusant de faire quelque chose qui séduise le public, qui devienne un « procès au monde ».
Ce n’est pas évident, mais cela laisse beaucoup de place à l’objet. […] J’ai des préoccupations qui ne sont pas forcément des « opinions » sur mon époque ».
6.
Quelles tensions perçoit-on entre les différents éléments en présence ?
:: Violente-menaçante-agressive / jubilatoire- étonnante-séduisante
:: Energie révélée par le geste et figée dans la matière
:: Organique / mécanique
:: Forme / informe
:: Plein / vide
:: Solide / liquide
:: érection / effondrement
:: Arrogance / défaillance
:: Désir / frayeur
Extrusoït, 2006
Vue de l’exposition « Extrusoït »,
Cycle Mille et trois plateaux, MAMCO, Genève, Suisse
Photographie : Ilmari Kalkkinen
Collection de l’artiste
© Tous droits réservés
7. Dans les œuvres d’Anita Molinero, le corps est présent sous divers
aspects ? Quels sont ces aspects ?
Le travail d’Anita Molinero est un travail physique. Elle livre un véritable combat avec les matériaux qu’elle emploie. Sa confrontation à la matière est directe et violente. Le geste de l’artiste est à la fois destructeur et
générateur de forme. L’implication physique du sculpteur est nécessaire et primordiale pour faire émerger ces condensés d’énergie que sont ses sculptures.
Le corps est également présent au niveau des formes organiques et de la croissance vitale qui parcourent ses œuvres.
Quant aux sculptures réalisées avec du matériel médical, elles évoquent le corps par son absence. Ce sont des objets prêts à accueillir un corps, leurs mesures ergonomiques sont justes.
Cocoerrance, 2007
Table de travail et plaque d’inox
© La BF 15
Des sensations
pour expérimenter
:: Anita Molinero dit que le titre d’une œuvre doit avoir la force d’un prénom « qui n’a aucun sens s’il n’est pas porté ». L’artiste dit encore que ces sculptures ont des titres qu’elle oublie la plupart du temps. Et vous quel titre, quel nom, donneriez-vous à ces différentes sculptures ? à l’exposition ?
:: Quelle est l’œuvre qui vous interpelle le plus ? Pourquoi ?
:: Choisissez une œuvre et inventez une autre manière de la regarder :
En partant d’assez loin et en vous rapprochant de plus en plus (passez d’une vision d’ensemble à une vision détaillée), et notez les détails découverts
lors de ce rapprochement. à l’inverse partez d’assez près de la sculpture et éloignez vous-en.
Tournez autour de l’œuvre et prenez conscience de son développement dans l’espace et des différentes faces qu’elle présente.
Des mots clés
pour résumer
:: Sculpture
:: Geste
:: Objet – matière – forme – texture – couleur.
Aspect initial et après transformation.
:: énergie- Force – dynamisme – violence menaçante et séduisante.
Des problématiques
d’art contemporain
pour aller plus loin
:: L’objet dans l’art contemporain.
:: Le geste du sculpteur. Approche/contact physique avec la matière.
:: La transformation des matériaux.
:: La forme et l’informe.
Des références
pour compléter
ses connaissances
autres œuvres
d’anita molinero
1ère période du début des années 80
jusqu’aux années 1995
:: Les cartons 1984-1992
:: Les mousses 1989-1995
:: Les plastiques 1990-1995
:: Les polystyrènes 1995
1987, carton, 90 x 50 cm
Photographie Christian Vigneaud
© Tous droits réservés
1990, adhésif, bidon, 40 x 20 cm
Photographie Anita Molinero
© Tous droits réservés
J’aime
l’Amérique, hommage à Jacques Derrida, 2007
1988, mousse, carton et baignoire
d’enfant,
Obstacles peints, échelles en métal, dimensions variables
70 x 100 cm
Photographie Christian VigneaudJ’aime l’Amérique, La Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert, Paris, 2007
© Tous droits réservés
© Tous droits réservés
1994, polyane transparent noir, mousse, parpaing, 90 x 350 cm
Vue de l’exposition à l’école des Beaux-Arts de Dijon
Photographie Ecole des Beaux-Arts de Dijon
© Tous droits réservés
1995, Polystyrène et flotteurs, 25 x 45 x 13 cm
Collection La Piscine, musée d’art et d’industrie, Roubaix
© Tous droits réservés
à partir de 1995
1995, polystyrène, chaines de vélo, 120 x 200 cm
Vue de l’exposition à l’École Supérieure des Beaux- Arts de Paris, 1995
Photographie D. R.
© Tous droits réservés
2003, plastique fondu, filets
Longueur : 400 ; largeur : 280 cm
Vue de l’exposition au Grand Café, Saint Nazaire, 2003
Photographie Michaël Batard
© Tous droits réservés
Détail
Photographie Michaël Batard
© Tous droits réservés
Sans titre, 2005
Poubelles en PVC fondues.
Env. 375 x 300 x 400 cm.
Collection Centre national des arts plastiques fonds National d’Art Contemporain.
© Tous droits réservés
Vlani Maki, 2005
Objets divers, film adhésif, env. 4 X 17 m
Vue d'exposition à la Galerie Chez Valentin
Photographie Galerie Chez Valentin
© Tous droits réservés
Rendez-vous ! , 2008
Installation dans l’espace public
Cabines téléphoniques et containers fondus
Vue de l'exposition Downtown Le Havre, Biennale d’Art Contemporain Arts le Havre 2008
© Gilles Petipas, Courtesy Galerie Alain Gutharc
Œuvres d’autres artistes
Le matériau et l’objet (plastique et/ou métallique)
:: Tony Cragg (né en 1949)
Sculpteur britannique.
