Diplopie - site de l`association GENS
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¶ 17-016-A-50 Diplopie F. Audren, C. Vignal-Clermont La diplopie binoculaire est la traduction clinique d’une atteinte du système sensorimoteur oculaire. Le diagnostic topographique et étiologique repose sur l’interrogatoire et l’examen précis du patient, complétés par un bilan qui dépend des données de ce premier examen. Les paralysies oculomotrices sont la principale cause de diplopie binoculaire et leurs étiologies sont multiples, dominées par les traumatismes, les atteintes vasculaires, tumorales et la pathologie congénitale. En dehors du traitement étiologique propre, il est important de ne pas laisser les patients voir double. La prise en charge doit donc être effectuée conjointement par le neurologue et l’ophtalmologiste. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Diplopie ; Paralysie oculomotrice ; Nerf moteur oculaire commun ; Nerf pathétique ; Nerf moteur oculaire externe ; Nerf abducens Plan ¶ Introduction 1 ¶ Rappel anatomique Anatomie descriptive Anatomie fonctionnelle 2 2 2 ¶ Examen du patient atteint de diplopie 3 ¶ Interrogatoire Antécédents Diplopie 3 3 3 ¶ Examen clinique Diplopie monoculaire Diplopie binoculaire 4 4 4 ¶ Diagnostic étiologique d’une diplopie binoculaire Paralysies de fonction et atteintes internucléaires Paralysies oculomotrices À part, le strabisme 5 5 6 9 ¶ Traitement d’une diplopie binoculaire ¶ Conclusion 9 10 ■ Introduction Les mouvements oculaires ont plusieurs fonctions : • agrandir le champ de vision en transformant le champ visuel en champ de fixation ; • amener l’image de l’objet d’attention sur la fovea et la maintenir là où la résolution du système visuel est la meilleure, permettant la vision des détails, communément explorée par la mesure de l’acuité visuelle ; • placer les deux yeux de telle façon qu’ils soient correctement dirigés vers l’objet d’intérêt à tout moment, assurant le maintien d’une vision binoculaire. Dans les conditions physiologiques, les axes visuels des deux yeux sont alignés sur l’objet d’intérêt, permettant la transmission de deux images au cortex visuel, l’une venant de l’œil Neurologie © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) droit, l’une de l’œil gauche. Ces deux images sont suffisamment semblables pour que le cortex visuel intègre ces informations en une sensation unique (correspondance), mais suffisamment différente (en raison de la différence de parallaxe) pour que la somme des informations produise la sensation d’une image unique et en relief (stéréoscopie). On parle de correspondance rétinienne normale quand le développement visuel a été normal, et qu’il existe une vision stéréoscopique normale ou potentiellement normale. Dans le cas contraire, on parle de correspondance rétinienne anormale. Cette dernière circonstance se rencontre lorsqu’il y a eu un strabisme congénital ; il n’existe alors pas de vision fine du relief possible (même si le traitement du strabisme a permis le réalignement des axes visuels), et une déviation des axes visuels n’entraîne généralement pas de diplopie dans ce cas. Les mouvements oculaires sont au service de la vision binoculaire, qui n’est possible que si certaines conditions sont remplies : • acuité visuelle « suffisante » des deux yeux ; • alignement des deux yeux sur l’objet (« correspondance motrice ») ; • fonction sensorielle normale (correspondance rétinienne normale). La correspondance sensorielle est donc servie par la « correspondance motrice ». L’atteinte d’un muscle ou d’un nerf oculomoteur, ou plus rarement certaines atteintes des voies supra- ou internucléaires, vont perturber la correspondance motrice ; les informations visuelles issues des deux yeux ne pourront plus être traitées en une sensation visuelle unique. Dans ces conditions, il existe une diplopie binoculaire, qui résulte d’un « défaut de fusion des images fournies par chacun des deux yeux ». La sensation de diplopie est définie comme la « perception de deux images pour un seul objet » (Dictionnaire Garnier-Delamare). Devant ce trouble visuel, le praticien doit répondre aux trois questions suivantes : • Quelle est la topographie de l’atteinte oculomotrice responsable de la diplopie ? • Quel est son mécanisme causal ? • Quel traitement doit-on proposer au patient ? 1 17-016-A-50 ¶ Diplopie ■ Rappel anatomique (Fig. 1, 2) [1-6] Anatomie descriptive Les muscles oculomoteurs assurant la motilité oculaire extrinsèque sont au nombre de six par œil : quatre muscles droits et deux obliques. Les quatre muscles droits : supérieur (DS), inférieur (DI), médial (DM) et latéral (DL) forment un cône musculaire ; ils s’insèrent en arrière à l’apex orbitaire sur le tendon de Zinn et en avant sur le globe à une distance comprise entre 5 et 8 mm du limbe sclérocornéen (jonction entre la sclère et la cornée). Le muscle oblique supérieur (OS), anciennement appelé grand oblique, s’insère en arrière sur le tendon de Zinn ; il se dirige en avant et en dedans et se réfléchit sur sa poulie située dans l’angle supéro-interne de l’orbite, puis repart vers l’arrière et en dehors pour s’insérer sur la partie supérieure du globe, en arrière de l’équateur. L’oblique inférieur (OI), anciennement appelé petit oblique, s’insère dans l’angle inféro-interne du rebord orbitaire ; il a un trajet oblique en haut et en dehors pour s’insérer dans le quadrant inféroexterne du globe, en arrière de l’équateur. Le nerf moteur oculaire ou moteur oculaire commun (III), innerve les muscles DS, DI, DM, OI et le releveur de la paupière supérieure. Les fibres pupillaires parasympathiques innervant le sphincter irien suivent aussi le trajet du III. Le noyau du III est situé dans le tronc cérébral en avant du colliculus supérieur et comprend plusieurs sous-noyaux. L’organisation comporte deux particularités : • les fibres innervant le droit supérieur sont toutes des fibres croisées ; • l’innervation des deux releveurs de la paupière se fait à partir d’un seul sous-noyau dont le siège est médian. Les fibres du III émergent à la partie antérieure du tronc cérébral, au niveau du sillon interpédonculaire, à la terminaison du tronc basilaire ; elles cheminent ensuite le long de la tente du cervelet où elles sont pincées entre les artères cérébelleuse supérieure et cérébrale postérieure, puis sur le toit du sinus caverneux avant de pénétrer dans sa paroi latérale. À la sortie du sinus caverneux, le III se divise en deux branches supérieure et inférieure qui pénètrent dans l’orbite par la fente sphénoïdale (dans l’anneau de Zinn). Le nerf pathétique (IV) innerve l’OS. Son noyau est situé en avant du colliculus inférieur ; les fibres qui en sont issues émergent à la partie dorsale du tronc cérébral, croisent