Spectrum, 1985
Plastique, 28 x 200 x 300
© Tous droits réservés
Dans l’esprit de la nouvelle sculpture anglaise qui s’est développée
au milieu des années 80, Tony Cragg cherche à modifier le rapport à
l’objet, il récupère pour recréer : ainsi, privilégiant le plastique parmi
les rebuts de la société de consommation, il donne naissance à des
compositions en fragments colorés qu’il destine aux sols ou aux murs.
Il trie et réorganise les éléments récoltés pour recomposer des formes
ou des figures.
:: Olaf Metzel (né en 1952)
Sculpteur allemand.
13.04.1981, 1987
Acier, chrome, béton, pigment
11,5 x 9 x 7 m
(Vue générale)
© Tous droits réservés
Ses installations se caractérisent par une esthétique chaotique,
dérangeante, voire déstructurée et volontairement critique et
réflexive : complexes sportifs vandalisés, infrastructures urbaines
réagencées ou objets usuels entassés s’inscrivent dans l’espace
et nous invitent à revoir nos perceptions et nos attitudes sociales.
L’œuvre 13.04.1981 est inspirée des débris qui jonchaient la
principale artère commerciale de Berlin, le Kurfurstendamm, après les
violents affrontements qui opposèrent les gauchistes et la police à
la suite d’une information annonçant la mort en prison de membres
de la Fraction armée rouge. Bien que la sculpture ait l’air d’être
composée des débris de la bataille de rue, tous ses éléments sont
des reproductions des barrières de la police, de blocs de béton et de
Caddie qu’il a simplifiés et agrandis. La forme de la tour rappelle la
célèbre maquette pour un Monument à la troisième Internationale de
Tatline.
:: Jessica Stockholder (née en 1959)
Artiste américaine.
1995, chaise osier, bassine en plastique, éclairage, polymère synthétique,
peinture à l’huile, plastique, tissu, béton, résine, bois, roues, filé, acrylique, verre …
Collection Whitney Museum of American Art, New York
Courtesy the artist and Mitchell-Innes & Nash, New York
© Tous droits réservés
Le travail de Jessica Stockholder peut prendre la forme d’installations
monumentales ou de plus petite taille, mais toutes sont construites
à partir d’objets du quotidien, récupérés, assemblés, scotchés
parfois recouverts de tissus ou d’aplats de peinture. Selon elle, ses
installations de matériel recyclé mêlent deux tendances artistiques
différentes : le chaos aléatoire que pratiquaient les surréalistes et la
géométrie plus ordonnée des minimalistes.
Ce qui intéresse Jessica Stockholder c’est de concevoir ses
installations en fonction de la couleur, du volume, de la surface et
de la composition, notions inhérentes à la peinture. La couleur est
souvent utilisée par apposition de teintes complémentaires, créant un
jeu de tensions multiples.
:: Nancy Rubins (née en 1952)
Artiste américaine.
Chas’ Stainless Steel, Mark Thompson’s Aiplane Parts, About 1,000 Pounds of Stainless
Steel Wire, and Gagosian’s Beverly Hills Space, 2001
Acier inoxydable, pieces d’avion, fil en acier
7,6 x 16,5 x 10,1 m
Vue de l’installation à la Gagosian Gallery, Beverly Hills, Californie
© Tous froits réservés
Nancy Rubins est célèbre pour ses sculptures, à la fois
monumentales et aériennes, constituées de débris d’avions,
d’appareils électroménagers, ou de matelas. Si la composition
de ses assemblages se caractérise par une ingéniosité et une
beauté remarquables, les matériaux choisis, eux, évoquent plutôt
l’obsolescence technologique, et les décharges de la société de
consommation.
:: Shirley Tse (née en 1968)
Artiste chinoise.
Untitled, 2003
Polyéthylène, feuille de vinyle d’acétate
45 x 50 x 58 cm
© Tous droits réservés
Shirley Tse travaille avec le plastique, mais elle se limite aux
emballages en mousse synthétique avec lesquels on cale
des produits comme des chaînes hi-fi et aux sacs poubelle en
plastique. « Les plastiques, dit-elle, sont une substance qui existe en
permanence mais dont l’usage est temporel, omniprésent et irréel,
surface et structure tout à la fois. Ce sont d’excellents exemples de
réalités multiples et/ou paradoxales ». Le paradoxe auquel elle fait
allusion réside peut-être dans le fait que le plastique est à la fois
stérile et sensuel. Elle dispose ses rebuts en plastique en un « tout
topographique intégré », un amalgame monochrome. Shirley Tse
s’intéresse à ce qui, dans l’œuvre, est une « non-œuvre ».
Judith Collins
Le geste, l’action, qui agresse et transforme
le matériau / l’objet
(projeter, déchirer, lacérer, brûler, tordre, …)
:: Lucio Fontana (1899-1968)
Artiste italien fondateur du mouvement spatialiste.
Concetto spaziale, La fine di Dio, 1963-1964
Huile sur toile, perforations et dessin
178 x 123 cm
Collection Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou
© Adagp
Cette œuvre se présente sous la forme d’un grand monochrome
ovoïde de couleur vivre constellé de multiples perforations – Les
Buchi (trous) – technique inaugurée par Fontana en 1949. Ils romprent
la planéïté de la surface de nombreux accidents de matière (creux
et renflements) et instaurent, selon leur taille, un jeu d’ombre et de
lumière. Fontana révèle, en lui portant atteinte, la qualité matérielle de
la toile et redéfinit les rapports entre intérieur et extérieur de l’œuvre.
G. M.
:: Niki de Saint Phalle (1930-2002)
Artiste française membre du groupe des Nouveaux Réalistes.
© Tous droits réservés
« Les tableaux-tirs font suite à une série de tableaux contenant déjà
une charge agressive « irréparable » et explicite, sous la forme de
nombreux objets dangereux comme des revolvers, fusils, et couteaux.
Ils font suite également à un tableau intitulé « Portrait of my lover »,
composé de la chemise d’un amant désobligeant, de sa cravate, et
d’une cible, sur lequel tout spectateur pouvait envoyer des fléchettes.
Les tableaux-tirs étaient plus encore des créations réparatrices
du sujet créateur, en ce que la décharge sadique s’y jouait
réellement : Niki de Saint Phalle tirait dessus au fusil après les avoir
remplis d’objets divers, de paquets d’aliments et de pigments, et entièrement recouverts de peinture blanche. De la sorte, les déflagrations
étaient parfaitement visibles dans l’œuvre et l’achevaient, à double
titre. La décharge d’agressivité de Niki de Saint Phalle dans et par ces
œuvres fait d’autant moins de doute que l’artiste évoque les moments
des tirs comme de véritables transes, la rendant fébrile, tremblante,
passionnée, et même dépendante comme d’une drogue ».
Anne-Laure Vernet, La filiation féminine en art, comme autorisation à l’acte créateur, publié
dans « La création au féminin », sous la direction de Marianne Camus, Presses Universitaires
de Dijon, 2007. Texte « revu et corrigé » depuis sa première publication.
:: Arman (1928-2005)
Artiste français, membre fondateur du Nouveau Réalisme.
Untitled, 1976
Série des colères
Poste de télévision cassé dans une boite en plexiglas
80 x 62 x 50 cm
© Tous droits réservés
Parallèlement aux Accumulations d’objets quotidiens, une autre
démarche artistique est associée au nom d’Arman : les Colères, actes
de vandalisme souvent exécutés en public dont les reliques sont
rassemblées pour constituer un tableau. Selon Arman, la structure
formelle des objets détruits dans les colères détermine l’esthétique
de l’œuvre et lui accorde un caractère baroque ou cubiste selon qu’y
prédominent les courbes ou les droites.
:: Alberto Buri (1915-1995)
Artiste italien.
Rosso Plastica L.A., 1966
Plastique, acrylique, combustion sur cellotex
28,9 x 36,8 cm
© Tous droits réservés
À partir de 1952, il commence à réaliser sa célèbre série des sacchi
(sacs), dans laquelle il inclut dans la composition des sacs en toile de
jute, qu’il peint, racle et plonge dans la colle avant de les recouvrir de
linges usés et déchirés, dont il utilise les trous, rapiéçages, abrasions
ou éraflures, métaphores de chair humaine meurtrie, blessée et
ensanglantée. À partir de 1956, il introduit, selon le même principe,
des morceaux de bois (Legni, 1957), de tôles industrielles rouillées
et soumises à une forte chaleur (Ferri, 1958), puis, dans les années
1960, de plastique brûlé : ce sont les Combustioni, où les minces
couches de plastique, déformées et trouées par les flammes,
reprennent le thème de la blessure, physique ou morale.
:: Richard Serra (né en 1939)
Artiste américain, rattaché à la mouvance du minimalisme.
Splashing, 1968
Vue de l’installation au Castelli Warehouse, New York, 1968 (détruite)
© ARS, NY and DACS, London, 2007
En 1967, Richard Serra rédige une liste de verbes et de substantifs,
sorte de manifeste personnel qui définit la nature de sa sculpture, et
dans lequel il énumère méthodiquement les manipulations du sculpteur.
En tête de liste figure le verbe « rouler » puis, au fil de la lecture on
trouve les verbes « rabattre », « emmagasiner », « courber », « raccourcir »,
« sectionner », « simplifier ». […] Entre 1968 et 1969, Serra illustre
ainsi, par différentes réalisations, les gestes physiques qu’induisent
les verbes de cette liste. En ramenant la sculpture à l’action, Serra
inscrit à cette époque son travail dans une problématique proche
du Process Art. Pour lui, « la perception de l’œuvre dans son état de
mouvement arrêté, d’animation suspendue, ne présente pas une vérité
calculable comme la géométrie, mais un sentiment de présence, un
temps isolé. Une disposition manifeste au désordre et au mouvement
dote la sculpture d’une qualité externe à sa définition physique ou
relationnelle ».
M.-L. M.
La forme / l’informe
(trou, assemblage, dégoulinure, nœuds…)
:: Robert Morris (né en 1931)
Artiste américain. Ses œuvres relèvent de différents courants :
l’Art minimal, l’Antiform, le Land Art.
Wall Hanging, 1969-1970
(Tenture), de la série Felt Piece
Feutre découpé, 250 x 372 x 30 cm
Collection Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou
© Adagp, Paris, 2007
Une large pièce rectangulaire de feutre industriel appartenant à la
série des Felt Pieces (Pièces de feutre) est fendue dans le sens de la
longueur de cinq coups de lame de rasoir parallèles. Les entailles
s’arrêtent une vingtaine de centimètres avant les bords et créent six
bandes retenues ensemble des deux côtés. Si la première étape de la
réalisation, effectuée à plat, sur le sol, reste dans les limites
formelles de l’art minimal – lignes et plans – la pièce, une fois fixée
au mur, révèle toutes les possibilités de déformation offertes par la
souplesse du matériau : entraînées par leur poids, les bandes se
détachent de leur pan d’origine, s’infléchissent vers le bas et ouvrent
dans la pièce de larges béances selon une configuration qui échappe
à l’artiste et évolue avec le temps ou en fonction de l’humidité.