la ligne médiane et ont ensuite un trajet circumpédonculaire d’arrière en avant. Elles pénètrent dans la paroi latérale du sinus caverneux et se dirigent vers la fente sphénoïdale. Le moteur oculaire externe (VI) ou nerf abducens innerve le DL. Son noyau est situé dans la protubérance, sous le plancher du IVe ventricule. Les fibres émergent en avant, au niveau du sillon bulboprotubérantiel ; elles se dirigent vers l’avant, croisent la pointe du rocher, puis gagnent l’intérieur du sinus caverneux au contact de la carotide interne. Elles pénètrent ensuite dans l’orbite par la fente sphénoïdale, dans l’anneau de Zinn. Anatomie fonctionnelle Figure 1. Schéma représentant l’origine des noyaux des nerfs crâniens III, IV et VI. Les fibres nerveuses du IV croisent la ligne médiane pour émerger à la face postérieure du tronc cérébral, innervant l’oblique supérieur controlatéral. Le noyau du III a une structure complexe, puisque chaque muscle est innervé par des fibres provenant d’un noyau propre, sauf les deux releveurs de la paupière supérieure, innervés par des fibres ayant comme origine un noyau unique. Les fibres pupillomotrices ont leur origine dans le noyau d’Edinger-Westphal. Les fibres destinées au droit supérieur proviennent d’un sous-noyau controlatéral. 1. Noyau caudé ; 2. droit médial ; 3. droit inférieur ; 4. oblique inférieur ; 5. droit latéral ; 6. droit supérieur ; 7. oblique supérieur ; 8. noyau d’Edinger-Westphal (C. Vignal-Clermont, D. Milea et al. Neuro-ophtalmologie. Paris : Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier, SAS ; 2002). Figure 2. Trajet schématique des nerfs oculomoteurs (III, IV et VI) depuis le tronc cérébral jusqu’à l’orbite. 1. Artère communicante postérieure ; 2. artère ophtalmique ; 3. carotide (C. Vignal-Clermont, D. Milea et al. Neuro-ophtalmologie. Paris : Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier, SAS ; 2002). 2 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) L’action mécanique des muscles oculomoteurs est très complexe ; rappelons quelques notions qui sont utiles pour la compréhension du sujet. Il faut retenir que le globe oculaire est un mobile d’inertie quasi nulle, qui est soumis en permanence à la somme des différentes forces de tous les muscles oculomoteurs et des éléments conjonctivoaponévrotiques orbitaires et cela, quelle que soit la position du globe. Les forces musculaires comprennent des composantes actives (contraction dans le champ d’action du muscle), passives (élasticité lors de l’élongation du muscle lors des mouvements dans le champ d’action du muscle antagoniste) et toniques. L’abduction est effectuée par le DL et l’adduction par le DM (droits horizontaux). L’action des muscles droits verticaux (DS et DI) et des obliques est plus complexe, associant des composantes verticales et torsionnelles. L’élévation est essentiellement sous la dépendance du DS, alors que l’OI n’a d’action d’élévation que lorsque l’œil est en adduction. L’abaissement est assuré essentiellement par le DI, alors que l’OS est abaisseur lorsque l’œil est en adduction (« muscle de la lecture »). La notion de champ d’action d’un muscle est primordiale à connaître : il s’agit de la direction du regard dans laquelle un muscle est sollicité à son maximum, mais cela ne signifie pas que cette direction soit celle où le muscle agit exclusivement ou même principalement. Les différents champs d’actions sont schématisés dans la Figure 3. Les lois commandant l’innervation des muscles oculomoteurs sont fondamentales pour la compréhension des tableaux cliniques et de l’évolution de ceux-ci : • la loi de Hering est la loi d’égale innervation : « Une quantité d’énergie nerveuse adaptée est transmise aux couples musculaires synergiques, ce qui permet aux deux yeux de tourner de façon égale » ; • la loi de Sherrington est la loi d’innervation réciproque : « Quand les agonistes se contractent, les antagonistes se relâchent » ou « Quand un agoniste reçoit un influx pour se contracter, un influx inhibiteur équivalent est envoyé à son antagoniste, qui se relâche et s’allonge ». Neurologie Diplopie ¶ 17-016-A-50 Droit supérieur Oblique inférieur Droit médial Droit latéral Droit inférieur Oblique supérieur Figure 3. Champ d’action des muscles oculomoteurs (conception classique) (C. Vignal-Clermont, D. Milea et al. Neuro-ophtalmologie. Paris : Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier, SAS ; 2002). ■ Examen du patient atteint de diplopie L’examen d’un patient se plaignant de diplopie doit être soigneux et commence dès que celui-ci entre dans la salle d’examen et commence à raconter son histoire. Il faut s’attacher à observer comment il se déplace, s’assied, regarde son environnement et l’examinateur. L’examen clinique comporte deux temps importants : l’interrogatoire et l’examen de la motilité oculaire proprement dit. Voici un lexique des termes fréquemment utilisés en oculomotricité qui sont utilisés dans cet article [7]. ■ Interrogatoire Il recherche des éléments permettant d’orienter vers une étiologie. “ Antécédents Ils comprennent : • les antécédents familiaux de maladies neurologiques ou musculaires ; • les antécédents du patient : C ophtalmologiques : strabisme, chirurgie de strabisme, rééducation orthoptique, chirurgie de la cataracte, traumatisme craniofacial ou orbitaire récent, C généraux : recherche de facteurs de risque vasculaires, en particulier existence d’un diabète dont on doit préciser les caractères, C antécédents neurologiques, etc., C signes précédant l’installation de la diplopie et/ou l’accompagnant : existence de douleurs périoculaires (élément important de la démarche diagnostique), de céphalées, signes en faveur d’une maladie de Horton, notion de baisse d’acuité visuelle ou de trouble du champ visuel, existence d’éclipses visuelles... Diplopie L’interrogatoire précise les caractères de la diplopie : • mono- ou le plus souvent binoculaire, disparaissant lors de l’occlusion d’un œil ; • permanente ou transitoire (majorée par l’effort physique, orientant vers une myasthénie ; n’existant pas ou augmentée dans certaines positions du regard, par exemple diplopie uniquement à la lecture ou lors de la descente des escaliers orientant vers une atteinte de l’oblique supérieur) ; • direction de la vision double : horizontale, verticale ou oblique. Lexique des termes fréquemment utilisés en oculomotricité Duction/version/vergence : par duction, on entend un mouvement intéressant un seul œil, en général effectué alors que l’œil controlatéral est occlus. Abduction/adduction : l’abduction est un mouvement monoculaire horizontal, dirigé de dedans en dehors ; l’adduction est un mouvement monoculaire horizontal dirigé de l’extérieur vers le nez. Par version, on entend un mouvement