G. M.
« Les pièces en feutre. (…) Quelques métaphores. Des tripes et des
déchets, opposés aux atours de la respectabilité. Le « vêtement » du
contreplaqué se détache. Le sublime viscéral se substitue au sublime
infini, mathématique. Ce qui est éparpillé, empilé, arraché, étiré, embroché,
tranché et éventré remplaçait la construction bien ajustée. (…) »
Robert Morris
:: César (1921-1998)
Sculpteur français, membre du groupe des Nouveaux Réalistes.
Ricard, 1962
Compression dirigée
d’automobile
153 x 73 x 65 cm
Collection Musée national
d’art moderne,
Centre Georges Pompidou
© Adagp, Paris, 2007
Expansion n°14, 1970
Coulée de polyuréthane expansé, stratifié et laqué
100 x 270 x 220 cm
Collection Musée national d’art moderne,
Centre Georges Pompidou
Photo : P. Migeat /CNAC/MNAM/RMN
© Adagp, Paris, 2006
C’est à la forme de la Compression, c’est-à-dire à son rapport de
proportions et à sa « peau » que va s’attacher César en mettant au
point, à partir de 1961, la notion de Compression dirigée à laquelle
appartient Ricard.
Par le choix des matériaux qui composent la charge, leur nature, leur
couleur et la connaissance du processus de compression, il
parviendra en effet rapidement à prévoir les effets obtenus par la
machine et à réintroduire dans un mécanisme, apparemment
impersonnel, la conscience du créateur.
Comme ces Compressions, issues de la découverte fortuite d’une
presse américaine chez un ferrailleur de Gennevilliers où César se
fournissait en déchets pour la réalisation de ses sculptures, les
Expansions naîtront de la découverte d’un processus chimique
expérimenté lors des essais de réalisation des empreintes
humaines. En 1967, il réalise sa première Expansion : il s’agit de
laisser librement se répandre une mousse de polyuréthane qui se
solidifie rapidement.
© Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics
Du rendu et du surplus de matière
Piero Manzoni (1933-1963)
Artiste italien.
Achrome, 1958
Kaolin sur toile
60 x 89 cm
Musée des Beaux-Arts de Nantes
Cliché couleur – René-Gabriel Ojéda / Agence photographique des Musées Nationaux
© Adagp
Les Achromes de Piero Manzoni sont des tableaux uniformément
blancs, dont la particularité est d’être trempés dans une solution de
plâtre et de colle et dont les formes sont données par le plissé ou la
texture de la toile. Son travail, dans son ensemble, évite les matériaux
artistiques courants, utilisant tout ce qui se présente, de la fourrure
de lapin aux excréments humains comme en témoigne ses : Merde
d’artiste de 1961.
:: Jean Dubuffet (1901-1985)
Peintre et sculpteur français. Théoricien de l’Art Brut.
Matière et poids, 1960
De la série : « Matériologies » (1959-1960)
Papier mâché et pâte plastique
87 x 116 x 6,5 cm
Musée d’Art contemporain du Val-de-Marne
Cliché couleur – Jacques Faujour
© Adagp
Dubuffet forme sur ses tableaux un épaississement maçonné sur
toute la surface. Pour cela, il utilise les matériaux suivants : sable,
gravier, goudron, plâtre, poussière de charbon, cailloux, asphalte
qu’il fait cuire dans des marmites, ficelle d’alfa ou de chanvre, petits
morceaux de miroirs ou de verres de couleur, Ripolin, Duco, torchis, etc.
Ensuite, il dessine dans ce mélange de haute pâte avec une truelle ou
une cuillère à soupe, un grattoir, un couteau, avec une brosse
métallique ou avec ses doigts.
:: Paul Rebeyrolle (1926-2005)
Peintre français.
Implosion V, 2004
Peinture sur toile
140 x 140 cm
Galerie Claude Bernard, Paris
© Tous droits réservés
Son œuvre, qu’elle soit ou non figurative, selon les époques, manifeste
toujours un rapport sensuel avec la nature, qui s’exprime à travers la
richesse et le travail de la matière picturale, parfois chargée de
collages de matériaux divers.
Divers
Photographie
:: Photographies des patientes de Charcot
Régnard, photographie d’Augustine, patiente de Charcot
Iconographie…Tome II
« Je suis fascinée par les corps photographiés des patientes de
Charcot, version vivante de la sculpture baroque (...). Le corps devient
un corps étrange, un corps de pierre dans la violence. De mon point de
vue, il faut accepter cette défiguration, pour comprendre où passe cet
acte incroyablement manqué qui fait la sculpture que je fais. »
« La métaphore de l’hystérie (...) me parait une figure bien plus
créative, une figure de dépassement mais aussi de dépossession de
soi. »
Anita Molinero
:: Simone Decker (née en 1968)
Artiste luxembourgeoise.
Chewing in Venise, 1999
48ème Biennale de Venise
2 séries de 15 photographies. 67 x 98 cm chacune
© Tous droits réservés
[…] De curieux événements plastiques dans les rues ou sur les quais
de Venise. Des dizaines d’images dans lesquelles, sous la forme
de boules, bulles, coulées et autres concrétions, un matériau
coloré - que l’œil identifie vite comme du vulgaire chewing-gum,
celui qui d’ordinaire se colle inopportunément aux semelles - vient
s’installer sans discrétion en différents lieux de la ville. Chewing in
Venice : de monumentales sculptures de bubble-gum pour la
Sérénissime? Un rien d’attention visuelle, un minimum de sens du réel
et le crédit esthétique accordé à Simone Decker amènent qui regarde
ces photographies à comprendre : une petite forme faite avec la
gluante et délicieuse friandise, comme il s’en mastique régulièrement
dans nos bouches, a été photographiée sur fond de Venise selon un
point de vue tel qu’elle paraît barrer une ruelle, couler le long d’une
façade, décorer un campo ou agrémenter les bords du Grand Canal.