des deux yeux dans la même direction (ou conjugué). La vergence est un mouvement des deux yeux en direction opposée (dysconjugué), souvent mis en jeu lors du rapprochement d’un objet (convergence) ou de son éloignement (divergence). Comitance/incomitance : une déviation oculaire (ou strabisme) est dite comitante ou concomitante si elle est stable dans toutes les positions du regard ; c’est en général le cas des strabismes congénitaux. Quand l’angle de la déviation change avec les mouvements oculaires, le strabisme est dit incomitant ; c’est le cas par exemple des paralysies oculomotrices où la déviation est maximale dans le champ d’action du ou des muscles paralysés. Confusion/diplopie : la diplopie est la perception de deux images pour un seul objet. La confusion se produit lorsque les deux axes visuels ne sont plus parallèles, deux images de deux points de l’espace se superposent, le patient ne sachant pas laquelle est réellement en face de lui. C’est un trouble qui n’est généralement pas décrit par le patient qui a du mal à l’analyser, mais qui est très invalidant. Phorie/tropie : une phorie (ou hétérophorie) est un trouble de l’alignement oculaire qui n’apparaît que lorsque la fixation binoculaire est rompue, par exemple lors de l’occlusion d’un œil ; lorsque le patient fixe avec ses deux yeux, il est capable de maintenir un alignement oculaire correct afin de voir simple l’objet qu’il fixe. Une tropie (ou hétérotropie) est un trouble de l’alignement oculaire présent lorsque les deux yeux sont ouverts. Il peut s’agir d’une ésotropie (déviation en convergence), d’une exotropie (déviation en divergence), d’une hypertropie (déviation vers le haut d’un œil par rapport à l’autre) ou d’une hypotropie (déviation vers le bas). Déviation primaire/déviation secondaire : on appelle déviation primaire la déviation mesurée lorsque l’œil sain est fixateur et déviation secondaire, la déviation mesurée lorsque l’œil paralysé est fixateur. En cas de paralysie oculomotrice récente, la déviation secondaire est plus importante que la déviation primaire (conséquence de la loi de Hering). Loi de Sherrington : c’est la loi d’innervation réciproque : « Quand les agonistes se contractent, les antagonistes se relâchent » ou « Quand un agoniste reçoit un influx pour se contracter, un influx inhibiteur équivalent est envoyé à son antagoniste, qui se relâche et s’allonge ». Loi de Hering : c’est la loi d’égale innervation : « Une quantité d’énergie nerveuse adaptée est transmise aux couples musculaires synergiques, ce qui permet aux deux yeux de tourner de façon égale. » Neurologie © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) 3 17-016-A-50 ¶ Diplopie ■ Examen clinique (Fig. 4) [8-10] Diplopie monoculaire Elle est le plus souvent d’origine oculaire. Pour l’éliminer, on réalise l’occlusion d’un œil puis de l’autre. La suppression de la vision double par l’occlusion d’un œil signe la diplopie binoculaire. Si l’occlusion d’un œil ne supprime pas la diplopie, c’est qu’il existe une diplopie monoculaire sur l’un des deux yeux. La mise en évidence d’une diplopie monoculaire impose de placer devant l’œil atteint un cache percé d’un trou ponctiforme (trou sténopéique). Si le trou sténopéique fait disparaître la vision double, il s’agit d’un problème purement oculaire (Tableau 1) qui est précisé par l’ophtalmologiste. Très rarement, la vision double persiste sur un œil (malgré le trou), il peut alors s’agir d’un problème psychogène, ou exceptionnellement d’une atteinte occipitale. Diplopie binoculaire Observation du patient en position de repos Le plus souvent, il existe une déviation oculaire dont on précise le type : déviation en convergence (ésotropie), en divergence (exotropie), déviation verticale isolée (hyper- ou hypotropie) ou accompagnée d’une déviation horizontale. L’inspection apprécie également l’existence d’une attitude vicieuse de la tête ou torticolis ; pour essayer de compenser la vision double, le patient tourne la tête vers le champ d’action du muscle atteint. On recherche également l’existence d’anomalies oculaires associées : • une exophtalmie dont on précise les caractères : C bilatérale, axile, s’accompagnant d’une rétraction palpébrale et d’une asynergie oculopalpébrale, elle oriente vers une orbitopathie dysthyroïdienne, 2 2 1 1 Tête sur l'épaule gauche 1 ⇒ intorsion OG ⇒ OS DS 2 ⇒ extorsion OD ⇒ OI DI Tête sur l'épaule droite 1 ⇒ intorsion OD ⇒ OS DS 2 ⇒ extorsion OG ⇒ OI DI Figure 4. Signe de Bielschowsky (paralysie de l’oblique supérieur droit). Tableau 1. Causes de diplopie monoculaire. Le plus souvent pathologie oculaire Anomalie de surface cornéenne avec irrégularité ou astigmatisme cornéen irrégulier, par exemple en rapport avec un kératocône Cataracte, subluxation ou luxation du cristallin ou implant cristallinien Problème irien : iridectomie de grande taille, iridodialyse post-traumatique Problème maculaire, par exemple membrane épirétinienne Plus rarement problème anorganique Exceptionnellement atteinte cérébrale occipitale 4 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) C unilatérale, non axile, indolore et d’apparition progressive, elle évoque plutôt un processus tumoral orbitaire ; • un ptosis : unilatéral, constant, associé à une atteinte unilatérale des muscles DI, DM et DS, il oriente vers une atteinte du III. Il est variable dans la journée, majoré par l’effort et en faveur d’une myasthénie. Par ailleurs, l’existence d’un ptosis peut masquer la diplopie ; • un trouble pupillaire : une mydriase unilatérale associée à une limitation homolatérale des DS, DI, DM signe une atteinte du III. Étude dynamique de la déviation oculaire Cette étude se fait en binoculaire (étude des versions et de la convergence) puis en monoculaire (étude des ductions). Le plus souvent, la déviation varie dans les différentes positions du regard (incomitance). De même que la diplopie, elle est maximale dans le champ d’action du ou des muscles paralysés. Le plus souvent, la diplopie est en rapport avec une paralysie oculomotrice (POM) ou une atteinte de la jonction neuromusculaire (myasthénie), mais il peut aussi s’agir d’une atteinte du muscle lui-même. Plus rarement, la diplopie est causée par une pathologie inter- ou supranucléaire. Dans le cadre d’une diplopie intermittente déclenchée ou majorée par les efforts de fixation visuelle, si l’examen ne retrouve pas de déviation oculaire en position primaire et dans les différentes positions du regard, il faut se méfier d’une hétérophorie décompensée. Dans ce cas, l’occlusion alternée démasque une déviation en convergence (ésophorie) ou en divergence (exophorie) qui disparaît en vision binoculaire. En cas de fixation prolongée, la fusion ne peut être maintenue et la diplopie apparaît. Les différents types de mouvements oculaires sont analysés un par un, dans le plan horizontal puis vertical : • étude des saccades en demandant au patient de déplacer ses yeux volontairement ; • étude de la poursuite oculaire en faisant suivre un objet déplacé lentement ; • étude du réflexe vestibulo-oculaire (RVO) par la manœuvre des « yeux de poupée ». En cas d’atteinte nucléaire ou infranucléaire, il existe une atteinte des saccades du ou des muscles paralysés et une paralysie du RVO dans le même sens. Dans les atteintes supranucléaires, on retrouve une dissociation entre la motilité saccadique volontaire atteinte et le RVO conservé. En cas de diplopie verticale En cas de diplopie verticale, le raisonnement fait toujours appel à la même procédure dite « en trois marches ». Celle-ci est surtout utile si le déficit porte sur un seul muscle : • le 1er temps précise si la déviation est maximale dans le regard vers le haut (atteinte du droit supérieur ou de l’oblique inférieur) ou vers le bas (atteinte de l’oblique supérieur ou du droit inférieur) ; • dans le deuxième temps, le patient précise si la déviation est maximale en abduction (atteinte d’un droit vertical) ou en adduction (atteinte d’un muscle oblique) ; • le dernier temps fait appel à la manœuvre de Bielschowsky. En l’absence de paralysie, l’inclinaison de la tête d’un côté entraîne une cyclotorsion compensatrice des yeux ; celle-ci, du côté où la tête est penchée, est due à l’action intorsive synergique des muscles oblique supérieur et droit supérieur qui sont intorteurs ; ces deux muscles ont également des actions verticales mais opposées et qui s’annulent. En cas de paralysie du IV, quand on incline la tête du patient du côté paralysé, seul le droit supérieur reste actif, et son action verticale n’est plus compensée par celle de l’oblique supérieur, entraînant une élévation de l’œil atteint (et une majoration de la diplopie). Cette manœuvre serait négative si la déviation verticale était due à une atteinte du DS controlatéral (Fig. 4). Neurologie Diplopie ¶ 17-016-A-50 Examen général L’ophtalmologiste complète cet examen de la motilité oculaire par une mesure de la réfraction, de l’acuité visuelle, un examen à la lampe à fente à la recherche d’une anomalie du segment antérieur de l’œil et une étude du fond d’œil. Cet examen permet de préciser la cause oculaire d’une diplopie monoculaire, de rechercher un problème de réfraction, d’éliminer une hétérophorie décompensée, ainsi que des causes ophtalmologiques plus rares de diplopie binoculaire : • une aniséiconie majeure, exceptionnelle (différence de taille des images des deux yeux, due à un problème réfractif en général, et ne permettant plus la fusion de ces images) ; • les syndromes de rétraction : C le syndrome de Stilling-Duane, qui est, dans sa forme la plus fréquente, un trouble de développement du VI, avec reinnervation aberrante du DL par le III ; ce syndrome est congénital, et il existe un déficit de l’abduction de l’œil atteint et une rétraction du globe dans le mouvement d’adduction de ce même œil (par cocontraction des DL et DM) ; C le syndrome de Brown qui est lié à une anomalie de la poulie de l’OS ; il existe une limitation de l’élévation en adduction. Examen neurologique La constatation d’une diplopie binoculaire impose le plus souvent un examen neurologique : atteinte des autres paires crâniennes, syndrome cérébelleux... Examens complémentaires Outre l’étude de la motilité oculaire, l’atteinte oculomotrice peut être précisée par différentes techniques : • quantification de la déviation oculaire (exprimée en dioptries) dans les différentes positions du regard en utilisant des barres de prisme ; • examen au verre rouge : il peut être pratiqué d’emblée en consultation et est très utile en cas de paralysie fruste. On interpose un filtre rouge devant un œil, par convention l’œil droit, et l’on demande au patient de fixer une source lumineuse blanche, qui est donc perçue rouge par l’œil droit et blanche par l’œil gauche. On peut ainsi analyser le décalage et sa variation en fonction de la position des yeux pour connaître le ou les muscles déficitaires : C dans une ésodéviation (par exemple lors d’une paralysie du VI), les deux images s’écartent dans le plan horizontal, chacune « restant du bon côté » et la diplopie est dite homonyme (« lorsque les axes visuels se croisent, les images se décroisent »), C dans une exodéviation (lors d’une atteinte du III) les images se croisent dans le plan horizontal et la diplopie est dite croisée, C l’écart entre les deux images augmente dans le champ d’action du ou des muscles paralysés, C l’image la plus périphérique est celle de l’œil paralysé. En pratique, ce test est facile à réaliser dans les atteintes limitées à un ou deux muscles et demande une bonne coopération du patient. Son principal inconvénient est l’absence de mesure quantitative du déficit ; • examens coordimétriques (test de Hess-Lancaster, de Weiss) : ils sont fondés sur le principe de la confusion, puisque chaque œil voit une image différente. Le sujet qui porte des lunettes duochromes (un verre rouge sur un œil et un verre vert sur l’autre) dans une pièce sombre est placé devant un écran quadrillé neutre ; deux torches projettent sur cet écran une flèche : la flèche rouge est vue uniquement par l’œil équipé du verre rouge et la verte par l’autre œil. Pour étudier l’œil équipé du verre rouge (l’œil droit, par convention le plus souvent), l’examinateur déplace sur l’écran la torche verte que le patient voit avec son œil gauche et donne au patient la torche rouge vue par le droit. Il lui demande de Neurologie © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) Figure 5. Examen coordimétrique normal et champs d’action des muscles oculomoteurs. DS : droit supérieur ; OI : oblique inférieur ; DL : droit latéral ; DM : droit médial ; DI : droit inférieur ; OS : oblique supérieur. superposer la flèche rouge sur la flèche verte. Pour étudier l’œil gauche équipé du verre vert, les torches sont inversées. Ce test, dont il existe des variantes, permet de mettre en évidence l’œil atteint dont le cadre de déviation est le plus petit et le ou les muscles parétiques. Il visualise également la déviation secondaire provoquée par l’hyperaction du synergique controlatéral. Ce test constitue un document objectif qui permet de quantifier l’atteinte et de suivre l’évolution du déficit. La Figure 5 illustre l’aspect d’un examen coordimétrique normal, les Figures 6 à 8 montrent les examens coordimétriques dans des POM du III, IV et VI respectivement. Au terme de l’examen clinique, le diagnostic topographique de l’atteinte responsable de la diplopie est en général posé : POM le plus souvent, mais aussi myasthénie ou atteinte