Pareilles photographies constituent une réponse à la question que
l’artiste, invitée à la 48e Biennale de Venise, n’avait pas manqué de
se poser : comment faire une sculpture monumentale avec peu de
moyens ? En utilisant un vil matériau, la gomme à mâcher, et en
adoptant un angle de prise de vue qui donne l’illusion que la
sculpture est plus grosse qu’elle ne l’est en réalité. Les sculptures en
chewing-gum ont donc, très momentanément mais bien réellement,
pris place dans Venise ; l’image que nous avons sous les yeux n’est
nullement le résultat d’un photomontage. Il n’y a en quelque mesure
tromperie que sur leur échelle.
Michel Gauthier, 2004
Cinéma / les films de science fiction
:: Terminator
« J’ai rencontré le cinéma d’« effets », Terminator 2 dont il me semblait
que les effets contenaient des coïncidences avec ma manière de
travailler, cette transposition de l’effigie, ce besoin de rendre compte
de la puissance à travers des matériaux capables de muter, de passer
du liquide au solide me renvoyait à la sculpture que je tentais de
faire, à la fois archaïque et technologique. »
Anita Molinero
à noter que les choix des visuels
ou des catégories citées ci-dessous
ne sont pas exhaustifs.
De plus certaines références
peuvent correspondre à plusieurs parties.
Œuvres de la collection du
frac alsace
Le matériau et l’objet (plastique et/ou métallique)
:: Collection
Bill Culbert (né en 1935)
Abat-jour/Seau, 1992 (détail)
Série de 9 photographies couleur (indissociables)
60 x 40 cm chacune
Collection Frac Alsace
© Tous droits réservés
Peintre converti à la photographie, Bill Culbert s’étonne d’être le
témoin de nombreux phénomènes visuels atypiques. Observateur
avisé d’une réalité parfois surprenante il décide de mettre en scène
certains évènements auxquels l’oeil ne prête plus garde.
à la fin des années 60, Bill Culbert passe de la peinture à la lumière.
Franchir ce pas s’impose logiquement à lui du fait de son observation
des phénomènes lumineux et de leur impossible appropriation, selon
lui, par la peinture. L’artiste photographie des objets de récupération
qui constituent des instruments ou des supports déclencheurs
d’illusions optiques surprenantes. Il n’invente pas l’artifice visuel mais
le met simplement en situation, le souligne. Son travail se construit
également autour d’installations utilisant des éléments luminescents
tels que des néons. En associant la lumière aux objets de récupération
(tables, chaises, outils, portière de 2CV, etc.) il accentue le contraste
entre la matérialité « crasseuse » de l’objet et l’aspect « propre »
de la lumière. En ce sens il rejoint l’intention d’autres artistes de la
Nouvelle Sculpture Anglaise (Mach, Cragg, Woodrow, ...) qui réutilisent
des débris industriels pour mettre l’accent sur un contexte économique
surproducteur de biens et de donc de déchets.
:: Collection
étienne Bossut (né en 1946)
La vie est un jeu, 2000
Sculpture composée de 9 éléments de mobilier (salon de jardin, poubelle, réfrigérateur)
moulés en polyester jaune, rouge, noir et soclés en vert
échelle 1 (moulage)
Collection Frac Alsace
© Etienne Bossut
étienne Bossut pratique le moulage, en plastique coloré dans la masse,
d’objets industriels et du quotidien. Au fil des années, le plastique est
devenu sa marque de fabrique. Ce matériau moderne dont il use
afin de réaliser des sculptures somme toute classiques, est fortement
lié au développement de la société de consommation, tandis que la
technique du moulage, au cœur de son travail, interroge les notions
d’original et de copie, de création ou d’imitation et s’inscrit, de ce
fait, dans une longue tradition, de Marcel Duchamp en passant par
Magritte et Joseph Kosuth. Chez Bossut, la copie ne se distingue
parfois de l’original que par la fine « couture » laissée sur la pièce, à
la jointure des deux moules. Au cours des années, il se constitue une
sorte de répertoire de formes, réutilisant des moules, comme il le ferait
d’un vocabulaire, pour créer de nouveaux agencements. Dans la pièce
La vie est un jeu, Bossut réemploie un certain nombre de ces éléments,
proposant ainsi une sorte de regard rétrospectif sur son œuvre (le
moule du réfrigérateur date de 1980, celui des fauteuils de 1991).
Exceptionnellement placées sur l’équivalent d’un socle – des flaques
vertes évoquant des portions de gazon, comme sous les figurines en
plastique – ses sculptures, fauteuils de jardins, table, réfrigérateur,
pourraient passer pour des agrandissements de jouets d’enfants. Il
s’agit bien pourtant de la reproduction exacte, par la technique du
moulage, d’objets existants qui n’ont que l’apparence du ready-made.
Tout l’intérêt de son travail réside là, dans le fait qu’il court-circuite
l’obsolescence intrinsèque de l’objet manufacturé en le figeant dans
un moule « à un moment donné ».