musculaire. La pathologie supranucléaire est plus rarement en cause. Le diagnostic étiologique est parfois suspecté lors de l’examen clinique initial ; il est confirmé par le bilan qui est fonction de l’étiologie suspectée. ■ Diagnostic étiologique d’une diplopie binoculaire Il existe plusieurs façons de classer les diagnostics étiologiques d’une diplopie binoculaire : • en fonction de l’existence de signes associés (douleur, exophtalmie) (Tableaux 2, 3) ; • en fonction du mécanisme de l’atteinte : vasculaire, tumorale, inflammatoire... ; • enfin, en fonction de la topographie de l’atteinte et c’est cette dernière classification qui est utilisée ici. De plus, bien que les POM soient la principale cause neurologique de diplopie binoculaire, les atteintes sont étudiées en suivant les voies oculomotrices et leurs connexions, en commençant par les atteintes supranucléaires et en terminant par la pathologie musculaire. Paralysies de fonction et atteintes internucléaires [3, 8] Les atteintes supranucléaires de la latéralité et de la verticalité oculaire ne donnent en règle pas de diplopie. En revanche, l’ophtalmoplégie internucléaire antérieure (OINA) est responsable d’une vision double dans le regard latéral opposé au côté lésé. L’OINA traduit une atteinte de l’interneurone reliant les noyaux du III et du VI controlatéral (faisceau longitudinal médian). Dans ce cas, lors des mouvements de latéralité, il existe une limitation de l’adduction de l’œil du côté du faisceau longitudinal médian atteint, alors que l’œil controlatéral présente un nystagmus en abduction. C’est dans cette position de regard latéral que le patient peut se plaindre de vision double horizontale. Chez les patients de moins de 40 ans, la sclérose en plaques (SEP) est l’étiologie dans 5 17-016-A-50 ¶ Diplopie Figure 6. Exemple d’un cas de paralysie du III gauche. Examen oculomoteur : regard à droite (A), de face (B), à gauche (C), en haut (D), en bas (E) ; examen coordimétrique correspondant (F). 95 % des cas ; chez les patients plus âgés, les causes vasculaires représentent environ 60 % des cas, contre seulement 15 % pour les causes tumorales. Le diagnostic étiologique repose sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui visualise bien le tronc cérébral. Lorsqu’il existe une skew deviation, trouble supranucléaire sur les voies vestibulo-oculomotrices, qui associe une déviation oculaire verticale et une cyclotorsion, on retrouve très fréquemment une diplopie verticale. Paralysies oculomotrices [3, 11, 12] L’atteinte du VI est la plus fréquente des POM (30 à 40 % environ), suivie par l’atteinte du III partielle ou totale (25 % des cas environ) et enfin les atteintes du IV dont la fréquence varie en fonction du recrutement ou non de la pathologie congénitale ; le reste est représenté par les atteintes multiples qui sont fréquentes. Les étiologies les plus fréquentes sont les causes traumatiques (20 % environ), vasculaires (15 % environ), tumorales (10 à 20 % selon les séries) et congénitales (environ 20 %). Les autres étiologies sont plus rares. 6 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) Figure 7. Exemple d’un cas de paralysie du IV droit. A. Attitude spontanée avec tête penchée du côté opposé à celui de la paralysie. B. Manœuvre de Bielschowsky : tête penchée du côté opposé à la paralysie, pas de diplopie. C. Tête penchée du côté de la paralysie, élévation de l’œil paralysé. D. Examen coordimétrique correspondant. Atteinte du nerf moteur oculaire commun (III) Elle représente entre 25 et 33,5 % de l’ensemble des POM. Elle peut être totale ou partielle. Elle est le plus souvent liée à une lésion tronculaire située entre le tronc cérébral et l’orbite, le long du trajet du nerf. Sur le plan clinique, dans la forme complète, il existe une exodéviation et, du côté de l’atteinte, un ptosis qui peut masquer la diplopie. En cas d’atteinte intrinsèque, la pupille du côté atteint est en mydriase aréactive. Lorsque l’œil est maintenu ouvert, il existe une diplopie croisée avec un petit décalage vertical des images. La mobilisation fait apparaître un déficit de l’adduction (y compris lors de la convergence), de l’élévation et de l’abaissement. L’examen coordimétrique confirme la limitation du mouvement de l’œil dans ces différentes directions et Neurologie Diplopie ¶ 17-016-A-50 Tableau 3. Diplopie et exophtalmie (d’après [10]). Tumeur orbitaire Elle peut atteindre n’importe quelle structure orbitaire : l’os, la graisse, les muscles oculomoteurs, le nerf optique et les méninges L’histologie est variable : tumeur primitive neurogène (méningiome, gliome), prolifération lymphoïde, tumeur vasculaire, métastase orbitaire Affection inflammatoire orbitaire aiguë ou chronique Infections orbitaires : cellulites pouvant se compliquer de thrombophlébite du sinus caverneux Inflammations orbitaires : - spécifiques : ophtalmopathie dysthyroïdienne, sarcoïdose, périartérite noueuse, lupus, maladie de Wegener - non spécifiques : inflammation orbitaire idiopathique Infiltration orbitaire : amylose Fistules carotidocaverneuses : spontanées ou traumatiques, exophtalmie soufflante Figure 8. Exemple d’un cas de paralysie du VI gauche. Examen oculomoteur : regard à droite (A), de face (B), à gauche (C), examen coordimétrique correspondant (D). Tableau 2. Ophtalmoplégie douloureuse, d’après [10]. Problème diagnostique Éliminer un anévrisme+++ (IRM, artériographie) Rechercher l’existence d’une atteinte pupillaire Anévrisme carotidien III douloureux avec atteinte pupillaire Autres étiologies vasculaires Diabète (III)++ Vascularites (Horton, périartérite noueuse, lupus, sarcoïdose) Fistules carotidocaverneuses (traumatisme, souffle) Sclérose en plaques Inflammation, infections locorégionales Inflammations orbitaires Zona ophtalmique (POM dans 5 % des cas) Infections, inflammations ORL (cavum, otomastoïdite, sinusite sphénoïdale) Tolosa et Hunt Étiologie tumorale Orbite, apex orbitaire, région parasellaire (sinus caverneux), fente sphénoïdale Migraine ophtalmologique Rare, surtout enfant, diagnostic d’élimination IRM : imagerie par résonance magnétique ; ORL : oto-rhino-laryngologie ; POM : paralysie oculomotrice ; III : moteur oculaire commun. montre l’hyperaction secondaire de tous les mouvements de l’œil sain, en dehors de l’adduction (Fig. 6). Il peut également exister une atteinte extrinsèque isolée avec respect de la pupille ; parfois, l’atteinte est partielle, touchant un ou deux muscles. Neurologie © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) Les causes des atteintes du III chez l’adulte sont : • une origine anévrismale dans 20 à 30 % des cas ; • une étiologie ischémique dans 20 % des cas environ (grande fréquence des atteintes du III d’origine diabétique qui peuvent être