Barbara Bay
:: Collection
Paul Pouvreau (né en 1956)
Sans titre, 2003
De photographies issues de la série « Faits divers », 2002-2004
Tirage argentique
Format encadré : 40 x 52 cm
Collection Frac Alsace
© Paul Pouvreau
Natures mortes et tableaux vivants, les photographies de Paul
Pouvreau cultivent le singulier et l’incongru. Familières d’un travail de
composition qui les fait appartenir à la photographie plasticienne,
elles sont toujours au bord de quelque chose, entre visible et
insensible, entre invisible et sensible. Son art qui consiste à mettre
en jeu tant les stéréotypes culturels que les codes visuels, sociaux et
économiques de notre environnement vise à faire de notre monde le
théâtre d’un quotidien déroutant et dérisoire, l’artiste n’ayant pas son
pareil pour créer des images où la fiction le dispute à la réalité sans
que l’on ne sache plus vraiment laquelle est l’une, laquelle est l’autre.
« Sous des formes d’incertitudes plus que de certitudes, mon travail
me semble être comme une mise en jeu continuel de la représentation du
réel » précise volontiers Paul Pouvreau. Celui-ci se saisit par exemple
d’un simple carton d’emballage dont le motif de paysage est silhouetté
en aplat vert sur l’une des faces et le fait reposer sur un sol plus ou
moins naturel d’herbes fines de sorte que l’horizon de l’un se confonde
avec l’horizon de l’autre. Si la photographie lui permet d’opérer ainsi
sa propre mise en ordre du réel, la démarche de Paul Pouvreau vise
pour l’essentiel à déconstruire le sujet pour reconstruire le sens.
Ce faisant, elle s’inscrit à l’ordre d’une production d’images dont la
finalité est la mise à nu des relations, explicites ou non,
qu’entretiennent les éléments qui les composent. Il y est question
d’échelle et d’ordonnancement, sur un ton qui ne manque ni de
rigueur, ni d’humour.
Philippe Piguet
Le geste, l’action, qui agresse et transforme
le matériau / l’objet
(projeter, déchirer, lacérer, brûler, tordre, …)
:: Collection
Daniel Pommereulle (1937 - 2003)
Objet de Prémonition, 1975
Socle, pot de peinture, feuille de plomb froissée, lames de couteaux et lames de scalpels
60 x 41 x 50,5 cm
Collection Frac Alsace
© Adagp
Peintre très jeune, sa première exposition personnelle a lieu en
1962. Après l’abandon de la peinture, Daniel Pommereulle réalise
des assemblages d’objets dès 1962. Il participe également à des
happenings. Baptisé « objecteur » par Alain Jouffroy (exposition « Les
objecteurs » en 1965). Les assemblages qu’il réalise par la suite
préfigurent l’Art pauvre. Pommereulle expose un Pêcher en fleur au
Salon de mai de 1966 et des Objets de tentation particulièrement
provocants en 1967. Il participera activement à Mai 68, où il édite un
tract : « À la violence ». Quelques mois auparavant, un projet d’exposition
d’appareils de torture, baptisés Urgences, qui devait coïncider avec la
publication de L’Abolition de l’art d’Alain Jouffioy, avait été annulé.
1975 « Fin de siècle » avec des pièces monumentales que le C.N.A.C.
Georges-Pompidou expose en 1975. Deux films : One More Time (1967)
et Vite (1969) pour lesquels il conçoit successivement une machine
à suicide et des plans-séquences filmés au téléobjectif ou à travers
un télescope, aboutissent à une apologie du désert et de la planète
Saturne. Mais c’est à partir des trois monuments : Fin de siècle, Le
Toboggan et Le Mur de couteaux, qu’il définit un art de la cruauté.
Dans les années 1980 à 1990, il joue sur l’agencement du verre, de
la pierre et de l’acier, jouant sur la transparence.
:: Collection
Pascal Pinaud (né en 1964)
Aster Blue Mazda, 1998
Laque automobile sur tôle, acide, vernis
175 x 110 x 8 cm
Collection Frac Alsace
© Pascal Pinaud
à l’inventaire d’une peinture abstraite, distanciée et objective, la
démarche de Pascal Pinaud apporte une contribution tout à fait
personnelle. Se réclamant d’une famille de créateurs qui ont posé
pour principe le rejet de tout affect, l’artiste use de pratiques aussi
diverses que la marqueterie, le canevas, la peinture de carrosserie, le
dessin assisté par ordinateur et autres procédures inédites qui sont
chaque fois expérimentales. Jouant tant du rationnel que de
l’imprévisible, Pinaud exploite les propriétés plastiques de matériaux
tout aussi divers, tels le latté, l’adhésif, la laque automobile, le vernis,
le gel médium, le crayon de couleur, etc. Sa façon de se présenter
sous le logo « PPP » – Pascal Pinaud Peintre – en dit long sur ses
rapports au fait de production de la peinture elle-même. En
s’identifiant à une marque, l’artiste manifeste par là son adhésion à
une conception quasi artisanale de la création, laissant soit à un tiers,
soit au hasard, le soin de la manufacture. Aster Blue Mazda, datée
1998, appartient à une série de peintures dont l’exécution procède
d’un protocole particulier. Peinte sur tôle, l’œuvre l’a été non à
l’atelier par l’artiste lui-même mais dans le cadre programmatique des
opérations ordinaires à ce genre d’exercice en matière de peinture de
carrosserie automobile. Pascal Pinaud a inséré sa plaque métallique
dans la chaîne entre deux véhicules à peindre prenant en compte par
suite la situation telle qu’elle s’est déroulée. Si cette façon de délégation
du travail place la démarche de Pinaud sur un versant conceptuel,
le résultat n’en est pas moins absolument pictural.
Philippe Piguet
:: Collection
Pascal Bernier (né en 1960)
Flowers serial killer, 2001 (détails)
Vidéo sonore diffusée en boucle
Collection Frac Alsace
© Adagp
Pascal Bernier manipule habilement le paradoxe émotif. « Pour traiter
de sujets ayant trait à la morbidité et à la violence de manière libératrice,
dit-il, je développe un vocabulaire formel qui emprunte au pop, au
minimal et à l’époque baroque en une synthèse ayant pour effet de
fusionner le tragique et le comique ». L’œuvre hybride et fertile de cet
artiste bruxellois égratigne scrupuleusement nos perceptions.
Son « art du doute éthique » interroge les racines conscientes et
inconscientes des diverses réactions qu’il suscite.
La vidéo Flowers serial killer, acquise par le Frac Alsace en 2001,
projette sur notre sentimentalisme un étrange jeu de massacre
savamment orchestré par un bourreau pervers et consciencieux.
Témoins compatissants d’abord, nous assistons impuissants à
l’exécution sommaire de fleurs, victimes à la fois emblématiques et
innocentes sacrifiées sur le temple de l’art. Immobilisées à l’aide de
ruban adhésif, elles subissent une à une les persécutions de mains
gantées anonymes, armées d’étonnants instruments de torture
(ponceuse, marteau, tenaille…). Mais l’humour et l’esthétique
désamorcent rapidement la cruauté de ces allégoriques mises à mort.
Désormais complices amusés de cette violence gratuite, nous
pouvons réfléchir aux épineuses questions, actuelles et intemporelles,
que pose cette nature morte contemporaine. Et nous sentons dès lors
que cette nature assassinée, ce bouquet funèbre et satirique de fleurs
artificiellement flétries, distille sur le marché de l’art un doux parfum
d’ironie.
Christelle Kreder
:: Collection
Sans titre (Revinge), 2007
N°1 / 2 de la série « Revinge »
100 x 125 cm
Collection Frac Alsace
© Tous droits réservés
Nicolas Descottes (né en 1968)
Sans titre (Revinge), 2007
de la série : Revinge
N° 1/7 de la série Revinge
Tirage couleur RAL mat contrecollé sur aluminium,
cadre bois peint en blanc, verre anti-UV
100 x 125 cm
Les territoires photographiés par Nicolas Descottes sont empreints
d’une ambivalence temporelle au cœur de laquelle se joue un
flottement. Entièrement déshumanisés, ils sont, à Maasvlakte (2005)
dans l’à-présent du moment, le terrain de déchaînements de
violences naturelles, voire artificielles, impétueuses et
atmosphériques : quelque chose se produit. Ils deviennent aussi
à Revinge (2007) les traces de restes d’un passage fulgurant,
brutal : quelque chose s’est produit. Entre préhistoire et anticipation,
les carcasses de voitures sont comme autant de fossiles oubliés, les
citernes fumantes des créatures fantasques et préhistoriques ressuscitées
d’un temps autre ou à venir. Et pourtant, nous regardons l’après du
drame, nous sommes les spectateurs d’événements sans origines,
sans espace ni temps définis. Le flottement est une mise en attente,
le résultat d’une ambiguïté formelle et scénaristique. Mise en demeure
aussi, la notion de réalité, dans sa retranscription et dans ce qu’elle
est, demande à être renégociée.
La forme / l’informe
(trou, assemblage, dégoulinure, nœuds…)
:: Collection
Occludere, 1994
Chambre à air, bois
80 x 110 cm de diamètre
Collection Frac Alsace
© Tous droits réservés
Cyril Barrand (né en 1967)
Fruit Follis, 1994
Chambre à air, bois
Diamètre 85 cm
Collection Frac Alsace
© Tous droits réservés
Gorgone, 1994
Chambres à air, osier
120 x 50 x 30 cm
Collection Frac Alsace
© Tous droits réservés
Vieux souvenir de ces jeux d’enfant qui consistent à donner forme à
une figure en reliant entre eux différents points selon un schéma
préétabli, la plupart des travaux de Cyril Barrand procèdent d’une
semblable construction. Qu’il s’agisse de ces grands « tableaux »
composites de ses débuts ou des sculptures d’assemblage plus
récentes, ce qui préside est le soin d’organiser toutes sortes de
connexions, de liens, de réseaux. Tracés, graphes, découpes, greffes,
aboutements, entrelacs, il y va dans cette volonté de structurer, de
tisser, de ramifier, de ce que l’artiste désigne lui-même comme une
« esthétique de la liaison ». On serait tenté de considérer telle
démarche à l’ordre d’une pensée « nouvelle technologie » si ce n’était
que Cyril Barrand en appelle à des matériaux de récupération
rudimentaires, voire archaïques. Boyaux de caoutchouc, chambres
à air, latex, pièces de métal, morceaux de bois, etc., sont employés
par lui pour composer des objets insolites qui jouent de qualités
formelles et plastiques entre contrainte, tension et compression.
Ainsi de cette Gorgone, datée 1994, faite d’une structure d’osier et de
morceaux de chambre à air dont les extrémités sont retenues dans
son maillage et qui pendent en entrecroisant leurs formes avachies
comme des tubes organiques ou les éléments curieusement mous
d’un batteur ménager. L’image du poulpe, voire de la Méduse, vient se
superposer à cet objet sans nom pour suggérer finalement la
métaphore de la Gorgone et opérer la transmutation nécessaire qui
fait basculer un monde dans l’autre.