douloureuses) ; • une fréquence de 10 à 20 % pour les causes traumatiques ; • une fréquence de 10 à 15 % pour les causes tumorales avec ou sans hypertension intracrânienne (HIC) ; • les autres étiologies sont plus rares : C la SEP qui représente 7 % des cas environ, C la maladie de Horton qui doit être évoquée systématiquement chez le sujet âgé : la diplopie est le signe fonctionnel initial du Horton dans 12 % des cas et le III est la paire crânienne la plus souvent atteinte dans cette maladie, C les causes infectieuses (méningites, encéphalites), C le très rare syndrome de Tolosa-Hunt. Dans 10 à 14 % des cas, la POM du III reste d’étiologie indéterminée, avec probablement une grande proportion d’atteintes vasculaires. Chez l’enfant, 50 % environ des atteintes du III isolées sont d’origine congénitale ; les autres étiologies sont traumatiques (15 à 25 % des cas), tumorales (10 %) ; les étiologies anévrismales sont rares (7 %). Notons sur ce terrain la migraine ophtalmoplégique, qui reste un diagnostic d’élimination. La conduite à tenir devant une atteinte du III isolée dépend de l’existence ou non d’une atteinte pupillaire, d’une douleur, du caractère brutal ou progressif, proportionnel ou non de la paralysie, et de l’âge du patient. L’existence d’une mydriase associée à une atteinte du III extrinsèque est en faveur d’une compression (tumeur, anévrisme) car les fibres pupillaires sont situées à la périphérie du nerf. Une atteinte du III avec atteinte pupillaire associée à une douleur impose la réalisation en urgence d’une IRM avec angiographie par résonance magnétique (ARM), voire artériographie cérébrale, seul examen permettant d’éliminer formellement l’existence d’un anévrisme intracrânien. À l’inverse, une paralysie du III sans atteinte pupillaire est plutôt en faveur d’un processus ischémique. En pratique, chez le sujet de moins de 40 à 45 ans (a fortiori sans facteur de risque cardiovasculaire), une IRM doit être pratiquée quel que soit l’état pupillaire. En cas d’atteinte de la pupille, a fortiori s’il existe une douleur associée, l’IRM (complétée par une angio-IRM) est réalisée en urgence et complétée éventuellement par une artériographie. Chez les sujets plus âgés présentant des facteurs de risque cardiovasculaire, avec une atteinte du III complète sans atteinte pupillaire, une surveillance et un bilan des facteurs de risque cardiovasculaire et éliminant une maladie de Horton (la réalisation d’une vitesse de sédimentation [VS] et d’une protéine C réactive [CRP] est systématique après 55 ans) sont indiqués. 7 17-016-A-50 ¶ Diplopie Le patient doit être revu régulièrement. Les POM ischémiques régressent en règle en 3 à 4 mois. En cas d’évolution atypique, un bilan neuroradiologique est indiqué. L’atteinte partielle du III, ne touchant pas tous les muscles, n’est en règle pas d’origine ischémique et impose un bilan neuroradiologique pour éliminer une compression. Beaucoup plus rare, l’atteinte du noyau du III est responsable d’une atteinte du III homolatérale et d’une paralysie de l’élévation de l’œil controlatéral qui apparaît dévié vers le bas en position primaire. À ce tableau peut s’associer un ptosis bilatéral. Les accidents vasculaires en sont la cause la plus fréquente. Tableau 4. Diagnostic topographique des atteintes combinées de plusieurs nerfs occulomoteurs. Syndrome de la loge caverneuse III, IV, V, VI et sympathique Syndrome de la fente sphénoïdale III, IV, VI, V1 Syndrome de l’apex orbitaire II, III, IV, VI, V1 Syndrome de Weber (pied du pédoncule) III, hémiplégie croisée Syndrome pédonculaire de Benedikt (noyau rouge) III, mouvements anormaux controlatéraux (ataxie cérébelleuse, tremblement) Atteinte du nerf pathétique (IV) Syndrome de Millard-Gubler (protubérance) VI, VII périphérique, hémiplégie croisée respectant la face La paralysie du IV est responsable d’une attitude vicieuse de la tête, inclinée et tournée vers le côté sain, menton abaissé. Il existe une diplopie verticale qui prédomine dans le regard en bas et en dedans, et gêne la lecture, la marche, la descente des escaliers. En position primaire, l’hypertropie est modérée ou absente et l’œil ne peut se porter en bas et en dedans ; la diplopie augmente si le sujet incline la tête sur l’épaule du côté paralysé avec, dans ce cas, un mouvement d’élévation de l’œil paralysé : c’est la manœuvre de Bielschowsky (cf. supra). Le coordimètre objective la limitation de l’OS et l’hyperaction secondaire du DI controlatéral (Fig. 7). Une réelle difficulté diagnostique est rencontrée dans les paralysies bilatérales frustes du IV : en effet, le patient est gêné par une diplopie torsionnelle qu’il n’interprète que rarement comme une vision double et l’examen oculomoteur est subnormal. L’examen clinique s’appuie alors sur l’étude des torsions oculaires subjectives dans les différentes directions du regard et sur les torsions objectives observées lors de l’examen du fond d’œil. Les deux grandes causes de la paralysie du IV isolée sont les atteintes traumatiques (25 à 50 %) et congénitales. Les autres étiologies : vasculaires (15 %), SEP, tumeurs (5 à 10 %), infections, collagénoses... sont beaucoup plus rares. La chronologie d’une POM du IV d’origine vasculaire est identique à celle du VI : • début brutal, souvent avec une douleur périorbitaire ; • déviation oculaire présente pendant 4 à 6 semaines ; • en général, récupération complète. En pratique, devant une atteinte du IV non traumatique chez un adulte, étant donné la grande fréquence des atteintes congénitales, il est nécessaire de pratiquer, quel que soit l’âge du patient, un bilan oculomoteur avec une mesure de l’amplitude de fusion. Celle-ci est mesurée par l’orthoptiste et représente l’étendue des mouvements possibles dans les différentes directions en maintenant la perception d’une image unique. En cas de décompensation d’un IV congénital, cette amplitude de fusion est souvent importante et aucune exploration complémentaire n’est nécessaire. En cas de mauvaise amplitude de fusion chez un sujet jeune, il est nécessaire d’éliminer une cause tumorale en pratiquant une IRM. Chez le sujet âgé à risque vasculaire, un bilan des facteurs de risque, ainsi qu’une surveillance clinique sont nécessaires. Une imagerie est pratiquée en cas de non-régression de l’atteinte, voire de son extension. Syndrome de l’angle pontocérébelleux V, VII et VIII. Atteinte du VI tardive Syndrome de la pointe du rocher (Gradenigo) V et VI Syndrome de Garcin (base du crâne) Atteinte homolatérale multiple étendue des nerfs crâniens de I à XII Atteintes du nerf moteur oculaire externe (VI) C’est la plus fréquente des POM ; elle n’a pas de valeur localisatrice. Elle associe : • une diplopie horizontale homonyme, maximale dans le regard du côté paralysé ; • une attitude vicieuse de la tête, tournée vers le côté du muscle paralysé ; • un strabisme convergent incomitant, œil atteint en adduction avec abduction impossible. L’examen coordimétrique montre une limitation de l’abduction de l’œil pathologique avec une hyperaction secondaire du DM de l’œil adelphe (Fig. 8). Chez l’adulte jeune, les causes traumatiques sont les plus fréquentes et impliquent un bilan neuroradiologique. En dehors 8 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) de ce contexte, les atteintes vasculaires prédominent après 40 ans. Elles sont volontiers précédées ou accompagnées d’une douleur péri- ou rétro-oculaire. Le bilan retrouve une hypertension artérielle et/ou un diabète. L’atteinte régresse en 3 à 6 mois. Les autres étiologies sont moins fréquentes : tumorales (par irritation, compression du nerf ou par hypertension intracrânienne [HIC]), la SEP, les causes infectieuses (méningites, mastoïdites), inflammatoires (Horton, sarcoïdose, TolosaHunt) ; les étiologies indéterminées ne sont pas rares. Chez l’enfant, les principales étiologies sont traumatiques (40 %) et tumorales (30 à 40 %). En pratique, en cas d’atteinte non traumatique isolée du VI, chez le sujet de moins de 40 ans, il est nécessaire de pratiquer un bilan neuroradiologique (scanner, IRM). Si celui-ci est négatif, on réalise un bilan sanguin, un examen oto-rhinolaryngologique et une ponction lombaire. Chez le sujet plus âgé à risque vasculaire, il est nécessaire d’évaluer les facteurs de risque par un bilan biologique complet incluant la recherche d’une maladie de Horton. Le patient doit être surveillé régulièrement, l’absence d’amélioration entraînant la réalisation d’un bilan neuroradiologique. En cas de non-amélioration de l’atteinte motrice en 4 à 6 mois, l’imagerie devra être répétée. Une paralysie bilatérale du VI peut s’observer dans les atteintes traumatiques et au cours de l’HIC. Il existe dans ce cas une diplopie horizontale qui augmente dans le regard latéral droit et gauche et est moins importante dans le regard de face. Il existe une limitation bilatérale de l’abduction avec une hyperaction bilatérale des DM. Les atteintes bilatérales du VI nécessitent un bilan neuroradiologique et, en cas de normalité de celui-ci, une ponction lombaire. Atteintes combinées de plusieurs nerfs oculomoteurs [13] L’atteinte combinée de plusieurs nerfs oculomoteurs impose la réalisation d’un bilan radiologique afin de déterminer la localisation de la lésion en cause et son étiologie. L’association de différentes POM a une grande valeur localisatrice. Plusieurs syndromes sont ainsi constitués (Tableau 4). Les causes les plus fréquentes sont traumatiques et tumorales, mais il peut aussi s’agir d’atteintes inflammatoires. Parmi les étiologies des atteintes combinées de plusieurs nerfs oculomoteurs, le syndrome de Tolosa-Hunt réalise une ophtalmoplégie douloureuse. Il s’agit d’une inflammation idiopathique du sinus caverneux et/ou de l’apex orbitaire. C’est un diagnostic d’élimination qui ne doit être retenu qu’après avoir éliminé une inflammation spécifique, et en particulier la sarcoïdose, une cause infectieuse ou tumorale. Son traitement repose sur la corticothérapie. Neurologie Diplopie ¶ 17-016-A-50 Parmi les autres affections inflammatoires pouvant atteindre plusieurs nerfs oculomoteurs, on cite également le syndrome de Miller-Fischer, variante du syndrome de Guillain-Barré qui associe une ophtalmoplégie souvent rapide et bilatérale, une diplégie faciale fréquente et une atteinte des nerfs périphériques avec ataxie et aréflexie ostéotendineuse. Atteinte de la jonction neuromusculaire : la myasthénie [9] La myasthénie doit être évoquée devant une diplopie intermittente, variable, majorée par les efforts musculaires et la fatigue. Elle touche le plus souvent la femme (3 pour 1) avant 40 ans. Les signes oculomoteurs, diplopie et ptosis, sont inauguraux dans 70 % des cas et environ 95 % des patients présentent une atteinte oculomotrice au cours de la maladie. La pupille est toujours épargnée. Les muscles les plus souvent atteints sont le releveur de la paupière supérieure, le DM et ensuite le DS. Si l’atteinte oculomotrice reste isolée pendant 2 ans, il y a une probabilité très faible pour que le patient développe par la suite une myasthénie généralisée. Le diagnostic, suspecté à l’interrogatoire devant l’existence d’une diplopie variable, peut être précisé par : • l’existence d’une faiblesse des orbiculaires, la variabilité d’un ptosis associé et de la diplopie avec leur majoration après l’effort ; • l’existence d’un signe de Cogan lors de l’examen : on le recherchera en demandant au patient de regarder vers le bas puis de face. En cas de ptosis myasthénique, lors de la remontée de l’œil en position primaire, on assiste à un relèvement de la paupière supérieure au-dessus de sa position de départ, puis à son abaissement progressif par fatigabilité excessive du releveur de la paupière supérieure ; • le test au glaçon ; celui-ci, placé entre 1 et 2 minutes sur la paupière supérieure, diminue, voire fait disparaître, le ptosis myasthénique ; ce test simple est sensible et assez spécifique de cette affection. Le diagnostic peut être confirmé par la positivité d’un test avec un anticholinestérasique (Tensilon®, Prostigmine® Enlon®) qui entraîne la régression de la diplopie et du ptosis. On peut également rechercher la présence d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine (présents dans seulement 50 % environ des formes oculaires pures) ou l’existence d’un bloc myasthénique par un électromyogramme. Atteintes musculaires [6] Plusieurs types d’affections musculaires peuvent être responsables d’une diplopie : • les causes traumatiques : incarcération du DI dans une fracture du plancher de l’orbite (rechercher d’autres signes, inconstants : anesthésie du nerf sous-orbitaire, énophtalmie) ; désinsertion de la poulie du grand oblique lors d’un traumatisme orbitaire ; • l’ophtalmopathie dysthyroïdienne qui se caractérise de la façon suivante : C l’atteinte oculomotrice est la résultante d’un processus dysimmunitaire, C elle peut précéder, accompagner ou suivre l’atteinte endocrinienne (le plus souvent dans le cadre d’une maladie de Basedow), C on recherche une exophtalmie et une rétraction palpébrale avec une asynergie oculopalpébrale, C les muscles le plus souvent atteints sont le DI puis le DM, C l’atteinte musculaire inflammatoire s’accompagne d’une augmentation de volume du corps musculaire bien visible en échographie, au scanner ou à l’IRM, Neurologie © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) C cette inflammation évolue progressivement vers la fibrose avec une limitation de l’excursion oculaire dans le champ d’action du ou des