Philippe Piguet
Du rendu et du surplus de matière
:: Collection
Bengt Lindström (né en 1925)
Le cri rouge, 1984
Huile sur toile
195 x 190 cm
Collection Frac Alsace
© Adagp
[…] Lindström recrée sur ces toiles un monde absolu où ne trouvent
leur place ni la nuance, ni le sommeil. C’est un monde éveillé, vivide,
triomphant, d’une force tellurique sauvage. (…)
La merveille étant, aujourd’hui, de garder intact l’élan foncier du
créateur, son œil vorace, la puissance de son geste de prédateur, il
les garde. Mieux, il les invente. Déverse sur la toile des épaisseurs
successives de jaune, de rouge, de vert qu’il balaie d’un ample
mouvement, bouleversant ainsi la géologie sommaire des couleurs,
révélant d’un coup les ronds yeux ouverts, les larges bouches rondes
de créatures nées de l’opacité de la pâte (…).
Dans le lyrisme de cette peinture éclatante, la couleur établit son
règne et chasse la cécité, la nuit, l’invisible. Le rouge fuse, le bleu
coule, le jaune s’installe. (…) La peinture semble vouloir exploser hors
de frontières trop restreintes pour contenir son élan et son
dynamisme. Dans certains tableaux, le sujet dépasse le cadre – dans
le Cri Rouge, par exemple – où le personnage semble avancer sa tête
énorme dans l’exiguïté de l’espace qui lui est imparti. (…) On songe
que Lindström apporte à la peinture de notre temps la dimension d’un
imaginaire dont la générosité et la puissance sont plus que jamais
indispensables pour nous aider à garder les yeux ouverts.
Pia Jung
:: Collection
Sans titre (Marché-r), 1997
Photographie couleur
contrecollée sur aluminium
60 x 90 cm
Collection Frac Alsace
© Tous droits réservés
Sieglinde Klupsch (née en 1947)
Sans titre (Marché-r), 2002
Photographie couleur contrecollée sur
aluminium
60 x 90 cm
Collection Frac Alsace
© Tous droits réservés
Peintre à l’origine, Sieglinde Klupsch est venue à la photographie,
au milieu des années 1990, avec le souhait d’approcher le réel de
manière directe et spontanée. Tout d’abord intéressée par les
compositions incongrues des déchets qu’elle voyait dans les rues
de New York, Sieglinde Klupsch, par la suite, porta notamment son
attention sur les rebuts de marchés.
Opérant dans un laps de temps très court, entre le moment où les
commerçants commencent à remballer et avant que les employés de
la ville viennent nettoyer la place, l’artiste cherche à capter un
fragment temporel. Elle souhaite immortaliser ces moments de
transition entre le visible et l’invisible, l’agitation et la calme mais
aussi entre les éléments organiques photographiés et leurs futures
décompositions respectives.
Cagette bleue contenant encore quelques cerises, petits pois et
feuilles d’épinard ou abattis et plumes de volailles, les deux
photographies acquises par le Frac Alsace rendent compte du
caractère à la fois attirant et répulsif de cette série. Si le sujet n’a rien
d’attrayant, Sieglinde Klupsch en livre une vision picturale qui émane
du hasard et de l’imprévu. Composition spontanée, chatoiement des
couleurs, subtilité des nuances, rendu des détails…, tous ces éléments
offrent non seulement un attrait visuel indéniable mais convoquent
également un ressenti proche de la sensation tactile.
Anne-Virginie Diez
Horaire d’ouverture
de l’exposition
Du mercredi au dimanche de 14 h à 18 h
Fermée du 21:12:2009 au 05:01:2010
Entrée libre
Fonds régional
d’art contemporain
Accueil des groupes
Agence culturelle d’Alsace
1 espace Gilbert Estève
route de Marckolsheim
BP 90025
67 601 Sélestat Cedex
Tél. : + 33 (0)3 88 58 87 55
Fax : + 33 (0)3 88 58 87 56
E-mail : [email protected]
http://frac.culture-alsace.org
Visites guidées
Le Frac Alsace au sein de
l’Agence culturelle d’Alsace bénéficie
du soutien du ministère de la Culture
et de la Communication / DRAC Alsace,
du Conseil Régional d’Alsace,
des Conseils généraux du Bas-Rhin
et du Haut-Rhin, de l’Académie de Strasbourg
et de l’Office de la Culture de Sélestat
et sa Région.
Il est membre de Trans Rhein Art / réseau
Art Contemporain Alsace et de PLATFORM,
regroupement des Fonds régionaux d’art
contemporain et structures assimilées.
KARLSRUHE
BADEN-BADEN
STRASBOURG
SÉLESTAT
Colmar
OFFENBURG
Freiburg
MULHOUSE
BASEL
Sur rendez-vous du mercredi au vendredi
Gratuites sur rendez-vous
Accès
De Strasbourg : par la RN 83,
puis autoroute sortie Sélestat.
De Mulhouse et Colmar : par la RN 83,
puis autoroute sortie Sélestat.
De Marckolsheim : par la RD 424,
direction Sélestat vieille ville.
Dans Sélestat, suivre le fléchage
« Berges de l’Ill ».
Trains au départ de Strasbourg (20 min),
Mulhouse (30 min) et Colmar (10 min).
PARTENAIREs
de l’exposition
Matériel gracieusement mis à
disposition par Autonomie / Savoir et
Compétence - Emploi - Chantier Atlas à
Illkirch-Graffenstaden.
Avec l’aimable participation de
l’association Zébra3, programme de
production Buy-sellf et des entreprises
Europlasma et Knauf Insulation.