muscles atteints, et plus encore dans les champs opposés (syndromes de restriction), C le traitement repose sur la normalisation de la fonction thyroïdienne parfois associée à une corticothérapie générale ou à une radiothérapie orbitaire ; à la phase des séquelles, si une diplopie persiste, une chirurgie oculomotrice est alors indiquée ; • les myosites, atteintes inflammatoires d’un ou plusieurs muscles oculomoteurs, sont responsables d’une ophtalmoplégie douloureuse ; elles sont le plus souvent idiopathiques mais peuvent être liées à des inflammations spécifiques (sarcoïdose, maladie de Wegener) ; l’atteinte musculaire peut être isolée ou s’intégrer dans un tableau d’inflammation orbitaire plus diffuse ; • les affections musculaires héréditaires, parmi lesquelles on cite l’ophtalmoplégie externe progressive où l’atteinte oculomotrice est le plus souvent bilatérale, s’accompagnent d’un ptosis précoce et où les patients se plaignent rarement de diplopie. À part, le strabisme Il n’existe en règle pas de diplopie chez les patients présentant un strabisme congénital, car une des images est neutralisée au niveau cortical. Le strabisme aigu est une entité rare, qui survient le plus souvent chez un grand enfant hypermétrope. L’apparition de la diplopie et de la déviation en convergence est brutale et parfois un facteur déclenchant est retrouvé (traumatisme psychologique, virose). La déviation est en règle concomitante sans paralysie oculomotrice. Au moindre doute, une imagerie doit être pratiquée. Une diplopie peut également survenir sur un strabisme congénital en cas de modification sensorielle (chirurgie de la cataracte, chirurgie réfractive) ou motrice brutale. ■ Traitement d’une diplopie binoculaire En dehors du traitement de l’étiologie, du traitement médical (diabète, maladie de Horton, myasthénie...) ou chirurgical (réduction d’une fracture du plancher de l’orbite, ablation d’une tumeur...) qui n’est pas envisagé ici, il est important de ne pas laisser les patients voir double. En effet, lorsqu’il existe un strabisme paralytique, les lois de l’équilibre oculomoteur de Hering et Sherrington font qu’une paralysie d’un muscle oculomoteur entraîne une hyperstimulation de son synergique controlatéral et une hyperaction qui peut aboutir à une contracture puis à des remaniements fibreux irréversibles. Les patients présentant une diplopie doivent donc être pris en charge sur les plans ophtalmologique et orthoptique où les indications du traitement sont posées. Différentes méthodes de traitement peuvent être envisagées : • l’occlusion : il peut s’agir d’une occlusion totale d’un œil ou partielle dans un champ de vision, si la diplopie n’existe que dans certaines positions du regard ; selon les cas (âge du patient, acuité visuelle, type de la paralysie), on envisage soit une occlusion de l’œil paralysé, soit une occlusion alternée chaque jour, voire parfois une occlusion de l’œil sain ; cette méthode est surtout utile à la phase aiguë ou lorsque l’angle est très variable et trop important pour autoriser une prismation ; 9 17-016-A-50 ¶ Diplopie Éliminer une hétérophorie décompensée Déviation oculaire de face + motilité Vision simple = diplopie binoculaire Pas de déviation motilité normale - problème ophtalmologique : anisométropie - diplopie physiologique - problème fonctionnel Déviation stable - strabisme aigu Occlusion d'un œil puis de l'autre Diplopie Déviation variable - trouble supranucléaire - POM - myasthénie - myopathie (Basedow) Vision double = diplopie monoculaire Trou sténopéique Vision simple - problème réfractif - cataracte Figure 9. Vision double - problème fonctionnel - problème occipital Arbre décisionnel. Diagnostic d’une diplopie. POM : paralysie oculomotrice. • l’injection de toxine botulinique a été proposée dans les paralysies récentes isolées du VI ; elle permet de diminuer l’angle de déviation, mais peut avoir comme effet secondaire un ptosis ; • les prismes peuvent être envisagés dans le cas d’une atteinte dans une seule direction, si la déviation est assez stable et peu importante ; là encore, ils peuvent être placés sur l’œil paralysé, répartis entre les deux yeux ou plus rarement être mis sur l’œil sain ; • la rééducation orthoptique n’est pas utile au stade aigu, quand la déviation est importante et qu’il n’est pas possible au patient de fusionner ; à un stade trop précoce, elle ne fait qu’augmenter la contracture. En revanche, à la phase de récupération, dès qu’il est possible d’obtenir une fusion ou si l’on peut obtenir un parallélisme avec des prismes, elle permet de stimuler la fusion et d’en augmenter l’amplitude ; • enfin, au stade des séquelles, en l’absence de récupération au bout de 6 mois à un 1 an et sur une déviation stable, une chirurgie oculomotrice peut parfois être proposée. ■ Conclusion (Fig. 9) Le traitement, en dehors du traitement étiologique spécifique, se fait au stade des séquelles et fait appel aux prismes et à la chirurgie des muscles oculomoteurs. La prise en charge des patients repose sur une coopération entre le médecin traitant, le neurologue, l’ophtalmologiste et l’orthoptiste. À aucun moment, à partir de la première consultation du patient, il ne faut laisser celui-ci voir double. . ■ Références [1] [2] [3] [4] [14] L’existence d’une diplopie binoculaire traduit une atteinte du système oculomoteur. Le premier temps de la démarche diagnostique est l’analyse clinique des caractères de la vision double qui permet de localiser l’atteinte et de déterminer les examens complémentaires nécessaires à réaliser pour le diagnostic étiologique. La demande d’explorations de neuroimagerie doit en effet être guidée par l’examen et non pas venir en première intention comme un « parapluie ». 10 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) [5] [6] [7] Blaustein B. Ocular motility disfunction. In: Ocular manifestations of neurologic diseases. St Louis: Mosby Year Book; 1996. p. 111-26. HulloA. Paralysies oculomotrices. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-500-A-10, 1995 : 36p. Larmande PL. Neuro-ophtalmologie. Paris: Masson; 1989. Tourbah A, Schaison-Cusin M, Bakchine S, Pierrot-Deseilligny C, Cabanis EA, Lyon-Caen O. Manifestations ophtalmologiques au cours des atteintes du système nerveux. 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EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-016-A-50, 2007. Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Neurologie © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855) Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations 11 Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et em-premium.com : 1 autoévaluation Cliquez ici © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/04/2015 par Blazquez Luis (21855)